République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 11 avril 2014 à 17h
1re législature - 1re année - 7e session - 44e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 17h, sous la présidence de M. Antoine Droin, président.
Assistent à la séance: MM. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, Pierre Maudet, Serge Dal Busco, Mauro Poggia, Luc Barthassat et Antonio Hodgers, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Olivier Cerutti, Sophie Forster Carbonnier, Renaud Gautier, Lionel Halpérin, Simone de Montmollin, Salima Moyard, Pierre Ronget et Ivan Slatkine, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Geneviève Arnold, Christophe Aumeunier, Alexis Barbey, Delphine Klopfenstein Broggini, Marion Sobanek, Georges Vuillod et Yvan Zweifel.
Questions écrites urgentes
Le président. Vous avez trouvé sur vos places les questions écrites urgentes suivantes:
Question écrite urgente de M. Christo Ivanov : Pollution sous la rampe d'accès du parking « Carré-Vert » : à qui incombe la prise en charge de la dépollution ? (QUE-182)
Question écrite urgente de M. Daniel Sormanni : Mutation au quai Gustave-Ador, nouveaux bouchons en préparation ? (QUE-183)
Question écrite urgente de M. Thierry Cerutti : Kilomètres routiers et véhicules immatriculés ! (QUE-184)
Question écrite urgente de M. Thierry Cerutti : Qui touche quoi, combien et pourquoi ! (QUE-185)
Question écrite urgente de Mme Jocelyne Haller : La Tulette : coin des bonnes affaires et plus encore (QUE-186)
Question écrite urgente de M. Alberto Velasco : Quelles contreparties dans le dossier de la Tulette dans le cadre du « deal » de la charte éthique ? (QUE-187)
Question écrite urgente de M. Alberto Velasco : Demande de précisions sur les réponses imprécises ou éludées aux QUE 144 à 149 (QUE-188)
Question écrite urgente de M. Alberto Velasco : Demande de précisions sur la réponse à la question « Télétravail au sein de l'administration » déposée en février 2014 (QUE-189)
Question écrite urgente de M. Olivier Baud : L'opacité et le coût exorbitant du projet SCORE sont-ils confirmés et cautionnés par le Conseil d'Etat ? (QUE-190)
Question écrite urgente de M. Bertrand Buchs : Faut-il croire à un non-dépassement des coûts du CEVA avec 2 ans de retard ? (QUE-191)
Question écrite urgente de Mme Christina Meissner : Elèves clandestins, élèves suisses : quelles sont les priorités du Conseil d'Etat en matière de scolarisation ? (QUE-192)
Question écrite urgente de M. Thierry Cerutti : Les propriétaires de chien sont-ils des vaches à lait ?! (QUE-193)
Question écrite urgente de M. Thierry Cerutti : Le contribuable est tondu toujours un peu plus ! (QUE-194)
Question écrite urgente de M. Thierry Cerutti : Des automobilistes plumés !!! (QUE-195)
Question écrite urgente de M. Alberto Velasco : Un peu de lumière sur toutes les autres « Tulette » depuis 2000 (QUE-196)
Question écrite urgente de M. Alberto Velasco : Que le Conseil d'Etat fasse transparence dans l'intérêt public ! (QUE-197)
Question écrite urgente de M. Alberto Velasco : Acquisition en zone de développement d'appartements en PPE par des sociétés : l'esprit de la loi est-il respecté ? (QUE-198)
Question écrite urgente de M. François Lefort : Application de la loi sur la biodiversité (LBio) (M 5 15) : quels moyens se donne le Conseil d'Etat ? (QUE-199)
Question écrite urgente de M. Guy Mettan : Est-ce vraiment écologique de laisser pourrir les troncs d'arbres ? (QUE-200)
Question écrite urgente de M. Guy Mettan : Quand le Service des forêts envisage-t-il de dégager le chemin le long de la Versoix ? (QUE-201)
Question écrite urgente de M. Roger Deneys : Baisser les impôts, combien ça coûte ? (Impact de la baisse d'impôts voulue par la droite en 2009 sur les recettes fiscales cantonales) (QUE-202)
Question écrite urgente de M. Pierre Vanek : Le Conseil d'Etat compte-t-il maintenir M. Charles Spierer dans des conseils d'administration ou de fondation d'institutions publiques ? (QUE-203)
QUE 182 QUE 183 QUE 184 QUE 185 QUE 186 QUE 187 QUE 188 QUE 189 QUE 190 QUE 191 QUE 192 QUE 193 QUE 194 QUE 195 QUE 196 QUE 197 QUE 198 QUE 199 QUE 200 QUE 201 QUE 202 QUE 203
Le président. Ces questions écrites urgentes sont renvoyées au Conseil d'Etat.
Questions écrites
Le président. Vous avez également trouvé sur vos places les questions écrites suivantes:
Question écrite de M. Frédéric Hohl : Médiation judiciaire en matière civile : un état des lieux est nécessaire (Q-3735)
Question écrite de M. Jean-François Girardet : Qui décide d'officialiser le passage de l'appellation de « commune » à celle de « ville » ? (Q-3736)
Le président. Ces questions écrites sont renvoyées au Conseil d'Etat.
Annonce: Session 6 (mars 2014) - Séance 31 du 14.03.2014
Cette question écrite urgente est close.
Annonce: Session 6 (mars 2014) - Séance 31 du 14.03.2014
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Annonce: Session 6 (mars 2014) - Séance 31 du 14.03.2014
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Annonce: Session 6 (mars 2014) - Séance 31 du 14.03.2014
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Annonce: Session 6 (mars 2014) - Séance 31 du 14.03.2014
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Annonce: Session 6 (mars 2014) - Séance 31 du 14.03.2014
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Annonce: Session 6 (mars 2014) - Séance 31 du 14.03.2014
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Annonce: Session 6 (mars 2014) - Séance 31 du 14.03.2014
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Annonce: Session 6 (mars 2014) - Séance 31 du 14.03.2014
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Annonce: Session 6 (mars 2014) - Séance 31 du 14.03.2014
Cette question écrite urgente est close.
Annonce: Session 6 (mars 2014) - Séance 31 du 14.03.2014
Cette question écrite urgente est close.
Annonces et dépôts
M. Roger Deneys (S). Je voulais vous annoncer le retrait du projet de loi 10152 modifiant la loi sur la surveillance de la gestion administrative et financière et l'évaluation des politiques publiques. (Brouhaha.)
Le président. Il faut parler dans le micro, s'il vous plaît, Monsieur le député.
M. Roger Deneys. J'essayais de le faire, Monsieur le président. C'était donc pour annoncer le retrait du projet de loi 10152.
Le président. Merci, Monsieur le député, il en est pris acte.
Premier débat
Le président. Nous abordons le PL 11311-A. Nous sommes en catégorie II, quarante minutes. Je passe la parole à M. Wicky, rapporteur de majorité.
M. Raymond Wicky (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la commission judiciaire et de la police a consacré quatre séances à l'étude du projet de loi proposé par le Conseil d'Etat. Ce projet de loi découle de la nouvelle constitution, qui prévoit, en son article 124, la création d'une Cour constitutionnelle devant assurer le contrôle de conformité des normes cantonales au droit supérieur, et reprendre également le contrôle de certains droits politiques jusqu'ici exercés par notre Grand Conseil.
Le travail préparatoire a été assuré par la commission de gestion du pouvoir judiciaire, qui a traité le sujet en termes de variantes, cristallisant ainsi les avantages et les inconvénients des différentes approches possibles. La variante retenue par le Conseil d'Etat est celle visant à créer une chambre constitutionnelle intégrée à la Cour de justice. Ce système est d'ailleurs celui mis en oeuvre par les cantons suisses disposant d'une juridiction constitutionnelle, à savoir Vaud, le Jura, les Grisons, etc. Afin de parfaire son appréciation sur ce sujet très technique, la commission a procédé à l'audition de plusieurs experts, à savoir M. le procureur général et une délégation de la commission de gestion du pouvoir judiciaire, deux anciens constituants éminents juristes et professeurs de droit à l'Université de Genève, MM. Thierry Tanquerel et Michel Hottelier, ainsi que l'ancien président de la Cour constitutionnelle vaudoise, M. Pierre-Yves Bosshard. La commission a également consulté par écrit M. Daniel Devaud, ancien magistrat du pouvoir judiciaire et de la Cour des comptes. Lors des auditions, les éléments suivants ont été unanimement constatés par les auditionnés: l'excellence du projet soumis au parlement, l'utilité incontestable d'une telle juridiction, la conformité à la constitution de la solution choisie - création d'une chambre rattachée à la Cour de justice - la simplicité et l'efficience de la solution trouvée ainsi que son impact financier moindre sur le budget de l'Etat.
Ils ont également mis en évidence différents points à analyser et à apprécier politiquement par le parlement, soit: la nécessité de voir ce dernier trancher politiquement, notamment dans les domaines des missions confiées, de la procédure de recours et autres; l'opportunité d'intégration dans les missions confiées des directives départementales et des normes communales; certains problèmes terminologiques ou procéduraux liés au texte proposé.
Après le vote d'entrée en matière, certains thèmes ont été particulièrement abordés lors des auditions et des débats, à savoir la création d'une Cour constitutionnelle autonome, l'intégration de la sensibilité politique dans le choix des magistrats devant siéger à la chambre constitutionnelle et à la chambre administrative, l'intégration des directives départementales et des normes communales dans le champ de compétences de la chambre constitutionnelle, et, bien sûr, la procédure de recours. Ces thèmes ont été particulièrement disséqués lors des auditions et des débats, permettant ainsi à la commission de prendre ses décisions en parfaite connaissance de cause et de trancher politiquement sur ces éléments sensibles. Le projet de loi tel qu'il vous est soumis a rencontré une large majorité au sein de la commission et, au nom de cette dernière, je vous demande de l'accepter dans la forme proposée. Merci de votre attention. (Quelques applaudissements.)
M. Christian Zaugg (EAG), rapporteur de minorité. Monsieur le président, Mesdames les députées, Messieurs les députés, je tiens tout d'abord à remercier le rapporteur de majorité pour l'excellente qualité de son rapport.
De quoi s'agit-il ? Tout d'abord, du respect de la nouvelle constitution acceptée par le peuple genevois le 14 octobre 2012, entrée en vigueur le 1er juin 2013. Il y est explicitement indiqué, au titre IV, chapitre III, article 124, qu'une Cour constitutionnelle est créée, qu'elle dispose de compétences en matière de litiges, de droits politiques communaux et/ou cantonaux, et qu'elle tranche les conflits entre les autorités. Il s'agit donc clairement d'une juridiction. Pour le piquant de l'affaire, il est amusant de constater que tant le ministère public que Mme Junod, présidente de la Cour de justice, ou les professeurs Hottelier et Tanquerel ont généralement parlé d'une Cour constitutionnelle. Lapsus linguae: on pense et l'on cite une Cour constitutionnelle, mais on s'empresse, les doigts pris dans la confiture, de corriger ensuite en indiquant que l'on parlait, en fait, d'une chambre. Et si vous en doutez, lisez les procès-verbaux.
Pourquoi est-ce donc si important ? Mais tout simplement parce qu'une cour est une juridiction, alors qu'une chambre de la Cour de justice n'est plus, si vous me permettez, qu'un appendice chargé de temps à autre de siéger et où l'on enverrait des magistrats à bien plaire. Et c'est là que le bât blesse ! Surtout quand on sait, dixit Mme Junod, que les magistrats membres de la Cour de justice sont pour l'essentiel démocrates-chrétiens ou socialistes. Mais qu'on se rassure ! On s'est empressé, en particulier du côté du ministère public, d'énoncer que cela n'avait strictement aucune importance et que les magistrats élus à la Cour de justice s'empressaient d'oublier le parti qui les avait désignés pour n'être plus que des juges impartiaux, insensibles à toute politique ! Vraiment ? La lettre de Daniel Devaud, évincé de la chambre administrative, jointe au présent rapport, est parfaitement explicite à cet égard. Le rapporteur de minorité, alpiniste à ses heures, s'élevant à des hauteurs himalayennes mais prenant l'exemple des procureurs, a pu montrer que la politique des uns n'était pas exactement celle des autres ! Et l'élection qui a lieu en ce moment le démontre parfaitement. Allons, chers collègues, allez-vous cautionner le fait d'être hors jeu, et laisser ainsi la place à deux, voire trois partis dans une juridiction, pardon, une chambre, qui traite de problèmes constitutionnels importants ? Pourtant, la charge de travail - dixit M. le procureur général citant l'application de certaines mesures, de certaines normes, ici des SIG, ou là communales - devrait occuper une bonne partie du temps des magistrats de la Cour de justice. C'est une interprétation subjective, mais certains propos me laissent penser que l'on ne souhaitait pas vraiment, du côté du ministère public, pour des raisons organisationnelles et politiques, voir cette nouvelle juridiction se mettre en place. Mais cela ne devrait pas nous empêcher de réfléchir et de décider en toute connaissance de cause !
Enfin, pour conclure, Mesdames et Messieurs les députés, en lieu et place d'une élection au sein du Grand Conseil, qui garantirait une juste représentation des partis ou tendances politiques qui y siègent, allez-vous entériner une désignation arbitraire de magistrats pris au sein de la Cour de justice, généralement membres d'une même chapelle ?
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Christian Zaugg. En parlant de chapelle, les partis qui s'apprêtent à voter le rapport de majorité ont-ils bien réfléchi au fait qu'ils n'auront plus rien à dire en matière constitutionnelle, par exemple concernant leurs propres initiatives ou référendums ? Plus rien à dire, je le répète, et à titre définitif ! Voter le rapport de majorité équivaut, pour cinq partis représentés dans cet hémicycle, à un véritable suicide ! Est-ce là une bonne manière de traiter de façon impartiale des dysfonctionnements politiques, j'ai bien dit politiques, constitutionnels ? C'est la question que je vous pose aujourd'hui. (Quelques applaudissements.)
Mme Emilie Flamand-Lew (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, la nouvelle constitution consacre la création d'une Cour constitutionnelle qui traite les recours en matière de droits politiques - votations, élections, validité des initiatives populaires - et de contrôle de constitutionnalité des lois et règlements. Les Verts se réjouissent de la création de cette instance, tout particulièrement en ce qui concerne la validité des initiatives, qui sera décidée en premier lieu par le Conseil d'Etat avec une possibilité de recourir auprès de la chambre constitutionnelle. En effet, sous le régime de l'ancienne constitution, cette décision revenait à notre Grand Conseil, qui n'avait pas toujours la sagesse de s'en tenir aux arguments juridiques - nous ne sommes d'ailleurs pas tous juristes, loin de là - mais qui avait développé une fâcheuse tendance à invalider les initiatives qui ne lui plaisaient pas pour des raisons politiques. Avec la nouvelle procédure, on laisse les débats politiques au parlement et l'on confie les débats juridiques au Conseil d'Etat et au pouvoir judiciaire, ce qui paraît nettement plus raisonnable. Je pense d'ailleurs que les juges du Tribunal fédéral doivent être devant leur ordinateur, ce soir, en train de regarder le streaming, et se réjouissent vivement de notre décision qui devrait sensiblement alléger leur charge de travail. Pour toutes ces bonnes raisons, nous vous engageons à voter l'entrée en matière sur ce projet de loi, et nous reprendrons brièvement la parole concernant les amendements qui nous sont proposés.
M. Jean Sanchez (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, il s'agit effectivement d'un excellent rapport, mais je reviendrai sur le principe de la commission interpartis, occulte pour le public et à laquelle la LIPAD ne donne, à mon avis, pas accès.
Je m'arrêterai juste sur les propos de deux magistrats, Mme Junod et M. Jornot, sans parler de leur étiquette politique puisqu'il semblerait qu'on l'oublie une fois qu'on est nommé magistrat. Mme Junod estime qu'on pourrait même supprimer complètement cet équilibre et rappelle que les contraintes comme celle de respecter les sensibilités politiques peuvent engendrer des problèmes insolubles. M. Jornot affirme, lorsqu'on parle du caractère éminemment politique de la juridiction constitutionnelle, que ce dernier n'existe pas si l'on respecte son serment car c'est une juridiction qui fait du droit et non pas de la politique. Pour le public, à mon avis, l'absence d'étiquette politique serait peut-être plus claire ! Un collègue du MCG se demandait d'ailleurs s'il ne fallait pas soit supprimer cette orientation politique, soit la subdiviser en trois sensibilités. M. Jornot répond en rappelant que la commission judiciaire interpartis n'est pas officielle, et qu'il s'agit simplement d'une délégation privée des partis politiques. Ce qui est surprenant, c'est que cette commission interpartis ne respecte pas du tout la procédure qui est en vigueur à l'Etat pour la sélection des cadres ou des employés, sélection qui, parfois, est assez rigoureuse et qui implique même des tests psychotechniques. En l'occurrence, cette commission décide sans aucun protocole particulier de l'élection de ses membres. Or, vous savez que le MCG n'est pas représenté au sein de la magistrature. Ce n'est pas faute d'avoir proposé quelques candidats, et nous estimons justement que cette commission interpartis ne remplit pas son rôle.
Je citerai encore M. Devaud, qui précise que la volonté de la Constituante était de créer une juridiction propre, indépendante des autres juridictions, ce sur quoi nous le rejoignons, notamment lorsqu'il dit qu'en proposant de déléguer le choix des magistrats devant siéger à la Cour constitutionnelle aux magistrats de la Cour de justice, le Conseil d'Etat invite à court-circuiter fortement et institutionnellement le choix démocratique voulu par la nouvelle constitution. Cet héritage du passé discrimine les candidats du MCG.
Le MCG reviendra sur cette commission interpartis, et en l'état je retire mon amendement.
Le président. Merci, Monsieur le député, j'en prends note. Je passe la parole à M. Jean-Marc Guinchard.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues, j'aimerais tout d'abord remercier et féliciter le rapporteur de majorité pour l'excellente qualité de son rapport, et souligner également le fait que la commission a remarquablement bien travaillé, et rapidement, afin de mettre en oeuvre le plus vite possible cette disposition de notre constitution actuelle.
N'en déplaise au rapporteur de minorité, je pense que la commission a bien fait de choisir la voie d'une chambre constitutionnelle plutôt que d'une Cour constitutionnelle, cour qui a fait l'objet d'un certain nombre d'oppositions lors des débats de la Constituante d'ailleurs, simplement parce qu'elle rajoutait - selon les termes utilisés - des couches supplémentaires, et allait coûter sensiblement plus cher à l'Etat. En choisissant la voie de la chambre constitutionnelle, la commission s'est inspirée notamment de l'exemple vaudois ainsi que de l'exemple jurassien, et elle a fait un choix judicieux qui permet de mettre en place quelque chose de simple et de moins coûteux.
Cela étant, il faut rappeler que l'audition de deux professeurs d'université, anciens constituants, a tout de même permis de relever qu'il y avait une lacune dans le projet tel qu'il vous est présenté, puisque les normes communales ne sont pas soumises à cette chambre constitutionnelle, alors que tant les professeurs Hottelier que Tanquerel ont rappelé qu'elles faisaient partie des normes cantonales au sens large. Certains ont objecté que compte tenu de l'aspect querelleur et de la quérulence que nous connaissons chez nos compatriotes genevois, cette chambre constitutionnelle serait rapidement débordée par des affaires communales. Il faut rappeler que ce n'est pas le cas dans le canton de Vaud - cela a été démontré devant la commission par une audition - et signaler également que dans le canton de Vaud, les communes ont beaucoup plus de compétences que dans le canton de Genève, qu'elles émettent beaucoup plus de règlements, de lois communales, et gèrent beaucoup plus de choses que les communes genevoises. Sur cette base, et compte tenu de l'excellence du projet, le groupe démocrate-chrétien vous invite à voter l'entrée en matière, et nous vous engagerons également à soutenir les amendements concernant les affaires communales qui seront présentés en particulier par le député Mizrahi. Je vous remercie.
M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, voilà un projet de loi qui nous a été bien présenté, qui est bien argumenté, et qui, on peut le dire, a fait l'objet, en commission, de discussions non seulement nourries mais sensées et constructives.
Il est clair qu'en ce qui concerne l'Union démocratique du centre, nous considérons - au-delà de cette entrée en matière que nous accepterons - que le fond nous convient, car il fallait faire des choix, il fallait faire des propositions, et elles ont été émises dans le sens d'éviter d'entrer dans une surenchère d'organes ou de cours de justice - cela aussi relativement aux frais occasionnés lorsqu'on veut créer trop de choses différentes.
Ensuite, il y a une forme; cette forme, pour le moment, nous convient aussi, mais il y a les détails. Et à travers ces détails, nous sommes aussi sensibles à l'équilibre politique. Alors certes, on nous a dit que l'équilibre politique était totalement respecté lorsqu'il s'agissait d'accéder à un poste dans la magistrature, et je l'entends, je le conçois, mais j'ai encore de la peine à visualiser qu'une fois qu'on est magistrat, ce sont les compétences et autres qui comptent, et que la couleur, l'appartenance, la sensibilité politique ne jouent plus. Il semble que là - en tout cas pas ce soir pour nous - il y aura matière à rediscuter et à revoir certaines choses. Mais pour le moment, l'Union démocratique du centre, si elle reviendra plus tard sur deux ou trois aspects, recommande l'entrée en matière sur ce projet de loi 11311.
M. Vincent Maitre (PDC). Le groupe démocrate-chrétien vous encourage bien évidemment à entrer en matière sur ce projet de loi; la constitution nous y oblige, elle mentionne expressément qu'il nous faut créer une Cour correctionnelle... (Commentaires.) ...constitutionnelle, lapsus ! J'allais justement évoquer, peut-être pas un lapsus, mais une confusion des termes, puisque M. Zaugg semblait s'offusquer du fait qu'on ait constitué une chambre constitutionnelle et non pas une Cour constitutionnelle. Le terme «cour», dans la pratique juridique de tous les jours, étant un terme générique, cela n'enlève absolument rien aux qualités de Cour constitutionnelle que l'on attribuerait, en l'occurrence, à la chambre. Un avocat, au quotidien, lorsqu'il en appellera à la dernière instance cantonale pour défendre un client, interjettera un appel à la Cour de justice...
Le président. Il vous reste vingt secondes, Monsieur le député !
M. Vincent Maitre. ...et non pas à la chambre X ou Y; il s'agit juste là d'un terme générique, et vouloir dénoncer une différence absolument fondamentale et insurmontable entre une chambre et une Cour n'a objectivement pas lieu d'être ici. Le but est atteint, qui est celui de créer une juridiction qui traite...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député, s'il vous plaît.
M. Vincent Maitre. ...de la conformité des actes cantonaux au droit supérieur. Je reprendrai la parole plus tard sur les amendements.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Cyril Mizrahi.
M. Cyril Mizrahi (S). Merci, Monsieur le président. Tout d'abord, je tiens, en tant que président de la commission judiciaire et de la police, à remercier l'ensemble des intervenants. Je dois dire que nous avons pu traiter ce dossier assez rapidement, avec efficacité et dans un esprit constructif, même s'il y a eu des divergences, comme vous vous en apercevez dans le débat d'aujourd'hui.
En tant que député, cette fois, pour le groupe socialiste, je tiens à dire que nous voterons l'entrée en matière sur la création de cette Cour constitutionnelle que nous avons toujours soutenue, pour des raisons qui ont été évoquées dans ce débat notamment par les Verts, mais également parce que nous estimons que la principale autre nouveauté, qu'on n'a pas mentionnée, le contrôle abstrait des normes cantonales et communales - je le dis à dessein, des normes cantonales et communales - doit pouvoir être réalisée. C'est-à-dire qu'on doit pouvoir contrôler dès l'adoption de l'acte s'il est conforme au droit supérieur, et non pas vivre avec un acte contraire au droit supérieur jusqu'à une décision d'application. C'est une question d'Etat de droit, c'est aussi une question de mise en oeuvre effective de cette constitution.
Il y a deux questions qui ont été posées, et tout d'abord celle du choix du modèle. Nous allons soutenir le modèle proposé de chambre constitutionnelle. Il est nécessaire de rappeler que cette variante de chambre constitutionnelle, même si l'exactitude du texte peut être discutée, a été évoquée déjà dans les débats préparatoires. Il n'y a donc pas de raison de ne pas opter pour cette voie qui semble la plus rationnelle et la plus pragmatique, et également la plus économique. Voilà pour l'aspect constitution.
S'agissant de l'équilibre des sensibilités politiques, je salue le retrait de l'amendement MCG. Je pense qu'on peut discuter du système de la désignation des juges, mais malheureusement la Constituante n'a pas réussi à réformer fondamentalement ce système... (Brouhaha.) ...et je crois que l'équilibre des sensibilités politiques ou le mode de désignation des juges ne doit pas être discuté dans le cadre de ce projet. Aussi, nous regrettons que la majorité de la commission, à l'instigation du pouvoir judiciaire, soit revenue en arrière sur l'équilibre des sensibilités politiques au sein de la chambre administrative; il n'y a pas lieu de revenir sur la situation actuelle, ce sont des questions délicates, et le Conseil d'Etat avait proposé originellement de conserver cet équilibre - qui est un héritage de l'ancien tribunal administratif - parce qu'il s'agit de matières sensibles.
Le dernier point - sur lequel nous avons présenté une série d'amendements qui concernent, en fait, la même chose - est la question des compétences de la Cour constitutionnelle. Et là, les travaux sont également très clairs sur le fait qu'on entend toutes les normes de droit cantonal et communal, et pas seulement les lois et règlements. Je reviendrai sur cette question en détail lors de la présentation des amendements.
En conclusion, je vous invite, Mesdames et Messieurs, à entrer en matière sur ce projet de loi, et je réserve la position de mon groupe sur le vote final en fonction des décisions qui seront prises sur les amendements. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Michel Amaudruz.
M. Michel Amaudruz (UDC). Merci, Monsieur le président.
Le président. Il vous reste deux minutes, Monsieur le député.
M. Michel Amaudruz. Oh, ça suffira largement, vous ne me rappellerez pas à l'ordre ! (Commentaires.) Je m'associe aux louanges qui ont été faites au rapporteur de majorité, mais je voudrais dire que le rapport de M. Zaugg, le rapport de minorité, est aussi très bon. Il est très bon, même si je ne partage pas ses conclusions.
Pour ce qui a trait à la chambre et à la cour, M. Zaugg fait une pétition de principe. Et lors des travaux de la Constituante, où j'avais tempêté contre l'adoption de cette institution, il avait été clairement dit qu'on ferait une section et qu'il ne fallait pas de frais exagérés. La question du mode de désignation des juges et de la commission interpartis a été relevée, et je voudrais dire également, en réponse à M. Zaugg, que cette commission respecte le principe de la proportionnelle. Si le MCG semble critiquer ce système de fonctionnement, c'est parce qu'aujourd'hui on n'a pas encore trouvé de méthode moins mauvaise ou meilleure que celle qui est appliquée. Et c'est pour cela que la commission interpartis est un bon système, qui s'isole quand même d'une mesure certaine du pouvoir politique. Mais ce sont des questions qu'on aura l'occasion de revoir tout à l'heure.
Quant aux amendements de M. Mizrahi, il ne m'en voudra pas mais je ne pourrai pas, en tout cas personnellement, les soutenir. Voilà, Monsieur le président, j'ai terminé, j'espère que vous ne me remettrez pas à l'ordre !
Le président. Je ne vous remets pas à l'ordre, Monsieur le député ! La parole est à M. le député Pascal Spuhler.
M. Pascal Spuhler (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, effectivement, nous avions un petit problème avec cette répartition des sensibilités politiques. Parce que si l'on regarde quelques années en arrière, on avait une sensibilité clairement marquée soit à gauche soit à droite, c'était facile, la répartition était simple, on en mettait un dans chaque camp et puis voilà, l'affaire était jouée. Cette répartition politique a changé, elle a évolué, et aujourd'hui on ne parle plus simplement de la gauche et de la droite, mais on parle également du centre, on parle également de la nouvelle force. Il y a des sensibilités politiques qui sont bien plus variées qu'auparavant, et si l'on veut vraiment en tenir compte, cela demandera quand même un effort à cette commission interpartis...
Le président. Il vous reste vingt secondes, Monsieur le député !
M. Pascal Spuhler. Je vais essayer de terminer en vingt secondes, merci, Monsieur le président. Cette commission judiciaire interpartis devra définir et désigner des candidats qui reflètent ces sensibilités politiques, et non pas faire une sélection entre petits copains ou, disons, à la manière de ce découpage politique gauche-droite d'avant.
Le président. Il vous faut conclure.
M. Pascal Spuhler. Donc, Mesdames et Messieurs - je vais conclure, Monsieur le président - évidemment nous allons soutenir ce projet de loi, mais je vous demande vraiment d'avoir une réflexion à ce niveau-là, sur cette sensibilité politique qui s'est développée avec la nouvelle force.
M. Murat Julian Alder (PLR). Mesdames et Messieurs, chers collègues, le groupe PLR votera l'entrée en matière sur ce projet de loi, et tient à remercier ici l'excellent rapporteur Raymond Wicky pour son tout aussi excellent rapport, qui a fort bien décrit l'évolution des travaux sur cet objet à la commission judiciaire et de la police. Nos remerciements vont aussi au Conseil d'Etat: il s'est empressé de présenter ce projet de loi dans un délai tout à fait rapide eu égard à la pression qu'exerce le vote de la nouvelle constitution par le peuple le 14 octobre 2012, qui implique que cette nouvelle constitution soit mise en oeuvre dans la loi dans un délai de cinq ans. Or, à peine une année et demie après le vote du peuple genevois, nous avons déjà sur la table un projet de loi qui met en oeuvre la nouvelle Cour constitutionnelle voulue par la Constituante et par le peuple.
S'agissant de l'amendement de M. Zaugg, je ne peux que confirmer ici les propos qui ont été tenus par le rapporteur de majorité... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...à savoir que c'était la volonté des constituants de ne pas créer une Cour constitutionnelle séparée, mais bien de confier ce travail à la Cour de justice en lui laissant le soin de s'organiser comme elle l'entendait. Alors pourquoi est-ce que la constitution n'a pas prévu le mot «chambre» ? Eh bien tout simplement pour la raison suivante: l'organisation interne de la Cour de justice est régie par la loi sur l'organisation judiciaire et n'a pas à être traitée par notre charte fondamentale. C'est donc à juste titre que la commission a décidé, sur proposition du Conseil d'Etat, de confier à la Cour de justice le soin d'exercer la fonction de Cour constitutionnelle, en pleine conformité avec tous les souhaits formulés par les constituants de l'époque, et donc aussi par le peuple. Je vous remercie de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous arrivons au vote d'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 11311 est adopté en premier débat par 79 oui contre 8 non.
Deuxième débat
Le président. Je passe la parole à M. Vincent Maitre. (Remarque.) Non, c'est une erreur. Je passe la parole à M. Christian Zaugg. Je vous rappelle que nous sommes dans un débat de quarante minutes.
M. Christian Zaugg (EAG), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Comme vous avez pu le constater, la minorité présente un certain nombre d'amendements, qui visent pour l'essentiel - je vais vous faire grâce des numéros et des lettres - à rétablir systématiquement la terminologie «Cour constitutionnelle» là où on l'avait remplacée par «chambre constitutionnelle». Je le répète, je vous épargne les lettres et les numéros. Nonobstant - mais j'aurai peut-être l'occasion de revenir là-dessus et je le reprendrai peut-être sous une autre forme tout à l'heure - il y a un amendement qui vise à rétablir, pour la chambre administrative, la possibilité de tenir compte de l'équilibre des sensibilités politiques. Mais nous aurons l'occasion d'en reparler plus tard.
Mme Emilie Flamand-Lew (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, brièvement, voici la position des Verts sur l'ensemble des amendements qui ont été déposés. Les Verts soutiendront l'amendement consistant à rétablir le respect de l'équilibre des sensibilités politiques également pour la chambre administrative, ce qui correspond au projet de loi originel déposé par le Conseil d'Etat. Il nous semble que plusieurs domaines, notamment l'aménagement, mais aussi la loi sur les étrangers, peuvent justifier le respect d'un tel équilibre. Nous soutiendrons également l'amendement concernant l'extension du périmètre de compétences de la chambre constitutionnelle.
En revanche, nous refuserons ceux qui visent à créer une Cour constitutionnelle séparée. En effet, nous avons été tout à fait convaincus d'une part par les personnes issues de la Constituante qui nous ont dit que la volonté n'était pas forcément d'avoir une juridiction séparée, mais aussi par les explications du pouvoir judiciaire en termes de rationalité; il ne serait pas pertinent de créer une juridiction séparée qui devrait siéger seulement quelques fois par année, le périmètre n'étant pas très élargi. Il est beaucoup plus pertinent de créer une nouvelle chambre au sein de la Cour de justice, ce qui correspond aux travaux de la Constituante.
M. Cyril Mizrahi (S). S'agissant tout d'abord, chers collègues, du point sur la composition de la chambre ou de la Cour, pour notre part, nous avons indiqué que nous nous rallions au choix de variante qui a été fait d'intégrer cette chambre. Nous ne pourrons donc pas voter les amendements qui ne vont pas dans ce sens.
Cela dit, sur la question de l'équilibre des sensibilités politiques, nous voterons l'amendement réintroduisant la version qui avait initialement été celle du Conseil d'Etat. Et vraiment, je crois - comme l'a bien compris M. Sanchez, mon collègue du MCG, tout à l'heure - que la question de la désignation en fonction des partis est une autre problématique qu'il faudra reprendre. Je pense qu'il ne faut pas interpréter cette norme sur l'équilibre des sensibilités politiques de manière trop restrictive; effectivement, il faut avoir cette logique par grands blocs, il ne faut pas se dire qu'on doit avoir absolument un juge par parti. Simplement, l'idée est d'éviter d'avoir par exemple trois juges socialistes, parce que pour le moment, sur le site internet du Pouvoir judiciaire, si vous allez voir, vous trouvez les appartenances partisanes même si les juges sont neutres. Or, c'est quand même important que, pour la confiance du public, il n'y ait pas tout d'un coup trois juges du même parti dans une chambre. Je vous invite donc véritablement, sur ce point, à aller dans le sens de la version initiale du Conseil d'Etat tel que cela nous a été proposé dans l'amendement de M. Zaugg. Je reviendrai par la suite sur les compétences.
M. Pierre Vanek (EAG). J'ai entendu des choses qui me choquent. A l'instant, M. Guinchard a expliqué que la commission avait arbitré, tranché contre une cour en faveur d'une chambre, et ensuite on vient nous dire que tout ça ne froisse pas les constituants, qui ont trouvé que ça allait bien par rapport à leurs intentions, etc. Ça, ça ne va pas, Mesdames et Messieurs ! Cette constitution, j'étais contre ! Cette constitution, pourtant, nous devons, les uns et les autres, la respecter ! Elle n'est pas la propriété de tel ou tel constituant ni sujette à l'interprétation de l'un ou l'autre de ceux-ci, qui aurait le droit de revenir en disant: «Oui, dans le fond, nous on a pensé que...», etc. ! Non, Mesdames et Messieurs ! Il y a un article 124 de la constitution de la République et canton de Genève, que nous avons les uns et les autres juré ou promis, respectivement... (Commentaires.) ...de respecter, qui dit que l'on met sur pied une Cour constitutionnelle ! Il y a un article à part entière, dans la constitution, qui dit qu'il est institué une Cour constitutionnelle. Alors ensuite on vient nous expliquer que les intentions n'étaient pas celles-là, puis qu'on a eu des explications, puis que ceci et que cela... Non, Mesdames et Messieurs ! Ce n'est pas comme ça que ça se passe ! Il y a un texte qui est soumis au peuple, qui est voté, on s'incline devant cette majorité, et ensuite, ici, on fait de notre mieux pour l'appliquer ! On est venu nous expliquer, ici, sur les bancs du PLR, que dans l'acception ordinaire, quand un avocat parle de cour, ça peut être une chambre... Bien sûr ! Bien sûr qu'il peut y avoir des relâchements de langage de la part de tel ou tel avocat devant telle ou telle instance quand il plaide ! (Commentaires.) Bien entendu ! Mais dans le texte de la constitution, qui a demandé une assemblée constituante spécifique et des années de travail, eh bien ce type de relâchement n'existe évidemment pas ! Puisque le travail de cette Constituante a été excellent, et puisque cette Constituante... (Brouhaha.) ...a réussi à séduire 54% - c'est bien ça ? - des électeurs... Une petite majorité, certes, mais quand même ! Mais quand même, Mesdames et Messieurs ! C'est tout de même paradoxal que ce soit moi qui doive me lever ici pour demander le respect des normes constitutionnelles qui ont été votées par le peuple, et que ce soit la majorité, qui a pourtant voulu imposer ces normes constitutionnelles, qui considère qu'elle a le droit de prendre les libertés qu'elle veut avec le texte de la constitution ! C'est pour cette raison que nous avons refusé l'entrée en matière, c'est pour ça que nous suivrons l'excellent rapport de Christian Zaugg et les amendements qu'il propose pour rétablir la lettre et l'esprit du texte constitutionnel, avec les conséquences que cela a quant à la possibilité de désignation démocratique, par les électeurs, de la composition de cette Cour constitutionnelle, avec toute l'importance qu'elle a, et pour que ce ne soit pas l'objet d'un micmac interne à la Cour de justice. Et quand même, à part ça, durant tout le début du débat, on a entendu des choses sur le fait qu'on oubliait, une fois les magistrats élus, leur couleur politique, et que ça n'avait pas d'importance. Oui, en effet: par exemple, rappelez-moi de quel parti est Olivier Jornot, j'ai oublié ! (Rires.)
M. Vincent Maitre (PDC). M. Vanek a manifestement raison lorsqu'il dit que les relâchements de langage sont inacceptables, puisque je suis toujours PDC et pas encore PLR !
M. Pierre Vanek. Excusez-moi ! Je vous présente mes excuses ! (Commentaires.)
M. Vincent Maitre. Cela étant dit, Monsieur Vanek, cela étant dit, j'exprimerai la position du PDC qui consistera à refuser ces amendements. Sur le premier, la représentation des forces politiques, il convient d'approuver ce que la commission a voté, notamment pour une raison toute simple et totalement objective qui consiste à reconnaître que la chambre administrative de la Cour de justice, elle, ne tranche pas en opportunité, c'est-à-dire qu'il n'y a rigoureusement aucune tendance politique qui peut venir influencer un juge. On traite du droit à la lettre, tel qu'il est inscrit dans les textes de loi, ce qui est évidemment un petit peu différent de cette Cour constitutionnelle que l'on entend instaurer, puisque, par définition, celle-ci sera notamment amenée à trancher de la validité des initiatives populaires, et que là, manifestement, il y a un enjeu politique, ce qui, je le répète, n'est absolument pas le cas en matière de droit administratif au sens strict.
Je reprendrai la parole sur un amendement ultérieur.
M. Raymond Wicky (PLR), rapporteur de majorité. Je voulais juste apporter une toute petite précision: lorsque nous avons auditionné aussi bien les professeurs Hottelier et Tanquerel que l'ancien président de la Cour constitutionnelle vaudoise, nous leur avons expressément posé la question de savoir si en termes de droit, et non pas en termes d'interprétation de la constitution genevoise, la solution proposée était compatible, et ils ont très clairement dit que c'était le cas. Je vous remercie.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Chers collègues, pour le compte de mon collègue Pierre Maudet qui est malheureusement retenu et qui nous rejoindra tout à l'heure, j'aimerais vous faire part ici de la préoccupation du Conseil d'Etat quant à certaines propositions qui vous sont faites. Il vous est demandé d'accepter le texte tel qu'il vous est soumis à sa sortie de commission sans entrer en matière sur les amendements, en particulier l'amendement qui vous est proposé à l'article 118, alinéa 2, concernant l'équilibre politique. C'est une bonne solution, nous considérons qu'effectivement, dans une chambre constitutionnelle qui doit se prononcer sur des questions éminemment fondamentales et dans lesquelles les sensibilités politiques des magistrats peuvent s'exprimer, il est important qu'il y ait un équilibre des forces. Par contre, et même si dans un monde idéal nous souhaiterions qu'effectivement, les juges puissent être désignés sans lien aucun avec des partis politiques - peut-être y arrivera-t-on un jour - nous savons qu'en l'état actuel, les juges ont une coloration politique. Nous espérons - et nous sommes convaincus que tel est le cas pour la très grande majorité d'entre eux - que cette coloration politique n'est qu'un billet d'entrée, si j'ose dire, dans la magistrature, qu'ils l'oublient rapidement sachant qu'ils sont là pour faire appliquer la loi, et que cela devrait en principe se faire de manière égale pour tous. Mais ce que je veux dire, pour le compte du gouvernement, c'est qu'imposer cet équilibre des forces ou certaines sensibilités politiques dans le cadre de la chambre administrative, c'est aller trop loin, beaucoup trop loin. Parce que si cette chambre administrative a évidemment des décisions à prendre qui peuvent avoir une coloration politique, vous me direz, pourquoi pas la chambre pénale de la Cour de justice, qui a jugé des agissements d'un banquier ! Peut-être que sa sensibilité politique s'exprimera aussi plus ou moins à travers la sentence rendue. Finalement, tout, dans la vie, est politique ! D'ailleurs, le fait de ne rien dire est aussi l'expression d'un avis politique. Il faut donc savoir s'arrêter à un certain niveau. Le système actuel est tel qu'il est, avec cette coloration politique des juges, dont on peut regretter qu'elle figure sur internet, puisqu'on part de l'idée qu'après cet acte d'allégeance à un parti, les juges l'oublient très vite pour mettre leurs compétences au service de la république tout entière; et ce rappel des colorations politiques est de nature à porter préjudice à la justice elle-même, puisque bon nombre de journalistes, à juste titre, lorsqu'il y a des décisions sensibles, s'empressent de rappeler les orientations politiques... (Brouhaha.) ...laissant entendre par là que c'est cette orientation qui aurait influencé la décision prise. Tout cela est évidemment regrettable, mais nous ne sommes pas ici avec ce projet de loi pour modifier cette situation. Ne maintenons cet équilibre des forces que là où véritablement elles doivent s'exprimer, au-delà de toute passion politique, c'est-à-dire dans cette Cour constitutionnelle, sans ajouter d'exigence pour d'autres instances de notre pouvoir judiciaire.
Autre remarque concernant l'amendement à l'article 130B, alinéa 1, lettre a, dont on souhaite modifier la teneur pour parler des actes... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...communaux et cantonaux. Là, manifestement, le terme d'acte n'est pas suffisamment clair et pourrait prêter à confusion. Le texte actuel, tel qu'il est proposé, de «lois constitutionnelles» et de «lois et règlements du Conseil d'Etat», met clairement en évidence qu'il s'agit d'actes généraux et abstraits et non pas individuels et concrets; vous savez que toute décision individuelle et concrète se base sur des dispositions légales... (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît, un peu de silence !
M. Mauro Poggia. ...et il ne faut pas que cela soit suffisant pour que la cause soit portée devant la Cour constitutionnelle, qui doit véritablement trancher des questions de principe, mais qui ne doit pas être une autorité supérieure qui vient s'ajouter aux instances judiciaires. Il en va du bon fonctionnement de notre justice, mais aussi du bon fonctionnement de nos institutions. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Monsieur Mizrahi, voulez-vous parler maintenant ou vous exprimer sur vos amendements après ? (Remarque.) D'accord, nous allons d'abord traiter les premiers; vous interviendrez le moment venu.
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Le président. Madame Fontanet, voulez-vous vous exprimer maintenant ? (Mme Nathalie Fontanet s'exprime hors micro.) Vous m'arrêterez au moment où nous arriverons à l'amendement sur lequel vous voulez parler.
Nous avons un amendement de M. Zaugg à l'article 1, lettre h, que vous trouvez à la page 56 du rapport et que je vous lis:
«Art. 1, lettre h, chiffre 3 (biffé)
Art. 1, lettre i (nouvelle, la lettre i ancienne devenant la lettre j)
Dans la République et canton de Genève, le pouvoir judiciaire est exercé par:
i) la Cour constitutionnelle;»
Monsieur Zaugg, vous avez la parole.
M. Christian Zaugg (EAG), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Je voulais juste rappeler que cette modification, selon laquelle le pouvoir judiciaire est exercé par la Cour constitutionnelle, se retrouve dans les amendements suivants, sauf dans celui, évidemment, concernant l'article 118, relatif à l'équilibre des sensibilités politiques. (Brouhaha.) Si ! Si, quand même, attention !
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Mizrahi, cela concerne cet amendement ou vous souhaitez parler ensuite ? (Remarque.) Ensuite. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets cet amendement.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 83 non contre 8 oui.
Mis aux voix, l'article 1, lettre h, chiffre 3 (nouvelle teneur), est adopté, de même que l'article 117, alinéa 1 (nouvelle teneur).
Le président. A l'article 118, nous sommes saisis d'un amendement de M. Zaugg, que voici:
«Art. 118, al. 2, lettre c (nouvelle teneur)
2 Dans la répartition des juges, elle tient compte notamment:
c) pour la chambre constitutionnelle et la chambre administrative, de l'équilibre des sensibilités politiques.»
Monsieur Zaugg, vous avez la parole.
M. Christian Zaugg (EAG), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Cet amendement, qui vise à éviter de déshabiller Pierre pour habiller Paul, énonce donc que pour la chambre administrative, l'équilibre des sensibilités politiques doit être maintenu. Il n'y a pas de raison qu'on supprime ce principe pour la chambre administrative alors qu'il figurait dans le projet de loi initial.
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Mizrahi, cela concerne toujours la suite ? (Remarque.) Bien. Monsieur Wicky, vous souhaitez prendre la parole sur cet amendement ?
M. Raymond Wicky (PLR), rapporteur de majorité. Oui, bien volontiers, Monsieur le président, merci. (Brouhaha.)
Le président. Chut !
M. Raymond Wicky. En ce qui concerne l'équilibre des sensibilités politiques, j'aimerais rebondir sur les propos du magistrat, M. Poggia, tout à l'heure. Effectivement, l'analyse qui a été faite en commission par la majorité est la même que celle du Conseil d'Etat, et nous estimions qu'il était incontournable d'avoir la sensibilité politique représentée dans le cadre de la chambre constitutionnelle, mais qu'on pouvait s'en départir au niveau de la chambre administrative. Je proposerai donc qu'on refuse cet amendement.
M. François Baertschi (MCG). Il y a une question de fond: accepter que les sensibilités politiques soient représentées, c'est une grave atteinte au principe de la séparation des pouvoirs... (Commentaires.) ...et c'est là quelque chose que je ne peux pas tolérer. On se rend compte que la justice genevoise telle que nous la connaissons est un grand simulacre, où certaines sensibilités politiques sont représentées et d'autres ne le sont pas ! C'est donc un principe qui est parmi les plus foireux que l'on connaisse - je pèse mes mots - et je trouve tout à fait indigne de ce parlement de voter un texte pareillement ! (Applaudissements.)
Une voix. Bravo François !
Mme Emilie Flamand-Lew (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, je me vois obligée de contredire le rapporteur de majorité. Le Conseil d'Etat, visiblement, a changé d'avis, mais dans le projet de loi qui avait été déposé à l'origine, on parlait bien de respecter l'équilibre des sensibilités politiques tant pour la chambre constitutionnelle que pour la chambre administrative. (Brouhaha.) L'amendement de M. Zaugg vise à revenir à cette version d'origine du Conseil d'Etat, et nous soutenons cet amendement en regrettant le retournement de notre gouvernement.
M. Vincent Maitre (PDC). La raison qui justifie que la chambre administrative de la Cour de justice soit traitée différemment est celle que j'ai exprimée tout à l'heure: il n'y a pas plus technique, comme juridiction, pour rendre le droit. Comme je l'ai expliqué, aucune influence en opportunité ne vient perturber le rendu des jugements de nos magistrats à la Cour de justice en matière administrative.
Je tiens juste à répondre à M. Baertschi quand il dit que la représentation des forces politiques est une vaste supercherie et de l'esbroufe; c'est manifestement très mal connaître les institutions juridiques, non seulement suisses mais surtout étrangères, parce que l'alternative à cela est un système à la française, où, par exemple, il n'y a pas d'équilibre politique des forces: vous avez un premier magistrat de France, qui est désigné - et c'est bien pire - par le président de la République, et qui choisit tous les magistrats de France. Ainsi, d'une législature à l'autre, d'un quinquennat à l'autre, vous aurez des magistrats à tendance uniquement socialiste, ou uniquement UMP, en fonction du président en fonction. Si c'est la cooptation que vous souhaitez, vous qui criez jour après jour que vous ne voulez pas de la politique des petits copains, vous vous retrouverez les deux pieds dedans avec le système que vous proposez.
Le président. Merci, Monsieur le député. Cette fois c'est à vous, Madame la députée Fontanet.
Mme Nathalie Fontanet (PLR). Merci, Monsieur le président. J'aimerais simplement rappeler que la majorité de la commission a décidé de supprimer, effectivement, cette représentation politique dans la chambre administrative, notamment après avoir entendu le pouvoir judiciaire expliquer d'une part les difficultés de donner à cette chambre administrative une composition politique, et surtout le fait qu'un recourant, un justiciable, ne pouvait retirer aucun droit de cette composition politique. Le pouvoir judiciaire nous a en effet raconté qu'à diverses reprises, certains justiciables avaient tenté de déposer un recours parce qu'ils se trouvaient face à un juge ou à un magistrat du bord politique contraire au leur; on peut penser, par exemple, à un magistrat UDC et à un justiciable Ensemble à Gauche, qui pensait que le magistrat UDC serait peut-être moins bienveillant à son égard. Eh bien, ce recours a été refusé par le Tribunal fédéral, qui a estimé que le justiciable n'avait aucun droit de se retrouver face à un magistrat qui serait éventuellement plus indulgent. Dans ce contexte, Monsieur le président, je souhaite encourager le parlement à voter le projet de loi tel qu'il est sorti des travaux de commission, et donc à refuser cet amendement.
Mme Danièle Magnin (MCG). Je dois vous dire que lorsque j'ai quitté l'université avec ma licence et que j'ai vu certains de mes amis qui avaient obtenu leur brevet souhaiter entrer dans la magistrature et ne pas y parvenir parce qu'ils n'avaient pas forcément envie d'intégrer un parti politique, ça m'a largement déçue pour eux, et j'ai trouvé cela assez difficile. Ils m'ont dit avoir passé leur temps à serrer des mains pour essayer de se faire accepter. C'était il y a plus de trente ans, mais aujourd'hui ce n'est peut-être pas très différent.
Mais ce qui m'a surtout bouleversée, ce qui m'a fait piquer un fard dont je ne m'imaginais pas pouvoir être atteinte... (Brouhaha.) ...c'est d'avoir eu l'occasion de parler avec un ombudsman d'un pays de l'Europe dite de l'Est, qui me demandait de lui expliquer notre système, ce que j'avais fait. Quand ce monsieur a mis le doigt sur les faiblesses de cette organisation, quand il m'a montré à quel point c'était antidémocratique et scandaleux, je suis devenue rouge comme les sièges sur lesquels nous sommes assis, parce qu'effectivement, cela n'a rien de démocratique que les juges soient élus par les partis et en fonction de leur nombre. Je vous remercie.
Une voix. Bravo !
M. François Baertschi (MCG). Je remarque qu'actuellement, on se trouve face à une situation indigne de la justice genevoise: 20% de la population n'est pas représentée au sein du palais de justice ! On est dans une configuration où il y a des castes, où il y a des petites magouilles de certains groupes politiques, qui font pression pour que certains juges MCG ne siègent pas ! Vous avez des positions qui sont indignes ! Et je pèse mes mots ! Parce que c'est tout à fait inacceptable, ce que vous faites ! Vous êtes en train de pervertir notre système. Tout ce qui relève de la politisation ne doit pas exister. Des juges politicards, on n'en veut pas ! (Applaudissements.)
M. Michel Amaudruz (UDC). Monsieur le président, brièvement, il y a des choses que je ne peux pas laisser passer suite à l'intervention de M. Baertschi, qui ne m'en voudra pas - vous lui transmettrez. La première qualité que la commission interpartis recherche pour la désignation d'un juge, ce sont ses compétences. (Protestations.)
Des voix. C'est faux ! (Vifs commentaires.)
Le président. S'il vous plaît !
M. Michel Amaudruz. Et indépendamment de cette considération, la commission - mais on reviendra peut-être sur cette question - s'efforce... (Commentaires.) ...de respecter une proportionnelle. Enfin, je dirai quand même, comme l'a relevé M. Vincent, que si l'on débouchait sur un système à la française, alors là, M. Baertschi pourrait s'arracher le peu de cheveux qui lui reste ! (Rires.) Parce que, regardez Taubira - je remonte brièvement dans le temps - Rachida Dati... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...et, plus loin, Badinter: indépendamment des mérites que chacun a pu avoir, ils trempent leur nez partout ! Et quand il y a quelque chose qui ne leur plaît pas - c'était frappant sous le régime Sarkozy - on les vide. Nous, ce qu'on veut, ce sont des juges compétents et indépendants. Je crois que le système qu'on met en place n'est pas parfait, mais il répond aux aspirations de la population. Je vous remercie, Monsieur le président. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs les députés, je vais donc vous faire voter l'amendement à l'article 118, alinéa 2, que je vous relis:
«Art. 118, al. 2, lettre c (nouvelle teneur)
2 Dans la répartition des juges, elle tient compte notamment:
c) pour la chambre constitutionnelle et la chambre administrative, de l'équilibre des sensibilités politiques.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 48 non contre 39 oui et 4 abstentions.
Mis aux voix, l'article 118, alinéa 2, lettre c (nouvelle teneur), est adopté, de même que l'article 130A (nouveau).
Le président. A l'article 130B, nous sommes saisis d'un amendement de M. Mizrahi et autres signataires, que je vous lis:
«Art. 130B, al. 1, lettre a (nouvelle teneur)
a) contre les actes cantonaux et communaux contenant des règles de droit;»
Monsieur Mizrahi, vous avez la parole.
M. Cyril Mizrahi (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues, contrairement à ce que vient de nous dire le représentant du Conseil d'Etat, la formulation que nous proposons dans une série d'amendements - qui portent en fait sur un seul et unique point - consiste à remplacer les termes «lois constitutionnelles, lois et règlements», non pas, comme cela a été dit, par le terme «actes» de manière vague, mais «actes cantonaux et communaux contenant des règles de droit». Et à l'inverse de ce qui a été indiqué par le représentant du Conseil d'Etat, cette formulation est beaucoup plus précise et conforme à la fois au texte et à l'esprit de la norme constitutionnelle, qui fait référence à l'ensemble des normes du droit cantonal. Par droit cantonal, il faut entendre évidemment aussi le droit communal, cela ressort clairement des travaux préparatoires. On ne peut donc pas une fois faire référence aux travaux préparatoires quand il s'agit de mettre en oeuvre la solution de la chambre constitutionnelle comme section d'une juridiction, et la fois suivante dire que finalement, on ne tient pas compte des travaux préparatoires... (Brouhaha.) ...où tous les intervenants - je vous ai donné les références, ce sont des sources accessibles sur internet - qu'ils aient été de gauche, de droite, pour ou contre la Cour constitutionnelle, se sont exprimés dans le même sens pour dire qu'il s'agissait de l'ensemble des normes cantonales et communales. Et pourquoi la formulation qui nous est proposée par le projet de loi pose également problème ? Parce qu'on retient le terme de loi. Contrairement à ce que nous a indiqué le représentant du Conseil d'Etat, le terme de loi ne veut pas dire obligatoirement acte général et abstrait; je me permets de renvoyer le représentant du Conseil d'Etat aux directives de la chancellerie sur la rédaction des actes législatifs, qui stipulent expressément qu'il y a deux types de lois: les lois générales et abstraites...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député !
M. Cyril Mizrahi. ...et les lois qui constituent des décisions du parlement. Et pour ces lois, par exemple les lois budgétaires, les plans, les concessions, évidemment que les recours ne doivent pas être adressés à la Cour constitutionnelle...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Cyril Mizrahi. ...mais à la chambre administrative. Raison pour laquelle nous vous demandons, avec mes collègues cosignataires, de suivre ces propositions d'amendement qui précisent, dans le sens de la norme constitutionnelle...
Le président. Merci, Monsieur le député.
M. Cyril Mizrahi. ...cette définition de la compétence de la chambre constitutionnelle.
Mme Nathalie Fontanet (PLR). J'ai évidemment une immense tare pour intervenir sur ce sujet, puisque je n'ai pas été constituante ! (Rires.) Mais en revanche, j'ai appris à lire assez rapidement. (Commentaires.) Et je m'aperçois que les constituants n'ont manifestement pas souhaité soumettre le contrôle de conformité des normes municipales au droit supérieur. En effet, si on lit l'article 124, on voit, à la lettre a, qu'on parle de contrôle sur requête de la conformité des normes cantonales au droit supérieur, et que par contre, à la lettre b, on a su traiter des litiges relatifs à l'exercice des droits politiques et intégrer non seulement la matière cantonale, mais également la matière municipale. Il me semble donc que le souhait de la Constituante n'était pas d'intégrer cette notion à la lettre a, et partant, à mon sens, le projet de loi tel qu'il ressort de nos travaux de commission est totalement conforme au texte de la constitution, que j'ai sous les yeux. Pour ces motifs, Monsieur le président, et également en raison du fait qu'on sait que les Genevois effectuent régulièrement des recours, qu'ils ont la «recourite» aiguë, on peut le dire, il nous semble, au groupe PLR, qu'intégrer la notion des actes communaux à la question de recours sur la conformité au droit supérieur serait dangereux, et que cela entraînerait un coût qu'aujourd'hui le canton n'est pas en mesure d'assumer. Merci, Monsieur le président.
M. Vincent Maitre (PDC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, la seule table des matières du recueil systématique de la législation communale fait 200 pages. Je vous laisse imaginer ce que cela peut signifier en termes de volume, a fortiori si l'on doit soumettre cette législation au contrôle de la Cour constitutionnelle. Nous allons non seulement à l'encontre de blocages incommensurables, mais aussi stimuler la tentation que Mme Fontanet vient de décrire, celle, bien connue, de la «recourite» aiguë, devenue un sport national à Genève. Je tiens aussi à rappeler que la constitutionnalité...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Vincent Maitre. ...ou disons la conformité - je conclus tout de suite - de ces normes communales au droit supérieur se vérifie déjà par le biais de la surveillance des communes, et que ce qu'on nous propose ici, par cet amendement, n'est ni plus ni moins que la création d'un doublon tout sauf nécessaire par les temps qui courent. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Jean Sanchez, pour une minute et huit secondes.
M. Jean Sanchez (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, il est clair que le groupe MCG ne soutiendra pas cet amendement, pour la simple et bonne raison que l'alinéa 3 de l'article 65 de la loi sur la procédure administrative correspond parfaitement à l'esprit de ce qui a été voulu par la constitution, à savoir qu'en cas de recours contre une loi constitutionnelle, une loi ou un règlement du Conseil d'Etat, l'acte de recours contient un exposé détaillé des griefs du recourant.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous ai déjà fait part de la position du Conseil d'Etat quant à la proposition qui vous est soumise. Je voudrais encore, au nom du gouvernement, attirer votre attention sur les coûts liés à l'exercice abusif des voies de recours. Evidemment, nous le savons tous, est abusif le recours de ceux qui se plaignent de décisions qui nous satisfont et vice versa. Par contre, il y a tout de même un chiffre qui est objectif, c'est la tendance de nos concitoyens à systématiquement porter devant les tribunaux les décisions qui sont rendues. Ici, la Cour constitutionnelle a été voulue, eh bien nous allons l'instaurer. Mais vous savez - vous en êtes bien conscients - que tout cela a aussi un coût ! Alors que la justice n'était pas si mal rendue par le passé, car je crois que les aberrations ont été corrigées, le cas échéant, par le Tribunal fédéral, nous avons voulu mettre un garde-fou au niveau cantonal; soit, faisons-le. (Brouhaha.) Mais gardons tout de même notre raison. Ouvrir la voie à la Cour constitutionnelle, à des actes, comme on les qualifie - ce qui, quoi qu'on en dise, n'est pas une notion juridique déterminée - à des actes communaux, cela veut dire que vous allez rajouter une couche au mille-feuille, et je peux vous dire que la Cour constitutionnelle sera très rapidement surchargée. Les propositions qui vous sont faites sont raisonnables, je pense qu'avec cela nous suivons la volonté de la population qui a accepté cette nouvelle constitution, mais s'il vous plaît, n'allez pas au-delà, ne serait-ce que pour des raisons de bon sens et de budget.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Monsieur Zaugg, vous voulez vous exprimer ? (Remarque.) Il vous reste très peu de temps.
M. Christian Zaugg (EAG), rapporteur de minorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, M. Poggia, conseiller d'Etat, force le trait; parce qu'il faut admettre que dans la réalité, ce n'est pas exactement cela. Prenons l'exemple du canton de Vaud: il y a eu 67 recours dans le canton de Vaud dont treize concernaient les communes, l'année passée. Et le canton de Vaud...
Une voix. Sur neuf ans !
M. Christian Zaugg. Sur neuf ans ? (Remarque.) Sur neuf ans. Donc c'est dire que là, on est en train de se monter la tête, franchement !
M. Raymond Wicky (PLR), rapporteur de majorité. Pour répondre à mon vis-à-vis, j'aimerais mettre en exergue ce qui a été dit aussi en commission: l'autonomie communale vaudoise et l'autonomie communale genevoise, ce n'est pas du tout la même chose ! Et comme le disait Mme Fontanet tout à l'heure, la manière de se comporter des citoyens est fondamentalement différente entre certains de nos cantons. Toutes ces comparaisons sont donc quelque peu hasardeuses, et il est clair, à mon sens, qu'on a quand même un risque aggravé en ce qui concerne le canton de Genève. Je vous recommande encore une fois de rejeter cet amendement. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous allons donc voter cet amendement.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 58 non contre 34 oui et 2 abstentions.
Mis aux voix, l'article 130B (nouveau) est adopté, de même que l'article 132, alinéa 1, 2e phrase (nouvelle teneur).
Le président. Monsieur Mizrahi, maintenez-vous votre amendement à l'article 143 ? (Remarque.) A mon sens, les deux autres amendements que vous avez déposés tombent. (Brouhaha.) Vous retirez ces deux amendements ou non ? Il faut vous exprimer car je ne vous entends pas !
M. Cyril Mizrahi (S). Nous les maintenons !
Le président. Merci. Madame Fontanet, je vous passe la parole.
Mme Nathalie Fontanet (PLR). Merci, Monsieur le président. Ces amendements n'ont absolument aucun sens dès lors que celui à l'article 130B a été refusé ! Par ailleurs, ces amendements vont également toucher des lois de procédure; il est absolument impensable de les aborder comme ça, en plénière, sur le coin d'une table, alors même que ces lois de procédure sont complexes. Cas échéant, si l'amendement à l'article 130B avait été accepté, on aurait renvoyé le tout en commission. Un tout petit peu de bon sens, s'il vous plaît ! Merci, Monsieur le président. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Monsieur Mizrahi, vous avez huit secondes.
M. Cyril Mizrahi (S). Merci, Monsieur le président. Très rapidement, nous sommes d'avis quant à nous que la définition qui a été retenue va poser des problèmes, et donc nous souhaitons effectivement maintenir nos amendements...
Le président. Voilà, il vous faut conclure !
M. Cyril Mizrahi. ...sur ces points.
Le président. Bien. Mesdames et Messieurs les députés, je vais vous faire voter sur l'amendement à l'article 143, dont la teneur est la suivante:
«Art. 143, al. 12 (nouvelle teneur)
2 Dès l'entrée en vigueur de la modification du... (à compléter), les procédures de recours contre les actes cantonaux et communaux contenant des règles de droit, ainsi que les procédures de recours en matière de validité des initiatives populaires sont reprises par la chambre constitutionnelle de la Cour de justice.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 64 non contre 22 oui et 8 abstentions.
Mis aux voix, l'article 143, alinéas 11 et 12 (nouveaux), est adopté.
Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté.
Le président. Nous sommes maintenant saisis d'un amendement à l'article 2 souligné, alinéa 2, modifiant la loi sur la procédure administrative. Le voici:
«Art. 57, lettre d (nouvelle teneur)
d) les actes cantonaux et communaux contenant des règles de droit.
Art. 60, al. 1, lettre b (nouvelle teneur)
b) toute personne qui est touchée directement par un acte cantonal ou communal contenant des règles de droit ou par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce que l'acte soit annulé ou modifié;
Art. 62, al. 1, lettre d (nouvelle teneur) et al. 3 (nouvelle teneur)
1 Le délai de recours est de:
d) 30 jours s'il s'agit d'un acte cantonal ou communal contenant des règles de droit.
3 Le délai court dès le lendemain de la notification de la décision. En cas de recours contre un acte cantonal ou communal contenant des règles de droit soumis au corps électoral, il court dès le lendemain de sa promulgation. En cas de recours contre un autre acte cantonal ou communal contenant des règles de droit, il court dès le lendemain de sa publication.
Art. 65, al. 3 (nouvelle teneur)
3 En cas de recours contre un acte cantonal ou communal contenant des règles de droit, l'acte de recours contient un exposé détaillé des griefs du recourant.
Art. 66, al. 2 (nouvelle teneur)
2 En cas de recours contre un acte cantonal ou communal contenant des règles de droit, le recours n'a pas effet suspensif.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 63 non contre 22 oui et 8 abstentions.
Mis aux voix, l'article 2 (souligné) est adopté, de même que l'article 3 (souligné).
Troisième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1, lettre h, chiffre 3 (nouvelle teneur), et 117, alinéa 1 (nouvelle teneur).
Le président. Nous avons un amendement de M. Sanchez qui a été redéposé et qui demande de biffer la lettre c de l'alinéa 2 à l'article 118. Monsieur Baertschi, il vous reste trente-deux secondes.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président, je vais essayer d'être très bref. En effet, nous ne pouvons pas tolérer que la politisation envahisse une Cour constitutionnelle et que ce soit uniquement un marchandage entre des personnes de diverses couleurs, qui n'auront pas... (Commentaires.) ...l'objectivité suffisante et pas nécessairement les compétences, mais qui auront leur carte de parti ! Parce que cette justice avec des cartes de parti, avec tous les dégâts qu'elle a causés et qu'elle va causer, nous ne pouvons la tolérer, c'est une question de principe ! Merci. (Commentaires.)
Le président. Merci, Monsieur le député.
M. François Baertschi. J'aimerais juste encore dire deux mots, si vous me laissez...
Le président. Non. Enfin... Un mot et demi !
M. François Baertschi. Nous vous proposons de voter cet amendement et, personnellement en tout cas, je ne voterai pas le projet de loi si l'amendement ne passe pas. Merci. (Commentaires.)
Le président. Merci pour cette précision. La parole est à M. le député Pierre Vanek.
M. Pierre Vanek (EAG). Merci, Monsieur le président. Deux mots en réponse à ce que j'ai entendu: les marchandages, c'est en cas de et pour obtenir une élection tacite; personne n'est obligé de consentir à un quelconque marchandage ! Le principe, c'est l'élection populaire des magistrats dans ce canton; certains estiment qu'il y a lieu d'en user - si vous avez le droit d'en user comme tout le monde, eh bien faites-le ! Mais stigmatiser le système actuel sous prétexte qu'il donne lieu à des marchandages, c'est appeler de vos voeux un système qui ne serait pas celui d'élections populaires, et c'est donc dénier aux citoyens genevois, que vous prétendez représenter, le droit de se prononcer en dernière instance, cas échéant, sur l'élection de nos magistrats et de l'ensemble de l'organisation judiciaire !
Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs les députés, je mets aux voix cet amendement à l'article 118.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 67 non contre 19 oui et 4 abstentions.
Mis aux voix, l'article 118, alinéa 2, lettre c (nouvelle teneur), est adopté, de même que les articles 130A (nouveau) à 143, alinéas 11 et 12 (nouveaux).
Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que les articles 2 et 3 (soulignés).
Mise aux voix, la loi 11311 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 53 oui contre 23 non et 17 abstentions.
Débat
Le président. Nous passons au point suivant de nos urgences, à savoir les objets liés RD 1041, R 748, M 2197, M 2199 et R 760, qui concernent tous le CEVA. (Brouhaha.) Je vous remercie d'écouter ! La procédure est la suivante: je vais donner la parole à chacune des personnes ayant déposé un texte, qui aura trois minutes pour le présenter. Ensuite, il y a soixante minutes de parole pour l'ensemble des objets. Nous commençons avec M. le député Bertrand Buchs pour la proposition de résolution 748.
M. Bertrand Buchs (PDC). Merci beaucoup, Monsieur le président. Le parti démocrate-chrétien a déposé la proposition de résolution 748 le 11 octobre 2013. Voilà donc six mois que nous avons déposé ce texte, qui est tout simple. Il s'agit de demander que les rames nécessaires pour faire fonctionner le CEVA - qu'on devra bientôt acheter - soient des rames suisses. Si nous avons déposé cette résolution - nous remercions d'ailleurs l'UDC de l'avoir signée - c'est parce qu'il semblait qu'on n'avait pas encore discuté de l'achat de ces rames et qu'il fallait se presser pour que le jour où le CEVA serait terminé, on puisse le faire fonctionner. Puisque nous payons quasiment toute la facture du CEVA, cela nous semble évident que l'achat des quarante rames soit suisse. Cette résolution permet au Conseil d'Etat d'avoir l'avis du parlement pour pouvoir entamer les négociations et démontrer à Berne que le gouvernement et le parlement genevois se préoccupent de l'industrie suisse. Je dois dire que la résolution est un peu tombée à plat. Elle a eu un petit succès d'estime auprès de la presse, mais on nous a aussi reproché de faire quelque chose dans le goût du MCG ou de l'UDC. Et puis, plus personne n'en a parlé. Or, brusquement, le débat sur le CEVA explose après le communiqué de presse un peu surréaliste d'il y a deux semaines.
Le PDC est extrêmement préoccupé de ce qui se passe par rapport au CEVA. C'est pour cela qu'il est important d'avoir ce débat ce soir. Nous réclamons la transparence absolue sur ce projet ! On ne peut pas continuer sans savoir exactement ce qui est en train de se passer. On nous annonce des retards de deux ans, mais on n'est même pas sûr que ces retards soient réellement de deux ans. On ne sait pas depuis combien de temps ces retards étaient connus. On nous annonce de façon extraordinaire que même s'il y a deux ans de travaux en plus, on n'aura pas un centime supplémentaire à payer, ce qui me semble absolument surréaliste. Nous voulons savoir exactement combien ça va coûter ! D'où le but de la question que j'ai déposée aujourd'hui, qui demande au Conseil d'Etat d'instruire un audit sur le fonctionnement et la construction du CEVA. Le parlement a le droit de savoir exactement ce qui est en train de se passer. Nous sommes vraiment très préoccupés, Mesdames et Messieurs les députés, et nous voulons absolument cette transparence.
Il semble y avoir un gros problème quant à la façon dont on traite les travaux. On reviendra - et le PLR en parlera à propos de sa résolution - sur la co-maîtrise de l'ouvrage, Mesdames et Messieurs. (Remarque.) Oui, il y a une co-maîtrise de l'ouvrage. L'Etat de Genève paie quasiment la moitié de la facture, et la Confédération le reste. Mais jusqu'à maintenant, on a laissé les CFF faire quasiment seuls le travail. Il semble que le Conseil d'Etat ait beaucoup de problèmes pour savoir ce que font et décident les CFF. Souvent, les décisions des CFF ne représentent pas ce que le gouvernement ou le canton désirerait. Je laisserai le PLR parler des PME et du problème des soumissions. Nous reprendrons le débat après. Je laisserai aussi mes camarades Mme Hirsch et M. Mettan parler d'une part des PME et d'autre part de notre vrai souci de savoir si le Grand Genève va se faire ou non. Nous voulons savoir si le CEVA va s'arrêter à la frontière ou aller plus loin, si l'on ne perd pas actuellement la possibilité de développer ce Grand Genève, s'il est pertinent de vouloir tout garder sur Genève - notamment aussi l'entretien du matériel - si l'on ne va pas créer une crise entre la France et la Suisse, ce qui ne permettra pas de développer ce Grand Genève. Je laisserai M. Mettan en parler. Pour résumer, nous demandons que toute la transparence soit faite. Je vous propose de renvoyer notre résolution directement au Conseil d'Etat, puisqu'il a déjà parlé de ce problème avec le Conseil fédéral et les CFF. Il n'y a pas besoin d'aller en commission pour parler de l'achat des rames: il semble que ce problème soit déjà en voie d'achèvement. Je vous remercie beaucoup.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Patrick Lussi pour la proposition de motion 2197.
M. Patrick Lussi (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, essayons d'emblée de dépassionner ce débat sur le CEVA. Il ne s'agit ni de sanctionner la France ni les bilatérales ni quoi que ce soit d'autre. Il s'agit simplement de savoir - c'est notre mission puisque nous sommes élus - pour qui assurer le travail. En l'occurrence, quand j'entends M. Buchs... D'ailleurs, nous avons signé - et j'ai signé - cette résolution, parce qu'elle part dans le bon sens. Il faut s'occuper suffisamment tôt de ce que nous allons faire. Mesdames et Messieurs les députés, la vraie question aujourd'hui, c'est la délocalisation. Délocalisation de la production, délocalisation de l'entretien. Nous avons toute la formation et le savoir-faire de nos entreprises. Comme l'a dit M. Buchs, il est vrai que tout est reparti quand l'Union démocratique du centre a eu l'outrecuidance de déposer une motion pour dire, suite à tous les articles de presse et tout ce qu'on entendait, que c'est la belle commune de Valleiry, de l'autre côté de la frontière, qui aura bien des choses. Mon Dieu, pourquoi pas ? Mais à ce que je sache, à ce jour, les gens à Genève cherchent un emploi à Genève, avec des salaires genevois. Je me suis toujours demandé, si l'on prend aussi la frontière, si le même taux salarial serait accordé de l'autre côté, ce dont je doute fort.
En définitive, Mesdames et Messieurs les députés, il est important - et le PLR viendra même avec un... Je me souviens d'ailleurs que M. Gabriel Barrillier, lors de la première adjudication du gros oeuvre, était venu dire: «Pensons à nos entreprises genevoises !» Nous avons tous notre manière d'exprimer nos arguments dans ce débat, et je suis très heureux que l'on puisse en discuter. En définitive, c'est aussi la situation des entreprises genevoises, des retours... N'oublions quand même pas que si l'on aime bien parler du Grand Genève et de tout ce qu'on va lui donner, je n'ai pas encore très bien vu tout ce qui va nous revenir. Je parle simplement de financements. Je reviendrai donc là-dessus.
Quant à l'objet de ce soir, Mesdames et Messieurs les députés, nous devons nous réjouir d'en discuter. C'est le seul point où je rejoins totalement M. Buchs. Il ne s'agit pas de renvoyer cela en commission, il s'agit de le mettre sur la place publique, devant votre Grand Conseil, et que chacun vienne avec ses arguments. Nous avons de quoi être inquiets quant à la suite qui sera donnée au projet, quant aux redistributions de tous les travaux. Excusez-nous, mais selon l'Union démocratique du centre - et je suis sûr que quelques autres collègues vous le diront aussi - cela doit quand même revenir majoritairement aux Genevois qui financent et ont conçu le projet. Je vous remercie, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Serge Hiltpold pour la M 2199 et la R 760.
M. Serge Hiltpold (PLR). Merci, Monsieur le président. Je vais scinder mon intervention en deux parties pour chacun de ces deux objets parlementaires. Le premier objet, soit la proposition de motion 2199, s'attaque principalement à la problématique du matériel roulant. Je ne suis pas dans un débat sur l'attribution d'un train français ou suisse. Ce qui nous préoccupe, au parti libéral-radical, c'est le centre de maintenance. Depuis 2000, ce centre de maintenance situé au 34, rue du Prieuré garantit, en plein coeur du réseau, la maintenance du matériel roulant des trains, tant sur le plan mécanique qu'électrique, ainsi que d'autres opérations. Cela 7 jours sur 7, 365 jours par an. Je vous avais envoyé un petit lien sur votre boîte électronique afin que vous puissiez constater que cette idée ne vient pas de nulle part. Sur ce site, 160 collaborateurs, apprentis, ouvriers, ingénieurs, électriciens et mécaniciens travaillent dans des ateliers avec du matériel de pointe pour assurer la sécurité et le confort des passagers, et particulièrement pour tenir des horaires performants en termes de cadence et de rotation. Trente collaborateurs sur 160 sont d'ores et déjà formés et opérationnels pour assurer l'entretien du futur matériel roulant du CEVA et des CFF - de type Stadler FLIRT France - ayant fait l'objet d'AIMP, mission dont dépendront évidemment le respect des horaires et les cadences de rotation de notre RER genevois. Notons d'ailleurs que ces collaborateurs assurent déjà l'entretien du RER vaudois sur les trains FLIRT, conçus par l'entreprise Stadler.
Or, pour implanter ses activités économiques sur sol français en créant 300 postes de travail liés à la construction des automotrices - ce que nous approuvons entièrement - l'entreprise Stadler Rail négocie en plus directement avec la région Rhône-Alpes la construction d'un centre du futur réseau RER genevois, faisant fi de l'existant. Pourquoi diable construire et financer un tout nouveau site à Valleiry alors même que ce centre existe à Cornavin, en plein coeur du réseau CEVA, et qu'il est déjà opérationnel et fonctionne à notre plus grande satisfaction ? C'est un non-sens, notamment compte tenu des déplacements à vide que nécessiteront les trajets. Cela aura indéniablement un coût. Privatiser à l'entreprise Stadler, en France, la prestation de l'entretien du futur RER est plus que surprenant. Quid des emplois existants ? Quel avenir pour la formation, notamment de la mécanique et de l'électronique industrielles ? Imaginez-vous que ces collaborateurs iront travailler au SMIC français ? Personnellement, j'en doute assez fortement. La sécurité et la fiabilité techniques du futur matériel roulant du CEVA, le respect des horaires - j'insiste sur ces horaires ! - et l'entretien passent indéniablement par une maîtrise au coeur du réseau. Cette maîtrise, c'est dans le centre existant ! Tous les spécialistes vous le diront. Ce n'est que du bon sens et de la pratique, souvent peu pris en compte dans nos débats.
Je vous demande maintenant de vous reporter à la page 7 du RD 1041, à la lettre H. C'est écrit noir sur blanc: «Le protocole d'accord du 26 avril 2002 prévoit, à son article 6, alinéa 1, que les CFF assurent l'entretien de la liaison ferroviaire et la conduite de son exploitation.» Le groupe PLR vous recommande donc un renvoi à la commission des travaux pour une analyse approfondie des éléments que j'ai développés. Je pense qu'il serait intéressant d'avoir les deux objets de l'UDC et du PDC à la commission des travaux, afin que les gens puissent parler ouvertement en commission et que les détails techniques soient expliqués à tous les députés, notamment ceux de la commission des travaux. J'en ai terminé pour ce premier point sur le matériel roulant, qui n'est pas un défi sur le Grand Genève mais concerne plutôt un problème pratique.
Le deuxième point de mon intervention concerne la proposition de résolution 760, soit l'accessibilité des travaux du CEVA aux entreprises locales. Déjà lors de l'adjudication des travaux du CEVA, dans le génie civil lourd, les partenaires sociaux de la construction ont tiré la sonnette d'alarme par rapport à des décisions des maîtres d'ouvrage pour le moins étonnantes, et ont manifesté leur impression d'une procédure peu transparente et discutable. La création de la cellule d'accompagnement tripartite des travaux du CEVA - CATTC - est censée non seulement se donner les moyens de contrôler les conditions de travail sur ce chantier exceptionnel, mais également de poser les jalons contractuels des travaux à venir, notamment les appels d'offres des travaux du second oeuvre. Ce de façon, en particulier, à s'assurer que les PME locales et régionales puissent avoir leur chance de rendre des offres, voire de décrocher les marchés. Malheureusement, les CFF n'en font qu'à leur tête et ne respectent absolument pas leurs engagements en la matière, ce que nous déplorons, en tout cas à la CATTC, à gauche comme à droite.
Les appels d'offres pour les travaux du second oeuvre des lots A et C lancés les 10 et 17 décembre 2013 présentent des regroupements parfois incompréhensibles. Les cloisons en plots de ciment se retrouvent avec les peintures, les murs et les plafonds, les traitements de surface et l'étanchéité. Dans ce cas, il est précisé que l'appel d'offres concerne spécifiquement le second oeuvre. Pourtant, on demande également la preuve au soumissionnaire qu'il a la capacité de produire et de poser annuellement 20 000 tonnes d'asphalte. Voilà qui est particulièrement surprenant ! La charpente métallique, la façade, la signalétique et les éléments vitrés sont ainsi regroupés. Rien ne justifie cette façon de procéder, si ce n'est la volonté de ne traiter qu'avec des grands groupes et consortiums internationaux, excluant de facto toute possibilité pour les entreprises locales, régionales, voire nationales, de répondre aux appels d'offres. Il ne s'agit donc pas d'une intervention pour favoriser des petits copains, comme je l'ai entendu cette semaine. Mais je vous rappelle que, sous l'angle de la concurrence, rien que le fait de regrouper le lot A pour les cinq gares amène la charpente métallique à environ 100 millions ! S'agissant des prestataires suisses, seuls les trois plus gros - et en se mettant ensemble - seraient susceptibles de rendre une telle offre. C'est donc contraire au texte de la LMP, article 1, alinéa 1, lettre b. Bel autogoal également sous l'angle de la concurrence que de limiter le nombre de prestataires possibles et de les contraindre à s'unir. Pour la petite histoire, le Conseil fédéral voulait quasiment interdire les consortiums dans la révision de la loi sur les cartels. Notons également que rien ne permet d'affirmer que le choix de lots gigantesques soit une garantie d'aller plus vite pour moins cher. Bien au contraire ! Cela va encourager la sous-traitance, donc d'éventuelles dérives. Les CFF sont coutumiers de ce fait. Je vous rappelle les différents événements qui ont eu lieu à la gare de Zurich.
Pour les timides, qui argumenteront que cette résolution va retarder le délai de réalisation, je répondrai la chose suivante en termes de planning: une remise en soumission sur de nouvelles bases impliquerait objectivement trois à six mois de travail pour les CFF, soit une remise en soumission d'ici cet automne pour un rendu des entreprises fin 2014 ou début 2015, une analyse des offres et décisions au printemps 2015 - c'est-à-dire dans une année - et un démarrage quasiment dans le planning. Au demeurant - ne soyons pas naïfs - les retards pris et lâchement annoncés ont forcément une incidence sur ce planning intentionnel. On devrait donc avoir du mou, si je peux me permettre. Les CFF ne disent rien là-dessus, et se garderont sûrement de le confirmer, mais j'en suis à peu près certain. Mesdames et Messieurs les députés, montrons au Conseil d'Etat que le parlement est derrière lui pour assumer sa responsabilité de co-maîtrise d'ouvrage dans ce chantier du siècle, afin que celui-ci soit réalisé dans les intérêts de notre économie genevoise. Je compte particulièrement sur le conseiller d'Etat Luc Barthassat, qui est un homme d'action. Montrons-lui que nous sommes derrière lui et que cette maîtrise d'ouvrage est portée par tout le parlement. Au nom du groupe PLR et des signataires, je vous demande d'envoyer cette résolution directement au Conseil d'Etat et de ne pas passer par une commission où elle perdrait tout son sens. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Vous avez déjà beaucoup empiété sur le temps de votre groupe. La parole est à Mme la députée Lisa Mazzone.
Mme Lisa Mazzone (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le CEVA, chantier du siècle, est le symbole de la construction de notre agglomération dans une perspective de coopération franco-suisse. C'est aussi un maillon décisif pour sa mobilité, qui modifiera radicalement les pratiques et, partant, le paysage de notre canton. Le lien à travers l'agglomération sera enfin finalisé ! Pour rassurer M. Buchs, s'il y a bien une certitude que l'on peut avoir, c'est que le CEVA est sur les rails et qu'il roulera d'ici quelques années. Dans ce contexte, il est primordial d'assurer un bon suivi des travaux, et nous estimons que le rapport du Conseil d'Etat à ce sujet mérite la plus grande attention pour comprendre le retard annoncé, que nous regrettons. Concernant ce rapport, nous soutenons son renvoi à la commission des travaux, afin qu'elle s'en saisisse et se penche sur les conséquences du retard en termes d'infrastructures et de coûts. En effet, notre conseiller d'Etat Mauro Poggia nous alertait tout à l'heure sur les coûts inhérents aux recours. Nous sommes inquiets à ce sujet. Il nous semble donc primordial d'en discuter en commission des travaux.
Nous sommes aujourd'hui invités à nous pencher et à nous prononcer sur des objets concernant les procédures d'attribution des marchés publics dans le cadre du CEVA. Je tiens à dire en préambule que ces procédures AIMP s'inscrivent dans le cadre des accords de l'OMC. Souhaitez-vous rompre ces accords ? Pour nous, avec plaisir. Pourquoi pas ? Chiche ! Il est d'ailleurs croustillant de constater que le propriétaire de Stadler - l'entreprise pressentie pour assurer le matériel roulant - n'est autre qu'un UDC qui siège - ou qui siégeait jusqu'à il y a peu de temps - au Conseil national. Une motion de l'UDC, donc, qui s'attaque à l'un de ses représentants UDC à Berne !
M. Christo Ivanov. Et alors ? (Commentaires.)
Mme Lisa Mazzone. Plus précisément concernant la motion de M. Lussi, il y a une expression qui est symptomatique du refus de construire notre région ensemble, de dépasser les frontières pour considérer davantage les limites topographiques et le bassin de vie. Il s'agit de la mention «subsidiairement en Suisse». Ainsi, pour l'UDC, il est préférable d'installer le centre d'entretien des trains dans le Gros-de-Vaud plutôt qu'au bord de notre frontière, puisqu'il se trouverait du côté français ! Pourtant, construire la région, cela signifie également rééquilibrer la répartition des habitations et des emplois dans notre agglomération pour réduire les besoins de mobilité qui dégradent tant la qualité de vie des Genevoises et Genevois dans l'ensemble du canton. Ce rééquilibrage passe aussi par la création d'emplois sur sol français. Ce seront autant de frontaliers en moins qui traverseront la frontière. Voilà de quoi séduire les bancs d'en face ! Construire l'agglomération, c'est également reconnaître l'investissement de l'Etat français, qui finance près de la moitié des rames du CEVA et a aussi par conséquent le droit de bénéficier des retombées de ce marché sur l'économie. Cela étant, nous accepterons le renvoi de ces différents textes à la commission des travaux, afin d'éclaircir les différents enjeux dans ce dossier. Enfin, nous tenons à relever la pertinence de la résolution de M. Hiltpold concernant les regroupements de travaux qui ont été faits dans le cadre du second oeuvre. Je laisserai la parole à mon collègue François Lefort à ce sujet. Je vous remercie.
M. Jean-Louis Fazio (S). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste a une tout autre lecture que le Conseil d'Etat sur le report de deux ans de la mise en service du CEVA. En effet, les recours, bien que nous les déplorions, datent de bien avant l'ouverture du chantier. Ils ne peuvent donc pas être invoqués comme excuse pour ce retard. Les sondages géologiques et l'exploration des terrains ont également été étudiés et exécutés bien avant l'ouverture du chantier. C'est donc faire bien peu de cas du travail des ingénieurs et responsables du chantier que de rejeter sur eux la faute d'une partie des dépassements de délais et plus-values. Je prends pour exemple le tunnel du Gothard, long de 57 kilomètres, qui présente davantage de problèmes géologiques que celui de Champel et qui se terminera avec une moins-value, comme cela nous a été annoncé dernièrement.
Le Conseil d'Etat nous mène en bateau, Mesdames et Messieurs les députés ! En effet, il nous semble que le report de deux ans est plutôt à chercher du côté du programme de législature, qui ne vient d'ailleurs toujours pas. On s'ennuie, Messieurs, en commission ! Notre gouvernement s'est aperçu qu'il n'avait plus les liquidités nécessaires pour réaliser les investissements prévus, notamment les prisons. D'où le report de deux ans avec les dépassements annoncés. Le Conseil d'Etat se trouve ainsi acculé, avec une majorité de droite qui pratique, budget après budget, la politique des caisses vides et son dogme de baisses d'impôts perpétuelles. Voilà ! Vous faites payer en nature, chers collègues, aux Genevoises et Genevois deux ans de travaux supplémentaires. Bien entendu, nous soutiendrons le renvoi des quatre objets à la commission des travaux pour étude. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à vous, Monsieur Barrillier. Il reste trois minutes quinze à l'ensemble de votre groupe.
M. Gabriel Barrillier (PLR). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, c'est avec un sentiment mélangé que je m'exprime devant vous ce soir au sujet du CEVA. Il ne s'agit pas de dénoncer les passions qui pourraient encore se développer dans cet hémicycle. Bien sûr, il y a toujours des nostalgiques qui pourront le faire. Vous vous souvenez tous des discussions et des batailles que nous avons eues. Mais je constate que l'utilité, la nécessité de cette infrastructure n'est plus contestée. J'ai un sentiment mélangé parce que je suis un peu surpris, voire déçu, parfois en colère, non pas sur la façon dont le chantier se déroule, mais sur le déroulement général de la concrétisation de ce projet.
Voici la première chose que j'aimerais préciser sur la problématique de la région: parmi les entreprises françaises, dans la première phase d'adjudication qui porte sur 804 millions de francs - il s'agit de travaux spéciaux, de travaux de gros oeuvre - il y avait six groupes. Un des groupes - le groupe 4, consortium piloté par l'entreprise Vinci - a reçu une adjudication pour 319 millions. C'est donc le 40% du gros oeuvre pour les travaux spéciaux. C'est beaucoup, et je le souligne spécialement pour dire qu'on a joué le jeu des accords internationaux. On a joué le jeu ! Je rappelle que lors de la rénovation de la ligne des Carpates, qui va à Paris, une entreprise suisse - Implenia, pour ne pas la nommer - avait fait acte de candidature. Elle n'a pas été retenue, elle a été écartée par une simple lettre de trois à quatre lignes. Ici - disons-le tout nettement à l'adresse de nos amis français - on a joué le jeu des accords internationaux. En effet, 320 millions, ce n'est pas rien ! C'est la raison pour laquelle - et c'est pour cela que je le rappelle - nous pouvons insister, dans la deuxième phase de soumission qui va porter sur le reste... Sur 830 millions, il y en a à peu près pour 700 millions de travaux. Nous avons là de bons arguments, sans mettre en danger la paix et la collaboration régionales puisque, encore une fois, jusqu'à maintenant, l'adjudication du CEVA a largement profité à certaines entreprises françaises. Maintenant...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Gabriel Barrillier. En trente secondes, j'aimerais attirer l'attention du Grand Conseil sur le fait que les CFF et l'Etat de Genève - mais surtout les CFF - ont une position quasiment monopolistique ! C'est un monopsone, un monopole de la demande, avec l'Etat de Genève qui paie le 40%. L'expérience montre qu'il est toujours très difficile de négocier avec les CFF.
Pour terminer, j'aimerais souhaiter que l'on ne reçoive pas un rapport sur la situation au 31 décembre 2013 daté du 27 mars alors que, trois jours plus tard, nous apprenions tous que le délai serait reporté de deux ans ! Il y aura sans doute - je ne veux pas tirer de plans sur la comète - un risque de dépassement. Je demande au Conseil d'Etat, au ministre qui est en charge de ce dossier, de serrer les choses, de nous tenir au courant...
Le président. Il vous faut conclure, s'il vous plaît.
M. Gabriel Barrillier. ...afin qu'on puisse éviter des surprises qui nous mettront à mal avec nos électeurs et nos citoyens.
Mme Salika Wenger (EAG). Chers collègues, les procédures d'AIMP ont été plébiscitées par la droite. Vous adoriez ça ! Vous étiez sûrs que c'était le meilleur moyen de travailler, probablement avec le fantasme que... (Remarque.) Pardon ? Oui, tout à fait ! Un orgasme, dit-il. Vous aviez probablement la certitude que les entreprises genevoises travailleraient, et travailleraient plus. Je comprends bien cette espérance. Néanmoins, à l'époque déjà, nous savions que ce ne serait pas le cas, que les entreprises - en tout cas certaines entreprises du bâtiment dans notre canton - ne seraient pas de taille à régater avec les grandes sociétés internationales et transnationales que sont par exemple Vinci ou Bouygues. Il y a donc eu un processus très simple. On a fait un appel d'offres. D'ailleurs, j'aimerais bien avoir le texte de l'appel d'offres sous les yeux, parce que je ne l'ai jamais vu; peut-être le connaissez-vous, mais le citoyen lambda ne sait pas comment il a été fait. Les entreprises ont donc soumissionné. Bien évidemment, elles ont soumissionné en dessous du prix, ce que vous et moi aurions également fait pour avoir le marché. Cela me paraît évident, c'est normal. Mais cette même entreprise qui a obtenu le marché est aujourd'hui capable d'analyser le véritable coût de ce chantier, et est en train de nous inventer des raisons pour justifier un retard. En réalité, ce n'est pas un retard qu'elle est en train de justifier: ce qu'elle veut justifier, c'est le fait qu'elle a soumissionné en dessous du véritable coût. Et elle veut nous faire payer cette situation ! J'aimerais bien savoir quel a été l'appel d'offres et sur quels critères le chantier a été octroyé à cette grande entreprise, que je nomme très clairement: il s'agit de Vinci. En fait, j'ai l'impression qu'on se retrouve dans la même situation que pour le tunnel de Vésenaz. On nous dit de ne pas nous inquiéter, que ce ne sera pas très cher, et l'on se retrouve au bout du compte avec un tunnel qui coûte trois fois plus cher. Dans le cas présent, on est un peu dans la même situation.
Je comprends bien - je le comprends même très bien - que les bancs de droite trouvent qu'ils ont été grugés. Pour ce dont je parle maintenant, à savoir le béton strictement, on peut dire qu'on s'est fait gruger, que le Conseil d'Etat n'a pas vraiment bien fait son boulot, mais qu'on va maintenant se tourner vers le second oeuvre. Or, ce sera la même chose ! C'est-à-dire que quand on va nous présenter, une fois encore... C'est la politique du «moins dix ans» que nous sommes en train de payer. Pour toutes les propositions qui sont faites, on choisit le «moins dix ans». Et ensuite, on est stupéfait de constater - l'humanité étant une et la même partout - que nous avons tout simplement été bluffés ! On va se faire bluffer encore une fois !
J'entends bien que vous ayez envie de voir revenir au sein de notre canton toute une partie des travaux et du... (Remarque.) Pardon ? (L'oratrice rit.) Il est infernal ! Je comprends bien que vous ayez envie de faire revenir au sein du canton une partie du travail à réaliser et de faire travailler les entreprises de notre canton. C'est très bien. Sauf que c'est vous, à droite, qui avez mené toute cette politique permanente visant à payer moins cher. Aujourd'hui, effectivement, le travail est moins cher en France. C'est dommage, mais c'est un peu trop tard maintenant. Alors on va demander au Conseil d'Etat de faire en sorte que ça s'arrange, que ce soit un peu mieux, on va lui renvoyer une motion - sachant tous qu'une motion ne sert strictement à rien du tout, puisqu'elle n'est pas contraignante - on va lui dire notre mauvaise humeur. Il n'empêche qu'au moment de prendre la décision qui était la décision la plus importante, à savoir tout au début du chantier, le Conseil d'Etat a pris la mauvaise décision.
Le président. Il vous reste trente secondes, Madame.
Mme Salika Wenger. Oui. Aujourd'hui, nous payons le prix de cette mauvaise décision, mais sans en connaître encore le coût. Et ça, j'aimerais bien le savoir !
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, une fois n'est pas coutume, le groupe MCG va vous faire un cadeau à la sortie de cette séance plénière, dans quinze minutes. Nous allons vous offrir, à choix, soit une boîte de Kleenex soit un pot de vaseline. Cela étant dit... (Brouhaha. Commentaires.) Après, vous en faites l'usage que vous voulez, bien entendu ! Chacun est libre de les utiliser comme il se doit ! Cela étant dit, Mesdames et Messieurs les députés, le MCG, qui est l'un des rares groupes à s'être opposé au chantier du siècle, parce que nous ne faisions pas confiance, à l'époque, au gouvernement qui nous avait menti - on l'a dit depuis le début ! - apprend aujourd'hui - et on le trouve actuellement sur tous les sites des médias - que le président du Conseil d'Etat, qui était en charge de la communication, a volontairement caché des informations sur les retards du CEVA pendant les élections de l'automne dernier. Que dire ? Que nous avons un conseiller d'Etat, président du Conseil d'Etat, qui est un menteur, qui manipule l'opinion publique ? Ou qu'il ne voulait peut-être pas qu'un Mauro Poggia accède au Conseil d'Etat, puisque cela a été le fer de lance du MCG pour combattre le chantier du CEVA ? En tout cas, la mission est ratée pour ce conseiller d'Etat, puisque Mauro Poggia a été brillamment élu au poste de ministre de la République et canton de Genève. Et le MCG a fait 20 députés ! Le MCG aurait pu faire 23 ou 24 députés ! Mesdames et Messieurs, nous entendons aujourd'hui les milieux économiques venir crier au scandale quant aux lots d'attribution du chantier du CEVA. Je l'ai pourtant dit dans cet hémicycle: est-ce que vous imaginez, Mesdames et Messieurs, que les entreprises genevoises ou suisses sont de taille à lutter contre des groupes comme Vinci ?
Une voix. Oui !
M. Eric Stauffer. Oui, bien sûr ! La preuve ! La preuve, Mesdames et Messieurs, c'est que les attributions ont été faites à ces grands groupes qui ont une puissance de tir absolument inouïe. Aujourd'hui, il y a d'un côté le Conseil d'Etat qui nous vend la région à outrance, parce que c'est bien pour les retombées économiques. Mais quand on rentre dans le concret, on a de l'autre côté les milieux économiques qui disent: «Sur les attributions de 804 millions, il y en a déjà 319 qui sont partis. Pour le second oeuvre non spécial, on aimerait bien que nos PME puissent travailler.» Que voulez-vous dire, Mesdames et Messieurs des milieux économiques ? Qu'il faut maintenant courber les AIMP, courber la loi, influencer le gouvernement ? (Commentaires.) Non ? On va jouer quoi, la concurrence ?
Mesdames et Messieurs, je vous le dis: ce CEVA a été un oreiller de paresse, le tracé a été fait en 1902 ou 1903, alors qu'il n'y avait pas encore de routes. Il s'agissait de relier deux systèmes ferroviaires. Le Conseil d'Etat s'est jeté là-dessus parce qu'il y avait une subvention fédérale. Aujourd'hui, ce sera plus d'un milliard de suppléments qu'il faudra compter dans le cadre du CEVA. Et encore, et encore ! Vous continuez à plébisciter cette espèce de pseudo-mobilité douce ! Mais quand Genève aura fait faillite entre la gauche qui s'évertue à tuer l'économie et la droite qui est obnubilée par ces prétendus chantiers qui doivent engendrer des retombées pour les entreprises locales, on aura fini l'équation ! Et je pense que le MCG finira avec 40 députés, peut-être même avec cinq conseillers d'Etat ! (Exclamations.) Mais oui, continuez, Mesdames et Messieurs ! (Brouhaha.) Qui l'a dit dans cet hémicycle ? Qui s'est toujours battu contre le CEVA ? Et qui a menti au peuple ?
Une voix. Le MCG !
M. Eric Stauffer. Alors oui, tel un Emile Zola, j'accuse ce soir le gouvernement d'avoir menti à la population ! J'accuse ce soir le conseiller d'Etat d'avoir volontairement omis de donner des informations durant les élections ! C'est un mensonge, c'est grave, Mesdames et Messieurs ! Pour moi, c'est un parjure ! Pour moi, les élections ont été faussées ! (Exclamations. Brouhaha.) Eh oui ! Mais, encore une fois, le peuple saura reconnaître les siens lors des municipales. Si les corrections que la population vous a données en 2005, 2009 et 2013 ne vous suffisent pas, je vous donne rendez-vous en 2018, Mesdames et Messieurs ! Nous verrons bien qui va progresser et qui va chuter. La vérité est là. Aujourd'hui, nous exigeons du Conseil d'Etat une vision claire de ce que va coûter le supplément du CEVA. Nous savons d'ores et déjà que l'exploitation par les CFF prévoit plus de 50 millions de déficit par année.
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur.
M. Eric Stauffer. Je vais conclure. Qui va financer ces 50 millions ? Votre politique irresponsable a consisté à ériger un ouvrage pharaonique qui n'était pas nécessaire ! Nous aurions fait un métro à Genève, qui reliait les grandes communes suburbaines, voilà qui aurait été intelligent !
Le président. Il vous faut conclure, s'il vous plaît.
M. Eric Stauffer. Je conclus. Je vous dis simplement que la population saura reconnaître ceux qui ne lui ont pas menti !
Le président. Merci, Monsieur le député. (Quelques applaudissements.) La parole est à M. le député François Lefort, à qui il reste deux minutes trente-cinq.
M. François Lefort (Ve). Merci, Monsieur le président. Nous, les Verts, ne sommes pas dans la confusion pleurnicharde. Désolé, Monsieur Buchs ! Certes, les débuts du CEVA ont été difficiles. On sait à qui on le doit. Les travaux ont commencé, et il y aura certainement de nouvelles difficultés. Mais ces difficultés techniques ont des solutions, et nous ne sommes pas inquiets. Il n'y a aucune raison d'arrêter les travaux. Par contre, nous sommes alarmés par ce qu'évoque la proposition de résolution 760. Nous sommes alarmés par une situation surprenante, peut-être pas encore illégale, mais pas courante pour autant. C'est ce que raconte cette résolution qui sème le doute sur l'appel d'offres du second oeuvre. Car qui dit entreprise globale dit forcément sous-traitance. La diversité des métiers requis dans les lots ainsi découpés dans l'appel d'offres obligera forcément à la sous-traitance. Une sous-traitance qui a souvent deux conséquences aussi graves que néfastes: d'abord, la pression sur les prix des marchés alloués aux entreprises sous-traitantes, donc la pression sur les salaires des employés de ces entreprises sous-traitantes, donc un recours à la sous-enchère salariale pour pouvoir finalement obtenir le marché. Ensuite - et c'est un corollaire - la baisse de qualité des matériaux, donc la moindre qualité des travaux délivrés à la fin. Il est fort possible d'arriver, par cette technique de découpe des lots telle que mentionnée dans la R 760, à l'objectif inverse du but recherché par l'accord AIMP, qui est l'utilisation parcimonieuse des ressources publiques dans un cadre transparent d'appel d'offres. Les Verts soutiendront donc le renvoi de cette résolution directement au Conseil d'Etat, afin qu'il soit chargé de transmettre rapidement aux CFF la demande principale de la résolution, à savoir obtenir l'interruption immédiate de la procédure d'appel d'offres. Cela est possible, et cela est nécessaire pour revenir à une procédure d'appel d'offres à même de remplir les objectifs de transparence et d'économies d'un appel d'offres AIMP.
Enfin, nous profitons de ce débat pour rappeler les engagements du Conseil d'Etat qui, il n'y a pas très longtemps, nous avait fait un rapport sur une motion parlant d'écologie industrielle.
Le président. Il vous faut conclure, s'il vous plaît.
M. François Lefort. Ses engagements étaient une révision de la directive sur les choix de matériaux de construction, ainsi qu'une révision des appels d'offres pour les marchés publics, cela afin de forcer à l'utilisation de matériaux recyclés, locaux, et en particulier du béton recyclé. C'est ce que nous voulons voir aussi dans les futurs appels d'offres, et nous serons attentifs à ce que ces engagements y soient respectés.
Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, il est presque 19h et il reste encore beaucoup d'inscrits. Je lève la séance. Nous reprendrons nos débats à 20h30.
Fin du débat: Session 7 (avril 2014) - Séance 45 du 11.04.2014
Le projet de loi 10152 est retiré par ses auteurs.
La séance est levée à 18h55.