République et canton de Genève

Grand Conseil

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M 2206
Proposition de motion de Mmes et MM. Christian Flury, Jean Sanchez, Pascal Spuhler, Jean-François Girardet, Henry Rappaz, François Baertschi, Marie-Thérèse Engelberts, André Python, Bernhard Riedweg, Jean-Michel Bugnion, Boris Calame, Sandra Golay, Frédérique Perler : Invitons le Conseil d'Etat à sécuriser les bains du Rhône
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VIII des 15, 16 et 17 mai 2014.

Débat

Le président. Nous nous penchons à présent sur la M 2206 en catégorie II, trente minutes. La parole revient au premier signataire, M. Christian Flury.

M. Christian Flury (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, en installant des plages sur les berges du Rhône en aval du pont Sous-Terre, l'Etat a facilité l'accès à ce fleuve. Les beaux jours, de nombreuses personnes profitent du Rhône pour s'y baigner, nager ou s'adonner à d'autres activités nautiques. Malheureusement, nous déplorons chaque année des noyades sur cette portion de rivière. A travers cette motion, il s'agit de réfléchir à des mesures d'accompagnement qui permettraient d'améliorer la sécurité et de prévenir les noyades. Le groupe MCG et les autres cosignataires vous remercient, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer cette motion à la commission d'aménagement afin qu'elle puisse y être traitée. Je vous remercie.

Mme Isabelle Brunier (S). Une demande est faite de renvoyer cette motion à la commission d'aménagement; nous ne nous y opposerons pas puisque nous étions même prêts à la renvoyer directement au Conseil d'Etat. Le groupe socialiste accepte cette motion. Dans un premier temps, on se dit que c'est une évidence mais finalement, en allant vérifier sur place aujourd'hui même, j'ai pu constater que si les panneaux existent, ils sont malheureusement rédigés uniquement en français, et que les pictogrammes ne sont pas très compréhensibles. Or les quelques noyades à déplorer concernaient souvent des personnes de nationalité étrangère qui, peut-être, ne maîtrisaient pas le français. Aussi, il faudrait que ces panneaux soient améliorés avec l'ajout de langues étrangères couramment pratiquées et éventuellement de pictogrammes plus compréhensibles.

M. Jean-Michel Bugnion (Ve). Les Verts ne sont pas contre l'interdiction de la baignade dans le Rhône. Nous soutenons cette motion pour son aspect pédagogique. En effet, sensibiliser les usagers en leur donnant les informations nécessaires leur permettra d'exercer leur libre arbitre, en pleine connaissance de cause. Nous recommandons également le renvoi de ce texte à la commission d'aménagement. Je vous remercie.

M. Rémy Pagani (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, il est évident que la population de notre région, notamment parce que nous subissons des étés de plus en plus chauds - je ne sais pas si c'est en rapport avec la dégradation du climat, peut-être ! - tend à se rapprocher de l'eau, et c'est tant mieux. Jusqu'à maintenant, l'ensemble de la rade a été rendu inaccessible par des enrochements, et je vous rappelle à cet égard tous les conflits qu'il y a eu dans notre république - celles et ceux qui ne sont pas au fait de ces conflits, notamment avec les bains des Pâquis, doivent se référer à l'histoire !

Cela étant, Mesdames et Messieurs, je relève une incongruité dans cette affaire puisque la nage est interdite partout autour de la rade sauf en deux lieux sécurisés, c'est-à-dire les bains des Pâquis et Baby-Plage. En revanche, en ce qui concerne l'Arve et le Rhône - je parle plus particulièrement du Rhône et de la motion qui nous est proposée - l'Etat a mis à disposition de la population des plates-formes et des échelles, mais il n'y a pas de sécurité par exemple avec la présence de gardiens. Or là est bien le noeud du problème puisqu'on laisse des gens entrer dans une eau certes relativement stable quand le barrage est fermé mais fort instable lorsqu'il est ouvert, avec des différences de température extrêmement importantes entre le Rhône et l'Arve; on laisse des nageurs qui ne connaissent pas les lieux évoluer parmi des racines extrêmement dangereuses puisque effilées: ils peuvent s'ouvrir le pied, ne pas se rendre compte qu'ils perdent du sang abondamment et se noyer dans cette circonstance. Il est extrêmement grave que les autorités laissent cette situation perdurer, et notre groupe, bien qu'évidemment favorable à la nage en eau vive, relève cette incohérence des responsables du canton et demande que ce périmètre soit sécurisé, par exemple grâce à la présence de pompiers volontaires, comme ça se fait d'ailleurs partout en Europe. Ils seraient au moins utiles pour cela...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Rémy Pagani. Oui, Monsieur le président, j'ai bien compris ! De fait, nous sommes pour le renvoi immédiat de cette motion au Conseil d'Etat. On ne va pas discuter cent sept ans, jusqu'à l'été prochain, jusqu'à ce qu'une nouvelle noyade soit à déplorer, il faut tout de suite renvoyer cette motion telle quelle au gouvernement comme mesure de protestation contre son attentisme. Je vous remercie de votre attention, Monsieur le président.

M. Vincent Maitre (PDC). D'entrée de jeu, je vous annonce que le PDC refusera cette motion, même si, comme tout un chacun, il peut évidemment regretter que des accidents se produisent dans le Rhône notamment, mais ce n'est pas le seul endroit. Le PDC voit dans cette motion un moyen de réduire non pas les accidents mais toujours davantage les libertés des uns et des autres. Les bains du Rhône répondent à une véritable demande de la part de la population, qui souhaite se réapproprier ses rives, son lac, son Rhône, ceci afin de pouvoir profiter d'une Genève dans laquelle on a du plaisir à vivre et à passer son temps. Ainsi que cela a été indiqué tout à l'heure, il y a déjà très peu - trop peu ! - d'accès au lac et au Rhône autorisés à la baignade, et ceux qui le sont servent plutôt à des activités gérées par ce que j'appellerais des privés. Si c'est parfois nécessaire, dans une plus grande majorité des cas, on peut aussi le regretter parce que ce sont autant d'accès publics qui ne sont plus disponibles pour la population.

On pourra tout sécuriser autant qu'on veut, je crois que le maître mot en matière de sécurité, c'est la responsabilité individuelle; vous savez que le PDC est particulièrement attaché à cette valeur. On entendait récemment encore - l'été dernier - l'histoire d'un accident, une personne qui s'était noyée dans le Rhône après avoir sauté d'un pont. La Ville de Genève, par la voix de son conseiller administratif en charge, a souhaité prendre des mesures non seulement coûteuses mais également importantes pour sécuriser ce pont, y installer des filets de sécurité, sans jamais que ce décès soit directement relié au saut depuis le pont. J'ai l'impression qu'on essaie de parer ici de façon non pas urgente mais hâtive et irréfléchie à quelques accidents certes dramatiques mais, sur la globalité, relativement marginaux, et je crois qu'aujourd'hui, chacun doit se responsabiliser et que les risques ne pourront jamais être totalement exclus: l'adage bien connu dit que le risque zéro n'existe pas, on est en plein dans le sujet ici. Autrement, à ce rythme-là, nous sécuriserons absolument tout, les routes, les balcons d'immeubles ou que sais-je encore...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Vincent Maitre. ...ce qui, au final, ne correspond pas réellement à la ville et à la société dans laquelle souhaitent vivre un grand nombre de nos concitoyens, à tout le moins le PDC. Je vous remercie.

M. Stéphane Florey (UDC). Quel que soit le nombre de morts, ce n'est pas comme l'a dit le représentant du groupe PDC, il n'y a pas de chiffres marginaux: un mort, c'est un mort de trop. Voilà pour la première chose. Du reste, nous nous étions déjà opposés aux précédentes motions qui prônaient la baignade dans le Rhône parce que c'est une activité dangereuse qui, on peut malheureusement le constater chaque été à travers les journaux, cause entre cinq et dix morts par an, ce qui est plus que regrettable. Cette motion est d'autant plus dangereuse qu'elle va créer un sentiment de sécurité encore plus grand alors que la sécurité ne sera en rien améliorée.

M. Pagani a proposé que les pompiers volontaires fassent de la surveillance; or jusqu'à nouvel ordre, ceux-ci ne sont pas maîtres-nageurs, et je vois mal un pompier volontaire tout équipé sauter dans le Rhône - il parviendrait plus vite au fond que le nageur en détresse lui-même ! Ce que vous proposez là, Monsieur Pagani - vous transmettrez, Monsieur le président - c'est de la sécurisation au rabais. Ni l'Etat ni même la Ville - autrement, il y a longtemps qu'elle l'aurait fait - n'ont l'envie ou les moyens de payer des maîtres-nageurs qui seraient réellement aptes à la surveillance. Ces propositions ne serviront donc pas à grand-chose.

S'agissant des pictogrammes, il me semble que ce sont des sigles reconnus à l'échelle internationale, donc je ne vois pas en quoi les panneaux installés au bord du Rhône seraient incompréhensibles. Quant au fait de traduire leur texte en plusieurs langues, je ne vois pas non plus d'utilité à cela. Non, ce qu'il faut vraiment faire, c'est interdire une bonne fois pour toutes les baignades dans le Rhône. Comme je l'ai dit, c'est extrêmement dangereux car le Rhône et l'Arve sont soumis à des variations de courant et de température énormes.

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Stéphane Florey. Il semble ainsi évident que les baignades devraient être interdites. Pour s'adonner à cette activité, il y a les piscines et le bord du lac qui sont davantage sécurisés. Voilà pourquoi nous refuserons cette motion. Je vous remercie.

Une voix. Très bien !

M. Raymond Wicky (PLR). Mesdames et Messieurs, chers collègues, tout d'abord, j'aimerais vous dire que le PLR est particulièrement attaché aux libertés individuelles; néanmoins, lorsque celles-ci impactent toute la collectivité, il est peut-être normal de faire la part des choses. En ce qui concerne premièrement les pompiers volontaires, je voudrais rebondir sur les propos de notre collègue M. Pagani: j'espère, cher collègue - vous transmettrez, Monsieur le président - qu'on reconnaît à ces pompiers volontaires toute l'activité qu'ils déploient car j'ai eu quelque peu l'impression, à vous écouter, qu'ils n'ont pas grand-chose à faire et que ce serait là enfin le moyen de leur confier une mission. Je vous signale que si l'idée est effectivement reprise dans un certain nombre de pays, il faut savoir que les organisations sont différentes et que le sauvetage en eaux courantes et dans les plans d'eau nécessite des formations et des moyens particuliers. Il faudrait donc pouvoir former l'intégralité de nos pompiers volontaires, qui devraient en outre être à l'oeuvre durant des heures où ils sont normalement eux-mêmes au travail puisque cette activité se passe essentiellement en journée et pas seulement le soir et les week-ends. Bref, ce serait particulièrement difficile.

Deuxièmement, je souhaite revenir à la notion de dangerosité. J'ai de nombreuses fois professionnellement couru, si j'ose m'exprimer ainsi, après des personnes accidentées qui se sont retrouvées piégées dans ces eaux parfois extrêmement dangereuses, et pas simplement pour des questions de température mais également, vous le savez très bien, à cause de phénomènes comme la marmite. Il est absolument nécessaire d'y voir clair. Le PLR refusera cette motion; si nous estimons qu'il faut augmenter le nombre de lieux publics dédiés à la baignade afin de satisfaire nos concitoyens, se baigner absolument partout en eaux courantes et dans les plans d'eau ne nous paraît pas tout à fait logique. Aussi, nous refuserons cette motion.

M. Jean-Marie Voumard (MCG). Je suis quelque peu étonné d'entendre l'ancien commandant des sapeurs-pompiers professionnels ainsi qu'un pompier volontaire de l'UDC dire, à propos des paroles de M. Pagani, que c'est difficile... Effectivement, ces pauvres devront peut-être travailler les jours fériés et les week-ends. Mais le sujet n'est pas là. On a parlé d'accidents funestes, de morts; il est temps d'agir ! Le MCG vous demande de renvoyer ce texte non pas en commission mais directement au Conseil d'Etat. Merci.

M. Luc Barthassat, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, la question de l'accès aux berges de nos rivières et du lac représente l'une des priorités du département, tout simplement parce que cela répond à une demande de la population pour ses loisirs, le sport ou la baignade. Nous sommes en train de travailler avec la Ville de Genève et les services de police de mon collègue Maudet pour établir une meilleure collaboration. Rendre accessibles les rives du Rhône ou du lac, ainsi que nous l'avons fait à Baby-Plage ou aux bains du Saugy, attire du monde, et lorsqu'il y a du monde, il y a davantage de risques. Malheureusement, on déplore quelques accidents, voire des noyades. Souvent, ce sont des gens qui ont quelque peu abusé de la boisson ou d'autres produits - nous avons constaté qu'il y avait là beaucoup de problèmes.

Il faut améliorer la communication, et nous l'avons fait par exemple via des panneaux, posés l'été dernier; d'autres mesures ont été prises. Cependant, il reste encore beaucoup d'éléments à mettre en place, et je juge opportun que cette motion soit renvoyée en commission afin que nous puissions effectuer un premier bilan et un point de situation par rapport à ce qui s'est fait cet été, ce qui est en train de se faire et ce qui se fera sûrement demain puisque nous avons encore des réunions prévues avec M. Maudet pour discuter de ces problèmes. Je soutiens donc la demande de renvoi en commission, qui sera l'occasion pour nous tous de faire le point sur ce sujet.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat, et lance le vote sur le renvoi de cette motion à la commission d'aménagement.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2206 à la commission d'aménagement du canton est rejeté par 73 non contre 1 oui.

Mise aux voix, la proposition de motion 2206 est rejetée par 42 non contre 36 oui.