République et canton de Genève

Grand Conseil

Chargement en cours ...

M 2314-A
Rapport de la commission des travaux chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Pascal Spuhler, Florian Gander, Jean-François Girardet, Daniel Sormanni, Jean-Marie Voumard, Ronald Zacharias, Sandro Pistis, Sandra Golay, André Python, Christian Flury, Danièle Magnin, Thierry Cerutti, Jean-Luc Forni, Marc Falquet, Henry Rappaz, Bernhard Riedweg, Francisco Valentin, Christo Ivanov : Standardisation informatique du canton
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XII des 26 et 27 janvier 2017.
Rapport de majorité de M. François Lefort (Ve)
Rapport de minorité de M. Florian Gander (MCG)

Débat

Le président. Pour cette proposition de motion, nous sommes en catégorie II, quarante minutes. Monsieur le rapporteur de majorité, vous avez la parole.

M. François Lefort (Ve), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de motion invite le Conseil d'Etat «à regrouper toute la gestion du parc informatique de l'Etat au sein de la DGSI», la direction générale des services informatiques, et «à procéder à une réforme en profondeur [pour] une harmonisation des systèmes informatiques afin d'éviter les doublons et le gaspillage des ressources humaines et financières» - tels sont les termes des invites.

Mesdames et Messieurs les députés, les auditions de la DGSI, puis de la conseillère d'Etat chargée du DIP, ont démontré que la gestion du parc informatique est en fait déjà en grande partie regroupée et que pour une partie de l'Etat, les systèmes informatiques sont uniformisés; lorsqu'ils ne le sont pas - principalement au DIP - c'est en fait pour de bonnes raisons. La gouvernance de la DGSI a été organisée il y a quelques années par un règlement qui a permis de totalement centraliser la gestion de l'informatique de l'Etat justement à la DGSI. Ce règlement prévoyait trois exceptions: l'informatique du Grand Conseil, celle du pouvoir judiciaire et celle du secteur pédagogique du DIP. La séparation des pouvoirs justifie bien sûr l'autonomie de l'informatique du Grand Conseil comme celle du pouvoir judiciaire. Quant au DIP, son mode de fonctionnement n'est pas celui de l'administration, où chaque collaborateur a un poste standard installé par la DGSI. L'informatique du DIP n'est pas indépendante de la DGSI: tous les crédits d'investissement et les budgets de fonctionnement qui relèvent de l'informatique sont déjà gérés par la DGSI; cela inclut bien sûr les achats d'ordinateurs et les achats de logiciels. Les serveurs et les réseaux sont aussi gérés par la DGSI pour une plus grande optimisation du matériel informatique. Par contre, les postes de travail principalement pédagogiques sont installés, eux, par le DIP, qui les équipe de Windows, de Linux ou de Mac selon les préférences des utilisateurs ou selon les besoins. Ce que demande cette motion revient finalement à faire faire ce travail par la DGSI à la place du DIP; on parle ici de l'installation de ces logiciels sur des postes de travail du DIP. Cela nécessiterait bien sûr d'engager des collaborateurs supplémentaires.

Les discussions en commission ont ensuite dérivé sur le choix des logiciels: libres ou pas libres ? Harmonisés ou pas ? L'audition du DIP a confirmé les besoins très spécifiques de l'enseignement et donc le besoin de maintenir une grande liberté de choix, afin de faire justement des choix appropriés à chaque situation pour que le meilleur outil soit choisi et soit disponible dans chaque domaine pédagogique. On donnera en particulier l'exemple des filières professionnelles où l'outil doit évidemment être en phase avec celui qui sera utilisé par les élèves dans le monde professionnel à l'issue de leur formation.

Les questions posées par ce texte étaient tout à fait intéressantes, mais les auditions et les travaux menés par la commission ont montré que la situation était déjà très satisfaisante, bien gérée par la DGSI, raison pour laquelle la majorité n'est pas entrée en matière sur cette proposition de motion et vous recommande d'en faire de même ce soir. Je vous remercie.

M. Florian Gander (MCG), rapporteur de minorité. En écoutant les propos de mon préopinant, et ayant bien écouté ce qui s'est passé à la commission des travaux, j'ai élaboré une réflexion sur ce texte parlementaire; en accord avec mon groupe, dans l'hypothèse où cette motion serait acceptée, je propose d'ores et déjà la suppression de la première invite, puisque apparemment cela pose un problème de gestion que de devoir tout renvoyer à la DGSI. Par rapport à cela, et pour contredire ce qu'a dit mon préopinant, il n'y aurait pas de ressources à engager: celles-ci existent déjà, les personnes qui s'occupent actuellement de l'informatique du DIP sont des personnes qui étaient anciennement à la DGSI et ont simplement été affectées à un autre département. Ça, c'était pour l'information.

Ensuite, il y a deux discours: celui qui concerne les logiciels libres et celui qui concerne les systèmes d'exploitation libres. Il s'agit là d'un choix important et d'une économie qui n'est pas réelle: on parle de 150 000 F d'économie pour l'achat des systèmes d'exploitation; on n'achète plus alors des ordinateurs avec Windows dessus, mais on installe un logiciel libre type Linux. Cette économie de 150 000 F est réelle dans le sens où on n'achète pas la licence, mais concrètement, ça demande des ressources supplémentaires ainsi qu'un travail supplémentaire pour assurer la compatibilité entre le matériel et le système d'exploitation dit libre. Ainsi, on n'a pas une réelle économie: il s'agit plus d'un effet de manche que d'une économie sur l'achat des licences. Ça, c'est au primaire.

En ce qui concerne le secondaire II, il y a des écoles, des centres de formation professionnelle qui ont aboli les systèmes d'exploitation libres car ils n'entrent absolument pas en adéquation avec la formation aux professions; je pense à celles de la santé, qui travaillent à 99,9% avec Windows ou Mac. Ce matériel doit être acheté avec des licences, ce sont des solutions qu'on nomme «clef en main» pour lesquelles il n'y a pas de travail d'adaptation, de technicien, pour qu'il y ait une compatibilité entre elles; il en résulte un gain de temps et des économies sur le temps de travail et sur le personnel nécessaires.

Chers collègues, je vous invite à soutenir cette motion et à soutenir éventuellement mon amendement, qui propose de supprimer la première invite et de garder la seconde, soit: «à procéder à une réforme en profondeur conduisant à une harmonisation des systèmes informatiques afin d'éviter les doublons», c'est-à-dire les techniciens dans les deux départements, «et le gaspillage de ressources humaines et financières». Je vous remercie de réserver un bon accueil à cette motion.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, je comprends les difficultés ou la mauvaise humeur que certaines personnes peuvent éprouver parce qu'elles ont des Mac et que les programmes pour PC ne marchent pas dessus, et réciproquement, et que le système x ne correspond pas à celui qu'on a installé sur son ordinateur parce qu'on n'a pas eu l'argent pour acheter l'autre programme, et ainsi de suite: c'est vrai, l'informatique, ce n'est pas simple. Mais résumer cela à logiciel propriétaire, logiciel libre, système propriétaire, système libre, il me semble que c'est un peu court. On n'a pas le droit, quelque part, de priver nos enfants et nos élèves d'avoir un accès, une information, un début de compréhension des logiciels libres. Pardon, mais même si on est à Genève, en Suisse, où certains peuvent s'acheter des Mac qui coûtent le double des PC - d'autres ne peuvent pas se les acheter, mais achètent des PC et des logiciels qui coûtent ce qu'ils coûtent, mais qui coûtent chaque fois qu'on veut changer un logiciel, puisqu'il faut changer tout le système... Dans une assez grande partie du monde, qui n'a pas les moyens de se payer ces outils, on fonctionne très bien avec des logiciels libres. A un niveau universitaire, parfois, les systèmes propriétaires ne sont plus capables d'aller assez loin et assez vite, et on travaille avec du libre, parce que les étudiants ne peuvent plus s'acheter les programmes, à un moment donné ça devient trop cher.

Pouvoir, de par l'installation et l'existence à l'école de ces programmes et systèmes libres, commencer à ouvrir l'esprit des élèves à ce sujet, je pense que ce n'est pas une faute, bien au contraire: ce serait dommage de priver notre jeunesse de ce langage qui existe et de tout ce qui existe comme logiciels libres, que ce soient les systèmes Linux et autres, les simples logiciels que tout un chacun peut installer quand il en a besoin. Les traitements de texte, c'est une chose, mais quand on entre dans de la technicité, je crois que c'est très bien qu'on puisse les charger et apprendre à programmer un peu. Je ne le fais pas personnellement, mais je sais que mes enfants sont nés à une autre époque. Le fait de pouvoir les éveiller à ça est important. Nous refuserons ce texte qui ne pense pas plus loin que le bout du nez, je dirais.

M. Stéphane Florey (UDC). L'étude de cette proposition en commission était assez intéressante: elle a permis de clarifier un certain nombre de choses, notamment à propos de la première invite dont la suppression est proposée, ce que nous avions demandé en commission parce qu'elle s'avère inutile. Ce qui était vraiment intéressant, c'est que ça a permis de clarifier la situation par rapport aux logiciels libres. En effet, on l'a dit, il y a un gros problème de compatibilité entre ces logiciels et ce que les gens, en général, ont à la maison, c'est-à-dire - sans vouloir faire de pub - Windows. Le problème, c'est vis-à-vis des élèves: au cycle d'orientation, ils apprennent les bases pour manier un ordinateur - c'est bien - simplement quand ils arrivent à la maison et essaient de refaire ce qu'ils ont fait à l'école, ce n'est tout simplement plus possible, puisqu'ils se retrouvent dans un environnement complètement différent. J'ai même fait l'expérience suivante: un de mes enfants est venu avec une clé USB qui contenait un devoir fait sur Linux; quand ma fille m'a demandé de le mettre sur mon ordinateur, ça a complètement foiré sa clé USB, elle n'a plus rien pu faire avec, toutes les données étaient inutilisables, et finalement, à l'école, elle a dû recommencer tout ce qu'elle avait fait, puisque l'incompatibilité de ces systèmes avait eu pour résultat que tout était inutilisable.

Nous avions également proposé au groupe MCG de revenir sur la deuxième invite qui tendait vraiment à supprimer tous ces logiciels libres, particulièrement au sein du DIP, pour en rester aux outils usuels. Malheureusement, le groupe MCG n'a pas voulu reprendre et modifier son deuxième amendement, ce qui fait que finalement, nous avons refusé la motion, puisque la deuxième invite telle qu'elle est formulée ne va absolument rien changer par rapport aux logiciels libres. Quant aux doublons, je suis désolé, mais on nous a clairement expliqué que finalement, il n'y en avait pas; les seuls qui pourraient éventuellement exister sont là pour des tâches spécifiques, et il s'est avéré qu'elles étaient largement justifiées. Nous ne pouvons toujours pas soutenir cette deuxième invite, par contre, nous soutiendrons bien évidemment - comme nous l'avons fait en commission - la suppression de la première. Sur le fond, si la deuxième est conservée dans sa teneur actuelle, nous ne pourrons pas soutenir la motion. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le rapporteur de minorité Florian Gander pour trente-trois secondes - mais il vous reste du temps du groupe.

M. Florian Gander (MCG), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Comme il n'y a pas de demande de parole parmi mes collègues de parti, je vais certainement prendre sur le temps du groupe. Pour répondre à mon préopinant selon qui il n'y a pas de doublons: si, il y en a, clairement ! Un exemple concret, tout bête: nous devons avoir des ingénieurs système formés pour l'utilisation de systèmes d'exploitation libres et - parce qu'il y a de la programmation à faire - pour créer des images - c'est un terme technique - qui soient adaptées à l'enseignement primaire. Il faut savoir que tous les deux ou trois ans, les systèmes d'exploitation libres perdent leur existence et doivent être renouvelés. Tous les deux à trois ans, les ingénieurs système doivent partir sur un nouveau système libre et recomposer depuis le début avec une programmation de façon à ce que ce soit efficace pour au maximum trois ans. Si on utilise un système d'exploitation dit propriétaire, type Windows ou Mac, la pérennité de ce système fait que pendant huit, dix, onze ans, le système est mis à jour gratuitement, que ce qui concerne la sécurité du système est fait gratuitement, et tout cela est une économie qu'on n'a pas à faire si on doit changer le système tous les trois ans. Ça, c'était par rapport aux doublons et aux économies.

Un autre exemple: l'Etat a participé au travail et à des «actions», entre guillemets, sur un logiciel libre qui est très bien, qui s'appelle OpenBoard, qui est utilisé dans l'enseignement primaire, secondaire I et secondaire II. Or, je me suis rendu compte de quelque chose, parce que ma fille m'a dit: «Ecoute, papa, à l'école, on l'a, mais aucun prof ne sait l'utiliser», ils utilisent toujours le fameux rétroprojecteur, car aucun enseignant ne sait utiliser le système OpenBoard; il n'y a pas de formation prévue pour cela, ce sont des formations en ligne, et malheureusement, si les enseignants n'en font pas la demande, ils se retrouvent avec un logiciel non utilisé, en tout cas en ce qui concerne un cycle d'orientation dont j'ai eu connaissance. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Je suis persuadé, quant à moi, qu'il y a un réel intérêt à remettre l'église au milieu du village, pour ainsi dire, en se demandant: qu'est-ce qu'on fait ? Jusqu'en 2011-2012, tout l'enseignement primaire fonctionnait avec Windows, ça n'a jamais posé de problème, bien au contraire, cela a permis une pérennité dans l'utilisation. Malheureusement, depuis l'arrivée des systèmes d'exploitation libres - parce que les logiciels libres sont utilisés avec Windows comme avec Mac... Les systèmes d'exploitation libres posent un problème de pérennité car ils doivent être remis à jour tous les trois ans. Pour toutes ces raisons, chers collègues, je vous demande d'accepter cette motion ainsi que mon amendement qui consiste à supprimer la première invite. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur le député Mettan, normalement, je ne donne pas la parole après les rapporteurs, mais exceptionnellement, vous pouvez la prendre.

M. Guy Mettan (PDC). Merci, Monsieur le président. Je serai très bref. Je voulais juste dire que le parti démocrate-chrétien se rallie au rapport de majorité. Au cours des auditions, M. Gander a montré sa grande connaissance du sujet et sa grande compétence dans ce domaine. Ce texte part d'une bonne idée qui consiste à vouloir éviter les doublons et rationaliser notamment les achats en matière d'informatique. Mais comme on a bien pu s'en apercevoir grâce aux auditions, la DGSI a déjà largement procédé aux restructurations et aux regroupements nécessaires. Bien qu'elle parte d'une bonne idée, cette proposition de motion ne s'impose plus telle quelle, raison pour laquelle nous nous rallions à l'exposé de M. Lefort, le rapporteur de majorité.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Stéphane Florey pour quarante-trois secondes.

M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Je ne voulais pas particulièrement intervenir à ce stade, mais mon collègue m'a fait remarquer quelque chose, il vient de me montrer un document. J'aurais une question à Mme la conseillère d'Etat, que vous transmettrez, Monsieur le président: d'après ce que m'a montré mon collègue sur internet, il semblerait que les logiciels libres sont gratuits pour les particuliers mais demeurent payants pour les administrations publiques et les entreprises. Je suis particulièrement surpris d'apprendre ça maintenant. J'aimerais que Mme la conseillère d'Etat nous éclaire sur cette question...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Stéphane Florey. ...et nous dise si employer Linux dans les écoles est gratuit ou non. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le rapporteur de majorité François Lefort pour trente-cinq secondes. Il vous reste du temps du groupe, Monsieur le député.

M. François Lefort (Ve), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je suis tout à fait reconnaissant au rapporteur de minorité et coauteur de cette proposition de motion de supprimer la première invite, qui est totalement obsolète, ce qu'il reconnaît d'ailleurs bien volontiers. Concernant la deuxième invite, qu'il maintient, il faut avouer qu'elle est un petit peu pernicieuse: c'est en fait une tentative de formatage de l'informatique du DIP; on pourrait même dire pire, c'est une tentative de formatage des choix pédagogiques des enseignants, avec des conséquences certainement très négatives sur certains types d'enseignements. Ce n'est pas au Grand Conseil de se mêler de ces choix pédagogiques, y compris des choix des logiciels, sous d'éternels prétextes de chasse au gaspillage. En ce domaine, vous en conviendrez, Monsieur le rapporteur de minorité, nous n'avons pas tout à fait les mêmes idées d'économies, de chasse au gaspillage, etc.

La discussion sur la deuxième invite a déjà eu lieu en commission, M. Florey l'a rappelé. La majorité de la commission n'a pas suivi les motionnaires et leurs propositions de modifications. Elle vous recommande de ne pas prendre cette proposition de motion en considération. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs, la parole n'étant plus demandée, je vais tout d'abord vous faire voter sur l'amendement présenté par M. le député Florian Gander, qui vise à supprimer la première invite.

Mis aux voix, cet amendement recueille 44 oui et 44 non.

Le président. Je tranche en faveur du rejet de l'amendement.

Cet amendement est donc rejeté par 45 non contre 44 oui.

Le président. Nous passons au vote sur la proposition de motion. (Commentaires.) On a déjà sonné !

Mise aux voix, la proposition de motion 2314 est rejetée par 71 non contre 17 oui et 1 abstention.