République et canton de Genève

Grand Conseil

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P 1967-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition pour un maintien de points de vente d'abonnements TPG dans les quartiers
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session V des 2 et 3 juin 2016.
Rapport de majorité de Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S)
Rapport de minorité de M. Alexis Barbey (PLR)

Débat

Le président. Nous sommes maintenant appelés à traiter la P 1967-A en catégorie II, trente minutes. La parole revient à la rapporteure de majorité, Mme Nicole Valiquer Grecuccio.

Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cette pétition a été initiée par un revendeur indépendant de titres de transport TPG afin de revenir sur une décision prise à son égard - et à celui d'autres revendeurs indépendants d'ailleurs - consistant à supprimer la possibilité offerte jusque-là aux petits commerces de vendre des abonnements. Les TPG ont fait savoir qu'ils entendaient rationaliser la vente de leurs abonnements dans différentes zones du canton notamment en privilégiant le SwissPass, qui permet de contenir plusieurs abonnements sur une seule et même carte.

La majorité de la commission a considéré que les revendeurs indépendants sont garants de la qualité de vie dans les quartiers de Genève en relevant leurs avantages en termes de proximité, de services et d'heures d'ouverture, et rappelé qu'ils représentent à eux seuls 17% des ventes d'abonnements. La minorité, quant à elle, a avancé comme argument la liberté du commerce. La majorité lui a opposé qu'étant donné que les TPG sont au bénéfice de contrats de prestations, il convient de privilégier la qualité offerte en termes de prestations à la population. Il a également été fait remarquer qu'il existe normalement des contrôles de qualité de la part des TPG qui n'ont absolument pas démontré que le distributeur en question aurait failli à sa mission. De surcroît, la majorité a considéré qu'on ne peut pas supprimer ainsi la réalité de ces commerces alors que dans le même quartier - il s'agit ici de la rue Hoffmann - certains revendeurs ont été conservés mais il s'agit en fait de kiosques Naville. Nous pensons qu'il n'est pas normal de supprimer des contrats à des revendeurs indépendants au bénéfice des kiosques Naville, plus importants.

De la même façon d'ailleurs, il a été souligné que le kiosque privilégié à la rue de la Servette se trouve à l'intérieur d'un centre commercial, ce qui est aux yeux de la majorité une manière d'inviter les gens à y entrer et n'est pas acceptable en regard des petits revendeurs indépendants. Pour l'ensemble de ces raisons, la majorité de la commission a décidé qu'il convenait de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat et je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à suivre cette option dans l'intérêt d'une politique d'ouverture et de qualité des prestations qui réponde à la population, notamment aux personnes âgées qui ne vont pas forcément pouvoir se déplacer plus loin et risquent de voir leur mobilité entravée. Merci pour votre écoute.

M. Alexis Barbey (PLR), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, face à ce cas de la distribution des abonnements TPG, la minorité de la commission des pétitions prône la liberté du commerce. Pourquoi ? Parce que nous estimons que les TPG sont libres d'organiser leur réseau de distribution comme ils le jugent optimal et que cela ne doit pas répondre à des directives émanant du monde politique. Si on peut parfaitement comprendre, dans le cas qui nous a été soumis, qu'il s'agit d'une perte de revenus pour ces revendeurs, l'absence de distribution dans ces kiosques s'accompagne toutefois de nouveaux distributeurs à d'autres endroits, même si ce n'est pas un ratio d'un pour un.

Il a semblé à la minorité de la commission que l'exigence d'économie des TPG était extrêmement importante et que la capacité d'organiser le réseau de distribution était pratiquement l'une des seules libertés laissées à cette régie puisque c'est nous qui fixons tout à la fois les prix, le réseau et pratiquement l'intégralité des investissements. C'est donc bien sur l'exploitation que les TPG doivent faire peser leurs efforts de rationalisation et, dans le cas présent, ils ont mené une étude tout à fait justifiée sur la rentabilité de ces points de commerce.

Ce qu'on pourrait peut-être leur reprocher, c'est de ne pas être entrés en matière suffisamment rapidement avec les kiosquiers qui se plaignaient de ne plus vendre d'abonnements - il y a certainement un effort à faire à ce niveau - mais on ne peut pas demander aux TPG de ne pas préparer l'avenir; or l'avenir de la distribution des titres de transport, ce sont soit des tickets journaliers pris sur les bornes, soit des abonnements annuels qui, eux, sont souscrits par d'autres voies - auprès des entreprises ou directement auprès des TPG - et ne sont pas le fait des kiosquiers qui distribuent essentiellement des abonnements hebdomadaires. Pour ces trois raisons - liberté de commerce, exigence d'économie et préparation de l'avenir - la minorité de la commission des pétitions vous invite à rejeter ce rapport et à laisser la liberté aux transports publics de se gérer. Je vous remercie.

Mme Sarah Klopmann (Ve). Les Verts sont partagés sur cette pétition. Comme vous le savez, nous sommes tous ici pour des transports publics plus rapides, plus performants, plus fréquents; mais, d'un côté, il y a celles et ceux qui pensent que le service de proximité à la population doit primer, qu'il est important de maintenir des points de vente d'abonnements dans tous les quartiers pour faciliter leur achat et encourager la population à les prendre et que, dans ce but, nous devons rendre cet achat accessible et facile. Entre en jeu également le soutien aux petits commerces, qui est une valeur très importante pour les Verts, et les informations qui nous ont été fournies en commission par les représentants des TPG afin de nous expliquer pourquoi ils ne désiraient plus collaborer avec ces petits commerçants nous ont paru plus que légères mais surtout très difficiles à obtenir - ce n'était donc pas particulièrement satisfaisant. De plus, les TPG étant une régie publique subventionnée, on peut exiger d'elle qu'elle soit au service de la population.

De l'autre côté, il y a les Vertes et les Verts qui pensent que puisque nous demandons sans arrêt aux TPG d'être plus efficaces tout en coûtant moins cher, nous ne pouvons pas ensuite les brimer et leur interdire de mettre en place une stratégie pour mener ces conditions comme ils l'entendent.

Une voix. Bravo !

Mme Sarah Klopmann. C'est si rare qu'on me dise bravo de ce côté ! (L'oratrice rit.) Ça m'a coupé la chique tellement c'est rare ! Vous l'avez donc compris, nous avons beaucoup débattu de cette pétition. Ce que nous tenons à faire passer comme message central, c'est qu'il faut arrêter de couper tout le temps dans les subventions des TPG parce que si nous les soutenions pleinement et de façon intelligente, nous n'aurions pas à nous demander s'il est préférable de péjorer plutôt le service à la population ou les prestations. Nous aimerions bien éviter d'avoir à nous mesurer sans cesse à ce genre de dilemme. Si les Verts s'octroient la liberté de vote sur ce sujet, ils soutiennent et soutiendront toutefois toujours des transports publics plus efficaces. Merci.

M. Jean-Marie Voumard (MCG). Le groupe MCG est tout à fait d'accord avec l'idée que les TPG fassent des économies mais aussi avec celle de revenus supplémentaires si c'est possible. Je prends position par rapport à cette pétition: il s'agit d'un commerce de proximité, situé dans un quartier comptant beaucoup d'habitants, d'EMS et d'écoles, et on vient nous dire que ce kiosque ne correspond pas aux desiderata de la direction des TPG et ne peut plus servir de point de vente pour les billets de bus ?!

Laissez-moi tout de même m'étonner de voir que le kiosque qui se trouve à quelques mètres de là, dans la Coop, fermé le dimanche et les autres jours dès 18h, a le droit de vendre des abonnements tandis qu'on interdit au petit revendeur de proximité, chez qui les gens du quartier ont l'habitude d'aller et qui est ouvert 24h/24, de fonctionner comme point de vente. On peut se poser la question de la politique de recrutement des TPG ! Je vous signale simplement que certains kiosques vendent pour environ 2000 F de billets TPG par année alors que celui-là en est à 150 000 F par année ! C'est une recette considérable, et le groupe MCG soutiendra le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat. Je vous rappelle pour terminer que la NODE - la nouvelle organisation des entrepreneurs - dans une lettre du mois d'avril 2016, soutient également le maintien de points de vente d'abonnements TPG dans les commerces de quartier. Merci.

M. Raymond Wicky (PLR). Mesdames et Messieurs, chers collègues, en ce qui concerne le groupe PLR, il est évident que nous n'entendons d'aucune manière, au travers de notre rapport de minorité, stigmatiser ou prétériter ces petits commerces, surtout pas au profit de chaînes de distribution ou de je ne sais qui d'autre ayant été mentionné jusqu'à présent. Vous savez notre ferme attachement à ces mini-PME également.

Par contre, nous estimons que l'évaluation du réseau de distribution, des critères d'attribution et enfin des prestations fournies par ces kiosques doit rester du ressort des TPG, comme l'a dit le rapporteur de minorité. Dans le cas qui nous occupe, j'ai personnellement un peu l'impression que l'on est en train de faire ce que l'on fait trop souvent dans notre Grand Conseil, à savoir mettre les mains dans le cambouis en essayant de régler, dans le cadre des entreprises du grand Etat, certaines choses qui sont bassement opérationnelles, si j'ose dire, et qui reviennent à la direction de ces différentes entités. Forts de ces considérations, nous ne pourrons pas soutenir le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat. Merci de votre attention.

M. François Lance (PDC). Mesdames et Messieurs, le groupe démocrate-chrétien comprend parfaitement les interrogations et le désarroi des commerçants de proximité face à la décision des TPG. Nous sommes également convaincus du rôle social qu'ils jouent dans les quartiers d'habitation. Mais même si les explications des TPG n'ont pas été convaincantes, nous pensons que notre Grand Conseil ne doit pas intervenir dans la gestion courante de cette entreprise.

Depuis l'application de la baisse des tarifs, les TPG doivent trouver des mesures d'économie et d'efficience pour équilibrer leur budget. La baisse des tarifs a eu pour conséquence notamment que plusieurs abonnés mensuels - environ 17 000 - se sont tournés vers des abonnements annuels alors que les revendeurs indépendants vendent généralement des abonnements mensuels et très peu d'annuels. D'autres sont passés de l'abonnement mensuel à la carte journalière. Les abonnements annuels sont distribués principalement dans les agences des TPG. Pour cette régie, les coûts de distribution sont aussi un facteur de réflexion face à la baisse des tarifs.

Les TPG comptent actuellement 92 revendeurs, et des exigences de qualité sont demandées avec l'arrivée du SwissPass. La gestion journalière des TPG est complexe, surtout en tenant compte des importantes exigences d'économie, et nous pensons que ce n'est pas le moment que notre Grand Conseil s'en mêle. Le groupe PDC préconise le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.

M. Stéphane Florey (UDC). Le marché des billets TPG est en constante évolution, il y a sans arrêt de nouveaux moyens d'acheter des billets comme avec un téléphone portable ou encore avec le système SwissPass, qui se met gentiment en place. Par conséquent, ce marché doit sans cesse se réorganiser et les points de vente évoluent également: un jour, c'est vous qui vendez, et le lendemain ce sera peut-être votre voisin. C'est l'évolution du marché qui veut ça.

Mais de toute façon, nous sommes en train de parler d'une chose sur laquelle nous n'avons aucune prérogative ! Ce n'est pas à notre Grand Conseil de décider qui fait quoi, qui vend quoi, il faut arrêter d'halluciner et de penser que vous allez, vous, révolutionner le marché de la vente d'abonnements TPG ! Ça ne changera rien, les TPG doivent gérer leurs points de vente comme ils l'entendent au nom de la liberté du commerce, donc la seule solution possible pour cette pétition, c'est bel et bien le dépôt. Et arrêtons de nous mêler de ce qui ne nous regarde pas ! Je vous remercie.

Une voix. Bravo.

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Wicky, vous sollicitez encore la parole ?

M. Raymond Wicky (PLR). Excusez-moi, Monsieur le président: il ne s'agit pas d'une erreur mais d'une maladresse, je n'ai rien à dire.

Le président. D'accord. Je vous remercie et passe alors la parole à M. Patrick Dimier pour moins d'une minute.

M. Patrick Dimier (MCG), député suppléant. Merci, Monsieur le président. Je suis étonné de constater que cette pétition, qui vise à accroître l'encaissement de nouveaux abonnements, ne transporte pas le PLR mais peut-être a-t-il de la peine à se transporter, du moins publiquement ! Je ne suis en revanche pas étonné de voir que le groupe des Verts fonctionne de manière alternative puisque cela correspond à sa nature politique: il s'agit en effet d'un courant alternatif.

Pour ce qui est du MCG, nous soutenons encore et toujours l'accès le plus large possible aux points de vente des abonnements TPG ainsi que toute forme d'achat de titres de transport. Comme l'a dit mon préopinant de parti, nous soutiendrons avec ferveur le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat. Merci.

M. Alexis Barbey (PLR), rapporteur de minorité. Un dernier mot sur la position minoritaire pour conclure: il n'est pas question de faire disparaître le réseau des distributeurs TPG qui évolue constamment selon les besoins du marché, mais personne n'est mieux placé que les TPG eux-mêmes pour l'évaluer, et c'est au titre de cette évolution permanente et de la préparation de l'avenir que nous vous invitons à déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Je vous remercie.

Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S), rapporteuse de majorité. La rapporteure de majorité que je suis voudrait juste relever que préparer l'avenir, c'est aussi savoir préserver des emplois de proximité dans des secteurs fragilisés et ne pas précipiter les indépendants dans des situations de faillite. Brimer les TPG ? Laissez-moi sourire puisqu'il s'agit de permettre aux indépendants de travailler à côté de chaînes de distribution plus importantes. Je terminerai en disant qu'une politique de proximité ne peut être qu'un seul slogan de parti et qu'il faut la faire vivre. C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à accepter notre rapport de majorité.

Le président. Merci, Madame Valiquer Grecuccio. Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande de voter sur les conclusions de la majorité de la commission, c'est-à-dire le renvoi au Conseil d'Etat.

Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (renvoi de la pétition 1967 au Conseil d'Etat) sont adoptées par 45 oui contre 36 non.