République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 24 juin 2016 à 16h30
1re législature - 3e année - 6e session - 32e séance
RD 1149
Le président. Nous avons reçu de notre collègue, M. Daniel Zaugg, sa lettre de démission de son mandat de député, avec effet à l'issue de l'hommage. Je prie M. Jean Romain de bien vouloir lire le courrier 3569.
Le président. Il est pris acte de cette démission. M. Daniel Zaugg a siégé au Grand Conseil sur les bancs du parti libéral, puis du PLR, pendant plus de neuf ans, après y être entré comme vient-ensuite en février 2007. Il a été réélu en 2009, puis en 2013.
Durant ses mandats, Daniel Zaugg a présidé la commission des transports ainsi que la sous-commission chargée d'élaborer un contreprojet à l'IN 154 sur la mobilité - contreprojet qui a été accepté en votation populaire le 5 juin dernier. Il a également participé aux travaux des commissions de l'économie, de contrôle de gestion et de grâce. En plénière, il s'est exprimé le plus souvent sur des objets relatifs aux transports, à la mobilité et au stationnement. M. Zaugg a en outre déposé une proposition de motion pour une gestion plus transparente de la mobilité genevoise, qui a été adoptée par ce Grand Conseil.
Nous formons nos voeux les meilleurs pour la suite de ses activités, notamment professionnelles, et nous lui remettons, fidèles à la tradition, un stylo souvenir, en espérant qu'il restera un participant assidu aux tournois de jass des députés ! (Applaudissements. Le président descend de l'estrade, serre la main de M. Daniel Zaugg et lui remet le stylo souvenir.) Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment... (Remarque.) Ah, pardon, j'oublie les hommages ! La parole est à M. le député Bertrand Buchs.
M. Bertrand Buchs (PDC). Merci, Monsieur le président. Il ne faut pas oublier les hommages, c'est important ! Cher Daniel, merci pour ta magnifique lettre de démission aux accents PDC, qui nous a beaucoup touchés. Ce qui nous a encore plus touchés, c'est la qualité de ton travail au sein de la sous-commission des transports sur la mobilité. En effet, c'est à toi que nous devons une grande partie du succès du contreprojet: tu as réussi à dépasser ta position personnelle sur les transports et aller vers l'autre, ainsi que tu l'as expliqué dans ton courrier, et c'est ce que nous devrions tous faire face à des sujets conflictuels.
Quand je suis entré à la commission des transports, on m'a demandé si j'avais un casque parce que c'était la guerre des tranchées de part et d'autre de la table, mais on est parvenu à dépasser ça. Peut-être que c'était le moment, peut-être que tout le monde en avait assez de s'envoyer des obus par-dessus les lignes fortifiées; en tout cas, tu en es venu à bout, ce qui est souvent l'apanage de personnes aux positions catégoriques mais qui acceptent d'écouter l'autre. Il s'agit là d'une qualité vraiment remarquable et je t'en remercie.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Thomas Wenger (S). Cher Daniel, je vais citer deux chiffres: 19 189 et 43. T'évoquent-ils quelque chose ?
Une voix. Un projet de loi !
M. Thomas Wenger. Non, ce n'est pas un projet de loi ! Le premier, c'est ton score en 2013 - après recomptage - et le second le nombre de voix socialistes que tu as obtenues sur ce total de 19 189. Qui a écrit le 7 octobre au soir: «Hier soir, les Genevois m'ont remis à ma place. Et selon eux, ma place c'est: dehors !»? Toi, croyant ne pas être élu; or tu l'as été le lendemain à la faveur de 9 voix. Aujourd'hui, cher Daniel, ce ne sont pas les Genevois qui te mettent dehors, c'est toi seul, comme un grand.
Ç'a été un réel plaisir de te côtoyer et de travailler avec toi, d'abord dans le cadre de la commission des transports, puis dans celui de la sous-commission dont tu as été président et vice-président; on a beaucoup débattu, beaucoup brainstormé, beaucoup négocié, on a trouvé des compromis, on n'a pas réussi à se mettre d'accord sur certaines choses mais, quoi qu'il en soit, ces mois de travail sur le contreprojet ont été vraiment très, très riches d'expériences. Souviens-toi des 48 heures de voyage à Bâle et Bordeaux, où on a fini sous un tram - c'était avant l'apéro et le restaurant, je le précise ! - lors de la visite du dépôt des trams de Bordeaux. Il y a eu d'autres visites encore, mais ces 48 heures sont le témoin de l'ambiance très sympa qui a régné dans cette sous-commission.
Aujourd'hui, une page se tourne; des quatre députés qui ont le plus oeuvré pour ce compromis, Lisa Mazzone est à Berne, Eric Stauffer est en berne et toi, véritable leader de la sous-commission, tu quittes ce parlement. Cher Daniel, tel Didier Cuche avec qui tu partages le plaisir de la descente, tel Zinédine Zidane avec qui tu partages la passion du ballon, tu quittes ton mandat au sommet de la vague: initiative des Verts terrassée, traversée du lac acceptée, contreprojet sur la mobilité plébiscité - le 5 juin dernier, le peuple t'a suivi les yeux fermés. Or un jour, il va les ouvrir... (Rires.) ...et le crédit pour la traversée du lac va mourir - mais c'est de la musique d'avenir ! Le présent, c'est ton départ, et les socialistes te souhaitent bonne route pour cette nouvelle traversée; même sans tunnel ni pont, tu arriveras sans doute à destination !
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Patrick Lussi (UDC). J'ai presque honte de parler après l'hommage que vient de faire M. Thomas Wenger, donc je le remercie pour ses bonnes paroles - c'est là qu'on voit qu'en politique nous ne sommes pas constamment opposés mais savons aussi nous montrer humains et reconnaître les succès à certains moments. C'est sur cette tendance que je voulais remercier Daniel Zaugg, parce qu'en définitive j'ai toujours eu l'impression d'avoir un honorable adversaire face à moi. En effet, pour changer de registre et faire référence à quelque chose qui me ressemble, c'est un peu comme quand j'entrais sur un tatami, lors de mes jeunes années, sur lequel on s'incline et on se bat avec des arguments loyaux et dignes tout en étant prêt à réaliser un splendide fauchage et mettre son adversaire ippon si on le peut. Je dirais simplement, cher Daniel, et je sais que tu ne m'en voudras pas, que tu dois un tout petit peu ta réussite sur la traversée du lac au travail accompli par l'UDC sur la traversée de la rade. Bon vent pour ta retraite, Daniel ! (Applaudissements.)
M. Pascal Spuhler (MCG). C'est sans lyrisme que je vais, au nom du MCG, prendre congé de Daniel Zaugg. Je n'ai pas préparé de petit poème mais j'avais envie de saluer une dernière fois l'une des grandes gueules de ce parlement, et c'est dit en toute amitié - vous transmettrez, Monsieur le président, au cas où il n'aurait pas bien compris. Daniel a su exprimer ses désirs et affirmer ses volontés politiques, et nous avons tous apprécié ses sorties - il nous a d'ailleurs souvent égratignés au passage mais ce n'est pas grave car il sait aussi être un ami, un camarade, un compagnon de comptoir de temps à autre. Il a mené ses combats jusqu'au bout et s'en va sur une belle victoire, je pense que tout le monde ici sera d'accord de le reconnaître. Si le contreprojet a été plébiscité le 5 juin, c'est en effet un peu grâce à son travail, lui qui a merveilleusement bien présidé la sous-commission des transports. Alors merci pour tout ce que tu as fait, cher Daniel, et à bientôt ! (Applaudissements.)
M. Pierre Vanek (EAG). Ce n'est que des morts qu'on ne dit que du bien ! «De mortuis nihil...» - quelle est la suite, déjà ? Enfin, il y a un latiniste dans la salle... (Remarque.) Ah, voilà: «De mortuis nihil nisi bonum». Fort heureusement, Daniel Zaugg n'est pas mort, il vit et bouge encore, assurément: pas plus tard qu'il y a un quart d'heure, il me contredisait vigoureusement sur la question de l'augmentation des tarifs des TPG et ce qu'avaient dit ou n'avaient pas dit les initiants.
Je ne suis pas du tout d'accord avec son idée selon laquelle le salut de cette république résiderait a priori dans l'entente entre les socialistes et les libéraux, non ! Pour ma part, je crois au débat contradictoire, à la démocratie où le peuple se prononce en dernier lieu. Dans la lettre qu'a lue Jean Romain, vous avez sauf erreur cité René Koechlin, Monsieur le député, un ancien président libéral du Grand Conseil qui disait que rien n'est impossible quand le PS et les libéraux se mettent d'accord. Quand il a dit ça, René Koechlin avait la mémoire qui flanche - ou alors c'est peut-être vous quand vous l'avez cité. En effet, en 1998, les socialistes étaient revenus au Conseil d'Etat avec deux élus dont Mme Micheline Calmy-Rey, et il a été question de s'entendre autour d'une table ronde - cela vous dit-il quelque chose, Messieurs du Conseil d'Etat ? Tout le monde s'est donc assis autour de cette table ronde et tout le monde s'est mis d'accord pour une parité des sacrifices: un peu de baisse des prestations d'un côté, un peu plus de machin de l'autre, une petite taxe supplémentaire mais une baisse de la fiscalité... Enfin bref ! Dans ce parlement, l'Alliance de gauche ne comptait modestement plus que... Combien, déjà ? Il me semble que c'était 19 députés, et donc 81% de ce parlement a voté en faveur de ce compromis et de cette table ronde: les socialistes et les libéraux étaient d'accord, les radicaux et le PDC aussi, et il n'y avait personne à droite. En effet, Michel Balestra siégeait à l'époque chez les libéraux et il me disait: «Ma fierté, c'est qu'il n'y ait personne à droite.» Si je lui ai rendu hommage tout à l'heure sur le succès concernant les Services industriels et le fait qu'il y a peu de monde à droite du PLR, il y a quand même un petit problème mais l'affaire est apparemment en train de se régler. (Exclamations.)
Pour revenir à ce que je disais, vous avez raison, Monsieur le député: vous vous êtes tourné vers les leçons de l'histoire dans votre épître d'adieu, vous avez indiqué que rien n'était impossible si les socialistes et les libéraux se mettaient d'accord et, dans le cas que je cite, les socialistes s'étaient malheureusement mis d'accord avec les libéraux, raison pour laquelle nous avons lancé un référendum avec l'essentiel des associations et tous les syndicats du canton. A la gauche de la gauche, nous avons gagné cette bataille politique avec un score de 65%, si je ne m'abuse - combien c'était, Alberto, 66% ? (Commentaires.) Oui, 66%, donc disons un bon deux tiers de non, et c'est probablement vers ce genre d'expérience qu'il s'agit... (Remarque.) C'était le bon vieux temps et c'est toujours un traumatisme, Alberto Velasco en est encore un peu traumatisé, mais il est en train de se remettre ! Mesdames et Messieurs, je pense que c'est probablement vers ce type d'expérience - parce que, en dernière instance, c'est le peuple qui a eu son mot à dire - qu'il s'agit de nous diriger dans le cadre de cette excellente démocratie semi-directe que nous mettons en oeuvre tous les jours dans ce parlement. C'était donc pour ne pas le décevoir et avoir le plaisir de le contredire une dernière fois que je me suis levé afin de rendre hommage à Daniel Zaugg avant son départ, ceci en toute amitié bien entendu. (Applaudissements.)
M. Mathias Buschbeck (Ve). Cher Daniel, ta mandature est un espoir pour les Verts. Même si je n'ai fait que te croiser à la commission des transports - j'y entrais alors que tu en sortais - ce fut pour boucler ce compromis historique. En plus de nous être croisés à la commission des transports, nous menons ensemble un véritable chassé-croisé depuis de nombreuses années puisqu'en 1996 déjà, lors de la première votation sur la semi-traversée de la rade, tu étais, avec d'autres affreux comme Alain Meylan, le fer de lance du groupe qui se battait pour nous convaincre de réaliser cet ouvrage; durant la dernière législature, tu faisais partie de ceux qui voulaient surlégiférer s'agissant de tout ce qui a trait à la mobilité - axes de transport, parkings, etc. - d'une façon totalement anti-libérale: on ne surlégifère pas ainsi, on doit laisser aux citoyens le libre choix de leur mode de locomotion, ce qui n'a pas exactement été le cas alors.
Mais lors de cette législature-ci, sans doute lassé de cette guerre et épuisé par la stérilité des débats, qui se manifeste peut-être plus qu'ailleurs dans le domaine des transports, tu as fait ce qu'on fait très rarement dans ce parlement, c'est-à-dire que tu es allé vers l'autre, tu as évolué et changé d'idées. Lors des ultimes négociations sur les quelques virgules restantes du compromis, j'essayais de grappiller encore de menus avantages pour mon camp et je me souviens que tu m'as dit la chose suivante: «Arrête de déconner, ce contreprojet penche déjà vachement à gauche !» J'ai été obligé de faire amende honorable et, pour rassurer tes troupes, tu as fort habilement lancé ce contre-feu qui s'appelle la traversée du lac et dont tu sais qu'elle ne se fera jamais. Tu as donc réussi à faire aboutir un compromis à Genève, ce qui n'est déjà en soi pas évident et que le Conseil d'Etat devrait imiter, mais en plus dans le domaine des transports, c'est pourquoi je te félicite ! (Applaudissements.)
M. Serge Hiltpold (PLR). Cher Daniel, ta décision est prise et le moment assez bien choisi pour annoncer ton départ, avec le beau double succès du projet sur la mobilité et de la traversée du lac, deux dossiers dans lesquels tu as investi beaucoup d'énergie et qui ont abouti. Le jour de cette démission coïncide avec le Brexit et, comme tu l'as dit avec beaucoup d'humour, le Zauggit se fera à la buvette - on te fait confiance là-dessus. Les transports ont toujours été ta principale préoccupation et celle de certains de tes partenaires comme Alain Meylan ou encore Ivan Slatkine, avec lequel tu formais un véritable tandem non pas cycliste mais plutôt - assez dogmatiquement - pro-bagnoles. Il est vrai qu'avec l'âge ta position s'agissant de la voiture, pour évoquer ce mode de transport, s'est quelque peu adoucie et tu es même allé jusqu'au bout de cette ouverture d'esprit lorsque tu présidais la commission des transports puisque tu as montré à tes collègues que tu pouvais aussi circuler avec d'autres moyens de locomotion que la voiture: en vélomoteur Ciao maquillé, avec le coffre et le casque de moto, ce qui était peut-être dû à une consommation de petit Meylan - les initiés sauront de quoi je parle !
La politique, pour toi, c'est aussi les collègues, le groupe et de solides amitiés développées lors des parties de cartes, des caucus près de la viande séchée à l'arrière-salle et des sorties sur le trottoir avec Renaud pour fumer, revenir dans l'enceinte et intervenir à nouveau dans le débat. Mais ce que j'ai surtout apprécié chez toi, Daniel, tout comme Ivan et Nathalie, c'est ta grande loyauté envers les chefs de groupe: tu nous as toujours suivis et su rester extrêmement loyal en essayant de négocier avant de revenir vers nous, ce qui a été très apprécié. Une grande loyauté, donc, et des interventions franches et directes: on voit que tu viens de la famille de la construction ! Ce monde - tes collaborateurs, tes clients - te réclame maintenant car ce n'est pas la politique qui te fait vivre, ne l'oublions pas, mais bien l'entreprise. Il ne reste plus beaucoup de patrons dans ce parlement car il devient de plus en plus difficile actuellement de concilier une activité politique avec nos horaires, la nécessaire implication personnelle; eh bien en voici encore un exemple supplémentaire, on voit l'un de nos collègues devoir partir aujourd'hui pour s'occuper de son entreprise. C'est une réalité économique: nous devons être présents dans nos boîtes, et ce n'est pas toujours simple.
Si on fait le bilan de ces neuf ans, on constate donc beaucoup d'investissement pour peu de résultats - la politique, c'est beaucoup de combats mais heureusement aussi des amitiés. Comme tu l'as mentionné dans ton courrier, on est ici pour construire et il manque des bâtisseurs, des gens qui ont envie d'élever, de construire quelque chose. Daniel, au nom du groupe et avec toute notre amitié, je te souhaite le meilleur pour tes projets et tes enjeux professionnels comme familiaux - surtout familiaux ! Concernant le bar et les toasts, je pense qu'on peut te faire entièrement confiance; ton voisin a, lui aussi, une solide réputation et le groupe PLR dans son entier ne se défend pas mal non plus dans ce domaine ! Santé, Daniel ! Merci. (Applaudissements.)