République et canton de Genève

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PL 11228-A
Rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat sur la police (LPol) (F 1 05)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session X des 26, 27 juin, 28 août et 9 septembre 2014.
Rapport de majorité de M. Pierre Conne (PLR)
Rapport de première minorité de Mme Irène Buche (S)
Rapport de deuxième minorité de M. François Baertschi (MCG)

Suite du deuxième débat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous poursuivons nos travaux. Nous en étions restés à l'article 14, pour lequel nous sommes saisis d'un amendement de M. Baertschi consistant à l'abroger. Nous votons tout de suite sur cette proposition.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 51 non contre 4 oui et 1 abstention.

Mis aux voix, l'article 14 (Commissaires de police) est adopté, de même que les articles 15 (Personnel en uniforme) à 17 (Collaborations internationales, nationales et intercantonales).

Le président. A l'article 18, nous sommes saisis d'un amendement de M. Baertschi, dont voici la teneur:

«Art. 18, alinéa 3 (nouveau)

3 Les policiers concernés sont également soumis à la loi concernant un pont-retraite en faveur du personnel assuré par la Caisse de prévoyance des fonctionnaires de police et de la prison (LPRCP) du 3 décembre 2010.»

Monsieur Baertschi, vous avez la parole.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. J'aimerais donner une explication concernant cet amendement. Dans l'ancienne loi se trouvait une citation de la loi sur le pont-retraite qui n'existe pas dans la présente loi, et nous avons donc voulu suppléer à cette absence. Nous vous proposons par conséquent de soutenir cette proposition, afin d'avoir la garantie juridique que cette valeur figure directement dans le texte de loi. (Brouhaha.)

Le président. Chut !

M. François Baertschi. C'est un point quand même important, parce qu'il faut à tout prix que l'on puisse avoir cette référence. C'est une garantie supplémentaire afin d'éviter qu'on en arrive à des problèmes juridiques qui feront perdre du temps et qui peuvent éventuellement même mettre en cause cet élément, malgré toutes les promesses qu'on peut nous faire. Il est donc important de garder cette garantie. C'est la raison pour laquelle nous avons présenté cet alinéa, qui a quand même une importance pour les personnes concernées.

Le président. Merci, Monsieur le député. Nous nous prononçons à présent sur cet amendement.

Une voix. Vote nominal !

Le président. Etes-vous soutenu ? (Quelques mains se lèvent. Brouhaha.) Levez bien la main ! Oui, c'est le cas, nous passons donc au vote nominal.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 43 non contre 16 oui et 16 abstentions (vote nominal).

Vote nominal

Mis aux voix, l'article 18 (Droit applicable) est adopté.

Le président. Nous passons à l'article 19, alinéa 1, pour lequel nous sommes saisis de deux amendements de M. Baertschi. Le premier d'entre eux s'énonce comme suit:

«Art. 19, alinéa 1 (nouvelle teneur)

1 La police comprend 3 catégories de personnel:

a) les policiers;

b) les assistants de sécurité publique;

c) le personnel administratif.

Les policiers doivent avoir la nationalité suisse au moment de leur prestation de serment.»

Je passe la parole à M. Baertschi.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Cet amendement est vraiment essentiel pour le groupe MCG, dans la mesure où il vise à demander la nationalité suisse au moment de la prestation de serment. Mais je tiens à préciser qu'il s'agit bien de le demander au moment de la prestation de serment, c'est-à-dire que des détenteurs de permis C peuvent tout à fait être engagés par la police et ensuite obtenir une naturalisation facilitée. C'est ce qui se fait déjà actuellement, et cela avec un grand succès, parce qu'on voit qu'il y a une véritable intégration. C'est donc quelque chose qu'il faut à tout prix favoriser ! Ce genre d'intégration par la formation, par la nationalité, est tout à fait positive, et cet article de loi le permet.

Pourquoi avons-nous demandé que la mention de la nationalité suisse figure dans la loi ? Parce qu'il existe quand même - il faut bien le dire - des projets d'aller chercher du personnel un peu tous azimuts, et non pas par esprit de diversité, mais au contraire... Je l'ai entendu d'un haut fonctionnaire du département, qui n'était pas dans le domaine de la police, mais dans un autre domaine, et qui était vraiment très demandeur de personnel étranger - à savoir allant du permis G à d'autres types de personnel. Il faut donc veiller à ce qu'il n'y ait pas de dérive, c'est-à-dire que l'on ne fasse pas de sous-enchère et que l'on ne recherche pas du personnel un peu à la va-vite, n'importe comment.

Il y a donc un élément qui est important pour le groupe MCG, comme pour d'autres aussi - même si je sais que cela touche moins certains groupes - c'est le problème de la nationalité. En effet, pour assurer une tâche régalienne importante, pour pouvoir utiliser la force en cas de nécessité et appliquer des décisions difficiles, il faut à notre sens jouir d'une crédibilité, et il ne s'agit pas d'avoir des mercenaires, comme on l'a connu historiquement. Le principe de nationalité est quelque chose d'essentiel, et c'est pour ça que nous avons demandé que cela figure expressément dans la loi, parce que pour le MCG c'est un élément important. Il y a certaines tâches pour lesquelles les résidents sont les bienvenus et dans lesquelles ils ont toute leur place, mais dans certaines tâches de type régalien, dans des tâches rares mais importantes, l'acquiescement à la nationalité, la facilité d'obtenir cette dernière, pour des gens qui sont intégrés, et le fait d'enlever toutes les barrières qui existent à cette intégration réelle sont des éléments importants. Voilà pourquoi nous vous recommandons chaudement de suivre cet amendement.

M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, chacun a sa lecture des textes. L'UDC a une lecture un peu différente, puisque nous préférons que cette demande de nationalité figure à l'article 29 plutôt qu'à cet article. Cependant, pour l'UDC le fond est exactement le même que ce que vient d'expliquer le rapporteur de minorité, raison pour laquelle nous accepterons cet amendement.

M. Eric Stauffer (MCG). Nous avons entendu il y a deux heures M. le conseiller d'Etat nous dire en nous rassurant, comme il l'avait fait avec les ASP, qu'il n'y aurait jamais d'étrangers à la prestation de serment des policiers. Il l'a dit, comme il avait dit d'autres choses aux ASP. Or aujourd'hui, les ASP... (Commentaires.) Voilà, c'est ça ! Et à partir de ce principe-là, la parole donnée n'a pas été respectée. Pourquoi, je ne le sais pas, M. le conseiller d'Etat s'en expliquera, mais si on reprend simplement les propos du conseiller d'Etat d'il y a deux ou trois heures, eh bien qu'importe d'inscrire dans la loi en lettres d'or, quand on a élaboré une loi aussi précise, qui est presque un règlement d'application, le fait qu'il faut être de nationalité suisse au moment de la prestation de serment. Or je vous rappelle la ligne du Mouvement Citoyens Genevois: nous avons toujours été d'accord que la police engage dans l'école de police des détenteurs de permis C, c'est-à-dire des étrangers, mais avec la seule condition que, au moment de leur prestation de serment, ils soient de nationalité suisse. Cela nous paraît juste normal ! Il y a des fonctionnaires d'autorité, et pour nous ils doivent avoir la nationalité suisse. Il en va de même pour le droit de vote: le droit de vote cantonal et fédéral est réservé aux citoyens suisses, et ça ne choque personne...

M. Pierre Vanek. Si ! Si ! Si ! (Brouhaha.)

M. Eric Stauffer. Alors allez vous présenter en France, Monsieur Vanek ! Moi je suis en train de parler pour le canton de Genève.

Donc partant de ce principe-là, il faut savoir conserver et respecter les valeurs, et les valeurs qui ont fait la Suisse, ce sont les gens qui y résident, ce sont les Suisses, et ce sont ceux qui ont juré fidélité à la patrie suisse. Pour nous, il apparaît par conséquent indispensable que cet élément figure dans la loi.

Maintenant nos collègues de l'UDC ont un choix cornélien à faire. De deux choses l'une: soit cet amendement est accepté, et la loi sera votée, soit cet amendement est refusé, et je ne suis pas sûr que vous ayez une majorité pour faire passer cette loi aujourd'hui. Alors je vous le dis: le fait d'inscrire dans la loi en lettres d'or le principe de la nationalité pourrait apaiser les amertumes de certains groupes politiques, mais chacun est devant ses boutons de vote, chacun est responsable de son vote, et nous verrons bien quelle en sera l'issue.

M. Carlos Medeiros (MCG). Chers collègues, vous connaissez mes origines, à savoir une vallée profonde des Grisons. Je veux dire par là que je peux concevoir que quelqu'un qui est ici depuis quelques années ait envie, parce que depuis tout petit il rêve de ça, de devenir policier. Bravo ! Ça peut même être un vecteur d'intégration, mais - et pour nous c'est la ligne rouge - à partir du moment où il veut faire ce pas-là, eh bien il doit effectuer la démarche de se naturaliser. Il doit tout simplement se naturaliser, parce que c'est une tâche régalienne de l'Etat, c'est une tâche qui a quand même un poids symbolique important. Et si un étranger, voire un détenteur de permis C ou B a la possibilité de se naturaliser et a comme rêve de devenir policier, eh bien moi je l'invite à faire ce pas, mais à condition justement qu'il effectue la démarche de devenir suisse. Pour nous c'est fondamental, on l'a toujours dit et répété. Et, Eric Stauffer l'a rappelé, il en va de même pour être élu au niveau cantonal et pour voter au niveau cantonal. L'une des différences qui existent entre un titulaire de permis C et un citoyen suisse, c'est justement de pouvoir être élu et de pouvoir voter sur des thématiques au niveau national ou cantonal. Pour la police, c'est la même chose ! Il ne s'agit pas de dire qu'ils ne seraient pas capables de le faire... Non, c'est une question qui est essentielle, ça fait partie des fondamentaux du MCG, et c'est un principe sur lequel nous ne céderons jamais.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Monsieur le président, je précise juste que je vais demander le vote nominal.

Le président. Très bien. Est-ce que vous êtes soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, c'est le cas. Je passe la parole à M. le conseiller d'Etat Pierre Maudet.

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Je m'exprimerai très rapidement pour apporter une ou deux précisions. Nous sommes donc ici dans le chapitre sur les conditions d'admission à la police. On évoquait tout à l'heure la législation trop importante, or pour ce qui est des conditions d'admission, d'aucuns pourraient dire que c'est typiquement de nature réglementaire. Mais c'est vrai qu'il y a un symbole là derrière.

Vous êtes en réalité saisis de deux amendements, vous l'avez vu, qui sont quasiment identiques: l'un prévoit que les policiers doivent être de nationalité suisse, tandis que le second - juste après - prévoit que les policiers et les ASP doivent être de nationalité suisse. On a entendu tout à l'heure dans le discours du préopinant MCG que ce qui fondait le lien avec la nationalité, c'est la notion d'autorité. Et je vois qu'ici certains partis entretiennent - sans doute pour des motifs assez dogmatiques, et c'est ce que je veux pointer du doigt - ce lien entre autorité et nationalité. Je répète ici que pour le Conseil d'Etat il n'est pas question, s'agissant des policiers, d'entrer en matière en l'état sur une ouverture à des personnes d'autres nationalités, parce que derrière la nationalité il y a une démarche, il y a toutes sortes de choses, mais pas nécessairement le principe d'autorité.

Si vous acceptez cet amendement - surtout le deuxième - alors vous provoquez quasi automatiquement le licenciement de la moitié des ASP, qui peuvent être aujourd'hui au bénéfice du permis C, et je ne suis pas certain que de ce point de vue là vous rendiez service à ceux que vous prétendiez défendre tout à l'heure. Vous pouvez au passage - parce que ce sont aussi des fonctionnaires dotés de pouvoir d'autorité, auxquels vous entendiez du reste donner une arme il y a un an - licencier la moitié, voire les deux tiers des policiers municipaux, puisque la fonction de policier municipal est aujourd'hui accessible à des détenteurs de permis C. Votre amendement pose donc ce problème-là. C'est la raison pour laquelle je préconise ici une approche pragmatique, qui est celle voulue par le Conseil d'Etat. Et sachez qu'aujourd'hui la condition de nationalité ne figure pas dans la loi, elle ne figure pas dans un règlement, elle ne figure pas dans une directive, elle figure dans un petit ordre de service signé par le seul conseiller d'Etat en charge du département, l'un de mes lointains prédécesseurs. Ce n'est donc même pas une décision prise par le Conseil d'Etat. Ce que je propose, je l'ai dit en commission et je le répète ce soir, c'est que cette disposition devienne de nature réglementaire, qu'elle soit ancrée déjà dans un texte supérieur - ce sera le cas bientôt, pour peu que vous votiez la loi - qu'elle concerne les conditions d'admission et qu'elle soit limitée strictement aux policiers, sous peine de nous passer - et ce serait quand même navrant pour la sécurité, convenez-en avec moi - de dizaines d'ASP. En effet, les ASP 3 sont au nombre de 140 aujourd'hui, et la moitié d'entre eux est au bénéfice d'un permis C. Voilà pourquoi ce type de dispositions sont des aberrations dans le débat qui nous occupe ce soir.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je mets à présent aux voix cet amendement à l'article 19, alinéa 1.

Une voix. Vote nominal !

Le président. Le vote nominal a déjà été demandé, Monsieur le député ! (Brouhaha.)

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 61 non contre 33 oui (vote nominal).

Vote nominal

Le président. Nous passons maintenant...

M. Eric Stauffer. Je demande le renvoi en commission !

Le président. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission de la part de mon voisin. Les rapporteurs peuvent s'exprimer... (Commentaires.) Oui, c'est vrai, il faudrait que vous preniez la parole pour formuler votre demande, Monsieur le député ! (Commentaires.) En attendant, je cède le micro à M. Baertschi.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Sans alourdir le débat, on voit qu'il y a quand même passablement de questions à traiter, et je pense qu'il serait utile que ce projet de loi repasse en commission, parce que ces questions ne sont pas aussi simples que cela à examiner.

M. Eric Stauffer (MCG). Excusez-moi, Monsieur le président, c'est vrai que j'aurais dû prendre la parole pour demander formellement le renvoi en commission, mais c'est ce que je vais faire maintenant. Encore une fois, Mesdames et Messieurs, au risque de me répéter, sans lourdeur, sans haine ni passion, trouvons une solution négociée pour la paix dans la République et canton de Genève et acceptez ce renvoi en commission ! Nous sommes capables de travailler rapidement en commission et de finir les bribes de négociations qui servent encore à la paix sociale dans le corps de police. Je vous demande donc d'accepter ce renvoi en commission.

Le président. Merci, Monsieur le député. Les rapporteurs veulent-ils s'exprimer ? (Remarque.) Monsieur le conseiller d'Etat non plus ? (Remarque.) Je vous soumets donc cette demande de renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11228 à la commission judiciaire et de la police est rejeté par 56 non contre 41 oui.

Le président. Nous passons à la seconde proposition d'amendement de M. Baertschi à l'article 19, alinéa 1, que voici:

«Art. 19, alinéa 1 (modification)

1 La police comprend 3 catégories de personnel:

a) les policiers;

b) les assistants de sécurité publique;

c) le personnel administratif.

Les policiers et les assistants de sécurité publique armés doivent avoir la nationalité suisse au moment de leur prestation de serment.»

Monsieur Baertschi, vous avez la parole.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Cet amendement, qui demande donc que les policiers ainsi que les assistants de sécurité publique aient la nationalité suisse au moment de leur prestation de serment, est proche du précédent. Mais contrairement aux propos alarmistes du chef du département, il est tout à fait possible de leur faire reprêter serment de manière postérieure et d'avoir une phase transitoire. Oui, ce genre de situation est tout à fait possible, comme le fait d'avoir une naturalisation facilitée, ce qui du reste serait un élément important, parce que je pense que ces gens cherchent aussi à se faire naturaliser s'ils ont choisi ce métier et cette voie. Cela va donc totalement dans le sens d'une nation et d'une république bien comprises que l'on ne se dirige pas vers du mercenariat, parce que ce que l'on veut faire avec le plan ASP, c'est avoir des employés que l'on utilise, et ce de manière très large, pour des tâches qui ne sont plus spécifiquement les leurs et qui sont multiples, des employés qui se retrouvent donc à accomplir des travaux de policiers sans en avoir le salaire ni parfois la formation. On s'oriente vers des dérives, et ces dérives-là doivent être empêchées. Il y a d'autres moyens d'agir: on peut également engager des auxiliaires, la police sait comment s'organiser si on lui en donne les moyens, mais je crois qu'il faut qu'on garde quand même un certain nombre de valeurs et qu'on ne se dirige pas vers une destruction de cette institution et une destruction de notre pays. Je vous remercie et vous demande instamment de voter oui à cet amendement.

M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, il est clair que, dans les textes de lois, l'endroit où se trouvent les mots revêt une importance prépondérante. En l'occurrence - et vous m'en excuserez, Monsieur le rapporteur de minorité - l'Union démocratique du centre s'abstiendra sur cet amendement. Pourquoi ? Parce que, certes, il est bien entendu que les policiers doivent être de nationalité suisse, mais ce n'est pas le bon endroit pour le mentionner. En effet, vous le verrez plus tard, nous avons nous-mêmes déposé un amendement - et je pense que vous l'avez lu - où nous refusons de mettre dans le même sac les ASP 3 et les policiers. Nous voulons des policiers par rapport à un ratio, et tout le reste, c'est autre chose. C'est la raison pour laquelle je vous prie de vous abstenir sur cet amendement - c'est du moins ce que l'UDC fera - parce que le libellé ne correspond pas à l'esprit final et général que cette loi implique.

M. Eric Stauffer (MCG). Monsieur le président, vous transmettrez ceci au conseiller d'Etat qui vient brandir des menaces en disant que, si l'on acceptait l'amendement précédent, celui-ci ou les autres amendements relatifs à la nationalité, il serait obligé de licencier 140 personnes. De deux choses l'une: soit nous ne savons absolument pas remplir notre fonction de députés, soit quelqu'un raconte des balivernes. Lorsque l'on vote une loi et qu'il y a une situation de fait qui est contraire à la loi ou qui contrevient à la loi que l'on vient de voter, il existe ce qu'on appelle en droit - mais je ne suis pas juriste - les périodes transitoires, et nous pouvons donc faire des exceptions. Mais évidemment, pour cela il faudrait que le département chargé de la sécurité rédige un amendement avant le troisième débat pour introduire cette notion transitoire, de manière que, à terme, cela corresponde à la loi qui serait votée.

J'en viens maintenant à la question de la nationalité. J'entends bien les remarques qui sont faites dans cet hémicycle, que ce soit sur les bancs des Verts, de droite ou encore de la part du conseiller d'Etat, mais j'aimerais ici m'adresser - et c'est dommage, car il est parti à la buvette - à quelqu'un pour qui j'ai éminemment de respect et d'amitié. Il est lieutenant-colonel, ou plutôt colonel - excusez-moi - dans l'armée suisse, et j'ai cité le professeur Philippe Morel... (Exclamations.) Eh oui ! C'est un ami, je le dis, un homme qui a beaucoup oeuvré pour sa patrie, pour son pays qui est la Suisse. Allez demander à ce colonel de l'armée suisse ce qu'il pense de tout cela ! En effet, si l'on engage aujourd'hui dans la police des forces armées de nationalité étrangère, parce qu'on ne veut pas inscrire le principe de la nationalité suisse en lettres d'or dans la loi, eh bien par corollaire pourquoi ne pas prendre des étrangers dans l'armée suisse ?! (Commentaires.)

Une voix. Des mercenaires ! Des mercenaires !

M. Eric Stauffer. Franchement, où est le problème ? Je ne sais pas, moi ! Prenons peut-être... (Commentaires.)

Le président. Chut !

M. Eric Stauffer. Moi, quand j'ai fait mon école de recrue, l'ennemi potentiel, virtuel, contre lequel on se battait, c'était l'envahisseur russe... (Commentaires.)

Des voix. Rouge ! (Brouhaha.)

M. Eric Stauffer. ...rouge. Alors si je reprends ce modèle, pour ne vexer personne et ne pas créer d'incident diplomatique, eh bien engageons des Russes dans l'armée suisse ! Ainsi, le jour où la Russie nous envahirait - par hypothèse complètement fantasque, je vous le concède - ils n'auraient même pas besoin de se battre, parce qu'ils seraient déjà aux ordres de leur pays, c'est-à-dire la Russie... Non mais à un moment il faut être sérieux ! Quand on représente et qu'on défend un pays, qu'on défend l'intégrité des personnes qui résident dans ce pays, on doit à tout le moins en avoir la nationalité ! Et j'aurais bien voulu entendre l'avis du colonel Philippe Morel, pour qui l'honneur du service militaire et de servir son pays passe bien avant les considérations politiques, notamment du PDC, pour qui il faut tout ouvrir et permettre l'engagement de frontaliers et d'étrangers dans la police, comme ça tout va bien dans le meilleur des mondes... Eh bien non ! Le MCG veut continuer à défendre ces valeurs, et je redemande, Monsieur le président, le renvoi en commission de ce projet de loi. (Commentaires.)

Des voix. Non !

M. Eric Stauffer. J'ai le temps, il est 17h30, et je redemande formellement le renvoi en commission.

Le président. Merci, Monsieur le député. Est-ce que les rapporteurs veulent s'exprimer sur ce renvoi ? (Remarque.) Monsieur Baertschi, vous avez la parole.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. On voit, c'est vrai, qu'il y a encore beaucoup de problématiques à traiter ce soir. Ce ne sont pas des problématiques faciles, elles sont discutées, et je crois qu'il faut à tout prix renvoyer ce projet en commission, car c'est important.

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur le conseiller d'Etat, voulez-vous intervenir ? (Remarque.) Très bien, je vais donc mettre aux voix cette demande de renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11228 à la commission judiciaire et de la police est rejeté par 56 non contre 41 oui.

Le président. Nous poursuivons nos débats et je passe la parole à M. Pierre Vanek.

M. Pierre Vanek (EAG). Merci, Monsieur le président. Je ne m'exprimerai pas sur le fond de la question concernant la nationalité suisse pour les policiers, et globalement je ne suis pas beaucoup intervenu dans ce débat, mais dans toute cette discussion il y a une chose qui m'a choqué à l'instant. En effet, j'ai entendu dire du côté du MCG qu'il n'y a aucun problème, que les aspirants peuvent être étrangers en entrant à l'école de police, car l'important c'est qu'ils soient suisses au moment de leur prestation de serment et que l'on procédera à une naturalisation facilitée. J'ai entendu à quatre ou cinq reprises l'expression «naturalisation facilitée» ! J'ai beaucoup d'amitié pour la police, les policiers exercent une profession honorable, j'ai défendu par une série de votes des acquis sociaux de la police et des droits pour la police, et je pense que c'est extrêmement important. Je les ai défendus également en m'opposant à l'idée que la police soit organisée militairement, car cela restreint évidemment leurs droits syndicaux, leurs droits à agir, à marcher dans la rue sans uniforme, à se laisser pousser la barbe et à lancer un peu le bouchon face à leur employeur, démarches que je soutiens dans le cadre de la défense de leurs droits, mais qui évidemment n'ont pas cours dans un corps organisé militairement. C'est d'ailleurs pour cela que je déposerai une nouvelle fois au troisième débat l'amendement de mon ami et collègue Christian Zaugg concernant l'organisation militaire de la police.

Maintenant, policier, c'est une profession honorable, mais ça ne donne pas droit à des passe-droits pour une naturalisation facilitée ! Les policiers ou les aspirants policiers n'ont pas plus droit, à teneur de la loi fédérale et de la loi cantonale, à une naturalisation facilitée que les plombiers ! C'est aussi une profession honorable que d'être plombier, plombier étranger - plombier polonais, par hypothèse... (Commentaires.) - et les aspirants policiers n'ont pas plus droit à une naturalisation facilitée que les plombiers polonais ! (Commentaires.) Dès lors, une partie des arguments que vous avez employés dans ce débat ne sont à mon avis pas pertinents, parce qu'ils ne sont pas conformes au droit fédéral, ni à l'égalité de traitement et de droit entre les policiers et les plombiers, pour prendre au hasard deux professions dont le nom commence par la lettre p ! (Exclamations.)

Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Je voudrais juste poser une question à l'UDC, parce qu'il y a quelque chose que je ne comprends pas très bien. Il a été dit tout à l'heure que, pour être policier, il fallait en tout cas qu'il y ait un processus dans la motivation, ainsi qu'une demande de naturalisation pour ceux qui sont étrangers. Bien. Puis on a parlé des ASP, et j'ai entendu que l'on disait que ça c'était «autre chose», en accompagnant ces mots d'un geste désinvolte... Ma question consiste donc à savoir quelle est cette autre chose ! Premièrement, je suis étonnée que des personnes soient des choses, mais bon, peut-être, et le deuxième point, c'est qu'ils ont certainement aussi une organisation, une mission, des activités, lesquelles sont évaluées. Donc que font-ils ? Et quand on les renvoie comme ça, avec un geste désinvolte, en disant que c'est autre chose... J'aimerais d'ailleurs faire une analogie, parce qu'en ce moment il y a un phénomène qui devient assez terrible dans notre canton et qui découle du fait qu'on manque de personnel. Il n'y a qu'à voir Curabilis, etc., mais il est clair que, après ce qui s'est produit à La Pâquerette, vous allez avoir du mal à «restaffer» ce genre de prisons et de «lieux de réinsertion», entre guillemets. Eh bien ce qui se passe, c'est qu'on fait venir, par exemple dans le domaine des soins, des gens de Roumanie, pour lesquels j'ai vraiment beaucoup de respect, que l'on paie au lance-pierres mais que l'on est d'accord de déclarer, presque comme des femmes de ménage. Tout ça pour soigner nos aînés qui vont rester à la maison ! Je fais donc cette analogie entre les ASP, dont on dit que c'est «autre chose», et les personnes qu'on fait venir de Roumanie ou d'ailleurs, qui sont aussi «autre chose»... On est en train de constituer par la bande des groupes professionnels qui ont de l'importance, qui prennent des décisions... Les ASP sont des personnes qui peuvent nous arrêter dans la rue et nous demander notre identité, voire nous conduire à un poste de police ! J'aimerais donc avoir des clarifications à ce sujet, et je pense que les personnes doivent être traitées de la même manière, avec les mêmes missions et les mêmes objectifs.

Une voix. Bravo !

Le président. Il n'y a pas de manifestations à la tribune, s'il vous plaît ! (Remarque.) La parole est à M. le député Renaud Gautier.

M. Renaud Gautier (PLR). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, nous venons d'avoir une parfaite démonstration, avec ma préopinante Marie-Thérèse Engelberts, de la manière dont on peut étrangler la démocratie. On prend n'importe quel prétexte, n'importe quel sujet pour s'éloigner de ce sur quoi on devrait voter maintenant, partant du principe qu'en jouant la montre on arrivera à ne pas adopter cette loi. Je trouve le procédé détestable, et je remarque qu'il provient essentiellement de celles et ceux qui se font les chantres de la police, pour rester extrêmement poli. A mon sens, cette manière de faire est au moins aussi injurieuse que de traiter les ASP de «cette chose-là», et donc si ce parlement pouvait terminer ses travaux ce soir plutôt que de se livrer à des manoeuvres dilatoires, je pense que tout le monde s'en porterait mieux. (Applaudissements.)

M. Eric Stauffer (MCG). Moi je suis effaré - ce n'était pas pour ça que je voulais intervenir, mais je vais faire une petite parenthèse - par les propos de M. Renaud Gautier, et vous transmettrez, Monsieur le président ! C'est quand même incroyable qu'un représentant du PLR, parti qui, je le rappelle, a une majorité gouvernementale depuis bien trop longtemps, qui a réussi à faire passer la dette du canton de Genève à 13 milliards et qui s'acharne toujours sur les plus faibles, c'est-à-dire les fonctionnaires, notamment les fonctionnaires de police... (Protestations. Applaudissements.) Ah oui ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Mais les annuités qui ne sont pas payées... (L'orateur toussote.) ...et j'en tousse... (Commentaires.) Les annuités qui sont toujours reportées, sur le plan de carrière d'un fonctionnaire, ça coûte beaucoup à la fin de celle-ci !

Une voix. C'est une honte !

M. Eric Stauffer. Oui, oui, c'est une honte, bien sûr ! Continuez à gérer la situation comme vos grands pontes ont géré Swissair... On se souvient du résultat ! (Remarque.)

Nous, au MCG, on en a maintenant assez de toujours faire porter le chapeau aux plus faibles. Et pourquoi Mme Rochat - d'ailleurs, rappelez-moi: elle était membre d'Ensemble à Gauche ou des socialistes ? J'ai un trou de mémoire ! - s'est-elle évertuée à casser les retraites, soi-disant en raison des acquis scandaleux des policiers, parce qu'ils n'avaient que trente ans de service ?! Mais qui d'entre vous fait une nuit tous les six jours ? Qui d'entre vous, toute sa vie, a des horaires irréguliers ? Qui d'entre vous subit du stress dans la rue à cause de la criminalité ? (Commentaires.) Non, vous êtes tous planqués derrière vos pupitres de députés, et protégés par l'immunité parlementaire qui plus est ! Alors ne venez pas donner de leçons à la police, Mesdames et Messieurs ! (Chahut.) Ne venez pas donner de leçons... (Commentaires. Huées.)

Le président. Chut ! S'il vous plaît !

M. Eric Stauffer. Le jour où vous serez capables... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Le président. Du calme !

M. Eric Stauffer. Mais moi je suis très calme, Monsieur le président, vous le savez bien ! (Rires.) Le jour où vous serez capables de faire le quart de la moitié de ce qu'ils font, vous pourrez venir leur donner des leçons.

Maintenant, de quoi parle-t-on ? (Commentaires.) Soi-disant des acquis... Mais quels acquis, franchement ? (Remarque de M. Michel Ducret.)

Le président. Monsieur Ducret, s'il vous plaît ! Poursuivez, Monsieur Stauffer.

M. Eric Stauffer. Mais M. Ducret vit lui aussi aux crochets de la société ! Il a plein de mandats de l'Etat et, sans l'Etat, ça fait longtemps qu'il serait en faillite ! (Exclamations. Commentaires.) Mais on va appeler un chat un chat, si vous voulez ! (Chahut.) Ça suffit maintenant, cette hypocrisie ! Oui, nous défendons la corporation des policiers, parce qu'ils méritent notre respect ! (Brouhaha.) Ce n'est pas une question d'avoir ou non des faveurs. Encore une fois, le métier de policier n'est pas un métier normal et anodin, alors arrêtons de jouer les hypocrites. Vous voulez quoi ? Une police qui ne s'engage plus ? Et le jour où vous serez pris dans l'un de ces coupe-gorge qui sont en train de naître à Genève et que la police ne viendra pas vous secourir, vous direz quoi ? (Commentaires.) «C'est scandaleux, la police ne m'a pas défendu !» (Commentaires.)

Le président. Mesdames et Messieurs, j'aimerais bien que vous fassiez preuve d'un peu de respect les uns envers les autres et que tout se passe bien. Monsieur Stauffer, je vous demanderai de bien vouloir baisser d'un ton, parce que tout le monde entendra tout aussi bien, et cela dans le respect de ce que sont les uns et les autres, s'il vous plaît.

M. Eric Stauffer. Ecoutez, j'ai des auditeurs partout, même à la buvette, et comme Léman Bleu ne retransmet plus nos séances... (Exclamations.)

Le président. S'il vous plaît, Monsieur Stauffer !

M. Eric Stauffer. ...au moins je suis entendu au-delà de cette salle. (Brouhaha.)

Plaisanterie mise à part, aujourd'hui nous devons sortir de cette crise policière, et ce n'est pas, je vous le répète, en faisant un bras de fer avec les syndicats que nous en sortirons tous grandis. Et je dis bien «tous» ! Nous sommes tous dans le même panier. La responsabilité, elle est commune. Alors, Monsieur le conseiller d'Etat, vous voulez jouer au jeu du rouleau compresseur, pas de problème ! Peut-être que vous aurez la majorité, mais je vous aurai prévenu: le réveil des lendemains va être très difficile. Et si vous n'arrivez pas à maîtriser les forces de police, parce que les syndicats vont monter au créneau, finalement c'est votre bilan politique qui va être entaché ! Moi j'aurais préféré vous féliciter pour la bonne gestion de l'ensemble du corps de police, pour ce qui est des soi-disant avantages, des prestations sociales, etc., en disant que nous avons là un conseiller d'Etat qui est certes jeune, mais qui a la volonté et l'énergie de régler ce problème. Mais non, vous vous êtes mis en tête qu'il fallait redimensionner tout ça et virer les acquis, parce que finalement c'est scandaleux... Bon, je suis d'accord que, quand on regardait la rémunération, c'était un peu compliqué et qu'il fallait avoir la bible à côté car c'était fait de manière empirique. Mais vous auriez pu faire table rase en préservant ces acquis ! Là vous auriez été numéro un ! En revanche, aujourd'hui, eh bien ce n'est pas le cas ! Ce n'est pas le cas, parce que vous voulez pratiquer ce bras de fer. Encore une fois, peut-être que vous allez le gagner, mais je pense qu'à moyen et long terme c'est un mauvais calcul que vous avez fait. Le MCG continuera à défendre la corporation des policiers, et ce n'est pas parce que nous avons des policiers dans notre groupe... (Exclamations.) ...que ça y changera quelque chose. Mais posez-vous peut-être une question, Mesdames et Messieurs les députés: nous sommes d'accord que les policiers ont un pouvoir de raisonnement qui devrait être supérieur ou en tout cas plus fin que celui de la moyenne des citoyens... (Rires.) Eh bien demandez-vous pourquoi, Mesdames et Messieurs, des hauts fonctionnaires de la police qui ont respecté durant toute leur carrière la République et canton de Genève ont rejoint les troupes du MCG ! (Exclamations.) Posez-vous cette question ! Et maintenant attention à vos réponses, parce que, comme je l'ai dit, nous voulons que ce débat soit empreint de respect. (Commentaires. Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, je réunis le Bureau et les chefs de groupe et suspends donc la séance quelques minutes. (Exclamations.)

La séance est suspendue à 17h38.

La séance est reprise à 18h01.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous prie de regagner vos places et de bien vouloir vous asseoir, de même que les personnes à la tribune. J'en appelle de nouveau à la raison et au langage approprié de chacun: les débordements sont inacceptables et dorénavant je serai hélas obligé de sévir. J'aimerais bien que la suite du débat ainsi que la dernière heure qu'il nous reste à vivre ici puissent se passer dans la sérénité ! (Rires. Commentaires.)

Dans un premier temps je vais passer la parole à M. Eric Stauffer, pour une petite déclaration.

M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Effectivement, les débats sont un peu enflammés ! J'aimerais simplement dire, et je le fais d'autant plus de bon coeur que M. Ducret est un collègue que j'estime, que je retire mes propos et que je lui présente mes excuses. Je ne le fais pas très souvent mais je le fais de bon coeur ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Les débats se poursuivent et je passe la parole à M. le député François Baertschi.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Je crois qu'il y a des choses qui ont été dites dans une sorte de précipitation un peu malheureuse, où l'on veut à tout prix pousser le débat trop rapidement, comme cela a été le cas notamment en commission judiciaire, ce qui explique aussi une partie des problèmes actuels. Une préopinante de notre groupe MCG a parlé de la question importante que constituent les ASP - puisque c'est l'un des problèmes centraux de la police d'aujourd'hui et de demain et qu'il s'agit de savoir quels en sont la bonne définition et le bon usage, de façon qu'il n'y ait pas les dérives qu'on peut connaître - et je trouve dommage qu'une attaque ait été lancée, laquelle avait quand même un petit fond macho, malheureusement, il faut le reconnaître... Je pense donc que nos débats devraient porter plus sur le fond et moins sur ce genre d'appréciations qui ne sont pas d'actualité.

Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Qu'il y ait un fond macho ou pas, je voudrais juste dire à M. Gautier que j'évoquais effectivement la situation des ASP et que j'avais cru déceler dans une présentation de l'UDC qu'on en parlait d'une manière extrêmement négative et qu'il y avait même eu un geste d'accompagnement pour dire: «Ça, c'est autre chose !» Voilà, je voulais juste faire le point là-dessus, en rappelant qu'effectivement c'est une préoccupation et que dans la mesure où l'on examine un projet de loi sur la police - un corps professionnel dont je crois savoir que les ASP font quand même partie ! - on pourrait traiter cette question de façon claire et précise.

M. Cyril Mizrahi (S). Chères et chers collègues, j'aimerais brièvement intervenir dans cette discussion sur la question de la nationalité, qui me semble finalement - en tout cas à titre personnel - un débat pas très pertinent. Je pense que ce qui est important pour les policiers et les policières de ce canton, ce sont les compétences personnelles et les qualifications, mais aussi les compétences sociales. Je suis d'accord qu'il est également très important que les personnes soient intégrées ici dans le tissu genevois, mais ce n'est pas forcément lié à la nationalité: il peut y avoir des personnes qui sont là depuis longtemps sans être naturalisées, de même qu'il peut y avoir des personnes qui sont de nationalité suisse mais qui n'ont jamais vécu à Genève. Ces dernières peuvent avoir habité à l'étranger ou même en Suisse allemande et ne sont donc pas forcément intégrées dans le tissu genevois. On peut bien sûr être d'un autre avis, mais voilà ma position personnelle. Dans d'autres cantons, comme à Bâle-Ville, il y a des policiers étrangers, et ça ne pose pas de problèmes particuliers.

Mais si on peut être d'un autre avis à ce sujet, ce que j'ai beaucoup plus de peine à comprendre, en revanche, c'est qu'on veuille bétonner cela dans le marbre ! Le projet de loi comporte un article sur les conditions d'admission, Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues; il s'agit de l'article 29, qui stipule que «le département fixe les conditions d'entrée dans la police». Donc de deux choses l'une: soit on veut fixer les conditions dans la loi, et à ce moment-là la nationalité doit aussi y figurer, soit on fait confiance au Conseil d'Etat pour fixer ces conditions d'admission, et alors pourquoi faire une exception pour la nationalité ? Qu'on veuille aller dans un sens ou dans un autre, je crois qu'il faut être cohérent, Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, et laisser cette question au niveau réglementaire comme les autres conditions d'admission. Nous allons tout à l'heure avoir un débat ô combien plus important pour savoir s'il est normal que nous confiions dans ce canton des tâches de police à des entreprises de sécurité privées, et je pense que cela soulève vraiment une question plus fondamentale, non seulement en termes de délégation de tâches publiques, mais également en termes de formation du personnel qui effectue des tâches qui relèvent quand même de la puissance publique, des tâches régaliennes, telles que le transfert de détenus. Voilà, je pense que le véritable débat porte sur ce point et non pas sur les conditions d'admission, qu'il faut laisser au niveau réglementaire. Je vous remercie de votre attention.

Mme Magali Orsini (EAG). J'aimerais juste dire un mot à ce sujet, Monsieur le président. Contrairement à mon préopinant, je suis quant à moi de ceux qui ne pensent pas que l'on puisse confier de telles tâches régaliennes à des personnes qui n'auraient pas la nationalité suisse, quand il ne tenait qu'à elles de prendre l'engagement élémentaire d'opter pour cette nationalité. (Exclamations. Applaudissements.)

M. Jean-François Girardet (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, M. le député Mizrahi vient de dire que dans cette nouvelle loi les conditions d'engagement seraient de nature réglementaire. Or c'est précisément sur ce point que porte notre amendement ! Nous demandons qu'elles ne soient pas, notamment s'agissant de la nationalité, de nature réglementaire. En effet, M. le conseiller d'Etat n'est pas permanent: il pourrait, en fonction de son appartenance politique, dire autre chose et la parole qu'il a donnée aujourd'hui pourrait être remise en question, alors que pour notre part nous voulons qu'il soit inscrit dans la loi que, pour être policier, pour avoir cette fonction régalienne, il faut être de nationalité suisse. Nous y tenons fermement.

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Pierre Vanek. (Un instant s'écoule.) Monsieur Vanek ! (Brouhaha. Commentaires.)

M. Pierre Vanek (EAG). Merci, Monsieur le président. Concernant la question de la nationalité, puisque ma collègue Magali Orsini est intervenue à ce sujet, j'aimerais dire que notre groupe a décidé de laisser à ses membres la liberté de vote sur ce point, parce que nous ne sommes pas tous d'accord. Mais le point de vue d'une bonne partie du groupe que je représente ici par cette intervention, c'est de considérer que la nationalité ne doit pas être un critère. Il y a des critères de compétences, des critères d'intégration, mais la possession du passeport n'est d'aucune manière en elle-même une garantie de faire un bon flic. Notre pays comporte une majorité de gens qui possèdent le passeport dont il est question et qui ne parlent même pas la langue qui se pratique dans notre République et canton. (Brouhaha.) Et il peut y avoir des gens de deuxième ou troisième génération qui sont nés ici et qui ont d'excellentes raisons de ne pas vouloir se naturaliser ! Ce n'est pas forcément parce qu'ils refusent de s'intégrer, mais parce qu'il y a par exemple des nationalités que l'on perd si l'on se naturalise, dans la mesure où les pays en question ne reconnaissent pas la double nationalité. Or, rien que dans cette salle, une majorité d'entre nous est probablement double nationale, et ça fait partie de la gloire et de l'honneur de Genève que d'être un lieu de convergence, un lieu multiculturel... (Brouhaha.) ...un melting-pot composé de gens qui possèdent des nationalités diverses, qui parlent des langues diverses et qui ont des cultures diverses. Ça fait partie de l'essence de Genève ! Donc précisément pour être intégré à Genève, il faudrait parfois être capable de montrer que notre horizon ne se borne pas simplement aux Alpes et aux montagnes suisses, mais qu'il a un peu d'ouverture, et la double nationalité, par exemple, peut en être un critère. Alors je n'exigerai pas qu'on exclue de la police les personnes qui n'ont pas la double nationalité... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) C'est une boutade, évidemment ! Ne me reprenez pas là-dessus ! Mais faire du passeport en tant que tel une condition de l'exercice de la profession de policier est à mes yeux - et c'est aussi l'avis d'une bonne partie du groupe - une erreur. Ce d'autant plus qu'on assortit cette condition de discours dans lesquels on dit qu'il n'y a pas de problème, car on naturalisera les personnes concernées de manière facilitée. Quelle est donc la valeur de cette naturalisation facilitée, obtenue en dérogation aux dispositions du droit fédéral et cantonal ? C'est évidemment une formalité, puisqu'on dit qu'on les fera passer par une petite porte et qu'on leur octroiera ce privilège ! Ça montre bien, à travers ce qui a été dit sur les bancs d'en face, que ce critère-là est un mauvais critère et qu'il en faut d'autres. Nous devons être extrêmement exigeants quant à la qualité du personnel de police, parce que ce dernier exerce une profession hautement importante pour notre sécurité et pour l'exercice des libertés publiques dans ce canton, mais malheureusement ou heureusement, le fait d'avoir un passeport suisse - ce qui n'est pas le cas de 40% des résidents de ce canton - n'est pas une garantie à ce sujet. Par conséquent, nous refuserons les amendements allant dans ce sens, d'autant plus que l'amendement qu'il nous reste à voter étend cette condition non pas seulement aux policiers mais aussi aux assistants de sécurité publique, avec les problèmes qui ont été évoqués, notamment par le conseiller d'Etat, par rapport à cette catégorie de personnel. Dès lors, nous voterons contre cet amendement.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Il y a un élément de cet amendement qui nous a un peu échappé dans ce débat, c'est le fait qu'il s'agit de tout le personnel armé, puisqu'il n'est pas uniquement question des assistants de sécurité publique qui accomplissent des tâches non armées. En effet, il faut savoir qu'une partie d'entre eux effectue des tâches non armées, mais cet amendement demande bien que les policiers et les assistants de sécurité publique armés possèdent la nationalité suisse au moment de leur prestation de serment. Et c'est vrai qu'il y a une logique ! Du moment qu'on donne une arme à un fonctionnaire et qu'il a la possibilité de l'utiliser - en espérant qu'il n'ait pas besoin d'en faire usage, ce qui est la règle, bien entendu - il faut quand même qu'on dispose d'un élément supplémentaire de confiance qui soit fort, d'où la raison de cet amendement, qui est du reste un amendement de principe. Ce n'est pas seulement un amendement organisationnel, c'est un argument de principe: veut-on laisser une arme à un fonctionnaire qui n'est pas de nationalité suisse ? Alors c'est vrai qu'on avait proposé un autre amendement sur l'équipement qui n'a peut-être pas nécessairement été bien compris, parce que l'article initial laissait entendre qu'on pouvait donner une arme à une secrétaire, ce qui est complètement absurde, comme l'avait dit mon excellent collègue Christian Flury. Mais on est là sur un élément fondamental, un élément symbolique mais fort, et cet élément fort, il est important à mon sens de l'accepter. Certes, j'imagine bien - même si je ne veux pas préjuger du vote de chacun - qu'on aura une certaine peine à faire passer cet amendement, mais je vous demande quand même de réfléchir à cet élément et de bien vous demander s'il n'est pas vraiment nécessaire d'exiger la nationalité pour le port de l'arme - quand il s'agit d'un fonctionnaire, bien évidemment. Et j'ai encore une chose à vous dire, c'est que je demanderai le vote nominal. (Exclamations.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) C'est le cas, il en sera donc fait ainsi. La parole est à M. Patrick Lussi.

M. Patrick Lussi (UDC). Merci, Monsieur le président. Je voulais intervenir très rapidement, vu que le sujet s'étend, sur la question de la nationalité et tenais à dire à mon préopinant d'Ensemble à Gauche qu'il ne s'agissait pas, pour l'Union démocratique du centre, d'élaguer, de court-circuiter ou d'accélérer des procédures. Si l'on considère le temps qui s'écoule entre le moment où vous postulez comme permis C dans la police et où vous passez les examens, après une année d'école, je crois qu'on est dans les délais pour que la personne qui s'engage sache que, si elle veut être assermentée, elle aura le passeport.

Je tiens à dire une dernière chose à ce sujet: ça peut vous paraître désuet, mais il y a une notion qu'on oublie toujours d'évoquer, à savoir que quand on est policier, on est surtout au service de l'Etat. On est au service de la république avant d'être policier. Partant de là, il semble à l'Union démocratique du centre - mais on peut en discuter - absolument primordial, voire indispensable de donner un dernier gage de confiance en disant: «Oui, vos institutions sont bonnes, oui, votre pays est bien, oui, j'accepte d'en prendre la nationalité.» Mais en ce qui concerne cet amendement, je précise que, s'agissant des policiers et de la nationalité, cet article n'est pas le bon endroit pour en faire mention, raison pour laquelle nous nous abstiendrons. Et nous nous exprimerons plus tard également sur l'article 19 concernant les ASP, que nous sommes loin de dénigrer.

M. Pascal Spuhler (MCG). J'aimerais dire encore un mot à ce sujet. Effectivement, nous estimons que l'importance de marquer dans la loi l'obligation d'être de nationalité suisse n'a rien à voir avec les conditions d'admission. Ces dernières contiennent, par exemple, des modalités liées à l'âge, à la condition physique, à la qualité du français, etc., enfin toutes les conditions auxquelles sont soumis les candidats à la police. Mais la nationalité suisse est d'autant plus importante qu'il s'agit là d'une tâche régalienne, d'une tâche qui consiste à servir et protéger la population, et que par automatisme il faut être suisse pour pouvoir protéger la population qui est en Suisse.

M. Renaud Gautier (PLR). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, le débat parfaitement délicieux et récurrent sur les étrangers amène de ma part toujours les mêmes remarques. D'abord, 90% de cette salle est d'origine étrangère et il n'y a pas en l'occurrence... (Brouhaha.) Monsieur Spuhler, j'admets qu'il est difficile de vous écouter, mais ayez la délicatesse de faire la même chose quand les autres parlent ! Et sans geste grossier, s'il vous plaît, même si cela vous est encore plus difficile, j'en conviens !

Je disais donc que le débat sur les étrangers dans ce parlement est tout à fait savoureux quand on sait que Genève est par définition la ville qui a accueilli le plus d'étrangers et que ces étrangers - certains d'entre eux sont plus ou moins connus - ont participé au rayonnement de Genève. Puis on vient nous expliquer que seuls les Suisses doivent porter une arme. Moi je veux bien, mais je n'ai pas entendu celles et ceux qui sont les prêtres de cette idée nous dire que le port d'arme, qu'il soit d'ordre sportif ou pour la chasse, etc., devrait dans le fond être interdit aux étrangers, puisqu'on vient d'entendre que seuls les Suisses sont capables de porter une arme.

Troisièmement, il est évident qu'on demande aux policiers de porter une arme et qu'on ne le demande pas aux secrétaires. J'entends bien qu'à l'Etat ce ne soit pas nécessaire, mais je ne suis pas forcément convaincu que ce ne soit pas parfois quand même nécessaire dans le privé ou dans certaines entreprises représentées dans ce parlement !

Ce débat sur les étrangers, Mesdames et Messieurs, est suranné; c'est la négation même de l'histoire de Genève et la démonstration que celles et ceux qui se réclament avec insistance de ce débat-là n'ont pas compris que la richesse de Genève provenait entre autres de sa diversité culturelle et internationale, des qualités que les gens venant d'ailleurs ont su amener avec eux en étant étrangers. (Applaudissements.)

M. Mathias Buschbeck (Ve). Ce sujet va encore être évoqué plusieurs fois dans ce débat, puisque le MCG a déposé son amendement sur la nationalité à peu près à tous les articles. Cependant, le vrai débat aura lieu à l'article 29, M. Lussi l'a relevé, au moment où il faudra choisir - ou alors les refuser - entre l'amendement de l'UDC et celui des Verts, lequel demande simplement l'admission des policiers s'ils sont titulaires d'un permis C. Ces amendements sont extrêmement importants puisqu'il y a un large consensus et dans cette salle du Grand Conseil et au Conseil d'Etat, mais ce qu'il faut surtout savoir - et c'est peut-être le plus important et ce qui intéresse le plus la population - c'est qu'il faut augmenter les effectifs de police, or cette augmentation des effectifs de police se heurte notamment à un problème de recrutement, nous en sommes tous conscients. C'est un peu difficile partout en Suisse, mais si c'est plus difficile à Genève que dans les autres cantons, c'est tout simplement parce qu'on renonce à un nombre important de candidatures potentielles que représentent les 40% d'étrangers qui habitent le canton de Genève. Alors on nous dit qu'il y a eu une ouverture, puisque l'on a permis aux titulaires de permis C de faire l'école et d'être naturalisés à la fin, mais que cette possibilité a rencontré assez peu de succès et que par conséquent cette mesure ne serait pas très utile. On a constaté de plus que, lorsqu'on le fait pour les ASP mais qu'on ne leur demande pas de se naturaliser à la fin, la mesure connaît beaucoup plus de succès.

Un autre argument en faveur de cet amendement sur les permis C réside dans le fait que cela faciliterait le dialogue de la police avec les communautés étrangères et que celle-ci serait plus représentative de la diversité genevoise - comme nous l'avons désormais ancré dans la loi - une diversité à laquelle la police genevoise est confrontée tous les jours.

D'autre part, on nous présente cette situation comme étant immuable mais, comme cela a été rappelé par le conseiller d'Etat Pierre Maudet, au XIXe siècle il pouvait y avoir un cinquième d'étrangers dans la police genevoise. On me rétorque que, par exemple en France, il est totalement impossible d'avoir une telle situation, mais moi je ne prends pas mes exemples en France ! Je les prends en Suisse et, depuis 1997, Bâle autorise les détenteurs de permis C à être membres de sa police cantonale, et cela à la satisfaction non seulement des habitants, mais aussi de la police et des pouvoirs politiques. Depuis, les cantons de Neuchâtel et du Jura ont suivi cet exemple, et il est temps d'en faire de même. A Genève, les Verts avaient déjà déposé en 2004 une motion dans ce sens demandant que les titulaires d'un permis C puissent être fonctionnaires de police, et cette proposition avait été acceptée en commission par tous les groupes, y compris le MCG et l'UDC, qui nous ont pourtant dit qu'ils ne transigeraient jamais sur ce point. Manifestement, il n'en a pas toujours été ainsi puisque, après l'audition de la police, qui s'était annoncée favorable à cette mesure, ils avaient choisi de soutenir cette proposition. En plénière, ces deux groupes s'étaient ensuite retournés, mais le parti libéral nous avait alors demandé d'aller plus loin, soit de ne pas restreindre la mesure aux permis C mais de l'étendre à tous les étrangers, sans besoin de résidence.

Puis le débat a rebondi en 2012, lorsque cet affreux gauchiste d'Eric Bertinat a souhaité ouvrir à nouveau la discussion en demandant que les permis C puissent accéder au poste de policier, et enfin nous avons repris le débat en début d'année, lorsque la réponse du Conseil d'Etat à ladite motion a été traitée en plénière. Tous les groupes ici présents - en tout cas la gauche et l'Entente - avaient dit que ce débat était important et qu'il se ferait dans le cadre de la loi sur la police qui était en train d'être étudiée. Nous y sommes précisément maintenant et nous vous invitons par conséquent à concrétiser enfin la volonté que vous aviez manifestée par le vote de la motion et à réaliser ce qui se pratique déjà dans d'autres cantons connaissant des problématiques semblables - et je pense que Bâle-Ville en est le meilleur exemple - c'est-à-dire à accepter que les détenteurs de permis C puissent devenir fonctionnaires de police. Et je précise que ce ne sont pas, comme cela a été dit en face, des gens qui viendraient du jour au lendemain dans la police, mais des personnes qui ont déjà résidé un certain nombre d'années en Suisse. (Quelques applaudissements.)

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. J'aimerais d'abord préciser un élément suite à l'intervention du député Gautier. La nationalité c'est autre chose que l'origine: ce n'est pas nécessairement quelque chose que l'on a reçu; on peut parfois l'avoir désirée et acquise, et souvent les personnes qui ont désiré et acquis la nationalité sont celles qui y sont le plus attachées. Ce dont, je pense, il faut se réjouir !

Concernant les armes et le parallèle entre la chasse et la police, je suis quand même assez sceptique. (Remarque.) D'abord, la chasse est interdite à Genève, effectivement, et puis le fait de comparer des animaux avec des humains... (Brouhaha.) En réalité, l'arme a plutôt une force symbolique: il est rare qu'un policier utilise son arme, et c'est donc plutôt un élément symbolique mais néanmoins fort. C'est la seule personne à même d'éventuellement tirer sur un autre individu, et elle doit précisément le faire dans certaines circonstances. Du reste, quand cela se produit, je crois qu'il y a même une procédure qui conduit le policier à voir son affaire examinée par la justice, par le ministère public, sauf erreur, et c'est donc quand même quelque chose d'assez lourd ! Ce n'est pas une chose anodine qu'on peut comparer à la chasse, qui est un loisir interdit à Genève pour diverses raisons.

Pour ce qui est du port de l'arme, il faut savoir que la loi fédérale ne permet pas aux étrangers de certaines nationalités de posséder une arme; c'est un élément qui est peu connu mais qui existe, et il faut aussi le prendre en compte. Tout cela pour dire que le port de l'arme n'est pas quelque chose d'innocent et qui n'a pas de valeur; c'est un élément très important et c'est pour cette raison que nous mettons en avant cette symbolique dans notre amendement.

M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, pour revenir brièvement sur cette question de la nationalité des policiers, j'aimerais rappeler que, pour les socialistes, c'est très clair, les détenteurs de permis C peuvent bien entendu accéder à la formation de policier. Cela semble tout simplement évident à Genève. (Commentaires.) Maintenant, la question est de savoir si c'est un acte absolument indécent que d'exiger que ces policiers formés prennent la nationalité suisse pour exercer leur métier. Eh bien, Mesdames et Messieurs, les socialistes sont partagés sur la question: certains d'entre nous sont en faveur de la présence de policiers qui ne sont que titulaires du permis C, alors que d'autres sont très attachés au fait qu'ils soient citoyens suisses pour exercer ce métier. Je crois que c'est une question d'appréciation qui fait justement appel à des notions de valeurs.

On a parlé de vocation à devenir policier, et on a dit que ce n'est pas un métier, mais une vocation. Eh bien moi je vous pose la question: si on a une vocation, est-ce qu'on ne peut pas faire l'effort d'acquérir la nationalité du pays dans lequel on exerce ce métier ? Pour cette raison, les socialistes vous inviteraient plutôt à garder la situation actuelle sous sa forme réglementaire. Je pense que c'est aussi ouvrir une certaine boîte de Pandore et que ceux qui ont envie de lancer un référendum à l'issue du vote de cette loi ne manqueraient pas d'utiliser cet argument pour dire que l'on va être envahi par des étrangers, par des Français, qui plus est, et ce sera un très bon argument pour un référendum.

En conséquence, Mesdames et Messieurs les députés, quelles que soient vos convictions, si vous êtes en faveur de cette loi et que vous voulez lui donner les meilleures chances de succès, je vous invite à garder plutôt le modèle actuel de la forme réglementaire, qui est aujourd'hui la voie de la sagesse. Cela n'empêche pas de se reposer la question séparément, dans un projet de loi idoine, que les Verts peuvent déposer dès demain matin. (Commentaires.)

M. Pierre Weiss (PLR). Monsieur le président, permettez à un archéo-libéral de s'exprimer. Il se trouve que je voterai comme mon groupe, mais sur la question de la nationalité des policiers je me sens bâlois et je pense donc que parfois il est bon d'être pragmatique, d'autant que l'on a mentionné les expériences qui ont été faites. Ce qui m'a simplement ennuyé aujourd'hui, c'est d'une part quand j'ai entendu que l'on pouvait bénéficier d'une naturalisation facilitée, car je pense qu'il ne doit pas y avoir de privilèges, mais aussi quand j'ai entendu que l'on pouvait prêter serment deux fois; il me semble que prêter serment une fois est bien suffisant, et je ne vois pas la valeur du second serment après que l'on a changé de statut.

M. Jean-Michel Bugnion (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, je voudrais être ici un peu rassurant. Cela fait très longtemps que le département de l'instruction publique a admis que des professeurs détenteurs de permis C enseignent aux élèves. Le prof, comme le policier, est une figure d'autorité. Le prof, comme le policier, intervient en cas de bagarre. Le prof, comme le policier, doit faire régner l'ordre. Eh bien je peux vous dire que je ne connais pas un seul exemple où des élèves ou des parents se sont plaints et ont voulu disqualifier l'intervention de l'enseignant sous prétexte qu'il n'avait pas le passeport rouge. (Exclamations.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Nous allons maintenant voter sur cet amendement de M. Baertschi, dont je vous redonne lecture:

«Art. 19, alinéa 1 (modification)

1 La police comprend 3 catégories de personnel:

a) les policiers;

b) les assistants de sécurité publique;

c) le personnel administratif.

Les policiers et les assistants de sécurité publique armés doivent avoir la nationalité suisse au moment de leur prestation de serment.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 55 non contre 26 oui et 5 abstentions (vote nominal).

Vote nominal

Le président. Nous passons à l'article 19, alinéa 2, pour lequel nous sommes saisis de quatre amendements. Le premier, qui émane de Mme Buche, rapporteure de première minorité, et de M. Baertschi, vise à biffer l'alinéa 2 de l'article 19. Le deuxième a été déposé par Mme Fontanet, M. Conne et M. Maitre et s'énonce comme suit:

«Art. 19, alinéa 2 (nouvelle teneur)

2 Le Conseil d'Etat fixe, en fonction des bassins de populations concernés, les effectifs nécessaires aux services opérationnels pour accomplir leurs missions respectives, telles qu'elles résultent de la présente loi.»

Le troisième amendement est proposé par M. Lussi et a la teneur suivante:

«Art. 19, alinéa 2 (nouvelle teneur)

2 Les effectifs de policiers correspondent au minimum à 32 postes pour 10 000 habitants.»

Enfin, nous sommes saisis d'un quatrième amendement de M. Baertschi, dont je vous donne lecture:

«Art. 19, alinéa 2 (nouvelle teneur)

2 Les effectifs de policiers correspondent à 42 postes pour 10 000 habitants.»

Je passe la parole à Mme Buche.

Mme Irène Buche (S), rapporteuse de première minorité. Merci, Monsieur le président. Pour la minorité, l'article 19, alinéa 2, pose un énorme problème. En effet, il s'agit d'un ratio dont le but est d'atteindre 42 postes pour 10 000 habitants, comme à New York, dans un délai de cinq ans, en lien avec l'article 66. Or nous estimons, sachant qu'aujourd'hui nous en sommes à environ 29 postes pour 10 000 habitants, que le saut à faire en cinq ans est énorme et que l'Etat de Genève n'en a tout simplement pas les moyens. Nous demandons donc que cet alinéa soit supprimé, puisque l'objectif à atteindre est tout bonnement disproportionné et que nous ne voulons en aucun cas qu'on nous dise à un moment donné qu'il faut engager tant de policiers et que l'on va donc couper ailleurs. Pour toutes ces raisons, je vous invite à accepter la suppression de cet alinéa 2.

Mme Emilie Flamand-Lew (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, j'en avais parlé dans mon intervention introductive, mais c'était il y a tellement longtemps que vous l'avez peut-être oublié. Je me permets donc de le répéter, nous les Verts soutiendrons cet amendement, car nous ne sommes pas favorables à la présence dans la loi d'un ratio de policiers indexé à la population. En effet, ce type de disposition créerait une exception qui n'existe pour aucun autre corps de métier de l'Etat, alors qu'on pourrait penser que le nombre des enseignants et enseignantes ainsi que des infirmiers et infirmières devrait également croître en fonction de la population. Il ne nous paraît donc pas souhaitable d'introduire dans la loi un tel ratio, qui lors des débats budgétaires viendrait donner un poids peut-être trop important à cette politique publique au détriment d'autres. Nous soutiendrons par conséquent l'amendement déposé par Mme Buche ou, à défaut, s'il ne devait pas passer, l'amendement suivant du PLR, lequel précise que le Conseil d'Etat fixe les effectifs, ce qui est de toute façon le cas aujourd'hui, en fonction du budget voté par notre parlement.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Nous partageons une partie des inquiétudes de la première minorité, mais nous avons une vision un peu différente de ce que devraient être les effectifs de police et pensons que cet alinéa soulève deux gros problèmes. Le premier problème, c'est la rigidité. Au train où vont les choses, ce n'est peut-être pas 42 postes pour 10 000 habitants qu'il faudrait, mais par exemple 54. Quand on voit l'explosion de la criminalité, le développement de la prison de Champ-Dollon et certaines modifications importantes... Nous sommes tout de même des législateurs ! Nous devons nous projeter dans le long terme ! Alors je ne suis pas sûr qu'on ait nécessairement besoin d'autant de policiers, mais nous voulons qu'ils soient suffisamment nombreux, bien formés, et que leur nombre soit déterminé de manière adéquate et non pas purement quantitative comme c'est le cas dans cet alinéa, parce qu'il est vrai que nous ne sommes qu'à moitié convaincus de la façon dont le compte a été fait. Si je me souviens bien, on s'est inspiré d'exemples étrangers, en imitant plus ou moins la Belgique, mais avec une organisation et une manière de faire les choses différentes. Il y a donc quand même à ce niveau-là une certaine improvisation qui nous semble dangereuse, dans le sens où l'on pourrait éventuellement être amené à avoir besoin de 40 ou 44 postes pour 10 000 habitants.

L'autre élément qui nous dérange, c'est que l'on ait mélangé les policiers et les assistants de sécurité publique, c'est-à-dire que l'on veuille créer une sorte de vase communicant au niveau des effectifs. Le coup est bien essayé, on veut avoir des gens que l'on paiera moins et que l'on formera moins, avec tous les dangers que cela peut représenter... En effet, j'ai beaucoup de respect pour les ASP, ce sont des personnes de qualité qui accomplissent un super boulot, mais c'est un boulot sectoriel suivant leur fonction, et il existe des fonctions très différentes chez les ASP. C'est quand même relativement complexe, mais leur formation dure trois mois alors que celle des autres s'étend sur deux ans. Il y a une typologie différente et, dans la gestion des effectifs, on est sûr qu'à un moment ou un autre on va se retrouver dans un état de confusion où, parce qu'on aura des impératifs budgétaires ou ceci et cela, on va augmenter le nombre nécessaire d'ASP et réduire le nombre nécessaire de policiers. Par conséquent, la garantie qui nous est prétendument donnée dans cet alinéa est tout illusoire, et en réalité elle peut même être plus dangereuse qu'autre chose. Nous préférons donc qu'il n'y ait pas de mention directe, parce que cela peut avoir un effet beaucoup plus négatif que ce qui peut être fait autrement. Du reste, nous allons vous proposer un autre amendement tout à l'heure, parce que nous sommes pour un renforcement de la police, c'est l'un des éléments, amendement qui prévoit une augmentation importante des forces de police. Il vous sera présenté plus tard, mais pour l'heure il est vrai que la solution la plus sage et la plus intelligente serait de biffer cet alinéa ou de trouver une autre formulation, qui nécessiterait d'ailleurs un passage en commission. (Exclamations.)

M. Christian Zaugg (EAG). Monsieur le président, chers collègues, pour tout dire nous avons défendu en commission le ratio de 32 policiers - policiers ! - pour 10 000 habitants, qui nous semblait plus réaliste que le précédent. Néanmoins, il faut dire les choses comme elles sont: entre ce ratio et la suppression de l'alinéa, notre coeur balançait, ce qui fait que l'on n'a pas trop de problèmes à suivre l'amendement qui est présenté maintenant.

Mme Nathalie Fontanet (PLR). Monsieur le président, l'amendement du parti socialiste et du MCG vise à l'abrogation simple de l'article 19, alinéa 2. L'amendement du PLR, lui, va quelque part dans ce sens, parce qu'il donne une nouvelle teneur à cet alinéa 2 en supprimant la question du ratio. Il faut savoir que dans la loi actuelle figure un chiffre absolu s'agissant du nombre de policiers; dans le projet de loi qui vous est présenté, un ratio était également décidé, mais nous avons estimé que c'était trop contraignant, que cela faisait en réalité aussi office de première et que d'autres fonctions ou professions pourraient à leur tour demander à disposer d'un ratio dans la loi, ce qui pouvait être une inquiétude. Nous avons donc renvoyé cette question des effectifs au Conseil d'Etat, en prévoyant la possibilité de tenir compte des spécificités de chaque police, en prenant en considération, par exemple pour ce qui est de la police internationale, les bassins de populations concernés par cette dernière. De cette façon, le conseiller d'Etat pourra décider du nombre d'effectifs dont chacune de ces polices devrait disposer. Pour toutes ces raisons, nous vous demandons d'adopter l'article 19, alinéa 2, dans cette nouvelle teneur.

Mme Irène Buche (S), rapporteuse de première minorité. J'aimerais tout d'abord préciser que les socialistes ont renoncé à présenter le deuxième amendement sur cette disposition qui se trouvait dans le rapport de minorité, à savoir un ratio de 32 postes pour 10 000 habitants. D'autre part, nous sommes prêts à nous rallier à l'amendement proposé par le PLR et le PDC, si bien que nous retirons notre amendement visant à supprimer l'article 19, alinéa 2. (Commentaires.)

Le président. Merci, Madame la députée. On me rappelle qu'il reste quand même l'amendement du MCG concernant la suppression de cet article 19, alinéa 2. Cet amendement est donc toujours en vigueur. Je passe la parole à M. Patrick Lussi.

M. Patrick Lussi (UDC). Merci, Monsieur le président. Il reste également l'amendement de l'Union démocratique du centre sur cet alinéa 2, nouvelle teneur. Je crois que les choses doivent être claires et, en trente secondes - le temps est compté - je dirai que l'Union démocratique du centre modifie la teneur de cet alinéa simplement en se basant sur l'expérience. En effet, on a vu que, lorsqu'on commence à inscrire trop de catégories différentes dans une loi sur la police, on aboutit à des catastrophes, à des hiatus, et l'histoire récente le démontre. Par conséquent - et ce n'est ni par défi, ni par mépris ou quoi que ce soit - nous pensons qu'il n'est pas judicieux de mettre les ASP 3 dans les effectifs de police, c'est pourquoi non seulement nous modifions le libellé de l'alinéa 2, mais nous essayons de plus de parvenir à un ratio correct, qui est de 32 postes pour 10 000 habitants. L'abrogation de cet alinéa 2 ne nous convient donc pas car, si c'est pour le remettre après, nous préférons passer directement à un amendement portant sur les termes, dans lequel on ne parle que des effectifs de policiers avec un ratio. Et en ce qui concerne l'Union démocratique du centre, je ne dirai pas qu'il nous semble périlleux, mais il nous semble en tout cas difficile, pour une compréhension générale, que les effectifs ne soient pas indiqués quelque part dans la loi. On est passé d'un nombre fixe - pour lequel on avait jusqu'à présent une souplesse d'application de 10% - à un ratio; qu'on discute sur le ratio, je suis tout à fait d'accord, et on s'y ralliera, mais le supprimer me paraît être une erreur.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Pour nous, Mouvement Citoyens Genevois, l'essentiel est d'avoir un nombre de policiers suffisant et important pour assurer la sécurité dans notre canton. Cet effort-là, qui est important, nous voulons le faire à tout prix, c'est d'ailleurs pour cela que nous avons déposé un amendement visant à supprimer du calcul les ASP 3, qui seront donc présents de manière supplémentaire. Mais à côté de cela nous maintenons bien évidemment notre premier amendement, qui consiste à biffer l'alinéa 2, pour une raison très simple: je crois qu'il y a des responsabilités qui doivent être celles du gouvernement et du parlement, et c'est à nous tous de les assumer; il ne s'agit pas d'avoir une sorte de béquille qui nous indique que l'on est obligé de faire ceci ou cela. En ce qui nous concerne, notre ligne est claire, c'est plus de policiers et plus de sécurité dans notre canton; c'est un élément incontournable sur lequel nous ne transigerons pas. Je vous demande donc de suivre cet amendement que nous maintenons de toute manière.

M. Roger Deneys (S). Pour les socialistes, la question de la sécurité est primordiale, et c'est vrai qu'il est extrêmement important de disposer d'un nombre suffisant de policiers par rapport à un certain niveau de criminalité. Maintenant, assurer un niveau de sécurité, c'est aussi assurer des moyens dans le domaine de la prévention et pas seulement de la répression, or il faut avoir en tête, Mesdames et Messieurs les députés, qu'actuellement la commission des finances de ce Grand Conseil étudie un projet de loi du PLR qui vise à instaurer un «personal stop» au sein de l'Etat. Si on engage dans un corps quelconque de l'Etat, il va falloir supprimer des postes ailleurs. Ainsi, Mesdames et Messieurs les députés, avec une loi pareille - si elle est votée un jour par ce Grand Conseil, mais malheureusement je vous sais capables de le faire - ça signifie que s'il y a des mécanismes automatiques et mathématiques en fonction de la population, eh bien chaque fois que la population genevoise va augmenter, il va falloir engager davantage de policiers et donc en même temps supprimer des postes ailleurs. Alors je vous mets au défi de me dire où vous allez les supprimer sans dégât ! Dans l'enseignement ? A l'hôpital ? Dites-moi dans quel domaine ! Dans les transports ? Dites-moi où à Genève nous pouvons supprimer des postes sans dommage pour la population la plus précarisée et les classes moyennes... Mesdames et Messieurs les députés, c'est ça le problème ! Nous vous invitons donc à rester raisonnables, à ne pas instaurer un quota chiffré, et c'est bien entendu au moment du vote du budget, en fonction des moyens que nous sommes prêts à allouer à cette politique publique, que nous pourrons fixer un nombre de policiers qui, au demeurant, même si nous l'augmentons, ne sera pas forcément atteint, parce que nous n'arrivons pas toujours à remplir les écoles de police. Il faut donc être pragmatique et faire en fonction des moyens ! Et, dans un monde idéal, la criminalité n'existerait pas et nous n'aurions plus besoin de policiers, car même les automobilistes respecteraient, comme les cyclistes, les lois. (Commentaires.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. François Baertschi comme rapporteur, puis au conseiller d'Etat, et ensuite nous voterons.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Je demande le vote nominal !

Le président. Merci, Monsieur le député. Est-ce que vous êtes soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, c'est le cas. Monsieur Maudet, vous avez la parole.

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Je voulais quand même intervenir au nom du Conseil d'Etat sur cette notion dont on a beaucoup parlé, la notion de ratio, qui ne vient pas de nulle part, qui n'est pas fondamentale, mais qui est malgré tout importante. En effet, là derrière - et M. le rapporteur de deuxième minorité l'a dit - c'est la question des effectifs qui se pose. En 1957, cette question des effectifs a occupé la moitié de la discussion concernant la loi sur la police, et tout le débat consistait à savoir ce qu'est un effectif suffisant en matière de police.

Nous avons engagé au cours de la législature précédente, il faut le dire, un peu plus de 200 ETP - équivalents temps plein - tous confondus, policiers et ASP 3, au bénéfice de la sécurité de notre canton. Et j'aimerais dire ici - c'est important de le souligner - que nous avons connu entre 2011 et 2013 une diminution de l'ordre de 20% des actes criminels, des infractions reportées relevant du code pénal; 20%, c'est quand même substantiel, Monsieur le rapporteur, par rapport à ce que vous évoquiez tout à l'heure ! On assiste objectivement à une baisse de la criminalité, et c'est rassurant: une augmentation des effectifs produit une baisse. Mais ce que souhaite le Conseil d'Etat ce soir - et c'est le message que je veux faire passer concernant cet amendement - c'est que dans une loi sur la police on ne bannisse pas toute mention des effectifs; ça semble une évidence ! Surtout qu'on vient précisément d'une loi sous l'empire de laquelle on vit encore aujourd'hui et qui, comme le disait Mme Fontanet, indique un nombre absolu de gendarmes: 960. En réalité, on en est aujourd'hui environ à une centaine de moins. Donc ce que propose le Conseil d'Etat à travers ce ratio, dont j'ai bien compris qu'il n'obtiendrait pas de majorité ce soir, c'est de dire que nous devons nous astreindre, nous l'exécutif, à calculer en fonction des missions - et vous allez voir que cela a son importance par rapport aux moyens financiers - un nombre idéal de policiers - respectivement d'ASP 3, car je vous donne raison, il faut pouvoir les séparer de part et d'autre - pour garantir ces missions de sécurité. Je vous cite un exemple précis: nous avons à Genève - et Mme Fontanet l'évoquait tout à l'heure - une spécificité qui est la dimension internationale, avec de nombreuses ambassades, les organisations internationales, etc., et c'est la raison pour laquelle nous avons l'un des secteurs de la police qui fait notre fierté, la police internationale. Or le bassin de population de cette police internationale, c'est d'abord les 40 000 fonctionnaires internationaux et diplomates. Eh bien le fait de l'isoler, de pouvoir l'identifier et de justifier d'un ratio de policiers actifs dans ce domaine m'a permis l'année passée, par exemple, d'obtenir annuellement un peu moins d'un million supplémentaire de la part de la Confédération.

Je vous invite donc à vous rallier à la proposition qui a été faite par le PLR de mentionner que le Conseil d'Etat doit, par voie réglementaire, fixer les effectifs, et cela en fonction des missions. Mais évidemment, Mesdames et Messieurs les députés, c'est vous qui avez le dernier mot, parce qu'au moment du budget c'est vous qui votez. Je trouve que c'est là un bon compromis, qui nous permet encore une fois d'entrer dans une forme de modernité.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. (Remarque.) Monsieur Baertschi, on ne parle pas après le Conseil d'Etat ! Je vais donc mettre aux voix cette proposition d'amendement, maintenue par le MCG, qui consiste à biffer l'alinéa 2 de l'article 19.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 57 non contre 23 oui et 8 abstentions (vote nominal).

Vote nominal

Le président. Nous sommes maintenant saisis d'un amendement de Mme Fontanet, M. Conne et M. Maitre, dont je vous rappelle la teneur:

«Art. 19, alinéa 2 (nouvelle teneur)

2 Le Conseil d'Etat fixe, en fonction des bassins de populations concernés, les effectifs nécessaires aux services opérationnels pour accomplir leurs missions respectives, telles qu'elles résultent de la présente loi.»

Je passe la parole à M. Patrick Saudan.

M. Patrick Saudan. C'est une erreur, Monsieur le président !

Le président. Très bien. Je cède donc le micro à M. François Baertschi.

Des voix. C'est une erreur !

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Non, ce n'est pas une erreur, désolé pour vous, Monsieur Gautier ! La demande d'amendement qui nous est soumise est une proposition à gros risque. En effet, il est indiqué que nous devons tenir compte des bassins de populations concernés, c'est-à-dire que les effectifs vont tenir compte du Grand Genève, à savoir de l'Ain, du Pays de Gex et de la Haute-Savoie. Une fois de plus, on va donc devoir effectuer des tâches de sécurité en fonction de la France voisine et du prétendu Grand Genève ! Pour cette unique raison c'est de toute manière inacceptable, à moins d'avoir une formulation qui soit correcte et qui corresponde au canton de Genève, dans laquelle il serait dit: «Le Conseil d'Etat fixe, en fonction du canton de Genève...» Je ne comprends pas pourquoi les personnes qui ont déposé cet amendement n'ont pas parlé du canton de Genève ! C'est à croire qu'on en a presque honte, ce que je trouve quand même assez étonnant. Ce genre de chose ne peut pas être tolérable et toléré par le MCG, et nous n'accepterons pas que l'on inscrive une notion faisant référence au Grand Genève pour un problème de sécurité qui concerne, je vous le rappelle, le canton de Genève. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) La sécurité doit être organisée en fonction du canton de Genève, avec éventuellement des arrivées de l'extérieur. Du reste, les implications extérieures, les implications internationales, on en tient compte depuis bien longtemps - j'imagine depuis la SDN, la Société des Nations, voire encore précédemment, depuis le CICR ou autre - mais de toute manière nous ne pouvons pas accepter ce type de formulation, qui va engendrer une nouvelle dérive. C'est donc une raison de plus pour que ce projet retourne en commission, ce que je vais vous demander, Monsieur le président. (Brouhaha.)

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Je cède le micro aux deux autres rapporteurs, s'ils le souhaitent, sur le renvoi en commission. Monsieur Conne, vous avez la parole.

M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de majorité. Monsieur le président, dois-je m'exprimer sur le renvoi en commission ou sur l'amendement ?

Le président. Sur le renvoi en commission, Monsieur le député ! Une demande de renvoi en commission a été formulée et je dois la faire voter.

M. Pierre Conne. Très bien, alors nous nous opposons au renvoi en commission.

Le président. Merci, Monsieur le député. Madame Buche, vous ne souhaitez pas intervenir ? (Remarque.) Monsieur le conseiller d'Etat non plus ? Très bien. Je soumets donc à l'assemblée cette demande de renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11228 à la commission judiciaire et de la police est rejeté par 54 non contre 38 oui.

Le président. Monsieur Conne, vous avez la parole sur l'amendement.

M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. J'aimerais répondre à l'argumentation du rapporteur de deuxième minorité sur l'amendement que Mme Fontanet a présenté tout à l'heure et qui concerne effectivement le fait de renvoyer... (Brouhaha.)

Le président. Monsieur Pagani ! S'il vous plaît !

M. Pierre Conne. ...à l'échelon réglementaire la question de la fixation des effectifs. J'aimerais bien qu'on soit clair sur ce que l'on entend par «en fonction des bassins de populations concernés» pour accomplir les missions respectives de la police. Quand on parle de bassins de populations, on ne parle pas de territoire, et c'est très facile à comprendre. Il y a environ 900 000 personnes qui circulent sur le canton de Genève si l'on tient compte des résidents des autres cantons et de la France voisine qui viennent dans notre canton. Il y a quelque 13 millions de voyageurs qui transitent par Genève et on dénombre à peu près 40 000 personnes oeuvrant au sein des organisations internationales. Pour la police routière, quand on parle de bassins de populations, on voit bien que les 900 000 personnes qui sont amenées à circuler dans les rues du canton de Genève ne représentent pas la même quantité d'individus que si l'on tient simplement compte des personnes qui résident à Genève et qui circulent dans notre canton. Je crois donc qu'il faut bien comprendre cette approche très pragmatique, et il en va de même, quand on parle des missions de la police internationale, pour les 40 000 membres des organisations internationales. Cette notion de «bassins de populations» est par conséquent à mettre en lien avec les missions respectives que la police doit remplir. Et il ne s'agit pas, si on parle du bassin de population du Grand Genève, que les policiers genevois interviennent sur le territoire français ou du canton de Vaud pour des missions à caractère judiciaire, par exemple.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Monsieur le président, j'aimerais juste reprendre un élément, sans être trop long, s'agissant de ce que vient de dire le rapporteur de majorité. Non, le problème ne concerne pas la question d'intervenir à l'extérieur; le problème, c'est de mettre ce concept au sein de la loi genevoise, dans la mesure où l'on va encore avoir un gonflement, ce qui ouvre quand même la porte à des interventions qui ne doivent pas être prioritairement celles de la police de la République et canton de Genève. Et je crois qu'il faut qu'on reste dans le sujet et qu'on n'en dévie pas parce qu'on veut créer quelque chose de tout à fait utopique, à savoir ce Grand Genève dont on nous parle et dont on nous rebat les oreilles, alors qu'il y a d'autres personnes, notamment le MCG, qui ont une vision différente de la région et qui pensent que ce doit être des territoires souverains, qui parlent à égalité les uns avec les autres. Mais c'est notre vision de Genève, qui n'est pas celle du Grand Genève, et je crois que c'est une erreur de vouloir introduire ce nouvel élément dans la loi; selon le MCG, c'est faire fausse route.

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Monsieur le président, il y a là quand même une ou deux énormités qu'il faut saisir au vol pour faire un peu de pédagogie. A longueur d'année on entend certains groupes politiques, à juste titre en partie, nous parler de la criminalité transfrontalière. Nous sommes une place opulente, nous attirons notre lot de criminels comme notre lot de richesses, et c'est vrai, mais alors nous devons justement en tenir compte dans les effectifs de police pour ce qui est de la réponse à apporter ! Vous avez là la démonstration, et vous pouvez la faire, qu'enfin on prend la sécurité à sa juste échelle, et pourtant la réponse est non, on se replie dans notre pré carré, sans tenir compte - tel un enfant de cinq ans qui pense que, s'il se couvre les yeux, on ne le voit pas - du fait que précisément ces phénomènes criminels nouveaux touchent aussi Genève, raison pour laquelle il faut s'adapter et se doter d'une loi moderne. Le MCG a donc là précisément l'occasion de montrer qu'on tient compte de l'ensemble du périmètre. Le Grand Genève, au niveau sécuritaire, c'est une réalité ! Vous le dites d'ailleurs tous les jours, vous l'affichez tous les jours ! Alors, de grâce, soutenez cet amendement ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons maintenant nous prononcer sur cet amendement de Mme Fontanet, M. Conne et M. Maitre à l'article 19, alinéa 2, que je vous ai lu tout à l'heure.

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 64 oui contre 26 non et 2 abstentions.

Le président. De fait, l'amendement de M. Lussi ainsi que celui de M. Baertschi - qui concernent tous deux ce même article 19, alinéa 2, et dont j'ai énoncé la teneur précédemment - deviennent caducs.

Troisième partie du débat: Session 10 (septembre 2014) - Séance 69 du 09.09.2014