République et canton de Genève

Grand Conseil

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P 1955-A
Rapport de la commission de l'environnement et de l'agriculture chargée d'étudier la pétition contre le projet de renaturation du lit et des berges et zone d'extension des crues sur 18 hectares de terre d'assolement à Puplinge au lieu-dit Chemin des Fleurs-Mon-Idée-Route de Jussy (Grand Pré)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VII des 22 et 23 septembre 2016.
Rapport de majorité de Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve)
Rapport de minorité de M. Gabriel Barrillier (PLR)

Débat

Le président. Mesdames et Messieurs, nous traitons maintenant la P 1955-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes, et je donne la parole à Mme la rapporteure de majorité, Delphine Klopfenstein Broggini.

Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cette pétition «contre le projet de renaturation du lit et des berges et zone d'extension des crues sur 18 hectares de terre d'assolement à Puplinge au lieu-dit Chemin des Fleurs-Mon-Idée-Route de Jussy» a retenu toute notre attention, à partir du moment où l'exploitation d'un jeune agriculteur, de surcroît faisant partie de plusieurs labels, tels que Genève Région-Terre Avenir - GRTA - et IP-Suisse, était menacée. Nous avons procédé à diverses auditions: les pétitionnaires, bien sûr, AgriGenève, la commune de Puplinge, ainsi que les services du DETA... (Brouhaha.)

Le président. Madame la rapporteure, un instant, je ne peux pas vous laisser parler dans ce brouhaha. (Un instant s'écoule.) Merci, Mesdames et Messieurs les députés. Poursuivez, Madame la rapporteure.

Mme Delphine Klopfenstein Broggini. Merci, Monsieur le président. Nous avons donc procédé à diverses auditions et avons entendu le DETA, qui nous a parlé en détail de ce projet de renaturation. Nous pouvons rassurer aujourd'hui cet agriculteur et l'assurer que ce projet a un impact très marginal sur son exploitation agricole. En effet - nous le déplorons vivement, et je tiens vraiment à le préciser - il y a eu un manque notoire de communication, une rétention et une rupture d'informations des autorités, ce qui a conduit les pétitionnaires à des interprétations erronées de la situation. Au final, il ne s'agit pas de 18 hectares menacés, comme stipulé dans la pétition, mais bien de 2,5 hectares, et la menace est toute relative, puisque le bassin d'inondation prévu dans le projet et impactant ledit terrain ne servirait qu'en des cas extrêmes d'inondation, c'est-à-dire des crues tricentennales, soit une fois tous les trente ans. Il a aussi été confirmé, et c'est important, que naturellement l'agriculteur serait indemnisé si cela devait se produire.

Ce projet de renaturation du Foron est extrêmement important. Il répond à des exigences de sécurité et protège Puplinge contre les risques d'inondation. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) L'intérêt est aussi de revitaliser l'eau de la rivière et de favoriser un biotope en réintroduisant notamment des truites sauvages, tout en assurant un chemin piéton et public le long de la rivière. Nous sommes aujourd'hui confortés dans l'idée que la situation est désormais sous contrôle et que la protection de l'exploitation du jeune agriculteur est bien assurée. Dans ce contexte, nous vous invitons à déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil et remercions les pétitionnaires d'avoir attiré notre attention sur la situation, en espérant vivement avoir levé leurs inquiétudes. Je vous remercie.

M. Gabriel Barrillier (PLR), rapporteur de minorité. Chers collègues, cette pétition déposée le 24 septembre 2015 a largement démontré son utilité pour trois raisons. Premièrement, elle a obligé les autorités cantonales et communales à donner une information précise sur les travaux de renaturation et de sécurisation des zones inondables du bassin du Foron. En effet, jusqu'au moment de la séance de décembre 2015 organisée à Puplinge, l'information donnée en 2008 et 2011 était tout à fait floue, comme l'a relevé d'ailleurs la rapporteuse de majorité.

Deuxièmement, cette pétition a permis à la commission de vérifier la nécessité d'effectuer les travaux en sauvegardant au maximum les surfaces de bonne terre, les surfaces d'assolement, qui sont indispensables à un jeune agriculteur pour assurer les bases d'existence d'une exploitation familiale produisant des denrées alimentaires de proximité reconnues par le label GRTA, et en particulier, pour les spécialistes, de la viande exclusivement à partir de fourrage de l'exploitation et non pas de fourrage importé - j'espère que les Verts seront sensibles à cette argumentation !

Troisièmement, cette pétition a permis aussi à la commission d'exercer une surveillance accrue sur les projets d'assainissement et de réalisation des contrats de rivière, a fortiori lorsqu'ils concernent des cours d'eau à cheval sur la frontière franco-suisse, comme c'est le cas du Foron. Je songe notamment au partage des coûts des travaux effectués en France, avec une participation de 40% du canton, et aux conditions d'accès pour les entreprises genevoises.

Pourquoi, dès lors, renvoyer la pétition au Conseil d'Etat ? Egalement pour trois raisons: d'abord, en dépit des assurances données par le département, les mesures proposées pour minimiser les pertes de surfaces agricoles ne sont pas confirmées et doivent encore obtenir l'accord des propriétaires et exploitants concernés. Ensuite, les termes de la convention d'indemnisation qui doit être conclue entre l'Etat et l'exploitant pour les dommages causés par une inondation, même centennale, ne sont pas connus. Enfin, le dossier n'est pas clos, notamment avec les autorités françaises, s'agissant des travaux d'investissement du périmètre à cheval sur la frontière. C'est pourquoi...

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le rapporteur.

M. Gabriel Barrillier. ...Mesdames et Messieurs les députés, et sans que cela apparaisse comme une marque de défiance à l'égard de qui que ce soit, je vous demande, au nom de la minorité, qui j'espère va devenir la majorité, de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat, ce qui permettra au DETA de tenir compte des observations faites et surtout de nous faire un rapport final sur ce dossier. Je vous remercie.

M. Eric Leyvraz (UDC). Il s'agit là d'une pétition qui touche un jeune agriculteur qui a le courage de reprendre un domaine - il faut quand même le signaler, parce que la situation actuelle de l'agriculture n'est pas facile - et un jeune agriculteur qui pourrait être gravement touché par des inondations touchant une grosse surface de ses terrains; on sait par ailleurs que les crues deviendront peut-être plus fréquentes avec le changement climatique. Je ne mets pas du tout en doute la bonne volonté de notre conseiller d'Etat Barthassat, qui nous a donné des assurances, mais, malheureusement, les conseillers d'Etat viennent et passent, d'autres arrivent. Or je trouve qu'il n'est pas normal de ne pas disposer d'une loi vraiment sûre pour ce paysan, qui puisse, si j'ose dire, bétonner le fait qu'il pourra toucher des indemnités en cas d'inondation... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...ce qui risque d'être plus fréquent. On sait très bien que, quand le temps aura passé, si trois inondations de suite surviennent sur trois années, on nous dira que ce n'était pas dans l'esprit de la loi d'indemniser chaque année, etc. Moi je veux que le jeune paysan puisse continuer sa vie de paysan de façon tranquille. Alors qu'on nous prend des terrains pour des inondations, je trouve tout à fait normal que nous renvoyions cette pétition au Conseil d'Etat, pour qu'il puisse nous présenter quelque chose qui assure à ce paysan une pérennité. Je vous remercie.

M. André Python (MCG). Le Mouvement Citoyens Genevois va également soutenir le renvoi au Conseil d'Etat... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...pour les motifs évoqués par le rapporteur de minorité et par mon préopinant. Je vous remercie.

M. Georges Vuillod (PLR). Cette pétition a été déposée dans le cadre de la renaturation du Foron, un projet qui a mal démarré, avec une mauvaise communication sur le projet. Cela a constitué le point de départ de cette pétition, puisque des travaux exploratoires ont été menés sur les terrains sans que cela ait été notifié au préalable aux personnes concernées. Les pétitionnaires ont réagi notamment sur la forte consommation de surfaces agricoles causée par l'établissement d'une zone de débordement de la rivière et par la création d'une digue, qui permettrait la formation d'un lac temporaire en zone agricole. C'est essentiellement cette partie du projet qui pourrait mettre en péril l'existence d'une entreprise, puisque la surface perdue réduirait le domaine de près de 30%. Nous avons reçu la garantie du département que des procédures d'indemnisation et d'exception sur les contraintes du label GRTA seraient mises en place pour pallier les inondations éventuelles sur la zone agricole; nous n'en avons pas le détail. Mais surtout, la création de la digue reste une option, qui devrait - et pourrait - être réalisée et obtenir l'accord tant des propriétaires que des exploitants. C'est essentiellement sur ce point et sur la finalisation de cette collaboration transfrontalière que nous voudrions, par un renvoi au Conseil d'Etat, continuer à obtenir des informations régulières. Je vous remercie.

Mme Isabelle Brunier (S). Effectivement, cela a été rappelé, au départ de cette pétition, il y avait une dimension un peu sentimentale, émotionnelle: nous avons tous été touchés par l'audition du jeune agriculteur et je suis convaincue que ses arguments étaient tout à fait justifiés, dans l'état de ses connaissances du dossier à ce moment-là. Il y a vraisemblablement eu un problème de communication entre le DETA et les agriculteurs concernés à Puplinge. En revanche, par la suite, et comme cela a été dit par la rapporteuse de majorité, les travaux en commission ont bien démontré que les services intéressés de l'Etat de Genève, non seulement pilotent le projet, le maîtrisent, mais continueront également à le surveiller à l'avenir, et nous n'avons aucune raison de mettre cela en doute. C'est la raison pour laquelle le parti socialiste, lui, restera sur sa position, qui consiste à approuver le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil, en faisant confiance au magistrat concerné pour le mener à bien.

Mme Geneviève Arnold (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, les membres de la commission de l'environnement et de l'agriculture ont été sensibles aux arguments des pétitionnaires, surtout au fait qu'un jeune agriculteur se sente lésé dans ce dossier. Il s'agissait alors d'auditionner tant les autorités communales que le département, ce que nous avons fait. Rassurés sur les conditions de renaturation et sur les coûts assumés par le canton de Genève et par nos voisins français, nous avons aussi apprécié une visite in situ, qui nous a rassurés sur la finalité des travaux, concernant la renaturation du Foron tout prochainement inaugurée. La commune de Puplinge nous a assurés également d'une saine collaboration avec les communes françaises voisines, ce qui avait été mis en cause notamment par l'un des pétitionnaires. Il s'avère que les conditions de collaboration sont bonnes, que les conditions de transfert de dossiers le sont également et que ce transfert a été fait depuis de nombreuses années. Le département nous l'a montré, il maîtrise ce dossier. Le PDC reste donc sur sa position et encourage le dépôt sur le bureau du Grand Conseil. Il ne voit pas la pertinence de la reporter auprès du Conseil d'Etat. Je vous remercie.

Une voix. Bravo !

M. Bernhard Riedweg (UDC). En ma qualité de conseiller municipal à Puplinge, je vous confirme que ce projet de renaturation est prévu par le plan directeur cantonal et le plan directeur communal, tous deux validés et approuvés par le Conseil d'Etat en 2009 et par le Conseil fédéral en 2015. Pour rassurer les propriétaires des parcelles concernées, dont l'un est présent à la tribune, un contrat d'indemnisation est prévu pour que l'activité agricole ne soit pas péjorée, ce qui pourrait être contrôlé par AgriGenève. Merci, Monsieur le président.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, je... (Remarque.) Monsieur Boris Calame, vous avez la parole.

M. Boris Calame (Ve). Excusez-moi, Monsieur le président, je m'étais trompé de bouton ! Chères et chers collègues, opposer la protection de la population à la production agricole n'est certainement pas raison. Aujourd'hui, il y a sûrement des événements climatiques beaucoup plus violents et la priorité de l'Etat est en effet de protéger la population. On peut bien considérer que la production agricole a du sens et de l'importance dans notre canton, et qu'il faut absolument que la convention qui sera conclue entre le propriétaire, voire les propriétaires agricoles, et l'Etat, soit respectueuse, c'est-à-dire que les compensations soient garanties. Néanmoins, l'urgence maintenant est bien de réaliser ces travaux et de ne pas se retrouver dans une situation qui pourrait mettre en péril de façon plus importante les biens, ou même des personnes. Nous vous encourageons donc à déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.

M. Jean-François Girardet (MCG). Je ne comprends pas cette réticence contre le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat. (Remarque.) C'est quand même lui qui négocie, qui discute et qui explique à la population à l'origine de cette pétition les raisons de maintenir ou non un projet. La représentante du parti socialiste expliquait faire confiance au Conseil d'Etat en approuvant le dépôt de cette pétition sur le bureau: c'est incohérent ! Si on fait confiance au Conseil d'Etat, on fait confiance jusqu'au bout et on le laisse négocier avec les propriétaires de ces parcelles. Je vous remercie.

M. Gabriel Barrillier (PLR), rapporteur de minorité. Chers collègues, suite à l'intervention de notre collègue Calame, j'aimerais quand même préciser que les travaux sont quasiment finis ! Il y a encore des aménagements à faire qui nécessitent une collaboration franco-suisse et la question des soumissions et adjudications n'a pas été clairement déterminée lors des premiers travaux. Le deuxième point, vous l'avez évoqué, c'est la convention d'indemnisation de l'agriculteur ou des exploitants - il n'y en a peut-être pas qu'un. On nous en a parlé, elle figure dans une lettre du département adressée à cet agriculteur, mais nous n'en avons pas vu les précisions et les modalités ! Je trouve donc normal que le parlement, qui exerce via la commission de l'environnement et de l'agriculture une haute surveillance sur cette problématique, soit renseigné sur cette convention. Encore une fois, ce n'est pas une défiance à l'égard du département et du Conseil d'Etat que de leur demander, d'ici quelques mois ou une année, lorsque tout sera sous toit, de faire un rapport au Grand Conseil. Je vous enjoins donc, et notamment aux Verts... Parce que la production de proximité, vous devriez vraiment... Vous l'avez dit, vous y êtes sensibles ! Les travaux de renaturation seront faits, la protection de la population est assurée, donc maintenant il faut juste, juste donner la garantie aux exploitants...

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le rapporteur.

M. Gabriel Barrillier. ...qui jouent le jeu de la production de proximité, de pouvoir assurer l'avenir d'une famille paysanne. Donc, s'il vous plaît ! Et en ce qui concerne le PDC qui est pour la famille et les familles paysannes, je ne comprends pas très bien votre position. Merci, Monsieur le président.

Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve), rapporteuse de majorité. Je crois qu'on s'éloigne complètement du sujet: nous avons procédé à de nombreuses auditions, qui nous ont rassurés quant au fait que l'exploitation agricole ne serait pas touchée par ce projet de renaturation, sauf cas extrêmes, et ces cas extrêmes se produiraient tous les trente ans, on l'a dit avant. Ce sont des cas très particuliers; il faut voir que la sécurité de la population à Puplinge est ici en jeu. Nous avons bien sûr largement conscience que cette exploitation agricole a beaucoup d'importance, d'autant plus que c'est en effet un jeune agriculteur que nous avons auditionné. Nous avons été très sensibles à ses arguments, surtout étant donné que, comme je l'ai précisé dans mon rapport tout à l'heure, il est garanti sous tous les labels qui nous sont chers - production de proximité, fourrage de proximité, etc. - et que nous sommes extrêmement sensibles à ces arguments-là. Maintenant, il ne s'agit pas de cela. Nous avons aujourd'hui réussi, grâce aux pétitionnaires - et je tiens à les remercier - à écarter tous les problèmes qui pourraient impacter le terrain dont il est question dans cette pétition. Aujourd'hui, avec cette sécurité-là, nous pouvons sans autre déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Je vous remercie.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole n'étant plus demandée, je soumets au vote de cette assemblée premièrement le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.

Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission de l'environnement et de l'agriculture (dépôt de la pétition 1955 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont rejetées par 42 non contre 34 oui.

Le président. Je vous fais à présent voter sur le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat, en vous rappelant que, si les deux votes... (Brouhaha.)

Une voix. Chut !

Le président. ...que si les deux votes sont négatifs, la pétition est classée.

Mises aux voix, les conclusions de la minorité de la commission de l'environnement et de l'agriculture (renvoi de la pétition 1955 au Conseil d'Etat) sont adoptées par 50 oui contre 12 non et 13 abstentions.