République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 28 janvier 2016 à 20h30
1re législature - 2e année - 13e session - 82e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Antoine Barde, président.
Assistent à la séance: Mme et MM. Anne Emery-Torracinta, Mauro Poggia et Luc Barthassat, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, Pierre Maudet, Serge Dal Busco et Antonio Hodgers, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Sandra Golay, Lionel Halpérin, Cyril Mizrahi et Simone de Montmollin, députés.
Députés suppléants présents: MM. Marko Bandler, Christian Decorvet, Charles Selleger et Alexandre de Senarclens.
Annonces et dépôts
Néant.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de magistrates du pouvoir judiciaire. Je prie Mme le sautier de les faire entrer et l'assistance de bien vouloir se lever. (Les magistrates entrent dans la salle du Grand Conseil et se tiennent debout, face à l'estrade.)
Mesdames, vous êtes appelées à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyenne et comme juge;
- de rendre la justice à tous également, au pauvre comme au riche, au faible comme au puissant, au Suisse comme à l'étranger;
- de me conformer strictement aux lois;
- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;
- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;
- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»
Ont prêté serment:
Mme Valérie Carera et Mme Christine Egger.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)
Débat
Le président. Nous passons à l'initiative 157. Ce débat est classé en catégorie I. Je passe la parole au rapporteur de majorité... qui n'est pas là pour l'instant et n'est pas remplacé...
Une voix. Bravo ! (Rires. Commentaires.)
Le président. ...mais qui l'est finalement par M. François Baertschi ! Je lui passe la parole.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. En l'absence du rapporteur de majorité, je reprendrai la parole ensuite de manière plus détaillée, ou je laisserai au rapporteur lui-même le soin de s'exprimer tout à l'heure. Dans l'immédiat, je peux dire qu'il est certain que c'est un projet important pour l'avenir de Genève; nous le soutenons fermement, et une majorité de la commission l'a soutenu. Nous vous demandons de lui faire le meilleur accueil: c'est l'avenir de notre canton qui est en jeu, et nous reviendrons sur ce sujet, moi-même ou le rapporteur.
M. Mathias Buschbeck (Ve), rapporteur de première minorité. La configuration du débat est un peu spéciale: en principe, les rapporteurs de minorité répondent au rapporteur de majorité. Celui-ci a l'air convaincu du projet, à peu près comme le Conseil d'Etat, d'ailleurs. (Rire.) C'est un peu gênant de répondre à quelqu'un qui n'a pas argumenté en faveur du projet, mais manifestement, il va falloir y aller comme ça. (M. Eric Stauffer, rapporteur de majorité, arrive et prend place à la table des rapporteurs.)
Des voix. Ah !
M. Eric Stauffer. Il y avait des embouteillages ! Il nous faut la traversée ! (Commentaires.)
M. Mathias Buschbeck. Je reprends en évoquant le rapport de majorité. J'aimerais m'arrêter sur un premier point, à la page 11, un détail qui peut sembler anecdotique, mais qui me paraît assez symptomatique dans le débat qui nous occupe sur les traversées quelles qu'elles soient. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Il s'agit de cette mention du tunnel de Trachsel: le rapporteur nous rappelle qu'à partir de la fin du XIXe siècle, la traversée de la rade était déjà d'actualité. Depuis ce temps-là, il y a toujours eu une partie de ce parlement qui a pensé qu'il faut une traversée, où qu'elle soit: dessus, dessous, aux portes de Genève ou au large du lac; on ne sait plus pourquoi, mais cela irait dans le sens de l'Histoire que d'avoir une telle traversée.
Pour les Verts, bien évidemment, ce n'est pas le cas. Pour les Verts, cette initiative est dangereuse; elle est dangereuse pour l'aménagement de notre canton. D'abord, ce ne sont pas les Verts qui le pensent, c'est Berne: lorsqu'en mars 2013, Berne a déterminé la meilleure façon de faire sauter les goulets d'étranglement, s'agissant du cas genevois, elle a étudié la traversée du lac et n'a pas jugé que c'était le moyen le plus pertinent pour désengorger Genève de sa circulation automobile, tout en considérant, bien sûr - car c'était l'Office fédéral des routes qui s'en occupait - qu'il fallait faire quelque chose pour la route; mais la traversée du lac ne représentait pas la meilleure solution. Evidemment, l'OFROU n'a pas, à propos de la traversée, les oeillères que la droite genevoise a depuis des décennies, voire, maintenant, plus d'un siècle. Je cite dans mon rapport celui de Patrick Lussi, député UDC rapporteur de minorité sur la traversée de la rade, celle sur laquelle nous avons voté il y a maintenant plus d'une année: il nous rappelait alors que «notre Berne fédérale a conclu qu'une traversée autoroutière du lac telle que présentée par le Conseil d'Etat genevois n'est pas prioritaire, ne résoudrait pas et n'améliorerait pas l'engorgement sur notre autoroute de contournement actuel». Raison pour laquelle elle a opté pour un élargissement de l'autoroute de contournement entre Coppet et Bardonnex, pour lequel elle compte investir plus d'un milliard, un milliard et demi environ. Il est donc terriblement hasardeux de penser que les Chambres fédérales, alors qu'elles ont déjà prévu un crédit de 1,5 milliard pour désengorger Genève, vont revenir droit derrière pour un autre projet autrement plus onéreux.
Nous contestons une autre justification de cette traversée du lac - c'est même le rapporteur de majorité qui en parle, il en fait son premier argument: celle du développement territorial. Aujourd'hui, cette traversée n'est pas utile, mais elle servirait à l'horizon 2030-2040, lorsque la rive gauche, par hypothèse, serait densifiée. Depuis, il y a eu la loi sur l'aménagement du territoire, la problématique des surfaces d'assolement, et c'est un fait que Berne est extrêmement frileuse quant au déclassement de nouvelles zones, et notamment agricoles, fortement présentes sur la rive gauche. On sait aujourd'hui qu'on ne pourra pas densifier la rive gauche comme les initiants le proposent. Et d'abord, le souhaitent-ils ? Nous savons en effet que les différents projets de densification sur cette rive se sont heurtés à de fortes mobilisations des communes concernées pour s'y opposer, et même lorsque la droite de ce parlement s'est penchée sur le projet - anecdotique, il faut bien l'admettre - de supprimer le golf de Cologny pour y construire éventuellement du logement, elle a dit: «Quand même pas le golf !» Et je me dis que si on ne commence pas par le golf, on ne va sans doute pas continuer par la zone agricole: car si on considère qu'il faut un golf à moins de deux kilomètres du centre-ville, et malgré tout, une traversée et un contournement à l'intérieur duquel se trouverait un golf, on comprend à quel point la densification de la rive gauche ne se trouve pas à l'ordre du jour. Il faut aussi constater le déséquilibre entre l'est et l'ouest du canton: d'un côté, nous aurions un golf à l'intérieur de la ceinture autoroutière; de l'autre, la densification est telle que même les grandes cités comme Meyrin se trouveraient à l'extérieur de cette grande ceinture. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous trouvons que cette traversée n'est pas justifiable.
Enfin, comme je le rappelais, l'Office fédéral des routes a pensé qu'il est beaucoup plus opportun d'élargir l'autoroute de contournement: il ne s'agit peut-être pas de l'option que les Verts auraient favorisée, mais dans une logique de flux de circulation, c'est manifestement ce qui désengorgerait le mieux l'autoroute actuelle...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Mathias Buschbeck. ...puisque effectivement, c'est à l'ouest du canton que le développement urbain est le plus important. Ce sont donc les flux nord-sud qui aujourd'hui sont saturés; or, le contournement est du canton est déjà prévu, non par la traversée du lac, puisqu'une sortie à Puplinge ne drainerait pas grand-chose, mais par la route à deux fois deux voies planifiée entre Annemasse et Thonon qui remplirait ce rôle. Il n'y a pas nécessité actuellement de construire cette traversée avec cette seule sortie à Puplinge, dont on ne sait pas, aujourd'hui encore, à quoi elle servirait. Je reprendrai la parole pour la suite de mon argumentation et vous remercie.
M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Quelques mots au sujet de cette initiative qui pose tellement de problèmes et est tellement peu sérieuse que le rapporteur de majorité a manifestement hésité un moment avant de venir défendre son rapport, puis s'est ravisé: le sens du devoir a pris le pas sur ses hésitations. (Commentaires.) Il faut dire que dans son rapport, il présente l'affaire comme un véritable projet de société; c'est un projet de société difficilement défendable, mais apparemment, il s'est dit qu'il fallait quand même venir essayer de rompre une lance en sa faveur. Or, Mesdames et Messieurs, ce n'est pas un vrai projet: personne, ici, ne pense sérieusement qu'on va réaliser cette traversée.
Des voix. Si ! (Exclamations.)
M. Pierre Vanek. C'est une opération plébiscitaire et démagogique... (Exclamations.) ...au service d'un projet inabouti - inabouti ! - coûteux, polluant, financé en dérogation à la Constitution fédérale. On a payé une brochette de juristes pour pondre un rapport de deux cents pages qui a dû coûter la peau du postérieur de je ne sais qui, afin de prouver qu'il était éventuellement possible de déroger à la Constitution fédérale, à la volonté populaire, pour faire malgré tout... quoi ? non pas construire l'ouvrage, mais payer un ouvrage qui coûte... alors là, ce ne sont pas des dizaines ou des centaines de milliers de francs, mais un certain nombre de milliards, un nombre indéterminé de milliards: dans son intervention conclusive à la commission des transports, quand nous avons voté sur ce projet, le conseiller d'Etat Luc Barthassat, que je salue pour sa défense du projet, et pour sa franchise aussi, a dit que cela se situerait quelque part entre 1 et 5 milliards. C'est une fourchette considérable, et cela montre que le projet est inabouti et peu sérieux. Les juristes qui ont fait l'étude que vous avez tous reçue indiquent qu'évidemment, une dérogation qui permettrait de mettre en place les péages prévus pour financer cet ouvrage peut être fournie pour un projet prêt à être réalisé. Vous m'accorderez, Mesdames et Messieurs, que sur un projet dont on vient nous dire en commission qu'il peut coûter de 1 à 5 milliards, il y a une certaine marge, disons, quant au fait qu'il soit prêt à être réalisé ! C'est pour cela que je parle de démarche démagogique et plébiscitaire: le conseiller d'Etat nous a dit qu'il s'agit d'obtenir un plébiscite autour de cette idée... (Remarque.) ...pour, ensuite, faire les études. C'est donc un message, un signal qu'on veut envoyer à la Berne fédérale, mais qui n'a aucune chance d'aboutir. Pour moi, on ne peut pas voter sur... Le conseiller d'Etat l'a dit en commission, en décembre: il s'agit d'un vote qui ne porte pas sur un sujet précis. Je pense qu'il faut refuser d'inscrire dans la constitution genevoise - que je prends quand même au sérieux, Mesdames et Messieurs - l'obligation de réaliser une infrastructure majeure sans qu'on dispose d'un projet abouti. Ce n'est tout simplement pas sérieux, sauf à considérer que la constitution est un dépotoir pour de vagues idées que les uns et les autres peuvent avoir à formuler ! Ensuite, je l'ai déjà dit, le conseiller d'Etat a indiqué que la traversée pourrait coûter entre 1 et 5 milliards: on doit évidemment refuser d'inscrire dans la constitution, pour financer un projet inabouti, un engagement - un engagement, par les temps qui courent ! - à dépenser un nombre indéterminé de milliards, qui varie du simple au quintuple, mais qui se trouve à hauteur, probablement, de montants supérieurs à ceux du CEVA, lui-même contesté pour son coût. Et, Monsieur le conseiller d'Etat - excusez-moi, Monsieur Barthassat, de m'en prendre à vous, mais vous avez bien résumé la situation, avec le talent qui vous caractérise - votre autre point était de dire que les études environnementales doivent encore être peaufinées, et que ces coûts-là ne seront engagés que si la population plébiscite la solution. On appelle donc la population au plébiscite populaire d'un projet inabouti dont les conséquences environnementales n'ont pas été sérieusement étudiées. C'est pour cela que je prends la chose un peu à la légère et considère qu'il y a là une plaisanterie.
D'ailleurs, la plaisanterie est aussi dans le texte de l'initiative: il indique que la traversée du lac «lutter[a] contre l'engorgement des voies de communication, renforcer[a] la prospérité de la région», «améliorer[a] la qualité de vie» avec une «[réduction d]es nuisances dans les zones urbanisées» et un «[renforcement de] l'efficacité des transports publics»; et alors que l'initiative sur la mobilité douce, qui demandait quoi ? peut-être une centaine de millions d'investissements...
M. Thomas Wenger. Moins !
M. Pierre Vanek. ...ou même moins - j'exagère toujours, mais vous me connaissez, Monsieur Wenger ! (Rire de M. Thomas Wenger.) Eh bien, ces 5 milliards dépensés en faveur de ce projet sont censés aussi «favoriser la mobilité douce». (L'orateur rit.) C'est une plaisanterie ! Or ça, c'est dans le texte qu'on nous propose d'inscrire dans la constitution ! C'est tout juste si la traversée du lac ne lutterait pas efficacement contre les poux, la bronchite, les cors aux pieds... (Rires. Commentaires.) ...et favoriserait la repousse des cheveux chez les chauves !
Des voix. Ah ! (Commentaires. Exclamations.)
M. Pierre Vanek. S'ils avaient voulu s'attirer mon suffrage, peut-être les initiants auraient-ils évoqué cette hypothèse-là ! Mesdames et Messieurs, tout ceci n'est vraiment pas sérieux. Sur le fond, vous connaissez évidemment nos arguments. Le rapporteur de première minorité l'a indiqué, nous avons eu dans cette enceinte, à un certain nombre de reprises, l'occasion de débattre de projets analogues qui n'ont jamais abouti devant le peuple. Il y a des raisons écologiques, financières, sociales évidentes qui par le passé ont conduit et conduisent Ensemble à Gauche à combattre aujourd'hui et à l'avenir ces grands projets inutiles, qui sont des aspirateurs à voitures et des gouffres financiers, quelles que soient les mesures d'accompagnement avec lesquelles on nous balade. Et en effet, l'équation selon quoi davantage de routes donnent davantage de trafic se vérifie régulièrement: la construction de nouvelles routes, ce dont il s'agit ici, augmente le trafic et encourage le recours à la voiture au détriment des transports publics. L'autoroute Genève-Annecy, construite il y a quelques années pour désengorger la route nationale et évoquée comme exemple au cours des débats...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Pierre Vanek. ...est déjà saturée et les bouchons sur la route nationale ont empiré. C'est un cul-de-sac, une voie sans issue, une plaisanterie. Il faut refuser cette initiative.
M. Thomas Wenger (S), rapporteur de troisième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, comment jeter 5 milliards par-dessus bord tout en coulant le bateau, sans jeter le moindre pont entre les modes de déplacement ? Ce qui est sûr en tout cas, c'est qu'avec ce projet, les automobilistes ne verront pas le bout du tunnel. (Exclamations.) Voilà, ça, c'était la petite introduction préparée, maintenant je remets en contexte ce projet magnifique qu'on nous présente ce soir - encore un débat sur notre serpent de lac préféré. On peut revenir brièvement sur le dernier débat que nous avons eu la chance de tenir ici, sur un objet que la population a refusé in fine, je veux parler de la traversée de la rade: cette fameuse traversée, seul projet de mobilité, sauf erreur, présenté par l'UDC au cours des vingt-cinq dernières années, a été balayée par la population, à 63% de non, alors que, je vous le rappelle, un petit sondage de la «Tribune de Genève» prédisait que 53% des gens allaient accepter la traversée en ajoutant que 13% étaient indécis. On voit que les sondages sont toujours à prendre avec des pincettes, pour ceux qui se réjouissent déjà du sondage sur la traversée du lac. La population a dit clairement non à cette traversée qui aurait coûté 1,5 milliard; aujourd'hui, on ne parle plus de la traversée de la rade, mais de celle du lac. Mes préopinants, rapporteurs de minorité, l'ont dit, et je vais le répéter...
M. Pierre Vanek. On ne s'en lasse pas !
M. Thomas Wenger. On ne s'en lasse pas, en effet, et c'est important que les gens qui nous écoutent puissent bien entendre ces différents arguments. Cette traversée est passéiste, inutile, néfaste pour notre environnement, et c'est un gouffre à milliards dont l'Etat ne se remettra pas. Bien sûr, dans la bouche des gens de droite - je vois M. Lussi hocher de la tête - dire «traversée», c'est énoncer un remède à tous nos maux ! Mon collègue Pierre Vanek l'a très bien exprimé. Il a pris un certain nombre d'exemples de problèmes de mobilité à Genève, mais pour tous, il est clair que la seule chose qui va les régler, c'est la traversée, c'est la traversée, c'est la traversée ! Eh bien non, et je commencerai par là. Premier argument - il y en a toute une série, je vous avertis que je reprendrai la parole par la suite - ce ne sont pas les «gauchos» qui le disent, c'est la Confédération: d'après l'Office fédéral des routes, pour résoudre les problèmes de goulets d'étranglement à l'entrée de l'agglomération genevoise, ce n'est surtout pas la traversée autoroutière du lac qu'il faut, mais l'élargissement de l'autoroute de contournement. Nous avons auditionné un haut fonctionnaire de l'OFROU: il nous a expliqué de manière très diplomatique, en français fédéral certes, mais tout à fait compréhensible pour les commissaires présents, que ce projet de traversée autoroutière n'est pas dans les plans de la Confédération. Quand on lui a demandé s'il pensait qu'il pourrait y avoir, peut-être, éventuellement, hypothétiquement, un financement de la part de la Confédération sur les 4 à 5 milliards, le haut fonctionnaire nous a répondu de manière très diplomatique, mais très claire - vous pouvez poser la question aux commissaires PLR qui étaient également à la séance et ont tiré un peu la même conclusion que nous: «Ecoutez, la Confédération pourrait mettre, si, en cas de, etc.» - en gros, il nous faisait bien comprendre que la Confédération n'allait pas mettre un sou dans ce projet.
Comment, dans ces conditions, allons-nous financer ces 4 à 5 milliards, Mesdames et Messieurs les députés, vous qui êtes au fait de notre situation budgétaire, de la dette du canton de Genève ? Je répète, il s'agit de 4 à 5 milliards. Pour ceux qui ont lu le rapport jaune du Conseil d'Etat, qui contient, excusez-moi, Monsieur Barthassat, plus de blanc que de texte, cette traversée pourrait coûter entre 1 et 2 milliards. Mais c'est assez drôle, parce que 1 ou 2 milliards, c'est le pont ou le tunnel. Par contre, on oublie les accroches: or, il faut aussi se rendre compte que ces accroches représentent trois quarts de la traversée autoroutière - j'y reviendrai - qui aboutit sur la rive gauche en rase campagne; et, j'y reviendrai aussi, on ne sait pas du tout pour l'instant à quel échangeur autoroutier cette hypothétique autoroute arrivera. S'il s'agit de 1,2 milliard juste pour un pont, mais qu'on ne construit pas la suite, on peut même faire, à la limite, 1 milliard, et alors nous nous entendrons peut-être avec M. Stauffer sur un contreprojet: on ferait une traversée comme le pont d'Avignon, comme ça, hop, au milieu du lac, une partie des voitures partiraient et les gens miseraient ensuite plutôt sur les transports publics. (Commentaires.)
M. Pierre Vanek. Et on y danse !
M. Thomas Wenger. Oui, et on y danse, en plus ! Si l'idée consiste en un projet à 4 ou 5 milliards, sans aide de la Confédération, il s'agit tout simplement pour ce canton d'une folie financière. N'y a-t-il pas d'autres projets prioritaires aujourd'hui, Mesdames et Messieurs ? Bien sûr ! Il y a beaucoup de projets prioritaires en dehors de la mobilité, on en a beaucoup parlé dans ce Grand Conseil: la rénovation ou la construction de nouveaux bâtiments scolaires, cycles, collèges, etc. C'est même vous qui nous avez dit durant un débat, Monsieur Stauffer, que les toits étaient en train de s'écrouler sur nos chers enfants, et qu'il valait mieux rénover ou construire de nouvelles écoles plutôt que d'investir ailleurs; je crois que c'était lors du débat sur le CEVA, qui va tout de même coûter quatre fois moins cher que la traversée du lac - je cherche la cohérence. Il y a aussi des investissements à prévoir pour des EMS, ou d'autres encore: pour la mobilité, l'extension en souterrain de la gare Cornavin, la prolongation des lignes de tram, les pistes cyclables chères à Pierre Vanek et à Mathias Buschbeck, afin de mettre enfin en oeuvre l'initiative 144 sur la mobilité douce, acceptée par la population. A ce propos, quand la population vote dans votre sens, vous parlez tout le temps de la population, mais quand elle vote moins dans votre sens, alors c'est beaucoup moins important de mettre en oeuvre ce qu'elle a voté ! Bref, ces 4 à 5 milliards, nous ne les avons pas, nous ne les aurons pas, et ce n'est en tout cas pas la priorité pour les socialistes que de les jeter au lac dans le projet de cette traversée.
Comment, alors, pourrait-on la financer si ni la Confédération ni le canton ne le font ? Il reste le partenariat public-privé: voilà une bonne idée ! Peut-être que M. Stauffer arrivera à mettre dix francs ou un peu plus ! Tout un rapport a été produit sur ce partenariat public-privé. Il y a vingt-huit possibilités pour un tel partenariat, mais je vous les résume en deux: la première, c'est que des investisseurs privés extrêmement généreux financent le projet de traversée. Le problème est qu'après leur investissement, l'Etat doive payer un loyer pendant quarante ans en sus des intérêts; donc au bout de quarante ans, si je calcule bien, c'est l'Etat...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Thomas Wenger. ...donc le contribuable, en l'occurrence, qui aura financé l'entier de cette traversée autoroutière du lac, et les privés, qui auront généreusement avancé l'argent, auront fait de gros bénéfices. La deuxième possibilité est un péage, et si vous lisez bien le très bon article de Marc Moulin dans la «Tribune de Genève», ce serait même un double péage. Je propose de reparler, à propos de ce double péage, quand j'aurai un peu plus de temps, pour maintenir le suspense sur la manière de financer ce gouffre à milliards !
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de majorité. Je suis vraiment désolé et m'excuse de mes deux ou trois minutes de retard; j'étais à Versoix et j'ai dû emprunter le pont du Mont-Blanc, or j'étais sûr qu'on avait déjà voté et construit la traversée du lac, mais visiblement, ce n'était pas encore le cas ! Soyons sérieux, Mesdames et Messieurs les députés. Cela fait des dizaines d'années que nous parlons, à Genève, de la traversée du lac. Elle aurait dû être réalisée il y a bien longtemps. L'erreur que nous faisons, chers collègues - et je vais un peu élever le débat... (Exclamations. Rire.) ...au niveau national - c'est que nous avons l'habitude de jouer un projet contre un autre, comme vient de le faire mon préopinant. «On ne pourra pas financer la traversée du lac, il faudrait financer les écoles, les crèches...» Vous pouvez invoquer toute la liste du budget, vous n'auriez même pas tort, dans l'absolu. Mais notre erreur est de monter un projet contre un autre; et en matière de mobilité, je fais appel à votre bon sens, Mesdames et Messieurs, ce n'est pas un seul élément qui va régler le problème, mais une succession d'actions qui auront pour résultat que dans notre canton, on pourra rouler normalement, sans passer des heures dans les bouchons. Et par rapport à la Berne fédérale, qui, évidemment, rigole, mais surtout le canton de Zurich... Parce qu'à Genève, on est très envieux des infrastructures routières et de transport public à Zurich: allez voir la gare qu'ils ont dans cette ville. J'aimerais bien avoir la même gare ici ! Mais pourquoi est-ce qu'ils l'ont ? Parce qu'ils obtiennent toutes les subventions fédérales en ne jouant pas un projet contre un autre ! Monsieur Wenger, et mes deux autres collègues rapporteurs de minorité, vous avancez certains arguments: certainement, il faut de la mobilité douce, mais il faut aussi une traversée du lac. S'agissant du CEVA, nous aurions préféré un métro; mais le peuple a voté, donc oui, il faut le CEVA. Ce n'est pas un projet contre un autre, mais une multitude de projets qui fera qu'un jour, la mobilité dans notre canton sera satisfaisante.
Vous avez évidemment tous voyagé, je vous donnerai quelques exemples, dont un que vous devez certainement connaître dans la ville de New York. New York est une île; pour aller de New York dans l'Etat du New Jersey, vous avez tous sans doute emprunté ce fameux tunnel mythique: il faut moins de quinze minutes pour faire quinze kilomètres. (Remarque.) Mais c'est la réalité ! A Genève, pour faire le tour de la ville, il faut une heure et demie, et encore, si on a de la chance ! Y avait-il là-bas des députés qui ont mis cette traversée entre New York et le New Jersey en parallèle avec d'autres projets, ce qui fait que finalement, il devient urgent de ne rien faire parce que plus personne ne comprend rien ? Alors je vous le demande, Mesdames et Messieurs: laissons le peuple voter, mais surtout, comme cela fait des dizaines d'années que nous attendons, et même si on attend encore des dizaines d'années, inscrivons à tout le moins le principe dans la constitution, et quand Berne aura compris, avec les autres cantons, que Genève fait partie des cantons contributeurs et que nous devons aussi avoir le retour d'ascenseur, et que nous sommes unanimes, population, Grand Conseil, pour demander une traversée lacustre, quand Berne financera, eh bien nous la ferons, Mesdames et Messieurs ! Mais venir s'écharper aujourd'hui et dire qu'on ne peut pas faire la traversée parce que cela coûte de 1 à 5 milliards... Vous savez, ceux qui avaient prôné le CEVA parlaient de 800 millions, et on va finir à 2 milliards ! (Commentaires.) Donc le ratio, finalement... Bon, voilà !
Encore une fois, et je rapporte ici l'opinion de la majorité de la commission, je fais appel à votre bon sens, Mesdames et Messieurs: nous avons besoin d'une multitude d'actions, vous le savez, Monsieur Wenger, vous avez été soutenu pour le contreprojet à l'IN 154, parce que nous avons pu travailler en bonne intelligence. Au vu des déclarations de mes trois préopinants, il me semble, Monsieur le président, que l'intelligence s'est un peu estompée avec la nouvelle année. C'est fort dommage et c'est fort préjudiciable pour notre canton. Je reviendrai ultérieurement, Monsieur le président, pour développer mon rapport de majorité.
M. Bernhard Riedweg (UDC). Contrairement à la votation sur la petite traversée de la rade refusée en 2014, l'initiative 157 porte sur un principe et non sur un projet défini. La traversée du lac permettra de désenclaver la rive gauche en accompagnant son développement et son urbanisation. Si la traversée du lac était inscrite dans l'arrêté sur le réseau des routes nationales, alors cela deviendrait un projet de route nationale financé et piloté à 100% par la Confédération. La Confédération se dit favorable à un financement de sa part. Pour l'Office fédéral des routes, l'élargissement de l'autoroute et la traversée du lac ne s'excluent pas. Avec ce projet, l'Etat sera obligé de prendre les mesures d'accompagnement adéquates en aménageant les rives en collaboration avec les communes concernées, ce qui réduira les nuisances dans les zones affectées; on renforce l'efficacité des transports publics, qui seront moins encombrés car ils disposeront de davantage de place allouée; ce projet favorisera la mobilité douce et créera de nouveaux espaces publics. La traversée du lac diminuera l'important trafic des pendulaires dans les communes suburbaines tant sur la rive gauche que sur la rive droite. La diminution du nombre de véhicules motorisés transitant par le centre et l'augmentation des espaces publics piétons que favorisera la traversée du lac permettront à l'équivalent de la moitié de la population du canton de vivre dans un environnement moins bruyant. A l'horizon 2030, on estime que 410 000 déplacements supplémentaires quotidiens auront lieu dans le canton suite à l'augmentation de la population de 100 000 habitants et à la création de 70 000 emplois. La traversée du lac favorisera la construction de 40 000 logements et de 24 000 emplois sur la rive gauche du lac d'ici 2030, et au-delà de cette date 30 000 logements et 10 000 emplois supplémentaires sont potentiellement envisageables. On estime que 44% du trafic sur cette traversée du lac sera interne au canton. La traversée du lac absorbera une partie du trafic, ce qui permettra de réduire les temps de parcours à l'intérieur du Grand Genève. Il est estimé que la grande traversée permettra de réduire de 9% la congestion automobile dans le centre-ville par rapport à aujourd'hui. Sans cette traversée et le bouclement autoroutier, on estime que la congestion dans le centre augmentera de 4% d'ici 2030. Du point de vue économique, car c'est l'économie qui fait vivre le canton de Genève et lui assure un certain confort, la traversée du lac permettra d'améliorer la prospérité de toutes les entreprises du canton, car elles seront moins affectées par les engorgements provoquant des bouchons à certaines heures 270 jours par année.
Une voix. Exact !
M. Bernhard Riedweg. Faciliter les déplacements du personnel des sociétés locales améliorera l'efficacité du travail, diminuera leurs charges de transport, augmentera leur productivité, ce qui aura une incidence directe sur leur compétitivité. Leurs chiffres d'affaires et leurs bénéfices en hausse devraient permettre des recettes supplémentaires pour l'Etat sous forme d'impôt sur les sociétés; cela favorisera aussi l'engagement d'une main-d'oeuvre supplémentaire, ce qui contribuera à des recettes fiscales en hausse. L'Etat sera gagnant, car il agit comme «facilitateur» dans les affaires. Mesdames et Messieurs les députés, en votant massivement cette initiative, nous montrons à la Confédération notre détermination et celle de la population à réaliser cet ouvrage. De tout temps, les routes ont précédé les développements urbanistiques. Avec la traversée du lac, la rive gauche se développera et s'urbanisera comme cela fut le cas à la suite de la construction de l'autoroute entre Genève et Lausanne en 1964, ce qui a permis un développement économique spectaculaire de l'arc lémanique. D'un point de vue global, les spécialistes nous ont confirmé en commission que la traversée du lac n'entraîne pas de dégradation de la qualité de l'air; en fait, le projet améliore la qualité de l'air et réduit les nuisances sonores dans le centre sans dégrader la qualité de l'air sur la rive gauche. Le sondage sur la mobilité réalisé en décembre 2015 par un grand journal genevois démontre... (Remarque.) ...que 63% de ses lecteurs se prononcent en faveur d'une grande traversée du lac. (Commentaires.) Si la traversée du lac ne trouvait pas un soutien de la part de la population, on en resterait au statu quo, mais avec 100 000 habitants et 60 000 emplois en plus à l'horizon 2030. Si le peuple devait dire non à la traversée du lac, on remettrait le dossier dans un tiroir pour les quarante prochaines années.
Des voix. Oui !
M. Bernhard Riedweg. Ceux qui sont contre ce projet sont réfractaires au développement économique du canton; cette attitude aura un impact très négatif sur les générations futures. Il reste à espérer que la population plébiscitera ce projet de traversée du lac afin d'entamer de nouvelles discussions avec l'Office fédéral des routes, ce dont se réjouissent d'ores et déjà le département et notre conseiller d'Etat Barthassat.
En ce qui concerne le financement du projet, Genève pourrait être une région pilote dans le contexte d'un péage sur infrastructure. Le péage sur une infrastructure routière est possible actuellement au contraire d'un péage urbain qui nécessite une modification constitutionnelle. Le financement de l'ouvrage pourrait être assuré par un partenariat public-privé, soit par un syndicat de banques, soit par des fonds d'investissement souverains, soit par un groupe de fonds de pension étrangers et suisses tel qu'entre autres les Retraites populaires, et même une intervention de la Banque européenne d'investissement pour garantir l'emprunt pourrait être envisagée parallèlement au mode de financement prévu par la Confédération.
En ce qui concerne les recettes de cet ouvrage, on estime qu'un péage de 8 F par trajet générerait 100 millions de revenu par année. Cette initiative a le mérite de permettre de connaître l'avis de la population sur une traversée du lac dans un tout proche avenir, nous serons ainsi fixés. Si cette initiative devait être largement plébiscitée par le Grand Conseil lors du vote tout à l'heure, ce serait un très bon message que nous enverrions à la population et à la Confédération chargée d'étudier, d'autoriser et de financer partiellement ou totalement ce projet dans quelques années. L'Union démocratique du centre vous demande de réserver un bon accueil à cette initiative. Merci, Monsieur le président.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Mme Magali Orsini (EAG). Pour ma part, je voulais simplement revenir sur le principe du partenariat public-privé tel que je l'ai vu présenté dans une des commissions où je devais remplacer quelqu'un. On avait entendu l'Union de banques suisses nous assurer - c'était une des possibilités - qu'elle n'avait aucun problème de financement et qu'elle assurait tout. J'avais fait remarquer qu'on était ravi de lui avoir évité la faillite pour qu'elle puisse prendre la place de l'Etat dans le financement de ses investissements !
Je ne vois pas pourquoi on nous parle de partenariat public-privé, je trouve qu'on devrait tout de suite dire «privé-privé» ! Parce que, d'après ce que j'ai compris et si je reprends la définition du partenariat public-privé par le Tribunal fédéral, il s'agit d'une collaboration entre une autorité et un prestataire privé pour réaliser ensemble une tâche publique, en fournissant chacun des prestations, en recevant des contre-prestations et en partageant les risques. En l'occurrence, tout ce que j'ai toujours vu proposer jusqu'à présent, c'est: s'occuper de tout, encaisser les péages et, surtout, demander de laisser faire. Bien sûr, on aménage les rives avec les communes, on prend un certain nombre de tâches à notre charge, mais il est évident que l'essentiel des revenus, c'est pour eux ! On connaît très bien la situation en France, par exemple; on connaît les profits éhontés générés par l'exploitation des autoroutes depuis le temps qu'elles ont été privatisées, n'est-ce pas ! Je vous signale que dans le cas de grands travaux, pour de grands ponts, une clause prévoyait quand même qu'en cas de profits excessifs, il y aurait une rétrocession automatique à l'Etat. Or, je ne vois rien de ce genre proposé ici !
Mon principal souci est donc cette dénomination, parce qu'il est bien évident que c'est cette solution à laquelle on aura recours vu l'état des finances publiques - pour le plus grand bonheur de certains milieux privés !
Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, avant même d'entrer dans le détail des arguments environnementaux, financiers, sociaux et sanitaires que nous aurons largement le temps de développer ici, il me semble essentiel de rappeler que cette traversée, il n'y a pas grand monde qui la veut. En 1996 déjà, le peuple la refusait radicalement en s'y opposant avec 71% de non et un important taux de participation de 58%. Vingt ans plus tard, on nous la ressert, au niveau de la rade, mais, là encore, le peuple lui dit non à 63%. Entre-temps, Berne s'exprime et maintient une position très claire: la Confédération n'en veut pas non plus, elle estime que ce n'est pas un besoin prioritaire. Sans compter toutes les communes entre l'Arve et le lac qui, les unes après les autres, s'opposent également à ce projet. Cette traversée est donc à prendre comme une sorte de vieille rengaine, un vieux fantasme qui aurait perdu pied dans la réalité d'aujourd'hui !
Créer une nouvelle route pour lutter contre l'engorgement de Genève et l'arrivée de 100 000 nouveaux habitants d'ici 2030 ? A ce rythme-là et avec cette logique, je vous propose de créer un deuxième pont quand vous aurez réussi à remplir ce premier pont, puis un troisième et ainsi de suite pour servir au mieux la mobilité d'une Genève qui aurait besoin d'un moteur pour se déployer ! Non, cette initiative n'a aucun sens, elle n'a pas d'avenir ! Quelle lecture faites-vous donc de la réalité ? Quelle vision avez-vous de notre territoire ?
Les Verts vous engagent à être courageux et à faire preuve de bon sens: répondre aujourd'hui au défi de la mobilité, c'est évidemment investir sans prétexte et sans béquille dans la mobilité douce, dans les transports publics. Nous y reviendrons, c'est une évidence, cela coule de source et de nombreuses villes l'ont compris avant nous; vous finirez par le comprendre aussi ! Les Verts refuseront donc naturellement cette initiative et vous invitent à faire de même.
M. Bertrand Buchs (PDC). Je trouve vraiment que ce débat est défaitiste, un débat de déprimés. C'est toujours non ! C'est toujours non, parce qu'on fait toujours mieux à Genève qu'ailleurs.
M. Christo Ivanov. «Ici, c'est Genève !»
M. Bertrand Buchs. «Ici, c'est Genève !», comme le dit très bien le député Ivanov ! Mais je pense que tout le monde voyage, puisqu'on a la facilité de voyager, et qu'est-ce qu'on voit ? Toutes les autres villes d'Europe ont déjà réalisé le contournement du centre-ville avant de développer la mobilité douce dans leur centre. Stockholm l'a fait, Copenhague l'a fait. Allez à Zurich: avant, pour se rendre à Kilchberg, pour se rendre à Coire, on devait passer au centre-ville. Qu'est-ce qu'ils ont fait ? Ils ont construit des ouvrages conséquents; ils ont fait des tunnels extrêmement longs; ils sont passés sous les montagnes et, maintenant, on ne passe plus au centre-ville de Zurich pour aller à Coire ! Est-ce que les Zurichois sont moins écologistes que les Genevois ? Pas du tout ! Est-ce que les Zurichois prennent moins le vélo que les Genevois ? Pas du tout ! Est-ce que les Zurichois ont demandé à Berne son avis concernant le financement d'une autoroute ? Les Zurichois ont construit et ils se sont fait rembourser après ! Je ne pense pas que les gens en Suisse allemande - qui sont très attachés à l'écologie et au développement de la mobilité douce - soient très différents de nous. Ici, c'est non !
Vous voulez développer ce canton d'une façon complètement déséquilibrée. Vous êtes d'accord de payer une troisième voie autoroutière qui sera un aspirateur à voitures ! Là, personne ne discute. Or, cela va surcharger encore plus des communes dont le trafic est déjà surchargé, que ce soit Vernier, le Grand-Saconnex ou d'autres comme Meyrin, qui ont déjà l'autoroute, qui ont déjà l'aéroport, qui ont déjà les citernes; et vous refusez de développer le côté gauche du canton. Il faut rééquilibrer le canton si vous voulez que ce canton se développe ! D'accord, on peut dire qu'on ne veut plus de développement, qu'on reste tel quel. OK ! OK, on en reste là ! Mais, à ce moment, il faudra expliquer les pertes d'emplois, il faudra expliquer le départ des entreprises, il faudra essayer de retrouver des emplois autrement ! Je ne sais pas comment on va faire, et n'oubliez pas que Genève, ce n'est pas que le canton, mais c'est aussi le Grand Genève; et la traversée du lac permettra d'intégrer le Grand Genève pour ce qui concerne la circulation !
Quant à moi, je suggère même de proposer à la Confédération de mettre entre parenthèses la troisième voie autoroutière jusqu'à Perly et, avec cet argent, de faire la traversée du lac ! Parce que la traversée du lac, probablement, suffira pour désengorger le trafic au niveau genevois.
Ensuite, vous voulez que le centre-ville vive ? Vous faites comment ? Vous avez tout le transit de la rive gauche qui passe par le pont du Mont-Blanc ! Comment faites-vous ? Vous allez le laisser passer là, parce que les gens ne vont pas prendre l'autoroute de contournement ! Ils ne la prennent déjà pas, il y a trop de monde ! Etes-vous déjà passés à cinq ou six heures le soir à Carouge ? Merci pour les Carougeois ! Etes-vous passés à cinq ou six heures le soir à Meyrin ? Merci pour les gens de Meyrin ! Etes-vous passés au Grand-Saconnex ? Merci pour tous ces gens-là qui continuent à subir la pollution parce que vous ne voulez pas penser à une traversée qui permettra de désengorger le centre-ville, qui permettra de penser à des projets d'avenir et qui permettra de voir les choses d'une façon un peu plus novatrice ! C'est non, c'est non, c'est non ! Je suis tranquille dans mon joli appartement, je suis tranquille chez moi et je m'en fous du reste ! Eh bien ce n'est pas avec une telle politique que vous développerez le canton ! Le parti démocrate-chrétien votera la traversée. (Applaudissements.)
M. Marko Bandler (S), député suppléant. On a entendu beaucoup de choses ce soir ! Je vous rassure, mes arguments ne seront ni financiers ni écologiques; j'en appelle simplement ici à votre bon sens, Mesdames et Messieurs les députés. (Commentaires.) En juin 1993, nous avons inauguré en grande pompe l'autoroute de contournement dont le Conseil d'Etat de l'époque nous avait promis qu'elle allait régler définitivement les problèmes de mobilité à Genève en diminuant de 40% la circulation de transit en ville. Aujourd'hui, vous le savez aussi bien que moi, l'autoroute de contournement est congestionnée à longueur de journée et il ne me semble pas qu'il soit plus facile de circuler au centre-ville !
Un peu plus loin de chez nous - mais pas trop - dans le Grand Genève, se trouve le tronçon Annecy-Genève, inauguré en 2008, également censé régler l'ensemble des problèmes de circulation entre les deux agglomérations: sept ans après, c'est un échec total ! Cette autoroute est congestionnée à longueur de journée et au péage, vous attendez des heures ! Ces constats sont des constats d'échec, nous n'avons strictement rien gagné à ces infrastructures.
Cela relève d'une logique qui est pourtant toute simple, et j'aimerais vraiment que vous la compreniez une fois pour toutes: plus vous construisez de routes, plus vous encouragez les gens à prendre leur voiture ! On augmente donc en parallèle le trafic routier. Cette réalité, les partisans de la traversée du lac ne veulent pas la voir; ils aiment bien contorsionner les chiffres. Comme M. Stauffer, ils aiment bien s'autoproclamer experts de la mobilité et ils nous assènent des pseudo-expertises souvent fumeuses, mais la réalité, celle des chiffres, celle que je viens de vous énoncer avec ces deux exemples, ils ne veulent pas la voir !
Genève, qui se targue volontiers d'être une grande ville dans le monde - une ville avant-gardiste sur un certain nombre de points, c'est vrai - marche en revanche à rebours de l'histoire en matière de mobilité. Je vais revenir sur les propos édifiants de M. Stauffer. Toutes les grandes villes - les vraies - ont drastiquement diminué l'accessibilité pour le trafic motorisé au centre et à la proche périphérie. Elles ont toutes accompagné cela par certaines mesures et un développement intelligent des transports publics, non pas par de nouvelles routes. Toutes les grandes villes - les vraies - ont un système de métro performant et rapide. Elles ont des transports publics qui circulent en voie propre, ce qui n'est malheureusement pas encore le cas à Genève, et elles ont diminué l'attractivité de la voiture pour gagner en qualité de vie.
Allez donc à Berlin, allez donc à Zurich, contrairement à ce que vous avez dit, et, surtout, Monsieur Stauffer, je vous invite à aller à New York, ville que je connais bien pour y avoir vécu plus d'une année: à New York, il y a 21 ponts pour une agglomération de 20 millions d'habitants. Le dernier a été construit en 1978 et, du reste, c'est un pont relié à une petite île avec une prison. Depuis, la population a augmenté de 30%, et si 90% des Américains prennent leur voiture pour aller au travail, à New York, les propriétaires de voitures ne constituent pas même 50% de la population; sur la seule île de Manhattan, ce chiffre tombe à 25%. C'est vous dire, Monsieur Stauffer, si New York n'était peut-être pas le bon exemple à prendre ! Justement, là-bas, il y a le réseau de transports publics - le métro - le plus performant du monde et c'est pour cela qu'on y circule très bien en voiture; ça, par contre, vous avez raison de le souligner !
Il est temps, aujourd'hui, d'en finir avec cette stupide - et je maintiens le terme - liberté du mode de transport qui empoisonne nos consciences, notre logique, notre capacité de raisonnement et qui nous maintient dans un Moyen Age de la mobilité. Dans cette optique, la traversée du lac est certainement la pire des mauvaises idées qu'on pourrait avoir ! Si on veut diminuer le trafic à Genève, je ne me lasserai jamais de le répéter, il faut diminuer l'attractivité du centre-ville pour les voitures ! Lorsqu'on parle de centre-ville, s'il vous plaît, qu'on ne vienne pas uniquement me parler de la rue du Rhône, de la Corraterie ou de la place Bel-Air ! Là aussi, il y a un peu des conceptions à changer ! Aujourd'hui, le centre-ville - l'hypercentre - va de Champel à la Servette et il va certainement de Carouge au Grand-Saconnex. C'est l'ensemble de cette zone qui doit faire l'objet d'une politique de restriction drastique de la circulation au lieu de construire, à coups de milliards que nous n'avons de toute façon pas, une traversée du lac totalement inutile et désuète, vous l'aurez compris. C'est pourquoi je vous invite, Mesdames et Messieurs, à rejeter avec la dernière énergie ce projet complètement dépassé et passéiste ! (Applaudissements.)
M. Daniel Zaugg (PLR). Merci, Monsieur Bandler ! Merci à M. Bandler qui nous demandait de faire appel à notre bon sens ! Alors moi aussi, je vais essayer de faire appel à votre bon sens ! A gauche, on prône la qualité de vie: on craint les nuisances, on craint le bruit, on rêve de sortir les voitures du centre-ville. Vous avez raison, c'est une bonne idée ! Mais on ne peut pas juste le décréter ! On ne peut pas juste réduire drastiquement le trafic comme vous l'avez dit. Quelque part, la voiture, c'est le principal mode de déplacement en dehors des centres urbains où il y a des transports publics, etc. Genève est un centre d'attraction régional. Nous avons environ 100 km de frontières avec la France et 4 km de frontières avec la Suisse - j'ignore les chiffres exacts. Effectivement, c'est un bassin d'attraction et notre influence sur le réseau routier, sur les transports publics s'arrête à 7 km de notre centre. Au-delà, c'est Paris qui décide ! Et, pour l'instant, Paris n'a pas fait le choix de réaliser un réseau de RER en étoile centré sur Genève et qui irait chercher les gens chez eux. Donc, qu'on le veuille ou non, le nombre de voitures augmente, les voitures viennent à Genève, depuis la France en particulier, mais aussi d'ailleurs. On ne peut pas juste le nier; on ne peut pas juste dire qu'on doit réduire le trafic sans offrir une solution alternative, sans savoir ce qu'on va faire de toutes ces voitures qui arrivent à Genève.
D'après vous, quand on construit une route, on augmente le trafic, et cette traversée du lac sera un aspirateur à voitures. Exactement ! Vous avez raison, ça va être un aspirateur à voitures, mais je vous rappelle que toutes les voitures qui seront aspirées par la traversée du lac et le contournement ne passeront plus par le centre. Chez vous, quand vous passez l'aspirateur, la poussière va dans l'aspirateur, elle n'est plus par terre. A un moment, les choses ne peuvent pas se trouver à deux endroits à la fois ! Je ne sais pas si vous comprenez cette loi de physique basique.
Une voix. Bravo !
M. Daniel Zaugg. J'aimerais aussi répondre aux gens qui opposent l'élargissement de l'autoroute à la traversée du lac: selon eux, pour l'OFROU, il faut faire l'élargissement de l'autoroute et non la traversée du lac. Je m'excuse, ce n'est pas vrai ! Je suis allé à Berne défendre l'élargissement de l'autoroute et je suis allé à Berne défendre la traversée du lac, avec deux conseillers d'Etat successifs: une fois avec Mark Muller, une fois avec Michèle Künzler. Jamais, je vous le dis, jamais l'OFROU n'a dit que la traversée du lac n'était pas efficace. Ce que l'OFROU a dit en revanche, c'est qu'elle n'était pas efficace pour résorber le goulet d'étranglement. Pas à elle seule ! Et un autre reproche de l'OFROU est que la traversée du lac constitue un projet trop local, trop genevois, qui ne servira pas tellement à l'ensemble de la nation, mais surtout aux Genevois. Eh bien, moi je vous le dis, oui, c'est bien et je suis très content que ça serve aux Genevois, et c'est dans ce sens que je défends ce projet, qui se combine extrêmement bien avec notre fameuse loi sur la mobilité, cette loi qui va réduire le trafic au centre-ville, développer les transports publics, développer la mobilité douce, et d'une certaine manière sortir un peu les voitures du centre-ville ! Toutefois, ces voitures, je vous le rappelle, il faut les mettre quelque part ! Et justement, c'est là qu'intervient le contournement. Le contournement, selon les études faites par l'Etat, va permettre de sortir 26% des voitures du centre-ville. (Commentaires.) Je vous propose donc vivement de voter cette traversée du lac.
Encore une petite réponse à Mme Klopfenstein qui dit que personne ne la veut, cette traversée: alors ne perdez pas votre temps à en parler et laissez le peuple décider. S'il ne la veut pas, vous avez déjà gagné ! (Applaudissements.)
M. Michel Ducret (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, dans cette affaire, on entend pas mal d'inepties, beaucoup d'égoïsme et la critique - ou les critiques - d'un projet qui n'existe même pas, alors que le débat porte sur un principe, le principe de quelque chose qu'on ne connaît pas encore. On entend même des critiques sur le système de financement, or celui-ci n'existe pas non plus. Des possibilités doivent être envisagées; l'idée, c'est un principe; l'idée, c'est d'envisager toutes les possibilités. C'est ceci qui est en cause ce soir et rien d'autre !
A partir de là, il y a deux aspects essentiels. Il y a un aspect de principe: l'augmentation de la mobilité est-elle, oui ou non, nécessaire ou inéluctable ? Je parle de la mobilité globale ! Mesdames et Messieurs, c'est oui ou crève ! Ça, c'est une réalité. Si la réponse est qu'on ne veut pas d'augmentation de la mobilité, on remet en cause l'avenir de ce canton et de son économie. Si on veut l'augmentation de cette mobilité, je citerai ici l'ancien conseiller d'Etat Robert Cramer: on ne peut pas s'appuyer sur la seule mobilité douce et sur la seule mobilité collective. La mobilité individuelle doit en prendre une bonne part. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Sans cela, on n'arrivera pas à résoudre le problème posé sur le plan de la demande de mobilité à atteindre à l'horizon 2050. Voilà, c'est une donnée fixe, on ne sort pas de là et ceux qui disent ne pas vouloir d'augmentation ne veulent pas d'avenir économique pour Genève !
Le deuxième aspect est factuel et concerne la géographie. Mesdames et Messieurs, la question suivante est simple: est-il normal, est-il acceptable qu'un trafic qui pour une bonne part est un trafic de transit passe par le centre de notre agglomération, à cent cinquante mètres du coeur de la ville ? C'est quatre fois le trafic du tunnel du Gothard, pour lequel la Confédération s'apprête à dépenser des milliards ! Mais quelle comparaison, Mesdames et Messieurs ! A Genève, on n'aurait pas droit à une participation de la Confédération pour se passer de ce trafic ? C'est une de ces situations totalement inacceptables !
Les solutions sont diverses - elles peuvent être diverses et variées. Je l'ai dit, elles ne peuvent reposer sur le seul trafic individuel, et elles doivent permettre l'augmentation de la mobilité douce et de la mobilité collective, notamment en direction du centre-ville. C'est indispensable, mais, pour autant, il faut apporter une solution ! On entend des critiques vives à l'égard du projet qui vous est proposé ce soir, mais on n'entend pas de solution alternative: Mesdames et Messieurs, on les attend toujours ! Parce que le seul fait de dire qu'il faut se déplacer à vélo, en patins à roulettes ou avec les transports collectifs, on sait que ce n'est pas une réponse suffisante; c'est une non-réponse si vous n'apportez pas d'autres solutions, plus complètes, à la problématique posée.
A partir de là, considérer une traversée du lac, à quoi cela revient-il ? Il est vrai, beaucoup ne la souhaitent pas forcément et elle a un certain coût, mais c'est la solution qui, en tout cas à mes yeux, jusqu'à ce jour, est la moins dommageable pour l'ensemble de la collectivité genevoise. Et il faut la faire bien, respectueuse de l'environnement, respectueuse des habitants actuels et futurs, qu'elle permette, je le dis encore une fois, le développement du transport collectif, le développement de la mobilité douce et un allégement de la pression du trafic sur le centre urbain de Genève. Ça, c'est la réalité des choses, Mesdames et Messieurs !
Maintenant, il faut savoir que si on veut une réponse à l'horizon 2030-2050 - je suis large - il ne faut pas reporter à dix années la décision sur ce problème ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.) C'est aujourd'hui qu'il faut commencer ! C'est aujourd'hui qu'il faut commencer les études pour suivre toutes les procédures nécessaires, afin d'avoir quelque chose à l'horizon 2030-2050. C'est aussi maintenant qu'il faut prendre ces décisions pour pérenniser les emplois créés à l'occasion de l'élargissement de l'autoroute actuelle de contournement, afin que les ouvriers qu'on s'apprête à engager lors des prochaines années puissent ensuite trouver du travail sur cette future traversée. Ça, c'est la réalité, Mesdames et Messieurs; au-delà des critiques simplistes et doctrinaires, moi, j'attends de véritables réponses.
Ce soir, le PLR et ses alliés vous présentent une proposition de réponse concrète pour un avenir qui ne commence pas demain, mais clairement après-demain. Or, c'est maintenant que l'on doit prendre ces décisions, pas dans dix ans ! On doit les prendre maintenant et pas plus tard ! On pourra toujours attendre des réponses alternatives, parce qu'il n'y en a pas ! Cela fait des années qu'on attend, mais il n'y en a pas ! Et je vous rappelle qu'avec «Circulation 2000» qui date des années quatre-vingt-dix, on avait déjà comme élément essentiel le besoin de traverser le plan d'eau. Il ne faut pas rêver, on ne s'en sortira pas sans apporter une solution de ce type-là. Que cette solution soit la meilleure possible, c'est le but des études que nous demandons de lancer maintenant ! (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Après consultation de mon Bureau, j'ai décidé de clore la liste. Je vous donne les noms des personnes encore inscrites: Mmes et MM. Mathias Buschbeck, Pierre Vanek, Thierry Cerutti, Caroline Marti, Daniel Sormanni, Thomas Wenger, Roger Deneys, Eric Stauffer, Christian Zaugg, Delphine Klopfenstein Broggini, Danièle Magnin, Jean Romain, Marko Bandler, Jean Batou, Daniel Zaugg et Lydia Schneider Hausser; évidemment aussi M. le conseiller d'Etat. Pour les personnes qui se sont inscrites après, la liste est donc close. Nous poursuivons avec...
Une voix. Avec moi !
Le président. Non, avec M. Thierry Cerutti.
M. Thierry Cerutti. C'est une erreur.
Le président. Très bien, la parole revient donc à Mme Caroline Marti.
Mme Caroline Marti (S). Je vous remercie, Monsieur le président. La question a déjà été partiellement abordée, mais je pense qu'il n'est pas inutile d'en rediscuter, car cela me paraît réellement le noeud du problème: celle du financement fédéral et de la position de l'Office fédéral des routes. Nous avons pu l'auditionner en commission. Bien qu'ils reconnaissent des problèmes de circulation et de trafic à Genève, ils ont jugé qu'il était beaucoup plus opportun de travailler à un élargissement du contournement autoroutier de Genève qu'à une traversée du lac. La raison principale évoquée par l'Office fédéral des routes est le manque d'urbanisation de la rive gauche du lac. Et on peut difficilement lui donner tort: la rive gauche est principalement constituée de zones agricoles et, comme vous le savez bien, on ne peut plus ou pratiquement plus déclasser pour urbaniser. Ensuite, c'est de la zone villas: or, en ce qui concerne l'urbanisation de la zone villas sur la rive gauche, le plan directeur cantonal 2030 est particulièrement peu ambitieux, puisqu'il ne prévoit qu'une densification limitée. Donc, pas de déclassement; on reste en zone villas et on essaie de densifier un peu. (Commentaires.) Mesdames et Messieurs, ce n'est pas comme ça qu'on va urbaniser la rive gauche du lac ! D'autant plus que Mme Kuffer-Galland, maire de Vandoeuvres - que nous avons également auditionnée en commission - nous a très directement exprimé les possibilités d'opposition des communes de la rive gauche si on leur imposait une densification de leur commune dans le cadre de cette traversée du lac.
Mesdames et Messieurs les députés, on peut considérer que nous n'obtiendrons pas ce financement fédéral et, de ce fait, ce sont 5 milliards de francs qui seront à la charge du canton. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, avec une dette de 13 milliards, comment allez-vous expliquer aux parents d'élèves du cycle qu'on ne pourra malheureusement pas rénover les bâtiments scolaires parce qu'on n'en aura plus les moyens, en raison de la construction de cette traversée du lac qui ne sert pas à grand-chose ? Ma foi, les places d'EMS dont on aurait besoin pour prendre en charge nos aînés, elles non plus, on ne pourra pas les créer, parce qu'on aura décidé de mettre la priorité sur cette traversée ! Qu'allez-vous dire aux fonctionnaires de l'Etat qui vont se retrouver confrontés au «personal stop» que vous avez voté pour réduire la dette ? Qu'allez-vous dire aux bénéficiaires des prestations publiques qui verront celles-ci réduites tant en quantité qu'en qualité ?
Ensuite, Mesdames et Messieurs les députés, le département est venu en commission avec cette magnifique brochure nous dire qu'on ne construirait pas cette traversée pour la rive gauche genevoise, mais pour toute la rive gauche du lac Léman, et que cela créerait des milliers de logements et d'emplois, etc. Eh bien, sachez que nous avons auditionné les autorités politiques de ces communes de France voisine: elles nous ont quand même gentiment fait remarquer qu'en matière de logement... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Merci, Monsieur le président ! Ces communes nous ont donc rappelé qu'au long de ces dernières années, elles ont supporté le poids de la construction des logements liés au développement de notre canton, et qu'il serait peut-être temps que nous aussi mettions le pied à l'étrier et prenions en charge cette construction. Je pense qu'il est un peu trop facile, Mesdames et Messieurs les députés, de se targuer d'avoir réussi à préserver notre zone agricole et nos campagnes; si cela se fait au détriment d'une urbanisation rampante dans toute la région, je pense que nous ne remplissons clairement pas notre part du contrat, Mesdames et Messieurs les députés !
Ensuite, les communes de France voisine que nous avons auditionnées ont très clairement fait savoir qu'elles n'étaient pas franchement emballées par ce projet de traversée du lac. Pourquoi ? Déjà parce que le département qui a préparé ce pré-projet ne les a absolument pas consultées et n'a absolument pas tenu compte des différents impacts de la traversée du lac sur les communes avoisinantes, notamment en matière de circulation et de mobilité. Les impacts pour ces communes seront majeurs; elles devront faire face, notamment dans le Chablais, à une très forte augmentation du trafic. Et ça, forcément, elles ne le voient pas d'un très bon oeil ! Alors je trouve quand même un peu grotesque de justifier cette traversée en déclarant qu'on construit pour les communes de France voisine, quand ces communes-là ne veulent justement pas de cette traversée !
Les autorités de France voisine nous ont également parlé de l'exemple de l'autoroute A41 entre Annecy et Genève, comme l'a rappelé M. Bandler. Cette autoroute a rendu des régions éloignées d'Annecy beaucoup plus accessibles pour venir travailler à Genève. De ce fait, il y a eu une très forte augmentation des déplacements entre des régions au-delà d'Annecy et notre canton. De nouveaux déplacements, comme vous le savez, représentent effectivement plus de trafic, d'où une saturation des routes, mais également plus de nuisances sonores pour les riverains et plus de pollution de l'air dans une agglomération qui connaît régulièrement des pics de pollution très préoccupants en termes de santé publique. A n'en pas douter, si ce constat est vrai pour l'autoroute A41, il l'est très certainement aussi pour la traversée du lac !
Je voudrais enfin revenir sur les questions environnementales; elles ont très peu été évoquées dans ce débat jusqu'à présent. Je suis quand même un peu surprise d'entendre les députés qui s'étaient très fortement émus des éventuels impacts de la construction de logements sur le golf de Cologny...
Le président. Il vous reste trente secondes.
Mme Caroline Marti. Des députés s'étaient émus des impacts environnementaux sur le golf de Cologny dans le cas de la construction de logements, impacts jugés quand même relativement mineurs par la DGNP que nous avons auditionnée, alors que, dans le cadre de la traversée du lac, ces impacts pèseront fortement sur notre environnement: on peut parler de la destruction du biotope de la Pointe à la Bise, d'importance cantonale; de même, les biotopes de Rouëlbeau et de la haute Seymaz se verront très fortement dégradés par ce projet.
Le président. Il vous faut conclure.
Mme Caroline Marti. C'est pour ces raisons, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, que nous vous proposons de refuser cette initiative. (Applaudissements.)
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je dois dire que ce débat est assez curieux. Certains disent ici que l'élargissement de l'autoroute est la solution à tous nos maux; je vous rappelle que l'autoroute a déjà été inaugurée en 1993, cela fait un certain temps. Vous avez sûrement remarqué que depuis, Genève accueille une population plus importante et un plus grand nombre de véhicules. Mais juste avant la construction de cette autoroute, qui était contre ? Vous ! Les Verts, le parti socialiste, vous avez voté contre la construction de cette autoroute... (Rires.) ...vous ne la vouliez pas ! (Commentaires.)
Une voix. Eh oui !
M. Daniel Sormanni. Eh oui ! (Commentaires.) Oui, mais moi j'ai voté oui. C'est embêtant, hein ?! (Rires. L'orateur rit.) A un moment donné, il faut rester cohérent, et je crois que vous ne l'êtes pas. Demain, quand le projet de l'élargissement de l'autoroute viendra, soutenu par les Chambres fédérales, je vous parie que vous voterez non à cet élargissement et que vous lancerez un référendum. Alors ne venez pas dire aujourd'hui que c'est la solution et que nous n'avons pas besoin de la traversée du lac parce que nous aurons l'élargissement de l'autoroute ! Vous serez de toute façon contre, vous êtes contre tout, et si nous nous trouvons dans cette situation, c'est en grande partie à cause de vous, parce que vous n'avez pas voulu de métro, vous avez voulu des transports publics en surface pour occuper la voirie, bloquer les voitures; ce n'est pas une solution, on le voit bien aujourd'hui et on le voyait aussi hier, mais personne ne voulait nous écouter. Mesdames et Messieurs, vous vous trompez complètement; il faut voter ce principe de la traversée du lac.
Juste encore un rappel: il y a quelques semaines, Dominique Favre, ancien juge fédéral, membre du parti socialiste... (Remarque.) ...disait par rapport au paiement que de toute manière, c'est anticonstitutionnel et qu'il faudrait beaucoup de modifications pour arriver à faire un péage ou deux - puisque paraît-il, certains pensent à deux péages pour cette autoroute. On n'en est donc pas là aujourd'hui... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...on en est à décider du principe d'une traversée du lac et non d'un pont comme à Avignon - vous transmettrez à M. Wenger - où l'on ne fait que danser.
M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, concernant les propos tenus il y a un instant, j'aimerais rappeler que ce Grand Conseil a déjà voté, à une très large majorité, tous bords confondus et avec quelques absences du côté du PLR, une résolution de droit d'initiative cantonal sur l'élargissement de l'autoroute de contournement. (Remarque.)
Mesdames et Messieurs les députés, le problème majeur de cette initiative - initiative constitutionnelle qui plus est - est son complet décalage par rapport à l'évolution de la mobilité à Genève. Je vous rappelle qu'après bien des efforts, nous avons réussi à mettre sur pied un projet qui s'appelle le CEVA, dont on espère, dans ce Grand Conseil et parmi la population genevoise en général, une amélioration des conditions de circulation... (Remarque.) ...et de la mobilité dans notre canton.
Il faut aussi se poser la question suivante: quand on veut un jouet depuis vingt ou trente ans, et si trente ans plus tard on en est toujours à le vouloir, il se peut, ma foi, qu'il soit peut-être dépassé, désuet, hors de propos... (Remarque.) ...on n'en veut plus, on a grandi. Eh bien, c'est la même chose avec cette traversée du lac que vous appelez toujours de vos voeux, par manque d'imagination et d'idées, pour répondre par des solutions du XXe siècle - des années 70, voire 60 - à des défis comme le réchauffement climatique, l'engorgement par les voitures des voies de circulation et un aménagement du territoire qui soit harmonieux et préserve le climat. Ces enjeux de préservation du climat font l'objet d'une conférence internationale à Paris: cela s'appelle la COP21. On essaie d'y parler des moyens de lutte contre le réchauffement climatique, et donc de réduire les nuisances dues au trafic automobile, mais qu'avons-nous dans ce Grand Conseil, à Genève... Et comme par hasard, c'est toujours la même chose, ça se passe quelques mois avant le Salon de l'auto ! Les vapeurs d'essence montent au cerveau de quelques esprits dans ce Grand Conseil, on en a l'habitude; mais on entend des discours surréalistes: car on veut répondre à des problèmes de mobilité du XXIe siècle par des solutions du milieu du XXe. Mesdames et Messieurs les députés, il faut savoir raison garder. Face à une initiative constitutionnelle qui stipule que la traversée doit permettre l'achèvement du contournement de Genève, il faut se demander à quoi cela va servir. (Commentaires.) Je l'ai entendu dans la bouche du rapporteur de majorité et de certains préopinants PLR, aujourd'hui, ce n'est pas avec une traversée du lac que nous allons résoudre les problèmes d'engorgement; il y a quelque chose de faux dans vos raisonnements: Monsieur le président, vous transmettrez à M. Zaugg qui doit souvent passer l'aspirateur, quand on construit un aspirateur à voitures, on se retrouve avec davantage de voitures, mais elles ne restent pas bloquées dans l'aspirateur: un jour, il faut vider le sac, et elles ressortent ! Si cet aspirateur était un trou noir, peut-être que cela marcherait, mais en l'occurrence, ce n'est pas le cas ! Le problème, c'est qu'on ne parle pas d'un volume constant de véhicules; quand vous créez une nouvelle infrastructure, vous attirez de nouveaux véhicules dont les propriétaires se disent, par opportunité: «Oui, je peux venir de plus loin, oui, c'est plus pratique pour passer de tel point à tel point» - a fortiori quand les TPG sont démantelés par votre majorité et par M. Barthassat, car évidemment, quand il n'y a plus de transports publics, on prend encore davantage la voiture. Ainsi, Mesdames et Messieurs les députés, cette initiative constitutionnelle est dépassée; aujourd'hui, compte tenu de la situation des finances cantonales - on a évoqué la dette de plus de 13 milliards - c'est tout simplement suicidaire de vouloir faire un tel investissement à 5 milliards supplémentaires. Quand on veut refaire le bâtiment des lits de l'hôpital, quand on veut faire une gare souterraine, ou encore refaire les écoles, où se trouve la priorité de construire une traversée ? Elle est nulle, elle est inexistante ! Vous la voulez simplement parce que vous êtes des enfants gâtés qui n'ont pas eu leur jouet il y a trente ans. Ce n'est pas possible de faire des choix pareils aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés. En termes d'amortissement, 5 milliards, cela fait 100 millions par année sur cinquante ans; 100 millions dans les comptes de fonctionnement. Vous allez les trouver où, ces 100 millions par année, quand nous nous prenons de bec pour le budget parce qu'on cherche l'équilibre et que nous nous battons pour deux cent mille francs ? Mesdames et Messieurs les députés, soyez réalistes, les finances cantonales ne permettent pas aujourd'hui un tel investissement, et il est simplement illogique de vouloir le voter maintenant.
Je vais vous dire franchement ce que je pense: chaque fois qu'un tel projet arrive, soutenu par la «Tribune de Genève» qui se prend pour la «Pravda» et sort un supplément routes payé par le département - on tartine: «les routes, et davantage de routes, c'est bien !» - et après chaque débat de ce style, je me demande combien vos partis touchent des milieux du béton et des travaux publics... (Rires. Exclamation.) ...pour financer ce genre de projet. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais bien savoir combien arrive dans la poche de vos partis quand des textes pareils sont soutenus et défendus alors qu'ils vont à l'inverse du bon sens.
J'aimerais encore vous parler de la plus large autoroute du monde; c'est dans un article de ce début du mois de janvier, elle est construite au Texas et est dotée de 26 voies de circulation. Vous avez bien entendu: 26 voies de circulation ! Il y a encore plus de bouchons qu'avant, les chiffres sont très clairs: 50% de temps de bouchons de plus qu'en 2011, avant l'élargissement intervenu en 2015. C'est justement parce que se passe ce phénomène d'une route qui attire de nouvelles personnes; cela permet aussi à des gens d'aller habiter plus loin...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Roger Deneys. ...et donc, Mesdames et Messieurs les députés, il faut savoir que ces projets de routes sont complètement dépassés. La constitution a besoin de projets en faveur du climat et non en faveur d'une mobilité du temps des dinosaures et des énergies fossiles. (Quelques applaudissements.)
M. Thomas Wenger (S), rapporteur de troisième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, comme on le dit à la télévision, pour ceux qui ont raté le premier épisode, pour ceux qui nous rejoignent sur Swisscom TV et UPC Cablecom...
Le président. Je vous remercie pour la publicité ! (M. Thomas Wenger rit.)
M. Thomas Wenger. ...je vais vous faire les «highlights»: vous avez raté la première partie de l'épisode qui vous disait que ce projet appartient au passé, au XXe siècle, qu'il est inutile, néfaste pour notre environnement, et surtout que c'est un gouffre à milliards. Nous en étions restés à la question de savoir comment financer ces 4 à 5 milliards; nous avons dit que la Confédération n'allait pas mettre grand-chose, voire rien du tout; que le canton n'a pas les moyens de se payer un tel projet, si tant est qu'il soit nécessaire - et pour nous, c'est absolument clair qu'il ne l'est pas; nous en étions donc arrivés au partenariat public-privé, mot magique, pour le financement de cette traversée. Une des possibilités de partenariat public-privé est l'instauration d'un péage sur la traversée. Je crois que c'est M. Riedweg qui a parlé de 8 F, qui serait un prix tout à fait raisonnable. J'ai fait un petit calcul: je paierais 8 F à l'aller; ensuite, il faudra bien que je revienne, je repaierai alors 8 F... (Remarque de M. Pierre Vanek.) Ah oui, on peut aussi tourner en rond ! Mais enfin tôt ou tard, j'imagine bien que je vais revenir. Le tout multiplié par 25 jours et 12 mois me coûtera la bagatelle de 4800 F, tout ça pour emprunter cette belle autoroute, et toujours pas arriver au centre-ville... (Remarque.) ...parce que - j'y reviendrai - le problème de cette traversée est qu'elle aboutit en rase campagne - l'Office fédéral des routes le dit aussi - ce qui ne sert absolument à rien, parce que nous avons à Genève un trafic radioconcentrique, c'est-à-dire qui converge vers le centre: la majorité des voitures qui viennent de l'extérieur de Genève se dirigent vers le centre-ville pour des raisons d'emploi, bien entendu, de logement et de loisirs.
On va donc financer cela avec ces fameux 8 F. Pour arriver à financer, il faut que le plus de voitures possible empruntent la traversée, parce que 8 F multiplié par, je ne sais pas, 50 000, 60 000, 70 000, 100 000 véhicules par jour, ça permettra de rembourser l'investissement. Je vous en avais déjà parlé, je vois déjà les campagnes de promotion et de communication autour de ce péage: si l'UBS, par exemple, assume une partie des investissements, on nous proposera au bout de 150 traversées un taux préférentiel sur l'ouverture d'un compte à l'UBS; une fois que vous aurez atteint les 1000 traversées, vous aurez peut-être 10% de rabais sur l'achat de votre prochain 4x4, et on peut imaginer un certain nombre de telles promotions pour vous encourager, bien entendu, à utiliser cette traversée, qui pourtant, dans le fond, ne va pas vous servir à grand-chose.
On nous dit qu'il n'y a pas d'alternative, que sans la traversée, tout est foutu à Genève s'agissant de mobilité; or, on a déjà beaucoup parlé des alternatives dans ce Grand Conseil, mais je les aborde brièvement. C'est le Léman Express qui sera inauguré en décembre 2019, un nouveau RER - Zurich connaît cela depuis trente ans, puisque vous preniez cet exemple; Zurich a investi depuis bientôt quarante ans dans un RER. Il suffit de regarder le plan du RER et des trams de Zurich pour se rendre compte que cette ville n'a pas de traversée ! Pourtant, elle est aussi au bout d'un lac, il y a une petite traversée par bac au centre du lac, pour ceux qui ont envie de traverser, mais il n'y a pas de route ! Alors arrêtez de prendre Zurich en exemple. Ensuite, il faut compter avec l'extension de la gare de Cornavin et l'augmentation des fréquences, notamment vers Lausanne et le reste de la Suisse; avec aussi les trams, les bus à haut niveau de service, chers à Eric Stauffer, qui a fait mettre cela dans le compromis sur la mobilité, pour amener les gens à laisser leur voiture à l'entrée de l'agglomération et à poursuivre en transports publics, donc en bus à haut niveau de service; j'ajouterai les alternatives de mobilité douce, on en a parlé.
Ensuite, sur le développement... (Remarque.) Ça va trop vite pour M. Romain ? (Remarque. L'orateur poursuit en ralentissant exagérément son débit.) Sur le développement de la rive gauche... (Remarque. L'orateur rit.) Vous voyez où est la rive gauche ? (Remarque.) Pour l'instant, je l'ai dit, votre traversée arrive en rase campagne, il faudrait donc un peu construire. Ce qu'il était intéressant d'entendre lors des auditions - je reprends mon rythme de parole normal - notamment de la part de la présidente de l'ACG, qui en l'occurrence ne s'exprimait pas en tant que telle, mais comme maire de Vandoeuvres, était la chose suivante: «Si la traversée implique de densifier nos communes, nous, maires des communes de la rive gauche, ne serons pas tellement en sa faveur», et il risque d'y avoir une pluie d'oppositions de la part de ces communes. On s'est alors dit tout à coup: c'est drôle, les magistrats de la rive gauche, qui appartiennent souvent à votre bord politique, Monsieur Romain, ne se sont que très peu exprimés sur ce projet de traversée autoroutière qui aboutirait en plein dans leurs communes; c'est quand même assez intéressant. Il faut noter aussi que lors de la votation sur la traversée de la rade proposée par l'UDC, refusée à 63% par la population, comme je l'ai rappelé, les seules communes à l'avoir acceptée sont les trois ou quatre de la rive gauche - Jussy et d'autres - qui vont se prendre votre future traversée en plein dans les dents.
Concernant la position des échangeurs, l'initiative ne dit absolument rien, et même le Conseil d'Etat n'en sait rien; nous avons reçu les autorités françaises qui n'en savent rien non plus. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Il pourrait y avoir un échangeur pour notre traversée autoroutière à la Pallanterie, à Puplinge, à Thônex-Vallard - c'est celui qu'on cite souvent - ou pourquoi pas rattaché au carrefour des Chasseurs ? Or l'OFROU a fait une étude d'opportunité et dit que cela ne se justifie absolument pas, parce qu'il n'y a pas assez de trafic là-bas, c'est donc un lieu inadéquat. A Machilly, à Etrembières, pour ceux qui veulent aller faire leurs courses ? On n'en sait rien, et de nouveau, il n'y a pas de projet, tout ça est totalement flou.
J'en viens à l'augmentation du trafic motorisé que va amener cette fameuse traversée autoroutière. On a beaucoup parlé d'aspirateur à voitures; je rejoins mon collègue Roger Deneys selon qui, quand on aspire, il faut bien vider le sac quelque part; et comme je vous l'ai déjà dit, ce sac, on le vide au centre-ville, parce que c'est là que vont les gens. J'aime bien aussi prendre l'image de l'entonnoir. (Remarque.) Le trou le plus étroit de l'entonnoir - le centre urbain - vous ne pouvez pas l'agrandir, parce que vous ne pouvez pas déplacer les immeubles, élargir les rues, etc. Si vous élargissez à l'autre bout, le bout le plus important, en ajoutant une autoroute pour pouvoir aller dans le centre, vous imaginez bien le nombre de bouchons que vous aurez en plus à l'intérieur de votre entonnoir. J'ai fait ça avec les petites voitures de mes enfants et un panier à salade: vous pouvez tous le faire chez vous en découpant un panier à salade et un entonnoir, c'est très intéressant...
Le président. Il vous reste vingt secondes.
M. Thomas Wenger. ...vous verrez que plus aucune voiture ne sort. Je reviens juste sur une étude du Crédit suisse... Mais j'y reviendrai plutôt dans ma dernière intervention, car je crois que je n'ai plus le temps de développer cela maintenant.
Des voix. Oh ! (Commentaires.)
Le président. Ecoutez, si quelqu'un doit décider ici si un orateur peut dépasser son temps, c'est moi, ce n'est pas vous ! (Remarque.) Je passe la parole au rapporteur de deuxième minorité, M. Pierre Vanek.
M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. L'essentiel a été dit, ce qu'il fallait démontrer l'a largement été. Eric Stauffer manifestement n'y croit pas, il est occupé à autre chose, il rêve de New York puisqu'il a évoqué cette métropole états-unienne comme modèle - on ne va évidemment pas donner là-dedans à Genève. Selon lui, on peut redimensionner, faire plus petit, en fonction de la modestie d'une localité comme la nôtre; mais enfin, le plus petit aboutit tout de même à des investissements pour lesquels on évoque le chiffre de 5 milliards. Ce n'est pas sérieux, Mesdames et Messieurs ! Dans cette même salle, quand nous débattons de choses sérieuses, d'un certain nombre de prestations sociales, pour les locataires... Le 28 février, nous voterons sur deux référendums dont l'enjeu, concernant les prestations sociales pour les personnes âgées, les locataires, porte sur quelques millions de francs - au total, sans doute, une douzaine - dont vous avez défendu, lors du débat sur le budget 2015, la nécessité absolue de les couper, d'aller les prendre dans la poche de nos vieux et de nos locataires les moins nantis; c'était alors indispensable, et à ceux qui défendaient l'idée qu'il fallait maintenir ces prestations sociales et qui sont allés se geler dans le froid, cet hiver-là, pour lancer le référendum et donner la parole au peuple sur cette question - peuple qui votera non le 28 février - à ces personnes, on a dit qu'elles étaient irresponsables, qu'on a une dette, que ça ne va pas. Et les mêmes, les mêmes, Mesdames et Messieurs - mais je rêve ! - viennent ici, Eric Stauffer vient ici - mais il n'y croit pas, et je le comprends bien - nous dire qu'il faut envisager d'engager 5 milliards ! Je rappelle qu'il s'agit d'un chiffre officiel fourni en commission par le président du département comme montant maximal de la fourchette; du moins, c'est ce qu'il a dit en commission. Bon, c'est un peu fou, et l'entonnoir devrait être placé sur la tête de certains défenseurs du projet plutôt qu'ailleurs, mais enfin, ce n'est pas sérieux et ça a été démontré.
Eric Stauffer a eu un lapsus, un peu le même que celui du président du département en commission: celui-ci appelait à un plébiscite autour de cette question. J'ai demandé à combien de voix on aurait un plébiscite: un plébiscite bon marché, à 65%, un vrai plébiscite, à 80% ou 90%; mais les hauts fonctionnaires ont dit qu'il suffisait qu'il y ait une majorité. Mais dans son exposé, ici, Eric Stauffer a parlé d'unanimité ! Il faut qu'il y ait unanimité pour que Berne... Et ça ne nous coûte rien, puisque de toute façon, tout cela est bidon, c'est juste un signal qu'on envoie à Berne pour que l'affaire puisse éventuellement avancer là-bas. Mais vous savez bien qu'il n'y aura pas d'unanimité... (Remarque.) ...vous savez bien qu'il n'y aura pas de plébiscite, vous savez que peut-être vous arriverez à arracher une petite majorité là autour - quoique j'en doute, à voir le peu de conviction dans vos arguments - mais le projet d'un plébiscite unanime est cassé, il n'existe pas; la preuve, c'est la concurrence déloyale à laquelle se livrent des députés PLR: Daniel Zaugg est venu ici en disant que cette affaire était un aspirateur à voitures et que cette traversée n'était pas efficace - je cite textuellement ses paroles - pour résorber le goulot d'étranglement ! Mais, Mesdames et Messieurs, c'est de la concurrence déloyale, on nous pique nos arguments ! (Rire.) Alors je ne sais pas ce que je fais ici... (Remarque.) ...si Daniel Zaugg vient dire que c'est un aspirateur à voitures et que ce n'est pas efficace, alors que d'autres pensent qu'il faut dépenser des milliards. Tout ça n'est pas sérieux. Michel Ducret s'est emporté - c'est un homme qui a une certaine fougue - en disant que cette critique dogmatique était un scandale, critique d'un projet qui n'existe même pas. Ce sont les paroles de Michel Ducret dans cette salle ! Il y a donc un projet qui serait, selon Daniel Zaugg, un aspirateur à voitures inefficace pour résorber les goulets d'étranglement, et qui, subsidiairement, selon un de ses collègues, n'existe même pas, mais qu'il serait urgent d'inscrire, à l'unanimité, dans la constitution. Ça ne va pas !
Notre ami Daniel Sormanni nous fait aussi une concurrence déloyale: il a cherché à nous convaincre que de toute façon, on ne risquait rien à propos du péage, puisque d'éminentes autorités socialistes ou je ne sais quoi indiquaient que de toute façon il y avait des obstacles juridiques irrémédiables et que ça ne se ferait pas. Donc le boulot est fait ! Stauffer ne vient pas, en début de séance, pour défendre son rapport... (Remarque de M. Daniel Sormanni.) M. Daniel Sormanni précise que c'est seulement le péage qui ne se fera pas; mais les initiants - M. Desfayes, du PDC, je crois - sont venus en commission pour être entendus, et il nous a dit, sur le financement, répondant sur le partenariat public-privé - seule piste de financement défendue, dont Magali Orsini a dit à juste titre tout le mal qu'il faut en penser - que plusieurs options sont possibles: la première est un péage - je cite le PV 59 du 23 juin 2015 - et la deuxième est un péage, n'est-ce pas ! (Commentaires.) Bon, sérieusement ! Le péage ne va pas se faire, ça ne va pas se financer. M. Riedweg, qui se met au garde-à-vous... (Rires.) Asseyez-vous, Monsieur Riedweg ! (Exclamation.) Il n'en a pas besoin. Il a fait un calcul intéressant: fixer le prix à 8 F peut en effet limiter l'effet d'aspirateur à voitures; on peut le doubler, le mettre à 15 F, mais alors plus personne ne passerait. Tout cela est idiot, tout cela est idiot, n'a pas de sens, et pour nouer la gerbe avec mon intervention du début, personne dans cette salle, Mesdames et Messieurs, personne dans cette salle - certains sont plus intelligents que d'autres... (Remarque.) ...d'autres sont plus idiots - je me classe parmi les idiots pas très intelligents - mais personne dans cette salle, y compris le plus idiot ou la plus idiote d'entre nous, ne croit sérieusement à ce projet. (Remarque.) C'est de la gesticulation démagogique, et je vous invite à y renoncer. Vous voulez inscrire dans la constitution l'obligation de réaliser une infrastructure lourde, importante, massive, qui conditionne le développement de l'agglomération et des modes de transport dans ce canton durant des années...
Une voix. Oui !
M. Pierre Vanek. ...avec l'enthousiasme de Daniel Sormanni qui nous a dit tout à l'heure que ce projet pouvait servir - c'était un complément à l'intervention de mon savant collègue Thomas Wenger...
Le président. Il vous reste vingt secondes.
M. Pierre Vanek. Oui, je termine ! ...qui demandait à quoi cela peut servir, parce que Thomas Wenger calculait que pour quelqu'un qui prendrait cette affaire deux fois par jour, cela reviendrait à 16 F - il est maître de l'arithmétique, deux fois huit, ça fait seize ! - mais je lui soufflais qu'en toute objectivité...
Le président. Il vous faut conclure.
M. Pierre Vanek. ...il y a une autre solution, c'est qu'on pouvait tourner en rond... (Remarque.) ...par l'autoroute de contournement... (Remarque.) ...et - «vroum, vroum !» - Daniel Sormanni a repris cette idée «sotto voce» en indiquant que ça représentait un grand intérêt de tourner en rond en faisant «vroum vroum» pour un prix de 5 milliards. Mesdames et Messieurs, Eric Stauffer l'a dit à juste titre dans son rapport, c'est un projet de société, mais le projet de société consistant à tourner en rond avec des voitures en faisant «vroum vroum», ce n'est pas un projet de société intelligent... (Remarque.) ...et c'est un projet de société impossible à réaliser. (Commentaires.)
M. Mathias Buschbeck (Ve), rapporteur de première minorité. Tout d'abord, j'ai une bonne et une mauvaise nouvelle pour M. Sormanni: la bonne nouvelle est que les Verts ne lanceront pas de référendum contre l'élargissement de l'autoroute de contournement; en tout cas pas les Verts genevois, puisqu'il s'agit d'un arrêté fédéral, actuellement en bonne voie - il est dans le «pipeline» - et normalement, si tout se passe bien selon vos vues... (Remarque.) ...la troisième voie sera inaugurée d'ici une quinzaine d'années. La mauvaise nouvelle est que, je le constate, il n'y a pas de journaliste alémanique dans la salle; car si des élus fédéraux alémaniques nous voyaient ce soir, voyaient à quel point vous critiquez l'autoroute de contournement et son élargissement, et à quel point vous plébiscitez cette traversée du lac, ils se diraient: «Les Genevois ne sont pas très au clair sur ce qu'ils veulent ! Le temps qu'ils se mettent d'accord, nous proposons de prendre l'argent prévu pour l'élargissement de l'autoroute de contournement et de l'utiliser ailleurs.» (Commentaires.) Aujourd'hui, les seuls ennemis de l'élargissement de l'autoroute de contournement sont ceux qui promeuvent la traversée du lac. (Remarque.) Parce que 1,5 milliard, ce n'est pas rien ! C'est le prix de l'élargissement de l'autoroute de contournement, celui du CEVA qui a connu d'autres formes de contestation. Ce milliard et demi que nous allons dépenser pour la route n'est en tout cas pas contesté par une votation populaire, et dans ce sens-là, je ne peux que souscrire aux propos d'Eric Stauffer, selon qui pour régler les problèmes de mobilité, il faudra une succession d'actions complémentaires. Nous allons verser maintenant 1,5 milliard pour l'élargissement de l'autoroute de contournement; si vous offrez aux opposants à la traversée du lac de disposer de cette somme pour régler les problèmes de circulation à Genève, je vous ferai tout à l'heure des propositions allant dans ce sens. Mais je vais d'abord revenir à l'argumentaire que j'ai laissé en plan lors de ma première intervention.
Des voix. Ah !
M. Mathias Buschbeck. Je voudrais d'abord tordre le cou à l'idée selon laquelle la circulation est un fluide dont il faudrait augmenter ou élargir les tuyaux pour qu'il s'écoule mieux. C'est une logique qui ne s'applique pas à la circulation automobile, cela a été démontré à mainte occasion, et notamment par les exemples décrits. J'aimerais revenir sur le plus proche de nous, celui de l'autoroute Genève-Annecy. 19 000 véhicules traversaient chaque jour le bourg de Cruseilles avant la construction de cette autoroute; on voulait la construire pour que plus aucun véhicule ne passe dans cette localité. Tout le monde applaudissait. En 2008, lors de l'inauguration de l'autoroute Genève-Annecy, Cruseilles a été apaisée. A peine cinq ans plus tard, en 2013, l'autoroute est fréquentée par 24 000 véhicules. Vous me direz: 24 000 véhicules, par rapport aux 19 000 d'avant, ce n'est pas une forte augmentation. Ce qu'il ne faut pas oublier, c'est qu'aujourd'hui, il y a de nouveau 19 000 véhicules qui passent par Cruseilles, plus les 24 000 de l'autoroute Genève-Annecy, ce qui donne une augmentation de la circulation de 120% en sept ans. Construire de nouvelles routes et autoroutes pour régler les problèmes de circulation, ce n'est qu'une fuite en avant. (Commentaires.)
Je reviens au problème du financement. On l'a dit, le tracé des routes nationales, des autoroutes, est de la compétence exclusive du Parlement fédéral. Celui-ci - on l'a dit aussi - ne considère pas que ce soit la bonne solution pour Genève, mais que cette solution est l'élargissement de l'autoroute de contournement pour lequel il a prévu le financement dont je vous parlais tout à l'heure. Alors qui va payer la traversée ? Après un moment de silence est apparue l'idée du partenariat public-privé. Mais pourquoi, dans ce cas-là, un partenariat public-privé, alors que partout ailleurs, les autoroutes sont financées par les pouvoirs publics de façon standard, soit par un arrêté, soit par un crédit ? Pourquoi Genève a-t-elle besoin d'un partenariat public-privé pour arriver à ce projet ? On connaît le partenariat public-privé dans les pays fortement endettés, qui n'arrivent plus à emprunter sur le marché des capitaux: ils sont obligés de faire appel à des partenaires privés qui peuvent financer leurs infrastructures à des taux d'intérêts moindres. Au contraire, Genève emprunte à des taux relativement bas; alors pourquoi devrait-elle engager un partenariat public-privé ? Tout simplement parce que la droite de cet hémicycle a mis en place un mécanisme de frein aux dépenses, un frein à l'endettement, et qu'on ne peut pas le contourner, on ne peut pas simplement voter des millions pour faire des investissements sans dépasser la dette acceptable. (Commentaires.) Et elle le dit ! Lorsque nous avons traité la motion sur le partenariat public-privé, elle nous a dit que ce partenariat permettrait de contourner ce frein à l'endettement. On voit donc que la seule raison pour laquelle vous souhaitez mettre en place un partenariat public-privé, c'est de pouvoir contourner les lois que vous-mêmes avez mises en place.
Qui serait intéressé par ce partenariat public-privé ? On nous dit que des privés le seraient. Mais qui ne le serait pas ? Vous leur proposez un rendement garanti de 4% sur quarante ans. Même moi, j'investis demain, dans ces conditions ! Si on parle d'un rendement garanti de 4% sur des fonds investis jusqu'en 2070, tout le monde court ! Et combien cela va-t-il coûter à la collectivité ? C'est assez simple. Le rapport complet que nous ont fourni les partenaires privés nous le dit très clairement: la fourchette s'établit entre 102 et 235 millions par année pendant quarante ans, suivant l'option choisie, deux fois deux voies avec ou sans camions. Ainsi, on arrive à une fourchette - ce n'est pas moi qui le dis, ce sont vos partenaires privés que vous n'arrêtez pas de louer - de 4,1 à 9,5 milliards, à payer jusqu'en 2070. Vous voulez payer, pour la traversée du lac, plus de 200 millions de francs par année jusqu'en 2070, alors qu'on sait que la fin du pétrole est pour 2050; il s'agit d'un beau pari sur l'avenir !
Vous nous rétorquez: quelles sont les alternatives ? On en a parlé, elles sont nombreuses. Rien que la mise en place de l'initiative sur la mobilité douce, qui coûte environ 100 millions, permettrait un transfert modal d'environ 10% du transport motorisé individuel sur les déplacements à vélo. 10%, c'est ce qui permettrait de désengorger totalement le canton de Genève; 100 millions, par rapport aux 1,5, 2,5, 1,4, 2,4 ou 9,5 milliards que vous nous proposez, c'est à mon avis un marché relativement intéressant. Bien sûr, il n'y a pas que le vélo pour trouver des solutions en faveur de la mobilité de demain: il y a aussi le réseau de tram, que vous avez bloqué depuis de nombreuses années, que ce soit le tram du Grand-Saconnex, que vous avez conditionné à la route des Nations...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Mathias Buschbeck. ...que ce soit le tram pour Annemasse, bloqué depuis longtemps, celui de Plan-les-Ouates qui n'avance pas, ou celui qui doit passer sur la rue de Lyon et l'avenue de Châtelaine, prévu depuis des années et qui n'avance pas non plus. Je citerai aussi le ferroviaire: relier le réseau suisse au réseau français, à la ligne du pied du Jura qui va de Bellegarde à Gex, aujourd'hui désaffectée, le barreau sud dont nous parlons assez souvent...
Le président. Il vous faut conclure.
M. Mathias Buschbeck. ...les alternatives, Monsieur Ducret, existent... (Commentaires.) ...il suffit de les mettre en place et elles permettraient de régler bien mieux les problèmes de circulation à Genève que par cette traversée du lac. Je vous remercie.
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le président, on a entendu beaucoup de choses, beaucoup de choses erronées ont été dites. On a par exemple entendu un expert socialiste qui a vécu à New York. Monsieur le député dont le nom m'échappe, je vous surnommerai le général Alcazar du parti socialiste ! Vous dites que New York fonctionne parce que tout le monde utilise les transports publics: non, ils ont un système de transports individuels qui fonctionne, un système de transports publics qui fonctionne et, finalement, il y a une certaine harmonie ! J'aimerais quand même vous dire, Mesdames et Messieurs les députés - parce qu'un point a été omis dans les arguments qui auraient pu être utilisés pour ou contre: depuis l'an 2000, il n'y a pas eu d'augmentation du nombre d'immatriculations de véhicules dans le canton de Genève. Or, tout le monde conviendra avec nous que, depuis l'an 2000, depuis quinze ans, la mobilité s'est dégradée dans le canton de Genève. Comment expliquer ce phénomène ? Il provient des pendulaires; ce sont les véhicules extérieurs qui viennent à Genève ! C'est certainement dû au rayonnement économique, qui est une bonne chose. Eh bien, c'est là que se trouve le problème. Donc, venir dire qu'il faudrait un «U lacustre», une traversée du lac pour boucler l'autoroute de contournement, ne représente pas une hérésie. J'ai tenté de vous dire par des paroles sages, lors de ma première intervention, qu'il ne fallait pas opposer un projet à un autre, mais l'argumentaire des opposants à la traversée du lac est pauvre. Le rapporteur de minorité d'Ensemble à Gauche parlait de ceux qui veulent des comptes à l'équilibre, mais ceux-ci auraient eux-mêmes pu parler de ceux qui ne paient pas d'impôts, qui font partie des 40%, qui ne veulent pas qu'on dépense pour une autoroute de contournement, mais veulent bien qu'on dépense pour la culture alternative, par exemple. Donc, chacun a ses arguments et si vous opposez un projet à un autre, Genève ne fera jamais rien !
Le rapporteur de minorité des Verts l'a dit, Berne rigole de ces «genevoiseries»: quand les Genevois se seront mis d'accord, on financera, mais, pour l'instant, on finance ailleurs. Je le répète, prenons tout ce qui est bon pour le canton, que ce soit la mobilité douce, que ce soit la traversée du lac, que ce soit un métro, que ce soit l'extension du CEVA en métro ou que ce soit l'extension de la gare souterraine. Tout est bon à prendre ! Et s'il y a des financements de la Confédération, c'est bien de pouvoir les prendre. Evidemment, vous continuerez avec vos arguments de bas étage selon lesquels on ne peut plus financer ça. On a même entendu un rapporteur de minorité dire qu'on venait voler l'argent dans la poche des petits vieux - je cite, Monsieur le président ! Quel est le rapport avec la traversée du lac ? Franchement, Monsieur le député, soyez au moins au niveau de la position que vous voulez défendre !
Partant de ça, je ne peux que vous inviter une fois encore à réfléchir. Vous parlez des financements; selon l'un des trois rapporteurs de minorité - je ne sais plus lequel - à Zurich, ça fait trente ans qu'on a investi dans le RER. Ben oui ! Si aujourd'hui, en 2015, on se projette en 2045, vous aurez alors un petit député Wenger qui dira dans ce Grand Conseil que son père avait investi dans la traversée du lac trente ans auparavant: «Il a été intelligent ! Nous avons pu le faire !» (Commentaires.) Ça n'arrivera pas, Monsieur le député Wenger, parce que vous êtes bloqués dans un argumentaire qui ne tient pas la route, et c'est bien tout le problème sur cette traversée du lac. Encore une fois, n'opposez pas un projet à un autre ! Ayez une vision à long terme ! (Commentaires.) Personne ne dit dans cette initiative que la traversée va devoir se faire l'année prochaine, mais dans trente ans ! Vous connaissez déjà l'état des finances du canton de Genève. Effectivement, si on dépense tout ce que le parti socialiste demande, ça sera peut-être encore pire qu'aujourd'hui ! Personne ne peut le prévoir. Ce que demande l'initiative, c'est de pouvoir inscrire ce principe, et quand on veut atteindre la lettre Z, on commence par la lettre A, Monsieur le député socialiste !
Mesdames et Messieurs, je vous invite une fois encore à voter pour cette initiative, à donner un signal clair aux autorités fédérales. Oui, Genève est un canton contributeur; oui, le canton de Genève a droit à des retours d'ascenseur par rapport à la masse financière qu'il injecte dans la Suisse. Partant de ce principe, nous voulons obtenir - aussi et pas seulement - une subvention pour la traversée du lac. Qu'elle se fasse en 2025 ou en 2045, peu importe, mais que cette subvention soit inscrite ! Le fait de ne pas décider fait de nous la risée de la Suisse !
M. Christian Zaugg (EAG). Monsieur le président, chers collègues, on parle ce soir d'une traversée virtuelle qu'on tracerait, comme ça, d'un trait, entre le Vengeron et la Pointe à la Bise à Vésenaz. J'étais à la commission des transports quand le projet de partenariat public-privé dont on parlait à l'instant a été développé. Voilà ce que j'en ai retenu, parce que ce projet, je le dis, aura un impact considérable sur l'environnement, et je vais m'en expliquer. Ce sont les promoteurs eux-mêmes qui nous l'ont dit; non seulement ils nous l'ont dit, mais ils l'ont écrit puisque nous avons reçu une brochure à ce sujet. Je me réfère à ce qu'on nous a dit et je suis un peu géologue amateur, c'est vrai. Vous devez savoir que le lac Léman est un lac profond. C'est un des lacs les plus profonds d'Europe, il a 300 mètres de profondeur; entre Lausanne et Thonon, on pourrait y plonger l'Empire State Building. (Commentaires.) C'est profond aussi, entre le Vengeron et la Pointe à la Bise. Le problème est le suivant... (Brouhaha.) Je peux parler ? Le problème est le suivant et il y a deux projets possibles sur le plan technique. Premièrement, comme c'est profond, qu'il y a un grand vide et un grand creux, il faut concevoir un dénivelé important. C'est ce que les promoteurs nous ont expliqué. Toutefois, dans le cas d'un tunnel sous le lac - ça va vous intéresser - avec ce dénivelé, on interdit totalement aux poids lourds et à un certain nombre de véhicules de passer. Ce sont les promoteurs qui l'ont dit ! Pour l'autre projet, je vous rappelle que le lac Léman est d'origine morainique: il s'agit de l'ancien glacier du Rhône. Le fond du lac Léman est composé de blocs de moraine, et par-dessus cette moraine, qu'y a-t-il ? Six mètres de vase noire, très diluée. Il nous a été expliqué que si la variante des modules était retenue, on poserait au fond du lac des modules préfabriqués en béton, comme un Meccano, du Vengeron à la Pointe à la Bise. Mais chaque fois qu'on poserait un de ces modules, la pollution aquatique serait telle que toute la rade, pendant un mois, serait brune: notre jet d'eau, brun ! Et comme il faut pas mal de modules pour traverser le lac, je vous laisse mesurer l'impact environnemental d'une pareille construction. J'ajoute ceci: si cette variante était retenue, je ne sais pas si vous réalisez où elle déboucherait, chers amis ! A la Pointe à la Bise, dans une réserve naturelle ! Eh bien, la Pointe à la Bise, ce serait terminé !
Alors entre un projet en creux, mais qui - ça doit vous gêner - interdirait le passage d'un certain nombre de véhicules, et un projet qui serait profondément destructeur pour l'environnement, franchement, il n'y a pas tellement de place et mon choix est déjà fait ! (Applaudissements.)
Présidence de Mme Christina Meissner, deuxième vice-présidente
Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, il y a à peine quelques jours, la stratégie cantonale pour la qualité de l'air était annoncée en grande pompe par le DETA comme une première en Suisse. Voici son premier constat, je cite: «A Genève, la qualité de l'air n'est pas satisfaisante, car les concentrations de certains polluants dépassent par épisodes les niveaux prescrits par la loi et portent atteinte à la population.» On apprend aussi qu'un des objectifs majeurs est de mettre en place un dispositif anti-smog. Mais quelle est la source principale de ce smog ? Quelle est la source principale de cette pollution ? Vous le savez toutes et tous: évidemment, la circulation motorisée en est la source principale ! Cette stratégie se veut volontariste et innovante, avec une diminution de plus de 50% des émissions d'oxydes d'azote. C'est très bien, on loue cette volonté, mais il faut des moyens pour cela; il faut se donner les moyens d'agir. Or, proposer un tel projet - ajouter une route pour continuer à aspirer des voitures et à développer le trafic motorisé - évidemment, ce n'est pas une solution; ce n'est pas une mesure adéquate pour réduire la pollution à Genève ! (Applaudissements.)
Mme Danièle Magnin (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je voudrais vous parler de «La Licorne»... (Commentaires.) Oui, mais pas celle de Tintin ! «La Licorne», c'est le bateau qui a procédé aux mesures bathymétriques de notre lac, et je peux vous dire, non seulement sur la base du site aqueduc.info, mais aussi sur la base de l'expérience de notre collègue Christian Flury qui a été plongeur pour la police dans le lac de Genève, qu'il n'y a pas 309 mètres de profondeur: la profondeur de 309 mètres, c'est tout au bout du lac, vers Vevey. A Genève, c'est 48 mètres, et le sol n'est pas fait de vase, mais de sable dur. Voilà un premier point. Ensuite, quelqu'un a parlé des énergies fossiles, mais, comme vous le savez, on est en train de les abandonner au profit des énergies renouvelables, dans lesquelles de nombreux pays, l'Arabie saoudite notamment, font des investissements extrêmement importants puisqu'ils ont notamment le soleil.
La raison d'un passage éloigné du centre de Genève est justement de créer un raccourci, pour éviter le centre, pour que les gens qui habitent sur la rive gauche et pas au centre puissent se rendre sur la rive droite - pas au centre - et réciproquement. Et que ceux qui viennent du canton de Vaud puissent se rendre dans la partie de Genève plus campagnarde ou jusqu'à la ville de Veyrier; qu'ils puissent y passer sans être obligés chaque fois de passer par le pont du Mont-Blanc ou celui de la Coulouvrenière, voire encore faire tout le tour par l'autoroute de contournement.
Quelqu'un a mentionné la situation de Cruseilles et l'autoroute. S'il vous arrive d'aller en France dans cette direction en voiture et d'hésiter entre la route et l'autoroute, vous saurez que, pour aller à Annecy, il en coûte environ 10 euros par trajet. Cette somme de 20 euros peut donc retenir beaucoup de gens de faire cette dépense et les amener à choisir de prendre la route au lieu de l'autoroute.
Maintenant, je voudrais encore vous parler de l'année 58, mais pas 1958 ! Je vois que mon collègue Barrillier a déjà compris ! (Commentaires.) Il s'agit de l'année 58 «ante Christum natum», la date de la destruction par Jules César du pont de Genève, sur le Rhône. Pourquoi est-ce qu'on détruit un pont ? Pour éviter les mouvements de population, pour supprimer tout ce qui sert essentiellement à commercer ! Si on n'a pas de pont, si on n'a pas de passage au-dessus de l'eau, on ne peut pas faire de commerce ! Je vous signale que, dans l'Antiquité, le dieu du commerce était le dieu des voyageurs, le protecteur des voyageurs, et il avait des ailes aux talons, justement pour signifier le mouvement. Et je vais vous redire une chose que j'ai déjà dite de nombreuses fois: sans routes, pas de commerce, et le dernier endroit où l'on ne bouge pas, c'est son cercueil ! J'ai parlé avec des personnes originaires de pays sous les tropiques où il y a d'énormes difficultés à avoir des routes de qualité; eh bien, dans ces pays-là, on a beau cultiver, on a beau produire, si l'on n'a pas de routes pour exporter, on ne peut rien faire. Donc, les routes et les passages - au-dessus de l'eau en l'occurrence - sont absolument essentiels, et obliger tous ceux qui commercent à passer par le centre de Genève en prétendant que créer un pont supplémentaire ou un passage sous le lac va augmenter les passages est un pur mensonge. C'est une pure ânerie ! Excusez-moi de vous le dire et de vous le répéter autant de fois qu'il sera nécessaire ! Les routes commerciales sont l'essentiel de l'activité humaine et, comme vous le savez peut-être, les hommes font deux choses: soit ils font du commerce, soit ils font la guerre. Alors, ne faisons pas la guerre à ce pont ou à cette traversée - quelle que soit la forme qu'elle prendra !
M. Jean Romain (PLR). Ecoutez, j'écoute depuis un moment les gens qui nous parlent: il y en a un qui parle vite, il y en a un qui parle fort, il y en a un - qui n'est pas là - qui parle faux. On entend M. Deneys dire qu'au fond les propos tenus dans cet hémicycle sont surréalistes. Pour M. Wenger, de toute façon, le pont ne sert à rien parce qu'on va au centre, n'est-ce pas - ce qu'il veut d'ailleurs nous faire payer, mais enfin, on va au centre de Genève. M. Vanek s'intoxique lui-même en répétant de manière psalmodique que de toute façon, de pont il n'y aura pas. Mes chers amis de gauche, votre rigidité idéologique l'emporte sur la ductilité pragmatique dont nous aurions besoin à Genève.
On a voté, il n'y a pas si longtemps, rappelez-vous, un projet qui préconisait - c'est M. Barthassat qui l'a rappelé - la paix des transports. Vous vous rappelez le groupe des sept ! Le groupe des sept avait concocté quelque chose et on a voté cela. Mais, enfin, ce que l'on a voté - et je terminerai par-là, parce qu'il n'y a pas besoin de revenir là-dessus - ce ne sont rien d'autre que des mesures d'accompagnement. Rien d'autre que des mesures d'accompagnement, et à quoi ? Evidemment, à la traversée du lac ! Nous devons imaginer que cette traversée du lac n'est pas pour demain, c'est vrai; ni pour après-demain non plus, c'est vrai; qu'elle est très chère, c'est vrai encore; mais je ne vois pas au nom de quoi nous venons d'accepter un projet, un projet qui, dans l'ensemble, soyons clairs, n'est pas bon - ce projet que nous avons voté n'est pas bon; il pourrait devenir bon à la seule condition qu'il y ait une traversée du lac, c'est-à-dire qu'on termine le travail, qu'on imagine terminer le travail, et je déplore cette rigidité idéologique.
De toute façon, chers collègues, ce n'est pas moi, ce n'est pas vous, ce n'est pas nous, c'est le peuple qui prendra la décision. Nous aurons le temps de revenir sur les arguments, sur quantité de chiffres que nous donnerons et qui vont ennuyer le monde entier, je m'excuse. Est-ce que, oui ou non, nous voulons traverser ce lac ? La réponse du PLR est évidemment oui ! (Applaudissements.)
M. Marko Bandler (S), député suppléant. J'ai eu beau essayer de faire appel à votre raison, vous m'en excuserez, mais, visiblement, la façon de fonctionner de nos cerveaux, à gauche ou à droite, n'est pas exactement la même ! (Commentaires.) Si je me réfère aux paroles de M. Zaugg, non pas l'excellent géologue, mais l'électricien du PLR, la traversée du lac va être un aspirateur à voitures. J'ai beau lui expliquer par deux exemples que c'est faux et que c'est exactement le contraire qui va se passer, il persiste et signe. (Commentaires.) En 1993, on a inauguré l'autoroute de contournement: je suis désolé, mais vous êtes d'accord qu'on a ajouté une route, une route supplémentaire importante, une route à 1 milliard de francs par kilomètre - ce qui nous a quand même valu le triste record de l'autoroute la plus chère du monde, mais ça, vous l'assumez volontiers. Lorsqu'on a ajouté l'autoroute de contournement, on pensait pouvoir résorber le trafic au centre-ville: Monsieur Zaugg, aujourd'hui ou même il y a dix ans, est-ce qu'on circule bien au centre-ville grâce à l'autoroute de contournement ? Si vous me répondez oui, vous êtes un menteur ! Si vous répondez non, c'est donc que vous me donnez raison ! Je ne vois pas quelle autre alternative intellectuelle vous auriez pour expliquer ce problème. Je suis désolé, c'est exactement le même principe: est-ce qu'on circule mieux à travers Cruseilles depuis qu'il y a l'autoroute A41 qui relie Annecy à Genève ? Si la réponse est oui, c'est que vous êtes un menteur; si la réponse est non, c'est que vous me donnez raison ! Par conséquent, il ne sert à rien de construire des routes supplémentaires pour attirer le trafic: en construisant des routes supplémentaires, vous ne faites qu'inciter les gens à prendre leur voiture ! S'il vous plaît, acceptez ce raisonnement et je pense que le débat ne s'en déroulera que mieux. Quant à la traversée du lac en elle-même, comme il n'est pas précisé de quelle façon elle devra se faire et pour retenir les excellents propos de Mme Magnin sur l'évolution des technologies, je vous propose d'attendre l'invention de la téléportation pour pouvoir enfin la réaliser !
M. Jean Batou (EAG). Chers collègues, si on lit le rapport de majorité qui doit justifier l'initiative 157, on s'aperçoit que les dix premières lignes sont consacrées à la biographie politique d'Eric Stauffer. (Rires.) Le reste n'est pas beaucoup plus intéressant et je me suis donc posé la question de savoir ce qu'était cette initiative 157. Alors 157, c'est un nombre premier. Un nombre premier avec beaucoup de chiffres, ça s'appelle un nombre «Titanic», et un nombre «Titanic», ce n'est pas un bon nombre pour la traversée du lac !
Je me suis encore demandé ce qu'était cette proposition: c'est un aveu d'impuissance ! Un aveu d'impuissance parce que c'est un projet dont on ne dit pas combien il va coûter, avec qui on va le faire et quand on va le faire ! Donc, il s'agit d'une opération politique pour obtenir un chèque en blanc des électeurs qui pourraient se dire: «Puisqu'on ne sait pas quand on le fera, qu'on ne sait pas combien cela coûtera et qu'on ne sait pas avec qui on va le faire, signons toujours !» Seulement, les électeurs trompés par ce chèque en blanc auront tout le temps de se raviser, le jour où on leur dira combien ça coûte, combien ils devront payer pour passer de l'autre côté du lac, quand ça se fera et avec qui - pourquoi pas l'émirat du Qatar ! Donc, une situation comme celle-ci ne peut servir en fait qu'à obtenir une majorité sur rien du tout; mais une majorité sur rien du tout se transforme en rien du tout ! (Applaudissements.)
M. Daniel Zaugg (PLR). Ayant été pris directement à partie par M. Bandler qui se permet à deux reprises dans son intervention de me traiter de menteur - ce que je ne me permettrais pas - je dirai juste qu'il se trompe lourdement et je répondrai de manière très simple: l'autoroute de contournement, essayez de l'enlever aujourd'hui et on verra comment on circule à Genève !
En dehors de ça, on a beaucoup parlé d'argent; on a beaucoup parlé du coût de la traversée pour l'Etat. On n'a pas tellement parlé du coût des bouchons pour l'économie. Laissez-moi vous soumettre un tout petit calcul tout simple. Imaginons - je prends exprès des chiffres très bas - qu'il y ait 100 000 déplacements professionnels à Genève. C'est certainement plus, mais imaginons ça ainsi. Que chaque voiture ne perde que dix minutes dans les bouchons, ça fait quand même 16 000 heures perdues par jour pour l'économie. Admettons encore que le coût de l'heure d'une de ces voitures et des personnes qui s'y trouvent ne soit que de 30 F: cela fait 500 000 F de perdus par jour, 182 millions de francs par an. Je pense que c'est aussi un coût qu'il faut prendre en compte. Si vous n'aimez pas les exemples abstraits, je peux aussi vous en donner un concret: j'ai une entreprise d'électricité, comme l'a relevé M. Bandler, et, dans mon entreprise, il y a un département dépannage. Il y a dix ans, ce département effectuait quatre dépannages par jour pour chaque monteur; aujourd'hui, il n'en fait plus que deux par jour !
Il y a encore une chose que j'ai beaucoup entendu dire par la gauche: qu'on va faire un PPP et que les entreprises vont gagner de l'argent, ce qui serait horrible ! Mesdames et Messieurs de gauche, une entreprise qui gagne de l'argent, ce sont des salaires ! Une entreprise qui gagne de l'argent, ce sont des emplois ! Une entreprise qui gagne de l'argent, ce sont des impôts ! C'est de la prospérité pour Genève. Il faut atterrir un peu ! Je terminerai mon intervention par un petit hommage à notre rapporteur de majorité en demandant le vote nominal ! (L'orateur prononce ces derniers mots en se pinçant le nez. Rires.)
Présidence de M. Antoine Barde, président
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, il est vrai que la majorité de ce parlement est pour la traversée du lac, c'est indéniable. (Remarque.) Il est vrai aussi que la majorité de ce parlement a voté des freins à l'endettement pour les investissements et le fonctionnement. Qu'on aime ou qu'on n'aime pas ce projet de traversée, l'aspect mobilité a été assez discuté ce soir. Toutefois, au niveau financier, le coût sera très grand, voire énorme. L'Etat de Genève ne pourra pas le financer entièrement de suite, c'est-à-dire dans les cinq ans. C'est une réalité aussi ! J'ai envie de dire, à ce niveau de mon intervention: C. Q. F. D. ! On a mis toutes les cautèles pour que le seul moyen de ce canton pour faire de gros financements soit effectivement un partenariat public-privé. C'est à se poser la question si on veut toujours défendre une mobilité routière et automobile ou si on en est à chercher des moyens de financiarisation. Et je ne parle pas des entreprises, cela a été étudié lors des travaux sur la motion 2179: celles qui obtiendront des chantiers pour une traversée comme celle-là ne sont pas des PME locales mais de gros consortiums, de grosses entreprises générales qui auront les reins assez solides pour mener de tels travaux. Il ne faut donc pas non plus nous bercer d'illusions quant à l'impact sur l'emploi local et dans les PME.
Il est illusoire de croire que ce financement PPP sera plus profitable que la méthode d'investissement classique de l'Etat, l'investissement public. Pour un financement en PPP, on peut parler de taux avec des intérêts énormes, ça a été dit. C'est donc surtout un financement qui est différé dans le temps ! Il coûte moins cher dans l'immédiat ou à moyen terme, c'est vrai, mais va coûter cher aux générations à venir, beaucoup plus cher ! Et ça, presque tous les gros ouvrages nous l'ont démontré, en Europe et dans le monde.
En plus, dans un PPP, à moins que Genève soit bien meilleure que d'autres villes, la maîtrise d'ouvrage n'appartient plus au public mais au privé. Une étude avait relevé pour la traversée du lac un problème extrêmement important: il avait été calculé de manière assez précise et relativement scientifique que les gens qui utiliseraient la traversée du lac économiseraient dix minutes à un quart d'heure de trajet - allez, vingt minutes, si on veut être vraiment généreux. Mais pour dix minutes, est-ce que des gens vont accepter de payer un péage ? Je n'en suis pas sûre ! C'est là le risque pour l'Etat, parce qu'il devra non seulement payer les investissements, mais aussi des intérêts beaucoup plus importants que les intérêts de la dette payés aux banques usuellement jusqu'à maintenant. De plus, l'Etat devra payer un loyer sur ce que les privés n'arriveront pas à tirer du péage, parce que peu de gens seront d'accord de débourser pour celui-ci vu le faible gain de temps que cette traversée permettra, étant donné les dimensions de Genève. On a là un vrai problème. Bien sûr, le PPP est un outil de gestion qui permet de différer et de masquer pendant une période la dette et les problèmes de liquidités publiques, mais il pèse lourd ensuite. Nous ne sommes pas prêts à entrer dans une démarche de ce type avant qu'on ne nous ait prouvé que des ouvrages construits par des PPP ailleurs dans le monde ont coûté le même prix que des ouvrages publics !
Je vais m'arrêter à cette conception du financement qui pose déjà un vrai problème et je ne parlerai pas de la technologie, déjà abordée. Pour toutes ces raisons financières, on voit que Genève va prendre un risque majeur en misant sur un PPP pour la traversée du lac. En tout cas, l'étude fournie par les milieux privés lors de l'étude de la motion 2179 ne démentait pas ce problème. (Applaudissements.)
M. Thomas Wenger (S), rapporteur de troisième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, encore deux courts arguments...
Des voix. Courts ! Courts !
M. Thomas Wenger. Et après, une conclusion qui sera la bienvenue. Pour continuer sur l'augmentation du trafic motorisé induit par cette nouvelle traversée autoroutière, après les aspirateurs à voitures et la fameuse théorie de l'entonnoir, je vais vous citer une étude récente. Peut-être que vous pouvez ouvrir vos oreilles, à droite, parce que vous écoutez plus, parfois, le Crédit suisse que l'ATE ou le PS ou les Verts. C'est donc une étude du Crédit suisse ! (Commentaires.) Très sérieuse et récente, cette étude considère l'exemple du tunnel du Baregg près de Baden, en Suisse alémanique. La largeur de la route nationale A1 y a été portée de quatre à sept voies - pour M. Zacharias, que ça passionne. Or, l'ouverture de ce deuxième tunnel a entraîné une augmentation de 36% du trafic moyen pendant les jours ouvrables en l'espace de seulement dix ans ! Vous voyez bien que quand vous ouvrez un nouveau tronçon autoroutier, vous augmentez le trafic; de 36%, en l'occurrence, et l'étude du Crédit suisse de conclure que l'extension de la capacité semble donc également favoriser l'intensification du trafic. Ah ! C'est incroyable que le Crédit suisse nous dise ça ! On en a parlé abondamment; nous avons aussi l'exemple de l'autoroute d'Annecy qui n'a fait qu'augmenter le trafic entre Annecy et Genève.
Après, M. Zaugg - Christian, pas Daniel - nous a dressé le catalogue des catastrophes environnementales que ce projet de traversée autoroutière nous amènera. On peut les redire rapidement: problèmes de déblais, d'eaux souterraines et, si c'est un tunnel, quatre millions de mètres cubes de boues lacustres qu'il faudra éliminer quelque part. Il y aura un impact sur l'hydrologie du lac; les tranchées couvertes pourraient créer des effets de barrage; un tunnel pourrait modifier les courants, perturber la faune lacustre, avoir un impact négatif sur la faune aviaire; un biotope protégé au niveau national - la Pointe à la Bise - serait réduit à néant; il pourrait même causer des problèmes importants sur les terres agricoles, et j'en passe ! Je ne sais pas ce qu'il vous faut de plus en termes environnementaux ? Vous allez détruire les écrins que sont la campagne genevoise, la rade et notre beau lac Léman avec votre projet d'autoroute. En plus, ça pose un certain nombre de problèmes de santé publique parce que ça va augmenter la pollution de l'air - pollution de l'air dont les normes sont régulièrement dépassées dans notre canton, comme vous le savez !
Je terminerai par un conte pour enfants, Monsieur le président, pour ceux qui nous suivent sur Cartoon Network; je ne sais pas si c'est déjà le cas - ou peut-être bientôt ?
Le président. Pas encore, mais c'est prévu !
M. Thomas Wenger. Je vais vous dire ce conte. Il était une fois un mot magique: ce mot magique était «traversée», mais les lutins genevois n'avaient pas les sous-sous pour la financer. Alors, ils demandèrent au roi de la tribu, qui est assis sur ma droite, de sortir sa baguette magique. Malheureusement, Luc Barthassat, le roi de la tribu, a perdu et sa baguette magique et la poudre de perlimpinpin ! Mais il a une idée: il va faire appel à la petite sirène ! La petite sirène s'appelle Doris, Doris quelque chose. Mais Doris la petite sirène nous dit: «Tststs, moi, je n'ai pas d'argent, pas de sous-sous pour financer cette traversée !» Alors, le roi de la tribu se dit: «PPP ! Je vais demander à Picsou de m'aider !» Malheureusement, Picsou propose de lui prêter 5 milliards et d'en récupérer 8 au bout de trente ou quarante ans. Le roi de la tribu, comme les lutins genevois, apprend que, malheureusement, le père Noël n'existe pas et que ces 5 milliards, on va se les prendre dans les dents. Et même dans les dents, ça ne sert à rien, parce que, malheureusement, la petite souris n'existe pas non plus ! (Applaudissements.)
M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de deuxième minorité. L'essentiel a été dit, je serai assez bref, avec quelques remarques. D'abord, je reviens sur ce qu'a dit Eric Stauffer qui a plaidé avec une certaine franchise pour un vote en faveur de cette initiative, mais pas pour faire ce qu'elle dit. L'initiative dit que «le canton réalise une traversée du lac»; Eric Stauffer a dit que cette initiative proposait juste d'inscrire un principe dans la constitution et qu'on verrait bien après, peut-être qu'on obtiendrait du fric, il ne faut pas faire de choix, il ne faut pas opposer une chose à l'autre. Je suis peut-être plus simple et moins évolué que lui, mais je prends au sérieux - à défaut de prendre le PLR au sérieux - les gens à qui on a fait signer cette initiative ! Quand même, 10 000 personnes au moins ont signé cette initiative disant que «le canton réalise une traversée du lac». Ces personnes seraient en droit d'attendre que le canton la réalise ! Manifestement, le débat de ce soir a démontré que le canton ne réalisera pas cette traversée du lac - et ce n'est pas une incantation pour nous convaincre, Monsieur Zaugg !
Une voix. Lequel ?
M. Pierre Vanek. Celui du fond, là-bas ! (L'orateur désigne les rangs du PLR.) En l'état, il n'y a pas de modèle de financement qui tienne la route. Dans vos rangs, des gens disent que ce n'est pas possible légalement. Ça ne répond pas aux objectifs fixés dans le texte que vous proposez pour l'article 192A où on nous parle de lutter contre l'engorgement des voies de communication, etc. Daniel Zaugg lui-même, rompant une lance en faveur de ce texte, nous dit que ça ne servira à rien pour lutter contre les goulets d'étranglement. Ça ne va pas, cette affaire n'est pas sérieuse, elle n'est pas sérieuse du tout et je crois qu'on discrédite un peu notre parlement avec ce type de débat !
Encore une fois, je m'adresse à Eric Stauffer, pas pour le prendre à partie, mais parce qu'il est représentant de la majorité - et ça permet de le réveiller... (Commentaires.) Ce serait dommage qu'il s'endorme en public ! Il n'y croit pas, et mon collègue, de manière perfide, lui a raconté un conte pour tenter de l'endormir ! Moi, loyalement, je tiens à le maintenir éveillé ! Il nous dit qu'il ne faut pas opposer une chose à l'autre, qu'il ne faut pas faire de choix: on devrait développer les transports en commun, la mobilité douce, le patin à roulettes, la trottinette de mon ami Wenger, le CEVA et ceci et cela ! A propos du CEVA, c'est amusant d'entendre Eric Stauffer dire ça alors qu'il l'a combattu avec énergie. Mesdames et Messieurs, c'est une position idiote: bien sûr qu'il faut faire des choix ! La mobilité dans ce canton est malade ! Elle est malade de l'absence de choix clairs, de l'absence de choix en faveur des transports en commun pour l'essentiel: c'est l'axe !
C'est pour cela que je me félicite de l'initiative des Verts qui sera probablement votée en même temps, lors d'une prochaine échéance. Cette initiative propose évidemment une mesure qu'il faut soutenir, car il faut faire des choix ! L'initiative des Verts dont nous avons débattu ici propose la priorité aux transports en commun. C'est un choix, car on ne peut pas dire tout et son contraire en même temps. Il y a des limites financières ! Je suis pour le maintien d'un certain nombre de dépenses publiques, bien au-delà de ce que défendent les opposants d'en face, mais il faut quand même faire des choix !
Enfin, oui, ce que j'ai dit n'était pas idiot, sur le fait qu'on va voter le 28 février: les citoyennes et citoyens de ce canton vont voter et vont avoir à dire oui ou non à des économies à hauteur d'une douzaine ou d'une quinzaine de millions de francs sur le dos des personnes âgées et des locataires. (Commentaires.) Ils vont devoir se prononcer. C'est un choix: il faudra dire oui ou non ! A mon avis, les citoyens diront non à ces économies malvenues; ils diront à mon avis oui à l'économie des cinq milliards de francs qu'on entend foutre au lac avec cette initiative stupide ! (Rires.)
M. Mathias Buschbeck (Ve), rapporteur de première minorité. Pour ma part, je serai réellement bref ! (Exclamation.) Ce soir, j'ai dit beaucoup de mal de cette initiative pour la traversée du lac; maintenant, je vais en dire du bien. Elle tombe assez bien, et je remercie le PDC et le PLR de l'avoir lancée et fait aboutir: dans ce canton, cela fait trop longtemps que trop de choses dépendent de cette traversée; il y a trop de choix que nous n'avons pas faits, trop de lignes de transports publics que nous n'avons pas développées à cause de la traversée du lac, parce que chaque fois, on l'invoquait comme un mythe à réaliser avant de faire quoi que ce soit d'autre. (Remarque.) Déjà deux fois dans les années 90, le peuple vous a dit non, à plus de 60%, à l'unanimité des communes; il a dit à nouveau non à la traversée de la rade il y a moins de deux ans. Si enfin il pouvait dire non une quatrième fois et enterrer définitivement cette traversée du lac pour qu'on conçoive enfin autre chose, que vous fassiez enfin le deuil de cette traversée - deux cents ans après ! - pour que Genève arrive enfin à entrer dans le XXIe siècle, comme toutes les autres villes de Suisse, où ce n'est pas la gauche qui vote l'extension des transports publics, mais la gauche et la droite unies, comme vous l'avez fait durant quelques années de grâce, à l'aube de l'an 2000, quand on a développé les voies de tram, avant que vous ne décidiez d'arrêter et de tout conditionner à cette traversée du lac ! Je pense qu'il faut en effet trancher une fois pour toutes: veut-on ou non cette traversée du lac ? Pour les Verts, évidemment, ce sera non. (Remarque.) Nous ne perdrons pas forcément, et je cite Roger Golay, à qui on demandait ce qu'il pensait de cette initiative: pour lui, il faudrait un plébiscite pour qu'elle serve à quelque chose; il faudrait que les Genevois la soutiennent à plus de 65% pour montrer une vraie unité. Même à 51%, ce serait une catastrophe. Aujourd'hui, on ne peut pas vraiment perdre sur cette initiative, puisque même si vous obtenez une majorité, ce serait un signe catastrophique - et ce n'est pas moi qui le dis - au cas où elle ne serait pas assez large pour indiquer un certain accord sur cet objet. Vous souhaitez un plébiscite: j'espère en effet que ce sera un plébiscite, mais pour le non. (Quelques applaudissements.)
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de majorité. Encore une fois, le constat est clair: que de mauvaise foi ! (Commentaires.) On aura tout entendu à propos de cette initiative, de la lotion pour les cheveux aux contes pour enfants. Bon, j'en prends acte, le peuple m'en est témoin. J'aimerais dire à mes préopinants que mon propos est celui-ci: il ne faut pas choisir. Vos paroles ne sont pas tout à fait exactes, Monsieur le rapporteur de minorité d'Ensemble à Gauche... (Remarque de M. Pierre Vanek.) ...j'ai dit qu'il ne faut pas opposer un projet à un autre. Mais je vais vous demander de choisir, ce soir, de faire un choix pour Genève. Genève a besoin d'une traversée du lac; Genève a besoin d'une nouvelle gare; Genève a aussi besoin de la mobilité douce et des transports en commun. Le choix est donc clair, Mesdames et Messieurs. Vous pouvez lancer des quolibets en disant tout, n'importe quoi et son contraire, mais finalement, au vu de la virulence de vos propos, êtes-vous vraiment convaincus de ce que vous avez dit ? Ou n'est-ce que par dogmatisme, comme le rapporteur de minorité des Verts, selon qui au mieux cette traversée du lac se fera dans cinquante ans, au moment de la fin programmée du pétrole ? C'est là tout l'enjeu sociétal, Mesdames et Messieurs: le pétrole, dans l'échelle du temps, ne représente qu'un instant; mais le transport individuel, lui, continuera, avec d'autres formes d'énergie...
Une voix. Le vélo !
M. Eric Stauffer. Le vélo ! Non, le transport individuel en véhicules à quatre roues, qui fonctionneront d'une manière différente. La doctrine des Verts, c'est d'abolir toute forme de transport individuel qui ne serait pas à pédale. Et finalement, Mesdames et Messieurs, c'est bien là qu'on voit les différences de modèles de société que certains partis veulent prôner ici. Une fois encore, Genève doit envoyer un message clair, et pour l'envoyer, puisque l'unanimité est un voeu pieux, je demande à la majorité du Grand Conseil de soutenir cette traversée du lac, et ultérieurement, je demanderai à la majorité la plus large possible du canton de Genève de soutenir cette initiative et de faire le choix de Genève...
Une voix. Du XIXe siècle ! (Rires. Commentaires.)
M. Eric Stauffer. Monsieur le président, vous transmettrez, le CEVA était un projet de 1913.
Une voix. 1912 ! (Commentaires.)
M. Eric Stauffer. 1912, excusez-moi.
M. Mathias Buschbeck. C'est moi !
M. Eric Stauffer. Voilà, je le punirai; moi, j'avais dit 1901 - on y était, à quelques années près. Plus d'un siècle après sa conception, donc, le CEVA a vu le jour. (Commentaires.) Eh bien, la traversée du lac a encore de belles années devant elle, mais nous y mettrons un point final, car je n'ai aucun doute, aucun doute que le peuple la plébiscitera, Genève en a besoin. En conclusion, Monsieur le président, je demande à toutes celles et tous ceux qui font preuve de bon sens et qui aiment leur canton de voter oui à cette initiative.
Une voix. Bravo !
M. Luc Barthassat, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, après quelques heures de débat, je ne voudrais pas m'attaquer aux uns ou aux autres, mais quand même relever certains propos des trois rapporteurs de minorité. Quand j'entends M. Buschbeck, sans vouloir faire de jeu de mots, j'en reste bouche bée, c'est clair et net ! (Exclamations. Rires.) Parce qu'avoir de tels arguments... Et je ne parle même pas de M. Vanek, qui nous a fait l'apologie de la politique du «chauve qui peut !»... (Rires. Commentaires.) ...à laquelle il est bien habitué, lui et les milieux auxquels il appartient. Je mentionnerai aussi M. Wenger, qui nous a cité quelques personnages de dessins animés, en oubliant, bien sûr, Simplet, Grincheux et Pinocchio, dont vous êtes, Monsieur Wenger, le digne représentant ce soir ! (Rires. Applaudissements.) Mesdames et Messieurs, soyons sérieux !
Nous sommes en train de discuter d'une initiative qui ne parle pas d'un projet concret, mais du principe d'un projet. Vous mélangez déjà autour et alentour, en passant de ce que dit la Berne fédérale, qui, je vous le rappelle, à travers les propos de Doris Leuthard elle-même lors de son dernier discours au Salon de l'auto, et plus récemment, de son bras droit qui est venu s'exprimer devant la commission, jamais, à aucun moment - je le répéterai envers et contre tout - ne s'est opposée non seulement à la traversée du lac mais aussi, naguère, de la rade... Monsieur Vanek, vous avez soulevé le fait que j'ai parlé, de manière officielle, de 5 milliards. C'est vrai, j'ai énoncé cette somme, pour que Genève s'en sorte une fois pour toutes au niveau économique, de la santé, et pour monsieur et madame tout le monde: parce que les professionnels qui traînent dans les bouchons, cela a un coût pour l'économie, il y a un coût pour la santé aussi - avec mon collègue Poggia, nous avons présenté notre stratégie en matière de pollution - et il y a un coût pour monsieur et madame tout le monde, parce que justement, cette pollution coûte cher. Nous avons fait faire un rapport, pour nous préparer tout de même un petit peu. Ce rapport dit une chose: c'est vrai que cela va coûter très cher, mais si on ne fait rien, cela coûtera plus cher. Et je crois que c'est l'élément principal qu'il faut retenir de ce rapport: si on ne fait rien, Mesdames et Messieurs, cela coûtera plus cher. Selon M. Vanek, j'ai parlé, de manière officielle ou non - mais puisque c'est dans un PV, je veux bien - de 5 milliards. Eh bien oui, pour que Genève s'en sorte, il faut 5 milliards, Monsieur Vanek: 1 milliard pour la gare souterraine, 1 milliard pour le CEVA, 1 milliard pour l'autoroute de contournement, et quant aux deux qui restent, si on arrive à voter cette initiative ce soir et à la faire voter par le peuple ensuite, nous mènerons les études nécessaires, qu'il ne servait à rien de mener avant la votation, car alors vous m'auriez encore accusé de dépenser de l'argent sans rien faire. Nous avons une multitude de classeurs d'études déjà faites; celles qui restent à mener sont les études sur les mesures environnementales. Eh bien, cette traversée du lac dont on parle depuis plusieurs décennies, aujourd'hui, tout prouve qu'elle pourra résorber le trafic, comme cela est spécifié dans le projet de mobilité, où l'on avance, grâce au consensus que nous avons trouvé entre nous, des arguments bien concrets par rapport à la poursuite de nos travaux dans le canton. Ce sont justement ces deux projets liés qui, à eux deux, permettront enfin d'avoir cette vision globale. Vision que nous n'avons jamais eue dans le canton, je dirais, au cours de ces dernières années: d'un côté et de l'autre de l'échiquier, nous sommes arrivés à avancer chacun nos pions jusqu'à finir par ne plus savoir qui allait bouffer l'autre. C'est ce que j'appelle - et je le répète encore une fois - la paix des transports, en faveur de quoi nous avons trouvé ce fameux compromis sur le projet de loi sur la mobilité dont le texte est repris dans cette initiative.
J'espère que cette initiative sera votée ce soir, pour que nous puissions la présenter devant le peuple avec le projet sur la mobilité. Cette initiative est toute simple: d'après des études menées il y a vingt ans, dix ans, cinq ans ou même plus récemment, la traversée permet tout simplement de diminuer d'un tiers le trafic dans l'hypercentre, c'est prouvé: 50% de trafic en moins sur le pont du Mont-Blanc, 30% de moins sur le pont Sous-Terre, 13% de moins sur le pont de la Coulouvrenière. Et le fait d'avoir un périphérique... Parce que bien sûr, on cite New York, Londres, et, plus près de chez nous, Zurich: mais ces villes ont toutes un périphérique; et c'est là que nous avons du retard à Genève, parce que nous n'avons rien fait ces dernières années, comme l'a dit M. Stauffer. On a même entendu dire que l'autoroute de contournement ne sert à rien: alors ça, c'est... Je ne veux pas dire que je suis d'accord ou pas d'accord avec vous, mais d'une manière ou d'une autre, je crois que vous êtes carrément à côté de la plaque, Monsieur le député ! Que vous osiez dire aujourd'hui que l'autoroute de contournement ne sert à rien, je veux bien, si vous regardez avec des oeillères, comme à votre habitude: toute seule, elle ne sert à rien. Mais on l'a dit, M. Stauffer l'a répété: la gare souterraine, le CEVA, l'autoroute de contournement, la route des Nations, l'axe des Cherpines, l'axe Genève Sud, j'en passe et des meilleures, quand tout cela sera assemblé, oui, cela coûtera 5 milliards, et on le sait très bien, puisqu'on en a déjà dépensé presque la moitié. Eh bien c'est cette vision globale qui vous manque; et le fait qu'elle vous manque - parce que vous la déniez - ne vous donne pas des arguments très solides pour cette campagne que je me réjouis de faire contre vous: car vraiment, devant la population, quand nous présenterons des projets concrets comme celui sur la mobilité, et, cerise sur le gâteau, la traversée du lac, vous irez demander à vos vieux, comme vous disiez tout à l'heure, Monsieur Vanek: «Qu'est-ce que vous voulez, la traversée du lac ou un cancer du poumon, puisque vous habitez aux Eaux-Vives, à la Jonction ou à Plainpalais ?» (Rires. Applaudissements.) C'est ça que vous leur proposez, aux gens ? Mais je pourrais prendre les mêmes arguments que vous, aussi terre-à-terre ! Et ça, ce ne sont pas les chiffres de Barthassat, de Berne, du canton de Genève ou du DETA, mais de M. Poggia, c'est-à-dire émanant de la santé publique, qui sont aussi valables et corrects que tous les chiffres sortis. Ainsi, nous n'allons pas pouvoir polémiquer encore bien longtemps ! Mais il faut quand même savoir que si nous n'avons pas ce périphérique pour éloigner les voitures qui passent aujourd'hui par le centre pour aller d'une rive à l'autre, on n'arrivera à rien; et si on veut pacifier les quartiers de l'hypercentre et du centre, que ce soit en faveur de la population qui y travaille ou de celle qui y vit, nous avons les plans d'action, pour ceux qui prônent la mobilité douce; sur l'aménagement, la pollution, la mobilité douce, tous ces projets, il faut les réunir les uns avec les autres, et cela ne passera que par cette colonne vertébrale, je dirais, du canton - nous avons déjà celle du CEVA et il y en aura d'autres.
Mesdames et Messieurs, nous pourrions parler encore des heures... (Protestations. Commentaires.) ...mais je vois que nous arrivons gentiment à onze heures. On a dit que le projet était inabouti: encore une fois, nous présenterons ce projet après avoir gagné devant la population au mois de juin; parce que si ce projet-là ne passe pas, pour ma part, sans rancoeur, tout simplement, je le remettrai dans le tiroir, et ce qui arrivera, c'est que nous continuerons la guéguerre: avec M. Pagani, nous discuterons sur une route barrée ici, une piste cyclable là, une onde verte, nous jouerons aux marchands de tapis comme nous le faisons depuis bientôt deux ans, pour arriver à avoir de temps en temps quelque chose. Bien sûr, ça ne bloquera pas tout, mais nous avancerons beaucoup plus lentement, et ça nous coûtera trois fois plus cher, tout le monde le dit, les experts de Berne et ceux du canton; même les experts qui ont fait l'étude externe sur ce sujet. On parlait de bon sens: c'est le moment d'en avoir ! Jamais les partis de droite ne sont autant allés dans votre sens depuis que je suis arrivé, avec tous les gens avec qui nous avons travaillé, entre autres M. Stauffer, encore une fois, pour proposer des mesures concrètes, pas seulement des promesses, mais des mesures inscrites dans un projet de loi qui prouve que tout cela est un puzzle qui amènera enfin à une vision globale. Vous pouvez nous traiter de gens qui ne font que promettre, mais aujourd'hui, on est bien dans le concret.
Je pourrais encore polémiquer... (Exclamations.) ...sur le PPP: tout le monde l'a critiqué, quand, il y a six ans, je l'ai présenté à Berne avec certains milieux économiques et d'autres personnes de la Suisse entière. Une chose est sûre: si Berne a dit qu'elle ne pouvait pas financer la traversée du lac, c'est que justement, elle nous donne 1 milliard pour l'autoroute de contournement, un autre pour la gare, qu'elle participe au projet d'agglomération, à toutes les lignes de tram - car il y aura aussi ce milliard-là qu'il faudra trouver quelque part. Mais si on ne finance pas tous ces petits éléments, on n'arrivera jamais à avoir cette vision globale. Concernant le PPP, on en parle largement dans notre étude, si largement qu'il est peut-être critiqué par la presse à Genève, mais je vous rappelle que pas plus tard qu'il y a deux semaines, ce sont les journaux suisses allemands qui en faisaient l'apologie, parce que bien entendu, on est venu nous demander de présenter ce projet-là devant les Chambres, oui, à Berne: mes collaborateurs se sont déplacés à Berne pour l'expliquer. Il s'avère maintenant que le travail qui est en train de se faire à Genève formerait presque un exemple au niveau national, alors qu'il n'y a même pas cinq ans, on ne voulait même pas en entendre parler à l'OFROU ou à l'Office fédéral des transports. Les choses se développent donc gentiment, et pourquoi ? Parce que tranquillement, nous avançons nos pions sur des projets concrets, et nous avons une belle vision de tout l'échiquier. C'est ce qui nous permettra de continuer à avancer nos pions et de pouvoir gagner tous ensemble; parce que c'est là encore autre chose: à Berne, le grand problème par rapport aux Genevois - et encore une fois, je m'excuse, M. Stauffer l'a soulevé - c'est que ce canton est incapable d'arriver uni pour aller chercher la manne fédérale et laver ensuite son linge sale en famille. Non, non, la Genève internationale, le plus petit canton de Suisse - même si nous avons un arrière-pays avec lequel certains ne veulent pas travailler, mais qui est plus grand que le territoire national... Eh bien, il faut qu'on se calme par rapport à ça, Mesdames et Messieurs ! Le nouvel ingénieur cantonal qui va arriver au DETA a justement travaillé à Berne, directement avec les services fédéraux; c'est à nous de nous rapprocher de Berne, nous ne devons pas attendre que Berne nous tende la main. Quand nous l'avons fait pour le projet FAIF, quand nous l'avons fait pour l'autoroute de contournement, nous avons gagné. Comme me disait ma grand-mère, jamais deux sans trois, et le troisième élément sera la traversée du lac, quand nous aurons trouvé un financement par un partenariat public-privé ou autre chose. Les gens diront: à quoi ça sert d'aller chercher l'argent dans le privé puisqu'on peut avoir un prix plus avantageux auprès des banques ? Mais on pourrait aussi travailler avec les caisses de pension: combien de milliards pour recapitaliser les caisses de pension ? (Commentaires.) Ce serait peut-être le moment qu'elles nous renvoient un peu l'ascenseur et qu'on puisse travailler avec elles. Là aussi, il faut reprendre la réflexion, l'étaler de manière globale et travailler avec tout le monde. Et c'est ce que nous ferons si nous gagnons devant la population au mois de juin. Le puzzle que je vous annonce depuis deux ans est en train de se former, et vous, vous continuez de fermer les yeux pour ne pas voir la réalité; c'est cela que je vous reproche aujourd'hui.
Donc, pour faire court... (Rires.) ...Messieurs les rapporteurs de minorité, ce soir, non seulement nous allons voter cette initiative, mais nous allons l'acoquiner avec notre projet de loi sur la mobilité, et ensuite, nous gagnerons devant la population ! Rapporteurs de minorité vous êtes, et dans la minorité vous resterez. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. M. Daniel Zaugg avait demandé le vote nominal. Est-il soutenu ? (Des mains se lèvent.)
Des voix. Oui !
Le président. Il l'est. Je précise qu'il y a deux votes: le premier porte sur l'acceptation de l'initiative. Le vote est lancé !
Mise aux voix, l'initiative 157 est acceptée par 58 oui contre 28 non (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Le président. Nous votons à présent sur un potentiel contreprojet. La commission a préavisé un refus, mais je vous fais bien voter sur le principe d'un contreprojet.
Mis aux voix, le principe d'un contreprojet est refusé par 77 non contre 9 oui et 1 abstention (vote nominal).
Le président. Mesdames et Messieurs, je vous remercie. J'ai encore une communication pour les personnes absentes lors de la dernière séance avant Noël: quelques paquets vous attendent dans mon bureau, vous êtes priés d'aller les récupérer. Je vous souhaite une bonne soirée et vous retrouve demain à 15h !
La séance est levée à 23h10.