République et canton de Genève

Grand Conseil

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M 2192
Proposition de motion de Mmes et MM. Anne Marie von Arx-Vernon, Jean-Marc Guinchard, Jean-Luc Forni, Bertrand Buchs, François Lance, Vincent Maitre, Béatrice Hirsch, Olivier Cerutti, Guy Mettan, Sophie Forster Carbonnier, Emilie Flamand-Lew, Boris Calame, Yves de Matteis, Roger Deneys, Isabelle Brunier, Lisa Mazzone, Lydia Schneider Hausser, Thomas Wenger, Frédérique Perler, Sarah Klopmann, Jean-Michel Bugnion, Jean-Charles Rielle, Christian Frey, Jocelyne Haller, Olivier Baud pour la régularisation des employés de l'économie domestique sans statut légal
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VII des 10 et 11 avril 2014.

Débat

Le président. Le point suivant appelle le traitement de la proposition de motion 2192. (Brouhaha.) La parole est à son auteure, Mme la députée Anne Marie von Arx-Vernon.

Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Le micro ne marche pas ! Voilà, ça marche, merci. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, depuis 2001 que j'ai l'honneur d'être élue députée démocrate-chrétienne, j'ai défendu, avec l'aide d'une majorité de députés, la régularisation des employés de l'économie domestique sans statut légal. Cela n'a toujours pas abouti à Berne. Aujourd'hui, avec cette motion, nous nous permettons de revenir sur ce thème et de remettre l'ouvrage sur le métier, en tout cas pour deux raisons. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

La première raison, Monsieur le président, c'est qu'il y a une vraie prise de conscience, dans ce parlement, bien sûr, et dans la rue, pour dénoncer cette hypocrisie - je fais référence à la pétition qui a récolté 21 875 signatures - et pour dénoncer la passivité de Berne, qui laisse traîner cette problématique. Il y a également une prise de conscience du fait que si l'économie genevoise est florissante, c'est aussi grâce à l'engagement de ces personnes qui gardent à domicile les enfants et les aînés de ces familles. Nous parlons de personnes qui, pour certaines, sont là depuis vingt ans, qui travaillent dans des conditions très difficiles parfois, mais en se montrant dignes d'une réelle confiance; car ce sont des personnes de confiance, j'insiste là-dessus. Ces personnes apportent leur contribution par un travail permettant à ces familles d'être soulagées, et aux parents d'être disponibles pour travailler, parce que nous parlons de familles qui s'engagent à Genève dans l'économie et qui contribuent largement à nos recettes fiscales.

La deuxième raison, particulièrement importante à mon avis, en plus de toutes celles qui sont décrites dans les considérants de la motion, c'est qu'en plus de ces 5000 personnes identifiées depuis 2005 pour légitimement demander - et surtout recevoir - un permis correspondant au travail effectué, nous avons des centaines d'autres personnes engagées dans l'économie domestique et gravement exploitées. Ces personnes sont victimes de traite des êtres humains, cela s'appelle «à des fins d'exploitation de la force de travail»; c'est de l'esclavage moderne. C'est très, très grave ! Désormais, nous ne pouvons pas faire comme si cela n'existait pas ! Nous ne pouvons pas faire comme si nous ne le savions pas !

Vous le savez, je travaille dans ce domaine, et je sais que désormais, avec les campagnes publiques sur les trams et les bus initiées par M. Maudet et les partenaires genevois qui travaillent auprès des personnes sans statut légal, il y a des compétences renforcées à la police et à l'OCIRT, et il existe une réelle volonté politique de lutter contre ce fléau absolument ignoble de la marchandisation de l'être humain par d'autres êtres humains. Cela rapporte autant que le trafic d'armes et que le trafic de drogue ! Nous avons donc, sur à peu près 10 000 personnes qu'on a pu identifier à Genève comme travaillant dans l'économie domestique, 5000 personnes identifiées comme pouvant légitimement demander un permis. Il y a toute cette frange, invisible, méconnue, qui fait que nous pourrions finalement nous rendre complices de cette traite des êtres humains. Nous ne pouvons pas l'accepter, bien évidemment !

En conclusion, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous demandons de bien vouloir renvoyer cette motion à la commission de l'économie, car il s'agit bien sûr de personnes, d'humains qui sont parfois exploités, souvent exploités, trop souvent exploités; mais il s'agit aussi de reconnaître leur importance pour l'économie genevoise et de relancer leur régularisation à Berne. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Présidence de M. Antoine Barde, président

M. Eric Stauffer (MCG). Monsieur le président, je souhaiterais, au nom du groupe MCG, que vous transmettiez à votre remplaçant qu'il peut garder pour lui les petites phrases désobligeantes, cela n'amène rien au débat; quand on veut faire de l'esprit, encore faut-il en avoir. Voilà ! (Protestations.)

Cela étant dit, nous allons parler de cette motion. Certes, elle part d'un bon sentiment, mais on a quelques autres problèmes à régler à Genève pour l'instant ! De plus, au MCG, nous sommes un peu effarés par ce texte, alors que vous avez refusé la priorité de l'emploi sans distinction de nationalité pour les résidents légaux de notre canton. Vous l'avez refusée parce que, mon Dieu, ce serait discriminatoire par rapport aux frontaliers ! J'ai même entendu l'ancien président du parti socialiste dire: «Mais nous, nous sommes pour l'égalité des chances !» Bien sûr ! Mais comme tout bon père de famille, d'abord on donne à manger à ses enfants et, s'il en reste, on partage volontiers avec ses voisins.

Il y a donc un souhait de légaliser les sans-papiers, ce serait évidemment une bonne chose, parce que c'est vrai que cette économie parallèle existe - c'est un fait, on ne peut pas le nier - mais cette motion ne sert pas à grand-chose, si ce n'est qu'elle invite le Conseil d'Etat à donner une réponse dans les six mois; elle ne manquerait pas, sans quelques garde-fous législatifs, de créer un appel d'air.

Enfin, ce qui nous alarme au MCG, c'est que ce parlement, à l'exception du Mouvement Citoyens Genevois, se prononce pour les frontaliers et pour légaliser les sans-papiers. Eh bien je vous le dis, Mesdames et Messieurs, chacun son job: nous, nous allons continuer à nous occuper des résidents légaux, pour leur assurer la meilleure qualité de vie, et nous espérons qu'ils seront au rendez-vous dimanche. Parce que finalement, à entendre tout ce qui se passe dans ce parlement quand on veut assurer plus de sécurité pour les Genevois et faire tourner les commerces genevois en augmentant les contrôles sur les marchandises - puisque la libre circulation des marchandises n'existe pas - et à entendre vos propos, en tout cas pour certains partis, franchement, au MCG, nous sommes très inquiets ! Mais nous commençons déjà le recrutement pour la campagne du Grand Conseil de 2018 parce que nous pensons que, de vingt députés...

Le président. Il vous reste quinze secondes.

M. Eric Stauffer. Je vais conclure. ...avec ce que vous êtes en train de faire et vos attitudes au fil des semaines, des mois et des années, nous risquons de battre le record absolu des députés à Genève. C'était vingt-huit pour le parti libéral...

Le président. Il vous faut conclure.

M. Eric Stauffer. ...et je pense qu'on peut arriver à trente. Donc continuez ! Nous, on continuera...

Le président. Merci, Monsieur le député.

M. Eric Stauffer. ...à s'occuper des Genevois ! (Quelques applaudissements.)

Des voix. Bravo !

Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, tout d'abord, je tiens à remercier au nom des Verts le groupe démocrate-chrétien d'avoir déposé cette motion fort importante. En effet... (Rire de M. Eric Stauffer.) «Hé hé hé !» Monsieur Stauffer ! (Le président agite la cloche.)

Le président. Monsieur Barrillier ! Monsieur Stauffer ! Ou Monsieur Pistis !

M. Eric Stauffer. Non, mais je trouve très intéressant, Monsieur le président, je comprends...

Le président. Très bien, mais je vous prie de bien vouloir écouter l'oratrice, s'il vous plaît. Poursuivez, Madame Forster Carbonnier.

Mme Sophie Forster Carbonnier. Merci, Monsieur le président. Comme je le disais, pour les Verts, il est important de mettre fin à une hypocrisie. Nous savons tous qu'il existe une population importante en nombre, qu'on estime à environ 7000 personnes, qui travaillent à Genève, qui vivent à Genève et qui, pour certains, paient des assurances et même parfois des impôts. Il y a donc ici des gens qui vivent, qui travaillent, qui sont intégrés, et la seule chose qui leur manque, c'est un statut légal qui atteste de leur existence. Sans ce statut, ces gens sont livrés à des dangers liés à l'exploitation de leur travail, comme l'a dit Mme von Arx-Vernon. Souvent, lorsqu'il s'agit de trouver une habitation, ils sont logés dans des conditions extrêmement précaires, à des prix exorbitants. Quand ils doivent se faire soigner, s'ils n'ont pas pu contracter une assurance-maladie faute d'argent, cela implique des coûts et des situations extrêmement traumatisantes pour ces personnes. Il faut souligner que notre économie a besoin de ces personnes, puisque si elles étaient invitées à quitter la Suisse ou Genève la semaine prochaine, bon nombre de femmes ne pourraient plus aller travailler et bon nombre de familles se retrouveraient à devoir s'occuper d'une personne âgée ou d'une personne handicapée. Ces individus remplissent un rôle très important pour la république !

Mais il est aussi important de savoir... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...qu'aujourd'hui, à Genève, on arrive parfois à une troisième génération de personnes sans papiers. Aujourd'hui, à Genève, des petits-enfants de sans-papiers naissent sur notre territoire ! Comment peut-on tolérer cela, Monsieur le président ? Prenez une mère qui arrive en Suisse, qui donne naissance à un enfant, et cet enfant a ensuite un enfant: trois générations de sans-papiers ! On voit, dans la situation absurde dans laquelle on vit, des enfants qui depuis deux générations n'ont connu qu'un seul pays, le nôtre, et à qui on refuse un statut légal ! Pour toutes ces raisons, le groupe des Verts était d'abord en faveur d'accepter cette motion sur le siège. Par esprit de compromis, nous accepterons le renvoi en commission, mais je vous invite véritablement à trouver une solution à cette situation indigne de notre canton. (Quelques applaudissements.)

Mme Simone de Montmollin (PLR). Mesdames et Messieurs, chers collègues, le PLR se joint aux groupes qui jugent insatisfaisante cette situation très fréquente dans le domaine de l'économie domestique. Situation insatisfaisante à plusieurs titres: premièrement, il y a plus de dix ans, le Conseil d'Etat de l'époque avait déjà jugé cette situation critique et interpellé les autorités fédérales, sans qu'aucune proposition ait pu trouver une issue favorable.

Insatisfaisante ensuite, parce que depuis dix ans, la situation ne s'est pas améliorée, qu'elle est appelée à perdurer, voire à empirer. En effet, la société évolue, ses besoins aussi, et force est de constater que les besoins des familles sont toujours plus nombreux, que les individus sont toujours plus désireux de pouvoir concilier vie professionnelle et vie familiale, et qu'ils doivent faire appel de manière régulière à des personnes extérieures à la famille pour les aider dans leurs tâches. Horaires irréguliers, activités professionnelles multiples menées de front avec d'autres engagements, notamment en faveur de la collectivité, obligation pour les deux parents de travailler: tous ces besoins induisent des réponses diversifiées que les seules structures d'accueil ou le soutien des proches ne peuvent combler.

Insatisfaisante enfin sur le plan humain et juridique, car dans la majorité des cas, ce sont des femmes qui viennent suppléer d'autres femmes pour que celles-ci puissent assumer leurs charges professionnelles et, avec cela, le développement harmonieux de leur famille. Si ces deux catégories de femmes contribuent à la prospérité de notre canton, la première est plongée dans une forme de précarité et la seconde en quelque sorte dans l'illégalité. Le PLR souhaite renvoyer cette motion en commission afin qu'elle puisse être étudiée à l'aune de chiffres actualisés. Tenons compte aussi du fait que Genève n'est pas isolée dans cette problématique, que c'est une problématique nationale et qu'il s'agit enfin de le reconnaître. (Applaudissements.)

Mme Christina Meissner (UDC). Le groupe PDC nous propose, dans une première invite, de régulariser les personnes sans statut légal, notamment dans l'économie domestique, et dans une deuxième invite, de ne pas pénaliser ceux qui jouent le jeu de payer les assurances sociales et qui remplissent leurs autres devoirs, à travers notamment ce qu'on appelle le chèque-emploi. Avec cela, au fond, le groupe PDC se tire une balle dans le pied, et tire une balle dans le pied de ceux qui jouent le jeu. Parce que vous savez très bien qu'en régularisant tout le monde, qu'ils aient joué le jeu ou pas, on crée tout simplement un appel d'air. Ceux qui ont joué le jeu, qui ont payé les assurances sociales, et il y en a, du côté des employeurs comme du côté des employés, se trouveraient pénalisés, étant traités comme ceux qui n'ont jamais rien payé ni tenté pour être en règle.

Oui, vous avez raison, c'est une thématique qui dure depuis plus d'une vingtaine d'années - même pas une dizaine d'années, mais carrément une vingtaine d'années; franchement, il aurait plutôt fallu sanctionner par un système qui consisterait à dire: «Attention, à partir de telle date, si vous n'avez pas joué le jeu du chèque-emploi, vous serez expulsé, on ne vous considérera plus.» Là, oui, ç'aurait été un système incitatif, pour que tout le monde joue le jeu, parce que le chèque-emploi, ça marche, et ça marche très bien ! Mais vous n'avez pas demandé cela ! Alors le groupe UDC est prêt à ce qu'il y ait un réexamen de la situation et de ces invites, pour voir dans quelle mesure on pourrait, d'une manière certaine, récompenser ceux qui jouent le jeu, et non pas tous, parce que vous savez très bien que l'appel d'air est infini et que ce n'est pas acceptable dans notre pays: il faut donner la priorité à ceux qui sont légaux, qui ne sont pas dans l'irrégularité. Nous sommes donc prêts à renvoyer ce texte en commission. (Quelques applaudissements.)

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, c'est quand même impressionnant de voir ce soir les femmes défendre une grande majorité de femmes sans statut qui travaillent dans l'économie domestique. A plusieurs reprises, ce parlement a parlé des femmes et des personnes sans statut légal à Genève. Depuis des années, le Conseil d'Etat a même entrepris des démarches à Berne. Il devient en effet urgent d'en parler: il y a eu la votation du 9 février et si rien ne se passe assez rapidement, tout le travail, toute la sensibilisation, tout ce qui a été fait par rapport aux personnes sans statut légal aura été vain. Même si en l'état actuel, les personnes sans statut légal ont déjà des droits comme l'AVS, l'assurance-accidents, l'assurance-maladie, un contrat type de travail pour les travailleurs et travailleuses de l'économie domestique à temps partiel ou complet, ce n'est pas souvent appliqué, ou en tout cas pas toujours. De par leur statut, on l'a dit, les personnes se trouvent dans des situations de fragilité vis-à-vis de l'employeur, car le risque de l'expulsion est un outil de pression maximale à l'égard des employés. Nous ne parlerons pas ici des conséquences en matière de formation pour les enfants de ces résidents: nous en avons souvent parlé.

Plus globalement, l'estimation selon laquelle 7000 personnes sans statut légal travaillent actuellement dans l'économie domestique montre que nous ne parlons pas juste de quelques cas isolés. La population résidente de Genève a besoin de ces personnes, on l'a dit, pour du baby-sitting, pour du ménage, et, de plus en plus, pour le maintien à domicile des personnes âgées ou handicapées. Vouloir régulariser ces travailleurs ne participe pas uniquement d'un sentiment de justice ou humanitaire, cela contribue à reconnaître le besoin économique de leur travail et à valoriser ce travail. Nous ne pouvons pas continuer à mettre ces gens sous le tapis pour ne pas les voir et espérer ainsi les faire disparaître, ou encore accepter que ces travailleurs n'aient pas droit à une place respectable dans notre communauté. Nous, socialistes, nous ne désirons pas nous voiler la face et c'est pour cela que nous voulions renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. Nous sommes d'accord de la renvoyer en commission pour étude afin qu'elle puisse en sortir assez rapidement et de manière positive.

Le président. Il vous reste trente secondes.

Mme Lydia Schneider Hausser. Je voudrais dire aussi que je trouve déplacée et surtout très regrettable l'intervention de M. Stauffer tout à l'heure, parce que ce n'est pas reconnaître tout ce que ces personnes amènent à la république que de les utiliser à des fins électorales durant cette séance. (Applaudissements.)

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, de quoi est-il question, en réalité ? Il est question d'économie, plus précisément d'économie parallèle, occulte. Or il s'agit bien d'une réalité incontournable. Ces gens sont ici et ils travaillent. Ils n'entrent pas en concurrence avec ce que vous appelez la population résidente - il est apparu au cours de ces débats que ces gens habitent à Genève depuis plusieurs décennies. Cela, c'est une réalité, et c'est une réalité incontournable. C'est pourquoi on ne pourra pas laisser M. Stauffer faire croire qu'il est le seul à s'occuper de la population résidente et que les autres partis de ce parlement s'occuperaient d'autres catégories de personnes, comme si notre principale mission n'était pas précisément de défendre la population genevoise dans sa composition la plus large, bénéficiant d'un statut légal ou non, et la notion de développement économique de ce canton au-delà des frontières, parce que la réalité économique de ce canton est justement au-delà des frontières !

Cela étant dit, pour revenir à cette motion, il nous paraît important de relever que depuis plusieurs décennies, ce problème a été signalé, et que le canton de Genève en a été conscient au point de s'engager lui-même pour la régularisation collective des personnes sans statut légal. Dix ans après, quoi de neuf ? Rien ! Quasiment rien ! Or on ne peut pas continuer à laisser perdurer cette situation, d'autant plus que non seulement elle est préjudiciable aux personnes elles-mêmes, mais parce qu'on développe des zones de non-droit indignes, indignes de ce canton, indignes de ce parlement. Par ailleurs, pour ceux qui veulent réfléchir en termes économiques, même de ce point de vue là, cela n'a aucun sens, puisque finalement, il y a une perte incommensurable, pour les assurances sociales ainsi que pour le fisc genevois. On nous a dit tout à l'heure que c'était se tirer une balle dans le pied, mais considérez que les personnes qui aspirent à une régularisation ne demandent peut-être rien d'autre que de pouvoir cotiser aux assurances sociales ou de payer des impôts ! Ce serait pour elles le viatique qui enfin leur garantit un statut légal ! C'est de cela qu'il s'agit. Et pour éviter le déni de droit que constitue cette situation, nous appelons à accepter cette motion.

Nous aussi, nous aurions souhaité qu'elle soit acceptée aujourd'hui sur le siège. Si un certain nombre de gens estiment qu'il faut y consacrer plus d'attention, nous ferons cette concession et accepterons le renvoi en commission, mais nous vous engageons véritablement à soutenir cette motion parce qu'elle relève simplement du respect des droits humains. Je vous remercie de votre attention. (Quelques applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Lionel Halpérin, à qui il reste quarante-cinq secondes.

M. Lionel Halpérin (PLR). Merci, Monsieur le président. Je serai bref. Je voulais d'abord montrer qu'il peut y avoir aussi des hommes qui appuient et qui soutiennent l'économie domestique, et pas uniquement des femmes. Je tenais à le dire. Nous sommes confrontés à un problème réel, qui a d'ailleurs été empoigné il y a un certain nombre d'années par une femme libérale, Martine Brunschwig Graf. Il convient de soutenir toute solution qui pourrait être apportée à cette problématique, parce qu'il n'est pas normal qu'autant de femmes, principalement, et des hommes aussi, se retrouvent en situation illégale dans le cadre de l'économie domestique, non pas parce que les employeurs le veulent, ni parce qu'elles le veulent elles-mêmes, mais parce que la situation fait qu'elles n'obtiennent pas les permis qu'il faudrait pour pouvoir exercer ces activités.

Le président. Il vous faut conclure.

M. Lionel Halpérin. Cela signifie qu'il faut travailler pour trouver des solutions. Le renvoi en commission permettra d'examiner un certain nombre de solutions, qui devront ensuite être débattues au niveau fédéral.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme la députée Anne Marie von Arx-Vernon, à qui il reste deux minutes.

Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Merci, Monsieur le président, je serai très brève, je n'aurai pas besoin de deux minutes. Je veux remercier les groupes qui ont accepté de renvoyer la motion à la commission de l'économie, où il y aura la possibilité de procéder à des démonstrations, par exemple pour éviter la crainte évoquée d'un appel d'air. Non, il n'y aura pas d'appel d'air, tout simplement parce que lorsqu'il y a saturation dans un domaine et que suffisamment de personnes peuvent remplir ces tâches - des personnes qui sont déjà là, parfois depuis trois générations, comme l'a dit ma collègue - il n'y a pas de risque d'appel d'air, parce qu'au bout d'un moment, il n'y a plus de travail pour d'autres. On pourra en faire la démonstration. On pourra aussi démontrer que soutenir ce type de motion et en dégager la régularisation de ces personnes qui travaillent déjà à Genève, c'est aussi un moyen de lutter contre le dumping salarial. Tout ce travail a donc son sens, et je vous remercie infiniment de renvoyer cette motion à la commission de l'économie.

M. Marc Falquet (UDC). Mesdames et Messieurs, je suis assez d'accord sur le fait qu'il faut étudier au cas par cas les conditions de ces gens, qui sont souvent là depuis des années, qui paient des impôts et qui se font exploiter, ou sont victimes d'usure dans des sous-locations, souvent par des gens de la même communauté qu'eux. (Brouhaha.) Mais le travail au noir est-il une nécessité ? Non ! Le travail au noir n'est pas une nécessité.

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Marc Falquet. De très nombreuses personnes qui ont des permis de séjour ne trouvent plus de travail dans l'économie domestique parce qu'ils sont concurrencés par des gens sans autorisation de séjour. Il ne faut pas l'oublier. Le travail au noir n'a aucune vertu...

Le président. Il vous faut conclure.

M. Marc Falquet. ...et l'Etat doit absolument lutter contre, c'est indispensable.

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Le sujet traité dans cette motion est grave, il touche des personnes que nous côtoyons tous les jours, sans forcément nous en rendre compte. Certaines d'entre elles, on l'a dit, font partie de fait de notre communauté depuis des années, et nous avons une responsabilité vis-à-vis d'elles. J'ai entendu de ce côté-ci de l'hémicycle... (L'orateur désigne les bancs de droite.) ...des choses parfaitement fondées, réfléchies, sensées à divers titres; à commencer par celles qu'on vient d'entendre sur le travail au noir. Le travail au noir est un vrai problème, et le combattre aujourd'hui passe par une prise en compte de la réalité du phénomène décrit dans cette motion.

Puisque le renvoi en commission représente la proposition intelligente, le Conseil d'Etat unanime - ses sept membres, après avoir parlé à plusieurs reprises de cette thématique - souhaiterait que, de façon unanime, ce parlement renvoie sans préjugé cette motion en commission. De cette manière, nous pourrons vous expliquer notre point de vue, nous qui traitons cela quasiment au quotidien: je dépose personnellement chaque année environ 150 dossiers de demandes de régularisation. Il faut savoir que nous avons un taux d'acceptation de l'ordre de 80%, donc 120 dossiers par année, c'est un record en Suisse, mais c'est une goutte d'eau sur l'ensemble de ce que cela représente. Ainsi, nous aimerions pouvoir vous expliquer, vous montrer, vous parler de cette réalité, parce que ces gens, ils existent ! Ils ont une vie ici ! Certains d'entre eux - pas beaucoup, Dieu merci, mais chaque cas de ce type est un cas de trop - sont victimes de traite d'êtres humains. Je sais que vous y êtes sensibles. Je sais que, tous partis confondus, notamment à la commission des Droits de l'Homme, vous êtes capables d'en parler, et d'en parler posément, mais, précisément, hors de l'enceinte publique: en commission.

Alors l'appel que le Conseil d'Etat vous adresse ce soir, pour en avoir parlé, tous les sept, c'est de vous demander de renvoyer ce texte en commission, pour que l'on puisse détailler, expliquer la réalité de cette situation. Qu'on puisse, par exemple, sur la question des chèques-service, expliquer en quoi ce que vous décriviez n'est pas exact, et en quoi précisément les employeurs ont une responsabilité qu'ils aimeraient pouvoir prendre davantage - plus que les employés, qui sollicitent rarement, disons-le franchement, les chèques-service. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, nous vous invitons à faire corps pour renvoyer cette motion en commission, qu'on puisse vous décrire cette situation posément et qu'ensuite, vous puissiez juger ce qu'il faut nous demander de faire. Merci de votre attention.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Je fais voter l'assemblée sur le renvoi de cette motion à la commission de l'économie.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2192 à la commission de l'économie est adopté par 93 oui contre 1 non et 1 abstention.