République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 17 mars 2016 à 17h
1re législature - 3e année - 2e session - 6e séance
M 2286
Débat
Le président. Nous passons à la proposition de motion 2286. Le débat est classé en catégorie II, trente minutes, et la parole revient à la première signataire, Mme Sophie Forster Carbonnier.
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'entrée en vigueur de la directive dite de préférence cantonale a créé passablement de controverse à Genève. Comme vous le savez, les Verts sont très attachés au principe de libre circulation des personnes, convaincus qu'avec des mesures d'accompagnement adéquates cette ouverture est bénéfique au pays. Il faut cependant constater qu'en l'absence de mesures d'accompagnement efficaces une partie de la population rencontre de plus en plus de difficultés à s'insérer dans le marché de l'emploi. Ainsi, pour les Verts, les premières mesures à prendre pour répondre à cette problématique en matière d'accès au travail sont d'insister sur la formation et de lutter contre le dumping social et salarial. C'est la raison pour laquelle cette directive nous a laissés fort dubitatifs.
L'une des invites et donc l'un des objectifs de cette motion est de demander qu'un rapport sur l'efficacité de la mesure soit rendu au Grand Conseil. Dans l'attente de ce rapport qui nous permettra de nous prononcer sur la pertinence de cette directive, les Verts vous proposent d'en améliorer l'application. La première chose qui nous est apparue est la nécessité d'étendre le cercle des bénéficiaires aux personnes en recherche d'emploi inscrites à l'aide sociale et prises en charge par l'Hospice général. Il est en effet regrettable que la directive les exclue et ne les considère pas au même titre que les demandeurs d'emploi de l'OCE. Cette motion demande également de réduire le champ d'application de la directive pour qu'elle ne concerne plus que les entités subventionnées à plus de 200 000 F, qui est la limite pour les contrats de prestations, car il ne nous semble pas opportun d'exiger l'application de cette directive à des entités dont le financement cantonal représente moins de 20% des ressources financières. Les Verts estiment en effet inapproprié que cette directive s'applique à des postes dont le financement n'est pas assuré par le canton.
Sachant que des amendements ont été déposés, les Verts vous invitent à renvoyer cette motion à la commission de l'économie pour qu'elle puisse être étudiée de manière plus approfondie. Je vous remercie.
Le président. Merci, Madame la députée. Je donne la parole à Mme la députée Jocelyne Haller. (Un instant s'écoule.) Madame Haller, c'est à vous !
Mme Jocelyne Haller (EAG). Excusez-moi, Monsieur le président, et merci. Mesdames et Messieurs, notre groupe est bien évidemment favorable à l'intention de favoriser autant que possible la réinsertion professionnelle des demandeurs d'emploi. Toutefois, un tel projet ne peut s'associer à des concepts qui prêchent par ailleurs l'exclusion plutôt que l'inclusion, et c'est pourquoi nous estimons que cette notion de préférence sociale n'est pas opportune. Cela étant, elle ne constitue pas un obstacle tel que nous ne puissions entrer en matière sur cette motion.
Vous l'avez vu, nous avons proposé deux amendements consistant tout d'abord à faire en sorte que cette directive s'adresse à toutes les personnes prises en charge par l'Hospice général, et non exclusivement à celles qui le sont par le service de réinsertion professionnelle parce que c'est un fait avéré que des projets d'insertion professionnelle se développent depuis les centres d'action sociale et non uniquement via le SRP. Il nous semble également nécessaire d'ouvrir cette opportunité aux personnes qui bénéficient des prestations complémentaires familiales qui, je vous le rappelle, sont des prestations destinées aux familles de travailleurs pauvres, des personnes qui, travaillant à temps partiel, ne réalisent pas un gain suffisant pour subvenir à leurs besoins et doivent précisément, elles aussi, augmenter leur taux de travail ou trouver une autre activité mieux rémunérée qui leur permette d'être indépendantes financièrement. Les exclure du bénéfice de cette directive n'est pas opportun et va même à l'encontre de l'intention de cette motion.
Ensuite, il ne nous paraît pas utile ni judicieux d'exclure tous les organismes et associations qui bénéficient d'une subvention inférieure à 200 000 F ou à moins de 80% de subventionnement parce que cela revient finalement à réduire la portée de cette motion. En revanche, nous sommes sensibles à l'argument du poids que représentent les charges administratives générées par l'application de cette directive et nous préconisons donc de réduire les contraintes induites par cette motion. Voilà pourquoi nous avons présenté ces deux amendements. Pour conclure, il ne nous paraît pas nécessaire de renvoyer cette motion en commission car nous pourrions tout à fait nous déterminer maintenant sur ces principes, qui sont des principes de fond sur lesquels nous avons déjà tous une opinion. Renvoyer cette question...
Le président. Il vous reste trente secondes, Madame la députée.
Mme Jocelyne Haller. Merci ! ...en commission ne ferait que retarder son application. Merci.
M. Georges Vuillod (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, nous partageons également la volonté d'obtenir des renseignements quant à l'efficacité de la mesure mise en place. Cette motion propose d'élargir le cercle des bénéficiaires de la directive à toutes les personnes en recherche d'emploi inscrites à l'aide sociale ainsi que de restreindre le nombre des établissements subventionnés qui devraient appliquer la directive à ceux qui touchent plus de 200 000 F de subvention. A la lecture de l'exposé des motifs, ces propositions méritent un examen approfondi, pour vérifier tant l'implication nécessaire en termes de temps et de francs à l'application de la directive que le profil des personnes inscrites à l'aide sociale, afin qu'il corresponde aux attentes des organismes subventionnés. Dans les deux cas, nous devrons nous assurer que l'élargissement de l'application de la directive ne détourne pas le but premier des subventions accordées. Au vu de ces éléments, nous soutenons le renvoi de ce texte à la commission de l'économie pour examen. Merci beaucoup.
Une voix. Très bien !
M. Stéphane Florey (UDC). Quand l'Etat de Genève avait édicté cette directive, nous l'avions accueillie favorablement car il nous semblait logique que l'Etat prenne conscience de la situation concernant le chômage et l'emploi à Genève, et nous restons favorables à ce type de mesure. Maintenant, s'agissant du fond de la motion, si nous n'y sommes pas directement opposés, nous ne sommes en tout cas pas favorables à certaines de ses invites. En effet, nous préférons laisser une marge de manoeuvre au Conseil d'Etat: s'il souhaite modifier ou étendre le champ de cette mesure, libre à lui de le faire. Mais le lui imposer en voulant élargir le champ des bénéficiaires à absolument tout le monde ne sera juste pas possible, et je ne pense pas que l'Etat dispose des ressources et des moyens suffisants.
En fait, la seule invite qui nous satisfasse vraiment est celle demandant au Conseil d'Etat de rendre un rapport au Grand Conseil quant à l'efficacité de cette mesure; pour le reste, nous sommes assez partagés et pas vraiment convaincus. Quant au renvoi en commission, nous pouvons éventuellement l'accepter, oui, mais nous ne voterons en tout cas pas cette motion telle quelle. Elle mérite effectivement une étude approfondie pour déterminer si elle a vraiment du sens, et c'est pour ça que nous voterons pour le renvoi en commission mais, à ce stade, nous n'irons pas plus loin. Je vous remercie.
Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, si le parti démocrate-chrétien était cosignataire de cette motion, c'est tout simplement parce que nous souhaitions réajuster une proportionnalité dans la directive sur cette préférence sociale en matière d'emploi. Il nous semble évident que le fait de mettre dans le même panier les HUG, l'Hospice général et des petites structures - institutions, associations et autres partenaires modestes mais efficaces, au bénéfice de subventions de moins de 200 000 F - est un non-sens. Nous voulons penser que la commission de l'économie fera un travail approprié et proportionnel, Monsieur le président, à n'en pas douter, et c'est cette motion que nous vous proposons de lui renvoyer. Je vous remercie.
M. Marc Falquet (UDC). Combien de temps me reste-t-il, Monsieur le président ?
Une voix. Une minute.
M. Marc Falquet. Merci. J'avoue que nous avons été assez étonnés d'apprendre que la directive de préférence sociale ne concernait pas les gens à l'Hospice général, il est vrai que c'est tout de même un peu bizarre ! Je voulais relever l'amendement de Mme Haller, qui est vraiment excellent puisqu'il améliore encore la première invite, dont la modification nous semblait déjà bonne.
S'agissant de la deuxième invite, je suis d'accord: il ne faut pas exagérer. Les structures qui bénéficient de l'argent de l'Etat doivent profiter tout d'abord à nos résidents, pas forcément aux gens qui viennent de l'extérieur. L'amendement de Mme Haller est donc excellent, et aussi suggérons-nous un renvoi de ce texte en commission.
M. François Baertschi (MCG). Voici un texte qui, d'une certaine manière, est un peu dangereux parce qu'on s'oppose de manière sournoise à la directive de préférence nationale, qui avait été lancée discrètement à une certaine époque par M. Longchamp puis reprise par Mauro Poggia. Cette directive a permis à de nombreux résidents genevois de retrouver un travail dans un certain nombre d'institutions ainsi que de freiner l'afflux des travailleurs frontaliers qui se réunissent à Archamps ou ailleurs et font l'impossible pour nous piquer les postes de travail. Je sais que ça dérange une certaine classe politique bien-pensante, qui cherche par tous les moyens à détruire cette directive.
On parle de préférence sociale alors qu'il est certain que les gens endurant des problèmes sociaux passent aussi par l'office cantonal de l'emploi car la réinsertion doit passer prioritairement par l'OCE. Si ça ne fonctionne pas encore suffisamment bien, alors il faut améliorer les rouages, mais pas créer une confusion qui serait grave et réduirait à néant tous les efforts qui sont mis en oeuvre pour structurer le marché de l'emploi à Genève. Arrêtez de chercher à causer ce genre de désastres que nous connaissons bien et contre lesquels nous essayons d'agir. On a énormément de travail à faire à ce niveau-là, et je pense qu'on va véritablement dans une très mauvaise direction avec ça, on essaie de détruire ce qui a été mis en place. Nous vous demandons donc de refuser cette motion.
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés...
Le président. Il vous reste une minute trente.
M. Daniel Sormanni. Merci, Monsieur le président. ...je vous invite, moi aussi, à refuser cette motion qui n'a pas de sens. Le Conseil d'Etat essaie, par la voix de M. Poggia - mais il s'agit tout de même du Conseil d'Etat in corpore - de mettre en place une nouvelle politique de façon à favoriser les sans-emploi de Genève. Et puis là, on vient en disant que ça ne va pas, qu'il faut aménager ces dispositions ! Au final, c'est un coup de pied dans la fourmilière que vous donnez, mais pour favoriser quoi et surtout qui ? On se le demande - je crois que ça a été dit et je ne pense pas que ce soit l'objectif. Il ne faudrait pas qu'on en soit à cet objectif-là ! La priorité, c'est quoi ?
Le président. Trente secondes, Monsieur le député.
M. Daniel Sormanni. Arrêtez de me couper sans arrêt parce que plus vous me coupez, plus je perds de temps ! Ce que nous voulons, c'est que les chômeurs de Genève retrouvent un travail, qu'ils ne soient plus à la charge de la collectivité et que, de fait, le budget des aides sociales diminue, non pas parce qu'on baisse les prestations mais parce qu'il y a moins de bénéficiaires. Or vous faites tout pour saboter cette politique, et ceci n'est pas correct. Je vous invite donc, Mesdames et Messieurs, à rejeter cette motion qui n'a aucun sens.
Une voix. Bravo !
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je suis très heureux de constater que tout le monde se réunit autour du bon sens. Certains l'appellent la directive sur la préférence cantonale pour nos demandeurs d'emploi, d'autres, ne voulant pas adopter une rhétorique qu'ils ont raillée durant des années, préfèrent parler de préférence sociale - il n'en demeure pas moins qu'il faut appeler un chat un chat. La directive dont on parle ici a été mise en oeuvre par le précédent Conseil d'Etat pour le petit Etat dans un premier temps et, durant cette législature, a été élargie au grand Etat, donc à l'ensemble des institutions subventionnées.
On veut ici améliorer le système, ce que je ne peux que saluer tout en relevant qu'en voulant l'améliorer, on exprime des propos qui démontrent qu'on le méconnaît. Il vous est d'abord proposé d'élargir le cercle des bénéficiaires aux demandeurs d'emploi inscrits à l'aide sociale et pris en charge par le service de réinsertion professionnelle de l'Hospice général; eh bien, c'est déjà le cas ! Le SRP de l'Hospice général est précisément en lien avec les offices de réinsertion professionnelle de l'office cantonal de l'emploi, et nous avons négocié durant cette législature avec le Secrétariat d'Etat à l'économie l'utilisation d'instruments informatiques justement utilisés par les offices régionaux de placement pour les personnes au bénéfice d'indemnités journalières du chômage. Il est donc inutile, Mesdames et Messieurs, de venir me demander de faire ce que je fais déjà depuis longtemps.
Le second point, qui est exprimé de manière différente dans l'invite et dans l'amendement proposé, vise à exclure de l'assujettissement à cette directive les entités qui perçoivent moins de 200 000 F par année. Ecoutez, je vais vous dire ceci: celui qui reçoit ne serait-ce que 500 F, s'il n'en a pas besoin, peut m'écrire et je trouverai une autre institution à qui cette somme pourrait être versée. J'estime que lorsqu'un organisme quel qu'il soit reçoit un soutien financier de l'Etat, il lui appartient de rendre la monnaie de sa pièce à l'Etat en l'aidant à réinsérer ses candidats à l'emploi, qu'ils soient inscrits au chômage ou au service de réinsertion professionnelle. Il n'est pas admis d'exclure qui que ce soit de cette directive, et les 200 000 F que vous proposez, sous des formulations différentes, représentent un plafond qui n'a pas lieu d'être.
En ce qui concerne l'amendement d'Ensemble à Gauche qui vous a été présenté et vise à ajouter les bénéficiaires des prestations complémentaires familiales, j'estime, là encore, que cela n'a pas lieu d'être. En effet, ceux qui perçoivent ce qu'on appelle les PCFam ne sont en principe pas demandeurs d'emploi ou alors, si c'est le cas, ils le sont par d'autres biais. Vous voulez ainsi envoyer de force leur candidature chez des employeurs en les faisant bénéficier d'une directive qu'ils ne demandent pas ?! Bien entendu, s'ils en expriment le souhait, la situation est différente.
Voilà, Mesdames et Messieurs, je voulais simplement relever in fine que je suis très heureux de constater qu'un parti au niveau fédéral, le PLR, propose maintenant lui aussi - sans bien sûr rendre à César ce qui lui revient, mais cela est habituel... Que l'on rende à Genève ce que Genève fait et propose ! - afin de trouver des solutions au vote du 9 février 2014, une préférence nationale...
Une voix. Le PS aussi !
M. Mauro Poggia. ...et j'ai également entendu ce matin à la radio M. Levrat du parti socialiste dire qu'il était en pourparlers avec le parti libéral...
Une voix. Le PLR !
M. Mauro Poggia. ...pour trouver une solution dans ce sens. Nous aurions sans doute apprécié que l'on reconnaisse que Genève avait simplement un peu d'avance en ayant vu il y a quelques années déjà ce que tout le monde se résout à voir aujourd'hui. Je vous remercie de rejeter cette proposition de motion. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi à la commission de l'économie, que je mets aux voix.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2286 à la commission de l'économie est adopté par 49 oui contre 40 non et 1 abstention.