République et canton de Genève

Grand Conseil

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IN 156-B
Rapport de la commission du logement chargée d'étudier l'initiative populaire 156 "Halte aux magouilles immobilières, OUI à la loi Longchamp !"

Débat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous abordons l'IN 156-B en catégorie II, quatre-vingts minutes. Monsieur le rapporteur, vous avez la parole.

M. Olivier Cerutti (PDC), rapporteur. Merci, Monsieur le président... (Exclamations.)

Une voix. J'avais demandé la parole avant.

Le président. Je suis désolé, Monsieur Leyvraz. Je vous laisse vous exprimer.

M. Eric Leyvraz (UDC). Je ne veux pas jouer les formalistes, mais il est interdit de prendre des photos depuis la tribune. Pendant cette prestation de serment, il y avait six personnes qui prenaient des photos. Alors soit on change la loi, soit on la fait respecter. Je vous remercie.

Le président. Monsieur le député, j'avoue que je n'ai pas prêté attention à qui photographiait à la tribune. (Exclamations.) Je passe la parole à M. le rapporteur.

M. Olivier Cerutti (PDC), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, après un long processus démocratique, nous voilà devant le texte de l'initiative 156 «Halte aux magouilles immobilières, OUI à la loi Longchamp !». Mon rôle, c'est celui d'un rapporteur de majorité où la minorité ne s'est pas exprimée ! Les partis vont s'exprimer aujourd'hui sur cette initiative. Mon rôle est de remettre les choses dans leur contexte, et j'ai choisi trois actes.

Acte I. Nous avons auditionné M. Sommaruga et consorts dans le cadre de cette initiative dite de la loi Longchamp. Il nous a rappelé que l'initiative a été lancée dans un contexte particulier, celui de la protection des objectifs de la zone de développement et du scandale de La Tulette. Une petite minorité de personnes s'est approprié des appartements. De plus, certaines opérations immobilières menées ces dix dernières années présentent aujourd'hui le même défaut que La Tulette.

Acte II. Cette initiative a été déposée après le vote du projet de loi du Conseil d'Etat qui a été amendé par la majorité de ce parlement. En substance, l'initiative prévoit, après l'arrêté du Tribunal fédéral du 5 avril 2016, les faits suivants, sans revenir sur un historique complet, que vous connaissez tous. Suppression de l'effet rétroactif. Obligation d'habiter pendant la période de contrôle de dix ans en zone de développement, prise en compte par le tribunal en fonction de la pénurie de logements qui sévit à Genève et, de ce fait, des appartements en PPE attribués aux personnes qui en ont besoin. Dérogations et justes motifs: pour des circonstances imprévisibles, au moment de l'acquisition de logement, une interprétation souple, laissée par le département du logement, peut et doit se faire en fonction des cas d'espèce. Sanction: le tribunal confirme qu'une amende de 20% du prix de revient total du bien n'est pas excessive. Enfin, confirmation que l'interdiction de revente était limitée à la période de contrôle de dix ans.

Acte III. Lors de l'ensemble des auditions, nous avons eu aussi la possibilité d'entendre un certain nombre de personnes; vous trouverez en annexe de ce rapport notamment tout le problème qui amène cette loi à une rhétorique qui n'est pas toujours comprise du public. Entre la LGZD et la LDTR, à mon sens, un toilettage est nécessaire. Ainsi une lecture de ces auditions et de ces annexes, comme je viens de le préciser, me semble nécessaire. Malheureusement, vous constaterez qu'une véritable volonté politique n'est toujours pas de mise pour un véritable toilettage de ces différentes lois, ce que l'on peut regretter. Après quatre ans de débats, les améliorations apportées par les différents intervenants et une prise de conscience des acteurs immobiliers, nous pouvons espérer que cette loi produira les effets escomptés. Mesdames et Messieurs les députés, je vous laisse la parole.

M. Alberto Velasco (S). En novembre 2013, je venais d'arriver au Grand Conseil et cet objet est l'un des premiers que nous avions à l'ordre du jour. Le rapporteur de majorité était M. Pistis du Mouvement Citoyens Genevois. C'est très rare, Mesdames et Messieurs les députés, de voir un rapporteur de majorité qui est désavoué par son groupe, et notamment par le cador du groupe qui, entre-temps, avait décidé de s'allier aux milieux immobiliers, c'est-à-dire que M. Stauffer - je m'adresse à vous, Monsieur le président - avait décidé à l'époque que le MCG n'était plus du côté des locataires mais du côté des propriétaires immobiliers. Ils ont leurs raisons. Mais les Genevois étaient indignés. Comme vous le savez, je préside l'ASLOCA, et les gens me disaient que c'était indigne que l'on permette de telles magouilles. Face au courage de M. Longchamp d'avoir proposé cette loi, face à l'indignation des citoyens, nous avons décidé de lancer un référendum. Mesdames et Messieurs les députés, cela fait maintenant trois ans, et pendant trois ans les magouilles ont continué de plus belle...

Une voix. Exact !

M. Alberto Velasco. ...parce que c'est cela le problème, Mesdames et Messieurs les députés. L'intérêt général, le bien public - comme l'évoquent le MCG et l'UDC - auraient voulu qu'effectivement, Mesdames et Messieurs les députés, on vote cette loi pour que les classes moyennes puissent justement se loger dans des appartements accessibles et ne doivent pas payer 4000 ou 5000 F de loyer. Mais l'intérêt de la minorité a prévalu sur l'intérêt de la majorité, et c'est la raison pour laquelle nous avons déposé cette initiative. Et aujourd'hui, enfin - enfin - après les vicissitudes du Tribunal fédéral, nous allons pouvoir l'appliquer. Et je tiens à remercier M. Longchamp, parce qu'il a eu le courage de déposer une loi en faveur des locataires, ce qui est un crime de lèse-majesté dans ce parlement ! Je ne comprends pas que vous soyez encore conseiller d'Etat, Monsieur le président, parce que vraiment, là, pour votre groupe vous avez passé le Rubicon ! Enfin, vous aurez quand même l'histoire pour vous ! Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande aujourd'hui, face à l'intérêt général, d'avoir la dignité de voter cette loi. Je m'arrête là et laisse la parole à mes collègues qui ont travaillé au sein de la commission du logement et qui vont intervenir après moi. Je souhaite qu'aujourd'hui, face au peuple genevois qui a signé en masse cette initiative, vous votiez cette loi. (Applaudissements.)

M. Ronald Zacharias (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, des abus, des accaparements d'appartements par les promoteurs en zone de développement, alors qu'ils sont destinés à la classe moyenne, il y en a eu beaucoup. Il y en a eu beaucoup et depuis très longtemps. On peut même s'interroger, s'étonner que l'Etat ne soit pas intervenu avant. Cela étant, le PL 11141, dit loi Longchamp, déposé en mars 2013, contient une idée forte et assez convaincante qui est l'obligation d'habiter. Le problème est que cette obligation d'habiter était flanquée d'un arsenal sanctionnel qui était excessif, raison pour laquelle l'ensemble des forces de raison de ce parlement, du pied de l'Oural au sommet des Alpes, du PDC jusqu'au MCG, a refusé ce projet de loi.

Dans l'arsenal répressif, nous trouvons tout d'abord l'effet rétroactif. Je rappelle brièvement ce qu'il en est pour ceux qui ne savent pas ou ne sont pas tout à fait au clair sur cette notion. L'effet rétroactif c'est que pour un acte, une action, un comportement qui se passe aujourd'hui est appliquée une loi qui n'existe pas encore. D'ailleurs la Chambre constitutionnelle de la Cour de justice ne s'y est pas trompée. Et cela a été confirmé par le Tribunal fédéral. L'effet rétroactif a été biffé de l'arsenal répressif. Par ailleurs, deuxième axe sanctionnel, le renvoi au parc locatif pérenne va encore plus loin. Cette fois, le contrevenant a l'obligation d'habiter. C'est perpète ! C'est la perpétuité ! Il ne pourra plus jamais vendre son appartement. Là encore la Chambre constitutionnelle de la cour et le Tribunal fédéral ne s'y sont pas trompés. Ils ont limité, pour ce qui concerne la Chambre constitutionnelle, l'obligation d'habiter à dix ans et, par voie de conséquence, l'interdiction de revente à dix ans. En outre, ils suggèrent que les autorisations de louer soient accordées par le biais d'une interprétation non pas restrictive mais, au contraire, élargie.

Alors vous voyez bien, Mesdames et Messieurs les députés, que ce n'est plus du tout la même loi. Celle que nous allons voter aujourd'hui a été lissée de ses excès. Et ce qui est étonnant, c'est que ce texte légal, ce projet de loi ait vu le jour sous la plume d'un magistrat de droite, au sein d'un Conseil d'Etat de droite. Et ce qui est étonnant encore, c'est qu'il ait été repris tel quel par la gauche radicale et la gauche des lumières. Ce sont les mêmes termes. Et c'est étonnant parce qu'une promotion en zone de développement est une approche holiste. Qu'est-ce que cela veut dire ? Le promoteur voit l'ensemble du tableau. Et on sait bien que c'est la PPE qui tire les logements. La locomotive, c'est la construction des propriétés par étage. Il y a une péréquation. Le non-rentable est pris sur le rentable. Et vous voyez bien où je veux en venir... Lorsque l'on vide la propriété de sa substance - parce que qu'est-ce qu'un appartement qu'on ne peut plus jamais revendre ? - c'est un aérolithe dans le champ des droits réels. On ne sait pas ce que c'est. Dès lors, en affaiblissant la locomotive, on affaiblit en même temps le logement social, locatif.

Voilà pourquoi il a fallu combattre. Voilà pourquoi il est bon que la jurisprudence ait quelque peu lissé ce projet. Aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés, nous avons une teneur de l'IN 156 qui, lissée par la jurisprudence de notre cour et de notre Haute cour, le Tribunal fédéral, fait que nous pouvons voter ce texte de loi ce soir, et je vous en remercie.

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Eric Stauffer, pour quatre minutes.

M. Eric Stauffer (HP). Merci, Monsieur le président. La loi Longchamp... Moi, dans une autre vie politique, il n'y a pas si longtemps que cela, j'ai voulu faire confiance à nos voisins de droite, parce qu'il y avait des gens intelligents qui venaient nous dire que la loi Longchamp n'allait pas et qu'il fallait modifier ceci et cela, que ce serait cohérent et légal... Et c'est vrai que je les ai écoutés !

Aujourd'hui, la grandeur de ce parlement - et on va voir si ce parlement est grand - c'est de reconnaître que l'on s'est trompé. Et je le dis: je me suis trompé. J'ai écouté le PLR. Je me suis trompé. Le Tribunal fédéral a cassé les éléments que le PLR nous avait vendus et que j'ai soutenus. Aujourd'hui, il faut avoir la grandeur de la fonction qu'on occupe et reconnaître ses erreurs. Alors je vous le dis, Mesdames et Messieurs les députés, nous allons découvrir les courageux et les cohérents ! Les courageux vont voter non à cette initiative. Je reviendrai après sur les dérives de la gauche et les non-courageux, ceux qui se sont trompés mais qui ne voudront pas l'admettre et qui vont s'abstenir. Or le pire dans un exercice démocratique, c'est de ne pas décider. Nous sommes des élus et nous devons dire à la population ce que nous avons décidé. Le fait de s'abstenir ce soir confinera à un manque de courage politique envers la population. Alors je le dis, le conseiller d'Etat François Longchamp a eu raison. Il l'avait dit, il l'a répété. Je n'ai pas voulu l'écouter et, aujourd'hui, la justice lui a donné raison. Maintenant j'en viens à la gauche, parce qu'il faut quand même savoir, Mesdames et Messieurs les députés, que si nous sommes un canton de locataires, que cela ne fonctionne pas et que des petits malins ont réussi à profiter de manière inadmissible des constructions subventionnées, eh bien c'est votre faute, Mesdames et Messieurs de la gauche, parce que si vous n'étiez pas aussi intéressés par cette machine électorale qu'est l'ASLOCA, nous aurions pu, nous les cent ensemble, faire des projets de lois intelligents pour construire et donner l'accessibilité à la propriété à un maximum de nos concitoyens. Mais, à cause de vous, on n'y arrive pas. Alors, évidemment, les milieux immobiliers essaient de contrer cela. Et on voit le résultat aujourd'hui. C'est un gros fiasco, et la justice a sifflé la fin de la récréation.

Alors si vous aviez un peu de dignité, Mesdames et Messieurs de la gauche, vous retireriez cette initiative et vous vous assoiriez autour d'une table avec le Conseil d'Etat et les autres partis pour enfin faire quelque chose d'intelligent. Mais en êtes-vous seulement capables ? Moi je n'y crois plus... Après douze ans de députation, j'ai trop vu les deux blocs s'affronter entre la gauche et la droite, et finalement tout le monde se complaît dans cette aberration, parce que vous dites défendre les locataires et eux les propriétaires, et chacun conserve ainsi son électorat.

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Eric Stauffer. Je vais conclure. J'avais espéré qu'en faisant une ligne du milieu avec un «ni gauche ni droite» ça pourrait le faire ! Là aussi, temporairement, je me suis trompé. Mais on y reviendra plus tard. Alors je vous le dis, Mesdames et Messieurs les députés, aujourd'hui si vous voulez être cohérents et à la hauteur de votre fonction, vous devez refuser de soutenir cette initiative et rendre hommage au président du Conseil d'Etat qui, lui, avait vu juste depuis le départ. J'en ai terminé.

M. Christo Ivanov (UDC). Le souverain a accepté cette initiative. Dont acte. Cette loi a été amputée de son effet rétroactif par la Chambre constitutionnelle, et cela a été confirmé par le Tribunal fédéral. Je ne reviendrai pas sur l'obligation d'habiter pour dix ans et ses pénalités, à savoir des sanctions pouvant aller jusqu'à 20%, cet élément a également été confirmé par le Tribunal fédéral afin d'éviter la détention d'appartements à des fins spéculatives. De plus, des dispositions souvent contradictoires entre la LGZD et la LDTR méritent un toilettage selon les spécialistes du droit. Cette initiative n'apporte donc rien de neuf, tout étant déjà dans la loi existante. Le groupe UDC s'était abstenu en commission et il en fera de même pour ce vote.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Pierre Vanek.

M. Pierre Vanek (EAG). Merci, Monsieur le président, de me donner la parole. Nous entendons ce soir des choses un peu incongrues. Un député indépendant nous appelle à retirer une initiative à un stade tardif et quand il n'est plus possible de le faire ! Nous entendons un autre député, M. Ronald Zacharias, nous expliquer que l'initiative a été lissée et qu'elle peut donc être acceptée. Bien entendu, cette initiative aura une majorité ce soir. Je pense que cette initiative est légitime; elle se prononce, comme le mentionne l'exposé des motifs, «contre les accapareurs d'appartements» - je ne citerai pas de noms et vous voyez bien pourquoi ! - et contre la spéculation en zone de développement et pour des logements en PPE accessibles à la classe moyenne. Mesdames et Messieurs les députés, nous voterons cette initiative, mais permettez-moi, dans le cadre de ce débat - et sur ce point la messe est dite - de dire que l'essentiel est ailleurs. Nous pouvons saluer ce soir, alors que l'on débat de logements et d'initiative, l'annonce faite par le Conseil d'Etat avant-hier de l'aboutissement de deux initiatives populaires qui en effet, elles, vont à l'essentiel et portent sur la construction de logements pour toutes et tous. Elles ont la volonté de fixer des règles du jeu qui ne se contentent pas de réglementer les problèmes de la PPE, parce qu'en effet dans ce canton, depuis une dizaine d'années, c'est la moitié - n'est-ce pas, Monsieur Velasco - des logements construits à Genève qui sont des appartements à vendre ou des villas qui sont inaccessibles à la plupart des gens. (Remarque.) Alberto Velasco, qui s'y connaît mieux que moi, me souffle que ce sont les deux tiers. Le problème essentiel est là. Les initiatives qui ont été déposées vont à l'essentiel de ce problème-là en se proposant de garantir la construction de 80% de logements locatifs, non pas pour, comme l'évoquait M. Stauffer, entretenir un parc d'électeurs, mais parce que ce sont des logements locatifs que les gens peuvent se payer pour se loger. Ces initiatives visent aussi à garantir la construction de 50% de logements d'utilité publique. Et c'est là que le bât blesse et que le discours à l'instant de Ronald Zacharias présentant la PPE comme la locomotive... C'est le discours que nous avons toujours entendu, c'était aussi celui de Mark Muller. C'est ce discours qui nous a conduits dans la situation actuelle. Présenter la PPE comme la locomotive qui devait entraîner le reste du train ne fonctionne pas. La locomotive occupe les 50% du convoi, et elle ne répond pas aux attentes des personnes qui ont besoin de logements locatifs d'utilité publique bon marché. C'est de cela qu'il s'agit de débattre si on veut empoigner sérieusement le problème du logement, et je me félicite que les deux fois 10 000 signatures aient pu être déposées pour les deux initiatives jumelles qui abordent ce problème, problème que ne traite pas, quels qu'en soient ses mérites, l'initiative dont nous débattons ce soir. Je me félicite que ces initiatives aient abouti, et je pense que le parlement devrait les traiter avec toute la célérité requise, parce qu'elles répondent aux besoins réels de la majorité des personnes de ce canton. Et les citoyens devraient pouvoir se prononcer, les adopter et ainsi leur permettre de déployer leurs effets. Merci ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Daniel Sormanni pour quatre minutes.

M. Daniel Sormanni (MCG). Merci, Monsieur le président. Je crois qu'aujourd'hui il faut voter cette initiative. Je pense que nous avons perdu beaucoup trop de temps... Effectivement, lors de la première présentation de cette loi, une majorité de ce Grand Conseil a cru bon de la modifier, avec pour résultat l'échec que l'on connaît. Maintenant il faut donc aller de l'avant et la voter. Nous avons perdu trop de temps. Cela fait plusieurs années durant lesquelles les abus ont continué. On peut dire tout ce que l'on veut... Qui abuse ? Est-ce la gauche parce qu'elle bloque la construction de logements alors qu'une certaine catégorie de la population en a besoin et ne les trouve pas à Genève ? Ou alors, est-ce les promoteurs qui abusent ? J'aurais tendance à penser que c'est l'inverse et que le fait que, finalement, il y a un certain nombre d'abus - quelques-uns - a pour effet que du côté de l'Alternative, de la gauche, on bétonne ! Alors on veut des lois pour bloquer tout cela... Je pense que cela va plutôt dans ce sens que dans l'autre en disant que parce que la gauche bloque, les promoteurs abusent. Non, je crois qu'il ne faut quand même pas exagérer. Et ces abus sapent totalement la confiance de la population vis-à-vis des politiques. Elle les estime impuissants et ne voulant pas agir. Je crois que cela n'est pas bon. Alors, Mesdames et Messieurs les députés, je pense qu'à un moment donné il faut mettre un terme à cette situation. Il faut maintenant voter cette initiative en espérant qu'elle sera suffisante, selon ce que nous disent certains sur les bancs de la droite, puisqu'elle a dû être affaiblie en raison des dispositions juridiques. Elle est affaiblie, mais j'espère qu'elle sera suffisante pour que ces abus cessent et que les logements en PPE construits en zone de développement, grâce à l'Etat dans le sens où les prix peuvent être abaissés afin que les gens puissent les acquérir, ne doivent pas faire l'objet d'abus ensuite sur le marché de la revente. Je crois que c'est cela qui est important et qui doit faire qu'une large majorité de ce Grand Conseil vote cette loi, ce que je vous invite à faire. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Caroline Marti pour quatre minutes.

Mme Caroline Marti (S). Merci, Monsieur le président. Il semble que ce jeudi 22 septembre 2016 sera une date que nous pourrons marquer d'une pierre blanche. C'est la fin d'une saga qui aura duré, comme l'a rappelé mon collègue Alberto Velasco, trois ans et demi. Cette période a commencé en 2013 par le dépôt d'un projet de loi par M. Longchamp; pendant plusieurs années, ce projet a subi des vestes, des retournements de vestes, il a été dépouillé de sa substance puis attaqué devant les tribunaux, repêché par une initiative populaire, réattaqué devant les tribunaux, et il atterrit ce soir sur nos tables dans ce Grand Conseil.

Trois ans et demi, Mesdames et Messieurs les députés ! Comme quoi, quand il s'agit de protéger leurs intérêts financiers et de défendre le droit de spéculer, les milieux immobiliers font preuve d'une persévérance sans limite et sont prêts à mettre des moyens substantiels. Trois ans et demi, c'est ce que les Genevoises et les Genevois auront dû attendre pour qu'enfin on adopte un dispositif afin que les logements construits en PPE ne deviennent plus des objets spéculatifs mais servent à leur première utilité, celle de loger la population. Après cet acharnement politico-juridique contre une loi dont le seul objectif, très simple et très logique, était de faire respecter l'esprit de la LGZD et la politique sociale du logement qu'elle instaure, nous allons enfin arriver ce soir à cet aboutissement. Mesdames et Messieurs les députés, je suis très satisfaite de constater que cette initiative rassemble aujourd'hui une majorité, mais alors allez jusqu'au bout de votre démarche, parce que ce mécanisme antispéculatif ne peut s'appliquer qu'en zone de développement. Or, on a pu le constater ces derniers mois, ces dernières années, la majorité de droite de ce Grand Conseil attaque cette zone de développement en proposant, de façon de plus en plus récurrente, de déclasser des terrains en zone ordinaire, et le déclassement en zone ordinaire n'est ni plus ni moins que le droit de réintroduire ce droit de spéculer. Cette initiative qui, aujourd'hui, rétablit la justice, rétablit l'esprit de la loi et préserve les objectifs de la LGZD, qui répond aussi à une indignation légitime de la population, est en passe d'être adoptée, et nous, les socialistes, nous nous en réjouissons vivement. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Jean-Luc Forni (PDC). On pouvait lire récemment dans la presse locale que la loi «anti-magouilles», affaiblie, était bientôt sous toit et que le Grand Conseil allait certainement voter le texte contre les abus dans les ventes d'appartements, mais que la portée de la loi serait réduite. Or, comme le relève le rapporteur, ce texte est passé par l'ensemble de nos institutions et des règles du processus démocratique. Après plus de trois ans de bagarres politiques, on l'a rappelé tout à l'heure, les fronts se sont adoucis et le texte sorti de la justice corrige les lacunes qui avaient permis les magouilles que j'ai citées tout à l'heure, même s'il n'empêchera pas certains abus. Ce texte convient bien au parti démocrate-chrétien car, globalement, Mesdames et Messieurs les députés, nous considérons qu'il a atteint son objectif. Sur un fond de crise du logement, avec la volonté de répondre au souhait d'une partie de la population genevoise d'accéder à la propriété, ce texte législatif fixe un certain nombre d'enjeux qui ont déjà été énoncés mais qu'il est bon de rappeler quand même, à savoir que les logements destinés à la vente construits en zone de développement doivent être occupés par leur acquéreur, sauf justes motifs agréés par le département. L'effet rétroactif du projet de loi, on l'a aussi dit, a été annulé par la Cour de justice, ce qu'a confirmé le Tribunal fédéral. Certes, les droits de préemption, d'emption, de réméré, ne sont pas repris et permettront peut-être quelques abus que je mentionnais tout à l'heure. L'interdiction de vente est réduite à la durée de contrôle de dix ans, ce qui est également une mesure favorable, et les sanctions, rappelons-le, ont été édulcorées. Il existe encore une petite contradiction entre la LGZD et la LDTR, nous en avons parlé tout à l'heure. Il y a eu un manque de volonté politique de toiletter ces deux lois à ce niveau et ce sera peut-être de la musique d'avenir. Toutefois, gageons, comme le prédit le rapporteur, que cette loi aura un effet psychologique très fort et qu'elle produira les effets escomptés. Espérons aussi que les potentiels tricheurs n'useront pas trop des lacunes que cette loi comporte et que l'Etat se donnera les moyens de vérifier que les propriétaires habitent réellement leur bien. C'est en tout cas dans un esprit de confiance que le parti démocrate-chrétien vous invite à accepter ce texte qui apportera, nous en sommes convaincus, un signal favorable et positif aux citoyens en quête de logement. Je vous remercie.

M. Mathias Buschbeck (Ve). Enfin ! Cela a été dit, la loi dite Longchamp a été déposée le 14 mars 2013. Cela fait donc plus de trois ans et demi que les milieux immobiliers tentent de bloquer la mise en oeuvre de cette mesure qui répond à l'esprit de la loi sur les zones de développement. Enfin, la zone de développement va servir à ce pour quoi elle a été conçue, c'est-à-dire pour favoriser la mixité sociale, créer du logement pour le plus grand nombre et, surtout, empêcher la spéculation. Nous nous réjouissons donc ce soir qu'une large majorité vote cette initiative qui a pris, je vous l'ai dit, beaucoup de temps pour parvenir jusqu'à nous aujourd'hui. Plus de trois ans et demi de blocages qui touchent à leur fin, et une zone de développement qui sera enfin respectée. Les Verts accepteront donc avec enthousiasme cette initiative. Je vous remercie.

M. Alexandre de Senarclens (PLR). Le sujet que nous traitons maintenant a divisé le PLR, il ne sert à rien de le cacher. C'est un fait qu'en tant que PLR et président de cette formation je ne vais pas éluder ce soir. Si je reconnais bien volontiers les débats animés que nous avons eus, je dois dire, avec la même volonté d'honnêteté et d'objectivité, que si les députés PLR n'ont pas toujours été d'accord sur la manière, ils se sont toujours entendus sur l'objectif à atteindre, à savoir mettre un terme aux abus et permettre à la classe moyenne de devenir propriétaire.

Comme vous le savez, l'objectif de la LGZD est de mettre à disposition des logements répondant aux besoins prépondérants de la population et à des prix accessibles pour la classe moyenne. Ces dernières années, il y a été constaté que des promoteurs-constructeurs ne mettaient pas en vente des logements en PPE en zone de développement soumis à la LGZD destinés à la vente, que des personnes acquéraient de tels appartements à des fins d'investissement en profitant de la limitation de leur prix durant la période de contrôle sans les occuper personnellement, ou encore que des personnes en acquéraient plusieurs. Dans ces trois cas, les propriétaires agissaient dans la perspective finale de vendre leur appartement au prix du marché avec une forte plus-value à l'échéance de la période de contrôle de dix ans.

C'est pour mettre un terme à ces pratiques qui contournaient la loi, ou tout au moins son esprit, que notre conseiller d'Etat François Longchamp a déposé le projet de loi 11141 en 2013. Pour notre conseiller d'Etat et pour le PLR dans son ensemble, il n'était plus acceptable que certains abusent de la loi pour accaparer des biens immobiliers, que certains profitent des biens contrôlés par l'Etat pour thésauriser et les revendre avec des plus-values indues. Il n'était pas non plus acceptable pour notre conseiller d'Etat et pour le PLR dans son ensemble que certains, parce qu'ils participent à la promotion, parce qu'ils sont proches du promoteur, se servent alors que d'autres tentent de devenir propriétaires sans passe-droit, de surcroît dans un canton où l'on souffre de la pénurie et de la cherté du logement. C'est contre ce scandale, connu depuis trop longtemps et arrivé à son paroxysme en 2013, que nous nous devions d'agir. C'est ce qu'a fait François Longchamp avec courage et détermination, et le PLR lui sait gré de ce combat, car tous les PLR partagent cet engagement pour l'accession à la propriété du plus grand nombre et le respect de l'esprit des lois que le Grand Conseil s'est données.

Ainsi nous étions tous - et nous sommes tous - d'accord avec l'objectif. Mais si nous étions tous d'accord avec l'objectif, il me faut reconnaître que nous l'étions moins sur la manière de l'atteindre. Le PLR est un parti qui aime le débat, y compris en son sein, parfois un peu trop, et c'est ainsi qu'il est fait. Il est constitué de personnalités fortes qui aiment s'engager pour leurs idées et leurs idéaux. C'est ainsi que certains d'entre nous se sont élevés pour dire que, s'ils partageaient totalement l'objectif de notre conseiller d'Etat, ils étaient contre certaines mesures proposées par le projet de loi 11141, doutant de leur proportionnalité et de leur efficacité pour répondre aux abus dans le domaine. Ces débats ont été longuement relatés dans cette enceinte et dans la presse, je ne m'étendrai pas plus longuement sur cela. Vous savez qu'ils ont amené à la proposition d'un projet de loi reformulé. Si ce dernier variait par rapport au PL 11141, il portait en lui le même objectif, à savoir à nouveau permettre l'accession à la propriété du plus grand nombre, en particulier en substituant l'obligation d'habiter à celle d'être un primo-acquéreur. Comme vous le savez, cette loi remaniée a fait l'objet de plusieurs recours, et le Tribunal fédéral l'a annulée. Nous sommes maintenant saisis de l'initiative 156 qui reprend, pour l'essentiel, le projet initial du Conseil d'Etat de 2013. Si le PLR, unanime, partage l'objectif du projet initial et par conséquent de cette initiative, il n'est pas unanime sur l'efficacité des mesures proposées. Le PLR est cependant convaincu qu'une lutte contre les abus est nécessaire. Ce parlement en a assez débattu. Nous savons qu'il y a une majorité claire pour soutenir ce texte, et il convient désormais qu'il s'applique pour voir si, en pratique, les effets que nous voulons tous, à savoir mettre fin aux abus et permettre l'accession du plus grand nombre à la propriété, se matérialisent.

Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je vais conclure. Pour les motifs que je viens de rappeler afin de représenter les différentes sensibilités du groupe sur cette question, le groupe PLR a décidé de s'abstenir lors du vote final. Je vous remercie de votre attention, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. André Pfeffer pour une minute... Non, pardon, pour sept minutes !

M. André Pfeffer (UDC). Merci, Monsieur le président. Le traitement de cette initiative a été chaotique et indigne, et je n'y reviendrai pas, ni d'ailleurs sur son utilité. Par contre, pour l'UDC, il est très important de rappeler l'importance de construire de la PPE en zone de développement et ailleurs, et nous souhaiterions même qu'il s'en construise beaucoup plus. Le taux de propriétaires à Genève est beaucoup trop bas, et des dizaines de milliers de nos contribuables ont quitté Genève, surtout par manque de logements adéquats ou parce que non adaptés à leurs besoins. L'UDC ne soutient pas la pseudo-politique actuelle de favoriser exclusivement et uniquement les logements sociaux. Et la vraie question est de savoir pour qui Genève construit. Est-il juste de construire surtout et quasiment exclusivement des logements sociaux ? Et je rappelle que, selon la loi, il y aurait même un manque de 16 000 unités qu'il faudrait réaliser. Sont-ils justifiés ? Est-ce que ces logements sociaux correspondent à un besoin ? Pour information, je rappelle qu'il existe certes aujourd'hui 8384 personnes ou familles inscrites à l'office du logement, mais - et heureusement - la plupart des demandes n'ont pas un caractère d'urgence, même si elles sont légitimes et respectent les normes légales. Aujourd'hui, seules 1000 personnes ou familles, ce qui est évidemment beaucoup trop, sont dans la précarité et ont besoin d'une aide urgente. Il faut dire aussi que l'office du logement arrive heureusement à trouver des solutions chaque année pour 2000 personnes ou familles. Ces solutions sont réalisées soit avec des appartements se libérant dans le parc social - environ 1500 par année - soit avec les nouveaux LUP qui arrivent sur le marché.

Alors je répète la question: est-il utile et juste de construire quasiment exclusivement des LUP ? Une autre question, tout aussi importante, se pose. Est-il cohérent de surdensifier les logements sociaux dans les zones de développement ? Dans les nouvelles zones de développement et les nouveaux quartiers, Genève prévoit jusqu'à deux tiers de logements sociaux. Ce problème est complexe, et l'UDC y reviendra lors des prochains projets de déclassement. Mais je rappelle - ou je vous en informe - qu'en France il existe depuis 1999 des lois qui limitent les excès de la trop forte concentration de logements sociaux dans les quartiers. La volonté de construire deux tiers de logements sociaux en zone de développement poserait un problème en France.

Pour terminer, l'UDC reconnaît les avantages de cette initiative mais, vu l'absence d'une politique du logement cohérente et réaliste, le groupe UDC s'abstiendra. Merci !

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Sandro Pistis pour deux minutes.

M. Sandro Pistis (MCG). Merci, Monsieur le président. Je pense qu'il est bon de rappeler que les appartements en PPE en zone de développement sont destinés à la classe moyenne, à la classe populaire. Il faut également relever qu'avec cette initiative, lorsqu'elle sera votée, il sera important de continuer à développer et à construire en zone de développement. Pourquoi ? Parce qu'aujourd'hui ceux qui combattent la zone de développement et soutiennent les zones ordinaires soutiennent également le principe que celles et ceux qui voudraient accéder à des appartements ne puissent pas le faire. J'ai eu l'occasion de faire une petite étude sur la vente d'appartements en zone ordinaire et concrètement, sur le marché, pour ces appartements, il est demandé quasiment 1,6 million pour un cinq-pièces et demi. Comment voulez-vous que la classe moyenne puisse accéder, en zone ordinaire, à des appartements à un tel prix ? C'est ce que proposent certains promoteurs. Cette initiative n'aura d'effets que si le Conseil d'Etat continue à développer les zones de développement et à donner la possibilité à la classe moyenne de se loger dans des appartements vendus à des prix raisonnables et non ceux des zones ordinaires.

Je conclus en disant que s'abstenir sur le vote de cette initiative est un manque de courage. S'abstenir sur ce vote est refuser de voir les choses en face et désavouer en partie cette initiative.

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Sandro Pistis. Je vais conclure, Monsieur le président. Au MCG, nous allons donc soutenir cette initiative et, par cet acte, donner le message fort et clair que nous désirons que ces zones de développement continuent à être construites, ce qui permettra l'accès à la propriété pour la classe moyenne. Aujourd'hui, je ne connais personne appartenant à la classe moyenne qui puisse s'offrir un logement à 1,6 million. Merci ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Stauffer, vous n'avez plus de temps de parole. Je passe donc le micro à M. Christian Dandrès pour deux minutes.

M. Christian Dandrès (S). Merci, Monsieur le président. M. Pistis a parfaitement raison. Les appartements en propriété par étage sont à des prix excessifs, et j'aimerais préciser qu'ils le sont même en zone de développement. Les besoins de la population vont vers du logement locatif et vers du logement soumis à la loi sur les logements d'utilité publique, et je vais donc contredire les propos tenus par l'UDC qui expliquait que les trois quarts des logements construits étaient des logements sociaux. C'est une grossière erreur, Monsieur. Lisez les statistiques ! Vous verrez qu'il n'y a même pas 10% de logements sociaux à Genève. On est très très loin des 20% requis et acceptés dans le cadre de l'accord conclu avec le Conseil d'Etat il y a quelques années.

Un travail important doit être fait pour répondre précisément aux nombreuses attentes de personnes qui n'ont pas la possibilité de se loger en propriété par étage. D'abord effectivement des logements locatifs, mais cela ne signifie pas pour autant qu'en zone de développement, lorsque l'on construit des logements en propriété par étage, il faille laisser libre cours à la spéculation. Le projet de loi déposé en son temps par M. Longchamp - et nous l'en remercions - avait été soutenu par notre parti et a été repris sous forme d'initiative puisque, malheureusement, les bancs qui ont porté ce magistrat au pouvoir l'ont désavoué en essayant tout d'abord de détricoter son projet, avec le même type de discours que celui que nous entendons ce soir, c'est-à-dire oui sur le principe, mais pour autant qu'il n'y ait ni sanction ni effectivité. Il faut rappeler que la première loi, qui avait été cassée par les juridictions, prévoyait pas plus d'un appartement par personne sans distinguer entre personnes physiques et personnes morales, ce qui était un quasi-travestissement du projet de loi du Conseil d'Etat. S'ensuit une longue bataille devant les tribunaux, une fois que la démocratie populaire a parlé en soutenant l'initiative. Aujourd'hui nous nous prononçons sur ce texte, et le même discours, mais de manière très tempérée, est tenu...

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.

M. Christian Dandrès. Je vous remercie. ...parce que les sanctions pourraient être disproportionnées. Mais il faut des sanctions qui soient à la mesure des attaques et de la spéculation, et il faut également des mesures qui soient aptes à anticiper les problématiques qui vont se poser dans l'avenir, notamment le déclassement en zone ordinaire, parce que cette problématique est déjà en cours, notamment aux Corbillettes, où plusieurs centaines de logements sont bloqués par des manoeuvres outrancières et scandaleuses des milieux immobiliers...

Le président. C'est terminé, Monsieur le député.

M. Christian Dandrès. ...qui bloquent la construction de logements en soutenant qu'il faut des logements en zone ordinaire.

Le président. C'est terminé, Monsieur le député.

M. Christian Dandrès. Je vais clore là. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Stauffer, exceptionnellement, je vous donne la parole.

M. Eric Stauffer (HP). Merci, Monsieur le président. Je voudrais simplement demander le vote nominal, parce que je veux savoir qui aura le courage de voter cette initiative ou de s'abstenir. La population vous regarde.

Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Vous l'êtes. Nous procéderons donc au vote nominal. Je passe la parole au rapporteur, M. Olivier Cerutti.

M. Olivier Cerutti (PDC), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, vous avez relevé aujourd'hui qu'effectivement quelque 8300 familles sont à la recherche d'un appartement dans notre canton. Ce sont les chiffres de l'office du logement. Nous avons un devoir vis-à-vis de ces 8300 familles. Nous avons également le même devoir vis-à-vis de la PPE, parce que nos concitoyens sont multiples et que chacun doit pouvoir trouver son logement. Au-delà de la posture politique, il est malgré tout réjouissant de constater que nos institutions fonctionnent. Les trois niveaux constitutionnels se sont saisis de ce texte: le Conseil d'Etat, le parlement, les tribunaux, les instances genevoises et fédérales. Ce texte a été corrigé, même si cela a duré trois ans et demi... Je vous invite donc, en le votant ce soir, à donner la dignité d'offrir de la PPE à la classe moyenne. Je vous remercie de faire en sorte de pouvoir loger toutes les catégories de notre population.

M. François Longchamp, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, nous vivons ce soir un épisode insolite de l'histoire de la démocratie directe helvétique. Pour la première fois, une initiative soutenue par un gouvernement unanime sera adoptée par un parlement sans opposition. Nul doute qu'un jour un étudiant ou un chercheur en droit constitutionnel viendra potasser le Mémorial pour découvrir pourquoi le droit d'initiative a été nécessaire pour faire entrer en vigueur un texte soutenu par un gouvernement unanime et un parlement sans opposition. A cet étudiant, à ce chercheur, il faudra raconter l'histoire, et c'est à lui, par l'intermédiaire de ce Mémorial, que je vais raconter ces petits épisodes.

Genève, avant tous les autres cantons et avant de nombreuses villes de notre continent, a créé des zones de développement en ayant un souci essentiel: celui de la mixité sociale, celui de permettre à chacun, quels que soient ses moyens, quel que soit son statut, d'avoir une chance de pouvoir se loger à Genève. C'est l'une des grandes réussites de la politique du logement à Genève. On la doit à des années, à des décennies même, de politiques menées et soutenues par différents gouvernements et différents parlements. Cette mixité sociale et ces zones de développement ont été corrigées par un magistrat du PLR, Robert Ducret, qui s'est un jour dit que l'on ne pouvait pas avoir, dans les zones de développement, exclusivement des logements à louer, mais qu'il fallait permettre à la classe moyenne - celle qui était modeste, qui pouvait se payer un appartement mais pas forcément sur le marché libre - d'accéder à la propriété dans les zones de développement et, pour cela, qu'il fallait les élargir à la propriété par étage. Et puis est advenu ce système que vous avez tous dénoncé: les accaparements de ces appartements. Jamais ces appartements ne terminaient dans les mains de ceux à qui ils étaient destinés, jamais ces appartements ne faisaient d'autre chemin que de rester dans les mains de certains qui les ont accumulés, accumulés jusqu'à l'overdose, puisque certaines personnes ont, dans ce canton, la propriété à elles seules de plus de trente appartements en PPE sans jamais, évidemment, en avoir habité un seul.

Mesdames et Messieurs les députés, la grande faiblesse de notre canton aujourd'hui c'est l'incapacité que nous avons à loger les classes moyennes. Ces trente dernières années, les classes moyennes ont émigré dans le canton de Vaud, dans d'autres cantons encore, en France voisine, parce qu'elles ne trouvaient pas à se loger et parce que finalement d'autres s'appropriaient les appartements qui leur étaient destinés. Tel Rousseau qui, en 1728, trouvant les portes fermées, a dit: «Je leur dis adieu pour jamais», des générations de classes moyennes ont dit à Genève: «Je leur dis adieu pour jamais», parce qu'elles n'avaient pas la possibilité de se loger. Alors, face à ces accaparements, nous avons voulu instaurer un principe tout simple: celui de faire en sorte désormais que ces appartements destinés à la propriété par étage doivent être habités par ceux qui les achètent. Un principe tout simple, un principe parfaitement clair, un principe qui souffrait de quelques exceptions, parce que les événements de la vie peuvent vous amener, de temps en temps, à ne pas avoir une vie régulière. Tout cela était prévu dans une loi. Et puis sont arrivés des épisodes qu'il convient ici de résumer sommairement. Je ne m'intéresse qu'à l'avenir, car c'est là que j'ai décidé de passer le reste de mon existence, disait un homme qui a travaillé à Berne ! Je vais donc les décrire rapidement. Plutôt que le principe simple qu'il faut habiter l'appartement que l'on vient d'acheter, on a inventé le principe de primo-accédant. Le Conseil d'Etat vous a dit dans cette salle dix fois, cent fois, que ce principe serait cassé par les tribunaux. Evidemment, il l'a été ! Et ensuite la loi est revenue et les recours les plus divers, les plus insolites ont été déposés contre celle-ci, avec des arguments si variés qu'ils enchanteront précisément ce chercheur en droit constitutionnel des générations futures à qui je m'adresse. Ensuite le Tribunal fédéral a confirmé le contenu de cette loi. Mesdames et Messieurs les députés, ceux qui glosent sur le fait que le Tribunal fédéral a effectivement retiré la disposition sur la rétroactivité devraient lire l'arrêt de ce tribunal. Si cette disposition sur la rétroactivité a été supprimée du dispositif légal prévu par le Conseil d'Etat, c'est parce que le Tribunal fédéral a estimé qu'avec tous les épisodes qui avaient été ceux de ce feuilleton parlementaire il s'était écoulé un temps trop long pour que nous puissions valablement faire porter ce principe aux personnes que nous visions et qui étaient les 140 habitants ayant acquis des appartements à La Tulette, alors que jamais aucun d'entre eux - ou quasiment aucun d'entre eux - n'avait l'intention ni même la possibilité d'y loger. Mesdames et Messieurs les députés, la multiplicité et le don d'ubiquité ne sont pas tels qu'une personne puisse habiter trente appartements en même temps.

Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, j'aurai l'insigne honneur et l'insigne privilège d'avoir désormais une loi qui portera mon nom. J'aurais aimé, pour tout vous dire, que cette loi qui porte mon nom célèbre, par exemple, les emplois de solidarité que j'ai, dans une autre législature, avec votre appui, contribué à créer et qui ont permis de trouver des solutions pour certaines personnes parmi les plus précarisées de notre canton en matière d'emploi. J'aurais aimé, puisque Genève a été le premier grand canton à les instaurer, que les prestations complémentaires familiales soient l'objet de la loi qui porte mon nom. Ce sera une loi qui, finalement, s'occupera de mettre fin à des processus d'accaparement. Pourquoi pas ! Je m'en contenterai... Mesdames et Messieurs les démocrates-chrétiens, il n'y a que mon illustre prédécesseur Dupont qui peut se prévaloir d'avoir eu, lui aussi, une loi à son nom. Nous serons désormais deux ! J'aurai légué quelque chose à la postérité...

J'aurais évidemment - et là je m'adresse à mon parti - espéré un peu plus de mon groupe. Ne blâmez pas, Mesdames et Messieurs les députés, le PLR ! (Exclamations.) Le PLR est le seul parti, dans cet hémicycle, qui a organisé une assemblée de délégués interne pour traiter uniquement de ce sujet avec un débat contradictoire, en allant jusqu'au bout des choses, et 89 des délégués PLR présents ce soir-là ont soutenu cette loi, tandis que 13 se sont égarés. (Rires.)

Mesdames et Messieurs les députés, trois ans et demi auront donc été nécessaires pour que, dans quelques secondes, vous mettiez fin à ces accaparements. Molière disait: «Le chemin est long du projet à la chose.» C'était dans «Tartuffe» ! (Exclamations. Longs applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je soumets à votre vote l'approbation ou le refus de cette initiative 156.

Mise aux voix, l'initiative 156 est adoptée par 60 oui contre 1 non et 24 abstentions (vote nominal). (Longs applaudissements à l'annonce du résultat.)

Vote nominal