République et canton de Genève

Grand Conseil

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P 1920-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition pour que le règlement universitaire au sein de l'IUFE soit respecté; pour que la loi sur l'instruction publique soit respectée; pour que les inégalités de traitement cessent et pour un concours avec des critères transparents; pour qu'il n'y ait plus d'inégalités de traitement entre le public et le privé quant à l'admission/concours des étudiants
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 12, 13 et 19 mars 2015.
Rapport de M. Jean Romain (PLR)

Débat

Le président. Nous abordons le point suivant, soit la P 1920-A, et je laisse la parole au rapporteur, M. Jean Romain.

M. Jean Romain (PLR), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Le titre de cette pétition est assez éloquent et pointe du doigt l'ampleur des dysfonctionnements à l'IUFE. Cette pétition a pour mérite de mettre l'accent sur le protocole d'accord que nous avons découvert entre l'Etat et les écoles privées. Suite à cette pétition ont eu lieu deux saisines de la Cour des comptes. Si la Cour des comptes fait des recommandations, nous les lirons, mais elles engloberont vraisemblablement aussi l'IUFE primaire. Il est temps, chers collègues, de refaire l'école, c'est-à-dire de refonder l'IUFE secondaire et l'IUFE primaire, comme l'a clairement signifié hier soir le Grand Conseil. C'est pourquoi la majorité de la commission des pétitions, à deux abstentions près, vous recommande de renvoyer ce texte au Conseil d'Etat, notamment pour que lumière soit faite en ce qui concerne le rôle des écoles privées dans le cadre de ce protocole. On se réjouit d'avoir la réponse du département. Je vous remercie.

M. Jean-François Girardet (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, il y a effectivement de quoi être surpris à la réception de cette pétition, surpris par l'ampleur des dégâts au sein de l'IUFE et de la formation des enseignants du secondaire. Beaucoup d'erreurs ont été dénoncées, notamment quant à l'addition des points pour l'attribution de stages. Il y a également eu des exclusions de candidats aux stages, stages pourtant indispensables à l'obtention des résultats, justement en raison de scores non atteints. A noter aussi de mauvais classements suite à des erreurs s'agissant de l'enseignement de la biologie: après vérification, un candidat qui était au départ classé 13e a pu rejoindre les enseignants autorisés à enseigner la biologie. Mais le gros du dysfonctionnement concerne les privilèges accordés à des candidats provenant d'écoles privées, à savoir que certains peuvent intégrer l'institut sans avoir à passer le concours d'entrée. Ce manque de transparence et d'information a été communiqué à la cheffe du département, qui en a pris acte et fera vraisemblablement tout le nécessaire pour remettre de l'ordre au sein de l'IUFE, et nous l'encourageons dans cette voie en lui renvoyant cette pétition de manière unanime. Le Conseil d'Etat doit prendre en compte ces dysfonctionnements et y remédier le plus rapidement possible. Je vous remercie.

M. Thomas Bläsi (UDC). Chers collègues, s'agissant de cette pétition, le groupe UDC sera très attentif à la réponse du Conseil d'Etat. Nous attendons en effet une réponse claire quant à la légalité du protocole d'accord avec les écoles privées signé par l'ancien conseiller d'Etat M. Charles Beer, ainsi que des explications sur les transferts d'argent qui ont eu lieu entre l'IUFE et l'Ecole Moser. L'UDC portera toute l'attention nécessaire à la suite du traitement de cette pétition. Merci, Monsieur le président.

M. Christian Frey (S). Comme nous sommes aux extraits, je suis un peu étonné qu'on reprenne la discussion sur ce sujet puisque nous l'avons déjà abondamment traité hier. Le groupe socialiste ne s'oppose pas du tout au renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat. Je pense que la discussion d'hier a montré qu'il y a des choses à revoir, et la présidente du département est d'ailleurs tout à fait d'accord avec cela - elle a même déjà commencé à revoir les choses. Je tenais juste, une fois encore, à nuancer un peu les propos tenus dans le cadre de l'étude de cette pétition: nous avons entendu Mme Mili, directrice de l'IUFE, ainsi que M. Schneuwly, son ancien directeur, lesquels nous ont tout de même montré que certaines erreurs et accusations étaient infondées, en particulier s'agissant de la transmission du rapport au département ainsi que des chiffres évoqués quant aux bénéfices que ferait l'IUFE sur chaque étudiant venant du privé. Pour être bref et ne pas refaire la discussion d'hier, le groupe socialiste accepte et vous propose le renvoi de cette pétition à la cheffe du département de l'instruction publique.

Mme Sarah Klopmann (Ve). Les Verts sont ravis que la magistrate entame une réorganisation de l'IUFE. C'est dommage qu'il ne puisse pas y avoir de rentrée cette année, mais si c'est le temps qu'il faut pour réorganiser correctement cet institut, je pense que c'est un bien, et il vaut mieux reporter la rentrée d'une voire de deux années que devoir interrompre des cursus en cours de route, comme c'est souvent le cas actuellement à cause du manque de places de stage. Les critiques formulées dans cette pétition sont légitimes: il y a eu de mauvais comptages, ce qui est quand même assez dramatique puisque des personnes se sont retrouvées lésées suite à cela. Heureusement, la situation a pu ensuite être réglée. On a également soulevé la question de l'inégalité de traitement entre les écoles publiques et privées.

Je regrette tout de même que le rapporteur ait résumé mes propos de manière aussi radicale et limitée... (Exclamations.) J'ai soulevé quantité de problèmes mais il n'en ressort qu'une seule phrase dans le rapport - en gras qui plus est ! - ce qui est dommage. Oui, il y a des problèmes à l'IUFE, je ne le nie absolument pas. Contrairement à ce qu'a mentionné M. Frey, je le dis et le redis: ce n'est pas parce que les dirigeants de l'IUFE considèrent qu'il n'y a pas de problème que c'est vrai. Je pense qu'il faut plutôt entendre les personnes qui suivent cette formation et les écouter quand elles nous disent qu'il y a des problèmes.

Les problèmes sont d'ordre administratif - organisation et places de stage - mais concernent aussi l'égalité de traitement et l'enseignement. La plupart des personnes qui suivent cette formation sont en effet assez déçues voire découragées par l'enseignement pédagogique donné sachant que bien souvent, elles enseignent déjà depuis de nombreuses années. On leur fait faire des résumés, puis des résumés de résumés, et on se met ensuite en groupe pour résumer à nouveau le résumé des autres camarades; je pense que c'est un peu léger ! Cette mauvaise organisation a en outre des conséquences assez graves sur la vie des gens: ils enseignent, ont des familles à charge, doivent suivre cette formation pour pouvoir continuer à enseigner, et tout à coup, celle-ci est stoppée parce que le problème du nombre de places de stage n'est pas encore réglé, et ils se retrouvent sans rien ! Nous ne pouvons pas accepter cela dans le cadre de l'université à Genève. Pour ne pas continuer à jouer avec la vie des gens et régler tous les problèmes de cette formation qu'il faut réorganiser, et non pas supprimer, nous soutenons pleinement la magistrate et nous réjouissons de l'entendre.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, si cette pétition soulève des problèmes réels, il est tout de même apparu au cours des auditions que certains traits avaient été forcés et qu'il y avait une volonté à la fois de la nouvelle direction de l'IUFE et de la conseillère d'Etat en charge du département de corriger ces erreurs, de faire en sorte que les dysfonctionnements ne se représentent plus à l'avenir et que le système fonctionne correctement. Nous avons été interpellés par les termes de la convention et, aujourd'hui encore, nous nous interrogeons sur la finalité de cette convention. Nous avons bien compris qu'elle représente un certain intérêt pour les écoles privées et met à niveau la formation des enseignants, mais nous nous interrogeons sur les conséquences potentielles qu'elle pourrait avoir à l'avenir, notamment en termes de subventionnement des institutions privées. Pour nous, cela reste une inquiétude et c'est pourquoi nous sommes également favorables au renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat, à la fois pour corriger les problématiques révélées par cette pétition et veiller à ce qu'elles ne se renouvellent plus, mais également pour s'assurer que la convention de collaboration qui a été signée ne nous entraîne pas plus loin qu'il n'a été admis. Je vous remercie de votre attention.

M. Jean-Luc Forni (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, si les journaux se font d'habitude l'écho de l'excellente qualité de l'Université de Genève quant à sa recherche et à son enseignement - elle tient d'ailleurs les meilleurs classements dans toutes les échelles de qualité que l'on peut trouver - il y a malheureusement une structure qui détonne régulièrement dans ce registre, c'est l'Institut universitaire de formation des enseignants. D'abord taxés d'erreurs de jeunesse, ces dysfonctionnements tendent un peu à la chronicité, et la pétition relate des faits que je ne répéterai pas mais qui illustrent à nouveau des problèmes préoccupants, on ne peut que le constater. C'est pourquoi le groupe démocrate-chrétien soutiendra lui aussi le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat afin que Mme Emery-Torracinta puisse mettre bon ordre dans cette institution et aller dans le sens de la décision courageuse qu'elle a déjà prise, à savoir d'en supprimer la rentrée 2016. Mesdames et Messieurs, je crois que la population genevoise est en droit d'attendre un enseignement de qualité dans les écoles et, pour ce faire, il faut que l'enseignement délivré aux enseignants soit aussi de qualité. Aussi espérons-nous que les mesures qui seront prises permettront de transmettre l'héritage de Jean Piaget à la postérité. Je vous remercie.

Une voix. Très bien ! (Quelques applaudissements.)

Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat accueille avec satisfaction le vote de votre commission, qui montre votre préoccupation légitime quant à ce qui se passe à l'IUFE. Nous n'allons pas refaire tout le débat de la formation des enseignants; j'aimerais juste donner une petite précision à Mme Klopmann, puis je détaillerai la question des écoles privées dont nous n'avons pas encore véritablement eu l'occasion de parler ici.

S'agissant de la rentrée prochaine, je regrette autant que vous que nous devions la supprimer, mais c'est là le seul moyen pour permettre aux gens qui ont déjà fait leur première année de formation mais n'ont pas trouvé de stage en école d'en obtenir un, tant que faire se peut - nous n'allons peut-être même pas y arriver en une année. De toute façon, si la première année avait été ouverte, elle ne l'aurait été que pour les branches comme les mathématiques, l'allemand ou la physique, où les besoins sont avérés, et pas pour les autres branches. Si, dans ces disciplines-là, des besoins concrets se faisaient sentir dans les écoles, nous prendrions exceptionnellement des suppléants pendant une année, sachant que l'année suivante, lorsque le système sera à nouveau mis en place, ceux-ci pourront valider leurs acquis et bénéficier d'une formation pédagogique un peu plus courte. C'est, si vous voulez, le moins mauvais système qui nous permet d'assurer une rentrée correcte pour tout le monde.

Qu'en est-il des écoles privées ? En juillet 2013, l'ancien conseiller d'Etat en charge du DIP a signé un protocole d'accord avec les écoles privées du canton, représentées par l'Association genevoise des écoles privées. En effet, certaines d'entre elles souhaitaient depuis de nombreuses années déjà obtenir, comme c'est le cas dans d'autres cantons, une reconnaissance de la maturité qu'elles délivrent. Pendant longtemps, tant M. Beer que précédemment Mme Brunschwig Graf s'étaient opposés à toute entrée en matière sur ce sujet. Mais pour des raisons que j'ignore du reste, M. Beer a finalement accepté de signer ce protocole d'accord, qui engage le département. Il faut que vous en soyez conscients: ce protocole engage le département ! Il permet aux écoles privées, moyennant un certain nombre de conditions, d'obtenir une reconnaissance. De quel type de conditions parle-t-on et comment cela se passe-t-il ? Tout d'abord, ces écoles doivent obtenir une reconnaissance provisoire du canton, qui se fonde essentiellement sur des aspects techniques. On examine la grille horaire: respecte-t-elle l'ordonnance fédérale sur la reconnaissance des certificats de maturité gymnasiale ? On compte le nombre d'heures de cours délivrées: correspond-il au pourcentage requis sur le plan fédéral ? Enfin - et c'est le point qui vous concerne aujourd'hui - on détermine si les enseignants sont formés conformément à ce qu'on attend d'enseignants formés dans le public. Dans le fond, obtenir cette reconnaissance cantonale provisoire avant que ne s'enclenche le processus fédéral est relativement facile: il ne s'agit pas vraiment de contenu ni de qualité des cours mais surtout de contenant et de grille horaire.

Très rapidement, une première école - l'Ecole Moser, en l'occurrence - a obtenu la reconnaissance cantonale et, conformément au protocole d'accord, s'est engagée à former ses enseignants puisqu'ils n'avaient pas suivi le processus de formation public; c'est pourquoi cette question s'est posée à l'IUFE. Mais voici où le bât blesse et où il y a eu inégalité de traitement: d'une part, seule l'Ecole Moser pouvait envoyer ses enseignants se former à l'université puisqu'elle seule avait obtenu la reconnaissance cantonale avant la rentrée scolaire 2014. Or j'ai découvert il n'y a pas très longtemps, en demandant la liste des personnes provenant d'écoles privées formées à l'IUFE, que certaines d'entre elles venaient d'une autre école, en l'occurrence de l'Institut Florimont, lequel n'avait pas obtenu de reconnaissance cantonale au début de la rentrée scolaire dernière. Nous avons donc déjà là un problème d'inégalité de traitement et de non-respect du protocole, c'est-à-dire que la charrue a été mise avant les boeufs.

D'autre part, vous avez maintenant compris comment fonctionne le système de formation dans le secondaire: il y a une année relativement théorique et académique à l'université suivie d'une année en responsabilité dans une école. Tout le problème est là, à savoir qu'il faut, après cette première année, trouver un stage dans une école. Et que s'est-il passé avec les candidats venant des écoles privées ? Comme ils avaient souvent une très longue expérience d'enseignement - pour beaucoup d'entre eux, ils sont sans doute de très bons enseignants - ils ont obtenu ce qu'on appelle la validation des acquis de l'expérience. Mais ce qui est un peu particulier, c'est qu'ils ont tous obtenu le droit d'entrer directement en deuxième année. N'est-ce pas un peu paradoxal ? Pour simplifier, la première année est théorique, la seconde pratique. Or ces enseignants avaient une grande expérience pratique alors que ce qui leur aurait peut-être justement manqué, c'est la partie didactique. Il est tout de même étonnant de constater un peu par hasard que tout le monde a eu le même type de validation des acquis de l'expérience et est passé directement en deuxième année. S'il s'était agi d'enseignants de mathématiques, de physique ou d'allemand, c'est-à-dire de branches où les besoins sont avérés, il n'y aurait pas eu inégalité de traitement avec les enseignants qui cherchent dans le public. Mais il y a du coup des enseignants de biologie, d'arts visuels ou d'histoire venant d'écoles privées qui sont en formation alors que d'autres personnes ayant réussi leur première année de formation à l'IUFE et se destinant à l'enseignement public n'ont pas trouvé de place de stage ! Or l'IUFE ne délivre pas de titre différent selon qu'on vienne du privé ou du public. Cela signifie que les enseignants venant du privé que je viens de mentionner devraient théoriquement, d'ici quelques mois, obtenir le diplôme qui leur permet d'enseigner, y compris dans l'enseignement public, alors que d'autres personnes ayant réussi leur première année n'ont pas trouvé de stage dans le public. Assurément, il y a inégalité de traitement.

Maintenant, comment s'en sortir juridiquement ? C'est extrêmement compliqué, en tout cas pour l'Ecole Moser. En effet, celle-ci a respecté le protocole, tout comme l'institut. Bien sûr, on peut discuter de ce protocole; personnellement, il me heurte sur bien des points mais le conseiller d'Etat de l'époque l'a signé, donc on peut dire qu'il a été respecté. Il l'a moins été dans le cas des autres écoles privées dont les enseignants sont aujourd'hui en cours de formation. Pour l'instant, je n'ai donc pas de réponse concrète à vous donner parce que d'un point de vue juridique, c'est un imbroglio extrêmement complexe. J'ai demandé des explications à l'université sur la façon dont s'est faite la validation des acquis de l'expérience et quels étaient les critères, parce qu'il y a des critères assez particuliers. En l'état, je n'ai pas encore reçu de réponse. J'attends donc une réponse pour voir ce qu'on peut faire avec les services juridiques du DIP et rencontrer les écoles privées qui n'ont pas forcément fait preuve de malice dans cette histoire mais ont simplement signé un accord, demandent le respect de cet accord et attendent, à juste titre, que le DIP se prononce. Je suis donc dans une période d'attente. Tant que je n'ai pas de réponse concrète de l'université, je ne peux pas indiquer précisément aux écoles privées de quoi il retourne. En ce qui me concerne, je souhaiterais qu'on puisse rediscuter de ce protocole, qui me semble bien léger pour obtenir une reconnaissance provisoire avant que la Confédération ne s'en mêle. C'est quand même le département de l'instruction publique qui porte la demande à Berne, et il ne doit la porter que s'il est convaincu de la qualité de ce qui s'enseigne dans les écoles en question.

Voilà, Mesdames et Messieurs, pour l'essentiel. S'agissant des questions financières, je ne me prononcerai pas. Je pense qu'il n'y a probablement rien de particulier, mais la Cour des comptes a été chargée de s'en occuper; c'est elle qui sera en charge de faire toute la lumière, si lumière doit être faite. Au fond, je vous remercie de m'envoyer cette pétition. Je ne sais pas encore quand je vous répondrai, mais je le ferai bien volontiers dès que j'aurai en ma possession les éléments pour le faire. Je vous remercie de votre attention.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à vous prononcer sur les conclusions de ce rapport, soit le renvoi au Conseil d'Etat.

Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (renvoi de la pétition 1920 au Conseil d'Etat) sont adoptées par 78 oui et 1 abstention.