République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 11 avril 2014 à 20h30
1re législature - 1re année - 7e session - 45e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Antoine Droin, président.
Assistent à la séance: MM. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, Pierre Maudet, Serge Dal Busco, Mauro Poggia, Luc Barthassat et Antonio Hodgers, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Murat Julian Alder, François Baertschi, Olivier Cerutti, Sophie Forster Carbonnier, Renaud Gautier, Jean-Marc Guinchard, Jocelyne Haller, Lionel Halpérin, Simone de Montmollin, Salima Moyard, Pierre Ronget, Ivan Slatkine, Alberto Velasco et Salika Wenger, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Geneviève Arnold, Christophe Aumeunier, Alexis Barbey, Christian Decorvet, Pierre Gauthier, Delphine Klopfenstein Broggini, Jean-Charles Lathion, Nicole Valiquer Grecuccio, Georges Vuillod et Yvan Zweifel.
Annonces et dépôts
Néant.
Suite du débat
Le président. Nous poursuivons notre débat de tout à l'heure sur les objets liés RD 1041, R 748, M 2197, M 2199 et R 760, qui concernent le CEVA. Je passe la parole à M. le député Guy Mettan.
M. Guy Mettan (PDC). Merci, Monsieur le président. Beaucoup de choses ont été dites. Je vais donc essayer de ne pas me répéter. J'aimerais juste avouer que quand j'ai découvert toutes ces motions et résolutions qui concernent le CEVA, mon premier réflexe a été d'avoir peur. J'ai eu peur, et je me suis dit: voilà de nouveau la ronde des intérêts particuliers qui se battent contre l'intérêt général, les uns qui veulent défendre leurs PME, les autres qui défendent leur conception anti-frontalière en s'opposant par exemple à un centre de maintenance en France voisine. Or, qu'est-ce qui importe vraiment dans ce débat ? De conserver une vision de l'intérêt général. Cet intérêt général, c'est celui de la région. Il s'agit de donner à Genève les moyens de transport dont le canton a besoin pour éviter la paralysie qui nous frappe depuis une quinzaine d'années. Si on veut arriver à ce but, il faut qu'on passe au-delà des intérêts particuliers. J'ai été un peu rassuré en entendant M. Hiltpold et les défenseurs de ces textes: ils ont effectivement posé un problème - un problème légitime car il ne faut pas que nos PME soient pénalisées - mais ils l'ont fait avec mesure. Ils ont même proposé de renvoyer ces objets en commission pour avoir une réponse adéquate du Conseil d'Etat et, à partir de cette réponse, prendre position. Tant mieux, parce que c'est ce qu'il faut faire. Dans ce parlement, il y a beaucoup trop de gens qui ont intérêt à ce que le CEVA ne marche pas. Il y a beaucoup de députés qui font tout pour saboter la progression du CEVA, pour saboter le chantier par différentes formes de recours. Pourquoi ? Parce qu'ils ont tout intérêt à ce que les coûts augmentent, afin de pouvoir dire à la fin: «C'est la faute du Conseil d'Etat, on vous l'avait bien dit !» Il est évidemment hors de question que nous entrions dans cette logique falsificatrice vis-à-vis des citoyens de Genève.
Concernant les appels d'offres, on peut en effet les remettre en question. Mais à quoi cela sert-il ? Les appels d'offres sont faits par les CFF, obéissent à une loi fédérale et, en plus, doivent correspondre aux exigences techniques posées par l'offre. Or, on a vu que les entreprises du second oeuvre qui, par exemple, devaient assurer la construction des vitrages des gares n'existaient pas à Genève. C'est malheureux, mais c'est comme ça ! Là aussi, j'espère que les réponses qui seront apportées rassureront les auteurs de ces textes.
Un dernier mot pour conclure. J'ai entendu des gens critiquer le fait qu'on construise un centre de maintenance en France. Mais si on achète le matériel roulant entièrement en Suisse et que c'est la maison Stadler qui le produit, il est logique que la France obtienne une compensation ! La France met 190 millions d'euros dans le CEVA, il est logique que des emplois... (Brouhaha.) Il est logique que la France ait aussi droit à des emplois ! C'est comme ça qu'on construit une région équilibrée, c'est comme ça qu'on construit pour le futur. Et si ces emplois doivent être créés en France, on doit s'en réjouir aussi. Pour ceux qui critiquent les frontaliers, c'est autant de frontaliers en moins ! (Exclamations. Commentaires.) C'est autant d'emplois en plus créés dans l'ensemble de la région. C'est comme cela qu'il faut raisonner, et pas autrement. Merci de votre attention.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, c'est dommage, parce que lorsque nous avons ouvert le débat... Je dois dire que ce que je viens d'entendre de la part de M. Mettan me navre. Il ne s'agit pas de critiquer le CEVA, en tout cas pas en ce qui concerne l'Union démocratique du centre. Quand le vin est tiré, Monsieur Mettan, il faut le boire. Quand le vin est tiré et commence à prendre du bouchon parce qu'il tarde, Madame Mazzone, et qu'il va nous coûter un milliard de plus, grosso modo, cela veut dire que la traversée de la rade aura de la peine à se faire. Mais je n'ai rien mis de tel dans le débat. Mesdames et Messieurs les députés, il y a peut-être des intérêts à prendre en compte pour la région, c'est vrai. Mais je rappelle simplement que pour le moment et tant que nos amis socialistes n'auront pas réussi à convaincre le peuple suisse d'abolir nos frontières et de tomber dans l'Union européenne, la frontière existe toujours. J'invite chacun des députés à se poser la question suivante, parce qu'en définitive, on est d'un côté de la frontière, on fait un pas de 50 centimètres et on change de monde: est-ce que les gens sont plus bêtes de l'autre côté de la frontière ? Est-ce qu'ils sont moins bien que nous ? Non, absolument pas ! Simplement, Mesdames et Messieurs les députés, il y a une différence notable. Cette différence est politique. Ils ont un système politique différent, un système centralisé, un système avec moins de libertés, ce qui fait que notre canton et la Suisse ont quand même des résultats économiques bien plus prospères que de l'autre côté de la frontière. Je constate avec plaisir que le PLR signe - même si j'ai trouvé qu'il était venu après par fort opportunisme - parce que c'est l'emploi genevois qui est en jeu, ce sont nos entreprises. Il ne s'agit pas simplement d'empocher des marchés pour faire des bénéfices. Si les entreprises font des bénéfices, c'est largement redistribué chez nous par le travail donné aux employés.
Mesdames et Messieurs les députés, je voulais aussi répondre à Mme Mazzone, qui n'est plus là. Oui, c'est vrai, c'est un grand conseiller national qui est propriétaire d'une bonne partie de la maison Stadler. Soyons bien clairs, et c'est sans honte et sans aucune retenue que je le dis ce soir: à Genève, l'Union démocratique du centre fait de la politique pour les Genevois. La maison Stadler a peut-être un conseiller national comme patron qui regarde l'intérêt de son entreprise. Pour le moment, il se peut que l'intérêt de son entreprise entre en contradiction - ou du moins pas en corrélation - avec nous. Certes, l'entreprise Stadler est une entreprise européenne de haut niveau avec des implantations un peu partout. Si elle décide de s'installer en France pour fabriquer des rames de train, bien lui en prenne ! Même s'il s'agit de quelqu'un de l'UDC, la section genevoise n'a pas honte de dire que s'il y a des emplois à perdre, s'il faut délocaliser, s'il faut, Mesdames et Messieurs de la gauche, maintenir et soutenir l'emploi de nos ouvriers - parce qu'il ne s'agit pas là de travailler pour la promotion immobilière mais bien pour les emplois - eh bien l'Union démocratique du centre n'a pas honte de dire... C'est la raison pour laquelle cette proposition de motion a été déposée. Alors il y a peut-être le Grand Genève, il y a des principes. Mais est-ce que l'emploi des gens qui vous ont élus est en dessous de ces principes ? Est-ce que l'emploi pour vivre à Genève, pour travailler à Genève, pour nourrir sa famille à Genève, pour élever ses enfants à Genève, doit passer à l'as par rapport aux belles théories de M. Mettan sur le Grand Genève ? L'Union démocratique du centre, sans faire de racisme ou autre, vous dit que non. Nous devons d'abord penser à nos citoyens, à leur donner à manger, à leur donner de l'emploi, à leur donner un logement. Si, après, il y a du surplus, allons voir de l'autre côté. Je vous remercie.
Des voix. Bravo ! (Quelques applaudissements.)
Mme Christina Meissner (UDC). Ce qui me désole, à Genève, c'est qu'on fait preuve d'un enthousiasme absolument délirant pour les grands projets. Plus ils sont grands, plus on se dit qu'on va y aller...
Une voix. La traversée de la rade, notamment ! (Rires.)
Mme Christina Meissner. Malheureusement, on découvre ensuite les normes de sécurité, le problème des remblais, la géologie, la décontamination, les règles internationales et intercantonales... Bref, on oublie l'essentiel. Voilà le problème dans tous ces grands projets, qu'il s'agisse du CEVA, du Grand Genève ou du PAV. On oublie l'essentiel et on fait preuve d'une légèreté insupportable et totalement irresponsable. Mesdames et Messieurs les députés, il est tard pour se réveiller s'agissant du CEVA. Je remercie d'ailleurs mon collègue Patrick Lussi d'avoir déposé cette motion qui, semble-t-il, nous a à tous imposé un réveil un peu brutal. (Commentaires.) Est-il trop tard ? Je ne le pense pas. Il nous appartient maintenant de donner un signal à notre Conseil d'Etat. Le CEVA tel qu'il se présente pour l'instant, ça ne va pas ! Il est absolument nécessaire de reprendre les rênes et de se demander ce qu'on peut faire, qu'il s'agisse de nos emplois ou de financements. Mesdames et Messieurs, le CEVA pèse lourd, extrêmement lourd sur nos finances cantonales, sur les investissements que nous pourrions faire ailleurs.
Le président. Il vous reste trente secondes.
Mme Christina Meissner. Il pèsera sans doute beaucoup plus lourd encore. Je fais le pari qu'il nous coûtera largement plus de deux milliards ! Il n'est cependant peut-être pas trop tard. Nous devons absolument envoyer un signal et renvoyer toutes ces résolutions, que ce soit au Conseil d'Etat ou en commission. Nous devons le faire, quelle que soit l'origine de ces motions.
Le président. Il vous faut conclure.
Mme Christina Meissner. Peut-être nous éviterons-nous ainsi un mea culpa avec un audit plus tard.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Alberto Velasco, pour quatre minutes. (Exclamations. Commentaires.)
M. Alberto Velasco (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, je constate que les libéraux adhèrent au protectionnisme.
Une voix. Quoi ?!
M. Alberto Velasco. Vous adhérez au protectionnisme ! (Commentaires.) Pendant toute votre histoire ici, vous n'avez fait que mettre en place toute une série de dispositions pour libéraliser l'économie. Et voilà que maintenant, vous êtes pour le protectionnisme ! Je vous le dis, chers collègues, je suis pour le fait que nos entreprises genevoises reçoivent des commandes. Mais quand on fait du protectionnisme pour les entreprises, il faut aussi faire du protectionnisme pour les travailleurs. Or, quand il s'agit des travailleurs, le protectionnisme ne vous intéresse pas ! Mais quand il s'agit de vos entreprises, vous prenez des mesures. Surtout quand il s'agit d'entreprises spécifiques, à savoir les vôtres !
J'aimerais maintenant vous dire, chers collègues, que j'ai participé, au sein de la commission des travaux du Grand Conseil, avec d'autres collègues - notamment M. Büchi à l'époque - aux accords cantonaux AIMP. Qui a voté les AIMP au niveau national ? C'est la majorité qui a eu ses représentants à Berne. A Genève, Mesdames et Messieurs, j'avais pris le rapport de majorité et l'avais bloqué pendant une année. Ce rapport de majorité voulait remonter le toit maximal pour protéger les entreprises genevoises. Pendant une année, j'ai bloqué ce rapport. Ce sont les gens de la droite qui m'ont obligé, à un moment donné, à le déposer. Je l'ai déposé, mais leur ai dit la chose suivante: «Si je dépose ce rapport, vous allez en prendre plein la figure, parce qu'avec l'amendement que vous proposez, vous allez baisser le toit pour lequel on doit faire des AIMP.» C'est vous qui l'avez fait ! A l'époque, vous n'avez pas mesuré les conséquences. Aujourd'hui, vous les mesurez. A l'époque, j'étais effectivement pour le fait que le toit soit relevé dans le cadre des accords intercantonaux, comme le font d'ailleurs les Valaisans. Eh bien non ! Vous avez estimé qu'il n'en était pas question, que les Genevois voulaient être meilleurs que les autres. Vous avez baissé le toit pour les grands travaux, et même pour les travaux de moindre importance. Aujourd'hui, les conséquences sont là. Les conséquences sont là, Mesdames et Messieurs ! Que voulez-vous faire ? Voulez-vous que le Conseil d'Etat édicte maintenant des lois de protectionnisme ? Est-ce qu'on pourrait le faire, Monsieur Maudet ? Vous nous expliquerez si vous pouvez le faire. Je ne sais pas ! Parce que si vous faites cela, la France peut tout à fait le dénoncer à l'OMC ! Elle peut le faire ! (Remarque.) Oui, Monsieur, elle peut le faire ! Ces motions et résolutions, c'est bien gentil, mais ce ne sont pas des dispositions. Ce ne sont pas des lois. C'est un voeu pieux que vous allez faire, puis le Conseil d'Etat va vous dire: «Oui, merci, on va voir.» Mesdames et Messieurs, vous ne pouvez rien faire. Monsieur Lussi, qui siégez avec moi à l'aéroport, vous avez certainement vu le terminal est dernièrement ? C'est l'entreprise Vinci qui en a obtenu les travaux ! Eh oui ! On n'a rien pu faire. On n'a rien pu faire ! Mesdames et Messieurs, vous avez construit à l'époque un système qui nous dépasse aujourd'hui, et qui nous amène tous - y compris les entreprises - dans une situation extrêmement difficile. Vous devez donc assumer vos responsabilités. Je regrette que vous veniez avec ces documents-là; il aurait fallu penser beaucoup plus à la République et canton de Genève à l'époque. Aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, c'est trop tard !
Ensuite, vous parlez des Français. Evidemment, puisque les Français sont impliqués dans le CEVA ! Ils sont impliqués dans le CEVA jusqu'au bout ! Ils ont le droit d'avoir une part du gâteau !
Une voix. Ils l'ont déjà eue !
M. Alberto Velasco. J'aimerais maintenant répondre - si vous le permettez, Monsieur le président - à M. Stauffer qui se plaint du coût du CEVA. J'aimerais lui rappeler que les recours que son groupe a faits... (Remarque.)
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur Velasco.
M. Alberto Velasco. ...ont induit un retard conséquent. Il faut l'assumer ! En politique, il faut assumer ses gestes, Messieurs. En politique, il faut assumer ses gestes !
Une voix. Ce n'est pas vrai !
M. Alberto Velasco. Ayez le courage de dire que vous vous êtes battus parce que vous y croyiez...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur Velasco !
M. Alberto Velasco. Cela a coûté 500 millions, et vous devez les assumer, Mesdames et Messieurs ! Soyez cohérents. La cohérence est importante en politique.
Le président. C'est terminé, Monsieur Velasco, merci. (Commentaires.) Je passe la parole à Mme Béatrice Hirsch, à qui il reste une minute et treize secondes. (Brouhaha.) Madame Hirsch, allez-y.
Mme Béatrice Hirsch (PDC). Merci beaucoup, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, il y a quand même une question un peu étrange: pourquoi est-ce que ces problèmes de soumission sortent maintenant ? Les lots ont été soumis en juin 2012 avec possibilités de recours. Pourquoi est-ce que personne n'a fait recours à cette époque-là ? Certes, il faut reconnaître que la répartition des lots est problématique. Le parti démocrate-chrétien, toujours soucieux des PME genevoises...
Une voix. Quoi !
Mme Béatrice Hirsch. ...relève aussi, comme d'autres ici, le fait que les CFF ont taillé un certain nombre de lots sur mesure pour des grandes entreprises, empêchant ainsi les entreprises genevoises de soumissionner.
Le président. Il vous reste trente secondes.
Mme Béatrice Hirsch. Certes - et cela a été dit - il est déjà un peu tard. Nous espérons que nous saurons en tirer les leçons qui s'imposent et que cela ne se reproduira pas à l'avenir. Bon nombre de questions subsistent, et nous attendons avec impatience qu'un certain nombre de réponses nous soient données, afin d'apporter un peu de transparence sur l'opacité des procédures des CFF. Je vous remercie.
Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à M. le conseiller d'Etat Luc Barthassat.
M. Luc Barthassat, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, pour reprendre de manière assez résumée tout ce qui s'est dit ce soir, je commencerai simplement par le rapport. Quand je suis arrivé dans ce département, j'ai été confronté au rapport annuel qui, comme son nom l'indique, est censé arriver chaque année. Il y était notifié qu'il y avait un retard. J'ai pris sur moi d'organiser une conférence de presse, qui aurait pu avoir lieu tout simplement à la salle des Fiefs, noyée au milieu d'autres sujets. Mais non, j'en ai organisé une uniquement sur le CEVA, de sorte qu'on puisse faire le point sur le retard qui avait été pris et en expliquer la raison. Ceci non pas seulement entre conseillers d'Etat enfermés dans une salle, mais avec les gens de la direction du chantier et toutes les personnes des CFF. On a reparlé des retards, les CFF les ont expliqués, de même que la direction du chantier. Le Conseil d'Etat a écouté, à travers les services du génie civil. On a parlé de recours. Mon collègue M. Poggia a un peu confondu, parce qu'on ne parlait justement pas des recours qui étaient intervenus avant le début du chantier, mais bien de ceux qui sont intervenus après, c'est-à-dire quand on a commencé à couper les arbres à l'endroit du tunnel de Champel. Là, il y a eu des recours qui ont fait que les services n'ont pas pu effectuer les relevés géologiques. On ne va pas revenir sur ce détail.
Passons au point suivant, à savoir tout ce qui concerne le matériel roulant. Nous avons deux solutions aujourd'hui. Tout d'abord, une solution qui prévoit que, sur les quarante rames prévues, il y en ait 21 qui soient achetées par les CFF et 19 par la région Rhône-Alpes - et non pas par la SNCF. Le problème, c'est que si on agit chacun de notre côté, les trains ne pourront pas être accrochés, pour des raisons de technologie. En effet, s'ils s'accrochent, la technologie pourrait passer d'un wagon à l'autre et dévoiler des secrets de fabrication trop importants pour les uns et les autres. Quand je me suis renseigné sur ce qui se passait à propos du matériel roulant, je me suis rendu compte qu'un certain M. Montebourg, pour ne pas le nommer, aujourd'hui ministre français, agissait de manière peu correcte quant à ce qui se fait au niveau des marchés publics, et faisait pression sur Alstom pour participer à l'achat des 19 rames.
La deuxième solution, c'est que les CFF, conjointement avec l'entreprise Stadler, basent le tout sur une flotte unique, ce qui permettrait d'économiser un manque à gagner sur les deux flottes d'un million et demi, voire sept millions et demi. Le marché des CFF, c'est de passer par M. Stadler pour avoir cette flotte unique. Cela peut paraître normal, puisque le CEVA touche toute la région genevoise et française. Cette flotte unique coûterait 10 millions par rame ! C'est-à-dire à peu près 400 millions de retombées pour l'entreprise Stadler. Ce qui veut dire que ces trains, qui auraient dû être payés par la France, représentent 193 millions qui retomberaient dans l'entreprise Stadler, 193 millions pour une trentaine de postes dans le centre de maintenance qui se ferait à Valleiry. Ce seraient 193 millions en plus dans la caisse d'une entreprise suisse qui forme des gens, qui a une technologie bien à part répandue dans toute l'Europe. Certains ont dit que Valleiry n'est pas raccordé au tracé. Or il s'agit d'un ancien emplacement de Conforama, qui se situe le long de la voie ferrée. Il suffirait de faire un aiguillage et 200 mètres de voie pour régulariser l'histoire. Prétendre que la commune n'est pas raccordée n'est donc pas tout à fait correct. A travers ce centre de maintenance, l'entreprise Stadler Suisse pourrait avoir un pied dans notre région mais du côté français, ce qui pourrait générer à brève et longue échéance des retombées économiques sur toute la région.
Je suis étonné de voir que le PLR s'oppose à une privatisation, s'oppose de par ce fait à la vision dont on parle à travers l'arc lémanique, à savoir la métropole lémanique ou le Grand Genève. Il s'agit justement de faire fructifier cette région, alors que le MCG et l'UDC se plaignent de tous les frontaliers qui vont et viennent. Il est possible de créer ces postes à Genève ! Vous parlez de chômage. Mon Dieu, il faut sauver les chômeurs ! Bien sûr, on a tous envie de sauver les chômeurs. Mais aujourd'hui, au chômage, il n'y a pas une seule personne qui serait capable d'aller travailler sur ces rames. (Exclamations. Protestations.) Oui, c'est vrai ! Eh oui, c'est vrai ! C'est bien la preuve que vous vous souciez peu...
Le président. S'il vous plaît ! Monsieur Medeiros, s'il vous plaît !
M. Luc Barthassat. ...de ce que vous racontez, parce que vous n'avez même pas eu le souci de vérifier, alors que vous avez un conseiller d'Etat qui aurait pu vous avertir de la chose. (Brouhaha.) Mesdames et Messieurs, on ne répare pas une rame comme on répare un Solex ou une Peugeot ! Il faut réfléchir à ce que vous dites et arrêter de dire des bêtises ! (Brouhaha.) Le centre de maintenance des CFF...
Le président. S'il vous plaît ! Monsieur Medeiros, ça suffit !
M. Luc Barthassat. ...ne sera en aucun point raboté quant à ses emplois ou à la transmission de son savoir-faire. Quoi qu'il arrive, il y aura au moins vingt rames qui seront achetées par les CFF et qui seront dans le centre de maintenance. C'est vrai, il y a la place. Mais dans une enveloppe globale et une façon de voir globale, vous ne vous imaginez quand même pas que les quarante rames vont rentrer au dépôt des CFF tous les soirs ? Le but, c'est qu'ils soient prêts à partir le lendemain matin. Et pour 193 millions et quelques postes en France, ainsi qu'une meilleure organisation, avec une même formation des gens qui conduisent ces rames d'un côté ou de l'autre de la frontière... (Protestations. Le président agite la cloche.)
Le président. Monsieur Medeiros, ça suffit !
M. Carlos Medeiros. J'ai rien dit, moi ! (Vives exclamations. Protestations.)
Le président. La prochaine fois, je vous donne un avertissement ! Poursuivez, Monsieur le conseiller d'Etat.
M. Luc Barthassat. On peut s'opposer, on peut crier, on peut faire semblant de défendre les uns et les autres, mais il arrive un moment où il faut avoir une vision un peu plus large que celle du bout de son nez. Si je ne peux pas vous offrir une machine à remonter le temps, Mesdames et Messieurs de l'UDC, on peut toujours vous offrir un billet de train pour aller voir ce qui se passe au-delà de Nyon ! (Commentaires. Rires.) S'agissant de ce matériel roulant, on est tout simplement en train de mettre à mal une négociation qui est en train de se faire, et vous êtes peut-être en train de faire perdre plus de 200 millions à un constructeur suisse qui travaillerait aussi à Genève.
En ce qui concerne les AIMP, le chantier du CEVA en fait partie. C'est un chantier européen, ce qui fait que ce sont des entreprises d'une certaine taille qui peuvent s'en occuper. Par exemple, il n'y a pas d'entreprise à Genève qui serait capable de fournir le premier lot, à savoir les escalators. Oui, il y a des entreprises suisses. D'ailleurs, certaines entreprises suisses se sont réunies en consortium pour pouvoir répondre aux appels d'offres. Quant au deuxième lot, soit les fameux panneaux de verre bétonnés conçus par l'architecte Nouvel, on ne sait pas les faire à Genève. Mais peut-être sait-on les faire à Fribourg ? Les entreprises romandes peuvent former des consortiums ! Il y en a d'ailleurs certains qui se sont déjà montés pour le CEVA. Si on veut être à la hauteur des grands chantiers et faire la nique aux Européens, on peut toujours se mettre en consortium. J'en ai faits à l'époque où j'étais entrepreneur. Je me suis retrouvé du jour au lendemain avec soixante personnes sur un chantier au lieu des dix qui travaillaient d'ordinaire avec moi. Ce sont des choses qui demandent un certain effort, une certaine concertation avec d'autres entreprises, mais cela fonctionne très bien. La preuve, c'est qu'il y en a qui le font déjà sur le chantier.
J'aimerais maintenant évoquer l'attribution et la distribution des lots de travail après les appels d'offres. Sachez une chose, c'est que cela a été décidé au sein du COPIL - comité de pilotage - du CEVA, où le Conseil d'Etat, les CFF, la direction du chantier ainsi que l'Office fédéral des transports sont présents. Ces lots et la manière de les distribuer ont été décidés en juin 2012 ! Je m'excuse à nouveau, Mesdames et Messieurs du PLR, mais lisez le Mémorial ! Je n'étais pas encore là à l'époque, et c'était quelqu'un qui émanait de votre parti ! Il ne faut pas venir pleurer maintenant un peu trop fort pour masquer ce qui s'est passé avant ! Je ne suis pas du style à aller déterrer les morts du cimetière, mais quand même ! J'ai repris ce chantier d'une manière que je voulais claire, avec l'explication des uns et des autres sur les retards pris. Pour l'instant, tous les rapports disent la même chose. A un moment, sur ce chantier, on a économisé une partie de l'argent des appels d'offres pour pouvoir combler ce qui pourrait aujourd'hui coûter plus cher, à savoir la troisième couche de béton de ce tunnel. Sur ce qui a été économisé, on a pu prendre cette troisième couche et la payer normalement à 10 ou 12 millions près, mais il en reste encore 8.
Concernant les appels d'offres, il reste aujourd'hui encore vingt lots à distribuer. Je vais vous lire la petite note qu'on m'a donnée: «Pour les travaux de génie civil actuellement en cours, de nombreuses entreprises genevoises, locales et suisses sont en activité, et en quantité majoritairement représentées. Quant aux entreprises sous-traitantes, le recensement de mars 2014, dans tous les domaines d'activité en cours sur les chantiers du CEVA, relève 52 entreprises genevoises, 12 vaudoises et 21 autres, dont 12 françaises, principalement actives dans le domaine des transports. Selon la future stratégie, une vingtaine de lots à mettre en soumission est adjugée dans le cadre des travaux du second oeuvre.»
Si je résume, on a un COPIL qui se réunit tous les trois mois, où je vais maintenant pouvoir siéger. On a un rapport annuel. Quand j'ai fait ma conférence de presse, je me suis aperçu qu'il y avait quelques petits doutes. J'en ai aussi, je dois le dire. Mais ces doutes peuvent être assouplis avec une meilleure concentration de la surveillance. Je peux vous dire que j'accorderai une attention toute particulière à ce chantier. Tous les trois mois, je ferai un point de situation sur tout ce qui pourrait relever de dépassements de temps ou de coût, le tout dans une totale transparence, dans l'heure qui suivra le COPIL. Par ailleurs, il existe aussi une commission tripartite composée des syndicats patronaux et ouvriers, de l'Etat et de la direction du chantier, qui vise à surveiller tout ce qui se passe au niveau des entreprises. Certaines n'ont d'ailleurs pas pu passer entre les gouttes et se sont déjà fait avoir. Malheureusement, il y avait une genevoise dans le lot. Voilà qui est aussi d'une grande importance pour le suivi du chantier du CEVA. En outre, j'ai commencé à mettre en place une commission d'experts extérieurs à nos parlements et à nos habitudes. Ce sont des gens de haut vol qui viendront supputer, regarder, examiner tout ce qui peut se passer quant aux nouvelles adjudications et distributions des lots, pour qu'on ait une plus grande transparence et qu'on voie avec quels moyens on peut faire en sorte que nos entreprises participent d'une meilleure façon, et peut-être avec une meilleure information. Cette commission est en train de se mettre sur pied dans l'immédiat. J'ai déjà pris contact avec certains grands ingénieurs qui ont travaillé sur des chantiers, à l'étranger ou ailleurs, ainsi que des gens de la finance et peut-être aussi de la politique. La commission ne dépassera pas six personnes. Ces personnes feront le lien entre vous, moi, mes services et tout ce qui se passe sur le chantier. Voilà où on en est aujourd'hui.
En attendant, et pour répondre à la majeure partie de vos questions, vous pouvez m'envoyer le tout en commission ou au Conseil d'Etat, je vous y répondrai dans le détail et en toute transparence. Je me réjouis de venir avec les gens des CFF et du chantier pour vous répondre. A l'interne même du chantier, j'ai demandé qu'un COPIL extraordinaire se tienne dans les prochains jours pour faire la lumière sur tout cela et qu'on arrête ces agitations stériles. Si on continue avec nos petites enquêtes interparlementaires, nos audits et compagnie, on va semer un trouble inimaginable, on va prendre du retard. Et ça, Mesdames et Messieurs, ça nous coûtera de l'argent. Merci de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, nous sommes saisis de demandes de renvoi à la commission des travaux pour le rapport divers 1041, la proposition de résolution 748, ainsi que les propositions de motion 2197 et 2199. Par contre, il n'y a pas de demande de renvoi en commission pour la proposition de résolution 760. Nous la voterons donc juste après.
Mis aux voix, le renvoi du rapport du Conseil d'Etat RD 1041 à la commission des travaux est adopté par 89 oui (unanimité des votants).
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 748 à la commission des travaux est adopté par 72 oui contre 11 non.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2197 à la commission des travaux est adopté par 81 oui (unanimité des votants).
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2199 à la commission des travaux est adopté par 82 oui (unanimité des votants).
Mise aux voix, la résolution 760 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 71 oui contre 12 non et 1 abstention.
Débat
Le président. Nous passons aux points liés suivants, soit les propositions de motions 2187, 2200 et 2195. Nous sommes en catégorie II, quarante minutes. Je vais procéder comme précédemment en laissant les auteurs présenter leur texte pendant trois minutes. Ensuite, ce sera quatre minutes de parole par groupe. Monsieur Buchs, c'est à vous pour la M 2187.
M. Bertrand Buchs (PDC). Merci beaucoup, Monsieur le président. Nous avons déposé une motion demandant qu'on prenne des décisions rapides en cas de pic de pollution de particules fines. Pourquoi avons-nous déposé cette motion, qui a été co-écrite avec le parti des Verts ? Nous nous rendons compte, du point de vue médical - et je ne parle que du point de vue médical - que depuis quelques années, il y a une augmentation assez inquiétante des problèmes pulmonaires chez des jeunes gens qui n'ont pas de prédisposition à cela. On observe une augmentation importante de problèmes de santé comme les sinusites chroniques ou d'autres maladies chez des gens sains, qui n'ont d'ordinaire pas d'allergies. Il y a également une augmentation importante de certains cancers, qui ne sont pas explicables autrement que par la pollution atmosphérique. Une étude récemment publiée dans la revue «The Lancet» - l'une des grandes revues médicales mondiales - démontre que les particules fines augmentent le nombre de cas d'accidents vasculaires cérébraux et de démence chez des personnes d'un certain âge. Nous sommes face à un problème de santé publique majeur, il faut prendre des décisions.
On se rend compte aussi que les pics de pollution - c'est-à-dire le fait de dépasser 50 microgrammes de particules - sont de plus en plus fréquents. Plus de trois épisodes ont été constatés en 2013, et déjà un épisode en 2014. A chaque fois, alors que le canton pourrait agir, aucune mesure n'est prise, à part de dire aux gens de faire attention, de ne pas faire trop de sport, de ne pas trop sortir. Mais aucune mesure n'est prise. Le but de cette motion est de rappeler que s'il y a des choses à faire à moyen et long terme, évidemment, il faut aussi prendre des mesures rapides en cas de pic de pollution, parce qu'il faut protéger la population. Cette motion le demande. Nous proposons de la renvoyer à la commission de l'environnement pour pouvoir en discuter et demander au gouvernement qu'il agisse, c'est-à-dire limite la vitesse sur l'autoroute, promeuve la circulation alternée et surtout, en cas de pic de pollution, rende les transports publics gratuits. Je vous remercie.
Une voix. Bravo !
M. Gabriel Barrillier (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, nous remercions les auteurs de cette motion d'attirer notre attention sur ce danger. Je vous rappelle que la commission de l'environnement examine depuis des semaines - voire des mois - le concept cantonal de la protection de l'environnement, intitulé «Environnement 2030». J'ai encore vérifié ce matin, il y a, parmi les mesures proposées, un plan de mesures pour l'air dont l'objectif est sectoriel. Il s'agit notamment de réduire la concentration de particules fines PM10 dans l'air, en renforçant les mesures de réduction des cas particuliers. Dans ce catalogue figure également l'objectif de promouvoir la prise en compte spécifique de la problématique des particules les plus nocives dans le dispositif réglementaire national. On voit donc que le problème n'est pas que genevois. Dès lors, en un mot comme en cent, dépêchons-nous de renvoyer cette motion à notre commission de l'environnement, qui va l'examiner avec sérieux. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je vais passer la parole à M. le député Thomas Bläsi. J'aurais dû le faire avant, excusez-moi, Monsieur. Vous pouvez présenter la proposition de motion 2200.
M. Thomas Bläsi (UDC). Merci, Monsieur le président, ce n'est pas grave. J'aimerais tout d'abord remercier les autres signataires de ce texte, puisqu'ils ont participé à l'élaboration de l'amendement, qui permet d'élargir la motion aux PM10 et aux PM2,5. Il est important de préciser que les PM de 10 à 2,5 atteignent les voies respiratoires supérieures, alors que les PM2,5 vont dans les voies respiratoires basses, les alvéoles pulmonaires, et sont donc décrits comme beaucoup plus toxiques. C'est pour cela qu'il est important de les intégrer et de voter en plus de la proposition de motion 2200 l'amendement qui l'accompagne, qui vous sera présenté par la suite.
Après les explications du docteur Buchs, j'aimerais préciser que la M 2200 cible l'origine du problème. L'objectif de cette motion est de balayer le moins large possible et d'aller au plus près de la cible. Il faut savoir que les véhicules diesel concernés par le texte sont à l'origine de la production de 75% des particules fines, qui sont reconnues comme nocives aussi bien par l'Office fédéral de l'environnement que par la commission fédérale de l'hygiène de l'air et l'OMS, pour qui elles se situent dans la catégorie 1 des substances cancérigènes. L'implication de ces particules dans la multiplication des cancers, qu'il s'agisse des voies respiratoires ou des cancers de la vessie, est reconnue. Il est à noter que l'OMS reconnaît le décès prématuré de 3000 personnes en Suisse et de 42 000 personnes en France. Il est évident que la part du diesel dans le parc de véhicules suisse est inférieure à celle en France, où l'on a mené une politique en faveur du diesel. Les véhicules qui se rendent en Suisse tous les matins appartiennent aussi bien à des citoyens suisses résidant en France qu'à des citoyens français. Habitant sur le territoire français, ceux-là ont intérêt à investir dans le diesel. Les nouveaux filtres à particules sont plus efficaces. C'est pourquoi la motion prévoit des systèmes dérogatoires, soit pour les nouveaux véhicules, soit pour les nouvelles immatriculations, pour les services publics ainsi que pour les commerciaux qui ont besoin d'utiliser leur véhicule pour leurs livraisons quotidiennes. Certes, la motion 2200 vous propose une solution contraignante. Mais il s'agit d'un faible nombre de jours et pour un résultat maximum, en allant directement à la cible du plus polluant. Le but n'est pas d'ostraciser ou de fustiger les utilisateurs de diesel, mais bel et bien de les sensibiliser au fait que ce type de véhicules a un impact direct sur la santé. Je vous remercie de faire bon accueil à cette motion ainsi qu'à l'amendement qui l'accompagne, et renouvelle mes remerciements aux différents signataires.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je cède la parole à M. le député Thomas Wenger pour qu'il puisse présenter la motion 2195.
M. Thomas Wenger (S). Merci, Monsieur le président. Un certain nombre de choses ont déjà été dites par mes deux préopinants. Je me réjouis que, pour une fois, sur un sujet lié aux transports et à la pollution, on ait l'air... Certaines motions se sont un peu croisées, mais il y a une motion UDC, une motion PDC et Verte, et une motion socialiste, qui traitent les trois de la problématique de la pollution atmosphérique. Je crois qu'on peut se réjouir que quasiment - je l'espère ! - l'ensemble des partis de ce parlement aient envie d'empoigner rapidement ce problème.
Ce qu'on peut rappeler, c'est que les valeurs limites des normes de pollution en termes de qualité de l'air sont régulièrement dépassées à Genève. Pourquoi ? Tout le monde le sait: parce qu'on a un problème de saturation du trafic au coeur de notre agglomération - voire de plus en plus aux frontières de notre agglomération - et qu'on doit prendre des mesures. Quand les valeurs sont dépassées, on se doit - quand je dis «on», c'est en l'occurrence le Conseil d'Etat - de prendre des mesures. Ces mesures peuvent par exemple consister à rendre les transports publics gratuits, à partir d'un certain niveau de dépassement. Nous, les socialistes, proposons dans cette motion que ce niveau soit fixé à 80. Il peut y avoir d'autres mesures, telles que la baisse de la vitesse autorisée sur l'autoroute, à savoir, pour nous à Genève, l'autoroute de contournement. On pourrait baisser la vitesse à 80 km/h le temps que les normes retrouvent leur seuil normal. Il y a encore d'autres possibilités, comme l'interdiction de circulation des véhicules diesel - la motion UDC en parle spécifiquement - et bien entendu la circulation alternée, qu'on a connue il n'y a pas longtemps à Paris et dans d'autres villes françaises. Cela permet aussi de réduire le trafic automobile un certain nombre de jours pour retrouver des normes «raisonnables», entre guillemets, en termes de pollution de l'air, même si la pollution n'est en soi - en tout cas pour nous, socialistes - pas raisonnable. Ce qu'on peut enfin ajouter, c'est que ces mesures permettent non seulement de baisser la valeur de pollution atmosphérique, mais peut-être aussi aux gens qui n'auront pas le droit d'utiliser leur voiture pendant un jour ou deux et devront prendre des transports publics gratuits de se rendre compte qu'il y a d'autres modes de transport que leur véhicule individuel motorisé. Peut-être pourront-ils petit à petit changer leurs habitudes de transport pour qu'on puisse vivre à Genève et dans notre agglomération dans un environnement plus sain pour tout le monde. Merci beaucoup.
Mme Lisa Mazzone (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, ces dernières années, les Verts ont alerté à plusieurs reprises - à peu près tous les ans - le Conseil d'Etat au sujet des pics de pollution de particules fines, car cette pollution atmosphérique a un impact inquiétant sur la santé de la population, comme cela vous a été présenté tout à l'heure, notamment par M. Buchs. Dans le cadre du débat budgétaire, j'avais d'ailleurs signalé cette problématique et je m'étais réjouie d'entendre M. Barthassat, notre conseiller d'Etat, répondre qu'il était envisageable de lutter contre ces pics grâce à la gratuité des transports publics. C'était le 20 décembre dernier. Pourtant, nous avons connu trois épisodes inquiétants ces trois derniers mois, et rien n'a été entrepris pour inverser la tendance et protéger la population. En se dégageant de toute responsabilité, le Conseil d'Etat a simplement invité la population à se calfeutrer chez elle au lieu d'agir à la source de la pollution. Or il existe désormais un article dans notre constitution, qui stipule que toute personne a le droit de vivre dans un environnement sain, et un autre qui dit que l'Etat protège l'humain et son environnement. J'espère que les ex-constituants apprécieront mes références ! Il faut désormais appliquer ce principe avec vigueur pour le bien de la population.
Actuellement, le problème est que le plan d'action prévu en cas de pic de pollution est timoré - et c'est un euphémisme ! - mais surtout intervient si tardivement qu'il est déjà trop tard, si bien que la possibilité de réduire la vitesse de circulation sur l'autoroute à 80 km/h n'a jamais été utilisée, par exemple. Tout ce que l'on se contente de faire, c'est d'alerter la population. Fort bien, mais les enfants s'ennuient vite à l'intérieur, surtout lorsque le soleil brille dehors. Le seuil de tolérance se situe à 50 microgrammes par mètre cube. Pourtant, il faut attendre pour agir que les concentrations soient une fois et demie plus élevées, à au moins trois stations de référence dans au moins deux cantons romands, et que la météo laisse présager que la situation restera telle ! On a vraiment tout fait pour ne rien faire, c'est en tout cas l'impression que cela donne. C'est pourquoi nous demandons aujourd'hui une meilleure réactivité grâce à des mesures plus ambitieuses, soit la gratuité des transports publics dès qu'une concentration de 50 microgrammes est constatée, la réduction de la vitesse de circulation sur l'autoroute dès que la concentration atteint 75 microgrammes, et enfin la circulation alternée dès que la concentration en particules fines atteint 100 microgrammes. Mais cela ne doit pas nous empêcher - bien au contraire ! - de nous engager pour que l'on n'atteigne plus ces pics de pollution grâce à des mesures de fond, dont la motion de M. Bläsi esquisse une piste. Il s'agit également de poursuivre une politique de transfert modal, qui encourage la mobilité douce, d'attribuer des crédits pour réaliser l'initiative pour la mobilité douce, et de mettre en oeuvre le plan OPair afin que l'on ne se retrouve plus dans des situations comparables et qu'on offre enfin une qualité de vie et d'air à notre population. Je vous remercie.
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, on entend beaucoup de choses sur les particules. J'aimerais juste brièvement répondre à ma préopinante. Encore une fois, son texte parlementaire part d'une bonne intention. Mais si on voulait vraiment être efficace quant au taux de pollution et aux niveaux d'intolérance - c'est-à-dire le dépassement des normes légales - il faudrait commencer par fermer le réseau routier secondaire aux postes-frontières, parce que je vous rappelle qu'il y a 550 000 mouvements de véhicules par jour aux frontières genevoises. Mais on crierait évidemment au scandale. Mieux vaut donc s'en prendre aux Genevois, c'est tellement plus simple ! De même, dans le cadre du CEVA, autant donner tout le boulot aux Français puisque les Genevois - comme on l'a entendu du ministre des transports - ne sont pas du tout capables de travailler dans le centre de maintenance. Il est bien connu du gouvernement que tous nos chômeurs sont des imbéciles et des incapables - je traduis simplement les propos du conseiller d'Etat Barthassat ! Vous vous souvenez que j'avais dit que l'usage était à choix entre les mouchoirs et la vaseline. M. Barthassat a choisi la vaseline pour le PLR !
Le président. Monsieur Stauffer, s'il vous plaît !
M. Eric Stauffer. Après, Monsieur le président, chacun en fait l'usage qu'il veut, bien sûr ! Cela étant dit, j'aimerais relever, Mesdames et Messieurs les députés, qu'il y a quelque chose qui ne fonctionne pas dans notre parlement. Le président du Conseil d'Etat n'est autre que le président du Grand Genève - le fameux GLCT - qui était en charge de la communication. Depuis cet après-midi, nous savons, grâce à un excellent article du quotidien «Le Temps» - qui vient d'ailleurs d'être racheté par Ringier - qu'il y a eu maldonne sur l'information pendant la campagne électorale. Il est vrai que j'ai été un peu virulent... (Exclamations.) ...lorsque, tel Emile Zola, j'accusais le président du Conseil d'Etat. Mais la moindre des choses, mes chers collègues... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...c'eût été que le président du Grand Genève - également président du Conseil d'Etat - réponde à mes attaques et aux questions légitimes que se pose ce parlement. Or le président du Conseil d'Etat n'a pas répondu. En revanche, le ministre PDC vient dire ceci - je traduis ses propos: «Chers amis du PLR, vous n'avez qu'à regarder avec Mark Muller, qui était PLR, car c'est lui qui a fait les attributions.» Boum ! Il faudra peut-être lui rappeler un jour que s'il est conseiller d'Etat, c'est bien grâce aux votes du PLR ! Mais enfin, c'est un autre débat. (Remarque.) On sait qu'il y a toujours eu une guerre fratricide entre la gauche et la droite au sein de l'Entente. Ceci étant dit, Mesdames et Messieurs, je redemande au président du Conseil d'Etat de répondre - le MCG met en demeure le gouvernement de répondre ! (Exclamations.) - parce qu'il se pourrait qu'au prochain projet de loi de dépassement de crédit, nous démontrions...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Eric Stauffer. Je vais conclure, Monsieur le président. ...nous démontrions la force et la puissance du MCG en lançant un référendum ! (Exclamations.) Je vous mets... (Brouhaha.)
Le président. Chut !
M. Eric Stauffer. Et là, on parlera de retard ! Il était inadmissible d'accuser Mauro Poggia quant aux recours...
Le président. Il vous faut conclure.
M. Eric Stauffer. ...et les CFF s'en sont même excusés. Je voudrais bien que les menteurs se dévoilent ce soir ! Merci. (Quelques applaudissements.)
Mme Christina Meissner (UDC). Vous me permettrez de revenir au sujet ! En l'occurrence, nous parlons d'un problème réel, d'un problème de pollution de l'air avec des effets extrêmement graves sur la santé. Trois motions nous sont présentées. Celle du PDC et des Verts ratisse extrêmement large - peut-être un peu trop - avec une gradation plutôt en fonction de la concentration, mais pas en fonction des périmètres sur lesquels les effets se font sentir. Malheureusement, aucune exception n'est proposée pour les gens qui sont obligés de se déplacer avec des véhicules utilitaires pour des raisons professionnelles. La motion socialiste, quant à elle, est beaucoup plus ciblée et sans doute beaucoup plus facile à appliquer. Elle mentionne en effet non pas une gradation en fonction de la concentration obligeant à la gratuité des transports publics pour tous, mais un «recours accru» à cette gratuité, ce qui est quand même beaucoup plus nuancé. Elle est donc un peu plus précise. Enfin, vous m'excuserez de faire de la publicité pour la motion UDC. Cela ne vous étonnera pas ! Au final, c'est certainement la plus ciblée, puisqu'elle se concentre sur les substances les plus nocives et sur les véhicules responsables de ces substances, d'une part en n'oubliant pas les gens qui doivent se déplacer pour des raisons professionnelles ou les transports publics - où le diesel est indispensable - et d'autre part en laissant une marge de manoeuvre beaucoup plus grande par rapport aux mesures qui doivent être prises par le Conseil d'Etat, ce qui me semble important. Il doit y avoir une gradation non seulement en fonction des particules et de leur concentration mais aussi des périmètres sur lesquels ces particules développent leurs effets nocifs. Ainsi, soyons pragmatiques. Tout le monde n'est pas spécialiste de la question dans notre parlement; ces motions méritent toutes trois d'être renvoyées à la commission de l'environnement pour être étudiées. Je vous remercie de suivre cette proposition.
M. Michel Ducommun (EAG). Je ne vais pas revenir sur ce que plusieurs préopinants ont dit quant aux effets mortifères de la pollution, en particulier des particules fines. Par contre, je voudrais intervenir sur deux éléments. Tout d'abord, il a été fait mention du document «Environnement 2030» qui est actuellement discuté en commission de l'environnement et de l'agriculture. Je ne vais faire ni un éloge ni une critique de ce document. Je rappelle simplement qu'il a beaucoup de bonnes intentions à long terme, mais qu'il est très vague et ne comprend aucune réelle proposition concrète. Il y est écrit - je ne vais pas vous le relire - que l'objectif est de diminuer les particules fines. Bravo ! Ce qui me semble important, dans les motions qui vous sont proposées, c'est que ce ne sont pas simplement des intentions à moyen ou très long terme. Le document dont je parlais évoque une société à 2000 watts. C'est très bien, mais l'objectif se situe à peu près dans 60 ans ! Dans 60 ans, ce sera sans doute trop tard ! Pour reprendre la question des limites quant aux particules fines, dans les documents et les renseignements que nous avons reçus dans cette commission, l'espoir de les diminuer de manière importante à court terme semble très, très limité. De ce point de vue là, je pense qu'on n'a pas suffisamment conscience de l'importance du danger et des dégâts écologiques, climatiques et de pollution.
Ce que je trouve intéressant et très important dans les trois motions, c'est qu'elles proposent des mesures concrètes, à savoir les TPG gratuits, la limitation de la vitesse sur les autoroutes et la circulation alternée, voire possiblement interdite en ville. Je pense que Genève peut se permettre ce type de propositions. Pour le prouver, je vais donner un exemple qui devrait faire plaisir à la droite, puisqu'il s'agit de l'une des régions sans doute les plus à droite de France, c'est-à-dire les Alpes-Maritimes. C'est Nice, tout le sud de la France, qui n'est pas vraiment gauchiste. Je vous cite trois mesures qu'on a prises là-bas. La première, ce ne sont pas les transports publics gratuits uniquement quand il y a trop de particules fines, mais les transports publics presque toujours gratuits: le prix du billet des transports publics dans les Alpes-Maritimes a été diminué à un euro. Un euro non seulement pour pouvoir se déplacer à Nice, mais aussi pour se rendre de Nice dans les stations de ski à 50 kilomètres de là. Toute balade en transports publics dans cette région coûte un euro ! Deuxièmement...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur.
M. Michel Ducommun. Je n'en ai plus que deux à citer, Monsieur le président. Deuxièmement, toute la circulation sur les autoroutes de ce département est limitée non pas à 130 km/h - comme dans le reste de la France - mais à 110 km/h, toujours pour cette même raison. Le troisième élément, c'est effectivement... Quel est le troisième élément, déjà ? (L'orateur consulte ses notes.) Je ne le retrouve plus, excusez-moi ! (Remarque.)
Le président. Il vous faut conclure.
M. Michel Ducommun. Bon, il y en a un troisième ! Je suis un peu limité au niveau du temps. Ce que je veux dire, c'est que si les politiques d'un département de droite - plus à droite que Genève - peuvent faire des propositions dans ce genre parce qu'ils sont conscients du danger qui existe et menace l'humanité...
Le président. Cette fois, il faut conclure, Monsieur !
M. Michel Ducommun. ...je pense qu'on peut faire de même à Genève, et rapidement.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Pierre Weiss. Il vous reste une minute et quarante et une secondes.
M. Pierre Weiss (PLR). Ce sera bien suffisant, Monsieur le président. Hier soir, nous avions Maurras, ce soir nous avons Zola. Chacun ses références ! Pour entrer dans le débat sur «Environnement 2030», je crois qu'il faut raison garder. Je voulais simplement dire que la formation qui a été mise en cause n'a qu'un rapport indirect avec les particules. Quoique ! Quand les trains doivent freiner, ils dégagent des particules par les sabots, quand ils ont des sabots ! (Remarque.) «Mais ils n'ont plus de sabots», me dit le grand connaisseur Gabriel Barrillier. Les sabots, c'était du temps de la Belle Hélène ! Ce qui est certain, c'est que des exigences sont nécessaires en matière de formation professionnelle. Vous ne pouvez pas transformer tout chômeur en un spécialiste en mécanique de précision ou en mécatronique. Il y a là des illusions que certains maîtrisent malheureusement mal, parce que la technologie n'est pas nécessairement leur fort. Je tenais à le rappeler ce soir. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Thomas Wenger.
M. Thomas Wenger (S). Pour combien de temps ?
Le président. Il vous reste quatre minutes. Détendez-vous !
M. Thomas Wenger. Ah ! Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, si j'ai bien compris mon collègue - vous transmettrez, Monsieur le président, à Eric Stauffer - les pics de pollution de l'air à Genève sont dus au retard du CEVA ! Ah non, ils sont dus aux fonctionnaires qui gagnent beaucoup trop d'argent, Mesdames et Messieurs ! (Exclamations.) Ah non, pardon, les pics de pollution sont dus à la gauche caviar, ici, qui ne paie pas d'impôts ! Non, les pics de pollution de l'air sont dus à l'Union européenne et à ses affreux marchés publics ! Ah non, c'est dû à la nouvelle loi sur les taxis, que vous n'avez pas voulu renvoyer en commission alors que vous l'aviez votée en commission ! Ah non, c'est parce qu'il n'y a pas assez de forfaits fiscaux à Genève qu'il y a des pics de pollution de particules fines ! Ah non, c'est parce que la gauche veut empêcher le MCG de soutenir et de s'approprier les PPE en zone de développement ! Pour toutes ces raisons, il y a des pics de pollution de l'air aujourd'hui à Genève.
Vous avez dit, Monsieur Stauffer, que quelque chose ne fonctionnait pas dans ce parlement. Je crois que ce qui ne fonctionne pas, c'est qu'on ne parle jamais des sujets sur lesquels on est censé parler ! On parle aujourd'hui des pics de pollution. Encore une fois - et vous transmettrez, Monsieur le président - tant que vous n'aurez pas, Monsieur Stauffer, grâce à vos négociations, convaincu Ennova de construire des éoliennes à Genève qui permettront de souffler la pollution sur la France voisine, nous proposerons, nous socialistes, de renvoyer ces trois motions à la commission de l'environnement pour en discuter sérieusement. Merci beaucoup. (Exclamations. Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Bertrand Buchs (PDC). Je serai très bref. Si je peux me permettre, j'aimerais juste vous faire une remarque, Monsieur le président. Je voudrais bien que lorsqu'on parle d'un sujet, on reste focalisé sur ce sujet, et que vous remettiez en place les gens qui s'en écartent. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme la députée Lisa Mazzone pour cinquante secondes.
Mme Lisa Mazzone (Ve). Merci, Monsieur le président. Je voulais simplement revenir sur le fait de cibler ou non nos propositions. Je pense qu'il y a deux voies à suivre parallèlement, et que ces deux voies doivent toutes deux être ambitieuses. D'une part, il faut agir sur le long terme en modifiant les habitudes de mobilité, en les rendant plus respectueuses de l'environnement, ceci afin d'améliorer la qualité de vie. D'autre part, nous sommes obligés de mettre en place des mesures qui permettent d'intervenir avec vigueur dès qu'un pic de pollution est détecté afin d'inverser immédiatement la tendance. Dans ce cas, il faut dépasser les déclarations d'intention et avoir des propositions très précises qui permettent d'intervenir pour avoir un effet immédiat et que le pic puisse être dépassé très rapidement. C'est pourquoi...
Le président. Il vous faut conclure, s'il vous plaît.
Mme Lisa Mazzone. ...je vous invite à en discuter en commission de l'environnement et à retenir des mesures ambitieuses...
Le président. C'est terminé, Madame.
Mme Lisa Mazzone. ...et ne pas en rester aux déclarations d'intention. Je vous remercie.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à Mme la députée Christina Meissner, à qui il reste une minute vingt-six.
Mme Christina Meissner (UDC). Merci, Monsieur le président. J'aimerais juste rappeler à ce parlement qu'il existe des problèmes dans d'autres politiques publiques, qu'il y a aussi d'autres sources de pollution qui n'ont rien à voir avec les transports et la circulation. Mais en ce moment, nous sommes dans le problème des particules fines, des véhicules et de la santé publique. Nous essayons - je l'espère sincèrement - de trouver des mesures concrètes et d'arriver à renvoyer ces trois motions en commission pour en discuter et trouver des solutions tous ensemble. Je vous remercie de ne pas essayer de diluer le sujet ou de l'évacuer à coups de brassage d'air. Nous sommes hors sujet à ce moment-là.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Roger Deneys.
De nombreuses voix. Ah ! (Exclamations.)
M. Roger Deneys (S). Ça fait plaisir d'être si bien accueilli ! Mais je suis un peu déçu, vous pourriez quand même m'applaudir... (Applaudissements. Sifflements.) Ah, voilà ! C'est gentil, merci !
Une voix. Allez, Roger !
Une autre voix. Il vous faut conclure ! (Rires.)
M. Roger Deneys. Mesdames et Messieurs les députés, ce que j'aimerais relever dans ce débat sur la problématique extrêmement importante de la pollution par les particules fines, c'est le fait qu'une mesure immédiate sera très prochainement prise par l'acceptation des P+R en France voisine. (Exclamations.) Voilà la première bonne solution pour réduire les émissions de particules fines dans le canton de Genève. Il faut garder des voitures à l'extérieur, et en particulier les voitures diesel... (Remarque.)
Le président. Chut ! Monsieur Stauffer !
M. Roger Deneys. Je demande donc aux citoyennes et aux citoyens genevois de voter oui aux P+R en France voisine afin de diminuer la pollution qui attaque la santé des Genevoises et des Genevois, des enfants et personnes âgées en particulier. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous sommes saisis de demandes de renvoi à la commission de l'environnement pour les trois motions.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2187 à la commission de l'environnement et de l'agriculture est adopté par 87 oui (unanimité des votants).
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2200 à la commission de l'environnement et de l'agriculture est adopté par 88 oui (unanimité des votants).
Le président. Monsieur Calame, vous souhaitez vous exprimer ?
Des voix. Mais non !
M. Boris Calame. Merci, Monsieur le président...
Le président. Non, excusez-moi ! Vous n'avez plus de temps de parole, de toute manière. (Rires.) Nous allons voter la demande de renvoi en commission de la motion 2195. (Remarque.) Nous sommes en procédure de vote, Monsieur. C'est pour quoi, un appel nominal ?
M. Boris Calame (Ve). Si vous me passez la parole, je vous explique, Monsieur le président. (Remarque.) Concernant la motion 2200, vous êtes passé au vote alors que j'avais demandé la parole. Nous avons déposé un amendement. Je demande juste que l'amendement accompagne la motion et qu'il soit traité par la commission. (Exclamations.) Je vous remercie.
Le président. Monsieur, la motion a été renvoyée en commission. L'amendement sera présenté et discuté en commission si les gens le veulent. Nous passons maintenant au vote sur la demande de renvoi en commission de la motion 2195.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2195 à la commission de l'environnement et de l'agriculture est adopté par 86 oui (unanimité des votants).
Premier débat
Le président. Nous abordons à présent notre dernière urgence, soit le PL 11280-A. Nous sommes en catégorie II, quarante minutes. Je passe la parole au rapporteur de majorité, M. Conne.
M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je demande le renvoi de ce projet de loi à la commission de la santé. (Brouhaha.)
Le président. Je n'ai pas entendu, Monsieur.
M. Pierre Conne. Je demande le renvoi de ce projet de loi à la commission de la santé.
Le président. J'en prends note. Monsieur Buchs, souhaitez-vous vous exprimer sur le renvoi en commission ?
M. Bertrand Buchs (PDC), rapporteur de minorité. Oui, nous demandons également le renvoi à la commission de la santé, s'il vous plaît.
Le président. Très bien. S'il n'y a pas de demande de parole du Conseil d'Etat, je vous fais voter le renvoi... (Commentaires. Remarque.) Non, Madame. Il y a une demande de renvoi en commission, vous n'avez donc pas la parole. Monsieur Poggia, vous pouvez vous exprimer.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Il semblerait qu'un renvoi en commission ait été discuté et accepté par les différents groupes. J'aurais évidemment souhaité savoir... (Commentaires.) Ecoutez, on verra au moment du vote qui l'accepte et qui le refuse ! Pour ma part, je suis étonné qu'un projet de loi comme celui-ci retourne en commission, une commission qui n'est pas totalement désoeuvrée et qui a bien assez d'autres sujets à traiter, ceci pour reparler d'un sujet qui a déjà été abordé et pour lequel une majorité a considéré que les structures actuelles étaient déjà suffisantes. Je m'explique.
Ce que l'on nous propose dans ce projet de loi, ce n'est ni plus ni moins qu'un changement cosmétique de la loi sur le réseau de soins et le maintien à domicile, en ajoutant la mention de soins «simples ou complexes», en donnant une définition de l'hospitalisation à domicile qui existe déjà et en ajoutant un bout de phrase à un autre article qui parle aussi de l'hospitalisation à domicile. Ce qu'il faut savoir, c'est que l'hospitalisation à domicile n'est pas un nouveau sujet. D'ailleurs, M. Buchs est bien placé pour le savoir, puisqu'en 1997 déjà, il en était l'initiateur dans le cadre d'une association genevoise pour l'hôpital à domicile. Comme je le disais, cet hôpital à domicile fonctionne avec des structures comme l'IMAD, mais aussi Sitex, Proximos ainsi que l'ex-SOS Pharmacie. (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît, un peu de silence !
M. Mauro Poggia. Certes, le système est perfectible, mais il existe. Je suis étonné que le corps médical et notamment l'Association des médecins du canton de Genève, pourtant prompte à prendre position sur divers sujets, ne s'organise pas davantage pour que cet hôpital à domicile fonctionne correctement. Il faut savoir qu'aujourd'hui, une personne hospitalisée à domicile - en lieu et place d'une hospitalisation dans nos hôpitaux publics - peut bénéficier de toute une série de soins, avec des médecins qui se déplacent, surtout son médecin traitant. Or l'AMG, qui grossit année après année compte tenu de la possibilité de s'installer, n'organise pas de permanence pour qu'on puisse donner aux personnes qui quittent l'hôpital les soins nécessaires: les médecins traitants ne travaillent pas le week-end. Personne ne s'occupe de ces gens. Et l'on voudrait, alors que les soins sont pris en charge... (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît !
M. Mauro Poggia. ...alors que les soins sont pris en charge... Merci, Monsieur le président. ...alors qu'en l'état actuel, les soins pour les personnes à domicile - qui peuvent être des soins soutenus, complexes - sont à charge de la LAMal, on voudrait faire grossir cette structure cantonale pour faire grossir tout autant le budget à charge du canton ? Je dis à l'AMG de s'organiser correctement pour offrir une qualité des soins aux personnes qui sortent de l'hôpital. En cela, je demande aussi à cette association de promouvoir MonDossierMedical.ch - l'ancien projet e-toile - qui permet justement de savoir, lorsqu'une personne quitte les hôpitaux publics, de quels traitements elle a bénéficié, de quels traitements elle doit pouvoir bénéficier, afin qu'il y ait un véritable suivi et une coordination entre les différents services. Au lieu de cela, on veut nous proposer un nouveau «machin» - pour paraphraser Charles de Gaulle - qui va coûter de l'argent à l'Etat, alors que les acteurs sont déjà sur place et peuvent très bien fonctionner avec un minimum de bonne volonté. Vous voulez renvoyer ce projet en commission ? Renvoyez-le en commission, si cela vous fait plaisir ! Mais la position du département ne changera pas. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons voter la demande de renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11280 à la commission de la santé est rejeté par 48 non contre 35 oui et 4 abstentions.
Le président. Je passe la parole à Mme la députée Marie-Thérèse Engelberts.
Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Merci, Monsieur le président. Je suis très contente de ce non-renvoi en commission, parce que nous avons déjà traité ce projet de loi plusieurs fois. Il y a différentes manières de voir le monde et d'analyser la réalité. Nous avons un service qui s'appelle l'IMAD et d'autres - comme Spitex, etc. - qui travaillent depuis des décennies pour s'occuper des patients. Ils ont entre autres mis en place un service d'hospitalisation à domicile. C'est vrai que c'est une belle niche, l'hospitalisation à domicile. On n'a tellement pas envie d'aller à l'hôpital ! Et ça se comprend ! Or, comme par hasard, alors que nous avons des services qui fonctionnent admirablement bien et que les médecins de premier recours feraient mieux de s'investir dans leur propre travail en groupe ou en cabinet - c'est comme ils veulent - ils nous proposent maintenant de créer un service d'hospitalisation à domicile ! Mais il y en a déjà ! Et ça marche très bien ! Cette petite niche promet beaucoup sur le plan économique. On a d'ailleurs vu ce qui a été développé au niveau des cliniques privées, par exemple. Au final, on va nous proposer une privatisation des soins à domicile ! Ça suffit, maintenant ! En plus de ça, ils n'auront aucune fonction de formation ! L'IMAD se coltine la formation de tout le personnel soignant et d'accompagnement pour les personnes en soins à domicile. Je regrette que le PDC entre dans cette logique. Je suis triste de voir que le corps médical et les pharmaciens se mettent ensemble. C'est quasiment une mafia, ce n'est pas possible ! Qu'est-ce que ça veut dire ? Aujourd'hui, il y a des services qui ont investi des décennies dans les compétences. C'est vrai que les infirmières ont besoin de l'aval du médecin pour pouvoir indiquer quel type de médicaments il faut recevoir. Or je crois savoir que le personnel infirmier est bien plus compétent dans le domaine des soins palliatifs. Voilà des décennies qu'on travaille dans le domaine de l'accompagnement des mourants, on n'a pas attendu que l'AMG nous dise comment il fallait faire ! C'est vraiment traiter un corps professionnel de manière inadéquate ! Tout ça pour gagner plus d'argent, parce que, tout à coup, on ne sait plus comment faire sur le plan du développement de la profession médicale. Je regrette beaucoup que mes deux collègues - que j'estime par ailleurs énormément - s'adonnent à ce type de propositions. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
Présidence de M. Antoine Barde, premier vice-président
Mme Christina Meissner (UDC). Si le groupe UDC a refusé le renvoi en commission à l'instant, c'est simplement parce que du moment que le conseiller d'Etat s'est exprimé sur ce projet de loi en expliquant très clairement sa position - ce dont nous le remercions - il nous paraissait utile et indispensable que les rapporteurs s'expriment eux aussi. Sans cela, il n'est pas possible d'avoir l'expression de chacun, ses justifications, la raison pour laquelle il a pris le rapport de majorité ou de minorité. Ensuite, nous jugerons si ce projet mérite véritablement un renvoi en commission. En ce qui concerne le groupe UDC, nous apprécions énormément le travail qui est fait par l'IMAD en matière de soins à domicile et avons quelques doutes quant à la nécessité d'ajouter une couche de médecins au-dessus. Mais nous écouterons volontiers les deux rapporteurs avant de voter.
M. Bertrand Buchs (PDC), rapporteur de minorité. Je suis un peu étonné par ce que j'entends. Il y a de la hargne, de la haine à propos d'un projet pour lequel il n'y a strictement aucune hargne ou haine à avoir. On demande simplement d'améliorer les soins. Si je suis bien placé pour en parler - comme l'a très bien dit M. Poggia - c'est parce que je m'occupe du problème de l'hospitalisation à domicile depuis 1997. Si nous avons demandé un renvoi en commission et si j'ai parlé à tous les groupes, il y a un mois, pour expliquer pourquoi nous demanderions ce renvoi en commission - j'ai aussi parlé au MCG, ainsi qu'à M. le conseiller d'Etat Poggia - c'est parce que je n'avais pas compris la position de l'IMAD quand ses représentants sont venus en commission. La directrice générale, Mme Da Roxa, m'a prié de demander un renvoi en commission pour pouvoir venir s'expliquer, parce qu'elle n'avait pas compris non plus le fond du projet de loi. Elle s'est arrêtée à l'exposé des motifs, où j'expliquais qu'on pourrait créer une fondation, et l'IMAD était absolument opposée à cela. Je lui ai dit que non, que le projet de loi veut uniquement introduire le terme d'«hospitalisation à domicile» dans la loi. Après, on fait ce que l'on veut. Cela donne le temps à l'Etat de mettre en place des structures.
L'hospitalisation à domicile, vous ne pouvez pas en faire ce que vous voulez. On en aura besoin ! La preuve, c'est que l'hôpital cantonal et l'hôpital de gériatrie nous demandent de pouvoir reprendre le plus rapidement possible des patients, parce qu'avec les nouveaux tarifs, on ne peut pas rester trop longtemps à l'hôpital. Il faut donc préparer des sorties rapides. Il faut aussi savoir que la plupart des personnes âgées ne veulent plus être hospitalisées. Après, on peut se fâcher contre les médecins de la ville qui ne font pas de gardes, qui ne travaillent pas le week-end. Je suis d'accord avec vous. Je suis entièrement d'accord avec vous, Madame Engelberts ! Je déplore depuis des années le fait que les confrères ne fassent pas ce qu'ils devraient faire. Mais on ne va pas les changer pour ça. Je suis aussi navré pour M. le conseiller d'Etat Poggia que le président de l'AMG ait dit une grosse bêtise aujourd'hui, lors de sa conférence de presse. Mais cela ne doit pas se répercuter sur le débat que l'on a maintenant.
Pourquoi a-t-on besoin d'hospitalisations à domicile ? Avec M. Segond, on avait parlé du fait qu'il faut absolument pouvoir administrer des soins complexes - M. Longchamp était secrétaire général à cette époque-là. L'IMAD le fait, je suis tout à fait d'accord. Mais, comme l'a très bien dit Mme Engelberts, les soins complexes nécessitent aussi la présence d'un médecin. Or l'IMAD n'a pas de médecins. L'IMAD n'a pas de médecins dans sa structure ! Quand nous avons créé l'association, nous avons demandé que l'IMAD puisse engager un ou deux médecins qui travaillent dans cette structure. L'IMAD ne l'a pas fait. Je rappelle que M. le professeur Waldvogel avait envoyé l'un de ses collaborateurs se former aux Etats-Unis sur l'hospitalisation à domicile. Ce collaborateur travaille actuellement aux urgences de l'hôpital et n'a jamais été employé dans son domaine de formation, ce qui est dommage, ce qui a coûté de l'argent à l'Etat. Je rappelle aussi que nous avons donné des cours de formation à plus de cent médecins sur l'hospitalisation à domicile, et ce pendant plusieurs années. Je ne veux pas me lancer des fleurs, mais je suis l'un des responsables de l'équipe des soins palliatifs. Nous avons créé cette équipe des soins palliatifs, qui marche très bien. Il ne s'agit pas d'opposer les infirmières aux médecins. Je dis simplement qu'on a besoin que l'Etat... Même si vous refusez ce projet de loi, il reviendra d'une façon ou d'une autre devant ce plénum, parce que nous avons besoin de pouvoir faire autre chose que ce que l'on fait maintenant et que le nouveau paradigme des soins va être de soigner les gens à domicile. Actuellement, nous n'avons pas les structures. C'est compliqué de le faire. Mais on aura ce besoin ! En proposant ce projet maintenant, cela donne le temps à l'Etat - cinq à dix ans - pour le faire.
Ce qui s'est passé, c'est qu'il y a eu une première étape: celle des soins à domicile avec les infirmières, qui a pris dix ans. C'était une étape fantastique, on a fait des choses extraordinaires à Genève, on a mis en place d'excellentes structures. Je dois d'ailleurs remercier toutes les personnes qui y ont participé. Maintenant, il faut passer à la deuxième étape. Nous proposons juste d'introduire des termes dans une loi, et puis de laisser l'Etat décider ce qu'il veut en faire. C'est tout ! Il ne faut pas commencer à y voir une espèce de prise de pouvoir des médecins, ce n'est absolument pas le cas pour moi. Merci beaucoup.
M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de majorité. Chers collègues, il y a effectivement quelques rebondissements. A la demande de notre collègue Buchs, j'avais accepté le principe de renvoyer ce projet de loi en commission, alors que j'avais pris le rapport de majorité de non-entrée en matière avec une large majorité de la commission. J'avais d'ailleurs été, en commission de la santé également, l'un des intervenants ayant le plus plaidé le fait que ce projet de loi n'amenait strictement rien comme plus-value dans les soins à domicile. J'y reviendrai. Comprenez simplement qu'à partir du moment où l'on a une thématique importante - les soins à domicile - avec des enjeux de santé publique pour les personnes fragiles soignées à domicile, qu'on a une non-entrée en matière sur un sujet aussi important et que l'initiant vient nous dire qu'il y a des éléments d'information nouveaux qui n'ont pas été pris en compte, il me semble assez naturel de dire qu'on ne va pas, en l'état, rouvrir le débat en plénière: on reprend ces questions en commission de la santé. Vous avez refusé le renvoi à la commission de la santé. Maintenant, les choses sont claires. Vous avez compris la raison pour laquelle j'avais adhéré au fait de reprendre éventuellement des éléments nouveaux en commission de la santé: simplement par souci de bonne collaboration et d'intérêt sur le fond de la question. Cela ne se fera pas. Bien. Alors je remets mon habit de rapporteur de majorité et vous demande de refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi pour des raisons qui ont déjà été présentées, notamment par le conseiller d'Etat Poggia. Mais je vais aussi reprendre les éléments de synthèse de la majorité de la commission.
Le premier élément, c'est que l'«hospitalisation à domicile» est déjà un terme impropre. On est hospitalisé à l'hôpital. Il y a déjà dans cette terminologie importée d'autres secteurs, d'autres lieux ou d'autres pays quelque chose qui crée des confusions. Ce projet de loi ne règle pas la question et entérine la confusion. Le deuxième élément, c'est que si on doit améliorer la qualité des soins à domicile, ce qui est nécessaire parce que les médecins et les infirmières à domicile accueillent des patients requérant des thérapies de plus en plus complexes avec des traitements techniques - des perfusions d'antibiotiques par exemple - cela nécessite de renforcer la coopération entre les secteurs, les hôpitaux, les médecins praticiens, les infirmières de soins à domicile. Aujourd'hui, il y a trop de silos existants. Dans le fond, c'est un message très explicite même si, pour certains, il est un peu subliminaire. Ce refus d'entrer en matière consiste à dire la chose suivante aux partenaires prestataires, que ce soient les médecins, les infirmiers à domicile ou les médecins de l'AMG - je reprends là l'un des éléments d'argumentation du conseiller d'Etat: collaborez entre vous, utilisez de façon plus efficace les moyens, les systèmes d'information comme MonDossierMedical.ch et mettez en place des instances de pilotage et de coordination des patients à domicile. Le fait d'inscrire dans la loi le terme «soins à domicile» n'apportera rien de plus. Aujourd'hui, les instances sont en place. La responsabilité est entre les mains des prestataires. Ils doivent s'organiser entre eux de manière à avoir une meilleure coordination pour assurer les soins à domicile. Compte tenu de ces éléments, il n'y a absolument aucune raison, sur la base des faits, des données à notre disposition aujourd'hui, d'entrer en matière sur ce projet de loi. Il faut renvoyer la question aux prestataires et aux auteurs en leur demandant simplement de se mettre au travail. Voilà la raison pour laquelle nous pouvons voter la non-entrée en matière sur ce projet de loi. Je vous remercie.
M. Christian Frey (S). Le groupe socialiste confirme cette position et recommande la non-entrée en matière sur cette nouvelle structure. S'il est difficile d'aller contre une initiative qui vise à l'amélioration des soins à domicile, sachant que cela répond aussi à un besoin de la population, la création d'une nouvelle structure ou d'une nouvelle appellation n'apporte cependant, à ce stade, rien de nouveau. L'IMAD, qui a été entendue par la commission de la santé, fonctionne bien. Si l'IMAD estime que, comme l'a par exemple mentionné le rapporteur de minorité, il manque des médecins, nous nous référons à l'excellente présentation du rapporteur de majorité, qui a précisé qu'il s'agit plus d'une question de coordination entre services existants que de créer une structure nouvelle. Ceci nous permet aussi, à nous autres socialistes, de dire que nous ne cherchons pas absolument à créer des genevoiseries, c'est-à-dire des choses qui se font parallèlement, ou à créer de nouvelles structures. Nous sommes aussi conscients de la situation de l'Etat de Genève et de la santé, et nous cherchons également l'efficience et l'efficacité. Ce projet de loi n'amène rien de nouveau à ce niveau-là. Je vous remercie.
Mme Magali Orsini (EAG). Je voulais juste confirmer que si le groupe EAG avait refusé l'entrée en matière, c'est parce que les auditions des acteurs concernés nous ont convaincus du bon fonctionnement actuel du réseau et de la non-nécessité d'une organisation faîtière, qui n'apporte aucune plus-value.
M. Bernhard Riedweg (UDC). L'hospitalisation à domicile permet de faire baisser les coûts des soins hospitaliers, ce qui se répercute sur la taille des hôpitaux dont les capacités augmentent, les patients restant chez eux. La tendance est de raccourcir la durée de traitement des soins complexes, et même d'éviter une hospitalisation si possible, d'où une économie d'argent. Les auditions ont montré que la structure proposée dans ce projet de loi existe déjà, et par conséquent, il est inutile d'en créer une nouvelle de toutes pièces. En effet, l'institution genevoise de maintien à domicile - IMAD - regroupe 2000 collaborateurs et reçoit 144 millions de subventions de l'Etat sur un budget de 210 millions pour assurer le service dont parle ce projet de loi. Dans le cadre de cet organisme, 25 personnes sont en charge du service de l'hospitalisation à domicile et soignent 150 patients par mois, ce qui fait environ 1000 patients par année. Par conséquent, notre groupe vous demande de ne pas entrer en matière sur ce projet de loi.
Présidence de M. Eric Stauffer, deuxième vice-président
M. Jean-Luc Forni (PDC). Je crois qu'il y a une petite confusion dans le débat que nous avons ce soir. Etant moi-même créateur de la société Proximos - vous allez me dire que j'ai un conflit d'intérêts mais, rassurez-vous, je suis président des pharmaciens et non pas président de Proximos - je voudrais simplement dire que l'hospitalisation à domicile a été créée il y a une vingtaine d'années. C'était une nouvelle prestation. Dès le départ, nous avons immédiatement collaboré avec les instances infirmières existantes, à savoir l'IMAD - qui s'appelait autrefois la FSASD - et la Coopérative de soins infirmiers, qui regroupe les infirmières privées. Le but était de prendre en charge les patients, d'adapter les sorties d'hôpital et d'éviter que des patients qui n'ont pas la nécessité d'aller à l'hôpital ne s'y retrouvent malgré tout. La structure de soins complexes s'articule maintenant aussi autour de MonDossierMedical.ch, où l'on regroupe les médecins hospitaliers, l'IMAD, la Coopérative de soins infirmiers, les laboratoires, les pharmaciens et les pharmaciens tels que ceux de Proximos, qui assurent les soins complexes. Tout le monde gravite autour de cette structure.
Ce que l'on aimerait ce soir, c'est réactiver ce noyau HAD - hospitalisation à domicile - même si ce terme peut paraître impropre à Genève. Cela fait quand même vingt ans qu'il existe. En France et dans les pays européens, il est largement développé. Le but n'est pas de créer une nouvelle structure, mais de rendre l'existante plus efficiente et d'améliorer la collaboration interdisciplinaire entre tous les intervenants, parmi lesquels l'IMAD. L'IMAD ne peut pas tout faire. On a parlé de mafia médecins-pharmaciens. J'aimerais juste rappeler que les soins à domicile représentent +5,6% dans le budget de la santé. Les pharmaciens sont relativement à l'aise, puisqu'on est à +0,7%. Les médecins, quant à eux, représentent environ +5%. Je crois que le but n'est pas d'augmenter les coûts de la santé mais, bien au contraire, d'essayer de les freiner. On ne les arrêtera jamais - tout le monde le sait - en raison du vieillissement de la population et des traitements les plus complexes. Le but était plutôt de trouver une structure qui soit plus efficiente, dans laquelle il y ait un peu plus de répondant des médecins. Il arrive en effet des cas où le médecin à domicile, le médecin de ville se trouve un peu perdu dans des situations complexes. Le but était de trouver une structure qui ressemble à celle que nous connaissons déjà dans les soins palliatifs. On a une structure ambulatoire de soins palliatifs qui intervient aussi à domicile et qui collabore avec les médecins traitants. Le but n'est pas de créer une nouvelle structure, mais de rendre un bout de structure qui existe déjà depuis vingt ans - je le répète - un peu plus efficient. Je vous remercie.
Mme Sarah Klopmann (Ve). Les Verts regrettent également que nous n'ayons pas renvoyé ce projet de loi en commission s'il y a effectivement de nouvelles informations et de nouveaux éléments. Il aurait également pu être poli d'écouter l'IMAD qui avait de nouvelles choses à nous dire. C'est vrai que cela ressemblait un peu à une tentative désespérée du PDC pour nous faire changer d'avis sur ce projet de loi. Quand bien même, pourquoi ne pas retourner écouter les différents intervenants ? Puisqu'on doit en discuter maintenant, les Verts ne souhaitent pas non plus entrer en matière sur ce projet de loi, ceci pour plusieurs raisons.
D'abord, à cause de l'incohérence totale entre le projet de loi tel quel et l'exposé des motifs. En effet, le projet de loi demandait d'inscrire dans la loi le principe d'hospitalisation à domicile, ce qui n'est pas forcément une mauvaise idée. Il y avait aussi l'argument que cela pourrait déstabiliser les assurances-maladie et faire en sorte d'empêcher les assureurs de ne pas rembourser ce type de soins. Or il nous a été démontré que les arguments utilisés n'étaient finalement pas ceux-là et que cela ne changerait pas la situation. S'il avait été important de défendre l'hospitalisation à domicile, c'est surtout parce que la liberté de choix du patient est pour nous essentielle. Elle est essentielle, mais il faut malheureusement se rendre compte qu'elle n'existe pas. C'est impossible d'avoir une liberté de choix totale, d'une part parce que la liberté de choix du patient qui souhaite rester à la maison se reporte forcément sur les proches aidants. Il y a quand même des personnes qui en pâtissent, qui n'ont peut-être ni les compétences ni la capacité ni la volonté de faire ce choix extrêmement pesant. D'autre part parce que les patients n'ont pas toujours la mesure d'appréciation de la situation de leur état de santé. Enfin, il n'est pas toujours possible de les soigner à la maison.
Par contre, le terme «hospitalisation à domicile» n'est pas forcément galvaudé pour moi. On défend là une idée différente du simple maintien à domicile. Ce qui est voulu, avec ce terme, c'est justement d'amener l'hôpital à la maison. Le terme n'est donc pas totalement faux. Finalement, ce projet de loi voulait surtout inscrire dans la loi - par son exposé des motifs - une vraie usine à gaz, qui consiste à rajouter des échelons supplémentaires, des intermédiaires entre le patient et le médecin. A notre sens, c'est une très mauvaise idée.
Pour finir, le grand regret que je peux formuler quant à tout le travail que nous avons eu en commission, c'est que celle-ci a refusé d'auditionner d'autres associations, par exemple de proches aidants ou de patients. On a entendu les prestataires et les professionnels nous dire que l'hospitalisation à domicile à Genève marche extrêmement bien en ce moment. Evidemment que le prestataire nous dit que ça marche bien ! J'aurais trouvé intéressant d'entendre aussi le bénéficiaire pour savoir si c'est vraiment le cas. Nous n'entrerons pas en matière sur ce projet de loi, même si l'hospitalisation à domicile est quelque chose qu'il faut encore développer à Genève; mais à notre sens, ce projet de loi est contre-productif.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à Mme la députée Marie-Thérèse Engelberts pour une minute et vingt secondes.
Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Merci, Monsieur le président. Je voudrais juste lire ceci, dans le rapport de commission: «Cette nouvelle structure sanitaire cantonale serait dirigée par une nouvelle fondation pour l'hospitalisation à domicile [...]». Celle-ci serait gérée à parts égales entre un certain nombre de partenaires, dont l'Institution de maintien à domicile et les infirmières indépendantes, qui ne sont pas très nombreuses dans notre canton. Quand on nous dit que ce n'est pas quelque chose de nouveau, je crois que c'est faux. La commission a pris connaissance de cela et a beaucoup discuté, même deux fois avec M. le député Buchs. Je crois qu'on a été... L'idée n'est pas de ne pas développer les soins à domicile. Mais il faut savoir par exemple que dans le cadre de l'hospitalisation à domicile, les infirmières restent 24h/24h. Je n'ai encore jamais vu de médecin qui reste 24h/24h à domicile.
Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée.
Mme Marie-Thérèse Engelberts. Cela sera peut-être le cas avec la nouvelle fondation ! Notre groupe s'abstiendra, n'entrera pas en matière sur ce projet de loi.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le conseiller d'Etat Mauro Poggia.
M. Mauro Poggia. Merci, Monsieur le président...
Le président. Ah, excusez-moi, Monsieur le conseiller d'Etat ! M. Rielle souhaite encore s'exprimer.
M. Jean-Charles Rielle (S). Merci, Monsieur le président de séance, de lire votre tableau. C'est ce que j'ai fait pendant une année ! Monsieur le président de séance, Mesdames et Messieurs les députés, je remercie Christian Frey d'avoir expliqué, au nom du parti socialiste, les choses qui se sont passées en commission et ce que nous avons décidé. Mais je ne peux pas laisser passer un sujet comme celui-là sans vous faire connaître ce que m'avait dit le professeur Bailly, il y a à peu près vingt-cinq ans. C'est important, la sémantique ! On parle beaucoup de soins extra-hospitaliers. Or la norme, ce n'est pas l'hôpital. La norme, c'est la maison, le domicile. C'est donc quand on est à l'hôpital qu'on devrait parler de soins extra-domicile. Cette sémantique est extrêmement importante, parce qu'ensuite vient le problème de savoir où on met les fonds en matière de prévention, en matière d'hôpital - qui a besoin d'argent pour les soins prodigués - et puis maintenant en matière de soins à domicile. Parlons donc de soins extra-domicile lorsqu'on est hospitalisé ! J'ai bien aimé cette parole du professeur Bailly, il y a plus de vingt-cinq ans.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est maintenant à M. le conseiller d'Etat Mauro Poggia.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le deuxième vice-président. Mesdames et Messieurs les députés, je ne voudrais pas faire croire, dans mon intervention, que le projet qui vous a été soumis n'a pas pour fondement un élan que nous partageons. Aujourd'hui, avec le vieillissement de la population, il y a en effet une réelle problématique consistant à chercher des structures intermédiaires. Nous en parlons pour trouver des alternatives aux EMS, bien évidemment. Que M. le député Buchs, qui est l'un des signataires de ce projet de loi, soit rassuré: sa préoccupation est prise au sérieux par le Conseil d'Etat. Nous considérons simplement que la proposition telle qu'elle est faite n'est pas opportune.
J'en entends certains parler de liberté de choix du patient et du fait que le patient doit pouvoir rester à domicile s'il le souhaite. Je voudrais bien volontiers les suivre sur cette voie. Malheureusement - ou heureusement parce que, sinon, où seraient les freins ? - il faut savoir que l'article 32, alinéa 1 de la LAMal précise tout de même que les soins doivent être efficaces, appropriés et économiques. Il est vrai que l'économicité a pris un rôle certainement exagéré dans le domaine de la médecine. Il n'en demeure pas moins qu'elle est là. Dans un arrêt du 6 mars de l'année dernière, le Tribunal fédéral a considéré que lorsque les soins à domicile sont excessifs par rapport à un placement en EMS, il faut opter pour l'EMS. Sinon, c'est la personne elle-même qui doit assumer financièrement son choix. C'est donc bien joli de dire que nous avons le choix ! Mais qui peut se payer tout ce qui dépasserait 108 F par jour, qui est le coût d'un EMS ? Qui pourrait se l'offrir, selon le Tribunal fédéral ? Qui pourrait se l'offrir lui-même, puisque l'assurance-maladie ne le prend pas en charge ?
Ne mettons pas la charrue avant les boeufs. Avant d'organiser de nouvelles structures comme celle qui est proposée, qui devrait être dans des complexes plus grands - il ne s'agit évidemment pas de transporter une installation hospitalière dans un appartement - il faut créer des structures intermédiaires qui puissent recevoir ces installations. Je pense qu'il faut négocier avec nos assureurs pour trouver avec eux des solutions intermédiaires, qui soient aussi économiques. Sinon, vous aurez automatiquement un report de charges de la LAMal sur la collectivité par l'intermédiaire des prestations complémentaires. L'idée était bonne. Mais une idée n'est bonne que pour autant qu'elle puisse être financée et que son financement soit supportable. C'est malheureusement une leçon que nous devrons de plus en plus apprendre dans le cadre de cette prochaine législature, et sans doute les suivantes. Aujourd'hui, on ne peut plus simplement décider ce qui est bien et bon, il faut aussi décider ce qui est supportable financièrement. Ce qui est proposé ici ne l'est pas. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous fais voter l'entrée en matière sur ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 11280 est rejeté en premier débat par 75 non contre 10 oui et 1 abstention.
Débat
Le président. Mesdames et Messieurs, nous reprenons le cours de l'ordre du jour et attaquons la proposition de résolution 757. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole au premier signataire, M. Vanek.
M. Pierre Vanek (EAG). Merci, Monsieur le président. Je vous recommande la lecture de la R 757, qui reprend un courrier que Daniel Devaud avait adressé à ce Conseil. Je l'ai repris sous forme de résolution pour que vous puissiez en avoir connaissance. Par ailleurs... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Merci, Monsieur le président. Par ailleurs, Mesdames et Messieurs, j'annonce le retrait de cette proposition de résolution. Nous pouvons passer au point suivant de l'ordre du jour.
Présidence de M. Antoine Droin, président
Le président. Merci, Monsieur le député.
La proposition de résolution 757 est retirée par ses auteurs.
Débat
Le président. Nous passons au point suivant de l'ordre du jour, soit la proposition de résolution 723. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole au premier signataire. Monsieur Patrick Lussi, c'est à vous.
M. Patrick Lussi (UDC). Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous remarquez - et je suis sûr que vous en conviendrez avec moi - que les retards pris à traiter des résolutions - puisque celle-ci date du 18 février 2013 - peuvent parfois amener un certain bien. Le bien a été fait. Je vous rappelle que l'Union démocratique du centre avait déposé cette proposition de résolution en apprenant que bien que le matériel soit en place, il y avait une petite difficulté juridique empêchant d'exploiter les résultats. Je pense que tout le monde a vu, en lisant la presse, que cela a été résolu le 1er août de l'année passée et que les gardes-frontières étaient absolument enchantés de ce système. C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, l'Union démocratique du centre retire cette proposition de résolution.
Des voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député.
La proposition de résolution 723 est retirée par ses auteurs.
Débat
Le président. Nous passons à la proposition de résolution 736. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Madame Schneider Hausser, vous avez la parole.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, depuis juin 2011, le département fédéral des affaires étrangères rationalise les missions diplomatiques suisses. Dorénavant, il ne suffit plus de trouver l'ambassade ou le consulat suisse d'un pays dans le monde. Non, il faut trouver le centre consulaire régional pour obtenir un document biométrique. Cela concerne autant les passeports pour les Suisses qui résident à l'étranger que les visas pour les personnes étrangères désirant venir en Suisse pour du tourisme ou des conférences à l'ONU. Les sites Internet de la Confédération sont magnifiques, tout peut se faire en ligne. Enfin, pour les Suisses peut-être ! Mais pour les personnes désirant un visa, une présence physique est nécessaire. Malgré les protestations contre l'introduction de ces centres consulaires régionaux de la part de l'organisation des Suisses de l'étranger et d'autres organismes qui travaillent dans les pays autres que les pays européens, le DFAE n'a pas bronché, et ces centres régionaux existent bel et bien. Nous avons un problème, pas seulement confédéral mais aussi genevois, eu égard à la Genève internationale. Beaucoup de pays restreignent leur délégation ou n'envoient plus personne aux conférences ou aux divers travaux qu'il peut y avoir dans les organismes internationaux à Genève. Plusieurs cours ou conférences commencent à être organisés ailleurs qu'à Genève, en particulier en France voisine, à Grenoble et à Lyon. Ainsi, on n'est pas trop loin de Genève et les gens qui habitent Genève ou sont dans les organismes internationaux peuvent se déplacer en France voisine pour rencontrer leurs homologues qui n'ont pas pu obtenir de visa biométrique, parce que trop cher. Pour beaucoup de gens, il est devenu impossible d'obtenir un visa pour la Suisse.
Une voix. Tant mieux !
Mme Lydia Schneider Hausser. Tant mieux, peut-être. Mais s'agissant de la Genève internationale, ce n'est pas tant mieux. Il n'y a pas que les personnes qui veulent rester ici par la suite. Il y en a beaucoup qui venaient auparavant pour quelques jours de conférence ou de cours, qui restaient ensuite trois ou quatre jours sur leurs économies pour visiter Genève et la Suisse, et qui repartaient. Cela n'est plus possible, Mesdames et Messieurs. Pour quelqu'un qui vient du Mali - c'est l'exemple que j'ai en l'occurrence, mais il y en a beaucoup d'autres - deux fois par an en Suisse, le voyage coûte le double ! Si c'est pour lui et qu'il a de l'argent, tant mieux. Mais pour des gouvernements qui sont déjà pris à la gorge par les problèmes financiers et les catastrophes de leur pays, c'est devenu impossible d'envoyer des délégations. Je ne pense pas seulement à l'ONU, mais aussi à l'UIT et à beaucoup d'autres organisations qui sont très importantes, non seulement pour Genève mais aussi pour la politique mondiale. Dans l'exposé des motifs, vous avez quelques détails. Notre proposition, c'est que le Conseil d'Etat - et donc ce parlement - envoie un message à Berne, non pas pour permettre de réinitialiser des ambassades qui procureraient des visas biométriques dans tous les pays du monde, mais pour pouvoir s'arranger, soit avec la DDC - qui a des délégations dans plusieurs pays du Sud - soit avec d'autres ambassades qui possèdent les instruments nécessaires à la réalisation de ces visas biométriques, afin que la Genève internationale puisse continuer à faire son travail et rester un centre névralgique mondial, ce qui est mis en cause et en danger par ces visas biométriques. Merci beaucoup.
Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve), députée suppléante. Mesdames et Messieurs les députés, nous connaissons la représentation internationale à Genève à travers plus de 35 organisations - dont naturellement l'ONU, le centre de coopération internationale le plus important du monde - mais aussi à travers plus de 250 organisations non gouvernementales qui oeuvrent au quotidien pour la défense des droits de l'Homme, pour l'environnement, la formation, l'éducation et le maintien de la paix. Ces organisations travaillent en étroite collaboration avec de nombreux pays, avançant sur des dossiers importants. Elles doivent pouvoir bénéficier d'une certaine facilité dans leur interaction. Or, depuis l'introduction des visas biométriques dans l'espace européen de Schengen, leur obtention est devenue beaucoup plus difficile. Difficile, parce que toute représentation diplomatique n'est pas systématiquement équipée de machines assez sophistiquées pour produire ces visas. Il faut donc parfois parcourir des milliers de kilomètres pour acquérir son visa. De fait, la situation devient discriminatoire parce que l'opération coûte cher, ce qui a une répercussion sur certains pays plus que sur d'autres, et sur certaines ONG. Les plus petites ONG, qui ont moins de moyens, sont frappées de plein fouet. Les pays les plus discriminés - dont plusieurs sont paradoxalement considérés comme prioritaires par la DDC - sont par exemple la Bolivie, le Niger, le Rwanda ou encore le Laos ou la Palestine. Il en résulte que les ressortissants, qui n'ont pas les moyens de s'offrir un visa désormais trop coûteux, renonceront à leur voyage en Suisse. Cette situation démontre non seulement la méconnaissance du travail essentiel de certaines ONG - je pense notamment à Terre des hommes - mais aussi la fermeture toujours plus insidieuse de la Suisse dans la droite ligne de ce que vit le pays depuis le 9 février dernier, et cela aussi au détriment de la Genève internationale. Il est donc essentiel de permettre aux ressortissants de tous horizons d'obtenir leur visa dans leur propre pays. Les Verts vous invitent donc à accepter cette proposition de résolution. Je vous remercie.
Mme Christina Meissner (UDC). En ce qui concerne cette demande de financement des visas biométriques, je rappelle que ce n'est pas l'apanage de la Suisse. Un visa - qui sera aussi valable pour la Suisse - peut être demandé via d'autres pays - et de nombreux ressortissants le font. Dans ces conditions, il n'est pas question que la Suisse soit la seule à faire le choix du financement. En l'occurrence, je vous rappelle aussi que nous finançons, nous hébergeons, nous faisons déjà beaucoup pour les organisations non gouvernementales qui n'auraient pas autrement les moyens de pouvoir être hébergées en Suisse. Je suis quand même un peu étonnée que les Verts - puisqu'on a parlé aujourd'hui de pollution atmosphérique - ne souhaitent pas essayer de trouver d'autres moyens que les déplacements aux conférences internationales et ne prônent pas plutôt les vidéo-conférences, qui seraient autrement plus saines pour la planète. Cela n'a rien à voir avec une position contre tel ou tel pays, c'est une remarque générale. D'où mon étonnement quant à votre soutien à cette proposition de résolution que l'UDC refusera.
M. Serge Hiltpold (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, je crois que ce texte présente des éléments particulièrement intéressants, notamment le troisième considérant: «Les démarches nécessaires à l'obtention d'un visa biométrique pour venir en Suisse génèrent des coûts exorbitants pour certains de nos visiteurs et leurs gouvernements.» Je pense que pour toute cette population, qui va du diplomate au baby-sitter, il est important de souligner cette problématique. Je vous invite donc, au nom du groupe PLR, à renvoyer cette résolution directement au Conseil d'Etat.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Bernhard Riedweg pour une minute et trente-neuf secondes.
M. Bernhard Riedweg (UDC). Merci, Monsieur. J'y arriverai ! Si la Suisse demande des visas pour des ressortissants lambda ou diplomatiques de certains pays, c'est qu'elle veut contrôler et maîtriser les personnes autorisées à voyager dans notre pays. La Suisse est attractive à plus d'un titre. Si le gouvernement suisse a fermé quelques petites ambassades, consulats et représentations honoraires, c'est pour des raisons de rationalisation et d'économie. Il y a certainement des seuils de fréquentation qui ont été fixés au-dessous desquels il n'est pas rentable d'exploiter un centre consulaire. Ceux de ce parlement qui ont déjà renouvelé leur passeport biométrique peuvent estimer le coût d'une installation pour créer ces fameux sésames. Les ressortissants étrangers désirant se rendre en Suisse ne font pas que voyager à destination de notre pays. Ils pourront aussi utiliser leur visa et le même passeport biométrique pour se rendre dans d'autres pays et continents, et ceci durant une dizaine d'années. Ainsi, ils sont en mesure de répartir les coûts des documents officiels pour voyager vers plusieurs destinations. Genève reste assez attractive pour que le ressortissant étranger montre un grand intérêt à se déplacer dans notre contrée. L'Union démocratique du centre vous demande de ne pas soutenir cette résolution. Merci, Monsieur le président.
M. Vincent Maitre (PDC). La problématique du passeport biométrique semble apparemment ne pas poser problème en ce qui concerne les organisations internationales. Il n'y a pas lieu de s'attarder là-dessus. En revanche, il en va différemment - et cela a été dit tout à l'heure - pour ce qui est des organisations non gouvernementales. Habitant un endroit comme Genève et défendant un canton comme le nôtre, nous savons combien il est important pour ces organisations internationales. Il convient donc de faciliter le plus possible et d'optimiser l'interconnectivité, l'interaction entre les employés oeuvrant au sein de ces organisations non gouvernementales. C'est la raison pour laquelle le PDC vous invite à renvoyer cette résolution directement au Conseil d'Etat pour qu'il fasse le travail nécessaire - notamment auprès des autorités bernoises - et qu'il trouve une solution le plus rapidement possible.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Roger Deneys pour une minute quarante-cinq.
M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'il ne faut pas sous-estimer l'ampleur du problème, et je remercie le représentant du PDC comme celui du PLR de montrer l'intérêt qu'ils portent à cette résolution en la renvoyant directement au Conseil d'Etat. La Genève internationale est réellement mise en danger par les pratiques de la Confédération, qui s'en fiche complètement de ce qui se passe à Genève. Je crois que quand la Confédération accorde des visas pour la Suisse, elle se préoccupe essentiellement des questions de migration, mais ignore complètement le fait que si la Genève internationale - comme l'a dit M. Maitre tout à l'heure - regroupe des organisations internationales reconnues, par exemple onusiennes, elle comprend aussi des organisations non gouvernementales non soumises aux règles diplomatiques. Genève abrite l'ONU, mais elle abrite également le siège d'organisations non gouvernementales qui, elles aussi, tiennent maintes conférences et réunions à Genève.
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Roger Deneys. Pour l'économie genevoise, c'est aussi important ! L'ONU pourrait quitter Genève simplement parce qu'elle ne peut plus fonctionner en lien avec la société civile. Le problème est réel et avéré. Quand on empêche des ressortissants de pays pauvres invités à des conférences à Genève de venir pour des questions matérielles, on saborde Genève !
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe maintenant la parole à M. le conseiller d'Etat Pierre Maudet.
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Je serai très bref, puisque M. Deneys vient de dire l'essentiel. Dans les faits, il n'a pas été constaté de barrage majeur avec ces dispositions, mais on ne peut pas totalement l'exclure. Même si les propos que M. Deneys vient de tenir relèvent en partie de l'hypothétique, cela pose un problème pour la communauté internationale, pas du tout - je tiens à le préciser - pour les diplomates, qui ne tombent pas sous le coup des dispositions touchant aux visas biométriques, mais essentiellement pour les ONG ou, le cas échéant, pour des délégués de pays lointains qui viendraient pour les organisations internationales. C'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat accueillera avec bienveillance cette résolution pour la traiter avec diligence et faire un petit rapport. Il profitera de s'appuyer sur elle pour demander à Berne des précisions sur le nombre de représentations diplomatiques qui auraient été supprimées dans ce contexte. Si vous voulez nous renvoyer cette résolution, nous lui ferons bon accueil et la traiterons avec diligence.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons nous prononcer sur cette proposition de résolution.
Mise aux voix, la résolution 736 est adoptée et renvoyée aux Autorités fédérales et au Conseil d'Etat par 59 oui contre 22 non et 4 abstentions.
Débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous attaquons le dernier point de notre session, la P 1823-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Le rapporteur de minorité - votre serviteur - est remplacé par Mme Lydia Schneider Hausser, que je remercie. La parole est au rapporteur de majorité. Monsieur Florey, c'est à vous.
M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Quelques mots pour rappeler l'importance de la loi sur la mendicité et vous convaincre qu'il faut absolument la maintenir, donc refuser cette pétition. Pendant nos débats, il a été clairement rappelé - et même prouvé à maintes reprises - que les mendiants défendus par les pétitionnaires ne sont en rien de vrais mendiants. Il s'agit - tout le monde le sait - de réseaux criminels, qui font de la mendicité une industrie et qui viennent principalement de France voisine. Enfin, à la base, ils viennent de Roumanie et de Bulgarie. Ces gens viennent en Europe, et particulièrement à Genève pour... (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît, un peu de silence !
M. Stéphane Florey. ...extorquer de l'argent aux personnes qui seraient sensibilisées. Dernier événement en date - vous avez certainement pu lire cela à la fois dans «20 Minutes» et dans le «GHI» - qui prouve bien que la mendicité n'est rien d'autre qu'une industrie: des mendiants se sont fait contrôler à la gare de Cornavin avec une valise contenant la panoplie du parfait mendiant, à savoir des bandages, des cannes, et tout ce qui va avec. Ces personnes ont clairement dit qu'elles venaient à Genève simplement pour mendier et qu'elles employaient cette panoplie pour sensibiliser la population en jouant aux faux handicapés. Dernière chose, et vous l'aurez compris: ce ne sont pas des gens tels qu'on pourrait le croire, qui sont en difficulté financière comme serait censé être quelqu'un qui mendie par besoin, mais ils sont vraiment là pour faire de l'argent. C'est clair et net ! Je vous recommande fortement de déposer la pétition sur le bureau du Grand Conseil comme l'a conclu la commission des pétitions.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. Je cède la parole à Mme Lydia Schneider Hausser pour le rapport de minorité.
Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de minorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Je vais tenter de remplacer votre rôle de rapporteur de minorité. Vous remplacer, ce serait quand même trop ! La pétition 1823 demande l'abrogation de l'article 11A de la loi pénale genevoise. Pour rappel, l'article 11A traite de la mendicité: «Celui qui aura mendié sera puni de l'amende. Si l'auteur organise la mendicité d'autrui ou s'il est accompagné d'une ou plusieurs personnes mineures ou dépendantes, l'amende sera de 2000 F au moins.» La commission des pétitions a reçu cette pétition - qui contenait quand même 3300 signatures - et ne l'a pas traitée comme on aurait pu l'attendre. En effet, aucune audition demandée n'a été acceptée. C'est vrai que cette loi votée en 2007 ne mérite pas du tout d'évaluation, non ! La commission des pétitions a estimé que tout allait bien dans le meilleur des mondes, qu'il fallait surtout ne rien toucher, qu'il ne fallait surtout pas perdre de temps pour éventuellement, à défaut de vouloir abroger la loi, faire un bilan de la situation, voire peut-être changer en partie cette situation. Ce qui est proposé par la commission, c'est un dépôt de cette pétition. Des études ont pourtant été faites, que ce soit à Genève ou à Lausanne. L'Université - la Haute école de travail social - a fait toute une analyse et un travail sur la problématique des Roms et de leurs enfants. Tout a été passé sous la manche, comme ça ! C'est le cas de le dire, parce qu'à défaut de faire la manche, on peut passer les choses sous la manche ou sous le tapis. Circulez, y a rien à voir !
Jeter cette pétition, c'est comme symboliquement jeter les plus pauvres, en leur interdisant de nous montrer ce que nous ne supportons pas et ce qui est difficile à supporter, c'est-à-dire l'indigence au milieu de l'opulence. D'une certaine manière, l'interdiction de la mendicité fait de la mendicité un acte illégal, et transforme ainsi les mendiants et les pauvres en criminels. Cela a été démontré dans ce qu'a dit le rapporteur de majorité. En fin de compte, les personnes qui mendient et les Roms portent le fardeau, ils portent tout. Et en plus, il y a des réseaux ! Concernant les réseaux mafieux, personne n'a réussi à démontrer que c'était systématiquement le cas. Qu'il y ait des réseaux familiaux, des réseaux dans certaines régions comme Genève ou Lausanne où les gens viennent pour des transports, c'est une autre chose. Par contre, ici, on va plus loin. Ce qui a été entendu ou ce qui ressort de la commission des pétitions - et ce qui s'est passé - est quasiment une dérive raciste ! Mesdames et Messieurs, nous savons toutes et tous que cette interdiction est une façade de pacotille. Cette loi ne résout pas grand-chose. Pour nous et pour les pétitionnaires, il était temps - il est temps ! - qu'on puisse évaluer si cette loi porte les fruits qu'on lui attribue, voir s'il y a des choses à améliorer par rapport à Genève et à l'image que Genève peut avoir - car c'est quand même le gros problème - mais aussi déterminer si la seule réponse qu'une ville comme Genève peut apporter à la pauvreté est réellement son interdiction. Mesdames et Messieurs, le rapporteur de minorité proposait de renvoyer cette pétition en commission, ce qui semble être la moindre des choses qu'on puisse demander pour pouvoir la traiter de manière correcte, comme on peut l'attendre de travaux parlementaires. Je demande donc le renvoi de cette pétition à la commission des Droits de l'Homme, puisque c'est ce qui a été demandé - et refusé - à la commission des pétitions.
M. Christian Zaugg (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, nous n'en étions pas, mais le traitement de cette pétition par la commission des pétitions nous laisse pantois. Surtout lorsqu'on observe qu'elle a refusé toutes les demandes d'audition parmi lesquelles la police, les auteurs d'un rapport sur la mendicité à Lausanne et la FSASD. Autrement dit, on a jugé sans autre forme de procès cette pétition, sans auditionner le moindre témoin, y compris la police, ce qui est un comble ! C'est un déni de justice, qui démontre que la majorité de la commission avait un avis préconçu sur la question et a jugé que tout cela ne méritait pas d'être étudié. Ce n'est pas comme cela que l'on traite un problème de cette importance.
De qui et de quoi parle-t-on ? Des Roms, bien entendu. A la commission judiciaire et de la police, une audition récente - correctement menée, elle - de l'association Mesemrom, que d'aucuns voulaient d'ailleurs dissoudre, nous a permis de recadrer l'ensemble du problème. On parle bon an mal an de 200 personnes. Je vous laisse mesurer ce que cela représente vis-à-vis d'une population de 500 000 habitants ou du million du Grand Genève. Une poussière qui n'importune que des passants s'indignant d'être confrontés à la pauvreté. Quelle horreur ! A Genève, vous rendez-vous compte ? La riche Genève, bon chic bon genre, qui se fâche d'être importunée par des mendiants ! A telle enseigne qu'au lieu de mettre à la disposition de ces personnes quelques pavillons provisoires qui existent rangés et pliés dans certaines communes, on s'acharne à démolir leurs camps de fortune installés sous les ponts. Cette audition s'est révélée fort intéressante. Non, il n'y a pas de mafia chez les Roms. Et oui - mais on le savait - il s'agit d'un groupe gravement discriminé dans son pays, laissé complètement de côté par les autorités roumaines. Certes, il faudrait fixer les Roms chez eux, mais un «tiens» vaut mieux que deux «tu l'auras» perdu dans les poches de politiciens qui dilapident l'argent qu'ils reçoivent. Alors oui, cessons de criminaliser la mendicité. Il est regrettable...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Christian Zaugg. ...que la majorité de la commission - j'ai fini, Monsieur le président - ait décidé de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Notre groupe soutient résolument les conclusions du rapport de minorité et s'associe donc à la proposition de la minorité de renvoyer cette pétition à la commission des Droits de l'Homme.
M. Bernhard Riedweg (UDC). Quelqu'un qui est pauvre et qui réside dans le canton sera toujours soutenu par les nombreuses associations actives dans le domaine bénéficiant des nombreuses subventions de l'Etat. Mais les gens pauvres venant d'ailleurs sont attirés par notre cité, et ils entraînent d'autres gens pauvres ! C'est le nombre de pauvres qui dérange les citoyens et les citoyennes. On peut se demander pourquoi l'Etat n'aide pas directement les pauvres venant d'ailleurs. La réponse est simple: c'est que cela attire les pauvres et ferait office d'appel d'air. C'est effectivement malheureux de dire cela. Si nous voulons aider les pauvres, c'est dans leur pays respectif qu'il faut agir et créer des places de travail. Caritas et le canton favorisent les régions... (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît !
M. Bernhard Riedweg. ...d'où sont originaires les mendiants dont il est question dans cette pétition. En trois ans, soit de 2008 à 2011, la répression de la mendicité a coûté 3 millions de francs de frais à la collectivité genevoise, sans compter les frais de justice et police. Si ces frais avaient été comptabilisés, le montant dépensé aurait été de 20 millions environ. Entre 2008 et 2011, on a amendé 13 000 fois ces gens-là. Le groupe UDC est pour le classement ou le dépôt de cette pétition. Merci, Monsieur le président.
M. Pascal Spuhler (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, de quoi parlons-nous ici ? On ne parle pas de résidents défavorisés qui tendent la main derrière la porte de la Migros ou d'autres centres commerciaux. On parle bien de réseaux à tendance criminelle, de réseaux mafieux qui viennent du centre de l'Europe pour profiter de la naïveté de nos concitoyens. Mesdames et Messieurs, vous le savez pertinemment. Même entre eux, ils sont capables de se battre à mort. Il y a des articles de journaux, on en a tous vu. Ils se battent à mort parce que certains ont voulu se rebeller contre le clan. C'est bien ça ! Ce sont des systèmes claniques ! Ce sont des systèmes qui fonctionnent avec un roi, le roi des Roms, et tous lui doivent allégeance. C'est un système familial, avec un patriarche qui règne sur le clan. C'est comme ça qu'ils se divisent le travail entre eux, à savoir le premier la mendicité, l'autre le vol, le troisième la prostitution - quand ce n'est pas encore la prostitution enfantine, on en a tous entendu parler ! On ne va pas vous faire la liste de tous les méfaits qu'ils sont capables de commettre. Mesdames et Messieurs, on ne parle pas de résidents qui sont dans le besoin, on parle de gens qui utilisent un système mafieux, qui profitent de la faille du système judiciaire que nous avons ici.
Mesdames et Messieurs, l'article 11 de la loi stipule qu'on peut punir la mendicité. La police peut intervenir. Il est clair qu'elle a d'autres choses à faire, et ne va pas tous les jours aller chasser le mendiant. Mais quand le besoin s'en fait sentir, quand certains commerces se sentent harcelés par ces mendiants, la police a les moyens d'agir. Il est clair qu'il ne faut pas supprimer de la loi cet article 11. Mesdames et Messieurs, je ne vais pas vous faire la leçon encore une fois. Je pense que ce n'est pas nécessaire. De toute façon, je ne convaincrai jamais les bancs d'en face. Vous êtes persuadés que ce sont de pauvres innocents. Renseignez-vous sérieusement ! Renseignez-vous sérieusement, Mesdames et Messieurs.
Les Roms ne sont pas tous des criminels, c'est clair. La population rom n'est pas une population de criminels. Mais malheureusement, ceux que nous avons ici, qui viennent profiter du système et tendre la main, sont d'origine rom, et c'est pour ça qu'on fait cet amalgame malencontreux. Ces gens viennent ici, amènent les membres de leur famille et les forcent à travailler, c'est-à-dire soit à nettoyer vos pare-brise aux carrefours le matin et à tendre la main, soit à envoyer des enfants se prostituer - ça se fait à Genève, on a déjà eu plusieurs cas ! - sans parler d'envoyer leurs jeunes adolescents faire des vols et autres dans les appartements ! Mesdames et Messieurs, si vous n'appelez pas ça un système mafieux...
Le président. Il vous reste dix secondes.
M. Pascal Spuhler. Je vais terminer, Monsieur le président. Si vous n'appelez pas ça un système mafieux, je ne sais pas comment ça s'appelle ! (Quelques applaudissements.)
M. Guy Mettan (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, notre parti est évidemment très sensible au traitement humain de toutes les personnes humaines, qu'il s'agisse d'indigents, de Roms, de mendiants ou même de voleurs. Tout le monde, chaque être humain mérite considération. Toutefois, si nous devons faire attention à la manière dont ces gens-là sont traités, il convient également de ne pas sombrer dans l'angélisme. Au cours de la dernière législature, nous avons souvent eu l'occasion de parler de la mendicité, de faire des auditions, d'auditionner la police. Nous nous sommes aperçus - comme cela a été dit - que, souvent, en matière de mendicité par les Roms, il s'agissait d'actes commis en bandes, de mendicité organisée. Or il n'est pas possible de tolérer ce type de comportements. C'est la raison pour laquelle notre parti soutiendra le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil et refusera son renvoi à la commission des Droits de l'Homme, parce que ce ne sont pas des indigents qui sont visés, mais bien une mendicité organisée.
M. Yves de Matteis (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais en préambule lire de courtes citations. Voici la première: «L'interdiction de la mendicité et du vagabondage représente une violation grave des principes d'égalité et de non-discrimination.» Deuxième citation: «Il est évident que ces lois et réglementations» - sous-entendu celles interdisant la mendicité - «ont un impact disproportionné sur les personnes vivant dans la pauvreté.» Ces citations sont tirées du rapport de la rapporteuse spéciale de l'ONU sur l'extrême pauvreté et les droits de l'Homme, présenté lors de la 66e session de l'Assemblée générale des Nations Unies, le 4 août 2011. Selon ses dires, il semblerait donc que l'interdiction de mendier soit contraire à la fois aux droits de l'Homme et au principe de proportionnalité qui, en Suisse, dit la chose suivante: «Pour qu'une restriction d'un droit fondamental soit conforme au principe de la proportionnalité, il faut premièrement qu'elle soit apte à atteindre le but visé, deuxièmement que ce but ne puisse être atteint par une mesure moins incisive, et troisièmement qu'il existe un rapport raisonnable entre les effets de la mesure sur la situation de la personne visée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public.»
Or la loi genevoise est critiquable selon ces trois aspects. Premièrement, elle n'est pas vraiment apte à atteindre le but visé puisque - on peut le constater tous les jours - les mendiants continuent de mendier. Deuxièmement, le but visé par la loi pourrait être atteint par des mesures moins incisives. Voici deux exemples: celui proposé par la municipalité de Lausanne visant à interdire la mendicité insistante ou exercée dans certains lieux - par exemple devant les banques - ou pratiquée avec un enfant mineur. Une autre solution, adoptée dans certaines villes, consiste à délivrer des permis sur le modèle de ceux accordés aux musiciens de rue et réservés aux mendiants adoptant un code de conduite éthique et n'appartenant pas à un réseau. L'existence de ces modèles - il en existe probablement d'autres encore plus adéquats - montre qu'il y a des alternatives moins incisives que la loi genevoise. Troisièmement, les effets de la loi sur les personnes visées, qui les privent d'un moyen de survie, sont clairement disproportionnés par rapport à un intérêt public lui-même mis à mal par la loi contre la mendicité. En effet, cette dernière occasionne des dizaines de millions de francs en frais de recours pour l'Etat et donc, in fine, pour les contribuables. La loi contre la mendicité devrait donc, au pire, être remplacée par une solution qui soit à la fois compatible avec les droits humains, respectueuse du principe de proportionnalité, efficace quant à ses effets...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Yves de Matteis. ...et qui épargne le plus possible les deniers publics. Comme de nombreux éléments de cette pétition concernent les droits humains, nous soutiendrons son renvoi à la commission des Droits de l'Homme. Merci, Monsieur le président.
M. Michel Ducret (PLR). Mesdames et Messieurs, oui, la mendicité est exaspérante pour les gens, pour une partie d'entre nous, pour une partie de nos concitoyens. Certes, à Genève, nous avons mis en place des structures, des structures sociales, des structures d'accueil qui, pendant de nombreuses années, ont évité que nous voyions des mendiants dans nos rues. Nous avons mis en place un système social qui doit éviter cette mendicité, laquelle est peut-être gênante pour ceux qui sont sollicités, mais, je pense, malgré tout, plutôt avilissante pour ceux qui s'y livrent, à moins que ce ne soit pour d'autres raisons.
Effectivement, depuis quelques années, nous avons vu tout soudain apparaître une forêt de mendiants devant chaque commerce du centre-ville et même de la périphérie. Et ceci, Mesdames et Messieurs, contrairement à ce que certains disent dans cette arène, est une criminalité organisée. C'est une mendicité organisée, qui précède d'autres formes de criminalité, qui est suivie par des voleurs, par de la prostitution - y compris de mineurs - par la récupération sauvage de matériaux. Tout ceci, Mesdames et Messieurs, profite à des chefs. C'est un système hiérarchique extrêmement compliqué, mais qui finit par profiter à des chefs résidant en Roumanie, Bulgarie et Moldavie notamment. Ces derniers vivent relativement somptuairement par rapport aux gens exploités par leur collectivité d'origine. C'est une réalité, et si nous n'y réagissons pas, si nous ne luttons pas là-contre d'une façon ou d'une autre, cela ne fera que s'amplifier !
Il est clair aussi que s'il y a des mendiants, c'est parce qu'il y a des gens qui donnent. Derrière la lutte contre la mendicité, sachez que ce n'est pas uniquement la mendicité de ces bandes de Roms contre laquelle on lutte, c'est aussi contre toute la criminalité qui va avec. C'est bien ça, la problématique. Certains s'étonnent qu'on ait jeté la pétition si vite. Mesdames et Messieurs, que demande cette pétition ? Elle demande...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Michel Ducret. Merci, Monsieur le président. Cette pétition demande à ce Grand Conseil de se récuser par rapport à une loi qu'il a votée il y a très peu de temps. Eh bien non, Mesdames et Messieurs, on persiste, on signe ! La majorité de ce Grand Conseil vous dit non. Nous vous recommandons le dépôt.
M. Christian Frey (S). Mesdames et Messieurs, la question des mendiants n'est pas l'apanage des Roms. On fait toujours le lien avec les Roms, en disant qu'ils opèrent en bandes organisées. Par rapport à cela, j'ai juste envie de dire plusieurs choses. Ce Grand Conseil a courageusement refusé au nom des droits de l'Homme la criminalisation de l'association Mesemrom; de la même manière et avec le même courage, j'aimerais non pas qu'on annule purement et simplement cette loi que le Grand Conseil a votée, mais qu'on réfléchisse là-dessus. L'organisation et la mendicité ne sont pas l'apanage des Roms. Les Roms ne se résument pas à des associations de malfaiteurs actives dans le domaine de la prostitution. L'organisation clanique ou par tribu d'un certain nombre de personnes obligées de s'organiser parce qu'elles se déplacent continuellement... Si ces gens se déplacent, Mesdames et Messieurs, c'est qu'ils ont un problème chez eux, c'est qu'ils ne trouvent pas de quoi vivre là d'où ils viennent. Nous ne sommes pas des Bisounours, nous ne cherchons pas à faire de l'angélisme ! Simplement, il y a un certain nombre de questionnements...
Le président. Il vous reste quinze secondes.
M. Christian Frey. ...notamment quant au fait que la commission des pétitions a partiellement abordé ce problème. Ce problème a aussi été abordé au sein de la commission judiciaire. Ce que nous demandons, c'est que la pétition soit renvoyée à la commission des Droits de l'Homme...
Le président. Il vous faut conclure, s'il vous plaît !
M. Christian Frey. ...pour que celle-ci puisse valablement, en écoutant tout le monde, réfléchir à cette question et voir s'il y a des alternatives. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Pierre Weiss, à qui il reste treize secondes.
M. Pierre Weiss (PLR). Je vais faire de mon mieux, Monsieur le président. Hier soir, on parlait ici même en termes maurrassiens. Ce soir, d'un autre côté, on parle de chasse à l'homme. Je refuse la chasse à l'homme comme je refuse la chasse aux Roms. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de majorité. J'aimerais dire encore quelques mots. Bien évidemment, la majorité de la commission vous recommande de refuser le renvoi de cette pétition, que ce soit à la commission des Droits de l'Homme ou - comme cela a été évoqué - à la commission judiciaire. Ça ne sert absolument à rien ! Si ces gens étaient réellement dans un état de grande détresse, comme les rangs d'en face le mentionnent souvent, ils iraient directement s'adresser aux services sociaux concernés. Or ils ne le font pas. Ces personnes n'ont aucune envie de s'intégrer, cela a été clairement démontré. Elles font vraiment ça comme une profession. Ce soir, on a atteint le sommet sur la question avec les Verts, qui veulent maintenant professionnaliser les mendiants...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur.
M. Stéphane Florey. ...en leur délivrant des permis ! On a vraiment atteint le sommet ! (Rires.) Je le répète: déposez cette pétition sur le bureau du Grand Conseil et refusez tous les renvois. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. Nous allons voter sur les conclusions de la commission des pétitions, à savoir le dépôt sur le bureau du Grand Conseil.
Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 1823 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 49 oui contre 28 non et 4 abstentions.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous souhaite de belles fêtes de Pâques et vous dis à bientôt pour la session du mois de mai. Bonne soirée, bonne nuit et bon week-end !
La séance est levée à 22h55.