République et canton de Genève

Grand Conseil

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M 2142
Proposition de motion de Mmes et MM. François Lefort, Anne Mahrer, Sophie Forster Carbonnier, Miguel Limpo, Brigitte Schneider-Bidaux, Emilie Flamand, Catherine Baud, Esther Hartmann, Hugo Zbinden pour économiser la zone agricole : densifions avant de déclasser
Ce texte figure dans le «Recueil des objets déposés et non traités durant la 57e législature».

Débat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous abordons la motion 2142. Je passe la parole à son auteur, M. Lefort.

M. François Lefort (Ve). Merci, Monsieur le président. Nous avons récemment abondamment parlé de la sauvegarde des terres agricoles dans le cadre de la campagne sur la loi de densification. Nous allons en reparler fréquemment, parce que pour certains groupes, ici, ces terres doivent être protégées de la destruction - car c'est bien de destruction dont on parle. Les plans directeurs cantonaux 2015 et 2030 ont pour conséquence le déclassement d'environ 900 hectares de zone agricole. Actuellement, c'est quoi, la zone agricole ? Il y a environ 12 500 hectares de zone agricole, mais il n'y en a pas plus de 10 000 qui sont réellement cultivés; ce sont les surfaces agricoles utiles. Concernant ces 10 000 hectares, une petite précision pour les ennemis du grand Genève: il y a déjà plus de 1000 hectares de surface agricole utile qui se trouvent en France. Le delta entre la surface agricole utile et la zone agricole, ce n'est plus de la zone agricole; c'est de l'autoroute, ce sont des parkings, ce sont des parcs de grandes propriétés privées, non exploités. Et ces chiffres sont basés sur les déclarations annuelles des agriculteurs envoyées à la DGA.

Concernant les surfaces d'assolement, il semblerait que nous soyons déjà en dessous du quota fédéral de 8400 hectares qui est fixé par ordonnance, et qui a pour but de protéger les terres cultivables et d'assurer... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...un support à la production de nourriture locale. Or, les conséquences du plan directeur cantonal feront qu'à l'horizon 2030, ce quota sera absolument enfoncé: nous serons aux environs de 7900 hectares de SDA, si tout ce qui est planifié est réalisé. Et ce sont bien sûr ces SDA qui seront le plus mises à contribution.

Alors nous avons aujourd'hui encore la possibilité d'économiser le sol et de protéger des sols qui seraient irrémédiablement perdus autrement. Cette possibilité, elle passe par l'optimisation des grandes surfaces qui ont déjà été déclassées avant de procéder à de nouveaux déclassements, donc par une orientation de l'aménagement sur une échelle temporelle. Et c'est ce que proposent les deux premières invites de cette motion, qui demandent au Conseil d'Etat de donner la priorité à l'urbanisation des zones déjà déclassées et de ne pas proposer de nouveaux projets de déclassement de zones agricoles, pour des zones d'ailleurs supérieures à 10 hectares... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...tant que ce qui a été déclassé n'a pas été utilisé et n'a pas fait l'objet de conventions qui lient les propriétaires, qui définissent les prix, les droits à bâtir, les espaces publics et les autorisations de construire. (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît, un peu de silence !

M. François Lefort.  Ça, c'est une méthode pour assurer que les buts des déclassements qui ont été accomplis soient atteints, c'est-à-dire qu'on puisse construire des logements dans un temps plus court. C'est ce que propose cette motion, pour réellement construire plus rapidement. Parce que cette construction de logements est une nécessité et que le plan directeur cantonal 2030 propose des directions d'aménagement, il est probable, bien sûr, que la zone agricole ne puisse pas être sanctuarisée au sens de la motion de M. Leyvraz.

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député !

M. François Lefort. Merci ! La troisième invite propose ensuite de densifier la zone à bâtir par voie de projet de loi de déclassement de surface équivalente au déclassement de la zone agricole. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'il faut permettre le déclassement avec contrepartie; il n'y a aucune raison que l'on déclasse d'abord la zone agricole et ensuite la zone à bâtir. Pratiquée ainsi, c'est sûr que la densification n'aura pas lieu dans la zone agricole avant d'avoir lieu dans les autres zones. Au vu de ces explications, nous vous serions reconnaissants, Mesdames et Messieurs... (Brouhaha.) ...de renvoyer directement cette motion au Conseil d'Etat.

Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, s'il vous plaît, j'aimerais bien avoir assez de silence pour qu'on puisse écouter les orateurs ! La parole est à Mme la députée Martine Roset.

Mme Martine Roset (PDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, quelques faits: la terre n'est pas un bien renouvelable; manger est aussi utile à l'être humain que boire ou respirer; l'espace ouvert est un ingrédient indispensable à la qualité de vie. C'est pourquoi il est plus qu'urgent de s'inquiéter de l'avenir de notre zone agricole. On se doit d'être imaginatif. (Brouhaha.) Cette motion propose des pistes intéressantes, non seulement pour économiser la zone agricole mais aussi pour construire plus rapidement ce qui est constructible, notamment: travailler en amont avec tous les propriétaires, dialoguer, écouter les souhaits de chacun, et surtout, établir des péréquations financières, des échéanciers et s'assurer que de l'intention aux actes, la densification s'effectue. Sur combien de périmètres on promet, au moment du déclassement, x logements, et au final seule la moitié d'entre eux sont construits ? Cela revient à déclasser plus loin... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...pour obtenir le même nombre de logements. Bref, cette motion a le grand mérite de nous offrir des solutions. C'est pourquoi le groupe PDC demande le renvoi à la commission de l'aménagement afin d'étudier ces dernières.

Le président. Merci, Madame la députée. Je ferai voter votre demande à la fin du débat. La parole est à M. le député Christian Dandrès.

M. Christian Dandrès (S). Je vous remercie, Monsieur le président. Les socialistes comprennent l'intention des motionnaires comme une volonté de ne pas gaspiller des terrains. Il s'agit naturellement d'un souci légitime, mais la proposition qui est faite avec cette motion est complexe et pourrait porter un coup dur à la lutte contre la pénurie de logements. Parce qu'en somme, ce qu'on peut lire entre les lignes, c'est que tant que les Cherpines ne seront pas construites, il ne serait pas possible de déclasser d'autres terrains en zone de développement; c'est une logique qui paraît difficilement acceptable. M. Lefort et les motionnaires savent le temps qu'il faut pour déclasser, pour réaliser les potentiels de logements que représentent les parcelles dont nous parlons en commission, et donc il faut pouvoir travailler à la fois avec des déclassements de zones villas et à la fois avec des déclassements de zones agricoles. La troisième invite prévoit en outre un mécanisme d'automaticité qui, en fait, entrave aussi toute discussion politique; parce qu'on peut avoir, notamment avec le développement d'axes de transports publics, intérêt à déclasser de la zone agricole, et cette opportunité-là ne serait pas saisissable dans la mesure où l'équivalent en zone villas ne serait pas déclassable immédiatement. C'est donc un principe qui risque de porter le coup de grâce à la politique que le Conseil d'Etat essaie de mener, soutenu par le Grand Conseil, et c'est la raison pour laquelle les socialistes ne soutiendront pas cette motion.

Néanmoins, il y a un élément à décharge des motionnaires: la LAT a été modifiée, le plan directeur cantonal a été adopté, et cette motion a été proposée avant le plan directeur cantonal. Il s'agirait donc peut-être de mettre en perspective les propositions des motionnaires avec ce que nous avons voté en plénière du Grand Conseil l'année dernière. Raison pour laquelle les socialistes, en gardant toutefois un regard très critique, accepteront le renvoi de cette motion à la commission d'aménagement.

M. Eric Leyvraz (UDC). Mesdames et Messieurs, nous avons, au point 100 de l'ordre du jour, la motion 1951 que j'avais déposée à la commission de l'environnement. Cette motion, après modification, a été acceptée par l'ensemble de la commission, donc tous les groupes étaient d'accord. C'est une motion qui demande la protection de 9000 hectares de terres agricoles. (Brouhaha.) Nous avons enfin compris, je pense - et ce n'était pas le cas il y a dix ans - que notre sol n'était pas extensible, que cette terre agricole était précieuse, et qu'il était temps de la protéger parce que nous arrivions à des limites physiques de territoire, ce que nous n'avions, dans le fond, jamais connu au cours de notre histoire; quand on voulait s'agrandir, il suffisait de prendre sur la terre agricole et le problème était réglé.

M. Lefort avait aussi présenté son projet - qui correspond à cette motion 2142 - lors de discussions au sein de la commission de l'environnement, mais la commission avait décidé de ne pas mélanger le fond, c'est-à-dire la protection de 9000 hectares et les différentes possibilités d'y arriver. C'est pour cela que nous lui avions demandé de refaire une motion, différente. Elle est arrivée, elle est très intéressante, et je pense que c'est nécessaire d'en discuter à la commission de l'aménagement. Le groupe UDC demande donc le renvoi de cette motion, qui a toute sa valeur, à la commission de l'aménagement.

M. Benoît Genecand (PLR). Mesdames et Messieurs, le groupe PLR soutient le renvoi à la commission de l'aménagement. Ce sera l'occasion de discuter sur le fond de cette motion. On peut quand même regretter qu'une motion comme celle-là intervienne à un moment aussi proche de l'élaboration d'un plan directeur cantonal, qui a constitué une occasion d'approfondir toutes ces questions et notamment la question de la zone agricole. On peut également s'interroger sur la compatibilité d'une telle relecture de la zone agricole avec l'objectif qui devrait rester l'objectif principal, celui de construire 2500 logements par année. Mais je ne ferai pas plus long parce qu'il est tôt, c'est le matin, et on aura tout le temps en commission pour en discuter.

M. Jean-François Girardet (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, le groupe MCG soutiendra le renvoi de cette motion à la commission de l'aménagement. Il est entièrement d'accord avec les premières invites: la zone agricole... (Brouhaha.) ...doit être protégée et mérite de l'être. On sait que les surfaces d'assolement sont en péril puisque la Confédération nous impose 8400 hectares et qu'on est en train de passer en dessous de cette limite; il s'agit de prendre des mesures urgentes. Nous souscrivons donc aux premières invites. Par contre, à l'instar de ce qui a été dit par le député Dandrès, du parti socialiste, nous avons des doutes quant à la troisième invite et au fait qu'elle puisse contribuer à une construction rapide. Genève a besoin de logements, et si on conditionne le futur déclassement de la zone agricole à un déclassement équivalent de la zone villas... (Brouhaha.) ...vous voyez dès à présent toutes les oppositions qui vont s'élever, avec l'inconvénient aussi de voir ces zones villas transformées en zones de développement et de faire fuir tous les propriétaires de ces zones villas en France voisine et dans le canton de Vaud. Donc pour toutes ces raisons, nous demandons que cette motion soit étudiée à la commission de l'aménagement, et nous vous invitons à soutenir ce renvoi.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Stéphane Florey, à qui il reste une minute et vingt-cinq secondes.

M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. En deux mots, j'aimerais juste dire que finalement, après consultation de mes collègues, nous trouvons dommage que cette motion ne mentionne pas également la zone villas, qui subit aussi d'énormes pressions. Le principe est le même: on voit qu'il y a bon nombre de quartiers en zone villas qui ont été déclassés en zone de développement, on continue à déclasser de la zone villas... (Brouhaha.) ...et on ne construit rien sur les secteurs qui sont déjà déclassés en zone de développement ! Alors sur ce principe, nous trouvons dommage que cette motion n'intègre pas la zone villas. Mais puisque ce texte sera renvoyé en commission, peut-être que mon collègue Eric Leyvraz saisira cette opportunité pour proposer un amendement dans ce sens. Je vous remercie.

M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je partage très largement la préoccupation des motionnaires, mais les invites sont extrêmement problématiques pour le développement et le progrès des grands projets que nous avons lancés dans le cadre du plan directeur cantonal. Je me réjouis donc d'approfondir ces questions avec vous, en commission.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je mets donc aux voix la demande de renvoi de cette motion à la commission de l'aménagement.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2142 à la commission d'aménagement du canton est adopté par 70 oui (unanimité des votants).