République et canton de Genève

Grand Conseil

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P 1882-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier la pétition : Ensemble contre la pauvreté : 0,7% du budget cantonal - une goutte pour un monde solidaire
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XIII des 13 et 14 novembre 2014.
Rapport de majorité de M. François Baertschi (MCG)
Rapport de minorité de M. Michel Ducommun (EAG)

Débat

Le président. Voici venu le dernier objet de notre séance, à savoir la P 1882-A. Le rapporteur de minorité, M. Michel Ducommun, est remplacé par M. Pierre Vanek, et je cède tout de suite la parole au rapporteur de majorité, M. François Baertschi.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. D'emblée, je vais reconnaître que la pétition 1882 pose de bonnes questions. Cependant, elle les formule d'une manière qui n'a pas convenu à la majorité de la commission des finances, ce qui explique d'ailleurs la longueur de nos débats mais également le fait que nous demandions son dépôt sur le bureau du Grand Conseil. Voici tout d'abord un élément factuel: Genève fait un effort considérable pour l'aide au développement et verse actuellement 16,9 millions - ce sont les chiffres de 2012. Le canton de Vaud ne verse que 1,6 million et celui de Neuchâtel 200 000 F, et je vous épargne tous les autres cantons de Suisse qui, eux, versent des sommes ridicules par rapport à Genève. Il faut savoir que, en dépit de cet effort considérable - surtout en comparaison intercantonale - on arrive actuellement au chiffre de 0,23% du budget. Alors il est évident que Genève doit donner davantage que les autres cantons - c'est une place internationale, il faut montrer l'exemple - mais le taux de 0,7% n'a jamais été atteint, jamais ! On en a toujours été aussi éloigné qu'on l'est actuellement, ce qui signifie que ce Grand Conseil a, il y a près de vingt ans, voté une loi qu'il n'a jamais respectée. C'est en cela que la pétition pose une bonne question, et c'est pour cela que la commission des finances a fait un nombre considérable d'auditions, de recherches, de débats. Nous avons essayé d'avoir le maximum d'éléments. Or le problème réside surtout dans la façon dont la loi est formulée, puisqu'elle préconise que 0,7% du budget annuel de fonctionnement de l'Etat de Genève devrait être consacré à la solidarité internationale...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. François Baertschi. Ecoutez, je crois que je n'arriverai pas jusqu'au bout, je suis un peu lent. Le problème, c'est...

Le président. Est-ce que vous voulez prendre sur le temps de votre groupe ?

M. François Baertschi. Le problème, c'est qu'on ne sait pas exactement en quoi consiste cette solidarité internationale: on n'arrive pas à en définir le concept, on fait une confusion entre solidarité internationale et aide au tiers monde, qui sont deux choses différentes. La commission n'a donc pas été à même de savoir si nous remplissions les conditions de la loi ou non, ce malgré tous les renseignements qui nous ont été donnés par le département.

Le second élément important qui a valu la demande du dépôt, c'est qu'on se trouve là face à un tiers-mondisme un peu absurde qui voudrait que l'on sauve la planète avec cette contribution genevoise, ce qui est bien évidemment une pure utopie et ne correspond pas à la réalité. Il y a ainsi eu beaucoup de malaise autour de cette pétition, et je regrette d'ailleurs, comme l'avait fait M. Michel Ducommun, que l'on ne puisse pas avoir un débat libre et donc un peu plus approfondi sur le sujet. Or il se trouve que nous ne voulions pas que ça ait lieu dans un, deux ou trois ans, il fallait vraiment que la question soit examinée rapidement. Voilà pourquoi nous avions accepté ce type de débat, mais je regrette vraiment très sincèrement et je trouve dommage - le rapporteur de minorité, M. Vanek, me suivra, je pense, sur ce point-là, peut-être pas sur les autres, mais sur celui-là en tout cas - qu'on n'arrive pas à faire un vrai débat sur ce sujet. Je vous remercie, Monsieur le président.

M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de minorité ad interim. Non, Monsieur Baertschi, je ne vous suivrai pas. Je trouve que les explications que vous nous avez fournies à l'instant sont un peu embrouillées et vaseuses. Vous nous dites... Enfin, excusez-moi de m'adresser directement à vous, je m'adresse en fait à l'assemblée et au président. Disons donc plutôt que j'entends de la part du rapporteur de majorité qu'il a fallu que la commission se penche de très nombreuses heures sur cette question, que la loi est mal fichue, qu'elle est inapplicable, qu'on ne sait au demeurant pas très bien comment il faudrait l'appliquer, que, pour le surplus, on fait des efforts supérieurs à ceux des autres cantons, que de toute façon nous sommes un petit canton et que ça ne sert donc à rien de faire grand-chose. Selon son rapport, que je cite, il serait «matériellement impossible pour un petit canton d'un peu plus de 400 000 habitants, quel que soit l'effort fourni», de contribuer à réduire les inégalités planétaires, et ce serait un tiers-mondisme absurde que de tenter de le faire. Tout cela est problématique.

La pétition est pourtant d'une simplicité évangélique: une loi a été votée en 2001, qui demande que le canton de Genève consacre 0,7% de son budget annuel de fonctionnement à la solidarité internationale. Alors on peut discuter sur les éléments qui sont injectés dans cette rubrique pour savoir ce qu'on atteint, certes. Mais mon adversaire a articulé le chiffre de 0,23%; quoi qu'il en soit, on est bien en deçà de ce que prévoit la loi ! Maintenant, plus de 10 000 citoyens et habitants - avec 3000 signatures supplémentaires sous forme électronique - c'est-à-dire un nombre de signataires équivalent à celui nécessaire à une initiative cantonale, demandent très modestement qu'on applique la loi. Et on vient ici nous servir des explications extrêmement embrouillées en disant qu'on ne peut pas appliquer cette loi et que, même si on devait l'appliquer, cela ne servirait pas à grand-chose ! Mesdames et Messieurs, si c'est l'opinion de la majorité et du Mouvement Citoyens Genevois, qui est représenté par mon honorable adversaire, alors il faut changer la loi ! Il faut la changer, et il ne faut pas venir en prétendant que cette pétition doit être déposée sur le bureau du Grand Conseil, c'est-à-dire mise dans un tiroir; il faut la renvoyer au Conseil d'Etat en lui disant: «Empoignez ce problème, le cas échéant changez la loi !» Ou alors il faut venir avec une proposition de changement de loi, mais il est absurde de considérer qu'il n'y a rien à faire et qu'il est urgent, après que la commission a consacré je ne sais combien de séances - en tout cas un nombre considérable - à cet objet, de déposer le dossier sur le bureau du Grand Conseil, qui n'en fera rien !

Pour ma part, je défends bien entendu le rapport de Michel Ducommun, je défends les 14 000 personnes qui ont signé cette pétition et je défends surtout le respect de la loi. Michel Ducommun, dans son rapport, indique le caractère insupportable de la situation à l'échelle internationale, mentionne que l'aide aux pays en développement à l'échelle mondiale est de l'ordre de 115 milliards de dollars par an, mais que la différence entre les capitaux qui passent du Sud au Nord et ceux qui vont dans le sens inverse est en moyenne de plus de 500 milliards de dollars par an depuis 2005. Il y a donc une situation insoutenable, sur laquelle les pétitionnaires mettent le doigt: plus d'un milliard de personnes dans le monde vivent dans une extrême pauvreté et ne peuvent répondre à leurs besoins vitaux - eau, alimentation, santé, logement, éducation. Ce qui est dit dans la pétition, ce n'est pas que Genève doit sauver le monde à elle toute seule, ce n'est pas indiqué que nous devons réduire les inégalités planétaires à nous tout seuls, mais simplement que nous devons avoir une posture qui est de contribuer à réduire ces inégalités planétaires à hauteur d'un montant qui a fait l'objet de débats dans cette salle et qui a été incarné dans une loi.

Mesdames et Messieurs, vous ne pouvez pas dire ici qu'on a une loi votée en 2001 mais qu'il ne serait pas sérieux d'envisager d'appliquer. Si c'est votre position, si vous pensez qu'on ne devrait pas aller dans ce sens, si vous soutenez que c'est du tiers-mondisme absurde que d'aller dans ce sens, alors il faut changer la loi. En attendant, Mesdames et Messieurs, quand 14 000 personnes disent qu'il faut appliquer la loi, la seule réponse à donner - nous avons tous fait le serment, dans cette salle, d'appliquer la constitution et les lois - est la suivante: «Oui, bien sûr, vous avez raison, il faut appliquer la loi.» Et qui est chargé de mettre en oeuvre et d'appliquer les lois dans ce canton ? C'est le Conseil d'Etat, le bras exécutif de ce parlement, censé veiller à ce que les lois soient appliquées. La moindre des choses, quand des milliers de citoyens signent une pétition, c'est de la renvoyer au Conseil d'Etat et de lui dire: «Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat, qu'en est-il, où en sommes-nous, que faites-vous, que proposez-vous, allez-vous prendre des mesures pour appliquer cette loi ? Et si vous pensez que la loi est inadéquate, allez-vous proposer de la modifier ?»

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Pierre Vanek. Merci, Monsieur le président. C'est la seule attitude un tant soit peu conséquente. Encore une fois, Genève a des obligations d'exemplarité en matière de solidarité internationale, nous ne les remplissons pas et le signal donné par le dépôt poli de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil - ce qui signifie en réalité...

Le président. Dix secondes !

M. Pierre Vanek. ...un dépôt dans une corbeille à papier - serait inacceptable. Je vous demande donc de voter le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat.

Mme Sarah Klopmann (Ve). Vous me trouverez sans doute ridiculement naïve, mais je continue à ne pas trouver normal que certaines personnes, juste parce qu'elles ont eu la chance de naître là où la vie était plus facile, aient tout alors que d'autres n'ont rien. Certains essaient toujours d'attribuer cela à un quelconque mérite hypothétique, mais ce n'est pas vrai: c'est un coup du hasard. En commission, il a été soulevé que certaines prestations existant déjà n'étaient pas considérées comme faisant partie de ce budget pour la solidarité internationale alors qu'elles devraient l'être. Cela reste à prouver, mais si c'est là le problème, corrigeons-le au lieu de refuser cette pétition !

Un autre problème est qu'il y a toujours beaucoup trop de bureaucratie, qu'on demande toujours trop de paperasse et d'administration à toutes les associations qui pourraient monter des projets, et cela absorbe un budget conséquent qui pourrait, ou plutôt devrait être alloué à l'aide au développement. Nous devrions donc être plus imaginatifs. La façon dont nous allouons ces budgets est peut-être passéiste mais le principe même, lui, ne l'est pas. Il faudrait améliorer la coordination entre les différentes politiques publiques ainsi qu'entre les différentes entités, mais cela n'est pas fait. Si le timing est considéré par certains comme mauvais, il le sera toujours, et il faudrait que nous respections la loi maintenant. Je vous rassure: en allouant 0,7% de notre budget, nous resterons toujours riches, très riches, car le problème à Genève, ce n'est pas le manque d'argent mais la façon dont nous l'utilisons. Les Verts vous proposent donc de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.

M. Bertrand Buchs (PDC). Le parti démocrate-chrétien va demander le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat. Pourquoi ? En 2001, c'est le parti démocrate-chrétien qui a été à l'origine de la loi, avec M. Marti, décédé l'année dernière, et M. Lamprecht. Cette loi a été votée, mais n'a jamais été appliquée. On a voté une loi, on a voté un symbole et un principe. Le symbole, c'est de faire un effort de 0,7% pour aider des gens qui n'ont pas de moyens. C'est là quelque chose d'assez extraordinaire. Alors il s'agit bien sûr d'une petite somme: un taux de 0,7%, ce n'est rien du tout. Mais quand on vote une loi et qu'on dit qu'on va faire cet effort-là, qui est tout de même minime sur l'ensemble d'un budget, particulièrement celui de l'Etat de Genève, on devrait s'y tenir. Or, malheureusement, on ne s'y tient pas et, comme l'a très bien dit Mme Klopmann, on invente toutes les raisons possibles et imaginables pour ne jamais atteindre ce pourcentage. Je trouve que ce n'est pas normal. La situation actuelle est peut-être encore pire que celle de 2001, et on doit ce minimum qu'est 0,7%, c'est un effort que doit faire la population genevoise pour aider les gens qui n'ont pas la chance que nous avons de vivre à Genève. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)

M. Alberto Velasco (S). Permettez-moi juste, Monsieur le président, une petite digression par rapport au sujet. Quand il vous a présenté pour la présidence hier, votre chef de groupe a dit: «Nous présentons un vrai Genevois.» J'espère que vous considérez que, moi aussi, je suis un vrai Genevois...

Le président. Bien entendu !

M. Alberto Velasco. ...de même que mes collègues qui sont d'autres origines ! (Quelques applaudissements.) Ceci dit, Monsieur Baertschi - permettez que je m'adresse directement à lui, Monsieur le président - vous dites qu'il n'y a pas de définition de la solidarité internationale. Eh bien, mon collègue Romain de Sainte Marie et moi-même l'avons trouvée ! En 1972, l'Assemblée générale des Nations Unies demandait aux pays les plus riches de consacrer 0,7% à la coopération et au développement. Mais il s'agissait de 0,7% du produit intérieur brut ! A Genève, le 0,7% s'applique au budget de fonctionnement, Monsieur, au budget de fonctionnement ! Le produit intérieur brut de Genève, c'est 41 ou 44 milliards, vous voyez ? Imaginez qu'il soit demandé que ce pourcentage se réfère au produit intérieur brut de Genève. Nous, on l'a fait par rapport à 7 milliards, ce qui est déjà sept fois moins que ce que l'ONU demandait.

Deuxièmement, Monsieur Baertschi, je tiens à vous dire qu'il y a quand même 1% des habitants de cette planète qui possèdent 50% de la richesse de celle-ci, et je pense que la Suisse figure parmi ce 1%. Quand on voit l'état de l'Afrique, quand on voit les problèmes que nous vivons à l'heure actuelle, quand on voit la situation dans certains pays du Sud... Franchement, consacrer une petite part de notre revenu, qu'est-ce que c'est ? Ensuite - je vais finir par là, Monsieur - beaucoup de ces projets profitent à la Suisse parce qu'il s'agit parfois d'équipements ou de personnes suisses qui sont envoyés sur place. Il y a donc aussi une relation économique; il ne faut pas croire que ce 0,7% est économiquement perdu, c'est faux. Par conséquent, M. Vanek a raison. A l'époque, le PDC... C'était d'ailleurs un projet du PDC, c'était une proposition du PDC qui avait fait l'unanimité de ce parlement ! Il y a donc une espèce de parjure de ce parlement dans le fait de ne pas appliquer ce qu'il avait voté...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Alberto Velasco. Merci, Monsieur le président. ...de manière totalement unanime; personne n'avait refusé, tout le monde était acquis à cela. Je demande ainsi que cette pétition soit logiquement renvoyée au Conseil d'Etat puisque la loi n'a toujours pas été modifiée et qu'aucun vote n'est intervenu par rapport aux chiffres votés à l'époque à l'unanimité.

M. Frédéric Hohl (PLR). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, n'oublions tout de même pas que nous avons à peu près 13 milliards de dette ! Genève n'a pas à rougir de l'aide qu'elle apporte à la solidarité internationale. A la commission des finances, nous avons travaillé sérieusement pour essayer de trouver, entre la droite et la gauche, une méthode de calcul, pour parvenir à calculer ce taux de 0,7% qui, soit dit en passant, pourrait davantage s'appliquer aux Etats, pas forcément à un canton. Nous avons honnêtement essayé de trouver une méthode de travail en cherchant des aides publiques, celle de la Confédération par exemple, mais également privées. Il y a des aides qui viennent de partout, et il est très difficile de décider ce qu'on met dans le pot commun: est-ce qu'on met ça, est-ce qu'on ne met pas ça ? Nous n'y sommes carrément pas arrivés. Nous avons plus ou moins évalué qu'on se situait à 0,2%, mais ça reste très difficile à déterminer. On n'arrive donc pas à trouver cette méthode de calcul.

A un moment donné, durant les discussions budgétaires, on se disait: «Que manque-t-il, 40 ou 50 millions ?» Mme Klopmann a dit tout à l'heure qu'il y a des gens qui ont tout et d'autres qui n'ont rien. Parmi ceux qui ont tout, on aurait peut-être pu parler des bénéficiaires des annuités, parce que ça représente exactement ce montant. Tiens, on n'accorde pas les annuités, et hop, on les reverse à la Genève internationale ! Pourquoi pas ? C'est une proposition que le PLR pourrait analyser avec vous. Alors M. Vanek a raison: il faut respecter la loi et, si on n'y arrive pas, il faut la modifier. C'est la raison pour laquelle je vous demande, Mesdames et Messieurs, de renvoyer cette pétition à la commission des finances. En effet, je n'aimerais pas vous amener maintenant un amendement proposant de faire passer le pourcentage à 0,2% de manière à être pile dans la loi. Je vous propose en revanche un renvoi à la commission des finances afin qu'on puisse amender cette loi et définir un taux un peu plus raisonnable que celui d'aujourd'hui, à savoir peut-être 0,2% ou 0,3%. Voilà la proposition du PLR.

M. Stéphane Florey (UDC). Nous avons voté un budget au mois de décembre, et tout le monde, des services publics au Conseil d'Etat, a dû faire des efforts pour des raisons financières. Il y a chez nous des citoyens qui, eux aussi, doivent faire des efforts tous les mois et se serrent la ceinture. Alors je suis désolé de le dire, mais la solidarité internationale doit aussi se serrer la ceinture ! Nous ne pouvons pas indéfiniment subventionner à l'international alors que nous n'arrivons même pas à nous occuper correctement des gens dans le besoin dans notre canton. Je suis désolé, mais c'est une triste réalité. Comme M. Hohl l'a dit, nous consacrons environ 0,2% de notre budget à l'aide internationale, c'est déjà un bel effort. D'autres pays en Europe n'accordent même pas le quart de ce montant. Notre groupe acceptera le renvoi de la pétition à la commission des finances pour rediscuter de cette loi et éventuellement adapter le taux. Sinon, nous voterons bel et bien le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Marc Falquet... (Remarque.) Non, nous voterons sur le renvoi en commission tout à l'heure - je vous expliquerai la procédure après. Monsieur Falquet, c'est à vous.

M. Marc Falquet (UDC). Merci, Monsieur le président, et félicitations pour votre nomination ! Un collègue nous a dit que nous faisions partie des pays riches et que les Etats que nous aidions étaient pauvres. En réalité, c'est le contraire: les pays pauvres sont en fait les plus riches, mais ils ont simplement des gouvernements corrompus qui volent l'argent du citoyen et favorisent les multinationales - ça va plaire à la gauche ! - ou certaines grandes puissances, lesquelles assèchent complètement ces pays. Le fait de donner jusqu'à 20% de notre budget ne va rien changer à la situation ! Du reste, l'aide internationale n'a rien changé depuis quarante ans. Ce qu'il faudrait faire, c'est interdire la venue en Europe et en Suisse des dirigeants qui exploitent leurs citoyens, ce serait une solution plus efficace et ça pourrait peut-être inciter les dirigeants à redistribuer l'argent que leur population mérite. Voilà, je voulais simplement dire ça.

Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, nous avons rappelé tout à l'heure qu'il s'agissait d'un symbole, d'un principe. Nous savons très bien que nous ne parvenons pas à atteindre ce taux de 0,7% pour l'instant ! Mais nous devons continuer à avoir cet objectif en tête, qui est totalement logique et reconnu par l'ONU, mais pas seulement.

Maintenant, je voudrais vous ramener à des éléments extrêmement pragmatiques: vous qui, pour la plupart, êtes intervenus en défaveur de ce pourcentage, vous êtes des personnes par moments très remontées contre les étrangers et les migrations de masse. Or savez-vous quoi ? Le meilleur moyen pour éviter les migrations de masse, c'est que les gens se sentent bien chez eux et y restent. Et le meilleur moyen pour contribuer à ce qu'ils y restent, c'est de leur apporter de l'aide au développement de certains projets, pour lesquels ce ne sont absolument pas les gouvernements qui sont financés mais des ONG extrêmement contrôlées, sérieuses, respectables et qui existent depuis des décennies. Tout ça est déjà archi-prouvé ! Il y a vraiment une grande mauvaise foi chez certains dans ce parlement. Alors, pour être encore plus cynique que vous tous, je vais vous dire pourquoi je tiens à ce qu'on maintienne ce 0,7%: à terme, c'est du retour sur investissement tout à fait logique. En effet, à partir du moment où on permet aux gens d'être bien chez eux et de pouvoir avoir des relations économiques privilégiées avec la Suisse...

Le président. Il vous reste trente secondes.

Mme Anne Marie von Arx-Vernon. ...tout le monde y gagne ! Ainsi, nous n'aurons plus les problèmes que nous avons avec certains d'entre vous qui critiquent le fait qu'il y a trop d'étrangers en Suisse. Je vous remercie et vous invite à renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. (Quelques applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. Je cède maintenant la parole à M. le député Ivan Slatkine pour une minute et dix-neuf secondes.

M. Ivan Slatkine (PLR). Merci, Monsieur le président, ce sera parfaitement suffisant. J'entends bien qu'il y a une loi, alors je rejoins les propos du rapporteur de minorité: il faut changer la loi si on n'est pas capable d'atteindre ce 0,7% ! C'est la raison pour laquelle nous vous proposons de renvoyer cette pétition en commission, afin de pouvoir revoir la loi.

Maintenant, juste une petite précision: en 2001, ce Grand Conseil, dans un grand élan de générosité, a voulu appliquer à la République et canton de Genève le taux de 0,7%, qui est recommandé par les Nations Unies mais s'applique à des Etats souverains. Jusqu'à nouvel avis, la République et canton de Genève fait partie de la Suisse; ce qui serait donc intéressant, c'est de voir quel effort fait la Suisse par rapport à la solidarité internationale. Là, si on fait une étude globale, on a bel et bien atteint le taux de 0,7% ! Genève est un moteur dans cette aide. La Confédération fait énormément, mais arrêtons de penser que Genève a les mêmes capacités qu'un Etat souverain comme la Suisse. Aujourd'hui, on a de grandes difficultés dans ce canton, qui vont d'ailleurs augmenter avec certaines décisions prises la semaine passée par la Banque nationale. Concentrons-nous sur l'aide à ceux qui en ont besoin ici, donnons tout ce qu'on peut donner, mais ne nous fixons pas des objectifs...

Le président. Il vous faut conclure.

M. Ivan Slatkine. ...que nous n'arriverons jamais à atteindre. Je vous remercie, Monsieur le président.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je donne la parole au rapporteur de majorité, M. François Baertschi, qui prendra sur le temps de son groupe.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je rejoins tout à fait la demande de renvoi de cette pétition à la commission des finances. Il y a en effet quelque chose qui reste inabouti malgré les longues discussions, et je ne me satisfais pas de dire que c'est un but à atteindre. Il est certain que si on a une loi, celle-ci doit être appliquée. Je m'étonne d'ailleurs que personne n'ait saisi les tribunaux; cela signifie soit que la loi est mal formulée, soit que les tribunaux n'ont pas les compétences pour l'appliquer, soit que personne ne s'est risqué dans cette voie. Il y a là quelque chose de troublant, d'ambigu, ainsi que des questions embarrassantes, contrairement à ce que dit le rapporteur de minorité. Parce que les grands principes, c'est très bien ! On dit qu'on veut le taux de 0,7%, qu'on veut la paix dans le monde, on est pour des grands principes qui sont inapplicables.

On peut bien sûr rester dans ces principes, ou alors on est dans le réel. Pour ma part, je préfère avoir une loi appliquée. Il faudrait donc changer sa formulation: soit on parle d'aide au tiers monde au lieu de solidarité, soit on change le quota, soit on trouve quelque chose d'autre. Mais venir se vanter qu'on est à l'origine d'une loi aussi mal foutue, je regrette mais, malgré tout le respect que j'ai pour vous, Madame von Arx - vous transmettrez, Monsieur le président - j'ai beaucoup de peine à le comprendre. Je pense que la meilleure chose à faire est de revenir un peu sur terre, de concevoir quelque chose qui corresponde davantage à la réalité de Genève, d'arrêter de rêver de grandes idées tiers-mondistes, d'être précis, de tenir nos engagements et de cesser de faire des promesses démagogiques tous azimuts qui ne servent à rien, si ce n'est à créer le trouble et à nous mener dans l'impasse. Je vous demande donc vivement et vous conseille de voter le renvoi de cet objet à la commission des finances.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, avant de passer au vote, je vais vous en expliquer la procédure selon l'article 172 de la LRGC. Il s'agit ici d'une pétition, donc nous voterons d'abord les conclusions du rapport de majorité, c'est-à-dire le dépôt sur le bureau du Grand Conseil. Si celles-ci sont refusées, nous voterons les conclusions du rapport de minorité, soit le renvoi au Conseil d'Etat. En cas de second refus, nous nous exprimerons alors sur la proposition du député Hohl de renvoyer la pétition à la commission des finances. La procédure est-elle claire pour tout le monde ?

Des voix. Oui !

Le président. Parfait ! J'ouvre alors le scrutin sur les conclusions du rapport de majorité.

Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des finances (dépôt de la pétition 1882 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 46 oui contre 41 non et 1 abstention.