République et canton de Genève

Grand Conseil

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M 2179-A
Rapport de la commission des travaux chargée d'étudier la proposition de motion de MM. Jacques Jeannerat, Alain Meylan, Gabriel Barrillier, Jacques Béné, Frédéric Hohl, Christophe Aumeunier, Ivan Slatkine, Renaud Gautier, Bernhard Riedweg, Antoine Barde, Olivier Cerutti, Pierre Weiss pour la prise en considération d'un partenariat public-privé en vue du financement et de la réalisation de la traversée du lac
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VIII des 15, 16 et 17 mai 2014.
Rapport de majorité de M. Jacques Béné (PLR)
Rapport de première minorité de Mme Lydia Schneider Hausser (S)
Rapport de deuxième minorité de M. Mathias Buschbeck (Ve)
Rapport de troisième minorité de Mme Magali Orsini (EAG)

Débat

Le président. Nous poursuivons nos urgences avec la M 2179-A. Nous sommes toujours en catégorie II, cinquante minutes. Je passe la parole au rapporteur de majorité, M. Béné.

M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je ne vais pas faire très long, je reprendrai peut-être la parole par la suite sur ce vaste serpent de mer qu'est la traversée du lac.

Ce qui m'impressionne le plus, c'est que dans ce débat - qui pour nous est un vrai débat sur ce qu'est un PPP - certains, dans ce parlement, s'arrêtent sur le fait qu'ils ne veulent tout simplement pas de la traversée du lac. Disons-le très clairement, il ne faut pas attaquer le PPP en tant que tel, puisque le partenariat public-privé est une occasion unique d'essayer de financer des projets d'intérêt public de grande importance, avec des chances de succès nettement supérieures à celles que l'on aurait si l'Etat seul était impliqué. (Brouhaha.) Nous avons, depuis mars 2011, un rapport de synthèse avec des études de faisabilité suite au vote d'un crédit d'étude de trois millions et demi de francs. Je tiens d'ailleurs à saluer les partenaires économiques, parce qu'ils ont fait un travail extrêmement important; c'est remarquable, et je pense que cela doit être souligné. La présentation, la qualité, le professionnalisme de cette étude ont été salués en commission, et les variantes proposées nous ont apporté, en tout cas à nous, majorité, une grande satisfaction.

Le PPP, c'est tout d'abord une garantie de durabilité et de rentabilité du cycle de vie; le PPP est déjà permis par la Constitution fédérale, et rien n'empêche de réaliser un PPP, contrairement à ce qui a pu être dit. Contrairement à ce qui a été dit également, Berne, aujourd'hui, n'a pas complètement recalé la traversée du lac: elle l'a simplement reportée. On peut le comprendre, nous ne sommes déjà pas d'accord entre nous ! Donc inévitablement, à Berne on se dit qu'il faut d'abord qu'on se mette d'accord, et puis qu'ensuite ils reverront la situation. Et quoi de mieux que cette motion pour montrer, après l'avoir évalué, que le PPP est possible, et pour confirmer la faisabilité technique et économique d'un PPP sur la base du rapport de synthèse ? Il ne s'agit pas de réinventer la roue; il s'agit de proposer des alternatives de financement et d'accélérer la réalisation de cette traversée du lac, chère à toute la région. C'est une motion, Mesdames et Messieurs ! Ce n'est pas un crédit d'investissement. Nous demandons simplement d'étudier la chose. Cela ne va pas coûter plus que ce qu'on pourrait avoir à payer pour l'évaluation, je ne sais pas, d'une nouvelle ligne de tram ou de la prison des Dardelles - qui va d'ailleurs nous coûter 16,5 millions en crédit d'étude, si je me souviens bien. Il s'agit juste d'étudier la faisabilité de cette solution qui nous a été présentée, encore une fois, de manière très professionnelle.

On a parlé des risques de surcoûts. Les surcoûts, Mesdames et Messieurs, si le contrat est bien ficelé - et c'est vrai qu'il y a un gros travail à faire à ce niveau - sont assumés par l'investisseur ! Les arguments donnés par M. Buschbeck, selon qui les PPP c'est «pour payer plus», ne correspondent pas à la réalité. (Commentaires.) Ça ne coûtera pas plus cher puisque tout est déterminé au départ. Et le risque de surcoûts est assumé par l'investisseur. Donc ce que nous demandons aujourd'hui, c'est qu'on étudie cette possibilité-là, qu'on ne jette pas à la poubelle ce qui a été fait; ce rapport de synthèse existe, c'est sur cette base-là, encore une fois, que cette étude a été effectuée. Et au bout des quarante ans que ce PPP prévoit, la propriété de l'ouvrage reviendrait à la collectivité publique.

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.

M. Jacques Béné. Cette question est une des pierres d'achoppement du projet, c'est un point qui a été soulevé, mais la maîtrise reste à la collectivité publique que nous sommes. Donc Mesdames et Messieurs, on reviendra sûrement sur certaines thématiques par la suite, mais contrairement à ce que M. Buschbeck dit, le PPP ce n'est pas «Pour Payer Plus», mais c'est «Proposons Pour Progresser». Je vous remercie. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Lydia Schneider Hausser, rapporteure de première minorité. (Brouhaha. Un instant s'écoule.) Votre micro ne marche pas ? Il faut vous déplacer. (Remarque.) Voilà, ça marche, parfait. Allez-y, Madame !

Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de première minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, contrairement à ce qui a été dit ici, nous n'aborderons pas la question de la pertinence de la traversée du lac, mais nous nous focaliserons surtout sur le mode de financement et de gestion qui est proposé pour ce projet, c'est-à-dire le PPP. La proposition de motion 2179 fait suite à une étude de faisabilité réalisée sur un projet de traversée du lac en PPP. Le projet prend en compte l'ensemble du cycle de vie de l'infrastructure, soit la construction et l'exploitation durant une période allant de trente à cinquante ans - ce n'est encore pas défini, mais disons quarante ans. J'aimerais dire que tous les auditionnés dont la venue a été acceptée par la commission des travaux soutenaient fortement le PPP, et que les deux propositions d'audition visant à évoquer potentiellement des éléments critiques - ce n'était même pas sûr - ont été rejetées.

Pourquoi les socialistes refusent-ils d'entrer dans un PPP ? Parce que nous parlons ici d'un projet d'une ampleur énorme, celui de la traversée lacustre. En plus des risques financiers très importants, cela veut dire que nous allons soustraire cet ouvrage durant environ quarante ans à des processus démocratiques, voire à des processus d'évolution liés non pas à l'ouvrage lui-même, mais même à la société et à ses besoins. Prenons l'autoroute de contournement: des changements ont été acceptés récemment, et dans ce cas-là je ne sais pas comment on aurait fait. Cela soulève justement un des problèmes du PPP: ce PPP ne pourrait démarrer que lorsqu'un contrat serait formulé. Cela veut dire que l'Etat, pour ce contrat, devrait penser à tous les scénarios possibles d'ici quarante ans, à toutes les questions que pourraient susciter la construction, l'entretien, l'exploitation d'un tel ouvrage. Et il devrait introduire des clauses pour chacune de ces problématiques. En gros, on demande aux fonctionnaires et à l'Etat de penser à tous les risques potentiels avant l'ouverture du chantier, car si pas pensé, eh bien dommage, tu paies ! Et je parle du contribuable !

A Genève, on a actuellement un parlement et un gouvernement majoritairement en faveur de la traversée lacustre, et cela crée une pression. Comme les travaux pour une construction potentielle ne pourront pas être accélérés outre mesure, ce sera donc durant la phase de négociation du contrat qu'il faudra se dépêcher. Or, c'est justement pendant cette phase de négociation et de définition exhaustive des conditions de partenariat qu'il faudrait prendre du temps - en tout cas, c'est ce que montrent tous les projets internationaux qu'on a menés en PPP.

Par ailleurs, il est illusoire et faux de prétendre que le PPP permettrait à l'Etat de construire de manière plus économique qu'avec une méthode classique d'investissement. Financièrement, le PPP autorise juste l'Etat à différer le paiement de l'ouvrage. Et il est bien évident que le coût est ensuite plus important que dans une maîtrise d'ouvrage publique. Pour notre traversée, il y aurait une étape de construction financée par le privé, et une deuxième étape qui serait la mise en exploitation, avec des apports d'une seconde série de privés. Et c'est là que l'Etat entrerait en piste, en versant une redevance fixe tout au long du contrat, qui serait liée à l'amortissement de l'ouvrage.

L'étude qui nous a été présentée en commission nous dit que tout le monde est gagnant. Mais si on la lit bien dans les détails, on voit un glissement vers des pronostics d'utilisation, et donc d'utilité, moins convaincants. Du coup, la possible introduction d'un péage est vue comme un transfert de risques de l'exploitation uniquement sur le privé. Cela montre au passage la nécessité et la pertinence de l'ouvrage, qui ne sont pas si évidentes malgré ce que la majorité veut bien nous dire. Bon. Face à ce risque, l'étude propose alors que l'Etat paie une rémunération supplémentaire...

Le président. Il vous reste trente secondes, Madame la députée !

Mme Lydia Schneider Hausser. ...sur un modèle de disponibilité. En gros, il s'agirait d'une rémunération en plus de la redevance, qui serait demandée à l'Etat sous forme d'annuité constante, une sorte de loyer qui couvrirait les intérêts de la dette et les frais d'exploitation. Au-delà de l'étude, l'Etat devrait investir avec la deuxième série de financiers, lorsque l'ouvrage serait ouvert. Sans parler des risques majeurs non mentionnés par l'étude, comme les conséquences sur l'écosystème général du lac ou la faillite d'une entreprise importante du consortium qui aurait lieu.

Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée.

Mme Lydia Schneider Hausser. En gros, si tout va bien, ce projet rapportera à des privés, et si quelque chose se passe mal, l'Etat passera à la caisse une deuxième fois. Donc rien de nouveau sous le ciel lémanique. Les tenants du PPP sont aussi ceux qui disent que la dette est insupportable et qu'elle ne doit pas être creusée. Mais quelle différence entre agrandir la dette tout de suite en payant le prix coûtant d'un ouvrage et en en ayant un contrôle total, ou en entretenant un ouvrage dont l'Etat n'a pas la maîtrise ? (Brouhaha.) Le coût serait le même, simplement il serait différé. Voilà, je m'arrêterai là. (Applaudissements.)

M. Mathias Buschbeck (Ve), rapporteur de deuxième minorité. Monsieur le président, chers collègues, je voulais tout d'abord revenir sur les travaux de la commission, que j'ai trouvés un peu particuliers. En effet, on se retrouve avec un projet qui pourrait impacter de plusieurs milliards le budget de l'Etat, et la seule audition que nous avons faite est celle de partenaires privés qui sont venus nous expliquer à quel point cette idée était la meilleure du monde. Alors je ne vais pas leur reprocher de vouloir vendre leur bifteck, mais je pense que nous aurions pu au moins avoir un esprit un petit peu plus critique et simplement procéder à une autre audition pour connaître les risques que fait courir ce projet à la collectivité. Nous avons demandé de nombreuses auditions, dont celle - qui nous semblait la plus élémentaire - de la cellule risk management de l'Etat, simplement pour connaître les risques financiers que ce projet pouvait comporter pour l'Etat. Cela nous a été refusé, pourtant je pense que c'était le minimum; c'est la raison pour laquelle nous allons demander le renvoi de cette motion en commission, afin de procéder à cette audition.

Alors pourquoi, sur ce projet-là, faut-il un PPP ? C'est la question sur laquelle nous avons travaillé en commission. J'espérais avoir des réponses pertinentes, intelligentes, mais j'ai été surpris de voir les raisons pour lesquelles on voulait financer ce projet par un PPP: premièrement - et cela a été dit avec une telle franchise que c'en était presque touchant - cela permettrait de contourner le frein aux investissements. En effet, on a voté un mécanisme qui prévoit que quand on a trop d'investissements, ceux-ci sont bloqués; on voit que celui-là sera très important, donc on le fait passer par un PPP afin de pouvoir contourner le mécanisme de frein. C'est à mon avis une justification assez terrible ! On vote des mécanismes pour éviter des déficits, puis quand on a un projet qui nous plaît beaucoup, eh bien on le sort des investissements pour pouvoir le financer autrement.

Deuxièmement - cela a été rappelé - normalement, cette infrastructure devrait être financée par la Confédération. Mais Berne, malheureusement, a dit non ! (Brouhaha.) Non pas parce que, comme l'expliquent les considérants, il y a de moins en moins d'argent à Berne pour la route - il y en a plutôt de plus en plus, et un nouveau fonds, le fonds FORTA, va être mis en place pour financer les infrastructures routières afin que les autres collectivités de Suisse en profitent - mais parce qu'à Berne on ne veut pas de la traversée du lac. Pourquoi ? Tout d'abord parce qu'on pense que s'agissant du rapport coûts-bénéfices, l'élargissement de l'autoroute de contournement est plus intéressant. Mais surtout - et je pense qu'il faut le dire - Berne trouve que les hypothèses de travail sur lesquelles nous nous basons pour justifier une traversée du lac sont incohérentes - pour le dire gentiment - et fausses ! A Berne, on estime simplement que les prévisions de circulation ne méritent pas une traversée du lac.

Par rapport au prix, j'ai effectivement traduit l'acronyme PPP par «Pour Payer Plus». Pourquoi ai-je dit cela ? Quand on détaille les documents que nous ont remis les partenaires privés, on y voit qu'on peut avoir un loyer par année qui se situe entre 100 millions - si on a un péage - et 200, 220 ou 230 millions selon la variante maximum, ce qui nous fait un prix total de 9,5 milliards ! Je répète, 9,5 milliards ! Pourtant, avec toutes les variantes qu'on nous a proposées, avec les projets qu'on nous a soumis jusqu'aujourd'hui, on dépassait rarement les 3, 4, voire 5 milliards ! Aujourd'hui, on double quasiment ce prix. Effectivement, il faut bien que les partenaires privés s'y retrouvent, avec un bénéfice à la clef. Je pense que si on avait un financement entièrement public dès le départ, on aurait un prix moindre. Aujourd'hui, le prix avoué pour ce PPP est de 9,5 milliards - au maximum, bien sûr, puisque c'est la variante sans péage. Cela veut dire que nous paierons, dès 2030 et jusqu'en 2070, 200 millions par année pour financer cette traversée: à mon avis c'est un beau pari sur l'avenir, quand on sait qu'il n'y aura plus de pétrole d'ici quarante ans, de vouloir continuer à payer la traversée du lac jusqu'en 2070 ! (Commentaires.) Alors effectivement, j'ai dit que 200 millions c'était le maximum; on pourrait peut-être se retrouver avec 100 millions, mais à ce moment-là il faudrait installer un péage. Et le péage est aussi soumis à condition, c'est-à-dire que si les règles venaient à changer, si par exemple on prenait des mesures de restriction de circulation ou ce genre de choses, le privé pourrait se retourner contre nous et nous dire que l'investissement n'est plus assez rentable et qu'il faudrait donc que nous le dédommagions - c'est écrit noir sur blanc. Il est aussi écrit noir sur blanc, et à plusieurs endroits - et c'est peut-être la raison fondamentale qui fait qu'il faut refuser ce projet - que les partenaires privés n'ont pas l'intention de prendre le risque financier à leur compte. Ils ne sont pas intéressés à assumer le risque lié à cet investissement !

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député !

M. Mathias Buschbeck. Je pense que quand on a dit ça, on a à peu près tout dit; ils sont prêts à construire si on paie, mais si le projet n'est pas rentable, ça ne les regarde pas. Je reviendrai peut-être sur les amendements plus tard. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Mme Magali Orsini (EAG), rapporteuse de troisième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons d'emblée constaté que l'UBS faisait partie des trois groupements qui ont financé cette étude, et nous sommes heureux de constater qu'alors que des fonds publics ont permis de sauver cet établissement de la faillite, il s'estime maintenant en mesure de se substituer à l'Etat pour sa politique d'investissement. (Brouhaha.) Petite remarque, ironique, bien entendu, pour ceux qui ne l'auraient pas remarqué.

Le dossier présenté reflète le point de vue et les intérêts des investisseurs potentiels. Il nous aurait paru indispensable, comme à mon préopinant, de le faire étudier par une entité alternative, par exemple la Cour des comptes ou la cellule de risk management du Conseil d'Etat. On nous cite comme exemple de PPP réussi, celui - français - du viaduc de Millau; ce n'est pas moi qui le mentionne, ce sont les présentateurs de cette étude. Or, ce viaduc a été financé, certes, par des fonds privés dans le cadre d'un contrat de concession, l'ouvrage étant la propriété de l'Etat français, et les dépenses pour la réalisation et l'exploitation de l'ouvrage à la charge du concessionnaire. Les revenus du péage étaient attribués aux concessionnaires, mais il y avait un risque de sur-rentabilité qui faisait que les parties avaient mis en oeuvre un dispositif de fin anticipée de la concession. Or, dans la proposition qui nous est faite, non seulement aucun risque de sur-rentabilité n'est prévu, mais on voudrait la garantie de l'Etat uniquement en cas de sous-rentabilité. Quand on nous dit que les investisseurs privés sont prêts à assurer la totalité de l'investissement, on ne voit pas très bien où est le partenariat. Certes, on promet à l'Etat un strapontin au conseil d'administration, mais il y serait totalement minoritaire. Non seulement il ne faut pas accepter la garantie de l'Etat pour l'encaissement des péages, mais il serait inouï que l'Etat paie un loyer à hauteur de 100 à 118 millions pendant quarante ans sur un espace qui lui appartient. Il nous semble que ce serait au contraire aux investisseurs de payer un droit de superficie.

On nous explique également que la productivité que peut offrir un opérateur privé risque d'être meilleure que celle d'une collectivité publique; nous avons noté, parmi les arguments, que lorsque les mêmes entreprises travaillent pour l'Etat plutôt que pour le secteur privé, elles sont moins pressées de réaliser les travaux dans les délais. Nous saurons aussi nous en souvenir.

Enfin, le cas des autoroutes françaises qu'on nous présente est un bon exemple de profits juteux fait par des entreprises privées, au lieu que cela bénéficie aux caisses de l'Etat. (Commentaires.) Il nous paraît un peu facile de mener une politique des caisses vides par des cadeaux fiscaux permanents aux plus fortunés, et ensuite, parce que les caisses sont vides, de faire la fortune des investisseurs privés. Pour toutes ces raisons, le groupe EAG vous demande de refuser cette proposition de motion.

M. Ivan Slatkine (PLR). Je pensais qu'il y aurait peu d'interventions mais finalement elles sont nombreuses; cela va être intéressant. Ecoutez, je crois que les rapporteurs de minorité ont mal lu cette proposition de motion; elle demande au Conseil d'Etat d'évaluer la possibilité de créer un partenariat public-privé. Parce que je vous rappelle - Ensemble à Gauche n'était pas au parlement, mais les Verts et les socialistes y étaient - que vous avez voté Mobilités 2030, et que dans Mobilités 2030 il y a la traversée du lac. (Commentaires.) Et compte tenu de l'état des finances publiques, on se rend compte qu'il y a un problème pour assumer la traversée du lac aujourd'hui. Si on souhaite le développement de ce canton, eh bien il faut trouver des solutions différentes pour pouvoir financer une infrastructure majeure, clef de voûte du développement de Genève. Cette motion demande donc au gouvernement d'étudier la possibilité de mettre en place un partenariat public-privé.

Bien sûr, pour Ensemble à Gauche, c'est le dogme du public: les privés, mon Dieu, quelle horreur ! Seul l'Etat est sain ! Cette position permet de comprendre le rapport de minorité. Et puis les Verts et les socialistes sont, par définition, opposés à toute traversée; ils nous l'ont dit, ils nous l'ont redit, cela fait des années qu'on les entend. Pour eux, il ne faut plus se déplacer, la liberté de mouvement est quelque chose de complètement dépassé, il faut être à pied, à vélo... Mais enfin, c'est nier la réalité de l'économie ! Et jusqu'à nouvel avis, ceux qui font aujourd'hui la richesse de l'Etat, ce sont les privés, ce sont les entreprises; elles engagent du monde, elles créent de l'emploi, elles paient des impôts, et je crois qu'il faut remercier les entreprises d'être là... (Commentaires.) ...plutôt que de constamment les critiquer. Cette motion demande au Conseil d'Etat d'étudier la possibilité d'un partenariat public-privé pour l'un des investissements certainement les plus importants que notre canton devra assumer après celui du CEVA. Nous savons tous aujourd'hui que l'économie ne rapporte plus suffisamment d'impôts pour pouvoir permettre à l'Etat de s'autofinancer et d'assumer cette traversée du lac; on a une dette absolument gigantesque, raison pour laquelle le partenariat public-privé peut représenter une solution, une solution intelligente si elle est correctement étudiée, et nous avons toutes les compétences, au sein de l'Etat, pour le faire. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs, je vous demande non pas de vous arrêter à vos dogmes, mais de penser à l'avenir des Genevois, de notre canton et de notre région, et vous invite à renvoyer cette proposition de motion au Conseil d'Etat. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

M. Thomas Wenger (S). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, la traversée autoroutière du lac est à nouveau à l'ordre du jour de notre parlement; on pourrait dire qu'une session du Grand Conseil sans elle, c'est un peu comme un père Noël sans barbe. (Brouhaha.)

Nous allons rappeler quelques éléments. D'abord, le coût: il se situe entre 3 et 3,5 milliards selon la variante. Et puis, pourquoi Berne refuse-t-elle, pour l'instant, de financer un kopek ou un franc de cette traversée ? En résumé, l'Office fédéral des routes dit que la traversée ne résorbe pas les goulets d'étranglement, que la rive gauche n'est pas assez urbanisée et que cela pose énormément de problèmes en termes d'environnement - on en a largement parlé dans cette enceinte. Dès lors, je pense qu'on peut se concentrer, effectivement, sur la question du PPP.

Par rapport à cela, deux choses nous sont proposées - c'est ce qu'on a étudié à la commission des transports et des travaux: la première option, c'est le loyer payé par l'Etat. Cela a été dit, le coût annuel pour l'Etat serait de 150 à 230 millions, selon le prix de la variante retenue et le capital investi par le public. C'est un petit peu comme si on voulait s'acheter une belle voiture mais qu'on n'avait pas l'argent, et que du coup on prenait un leasing en sachant qu'on n'aura pas plus d'argent après, et qu'on va donc s'endetter sur quarante ans. Mais non ! On nous annonce que c'est une chance unique - le rapporteur de majorité nous l'a dit ! Pour nous, ce n'est pas du tout une chance unique, parce qu'au bout de quarante ans - même si on peut faire un combat de chiffres - cela aura coûté entre six et huit milliards et l'Etat, au final, aura payé le 100% de cette traversée autoroutière du lac. C'est évidemment inacceptable pour les socialistes; on peut dire que le PPP, dans ce cas, c'est «Payé Par le Public !» (Commentaires.)

La deuxième variante, c'est le péage versé par les usagers eux-mêmes. On nous parle, dans le projet, d'un péage à huit francs la traversée. Il faudrait donc qu'il y ait environ 30 000 véhicules par jour pour pouvoir rentabiliser cet investissement ! Et si on n'a pas les 30 000 véhicules, qu'est-ce qu'on va faire ? On va faire de la communication ! On va faire de la promotion ! Alors on se réjouit déjà de voir les affiches: à partir de 200 trajets, vous aurez un rabais sur la traversée et un taux préférentiel sur l'ouverture d'un compte à l'UBS, qui est notre partenaire privilégié ! (Rires.) Non ! Pour nous ce n'est pas possible. Et ce péage pose un autre problème: c'est une inégalité de traitement au niveau suisse. Pourquoi moi, habitant du grand Genève, prenant ma voiture, je devrais payer pour traverser un bout d'autoroute alors que je ne dois pas le faire pour le Gothard, alors que les autres citoyens suisses ne doivent pas le faire pour prendre les viaducs qui vont en Valais, etc. ? Pourquoi payerait-on à Genève et pas dans le reste de la Suisse ? C'est une inégalité. Pour toutes ces raisons-là, le PS refusera, bien entendu, cette motion. Merci beaucoup. (Applaudissements.)

M. Guy Mettan (PDC). Chers collègues, tout à l'heure j'ai pris la parole pour dire que j'étais dans le comité d'initiative de la gare souterraine...

Une voix. Eh bien là aussi !

M. Guy Mettan. ...et je reprends la parole pour préciser que je suis dans le comité d'initiative pour la traversée du lac. Pourquoi ? D'abord, parce que ce n'est pas du tout incompatible de voter pour les transports publics, en l'occurrence pour le ferroviaire, et de voter pour les transports privés, en l'occurrence pour la traversée du lac. Je rappelle quand même que le peuple genevois a accepté, en votation populaire, la complémentarité des transports, et qu'il nous incombe de réaliser ce voeu. Ensuite, encore ce matin, à l'occasion du Forum des 100 de «L'Hebdo» à Lausanne... (Commentaires.) ...nous avons eu la chance d'écouter M. Andreas Meyer, patron des CFF, qui nous a vanté les mérites des transports publics suisses et leurs performances. Il a aussi insisté sur le fait que les différents modes de mobilité sont complémentaires; le rail est complémentaire des transports privés - que ce soit pour le fret ou le transport des passagers - tout comme le reste des transports publics, donc le tram, le bus, etc. Et je crois qu'à Genève, on n'arrive pas à se rentrer dans la tête qu'il faut qu'on travaille sur cette complémentarité. Donc on ne peut, sur le fond - sur le fond ! - de cet objet, que vous inviter à prendre en considération la nécessité de la traversée du lac.

Ensuite, concernant les considérations de l'OFROU, oui, c'est vrai, l'OFROU n'a pas retenu la traversée du lac comme option prioritaire, parce qu'il a favorisé la construction d'une troisième voie pour le contournement de l'autoroute. Très bien ! Il a jugé qu'effectivement, pour les transports internationaux et nationaux, la réalisation de la troisième voie autoroutière avait la préséance. Mais il n'a pas du tout exclu la traversée du lac ! Elle vient en deuxième place. Donc rien ne nous empêche de prendre des initiatives, de contacter les entreprises privées pour accélérer, au fond, le désengorgement de la circulation à Genève, le désengorgement des infrastructures de transport du canton de Genève, et de confier au secteur privé un mandat de participation à la construction de cette traversée du lac. Un PPP, ce n'est pas quelque chose de fixe, ça se négocie avec le privé; c'est un partenariat, comme son nom l'indique. (Brouhaha.) Rien n'empêche donc l'Etat de confier la réalisation au secteur privé, et de négocier aussi durement et sévèrement que possible avec ces entreprises les conditions d'une utilisation rationnelle pour l'ensemble des citoyens, à des coûts qui soient naturellement supportables et compétitifs comparés à n'importe quelle autre réalisation.

Je terminerai en disant que le PPP, ce n'est pas juste une invention en l'air: nous sommes à Genève, on parle souvent de la Genève internationale, et il y a chaque année des réunions, au sein des Nations Unies, sur la problématique du PPP, parce que justement, les organisations internationales, qui ne sont pas toujours les plus ouvertes au changement et au progrès, ont pris conscience de l'intérêt de ces partenariats public-privé pour promouvoir des objectifs communs, par exemple en matière de santé publique. Quand la fondation Bill Gates travaille avec l'OMS pour éradiquer les maladies infectieuses - celles qui tuent le plus de monde sur cette planète - c'est un PPP ! C'est un PPP ! (Commentaires.) Donc pourquoi nous, à Genève, qui voulons souvent donner des leçons au reste du monde, nous ne pourrions pas, à l'échelle cantonale, prendre aussi en considération ce type de partenariat ? Pour toutes ces raisons, le PDC vous invite à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Frédéric Hohl, pour deux minutes et dix-neuf secondes.

M. Frédéric Hohl (PLR). Merci beaucoup, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, que demande cette motion ? De l'argent ? Non. Une autorisation de construire ? Non. Le choix d'un constructeur ? Non. Lisez la motion ! La motion demande d'évaluer le risque pour l'Etat d'une certaine forme de financement. Voilà !

Je dois dire qu'en neuf ans au parlement, c'est la première fois que je vois un rapport si bien réalisé. Il est magnifique ! On nous a vraiment montré toutes les pistes intéressantes pour l'Etat en matière de PPP. Le PPP, c'est évidemment quelque chose qui est fait sous le contrôle de l'Etat; le PPP, c'est également l'obligation, pour l'entreprise, d'entretenir l'ouvrage. Si nous construisions un ouvrage par le biais de l'Etat, nous voterions un crédit d'étude, ensuite un crédit de construction, mais rarement nous voterions un crédit d'entretien pour les quarante prochaines années. Pourtant, il faut s'occuper de l'ouvrage; voyez l'état, par exemple, de nos écoles.

Dès la première minute des séances de commission, les Verts, les socialistes et Ensemble à Gauche étaient très opposés à ce projet. On le sait ! Ce n'est pas une nouveauté, et on le voit bien parce que vous le tournez en boutade; c'est un peu comme une grande farce. Et un des arguments que vous avez mis en avant pour vous opposer à cette motion, c'est que nous n'avions pas pu recevoir le risk manager de l'Etat. Mais justement ! Le risk manager travaille au département des finances, et c'est bien le département qui va s'occuper de cette motion quand on va la renvoyer au Conseil d'Etat ! Alors, Mesdames et Messieurs, je vous encourage vivement à suivre le rapporteur de majorité et à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. (Applaudissements.)

Une voix. Très bien.

M. Stéphane Florey (UDC). Le rapporteur a clairement expliqué le fond, je n'y reviendrai donc pas. Simplement, je dirai deux choses. D'abord, ce débat est complètement dogmatique et stérile; il ne sert absolument à rien, puisque c'est justement le rapport du Conseil d'Etat qui nous indiquera clairement si les possibles risques évoqués par la gauche existent, combien on paierait si c'était un loyer, si c'était un péage, et qui nous expliquera quelle est la meilleure solution. C'est pour ça que cette motion ne coûte absolument rien ! Comme l'a dit M. Hohl, on demande une simple étude, et c'est pour ça que l'UDC a soutenu cette motion: justement pour en savoir un peu plus que cette fameuse présentation faite par les milieux économiques sur le PPP, pour qu'il y ait une vraie évaluation des risques et qu'on sache combien, potentiellement, ça pourrait nous coûter. Parce que si une chose est sûre - et ça je l'ai dit en commission, ça a même été rappelé à plusieurs reprises - l'UDC, de prime abord, n'est pas favorable au péage urbain. Elle ne l'a jamais été et elle ne le sera probablement jamais. Mais ce n'est pas ce que demande cette motion ! C'est, je le rappelle, une simple étude ! L'enjeu, c'est le rapport qui viendra après. (Brouhaha.) Le vrai débat aura lieu sur le rapport de cette motion, et potentiellement sur les crédits d'étude et les crédits de construction qui suivront. Mais le débat, aujourd'hui, ne sert à rien. C'est pour cela que l'UDC renverra cette motion au Conseil d'Etat. Je vous remercie.

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Daniel Zaugg, pour vingt-deux secondes.

M. Daniel Zaugg (PLR). Merci, Monsieur le président, je vais essayer d'être bref. Je pense que l'étude des milieux économiques a fait certains dégâts auprès de la gauche, dans le sens où cette étude a présenté deux solutions pour réaliser le PPP, le péage ou le loyer. J'ai eu la chance de discuter avec le directeur du centre d'excellence PPP des Nations Unies, qui m'a expliqué qu'il y avait une vingtaine de façons différentes de créer des PPP. Aujourd'hui, nous disposons d'une étude des milieux économiques; pourquoi ne pas demander aussi une étude de l'Etat, qui nous permettra peut-être de voir une autre solution ? Parce que je sens bien que la crainte, pour la gauche de ce parlement, c'est que les milieux privés ne s'enrichissent sur le dos de l'Etat. Mais un PPP, Mesdames et Messieurs...

Le président. Il vous faut conclure, s'il vous plaît, Monsieur le député.

M. Daniel Zaugg. ...c'est un contrat entre deux parties - absolument, je conclus, Monsieur le président - un contrat entre l'Etat et des entrepreneurs privés, et l'Etat peut parfaitement dicter également ses conditions; il faut que le contrat soit signé par tout le monde. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Donc laissez l'Etat étudier la possibilité de réaliser des PPP !

Le président. Vous avez épuisé votre temps, Monsieur le député.

M. Daniel Zaugg. Je vous remercie !

M. Christian Zaugg (EAG). Monsieur le président, Mesdames les députées, Messieurs les députés, j'aimerais aborder le sujet de cette traversée sous l'angle de son impact sur l'environnement. Les promoteurs de ce partenariat public-privé nous ont remis, en commission des transports, un rapport, ma foi, très intéressant. Je me suis arrêté sur les deux options préconisées, à savoir la traversée sous forme de modules et l'autre sous forme d'un creusement de tunnel sous le lit du lac. Il est important de considérer que le lit du lac est formé de l'ancienne moraine du glacier du Rhône, sur laquelle on trouve dix mètres de vase issue de déchets organiques et d'argile fluviale. La solution dite des modules consisterait à déposer des morceaux de tunnel en béton alignés au fond du lac. Or - et c'est dit dans le rapport de synthèse - à chaque dépose, un vaste nuage se soulèverait, envahirait et polluerait toute la rade durant des semaines ! Je n'invente rien ! (Brouhaha.) Imaginez ce qu'il en serait pour l'ensemble des modules; ce serait absolument catastrophique ! Notre jet d'eau en deviendrait brun. Sans parler du débouché dans la réserve naturelle de la Pointe à la Bise, qui serait éventrée par les modules. Je n'ai pas eu le sentiment que, du côté des promoteurs, la décision était vraiment prise, en particulier parce que le tunnel foré limiterait la traversée aux seules automobiles. A voir. Nonobstant, il me paraît essentiel de relever que le projet de PPP, selon l'option choisie, pourrait avoir des effets majeurs sur la beauté du lac et sur la flore et la faune aquatique. (Quelques applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Patrick Lussi. Vous avez deux minutes et trente secondes, Monsieur le député.

M. Patrick Lussi (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés... (Brouhaha.) ...en tant que fervent adhérent à la traversée de la rade, je tenais quand même à vous donner l'avis de notre groupe, parce que comme l'a dit mon préopinant UDC, nous ne sommes pas contre la traversée du lac. Je rappelle simplement, même si le conseiller d'Etat vous dira autre chose, que pour le moment, la traversée du lac n'est qu'un très joli concept présenté dans cette motion; un partenariat d'entreprise nous a fait une présentation et a proposé une idée de réalisation, et ça ne va pas plus loin. Mais s'agissant de l'Union démocratique du centre, il nous semblait important de poser les jalons d'un partenariat public-privé à une époque où les fonds publics sont en déshérence et presque inexistants. Est-ce que cela doit nous empêcher de mener des réalisations indispensables pour la population ?

Mesdames et Messieurs les députés, que demande cette motion ? On l'a dit, c'est uniquement de regarder si cette solution, dans le cas d'une hypothétique réalisation de la traversée du lac, serait bonne. J'ai entendu beaucoup de choses, de nombreuses critiques, des gens qui nous disaient avec beaucoup de véhémence que tout ce qui était proposé n'était pas possible. Mais non ! On n'en est pas là, soyons peut-être un peu visionnaires, et comme l'a dit, je crois, mon préopinant Mettan, pour une fois, ayons le courage d'ouvrir un peu notre esprit et de voir que la solution du partenariat public-privé peut être une bonne solution. Pour le moment, on ne vote pas un projet, on vote sur l'étude d'une idée concernant, c'est vrai, la traversée du lac. C'est très bien, et l'Union démocratique du centre vous enjoint d'accepter cette motion et de la renvoyer directement au Conseil d'Etat. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Alberto Velasco pour une minute et quinze secondes.

M. Alberto Velasco (S). Merci, Monsieur le président. J'aimerais dire à mon collègue Frédéric Hohl que ce n'est pas parce qu'un rapport est magnifique qu'il est politiquement acceptable ! (Commentaires.) On est d'accord ! Parfait. (Brouhaha. Remarque.) Non, non, vous avez dit qu'il était magnifique et que vous vouliez qu'on le vote. Donc voilà.

Mesdames et Messieurs, vous savez, au Moyen Age, chaque fois qu'on empruntait un chemin ou une route, il fallait payer. Eh bien, ce qui se passe avec mes collègues libéraux, c'est qu'ils nous renvoient au Moyen Age, avec leur politique ! C'est extraordinaire ! (Remarque.) Oui, cher Monsieur Béné ! Sauf que l'histoire a fait que plus tard, l'Etat a repris cette fonction pour que nous puissions nous déplacer sur les routes sans devoir payer à chaque fois de notre poche. C'est devenu la mission de l'Etat. Or, qu'est-ce qui se passe ? Ici, dans le PPE que vous nous proposez...

Une voix. Pas PPE, PPP !

M. Alberto Velasco. PPP ! (Commentaires. Brouhaha.) Voilà. Vous décomptez le temps, Monsieur le président, là ! Vous décomptez le temps !

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.

M. Alberto Velasco. Normalement, une traversée doit être financée par l'impôt, disons, contributif, c'est-à-dire que ceux qui ont le plus de moyens participent plus à l'ouvrage que ceux qui n'en ont pas assez. En l'occurrence, ici, vous ne faites pas intervenir les fonds de l'Etat, vous faites intervenir les citoyens par un péage, et là chacun paiera exactement la même chose.

Le président. Il vous faut conclure, s'il vous plaît, Monsieur le député.

M. Alberto Velasco. Et ça, c'est une injustice sociale. Donc on ne peut pas accepter ce type de disposition; vous avez mené une politique de baisse fiscale pendant des années...

Le président. C'est terminé !

M. Alberto Velasco. ...maintenant vous voyez que vous ne pouvez plus investir et vous faites en sorte que l'Etat soit obligé de s'adresser à quelqu'un d'autre pour réaliser ce que lui doit assumer ! Merci ! (Quelques applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Mathias Buschbeck. Il vous reste onze secondes, Monsieur le député, au-delà vous prenez sur le temps du groupe.

M. Mathias Buschbeck (Ve), rapporteur de deuxième minorité. Oui, je vais prendre sur le temps du groupe pour présenter mes deux amendements. Tout d'abord, on nous dit de lire le texte de la motion, que celle-ci demande simplement à étudier, évaluer, ce genre de chose. Eh bien on ne doit pas avoir le même texte, parce que pour ma part j'ai une invite qui dit: «à engager sans tarder la discussion avec les partenaires privés en vue du financement et de la réalisation de la traversée du lac dans les quinze ans à venir». Je n'appelle pas cela étudier, j'appelle cela prendre déjà rendez-vous pour savoir comment on va payer. (Commentaires.) Si vous êtes sincères dans votre volonté de simplement étudier la chose, je vous invite donc à supprimer cette proposition et à soutenir l'amendement qui demande justement la suppression de cette invite.

Le deuxième amendement qui vous est soumis demande la suppression de la première invite. J'ai écouté avec attention M. Lussi, qui nous a fait un triple salchow par rapport aux propos qu'il a tenus il n'y a pas trois mois dans cet hémicycle, lorsque nous débattions de la traversée de la rade et que nous parlions du contreprojet. Il nous expliquait alors que la traversée du lac était un projet onéreux, inutile, et - je lis son rapport de minorité - il nous disait: «Notre Berne fédérale a conclu qu'une traversée autoroutière du lac telle que présentée par le Conseil d'Etat genevois n'est pas prioritaire, ne résoudrait pas et n'améliorerait pas l'engorgement de notre autoroute de contournement actuelle.» Ainsi, ils étaient opposés à la traversée du lac il y a deux mois, ils étaient opposés au contreprojet, mais maintenant ce n'est pas si mauvais, c'est un projet relativement intéressant ! (Commentaires.) De nouveau, dans un souci de cohérence, j'invite le MCG et l'UDC à supprimer cette invite, pour être conséquents par rapport à la position qu'ils tenaient il y a deux mois, qui était celle de soutenir la traversée de la rade. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme la députée Lisa Mazzone, à qui il reste trois minutes et trente secondes.

Mme Lisa Mazzone (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, faut-il le rappeler, augmenter la voirie routière crée un appel d'air et une augmentation parallèle du trafic. On nous dit que le débat ne porte pas sur la traversée du lac; néanmoins, si on se réfère à la première proposition qui dit que le Grand Conseil invite le Conseil d'Etat à maintenir son engagement en faveur de la réalisation de la traversée du lac à moyenne échéance, on se dit qu'il s'agit effectivement d'un débat sur la traversée du lac.

Dans ce contexte, il me semble important de rappeler que nous avons des enjeux de santé publique et des enjeux environnementaux à relever, alors que cet hiver il y a eu des cas de pics de pollution aux particules fines à répétition... (Commentaires.) ...ce qui entraîne des désagréments et des dégâts sur la santé des habitantes et des habitants. Chaque citoyen a le droit de vivre dans un environnement sain, d'être protégé des nuisances sonores, chaque habitant a le droit d'être protégé de la pollution de l'air et du danger routier, et les Verts s'engagent pour la qualité de vie de toutes et tous en maintenant leur position contre la traversée du lac.

Mais venons-en au PPP. Il y a deux questions que je retourne sans cesse dans ma tête, sans réussir à leur trouver de réponses: pourquoi est-ce que, par principe, l'Etat serait moins efficace que des partenaires privés ? Et pourquoi est-ce que l'Etat, qui est pourtant gouverné par une majorité de l'Entente, ne parviendrait pas à faire du travail de qualité ? Je ne trouve toujours pas les réponses à ces questions. Pourquoi s'obstiner, d'ailleurs, à payer plus en faisant croire que cela coûtera moins ? Cela a été dit, nous avons deux possibilités: soit nous sommes soumis à un loyer qui, sur le long terme, entraînera des dépenses supplémentaires, soit nous instaurons un péage et nous verrons des affiches qui vanteront les mérites d'une traversée du lac routière. Les Verts s'opposeront donc à toute extension de la voirie routière et à une privatisation - ne serait-ce que temporaire - de cette voirie, qui implique un engagement financier sur le long terme pour l'Etat. Ce d'autant plus qu'aujourd'hui nous sommes incapables de dégager 20 millions pour mettre en place des mesures pour la mobilité douce. Mais tout cela n'est qu'hypothèse, puisque les Verts, comme je l'ai dit, s'opposent à la traversée du lac, quel que soit son mode de financement. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)

M. Jean-François Girardet (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, oui, cette motion appelle un certain nombre de commentaires, mais beaucoup de choses ont déjà été dites et je ne voudrais pas les répéter. J'aimerais simplement rappeler à notre assemblée qu'il existe déjà, à Genève, un prototype de pont qui a été réalisé en partenariat public-privé ! Et ça marche ! Le pont Wilsdorf est bien un pont...

Des voix. Privé !

M. Jean-François Girardet. Oui, privé ! Presque complètement ! Mais puisque cette motion demande au Conseil d'Etat d'étudier le projet, il étudiera aussi la possibilité d'effectuer une traversée du lac totalement privée, si c'est possible ! Et je pense que si M. Hodgers, qui est chargé des constructions, arrive à trouver des fonds pour réaliser cette traversée, eh bien les Genevois applaudiront et le rééliront à l'unanimité aux prochaines élections. (Exclamations. Brouhaha.) Donc je vous encourage à voter cette motion pour que le Conseil d'Etat se mette au travail...

Le président. Excusez-moi, Monsieur le député. J'aimerais que la députée qui est à la tribune en descende. (Commentaires.)

M. Jean-François Girardet. Elle fait des ponts !

Le président. Poursuivez, Monsieur.

M. Jean-François Girardet. Je souhaite donc que notre Grand Conseil vote cette motion; elle demande simplement au Conseil d'Etat d'étudier des possibilités de partenariat public-privé, et il pourra prendre pour exemple ce qui a été fait pour le pont Wilsdorf. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Pascal Spuhler... qui n'est pas là. La parole est donc à M. le député Bertrand Buchs, à qui il reste quarante-deux secondes.

M. Bertrand Buchs (PDC). Ce sera suffisant, Monsieur le président. J'aimerais juste dire qu'on fait preuve d'un manque d'imagination terrible et que j'observe que chacun est extrêmement coincé dans ses certitudes. Dans la vie, si on veut avancer, il faut toujours se remettre en question. Et lorsqu'on propose quelque chose, on peut peut-être attendre d'avoir des résultats et des études claires et nettes pour prendre une décision ! Donc c'est du simple bon sens que de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat pour pouvoir en discuter après. Quant au péage, je vous rappelle simplement que vous payez le péage du tunnel du Grand-Saint-Bernard... (Remarque.) ...que ça ne vous pose aucun problème de le faire, et que je n'ai pas vu de manifestation à l'entrée. Je vous remercie.

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Stéphane Florey, à qui il reste trente-cinq secondes.

M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Juste pour dire que bien évidemment, nous refuserons les deux amendements qui ne visent qu'à vider la motion de sa substance. Et puis j'aimerais relever deux ou trois petites inepties de la part des rangs d'en face: on nous dit qu'il n'y aura bientôt plus de pétrole, et on nous demande donc qui roulera sur ces routes. Eh bien les voitures qui rouleront sans pétrole, à savoir les voitures électriques, probablement. Et quant aux entreprises qui soi-disant s'en mettront plein les poches...

Le président. Il vous faut conclure, s'il vous plaît !

M. Stéphane Florey. ...peut-être préférez-vous que ce soient les banques qui s'en mettent également plein les poches par un financement de l'Etat... (Commentaires.) ...et un crédit ?

Le président. C'est terminé, Monsieur !

M. Stéphane Florey. Peut-être que c'est la solution que vous préconisez ? Enfin nous, nous...

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Pascal Spuhler, qui est de retour.

M. Pascal Spuhler (MCG). Merci, Monsieur le président. Très rapidement, en effet le MCG soutiendra cette motion. Nous pensons que le partenariat public-privé représente l'avenir pour le financement des grandes structures de l'Etat. (Brouhaha.) C'est un moyen pour éventuellement avancer plus vite dans les constructions et les projets d'envergure. Il ne faut pas oublier qu'on parle d'une projection, allez, soyons optimistes, pour 2030-2050 si on est un peu moins généreux, avec le vent en poupe et de bonnes conditions. Nous soutiendrons donc ce projet, même si nombre d'entre nous ne verront même pas sa réalisation, peut-être même pas celle de la traversée de la rade, que nous soutenons également parce que, pour nous, les deux ne sont pas incompatibles. Merci, Monsieur le président.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme la députée Lisa Mazzone, pour une minute et dix-neuf secondes.

Mme Lisa Mazzone (Ve). J'ai bien économisé mon temps, je vous remercie, Monsieur le président ! Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais revenir sur deux éléments. D'une part, l'exemple du pont Wilsdorf: faut-il le rappeler, le pont Wilsdorf est un don, qui n'implique pas de retour sur investissement. On n'est absolument pas dans le cas d'un PPP... (Brouhaha.) ...car c'est un simple don à la collectivité; on n'a pas une ardoise que l'on devra régler durant les années à venir. Voilà le premier élément de rectification.

Deuxième élément, qui concerne le manque d'imagination: personnellement, je suis étonnée d'entendre le terme «imagination» de la part de l'Entente, qui fait effectivement preuve d'un manque d'imagination criant en s'obstinant à demander depuis plus d'un siècle une traversée du lac. Mais mon Dieu, n'est-il pas possible d'imaginer les choses autrement ? (Commentaires.) N'est-il pas possible d'imaginer un avenir différent, un avenir plus doux, plus respectueux de l'environnement, plus respectueux de celles et ceux qui habitent notre canton de Genève...

Le président. Il vous reste vingt secondes, Madame la députée.

Mme Lisa Mazzone. ...un avenir tourné vers la mobilité durable, un avenir plus vert ? Je vous remercie.

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, nous venons d'entendre ma préopinante nous parler de l'enfer vert ! Celui que les Genevois vivent quotidiennement sur le canton de Genève, avec les bouchons, j'en passe et des meilleures. Et évidemment, quand on vient parler traversée de la rade, ah non, le financement ne va pas du tout ! Par contre, payer 240 millions d'euros pour les parkings-relais en France, pour les Verts, il n'y a aucun problème... (Protestations.) ...et c'est bien connu ! Donc moi, j'invite nos amis Verts - et vous transmettrez, Monsieur le président - à aller se présenter aux élections dans les municipalités de Saint-Julien et d'Annemasse, parce que les Genevois, le MCG va s'en occuper !

Mesdames et Messieurs, le désengorgement de la circulation ne va pas se régler en un seul acte; c'est une multitude de choses sur l'ensemble du canton, ce sont aussi des parkings-relais en France - mais excusez-moi, financés par les Français - qui feront qu'un jour, à Genève, on pourra circuler d'une manière un petit peu plus agréable. Nous avons dit, au MCG - malheureusement le conseiller d'Etat, M. Barthassat, n'est pas là - que nous attendrions jusqu'au mois de septembre pour voir s'il y a une amélioration dans la synchronisation des feux à Genève. Car c'est aussi une des mesures qui fera que la circulation sera plus fluide. Parce que je vous rappelle, Mesdames et Messieurs, que la conseillère d'Etat précédente, la regrettée Michèle Künzler, avait donné comme instruction de désynchroniser les feux; vous le constatez tous les jours, c'est un fait, ce n'est pas une supposition. On s'arrête donc à peu près tous les 35 mètres à cause d'un feu rouge, parce qu'on a mis des feux et qu'il faut bien qu'ils servent à quelque chose, c'est-à-dire à empêcher les automobilistes de rouler. La seule chose pour laquelle nous serions un peu verts, au MCG, c'est en ce qui concerne la réfection des voies vertes sur le canton, ces grands axes où l'on roule à 35 kilomètres à l'heure; ce n'est pas vite, mais il n'y a pas de mise en danger, les feux sont verts, et on peut enfin circuler sur Genève.

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.

M. Eric Stauffer. Je vais conclure, Monsieur le président. Alors pour les Verts, évidemment, la traversée du lac, mon Dieu... ça pourrait déranger quelques filets de perche pendant les travaux ! En revanche, les Genevois, ça passe au second plan ! (Protestations.) Mais on sait bien que pour les Verts, ce sont d'abord les écrevisses...

Le président. Il vous faut conclure, s'il vous plaît !

M. Eric Stauffer. ...les grenouilles et les filets de perche qui comptent !

M. François Longchamp, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, avec mes différents collègues ici présents et en l'absence de M. Luc Barthassat, retenu par une séance communale, j'aimerais vous inviter, au nom du Conseil d'Etat, à une petite relecture du discours de Saint-Pierre, qui vous permettra de connaître notre position. Nous vous disions, il y a quelques semaines, en la magnifique cathédrale toute proche, qu'il s'agissait d'étudier si un péage ou un partenariat privé nous permettrait de réaliser la traversée du lac, sachant que son financement exclusif par le seul canton était irréaliste dans les conditions budgétaires et d'endettement d'alors. Cinq mois plus tard, le Conseil d'Etat, qui est en train d'avoir des réflexions approfondies en vue du budget 2015, ne va pas vous indiquer que les conditions budgétaires ont changé, mais c'est fort volontiers qu'il se verra renvoyer cette proposition de motion afin de faire quelque chose qui n'est, à ce stade, qu'une étude. Vous ne vous engagez à rien d'autre qu'à cela en nous renvoyant cette motion, et cette étude nous permettra de vous donner toutes les informations nécessaires non pas sur le partenariat public-privé, mais, comme cela a été dit, sur les possibilités qui existent, sachant que nous serons évidemment attentifs à la préservation des intérêts publics, et notamment de nos intérêts financiers, dans ces périodes où les moyens ne sont pas illimités. C'est la raison pour laquelle je vous invite, au nom du Conseil d'Etat, et en l'absence du conseiller d'Etat en charge du département des transports, à nous renvoyer cette motion afin que nous puissions vous donner, dans les délais idoines, les réponses nécessaires.

Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vais vous soumettre un premier amendement de M. Buschbeck, qui consiste simplement à supprimer la première invite. Les chefs de groupe l'ont reçu à leur place, sauf erreur.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 64 non contre 28 oui.

Le président. Je mets maintenant aux voix un deuxième amendement de M. Buschbeck, qui figure aussi à la page 62 du rapport, et qui consiste à supprimer la quatrième invite.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 63 non contre 30 oui.

Le président. Il me reste à vous faire voter la motion dans son ensemble.

Mise aux voix, la motion 2179 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 64 oui contre 30 non. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Motion 2179