République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 12 novembre 2015 à 17h
1re législature - 2e année - 10e session - 63e séance
M 2202
Débat
Le président. Nous passons à la proposition de motion 2202. Le débat est classé en catégorie II, trente minutes, et je cède la parole à M. le député Mathias Buschbeck.
M. Mathias Buschbeck (Ve). Je vous remercie, Monsieur le président. Chères et chers collègues, les Verts vous présentent aujourd'hui cette motion pour l'encouragement de l'utilisation des transports publics pour les loisirs et en famille grâce à des tarifs attractifs. Tout ou presque est dit dans le titre ! Nous vous proposons d'emblée de la renvoyer à la commission des transports afin qu'elle puisse y être étudiée. Actuellement, les Transports publics genevois connaissent des taux de remplissage de leurs véhicules variés, extrêmement élevés par exemple aux heures de pointe mais de 15% seulement aux heures creuses, notamment le soir et le week-end. Il y a donc encore un potentiel d'exploitation certain. Le taux de personnes recourant aux transports publics pour se déplacer dans le cadre de leurs loisirs est également de 15% - ce chiffre nous a été fourni par le département.
La proposition des Verts consiste d'une part à rendre possible l'utilisation d'un seul ticket pour deux personnes le soir dès 19h et le week-end, ce qui permettrait à deux parents de ne payer que pour un lors de leurs déplacements de loisirs - il s'agit là de l'extension d'une mesure déjà en vigueur que vous ne connaissez peut-être pas, celle des cartes journalières Unireso valables pour deux personnes le week-end - d'autre part à accorder la gratuité aux moins de 16 ans lorsqu'ils sont accompagnés d'un adulte. La première question qui vient à l'esprit est sans doute la suivante: comment va-t-on financer cela ? C'est effectivement la problématique à laquelle il faudra s'atteler en commission. Pour leur part, les Verts pensent que cette mesure pourrait ne générer aucun coût. En effet, aujourd'hui, une famille susceptible d'utiliser les transports publics de manière occasionnelle pour ses loisirs ne le fait pas parce que quand vous devez payer deux billets adulte et un, deux voire trois billets enfant, aller et retour, vous en avez pour 30 F ou 40 F ! Ce transport ne se fait donc pas à l'heure actuelle. Si vous acceptez cette mesure, un billet sera pris malgré tout, un trajet en transports publics sera effectué, et tout le monde se retrouvera gagnant puisqu'on augmentera la fréquentation des transports publics, on diminuera l'usage des transports privés tout en générant davantage de revenus pour les TPG.
La deuxième mesure consistant à accorder la gratuité aux moins de 16 ans devrait par ailleurs profiter aux familles, dont un nombre important a déjà acquis des cartes junior. Peut-être connaissez-vous cette possibilité offerte aux enfants de voyager gratuitement sur l'ensemble des réseaux publics de Suisse - CFF y compris - lorsqu'ils sont accompagnés d'un adulte ? Pour ceux qui utilisent déjà cette carte, il n'y aurait pas de différence, mais pour les familles modestes qui voudraient se déplacer en transports publics pour leurs loisirs, ce serait une offre extrêmement intéressante. Encore une fois, je ne tente pas de vous convaincre d'accepter ce texte aujourd'hui mais seulement de le renvoyer à la commission des transports afin qu'il puisse y être examiné. Je vous remercie.
M. Stéphane Florey (UDC). Bonne question: comment va-t-on financer ça ? La réponse est toute simple: on ne va rien financer du tout ! Quand on voit les conséquences de la fameuse initiative pour la baisse des tarifs, quand on voit les résultats des neuf premiers mois de l'année, alors qu'il manque déjà 10 millions dans les caisses, la réponse est là: il n'y a rien à faire de plus après la catastrophe amenée par cette initiative. Pour le surplus, il existe déjà de nombreux avantages pour les familles, notamment les subventions des communes, qui couvrent jusqu'à 150 F le prix d'un abonnement annuel, abonnement qui, je vous le rappelle, est descendu à 500 F pour les adultes et à 400 F pour les enfants, de même que les cartes famille, qui apportent des avantages supplémentaires. Il faut arrêter de vouloir la gratuité absolue ! Le peuple s'est déjà prononcé à ce sujet, il a refusé très clairement la fameuse initiative pour des transports publics gratuits, estimant que le principe de l'utilisateur payeur devait primer, et il n'est pas question d'offrir des réductions supplémentaires sur des prix qui ne couvrent plus rien du tout. Le groupe UDC vous recommande de ne pas accepter le renvoi de cette motion en commission et de la refuser purement et simplement, pour les raisons que je viens d'évoquer. Je vous remercie.
M. Bertrand Buchs (PDC). Je serai bref parce que M. Florey a déjà mentionné tout ce que je m'apprêtais à dire. Si l'idée de cette motion est sympathique, elle tombe complètement à plat parce que les finances des TPG sont actuellement en très mauvaise passe et que ce n'est pas le moment de creuser davantage les pertes. Je vous rappelle que si les TPG n'ont pas fait de perte l'année passée, c'est parce qu'ils ont dissous une provision; or cette année, ils vont subir une perte importante. Les finances n'étaient déjà pas en bonne condition l'année dernière, elles le sont encore moins cette année, et ce n'est pas le moment de discuter de ça. Pour ma part, j'encourage à passer plutôt par les communes, qui font déjà un grand effort afin que les jeunes bénéficient d'abonnements bon marché. Que les Verts déposent des résolutions ou des motions dans les communes pour demander qu'elles prennent en charge ce genre de mesures, car elles ont l'argent et les moyens de le faire. Je vous remercie.
Une voix. Bravo !
M. Michel Ducret (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe PLR considère cette proposition comme totalement superfétatoire. Il existe déjà de nombreux rabais qui s'adressent précisément aux familles, pour les week-ends en particulier, ne serait-ce que la carte journalière valable pour deux personnes le week-end ou encore la gratuité pour les enfants de moins de 6 ans. Beaucoup d'avantages existent déjà, accordés depuis longtemps par les TPG. A cela s'ajoute que les prix ont considérablement baissé suite à l'acceptation, par deux fois, de l'IN 146 et que le manque à gagner est devenu important. On ne peut pas demander à l'entreprise des TPG de faire encore plus d'efforts. Quant aux finances de l'Etat, elles sont suffisamment sollicitées actuellement pour qu'on n'y puise pas davantage afin de faire des rabais supplémentaires.
Je vous rappelle que le prix du billet ordinaire en ville de Lucerne, qui offre un réseau infiniment plus petit que celui de Genève - il ne comprend pas de lignes de campagne - s'élève à 4 F, Mesdames et Messieurs ! A Genève, il est de 3 F pour tout le canton; voilà la différence, voilà où on en est aujourd'hui. Pour 3 F à Genève, vous pouvez traverser tout le canton et vous rendre dans des zones éloignées, ce qui vous coûterait 8 F dans des cantons comme Berne ou Zurich. Voilà la réalité des choses, et je crois qu'à un moment donné, il faut arrêter. En outre, on sait très bien que l'attractivité des transports collectifs ne passe pas par des tarifs totalement ridicules, ce sont d'abord l'efficacité, la rapidité et le confort qui comptent pour les usagers. Je vous remercie de votre attention.
M. Mathias Buschbeck (Ve). Deux petites choses pour répondre à ce stade. Je regrette certaines confusions malheureuses, tout d'abord avec l'initiative pour la réduction du prix des transports publics. Comme vous, Monsieur Ducret, comme vous, Monsieur Florey, je l'ai refusée, je ne croyais pas aux promesses des initiants selon lesquels cela allait augmenter les revenus des TPG. Je pense qu'il s'agissait d'un public captif, des gens qui ont profité d'un rabais alors qu'ils achetaient de toute façon leur abonnement général. Dans ce sens-là, j'étais de votre point de vue en disant que ça n'allait pas rapporter assez et qu'il y aurait un manque à gagner suite à cette votation.
Or, ce n'est pas l'objet de la présente motion ! On ne vous propose pas d'aider les familles de manière générale, on sait bien que les tarifs sont déjà très attractifs pour les abonnements des enfants. Non, ce qu'on vous propose ici, c'est un créneau très spécifique, pour l'utilisation ponctuelle. Aujourd'hui, un aller-retour en transports publics de Meyrin au cirque Knie coûte à une famille pratiquement 40 F ! Ce qu'elle fait par conséquent, c'est prendre la voiture pour se rendre à la plaine de Plainpalais et voir le spectacle. C'est vraiment gênant ! Vous avez de la peine à comprendre que quand une famille doit débourser 40 F pour un déplacement aller-retour, elle ne le fait pas. On pourrait apporter du public supplémentaire dans ces créneaux actuellement peu utilisés. J'aurais aimé vous entendre sur la proposition très concrète concernant les billets pour les jeunes de moins de 16 ans ainsi que pour deux adultes qui voyagent ensemble avec des enfants lors de trajets occasionnels. Ainsi que M. Ducret l'a dit, deux offres sont actuellement en vigueur, soit la carte journalière pour deux...
Le président. Il vous reste vingt-cinq secondes.
M. Mathias Buschbeck. ...et la gratuité pour les enfants de moins de 6 ans. Mais il n'existe pas pléthore d'offres pour ces personnes, il n'y a que ces deux-là, et je pense qu'on pourrait faire gagner des clients aux transports publics; on pourrait examiner en commission si ça peut se faire sans...
Le président. Il vous reste dix secondes.
M. Mathias Buschbeck. ...manque à gagner. Je vous demande simplement de poser ces questions en commission, vous pourrez toujours refuser la motion après coup; mais la refuser sans même entrer en matière est un peu dommage.
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition est intéressante, et je crois qu'il vaut la peine de la renvoyer à la commission des transports. Bien entendu, il faudra l'examiner à l'aune des comptes des TPG qui, depuis la réduction des tarifs, sont un peu dans le rouge, et il serait également utile d'analyser le coût prévisionnel ainsi que celui des différentes mesures de réduction, citées tout à l'heure, qui existent déjà. Néanmoins, je pense que ce texte mérite d'être examiné. Beaucoup ici veulent favoriser l'utilisation des transports publics; pour une famille qui descend en ville le week-end avec deux enfants, ça coûte quatre fois 3 F, donc 12 F si je compte bien, ce qui commence à devenir assez onéreux. A un moment donné, il faut assumer ses choix ! J'estime que cette motion mérite d'être étudiée à la commission des transports et je vous invite à l'y renvoyer.
M. Thomas Wenger (S). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, j'irai exactement dans le même sens que mon préopinant, à savoir qu'il faut renvoyer cette motion à la commission des transports, où il sera intéressant d'entendre les TPG pour savoir ce qu'ils en pensent. Concernant la deuxième proposition, sur la gratuité pour les enfants jusqu'à 16 ans, je rappelle - et ça, les gens ne le savent peut-être pas - qu'avec une carte junior à 30 F, vos enfants voyagent gratuitement avec vous - ou leurs grands-parents, c'est aussi important de le souligner - pendant toute une année. Alors pourquoi pas avec un autre adulte ? Ça paraît assez logique, d'autant plus quand on sait que les comportements en matière de mobilité se créent dès le plus jeune âge; il est donc judicieux d'habituer les enfants à emprunter les transports en commun.
S'agissant de la première proposition, les CFF ont mené exactement la même réflexion il y a des années en lançant l'abonnement Voie 7 pour les jeunes. Il est vrai que, de manière générale, les transports en commun sont un peu moins fréquentés après 19h parce que l'heure de pointe est passée et que les gens sont rentrés chez eux - c'est d'ailleurs la même chose durant les week-ends. Il est donc intéressant de favoriser ces deux idées, et on verra en commission ce que les TPG en pensent.
J'aimerais encore juste rappeler que les CFF seront aussi concernés; on parle des TPG, mais comme il s'agirait d'une offre Unireso, les CFF y prendraient part également, ce qui serait intéressant, dans un avenir proche, si on pense au futur RER Léman Express. Un dernier chiffre: aujourd'hui, 30% des gens à Genève possèdent un demi-tarif, notamment parce qu'il n'y a pas beaucoup d'autres offres à disposition, il faut le dire - c'est d'ailleurs pour ça qu'il faut attendre le Léman Express; à Berne, ce sont 60% des habitants qui détiennent un demi-tarif ! En effet, les trajets en train sont beaucoup moins chers - moitié moins chers - avec un demi-tarif, et il serait bien de mettre aussi cet aspect en avant. Etudions donc cette motion en commission et on verra après !
Mme Salika Wenger (EAG). Chers collègues, Ensemble à Gauche demande la gratuité des TPG depuis très longtemps, alors vous imaginez bien que le projet présenté ici est pour nous absolument minimal. La gratuité simplifierait les choses parce que quand on voit le nombre de possibilités diverses et la difficulté qu'il peut y avoir à déterminer si on prend un abonnement comme ci ou comme ça, pour le week-end, pour le lendemain, pour deux, pour quatre, pour les enfants, etc.! La gratuité serait le meilleur moyen de résoudre tous ces problèmes et ferait enfin des TPG ce qu'ils sont réellement, c'est-à-dire un service public, et c'est pour cela que nous nous battons.
Même si nous la jugeons un peu timide, la proposition qui nous est soumise a une qualité, c'est qu'elle va mettre fin à la discrimination envers les populations périphériques. Nous avons déjà discuté du péage pour entrer dans Genève, et la politique menée aujourd'hui est d'empêcher ou en tout cas de rendre difficile l'entrée à Genève. Or les personnes résidant en périphérie sont discriminées parce qu'elles ne peuvent plus ou du moins ont des difficultés à accéder au centre-ville. Pour nous, pour ceux qui vivent au centre-ville, ça ne pose aucun problème, mais pour ces gens-là, avoir la possibilité de gagner la ville et de sortir de cette périphérie qui, parfois, peut donner l'impression d'être un tout petit peu concentrationnaire, ce n'est pas un luxe. Nous parlons des familles, mais pas seulement; il serait intéressant, et je reviens là sur la gratuité, que chacun puisse utiliser librement les transports publics.
J'ai bien entendu les arguments selon lesquels les TPG connaissent des problèmes financiers, nous en sommes tous conscients. Sauf que les TPG ne sont pas une entreprise privée et qu'ils ne sont pas obligés, comme une entreprise privée, de se comporter ainsi, à savoir d'opposer au service public qu'ils sont censés rendre...
Le président. Il vous reste trente secondes.
Mme Salika Wenger. ...leurs problèmes financiers. Le service public, c'est nous qui le payons, et nous continuerons à le faire, c'est pourquoi nous demandons la gratuité. De grâce, renvoyez... (Remarque.) ...ce projet en commission parce qu'il est, à mon avis, minimum...
Le président. Merci, Madame la députée.
Mme Salika Wenger. ...et qu'il rendra service à une certaine partie de la population...
Le président. Merci beaucoup...
Mme Salika Wenger. ...que nous défendons ! (Applaudissements à la tribune.)
Le président. Je rappelle aux personnes à la tribune qu'il est interdit de manifester ! La parole revient à M. le député Bernhard Riedweg.
M. Bernhard Riedweg (UDC). Merci, Monsieur le député... Monsieur le président, pardon ! Comme l'expérience nous l'a démontré récemment, la baisse tarifaire n'a guère séduit de nouveaux usagers. On a bien tenté d'attirer de nouveaux passagers parmi les 15% de Genevois totalement réfractaires aux transports publics ou encore à l'extérieur du canton. Cette constatation devrait certainement aussi s'appliquer aux familles qui se déplacent dans le cadre de leurs loisirs. En outre, il n'y a pas de majorité au Grand Conseil pour compenser la baisse du produit de la billetterie avec une hausse des subventions de l'Etat versées aux TPG.
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Bernhard Riedweg. Merci, Monsieur le président.
Une voix. Bravo ! (Commentaires. Rires.)
M. Luc Barthassat, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, il faut se rappeler que cette motion a été déposée bien avant la votation sur la baisse des tarifs des TPG, laquelle a malheureusement occasionné un manque à gagner d'environ 12 millions par année. Nous avons dû chercher passablement de solutions pour rentabiliser ces pertes, d'une part pour ne pas licencier les gens, d'autre part pour que les TPG puissent continuer à fonctionner et à offrir des prestations. Nous avons dû relativement baisser ces prestations à certains endroits et à certains moments de la journée pour économiser des trajets, donc des chauffeurs, donc des heures de travail.
Aujourd'hui, venir demander une baisse en plus de celle qui a été occasionnée par la votation est un non-sens. En effet, on nous avait dit que cela amènerait un potentiel de nouveaux clients, mais cela n'a pas été le cas - nous l'avons vu. Nous avons fait des calculs au printemps dernier, qui nous prouvent que cela n'a attiré aucun nouvel usager ! Une nouvelle baisse ne ferait que péjorer davantage encore la situation des TPG. C'est pour cela, tout simplement, Mesdames et Messieurs, que je vous demande de ne pas accepter cette motion. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, je vous informe que nous avons un problème technique avec la sonnerie, qui ne fonctionne pas. Il faudrait donc... (Remarque.) Vous reviendrez quand vous voulez ! Il faudrait peut-être que les chefs de groupe battent le rappel des députés au moment des votes durant cette soirée. A présent, j'ouvre le scrutin sur le renvoi de ce texte à la commission des transports.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2202 à la commission des transports est adopté par 44 oui contre 35 non.