République et canton de Genève

Grand Conseil

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La séance est ouverte à 8h, sous la présidence de M. Antoine Droin, président.

Assistent à la séance: Mme et MM. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, Pierre Maudet, Anne Emery-Torracinta, Serge Dal Busco, Mauro Poggia et Antonio Hodgers, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Pendant que vous vous asseyez, je vous souhaite une bonne journée !

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: M. Luc Barthassat, conseiller d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Olivier Baud, Beatriz de Candolle, Edouard Cuendet, Jean-Louis Fazio, Emilie Flamand-Lew, Nathalie Fontanet, Philippe Joye, Guy Mettan, Cyril Mizrahi, Philippe Morel, Salima Moyard, Romain de Sainte Marie, Lydia Schneider Hausser, Ivan Slatkine, Pierre Weiss et Daniel Zaugg, députés.

Députés suppléants présents: Mmes et MM. Christophe Aumeunier, Alexis Barbey, Pierre Gauthier, Delphine Klopfenstein Broggini, Jean-Charles Lathion, Marion Sobanek, Nicole Valiquer Grecuccio, Georges Vuillod et Yvan Zweifel.

Discussion et approbation de l'ordre du jour

Le président. Nous avons une demande de la commission législative pour l'ajout et l'urgence de la proposition de résolution 759 qui concerne une rectification matérielle apportée à la loi 11150 modifiant la loi sur la surveillance de l'Etat. Il s'agit donc de voter l'ajout et l'urgence à une majorité des deux tiers.

Mis aux voix, l'ajout à l'ordre du jour de la proposition de résolution 759 est adopté par 51 oui (unanimité des votants).

Mis aux voix, le traitement en urgence de la proposition de résolution 759 est adopté par 60 oui (unanimité des votants).

Le président. Cette résolution sera donc traitée après les points votés en urgence la dernière fois.

Correspondance

Le président. Vous avez trouvé sur vos places l'énoncé de la correspondance reçue par le Grand Conseil. Cet énoncé figurera au Mémorial.

Rapports d'activité 2013 de la Commission administrative et du secrétariat des Fondations immobilières de droit public, ainsi que des Fondations HBM J. Dutoit, C. Martin, E. Kammacher, E. Dupont et R.K. Block (copie transmise à la Commission du logement). (C-3320)

Courrier du Conseil participatif de la Faculté d'Economie et de Management de l'Université de Genève concernant l'interpellation au Grand Conseil - Université de Genève, Faculté d'Economie et Management (voir QUE 171) (C-3321)

Lettre de la présidence du Grand Conseil, du 21 mars 2014, à M. DEVAUD Daniel, à propos de ses courriers des 2 et 8 mars 2014 (P/11427/2013 - violation du secret de fonction) (voir C3317). (C-3322)

Lettre du Procureur général, du 21 mars 2014, au Président du Grand Conseil à propos de la plainte pénale déposée par le Grand Conseil pour violation du secret de fonction (voir C3315 et C3316). (C-3323)

Arrêt du Tribunal fédéral, du 4 mars 2014, déclarant irrecevable le recours déposé par M. MERCUN Janez contre la loi 11123 déclarant d'utilité publique la réalisation d'un plan localisé de quartier situé sur le territoire de la commune de Genève, section Petit-Saconnex, promulguée le 24 juillet 2013 (transmis à la commission du logement) (voir C3265, C3268, C3271, C3277, C3293 et C3297). (C-3324)

Lettre de M. DEVAUD Daniel, du 22 mars 2014, à propos de l'ordonnance de classement rendue à son encontre le 10 mars 2014 (voir C3301). (C-3325)

M. Pierre Vanek (EAG). Monsieur le président, j'aimerais demander l'inscription au Mémorial du point de correspondance C 3325, qui est une lettre de M. Daniel Devaud... (Exclamations. Rires.) ...concernant une affaire qui mérite votre intérêt ! Je ne vais pas demander qu'on vous en inflige la lecture...

Le président. Merci, Monsieur le député.

M. Pierre Vanek. ...mais je demande à chacun de la lire !

Le président. Merci, Monsieur le député. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien, il en sera donc fait ainsi.

Courrier 3325

Annonces et dépôts

Le président. La parole est à M. Pascal Spuhler. (Brouhaha. Remarque.) Très bien, merci, alors allez-y, Monsieur Voumard.

M. Jean-Marie Voumard (MCG). Merci, Monsieur le président. Vous êtes allé très vite ce matin, et je n'ai pas eu le temps de vous annoncer que le MCG retirait le projet de loi 11144. (Remarque.)

Le président. Très bien, il en est pris acte, merci, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, nous passons au premier point... Non, Monsieur Dandrès, vous avez la parole.

M. Christian Dandrès (S). Oui, j'avais demandé la parole, Monsieur le président, je vous remercie de me la donner. Le groupe socialiste reprend le projet de loi MCG 11144. Le rapport concernant ce dernier est la troisième de nos urgences. (Brouhaha.)

Le président. Ce point va donc rester dans les urgences, merci, Monsieur le député.

M. Christian Dandrès. Oui, merci.

M 2142
Proposition de motion de Mmes et MM. François Lefort, Anne Mahrer, Sophie Forster Carbonnier, Miguel Limpo, Brigitte Schneider-Bidaux, Emilie Flamand, Catherine Baud, Esther Hartmann, Hugo Zbinden pour économiser la zone agricole : densifions avant de déclasser
Ce texte figure dans le «Recueil des objets déposés et non traités durant la 57e législature».

Débat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous abordons la motion 2142. Je passe la parole à son auteur, M. Lefort.

M. François Lefort (Ve). Merci, Monsieur le président. Nous avons récemment abondamment parlé de la sauvegarde des terres agricoles dans le cadre de la campagne sur la loi de densification. Nous allons en reparler fréquemment, parce que pour certains groupes, ici, ces terres doivent être protégées de la destruction - car c'est bien de destruction dont on parle. Les plans directeurs cantonaux 2015 et 2030 ont pour conséquence le déclassement d'environ 900 hectares de zone agricole. Actuellement, c'est quoi, la zone agricole ? Il y a environ 12 500 hectares de zone agricole, mais il n'y en a pas plus de 10 000 qui sont réellement cultivés; ce sont les surfaces agricoles utiles. Concernant ces 10 000 hectares, une petite précision pour les ennemis du grand Genève: il y a déjà plus de 1000 hectares de surface agricole utile qui se trouvent en France. Le delta entre la surface agricole utile et la zone agricole, ce n'est plus de la zone agricole; c'est de l'autoroute, ce sont des parkings, ce sont des parcs de grandes propriétés privées, non exploités. Et ces chiffres sont basés sur les déclarations annuelles des agriculteurs envoyées à la DGA.

Concernant les surfaces d'assolement, il semblerait que nous soyons déjà en dessous du quota fédéral de 8400 hectares qui est fixé par ordonnance, et qui a pour but de protéger les terres cultivables et d'assurer... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...un support à la production de nourriture locale. Or, les conséquences du plan directeur cantonal feront qu'à l'horizon 2030, ce quota sera absolument enfoncé: nous serons aux environs de 7900 hectares de SDA, si tout ce qui est planifié est réalisé. Et ce sont bien sûr ces SDA qui seront le plus mises à contribution.

Alors nous avons aujourd'hui encore la possibilité d'économiser le sol et de protéger des sols qui seraient irrémédiablement perdus autrement. Cette possibilité, elle passe par l'optimisation des grandes surfaces qui ont déjà été déclassées avant de procéder à de nouveaux déclassements, donc par une orientation de l'aménagement sur une échelle temporelle. Et c'est ce que proposent les deux premières invites de cette motion, qui demandent au Conseil d'Etat de donner la priorité à l'urbanisation des zones déjà déclassées et de ne pas proposer de nouveaux projets de déclassement de zones agricoles, pour des zones d'ailleurs supérieures à 10 hectares... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...tant que ce qui a été déclassé n'a pas été utilisé et n'a pas fait l'objet de conventions qui lient les propriétaires, qui définissent les prix, les droits à bâtir, les espaces publics et les autorisations de construire. (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît, un peu de silence !

M. François Lefort.  Ça, c'est une méthode pour assurer que les buts des déclassements qui ont été accomplis soient atteints, c'est-à-dire qu'on puisse construire des logements dans un temps plus court. C'est ce que propose cette motion, pour réellement construire plus rapidement. Parce que cette construction de logements est une nécessité et que le plan directeur cantonal 2030 propose des directions d'aménagement, il est probable, bien sûr, que la zone agricole ne puisse pas être sanctuarisée au sens de la motion de M. Leyvraz.

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député !

M. François Lefort. Merci ! La troisième invite propose ensuite de densifier la zone à bâtir par voie de projet de loi de déclassement de surface équivalente au déclassement de la zone agricole. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'il faut permettre le déclassement avec contrepartie; il n'y a aucune raison que l'on déclasse d'abord la zone agricole et ensuite la zone à bâtir. Pratiquée ainsi, c'est sûr que la densification n'aura pas lieu dans la zone agricole avant d'avoir lieu dans les autres zones. Au vu de ces explications, nous vous serions reconnaissants, Mesdames et Messieurs... (Brouhaha.) ...de renvoyer directement cette motion au Conseil d'Etat.

Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, s'il vous plaît, j'aimerais bien avoir assez de silence pour qu'on puisse écouter les orateurs ! La parole est à Mme la députée Martine Roset.

Mme Martine Roset (PDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, quelques faits: la terre n'est pas un bien renouvelable; manger est aussi utile à l'être humain que boire ou respirer; l'espace ouvert est un ingrédient indispensable à la qualité de vie. C'est pourquoi il est plus qu'urgent de s'inquiéter de l'avenir de notre zone agricole. On se doit d'être imaginatif. (Brouhaha.) Cette motion propose des pistes intéressantes, non seulement pour économiser la zone agricole mais aussi pour construire plus rapidement ce qui est constructible, notamment: travailler en amont avec tous les propriétaires, dialoguer, écouter les souhaits de chacun, et surtout, établir des péréquations financières, des échéanciers et s'assurer que de l'intention aux actes, la densification s'effectue. Sur combien de périmètres on promet, au moment du déclassement, x logements, et au final seule la moitié d'entre eux sont construits ? Cela revient à déclasser plus loin... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...pour obtenir le même nombre de logements. Bref, cette motion a le grand mérite de nous offrir des solutions. C'est pourquoi le groupe PDC demande le renvoi à la commission de l'aménagement afin d'étudier ces dernières.

Le président. Merci, Madame la députée. Je ferai voter votre demande à la fin du débat. La parole est à M. le député Christian Dandrès.

M. Christian Dandrès (S). Je vous remercie, Monsieur le président. Les socialistes comprennent l'intention des motionnaires comme une volonté de ne pas gaspiller des terrains. Il s'agit naturellement d'un souci légitime, mais la proposition qui est faite avec cette motion est complexe et pourrait porter un coup dur à la lutte contre la pénurie de logements. Parce qu'en somme, ce qu'on peut lire entre les lignes, c'est que tant que les Cherpines ne seront pas construites, il ne serait pas possible de déclasser d'autres terrains en zone de développement; c'est une logique qui paraît difficilement acceptable. M. Lefort et les motionnaires savent le temps qu'il faut pour déclasser, pour réaliser les potentiels de logements que représentent les parcelles dont nous parlons en commission, et donc il faut pouvoir travailler à la fois avec des déclassements de zones villas et à la fois avec des déclassements de zones agricoles. La troisième invite prévoit en outre un mécanisme d'automaticité qui, en fait, entrave aussi toute discussion politique; parce qu'on peut avoir, notamment avec le développement d'axes de transports publics, intérêt à déclasser de la zone agricole, et cette opportunité-là ne serait pas saisissable dans la mesure où l'équivalent en zone villas ne serait pas déclassable immédiatement. C'est donc un principe qui risque de porter le coup de grâce à la politique que le Conseil d'Etat essaie de mener, soutenu par le Grand Conseil, et c'est la raison pour laquelle les socialistes ne soutiendront pas cette motion.

Néanmoins, il y a un élément à décharge des motionnaires: la LAT a été modifiée, le plan directeur cantonal a été adopté, et cette motion a été proposée avant le plan directeur cantonal. Il s'agirait donc peut-être de mettre en perspective les propositions des motionnaires avec ce que nous avons voté en plénière du Grand Conseil l'année dernière. Raison pour laquelle les socialistes, en gardant toutefois un regard très critique, accepteront le renvoi de cette motion à la commission d'aménagement.

M. Eric Leyvraz (UDC). Mesdames et Messieurs, nous avons, au point 100 de l'ordre du jour, la motion 1951 que j'avais déposée à la commission de l'environnement. Cette motion, après modification, a été acceptée par l'ensemble de la commission, donc tous les groupes étaient d'accord. C'est une motion qui demande la protection de 9000 hectares de terres agricoles. (Brouhaha.) Nous avons enfin compris, je pense - et ce n'était pas le cas il y a dix ans - que notre sol n'était pas extensible, que cette terre agricole était précieuse, et qu'il était temps de la protéger parce que nous arrivions à des limites physiques de territoire, ce que nous n'avions, dans le fond, jamais connu au cours de notre histoire; quand on voulait s'agrandir, il suffisait de prendre sur la terre agricole et le problème était réglé.

M. Lefort avait aussi présenté son projet - qui correspond à cette motion 2142 - lors de discussions au sein de la commission de l'environnement, mais la commission avait décidé de ne pas mélanger le fond, c'est-à-dire la protection de 9000 hectares et les différentes possibilités d'y arriver. C'est pour cela que nous lui avions demandé de refaire une motion, différente. Elle est arrivée, elle est très intéressante, et je pense que c'est nécessaire d'en discuter à la commission de l'aménagement. Le groupe UDC demande donc le renvoi de cette motion, qui a toute sa valeur, à la commission de l'aménagement.

M. Benoît Genecand (PLR). Mesdames et Messieurs, le groupe PLR soutient le renvoi à la commission de l'aménagement. Ce sera l'occasion de discuter sur le fond de cette motion. On peut quand même regretter qu'une motion comme celle-là intervienne à un moment aussi proche de l'élaboration d'un plan directeur cantonal, qui a constitué une occasion d'approfondir toutes ces questions et notamment la question de la zone agricole. On peut également s'interroger sur la compatibilité d'une telle relecture de la zone agricole avec l'objectif qui devrait rester l'objectif principal, celui de construire 2500 logements par année. Mais je ne ferai pas plus long parce qu'il est tôt, c'est le matin, et on aura tout le temps en commission pour en discuter.

M. Jean-François Girardet (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, le groupe MCG soutiendra le renvoi de cette motion à la commission de l'aménagement. Il est entièrement d'accord avec les premières invites: la zone agricole... (Brouhaha.) ...doit être protégée et mérite de l'être. On sait que les surfaces d'assolement sont en péril puisque la Confédération nous impose 8400 hectares et qu'on est en train de passer en dessous de cette limite; il s'agit de prendre des mesures urgentes. Nous souscrivons donc aux premières invites. Par contre, à l'instar de ce qui a été dit par le député Dandrès, du parti socialiste, nous avons des doutes quant à la troisième invite et au fait qu'elle puisse contribuer à une construction rapide. Genève a besoin de logements, et si on conditionne le futur déclassement de la zone agricole à un déclassement équivalent de la zone villas... (Brouhaha.) ...vous voyez dès à présent toutes les oppositions qui vont s'élever, avec l'inconvénient aussi de voir ces zones villas transformées en zones de développement et de faire fuir tous les propriétaires de ces zones villas en France voisine et dans le canton de Vaud. Donc pour toutes ces raisons, nous demandons que cette motion soit étudiée à la commission de l'aménagement, et nous vous invitons à soutenir ce renvoi.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Stéphane Florey, à qui il reste une minute et vingt-cinq secondes.

M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. En deux mots, j'aimerais juste dire que finalement, après consultation de mes collègues, nous trouvons dommage que cette motion ne mentionne pas également la zone villas, qui subit aussi d'énormes pressions. Le principe est le même: on voit qu'il y a bon nombre de quartiers en zone villas qui ont été déclassés en zone de développement, on continue à déclasser de la zone villas... (Brouhaha.) ...et on ne construit rien sur les secteurs qui sont déjà déclassés en zone de développement ! Alors sur ce principe, nous trouvons dommage que cette motion n'intègre pas la zone villas. Mais puisque ce texte sera renvoyé en commission, peut-être que mon collègue Eric Leyvraz saisira cette opportunité pour proposer un amendement dans ce sens. Je vous remercie.

M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je partage très largement la préoccupation des motionnaires, mais les invites sont extrêmement problématiques pour le développement et le progrès des grands projets que nous avons lancés dans le cadre du plan directeur cantonal. Je me réjouis donc d'approfondir ces questions avec vous, en commission.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je mets donc aux voix la demande de renvoi de cette motion à la commission de l'aménagement.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2142 à la commission d'aménagement du canton est adopté par 70 oui (unanimité des votants).

M 2191
Proposition de motion de MM. Jean-Luc Forni, Bertrand Buchs, Philippe Morel, Jean-Marc Guinchard, Vincent Maitre, François Lance, Bernhard Riedweg : Trouvons des alternatives à l'incarcération stricte des détenus à la prison de Champ-Dollon
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VI des 13, 14, 27 et 28 mars 2014.

Débat

Le président. Nous abordons maintenant la motion 2191. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Si la parole n'est pas demandée... Si, Monsieur Forni, vous avez la parole.

M. Jean-Luc Forni (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, la prison de Champ-Dollon souffre d'un mal chronique depuis de nombreuses années, exacerbé par des poussées aiguës et marqué par les incidents graves que nous avons connus ces dernières semaines. Ce mal, vous le connaissez tous, c'est la surpopulation. Le débat est vif dans la cité et dans les médias, et les recommandations et avis les plus divers, émanant soit des professionnels du barreau, soit d'intervenants se disant expérimentés quant à cette problématique, fleurissent. Cette fièvre est encore alimentée par la campagne pour l'élection du procureur général... (Remarque.) ...et, cerise sur le gâteau, par le récent arrêt du Tribunal fédéral sur les conditions d'incarcération à Champ-Dollon. Dans tout ce brouhaha, où nombreux sont celles et ceux qui nous servent leur recette et nous montrent la voie à suivre, il aurait été pour le moins étonnant que le Grand Conseil ne débatte pas de cette problématique et ne se saisisse pas du dossier pour une discussion de fond.

Pour répondre à toutes les interprétations lues dans la presse, nous avons besoin de chiffres et de données claires sur les types de détenus et de détention, afin de mieux appréhender la marche de manoeuvre, aussi faible soit-elle, que nous avons pour détendre une situation explosive qui peut se réactiver à tout moment.

Il ne s'agit pas seulement d'assurer aux détenus des conditions de détention qui répondent aux normes humanitaires requises, mais aussi de protéger et de soutenir les gardiens et le personnel pénitentiaire qui assurent leur mission avec un professionnalisme remarquable dans des conditions précaires. Concrètement, existe-t-il des mesures alternatives à l'incarcération stricte des détenus à Champ-Dollon, et à quelle proportion d'entre eux peuvent-elles s'appliquer ? Je le répète, nous avons besoin de données claires et officielles afin d'avoir des éléments concrets nous permettant de jouer pleinement notre rôle de députés dans le flot d'affirmations et de propositions qui alimentent le débat médiatique. Vous avez peut-être tous lu - même si cette remarque sort un peu du cadre de cette motion - un certain journal local; permettez-moi de m'étonner d'y lire que l'office cantonal de la détention n'est pas en mesure d'indiquer, aujourd'hui, sur les 1000 détenus qu'il gère, quels sont ceux qui coûtent le plus cher. En tant que chef d'entreprise, je manifeste ma surprise: je pense que tous les chefs d'entreprise, dans cet hémicycle, pourront confirmer qu'ils connaissent tous plus ou moins leurs meilleurs clients... (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît, un peu de silence !

M. Jean-Luc Forni. ...et qu'ils savent, par conséquent, quels sont ceux à qui ils doivent prêter la plus grande attention.

La sécurité de notre population est essentielle; il ne convient pas de sombrer dans l'angélisme et la naïveté, et ce n'est d'ailleurs pas le but de cette motion. Les derniers chiffres publiés par le conseiller d'Etat Pierre Maudet montrent d'ailleurs une sensible baisse de la criminalité dans notre canton. Mais nous, démocrates-chrétiens, sommes aussi très attachés au respect des droits de l'Homme et voulons que Genève en reste la capitale emblématique. Le but de cette motion est précisément d'inviter le Conseil d'Etat à nous fournir officiellement ses informations et n'a pas pour objectif d'attiser davantage les passions ou de déstabiliser les magistrats en place. Mais nous devons nous donner les moyens d'assumer le tout sécuritaire dans le respect des droits de l'Homme, si cette politique continue. Nous ne pouvons pas davantage continuer à incarcérer en ignorant les décisions du Tribunal fédéral, et en nous mettant par là même dans l'illégalité. Vous avez peut-être aussi entendu qu'aux Etats-Unis, pays qui a le plus de détenus - environ 2,5 millions - même dans les Etats les plus féroces, le taux de détention diminue jusqu'à 2% par année, et dans certains Etats tels que le New Jersey et New York, on atteint des baisses de 10% à 20%. Cela doit aussi nous faire réfléchir. La commission des visiteurs du Grand Conseil, qui nous a transmis sa proposition de résolution, reconnaît aussi l'urgence de trouver rapidement des solutions pour pallier temporairement la surpopulation carcérale et fait des suggestions qui pourraient aussi constituer un élément de réponse à notre motion.

Enfin, il faut aussi penser aux victimes. Pour côtoyer, dans ma pratique professionnelle, aussi bien des victimes que des délinquants et anciens délinquants, je ne pense pas que les victimes aient une satisfaction supplémentaire à savoir que les conditions de détention de leurs assaillants sont précaires; je pense que ce qu'elles attendent, c'est un procès juste et équitable, et une sanction adéquate.

En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à accepter cette motion et à la renvoyer au Conseil d'Etat. Je vous remercie.

M. Marc Falquet (UDC). Mesdames et Messieurs, cette motion, dans son intitulé, ne satisfait pas l'Union démocratique du centre: le problème n'est pas de trouver une alternative à l'incarcération, évidemment, mais c'est de trouver, comme des places de logements, des places pour les criminels ! Il n'y en a pas assez à Genève, et le conseiller d'Etat en charge de la sécurité a déjà entrepris son travail dans ce sens.

L'autre chose, évidemment, ce n'est pas de libérer les criminels. Parce que si on parle de droits de l'Homme, il faut dire que le premier des droits c'est le droit à la sécurité, donc le fait que les citoyens puissent déambuler sans se faire agresser. Et s'il y a une diminution de la criminalité à Genève, ce n'est pas parce que les criminels ont pris conscience de leurs fautes, se sont amendés et ont décidé de ne plus récidiver, mais c'est bien parce qu'ils ont été incarcérés; c'est la seule raison de la baisse de la criminalité. Et si on souhaite désengorger la prison en libérant les détenus, évidemment que du jour au lendemain... (Remarque.) ...la criminalité va augmenter puisque l'on sait que les multirécidivistes, le jour où ils sont libérés, récidivent et se font arrêter à nouveau deux ou trois jours après.

Donc sur les considérants la motion est évidemment excellente, mais sur les solutions ce n'est pas tout à fait adéquat de trouver d'autres alternatives à l'incarcération, vu la situation particulière de Genève, où on sait que 75% des criminels sont des multirécidivistes qui n'ont pas de moyen d'existence régulier, pas de domicile fixe, et que la première chose qu'ils vont faire lorsqu'ils seront libérés, c'est de recommencer. Mais on vous suggère quand même d'accepter... (Remarque.) ...cette motion et de la joindre à la prochaine résolution qui a été étudiée à la commission des visiteurs. Merci beaucoup.

M. Pascal Spuhler (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, cette motion, sûrement pleine de bonne volonté dans le fond, ne fait qu'enfoncer des portes ouvertes avec les deux invites proposées ici, dont celle de présenter un rapport indiquant les proportions des 840 détenus enregistrés actuellement. Ce rapport, la commission des visiteurs de prison, évidemment, l'a, et je pense qu'il n'est pas très utile que le Conseil d'Etat perde du temps à rédiger des rapports et encore des rapports pour savoir quel pourcentage d'étrangers, quel pourcentage de ceci ou de cela nous avons en prison. Plutôt que des rapports à rallonge, ce qu'il faut trouver, ce sont des solutions !

Quant à la deuxième invite, Mesdames et Messieurs, je pensais qu'on en avait suffisamment parlé dans ce parlement, mais je crois que le message ne rentre pas dans la tête de certains: des bracelets électroniques, oui, ce serait une solution idéale, en admettant qu'une majorité de prisonniers aient un domicile fixe à Genève ou dans la région ! En l'occurrence ce n'est pas le cas ! Nous savons que quasiment 95% des détenus, voire même plus, actuellement, à Champ-Dollon, ne sont pas domiciliés dans notre pays ! Ce sont des étrangers, ils n'ont pas de domicile, et un bracelet électronique fonctionne seulement si la personne a un domicile ! Donc, Mesdames et Messieurs, votre motion pleine de bonne volonté, nous ne la voterons pas !

M. Jean-Michel Bugnion (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, il faut voir et constater la promiscuité dans les cellules de trois et de six à Champ-Dollon, promiscuité qui a d'ailleurs été condamnée par le Tribunal fédéral; il faut voir et constater l'absence d'intimité... (Protestations.) ...voir et constater le manque de possibilité de travailler... (Remarque.)

Le président. Monsieur Spuhler, s'il vous plaît !

M. Jean-Michel Bugnion. ...le manque de possibilité de faire du sport, le manque de possibilité de se former... (Commentaires.) ...alors que tous ces éléments sont garantis dans un établissement qui s'occupe de détention, à condition qu'il s'agisse d'une exécution de peine. Or, à Champ-Dollon, ce n'est juste pas possible. Les gardiens sont entièrement requis par la tâche prioritaire et compréhensible qui est celle de garantir la sécurité. Résultat, les détenus passent vingt-trois heures sur vingt-quatre en cellule.

Il faut aussi, Mesdames et Messieurs, entendre ou lire les témoignages, les peurs qui traversent tout l'établissement, aussi bien les détenus que les gardiens. Il faut voir et entendre, quand une mère nous dit, par exemple, que son fils a pris 40 kilos en plusieurs mois, simplement parce qu'il est surmédicamenté et privé du moindre exercice. Il faut vous rendre compte que ces conditions ne sont pas des conditions dignes de Genève, tant pour les détenus que pour le personnel ! Personnel qui, je le rappelle, est employé de l'Etat, et dont le taux d'absentéisme est de 10%. Or, au-delà de 7%, il est admis que le système présente véritablement une problématique dont il faut s'occuper. Cette motion pose de bonnes questions, maintenant il est impératif de trouver des bonnes réponses. Je vous remercie.

M. Alberto Velasco (S). A la lecture de la motion 2191, effectivement, un certain nombre de questions se posent. Mais j'aimerais dire à mes collègues qu'en 2007, la commission des visiteurs avait mandaté des experts parce qu'il y avait des situations similaires. En 2007, je dis bien ! Ça fait presque sept ans maintenant. Il y a eu un rapport, qui existe toujours, puis un deuxième rapport adressé à ce Grand Conseil par la commission des visiteurs, qui prônait un certain nombre de mesures. Si on avait appliqué ces mesures-là, Mesdames et Messieurs, on n'en serait pas là. Mais les rapports de la commission des visiteurs, quand ils arrivent devant ce Grand Conseil - d'ailleurs c'est toujours aux extraits, c'est dire ! - eh bien ils ne sont même pas lus et même pas appliqués.

Aujourd'hui, on nous demande, ici, une étude; on ne peut pas être contre, mais ça n'apporte aucune solution ! Qui peut s'opposer à une telle motion ? Par contre, je trouve tout à fait aberrant de constater qu'on a employé de l'argent, à l'époque, en heures d'experts, en heures de Grand Conseil, en heures d'études, avec des solutions qui auraient pu être appliquées, et qu'on arrive aujourd'hui à demander, dans une motion, de revenir à ce qu'on avait dit il y a sept ans ! C'est quand même assez aberrant.

Un deuxième aspect, Mesdames et Messieurs, c'est que déjà à l'époque, effectivement, la commission des visiteurs avait indiqué que les gens qui sont détenus sont privés de liberté, mais qu'à ce titre leur dignité doit être préservée ! Ils ont tous les autres droits; ils ont le droit à la santé, ils ont même le droit à l'information, ils ont le droit au respect de leur personne. La seule chose de laquelle ils sont privés, c'est la liberté ! Or, je le répète, année après année, malgré les rapports de la commission des visiteurs, ce Grand Conseil n'a rien fait ! Et je m'adresse au Conseil d'Etat: Mesdames et Messieurs du Conseil d'Etat, vous avez eu sept ans pour appliquer les mesures prônées par la commission des visiteurs; depuis sept ans, rien n'a été fait ! Rien n'a été fait. S'il y avait quelques mesures qui avaient été appliquées, on n'en serait pas là.

Voilà, Mesdames et Messieurs, le groupe socialiste prend évidemment acte de ce qui est dit ici et votera la motion, mais en vous disant qu'aucune solution n'est proposée là-dedans; vous allez faire une belle étude, ça va vous coûter de l'argent, vous allez venir avec un rapport, on va lire le rapport et ensuite on fera quoi ? Voilà la question. Je vous renvoie, Mesdames et Messieurs, au rapport de la commission des visiteurs de 2007; il y a des solutions très intéressantes qui sont suggérées.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais peut-être dire, en préambule, que nous regrettons que cette motion ne soit pas traitée conjointement avec la résolution 758, puisqu'en fait cette première motion demande un rapport, alors que la résolution, elle, propose un certain nombre de solutions qui seront complétées par les amendements que nous avons présentés - je vous propose de revenir plus tard sur cette question. Mais il aurait été plus pertinent de traiter ces deux points conjointement. Je vous remercie de votre attention.

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...il a été dit tout à l'heure que cette motion posait de bonnes questions. C'est assurément vrai, mais à ces questions on ne pourra malheureusement apporter que de mauvaises réponses, et des réponses seulement en partie satisfaisantes. Parce que, Mesdames et Messieurs les députés, vous le savez - et c'est en cela que cette motion pose un problème - la prémisse de base ce n'est pas que Champ-Dollon souffre d'un mal aigu, la surpopulation, mais c'est que Genève souffre d'un mal aigu, la sous-dotation carcérale ! (Commentaires.) Et dans ce sens, Monsieur Velasco, votre interpellation d'il y a quelques instants résonne bizarrement ! Parce que dans cette enceinte, il y a quelques mois de cela, il s'agissait, par exemple, de doter le canton d'un établissement pénitentiaire supplémentaire, et il s'est trouvé un certain nombre de députés, un tiers exactement, sur vos bancs, pour le refuser ! Pour refuser ce à quoi précisément on doit se rallier depuis de nombreuses années, l'idée très simple, établie, documentée, étayée par des rapports, que nous n'avons pas suffisamment de places de prison. Alors on ne peut pas d'un côté pleurer parce que depuis sept ans on ne lit pas les rapports de la commission des visiteurs, et d'un autre côté, lorsqu'on est au pied du mur et lorsqu'il s'agit de voter ces places supplémentaires, les refuser purement et simplement. (Remarque.) Mesdames et Messieurs les députés, je peux vous faire tous les rapports que vous voulez ! A la base, le constat que nous avons fait ensemble, il y a plusieurs années de cela - et pour ma part je n'étais pas encore là mais mes prédécesseurs et les vôtres l'ont fait - c'est que si la prison de Champ-Dollon, construite en 1977, qui n'a guère été augmentée que de 100 places dans l'intervalle alors que la population, elle, a quasiment doublé dans notre canton, ne fait pas l'objet d'un renforcement en places, eh bien nous n'aurons pas les moyens de notre politique, une politique qui, cela a été démontré en début de semaine encore, porte ses fruits dans la lutte contre l'insécurité, mais qui pour cela doit présenter tous les atours de la crédibilité.

Le deuxième élément sur lequel nous devons répondre à la faveur de cette motion - et certains l'ont dit dans la salle - c'est qu'on peut faire des rapports, et on en fait régulièrement, sur les dispositifs de bracelets électroniques, d'arrêts domiciliaires, de peines alternatives, que l'on développe au demeurant. Aujourd'hui, le canton de Genève dispose - et en ça il a triplé sa capacité - d'une quarantaine de bracelets électroniques; l'ennui, c'est que ça ne correspond guère à la population incarcérée ! Parce que vous le savez, les chiffres montrent qu'il y a environ 75% - je pourrais vous donner le chiffre exact - de détenus à Champ-Dollon qui sont des étrangers en situation irrégulière et qui ne sont pas éligibles, de par ce fait, au bracelet électronique, car ils n'ont pas de domicile, d'ancrage ici. Pensez un instant à équiper d'un bracelet électronique quelqu'un dans cette situation: ça ne présente strictement aucun intérêt, ni sous l'angle de la récidive, ni sous l'angle de la dangerosité, ni sous l'angle de la capacité de la justice à faire son travail correctement. Mais au-delà de ça, Mesdames et Messieurs, il faudrait, une fois, dans ce parlement, réaliser quelle est l'évolution de la criminalité en regard de ce qu'est l'évolution de la population carcérale ! Et c'est là que la motion se base sur une prémisse erronée, raison pour laquelle nous vous recommandons de la rejeter; d'abord parce que les chiffres, on les donne et on continuera de les donner, mais au-delà de ça, la prémisse erronée, je le répète et je conclus là-dessus, c'est que ce n'est pas Champ-Dollon qui souffre de surpopulation, c'est Genève qui souffre de sous-dotation et d'incapacité de réaliser les infrastructures qui correspondent à ce qu'est, aujourd'hui, la criminalité, et à la population carcérale qui en découle.

Une voix. Bien !

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je vais mettre aux voix la prise en considération de cette motion.

Mise aux voix, la proposition de motion 2191 est rejetée par 47 non contre 30 oui et 7 abstentions.

PL 11144-A
Rapport de la commission du logement chargée d'étudier le projet de loi de Mme et MM. Sandro Pistis, Jean-Marie Voumard, Guillaume Sauty, Jean-François Girardet, Florian Gander, Thierry Cerutti, Pascal Spuhler, André Python, Dominique Rolle modifiant la loi générale sur les zones de développement (LGZD) (L 1 35) (Pour une politique du logement équilibrée)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VI des 13, 14, 27 et 28 mars 2014.
Rapport de majorité de M. Pierre Conne (PLR)
Rapport de minorité de M. Sandro Pistis (MCG)

Premier débat

Le président. Nous abordons le point suivant de notre ordre du jour, le rapport PL 11144-A. Je vais passer la parole à M. Conne, rapporteur de majorité. Vous avez la parole, Monsieur le rapporteur.

M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Chers collègues, je demande le renvoi du rapport sur ce projet de loi 11144 à la commission du logement, merci.

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Pistis, est-ce que vous voulez vous exprimer sur le renvoi en commission ? (Remarque.) Non. Est-ce que le Conseil d'Etat veut s'exprimer sur la question ? (Remarque.) Non plus. Mesdames et Messieurs les députés, je vais donc soumettre à vos votes cette demande de renvoi à la commission du logement.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11144 à la commission du logement est adopté par 47 oui contre 37 non et 1 abstention.

R 758
Proposition de résolution de Mmes et MM. Renaud Gautier, Eric Stauffer, Antoine Barde, Jean-Michel Bugnion, Marc Falquet, Sandra Golay, Béatrice Hirsch, Christian Zaugg Conditions de détention : des normes plus souples pour que la solidarité confédérale ne reste pas lettre morte
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VI des 13, 14, 27 et 28 mars 2014.

Débat

Le président. Nous traitons maintenant la résolution 758. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Nous sommes saisis de deux amendements, dont le premier est de Mme Jocelyne Haller. Je vous le lis:

«Ajouter les invites suivantes à la résolution de la commission des visiteurs officiels:

- Développer les peines à domicile en se dotant des moyens idoines.

- Favoriser, lorsque ces mesures sont indiquées, les travaux d'intérêt général et les peines pécuniaires.

- Examiner la possibilité que des personnes soient transférées dans leur pays pour exécuter leur peine dans le cadre de la convention pour le transfèrement des personnes condamnées (RS fédéral 0.343) ratifiée par tous les pays du Conseil de l'Europe.

- Interpeller les autorités fédérales pour qu'elles concluent des accords sur le transfèrement réciproque des condamnés avec les pays dont ressortissent nombre de détenus en Suisse.

- Libérer toutes les personnes incarcérées uniquement pour les infractions à la loi sur le séjour des étrangers.»

Nous sommes également saisis d'un amendement de M. Jean-Michel Bugnion, dont la teneur est la suivante:

«Invite (nouvelle teneur)

- à négocier avec les autorités fédérales un assouplissement temporaire des normes régissant l'exécution des peines privatives de liberté dans les établissements pénitentiaires, afin d'autoriser un dépassement du taux d'occupation, limité dans son ampleur et sa durée, sans péjorer l'octroi de subventions par la Confédération. Subsidiairement, à intervenir auprès de la CLDJP afin de coordonner un assouplissement des règles qui ne concernerait évidemment pas l'établissement de détention préventive qu'est la prison de Champ-Dollon.»

La parole est au numéro 117, mais je ne vois pas... Ah, la parole est à Mme Jocelyne Haller.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Merci, Monsieur le président. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Mesdames et Messieurs les députés, cette résolution interpelle ce parlement et le Conseil d'Etat sur la surpopulation carcérale. M. Maudet disait précédemment qu'il ne s'agissait justement pas de surpopulation carcérale, mais de sous-dotation en postes d'incarcération. Nous ne sommes pas forcément de cet avis; nous estimons qu'il s'agit aussi d'une dynamique de surcriminalisation des délits actuellement.

La réalité de Champ-Dollon est connue de longue date; il aura fallu toutefois les récents conflits auxquels nous avons été confrontés et auxquels l'actualité a rendu un large écho pour que, finalement, on s'inquiète de cette situation. Il aura fallu également que le Tribunal fédéral considère que les conditions de détention sont intolérables, qu'elles sont contraires à la Convention des droits de l'Homme et qu'elles sont illicites. Ainsi, en vertu des droits fondamentaux des détenus - car ils en ont encore - et par respect pour le personnel pénitentiaire, il s'impose de prendre des mesures, toutes affaires cessantes, pour pallier une situation qui est inacceptable. La résolution 758 de la commission des visiteurs... (Brouhaha.) ...propose une piste pour répondre à cette nécessité. Cependant, notre groupe estime que d'exporter une part de la surpopulation carcérale genevoise vers d'autres cantons, sous peine de détériorer les conditions de détention de ces derniers, n'est pas une solution. Se limiter exclusivement à faire baisser le taux d'occupation de la prison de Champ-Dollon, sans poser le problème de la surpopulation carcérale, risque de n'être qu'un emplâtre sur une jambe de bois. Il ne faut pas se bercer d'illusions: l'accroissement du potentiel de places d'exécution de peine par la mise en service des établissements de La Brenaz II et des Dardelles n'est pas à attendre avant un certain temps. Quoi qu'il en soit, cette perspective d'augmentation du nombre de places de détention ne nous dispense pas de réfléchir à une autre manière d'appliquer la justice ! Il convient donc de comprendre le fonctionnement de la justice genevoise... (Brouhaha.) ...et d'envisager des alternatives, notamment l'alternative à l'exécution de peine lorsque cela est opportun. Pour ce faire, il est impératif de connaître exactement... (Remarque.) Je vous remercie de me laisser parler, Monsieur. Il est impératif de savoir exactement quels sont les effectifs carcéraux et quelles sont les typologies des peines, et de connaître la durée de détention des uns et des autres.

On pourrait aussi se demander pourquoi, à Genève, le taux de détention préventive figure parmi les plus élevés de Suisse. Pourquoi y a-t-on recours plus que dans d'autres cantons ? On peut également s'interroger sur le fait qu'à Genève, le taux de peines privatives de liberté est particulièrement plus élevé que dans le reste de la Suisse, où l'on trouve généralement un taux de 10% alors qu'il est de 25% dans notre canton. Pourquoi ne pas être plus circonspect en la matière, et ne pas recourir plus fréquemment à des peines alternatives ?

Nous demandons donc que soient identifiées les caractéristiques de la population actuellement en détention, à savoir, pour chaque détenu en exécution de peine, connaître: la nationalité et le statut légal en Suisse, la durée de la peine totale et la durée restant à exécuter, le motif de la détention... (Brouhaha. Commentaires.) ...et la description précise des antécédents judiciaires.

Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée.

Mme Jocelyne Haller. Oui. Aussi, pour aller dans ce sens, nous proposons toute une série de mesures dans l'amendement qui vous est soumis, notamment: développer les arrêts domiciliaires en se dotant des moyens idoines, favoriser, lorsque c'est indiqué, les travaux d'intérêt général et les peines pécuniaires, examiner la possibilité que des personnes soient transférées dans leur pays pour exécuter leur peine dans le cadre de la convention pour les transfèrements...

Le président. Il vous faut conclure, Madame, s'il vous plaît.

Mme Jocelyne Haller. ...des personnes condamnées - je vais terminer. Et cela, évidemment, compte tenu des conditions qui y sont liées, pour autant que ces personnes y consentent. Nous proposons également d'interpeller les autorités fédérales pour qu'elles concluent des accords sur le transfèrement réciproque des condamnés avec les pays dont elles ressortissent, et de libérer les personnes incarcérées uniquement pour des infractions à la loi sur le séjour des étrangers.

Le président. C'est terminé, Madame, s'il vous plaît.

Mme Jocelyne Haller. Et nous soutiendrons également l'amendement de M. Bugnion ! Merci.

M. Marc Falquet (UDC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, lorsque le groupe de gauche, là, prétend défendre la population et les plus démunis, il faut qu'il reconnaisse que la criminalité touche les plus défavorisés ! Ce sont les gens aisés qui peuvent se payer des services de sécurité privés et qui évitent de subir le préjudice de la criminalité ! Donc il n'y a pas d'autre solution que l'incarcération des criminels multirécidivistes pour protéger la population ! L'autre solution - et c'est ce que l'UDC demande - c'est que soient refoulés... (Commentaires.) ...non, soient expulsés les criminels étrangers qui causent la grande majorité des préjudices à la population, et qui font souffrir un grand nombre de gens parmi les plus défavorisés ! Mais ce n'est pas en libérant les criminels qu'on va protéger la population ! Il faudra m'expliquer cette théorie !

D'autre part, l'UDC a déposé déjà depuis longtemps une motion concernant les modalités d'exécution de peines, c'est la motion 2176 qui se trouve actuellement à la commission judiciaire.

Une chose encore, c'est que l'augmentation de la population n'a rien à voir avec l'augmentation de la criminalité. La criminalité est en immense partie due aux étrangers, et en très grande partie aux étrangers en situation irrégulière, qui font déjà l'objet de mesures d'expulsion mais qu'on n'expulse pas car on n'a pas les accords de réadmission.

Donc ce qu'on demande, c'est qu'un signal fort soit envoyé aux autorités fédérales afin, pour l'instant, de soulager Champ-Dollon, et soulager également les gardiens. On ne va pas trop s'apitoyer sur les criminels, bien que le but ne soit pas d'en faire des bêtes sauvages. Mais il faut préciser que ces gens, avant d'être incarcérés, ont commencé par être délinquants; ce n'est donc pas la prison qui les a rendus ainsi. C'est leur mode de fonctionnement, ce sont des gens qui préfèrent se reposer sur le travail des autres... (Remarque.) ...car c'est beaucoup plus facile que de se lever tous les matins. Donc le groupe UDC demande que le Conseil d'Etat envoie un signal très fort aux autorités fédérales qui, justement, aujourd'hui, ont établi un rapport dans le même sens pour dire que la situation d'incarcération n'allait pas du tout en Suisse, et qu'il fallait maintenant, effectivement, dispatcher les détenus non pas dans le cadre du concordat latin, mais dans le cadre de la Suisse entière. Merci beaucoup. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Renaud Gautier (PLR). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, pour citer un ancien résident étranger à Genève: que faire ? Que faire face à cette résolution, qui aurait dû être une résolution de commission, n'eût été la mauvaise volonté des socialistes et pour eux le député Deneys ? Il faut peut-être rappeler ce qu'est le sens et la mission de la commission des visiteurs. La commission des visiteurs, c'est une institution relativement unique en Suisse; peu de cantons ont de pareilles institutions parlementaires. Elle s'occupe de la problématique des conditions de privation de liberté. Point à la ligne. (Remarque.) Petite analyse verbale: les conditions, c'est la manière dont celles et ceux qui sont condamnés par les tribunaux - ce qui ne concerne pas, je le répète, cette commission - sont traités dans le cadre de leur privation de liberté. Tout autre débat ou discours sur ce que fait la justice, sur la directive de Pierre, Paul, Jacques ou Olivier, est non pertinent dans le cadre de cette commission. Cette commission s'occupe des conditions de détention. A ce jour, les conditions de détention à Champ-Dollon ne sont pas satisfaisantes, même le Tribunal fédéral le reconnaît - le conseiller d'Etat aussi, soit dit en passant. Donc je reviens à ma question initiale: que faire ? Nous savons les compétences de notre conseiller d'Etat, on ne peut pas repousser les murs avec les mains pour augmenter le nombre de mètres carrés; on ne peut pas non plus décider aujourd'hui que l'on va libérer telle ou telle partie de ceux qui sont privés de liberté pour satisfaire tel ou tel banc de ce parlement. Il faut donc trouver objectivement des solutions, fussent-elles transitoires et temporaires, de façon qu'effectivement, celles et ceux qui n'ont rien à faire à Champ-Dollon, à savoir celles et ceux qui purgent leur peine, puissent effectivement le faire. C'est la raison pour laquelle cette résolution propose simplement de vérifier dans quelle mesure les lieux d'exécution de peine ne pourraient pas, toutes choses égales par ailleurs, accepter quelques détenus de plus, la très légère péjoration des conditions de celles et ceux qui exécutent leur peine entraînant, par définition, un avantage plus que proportionnel par rapport à celles et ceux qui sont à Champ-Dollon. Il y a urgence, Mesdames et Messieurs, à faire quelque chose, car la situation, aujourd'hui, de Champ-Dollon, est effectivement une situation de type pré-insurrectionnel... (Brouhaha.) ...dans laquelle n'importe lequel des plus petits éléments peut potentiellement entraîner un drame que tout le monde, ensuite, ici, condamnera.

Venons-en donc maintenant aux amendements. Alors j'apprécie particulièrement les professeurs - voire les coqs - Verts, mais je leur suggère de lire les textes ! Il s'agit effectivement de Champ-Dollon ! Donc je ne vois pas l'intérêt de rajouter le terme «Champ-Dollon» alors qu'il s'agit de cela. C'est probablement un problème de grammaire, j'imagine. Quant à la kyrielle d'amendements de la gauche, une fois de plus, on est à côté du sujet ! On a déjà répondu ici sur le fait qu'une population relativement faible peut avoir un bracelet électronique, parce que les conditions pour avoir un bracelet sont relativement contraignantes; nous savons tous ici que dans la mesure du possible, oui, il faudrait pouvoir, dans le cadre des accords de renvoi, renvoyer les gens. Mais savez-vous, Mesdames et Messieurs, que le plus vieux prisonnier de Suisse est à Genève ? Qu'il est français et suisse, qu'il a demandé son rapatriement en France, et que la France l'a refusé au prétexte qu'il était trop âgé ? Donc même dans le cas d'accords de renvoi, certains pays ne les appliquent pas. On ne peut pas les forcer ! Indépendamment du fait que l'essentiel de ces gens qui sont privés de liberté sont pour la plupart sans franche ou claire affiliation à tel ou tel pays. Donc, Mesdames et Messieurs, oui, donnons un conseil, donnons les éléments pour que le Conseil d'Etat puisse aller négocier avec ses collègues, de façon qu'effectivement la situation de Champ-Dollon s'améliore. Ce qui ne veut pas encore dire qu'elle sera parfaite, nous sommes tous d'accord.

M. Jean-Michel Bugnion (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, tout d'abord, concernant l'amendement, vous connaissez la position des Verts: nous nous sommes opposés à la politique d'incarcération maximale voulue par le Ministère public, et nous craignions donc une lecture de cette résolution allant dans le sens d'une péjoration des conditions à Champ-Dollon. Malgré la parfaite exégèse de mon estimé collègue Gautier, j'aimerais simplement dire, pour nous rassurer, que je vous invite à voter cet amendement qui ne mange pas de pain.

Maintenant, en ce qui concerne le fond, j'aimerais m'arrêter sur une problématique qui n'a peut-être pas encore été abordée. Vous savez que l'esprit d'emprisonnement, c'est clairement mettre quelqu'un en mesure de purger sa peine, de régler sa dette, pour pouvoir se réinsérer dans la société ensuite. Or, lorsque vous avez des mauvaises conditions d'incarcération, loin de stimuler l'esprit, l'envie de se réinsérer, vous allez faire naître chez les détenus un sentiment contraire: celui de révolte, celui de payer doublement leur peine, ce qui risque fort - je ne suis pas spécialiste en droit ou en criminalité mais tout de même - d'entraîner un plus haut taux de récidive à la sortie.

Ensuite, je voulais vous dire qu'à mes yeux - malgré l'habileté de notre magistrat maniant l'oeuf et la poule - je reste persuadé que c'est toute la classe politique qui est responsable de la suroccupation de Champ-Dollon, bien que j'admette une sous-dotation en lieux de détention. (Brouhaha.) Mais le problème est le suivant: ça fait des années que nous le savons, ça fait des années que nous n'avons rien fait ! Cette résolution a au moins le mérite de montrer aussi bien aux détenus qu'aux gardiens et à tout le personnel de Champ-Dollon que pour une fois nous cherchons des solutions concrètes, si possible vite opérationnelles, qu'on s'en préoccupe et qu'on s'en occupe enfin, en tant que politiciens. Je vous invite donc à voter mon amendement pour rassurer tout le monde, et surtout à appuyer la résolution.

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, ou on ne parle pas de la même chose, ou il y en a qui font exprès de ne pas comprendre. Alors une fois n'est pas coutume, je vais faire miens les propos de Renaud Gautier, qui vous a expliqué à quoi servait la commission des visiteurs officiels. Bon. Il est vrai aussi, et c'est à noter, qu'à part M. Gautier et moi-même, il n'y a que des bleus dans cette commission, qui n'en ont peut-être pas forcément saisi les subtilités. (Commentaires. Protestations.) Alors quand on entend la gauche venir dire: non mais attendez, il faut qu'on trouve des solutions alternatives... (Brouhaha.) ...à l'incarcération, moi je veux bien ! Eh bien oui, vous savez, ce voyou, ce criminel qui a pris un sac à l'arraché à une vieille dame qui s'est cassé le col du fémur en tombant, on va lui dire: mon petit, ce n'est pas bien ce que tu as fait ! Mais on te remet dehors, surtout ne recommence pas ! Et puis à la deuxième ou troisième fois, on lui dira: ce n'est vraiment pas bien, ce que tu as fait, mais tu peux quand même rentrer chez toi ! Non, écoutez, franchement, ce genre de discours, ça ne va plus, je crois qu'on ne doit pas vivre dans la même ville. En tout cas en ce qui nous concerne nous, au MCG, eh bien nous saluons l'effort qui a été fait par le gouvernement et le conseiller d'Etat en charge du département de la sécurité, notamment en matière d'incarcération. Evidemment, ça pose quelques petits problèmes au niveau de la surpopulation carcérale. Mais à ce sujet - mon cher collègue Renaud Gautier s'en souviendra - nous sommes allés nous promener au Tessin, où j'ai failli créer un incident diplomatique tellement je me suis énervé à la phrase du directeur de la prison, qui nous a dit: vous comprenez, nous avons dû fermer une aile faute de détenus ! (Exclamations.) Trois petits points... Là, franchement, je me suis énervé, même si c'est vrai que la prison de La Stampa, au Tessin, ne fait pas partie du concordat latin. Il faut le savoir, c'est comme ça. Donc, j'ai retransmis ces remarques en commission, M. le conseiller d'Etat en a pris note et il s'est renseigné, effectivement. Maintenant, la prison de La Stampa au Tessin est en train de modifier une aile pour pouvoir accueillir des détenus au principe de la solidarité intercantonale. Donc cette résolution que nous vous demandons de voter découle du bon sens, découle simplement de la volonté de donner une puissance de tir au conseiller d'Etat pour aller négocier avec les autres cantons et dire qu'il faut qu'ils prennent les détenus qui sont en exécution de peine, parce que nous avons des problèmes à Genève, et que Genève ne peut pas être le souffre-douleur de toute la Suisse romande, ou plus largement de toute la Suisse. Alors, Mesdames et Messieurs, je vous invite à refuser toute forme d'amendement, à voter cette résolution en l'état. Et puis, pour les bobos selon qui, aujourd'hui, il faut légaliser la drogue...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député, s'il vous plaît.

M. Eric Stauffer. ...légaliser la criminalité - je vais conclure - et puis peut-être enfermer les riches qui gagnent trop d'argent... (Protestations.) ...et libérer les criminels, eh bien, Mesdames et Messieurs, ce matin je n'adhère pas à vos propos, et je dirais même, je les vomis !

Mme Béatrice Hirsch (PDC). Je ne sais pas si j'ose prendre la parole à ce sujet, étant une totale bleue et n'ayant pas les connaissances de M. Stauffer ni de M. Gautier, mais je vais juste me permettre quelques petites remarques en tant que personne qui a participé aux travaux concernant cette résolution.

Au vu des débats, il y a deux choses sur lesquelles tout le monde est d'accord dans cette enceinte: surpopulation à Champ-Dollon, et conditions indignes de détention. Jusque-là, comme je l'ai dit, tout le monde est d'accord. On peut parler politique de sécurité - manifestement c'est ce qu'un certain nombre d'entre nous ont envie de faire aujourd'hui - mais ce n'était, à l'origine, pas du tout l'objectif de cette résolution et de la très grande majorité de la commission des visiteurs, puisque ce que nous avons bel et bien cherché à faire était de trouver des solutions qui puissent être des solutions rapides. Parce que comme M. Gautier a déjà eu l'occasion de le dire, la situation à Champ-Dollon est plus que préoccupante. (Brouhaha.)

Cette résolution demande donc que le Conseil fédéral encourage un minimum de solidarité confédérale à l'égard des personnes condamnées, parce que - ça a aussi été dit lors des débats concernant cette surpopulation - la vraie problématique à Champ-Dollon, c'est l'exécution de peine, ce n'est pas la détention provisoire. Il s'agit donc que les gens qui ont été condamnés puissent purger leur peine dans un établissement prévu à cet effet et non pas à Champ-Dollon, qui n'est pas destiné à cela. L'assouplissement des normes de sécurité demandé dans cette résolution concerne l'exécution de peine et le fait qu'il puisse y avoir, pour des condamnés qui en plus de cela peuvent sortir de leur cellule pour aller travailler, non pas une personne par cellule mais temporairement deux, alors qu'à Champ-Dollon ce sont des gens qui sont dans leur cellule vingt-trois heures sur vingt-quatre, et qui sont parfois à six dans une cellule prévue pour trois. C'est donc uniquement de cela qu'il s'agit; le groupe PDC acceptera cette résolution sans aucun amendement. Je vous remercie, Monsieur le président. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Bernhard Riedweg, pour deux minutes et dix secondes.

M. Bernhard Riedweg (UDC). C'est largement suffisant, merci, Monsieur le président. La prison de Pöschwies, dans le canton de Zurich, envisagerait de mettre à disposition 20 à 40 places pour les détenus de Champ-Dollon. L'établissement de Bois-Mermet s'est proposé de prendre trois détenus, et le pénitencier de Bostadel, dans le canton de Zoug, serait prêt à recevoir deux détenus. (Commentaires.) C'est bien peu pour satisfaire notre ministre de la sécurité et pour soulager Champ-Dollon, mais on va en tout cas dans le bon sens ! Toutefois, ne tombons pas dans le piège en devenant moins sévères avec les détenus, qui méritent d'être enfermés, car la plupart sont des récidivistes ! Ces individus semblent se plaire à Champ-Dollon puisqu'ils ne demandent qu'à y retourner. Nous voterons cette résolution, merci.

M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes ont accueilli avec intérêt cette proposition de résolution, parce qu'évidemment nous sommes très sensibles à la question de la surpopulation actuelle à la prison de Champ-Dollon et aux conditions dans lesquelles les détenus exécutent leur peine. Je crois qu'ici il ne s'agit pas d'offrir des conditions privilégiées, des cadeaux ou autres avantages qui seraient anormaux aux détenus, il s'agit simplement de respecter le minimum, les standards en matière de droits humains. Les détenus qui sont dans une situation comme à Champ-Dollon ne peuvent plus exercer la moindre activité, certains doivent dormir par terre... (Commentaires.) ...et, en fait, ils ne peuvent simplement pas envisager ne serait-ce que l'hypothèse d'une réinsertion ! Je crois que le but de la société n'est pas d'entretenir les détenus dans le système de la délinquance, mais bien de leur permettre, dans l'idéal, de revenir à une vie régulière et de ne plus commettre de délit. Je crois que c'est un objectif qui est légitime pour la société, et dans ce sens-là les conditions actuelles de suroccupation à Champ-Dollon posent problème.

Maintenant, c'est vrai que cette résolution n'a pas reçu la bénédiction des socialistes... (Commentaires.) ...et je crois qu'il ne faut pas en faire une question de principe personnel; je regrette que le président de la commission des visiteurs en soit à ce niveau de débat. En l'occurrence, la formulation de cette résolution pose problème parce qu'elle n'est pas très claire. Effectivement, si elle exprime le souci de davantage de solidarité confédérale - et ça c'est un souhait que nous pouvons partager - le fait qu'elle mentionne dans son titre «des normes plus souples» pourrait laisser penser, avec les considérants, qu'en fait on vise aussi à assouplir les normes à Champ-Dollon, typiquement que la question du nombre de mètres carrés par détenu n'est pas problématique, qu'on peut réduire encore cette surface - un mètre carré par détenu pendant qu'on y est - et cela constitue une ambiguïté dans la formulation de ce texte. (Brouhaha.) Pour cette raison, les socialistes n'ont pas souhaité signer cette résolution; ils vont voter les amendements qui sont proposés parce qu'ils permettent de préciser, justement, l'intention louable des auteurs de ce texte...

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député !

M. Roger Deneys. ...et dans ce sens-là, avec les amendements, nous pouvons tout à fait voter cette résolution. Mais je crois qu'il n'y a pas de procès d'intention à faire à qui que ce soit, le but étant évidemment que les conditions d'exécution de peine soient les meilleures possible, et que la solidarité confédérale et intercantonale ne reste pas lettre morte.

M. Renaud Gautier (PLR). Monsieur le président, je prends acte des leçons de grammaire de M. le député Roger Deneys; je m'engage dorénavant, avant de sortir mon stylo, à le consulter... (Commentaires.) ...pour être bien sûr que ce soit suffisamment clair afin que l'ensemble du parti socialiste comprenne. Et je rajouterai juste que quand on veut noyer son chien, on dit qu'il a la rage.

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés... (Brouhaha.) ...j'aimerais ici dire très solennellement, au nom du Conseil d'Etat, qu'il n'y a à peu près aucune espèce d'ambiguïté. Nous savions les conditions de détention à Champ-Dollon dégradées, nous le savons tous depuis de nombreuses années, nous savons dorénavant qu'aux yeux du Tribunal fédéral elles sont dégradantes. Cette situation n'est pas acceptable, d'ailleurs nous n'avons pas attendu le jugement du TF pour y travailler; aujourd'hui il n'y a plus personne qui dort par terre, par exemple, à Champ-Dollon. Nous ne pouvons évidemment pas repousser les murs, mais nous prenons des dispositions autant que faire se peut - je vais y revenir dans un instant - pour que ces conditions de détention reviennent à un niveau suffisant. Nous sommes conscients, d'abord, que pour la bonne administration de la justice - parce qu'on parle d'une prison qui, sur quelque 836 détenus ce matin, en abrite un peu plus du tiers à titre préventif, c'est-à-dire qu'il s'agit de présumés innocents - notamment pour éviter le phénomène de collusion, cette situation n'est pas admissible, et qu'il convient donc de revenir à des normes plus tolérables.

Nous convenons avec vous, et cela a été dit par plusieurs, qu'un des objectifs de la prison, la réinsertion, postulée par le code pénal - encore faut-il avoir été pour cela, à la base, inséré, et faire partie d'une population insérable, mais enfin - ne peut pas se faire dans ces conditions. Le but n'est pas de transformer des gens qui arrivent en prison et de les faire ressortir pires qu'ils n'y sont entrés. Et puis surtout - c'est un élément essentiel et j'insiste là-dessus, parce que le gouvernement est aussi un employeur - c'est important de signaler que les conditions actuelles ne permettent pas de remplir de façon satisfaisante les exigences de sécurité, pour les détenus et pour le personnel. Tout ça, c'est un cocktail, je dirais, de situations que l'on connaît, qui encore une fois ne sont pas acceptables, mais qui font que - je le dis ici très formellement - une privation de liberté ne doit pas correspondre à une privation de dignité et à une privation de sécurité. Alors vous allez me répondre que le dire, c'est bien, mais qu'est-ce qu'on fait ensuite ? Et c'est là, Mesdames et Messieurs, que cette résolution est intéressante. Elle est intéressante parce qu'elle postule un certain nombre de pistes. Mais elle dit aussi, dans son énoncé, que la marge de manoeuvre est limitée !

Le premier élément, Mesdames et Messieurs, c'est que le Conseil d'Etat a déposé, en novembre 2012, une planification pénitentiaire, avec des séquences bien précises qui pour le moment, en tout cas de façon majoritaire, ont été respectées par ce parlement s'agissant de crédits de construction, de crédits d'études. La Brenaz +100, contrairement à ce qui se disait tout à l'heure, ce n'est pas dans de nombreuses années, c'est l'année prochaine ! Les recours ont été levés, le chantier a débuté, les arbres sont abattus, et nous espérons pouvoir, à l'horizon de la fin du printemps ou du début de l'été prochain, inaugurer ces cent places supplémentaires. Le premier élément de réponse, et cette résolution le dit, c'est donc la planification pénitentiaire. Et je vous enjoins ici de soutenir le gouvernement dans ses efforts.

Le deuxième élément de réponse, en termes de marge de manoeuvre, c'est effectivement - et le député Stauffer l'a dit tout à l'heure - essayer d'utiliser au maximum la capacité de placer des détenus dans d'autres prisons. La prison de La Stampa prévoit la réfection d'une aile pour de l'exécution de peine, effectivement, nous allons en profiter. Pöschwies, c'est un pénitencier en Suisse alémanique, à Zurich, qui aujourd'hui connaît 100% d'occupation. C'est typiquement un des espaces pénitentiaires sur lesquels, si la Confédération acceptait un léger assouplissement, l'on pourrait surcharger un petit peu, sans porter préjudice aux détenus qui y sont aujourd'hui mais en répartissant différemment les détenus sur l'ensemble de la Suisse. Le Bois-Mermet, cité tout à l'heure, près de Lausanne, c'est 170% de taux d'occupation. C'est dire si cette prison est déjà surchargée, et c'est bien sympathique de prendre deux ou trois détenus de plus mais vous voyez que c'est une marge de manoeuvre extrêmement faible que nous avons. (Remarque.)

Autre marge de manoeuvre, et ça, la résolution ne le dit pas - je comprends bien pourquoi mais je le cite quand même ici - c'est la capacité d'optimiser nos expulsions. Eh oui ! Parce que c'est une réalité ! Nous avons, je le redis ici, et ce n'est plus un tabou, 75% de personnes en situation irrégulière, qui commettent des délits voire des crimes, et qui n'ont plus rien à faire dans notre pays une fois qu'ils ont purgé leur peine. Améliorer cette capacité d'expulsion, nous y travaillons intensivement; c'est aussi une façon de répondre à la surpopulation carcérale, car ce sont des signaux que l'on donne. C'est un message précis, et nous croyons ici à la vertu non seulement de la prison, mais aussi de la politique criminelle en général quant à ses effets en matière de prévention.

Le transfèrement est également cité ici, et c'est aussi quelque chose sur lequel nous travaillons à moyen et long terme. La difficulté, vous le savez, c'est d'obtenir préalablement le consentement de la personne détenue. Inutile d'être actif dans les associations militant pour la promotion des droits de l'Homme pour se rendre compte qu'en termes de comparaison, des prisons dans des pays du Maghreb ou des prisons plus à l'est de notre pays sont dans des situations nettement plus dégradées que les nôtres aujourd'hui; le consentement préalable du détenu est donc difficile à obtenir. (Commentaires.) Mais nous avons quelque espoir s'agissant par exemple du Kosovo; une convention complémentaire a été signée entre la Suisse et ce pays, qui prévoit de se dispenser du consentement du détenu sous réserve, évidemment, que les conditions de détention soient élevées dans ce pays. Voilà typiquement une orientation de la coopération et du développement sur laquelle nous pouvons concrètement travailler.

Nous pouvons également, je l'ai dit tout à l'heure, assouplir les normes, c'est ce que propose la résolution et je vous invite à la soutenir de ce point de vue là.

Enfin, nous pouvons agir par une série de petites mesures qui ont toutefois leur coût - et je regarde ici mon collègue en charge des bâtiments, qui le sait parce que ces améliorations ne viennent pas comme ça mais nécessitent un travail fin et un soutien au niveau des finances. Nous avons un projet particulier s'agissant de réaffecter l'aile de la Pâquerette qui a été vidée au sein de la prison de Champ-Dollon et qui, comme vous le savez, va muter du côté de Curabilis, afin de nous permettre de gagner un petit peu de marge de manoeuvre. Mais à terme, Mesdames et Messieurs les députés, et je tiens à le dire ici, là aussi, très solennellement, le Conseil d'Etat vous enjoint, au-delà de cette résolution, de soutenir sa politique de développement pénitentiaire, une politique qui se met en place au niveau suisse, qui se partage avec les autres cantons. Tous les cantons aujourd'hui sont appelés à faire des efforts, et nous espérons pouvoir, à l'horizon 2017, comme annoncé en 2012, sortir de cette situation de crise chronique, et en sortir évidemment sans trop d'encombre, on l'espère tous dans cette salle. Merci de votre attention. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je rappelle que nous avons été saisis de deux amendements. Je mets d'abord aux voix l'amendement proposé par Jocelyne Haller, d'Ensemble à Gauche, que je vous relis:

«Ajouter les invites suivantes à la résolution de la commission des visiteurs officiels:

- Développer les peines à domicile en se dotant des moyens idoines.

- Favoriser, lorsque ces mesures sont indiquées, les travaux d'intérêt général et les peines pécuniaires.

- Examiner la possibilité que des personnes soient transférées dans leur pays pour exécuter leur peine dans le cadre de la convention pour le transfèrement des personnes condamnées (RS fédéral 0.343) ratifiée par tous les pays du Conseil de l'Europe.

- Interpeller les autorités fédérales pour qu'elles concluent des accords sur le transfèrement réciproque des condamnés avec les pays dont ressortissent nombre de détenus en Suisse.

- Libérer toutes les personnes incarcérées uniquement pour les infractions à la loi sur le séjour des étrangers.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 59 non contre 28 oui et 1 abstention.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous fais voter l'amendement suivant de M. Bugnion, pour les Verts:

«Invite (nouvelle teneur)

- à négocier avec les autorités fédérales un assouplissement temporaire des normes régissant l'exécution des peines privatives de liberté dans les établissements pénitentiaires, afin d'autoriser un dépassement du taux d'occupation, limité dans son ampleur et sa durée, sans péjorer l'octroi de subventions par la Confédération. Subsidiairement, à intervenir auprès de la CLDJP afin de coordonner un assouplissement des règles qui ne concernerait évidemment pas l'établissement de détention préventive qu'est la prison de Champ-Dollon.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 53 non contre 33 oui et 3 abstentions.

Mise aux voix, la résolution 758 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 68 oui contre 1 non et 20 abstentions.

Résolution 758

R 735
Proposition de résolution de Mmes et MM. Prunella Carrard, Anne Emery-Torracinta, Catherine Baud, Philippe Schaller, Michel Forni, Marie-Thérèse Engelberts, Jean-Marie Voumard, Brigitte Schneider-Bidaux : Allocations familiales du secteur agricole
Ce texte figure dans le «Recueil des objets déposés et non traités durant la 57e législature».

Débat

Le président. Nous abordons maintenant la résolution 735. Nous sommes toujours en catégorie II. Je passe la parole à Mme Valiquer Grecuccio.

Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S), députée suppléante. Merci, Monsieur le président. (Brouhaha.) Mesdames et Messieurs les députés, comme vous le savez, en juin 2011 la très grande majorité de ce parlement, si ce n'est le groupe PLR, a voté une augmentation des allocations familiales qui est entrée en vigueur le premier janvier 2012. Notre ancienne collègue, Prunella Carrard, notamment, a ensuite déposé un projet de loi pour demander que les allocations familiales et de formation perçues par les agriculteurs indépendants et les travailleurs agricoles soient au même niveau que celles des autres familles qui les obtiennent au niveau cantonal. Cela a donné lieu à un travail au sein de la commission des affaires sociales, qui aujourd'hui vous est soumis sous forme de résolution demandant, en fait, une égalité de traitement entre toutes les familles de ce canton, c'est-à-dire, concrètement, des allocations familiales pour un montant de 300 F et non pas 200 F comme ces travailleurs les reçoivent aujourd'hui, et une allocation de formation non plus de 250 F mais de 400 F, comme l'ensemble des familles. Et je crois que ce qui nous est demandé aujourd'hui, en rappelant que ces travailleurs sont soumis à la loi fédérale sur les allocations familiales, c'est simplement de promouvoir une égalité de traitement avec les familles qui, elles, reçoivent les allocations selon les montants cantonaux, et tout simplement d'appliquer le principe «une allocation, un enfant; un enfant, une allocation».

Concernant les questions de financement... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...il a été notamment proposé de prélever une taxe sur la plus-value foncière - vous verrez les différents arguments qui ont été émis - mais la commission a préféré, dans sa sagesse, laisser le Conseil d'Etat évaluer cette question-là. Cependant, à la grande majorité de ses membres, la commission vous demande cette égalité de traitement, que soutient évidemment le parti socialiste. Je vous remercie.

Une voix. Bravo.

Mme Martine Roset (PDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le PDC ne votera pas cette résolution pour les raisons suivantes.

Concrètement, les allocations familiales des travailleurs agricoles concernent principalement les employés saisonniers, et là on parle de complément versé aux allocations familiales perçues dans les pays de résidence, car bien entendu les enfants ne sont pas en Suisse. Je peux vous assurer que les travailleurs sont enchantés par ce complément ! Les travailleurs agricoles établis à Genève ont très souvent des conjoints qui travaillent dans un autre secteur... (Brouhaha.) ...et les allocations familiales sont versées par cet autre secteur. En réalité, on parle d'environ 25 enfants «annuels», entre guillemets, ces chiffres provenant donc du tableau de la CAFNA.

Il est proposé des dépenses, mais les recettes pour les financer sont floues. La piste de la taxe sur la plus-value est un leurre; ce fonds est vide, et quand il sera alimenté l'argent aura déjà été dépensé. Je vous signale que ce même Grand Conseil a voté le projet de développement régional, et que celui-ci est financé par les recettes de la taxe sur la plus-value. Il ne restera alors que la piste des cotisations qui, je vous le rappelle, sont déjà plus élevées que dans les autres secteurs. En acceptant cette résolution, on ne va pas harmoniser mais bien accentuer les disparités. Pour toutes ces raisons, je vous invite à refuser cette résolution.

M. Eric Leyvraz (UDC). Le groupe UDC refusera également cette résolution. (Brouhaha.) Je vous rappelle quand même qu'environ 70% de nos ouvriers agricoles sont des personnes très jeunes qui viennent ici de façon temporaire, et que pour toutes les personnes sans enfant il y a une allocation de ménage de 100 F, ce que ne touchent pas les autres individus dans d'autres secteurs. Maintenant, avec la nouvelle loi genevoise, c'est à partir de deux enfants qu'il y a une différence négative pour nos employés.

Je vous rappelle aussi que nous nous battons, ici, à Genève, avec AgriGenève, depuis des années, pour avoir une convention collective suisse concernant l'agriculture et les employés agricoles, ce que nous n'arrivons absolument pas à obtenir. Il y a, à l'intérieur du pays, une concurrence tout à fait déloyale; nous avons les ouvriers agricoles qui ont l'horaire le plus léger, qui ont la paie la plus élevée de Suisse, et nous avons une différence, par exemple avec Zurich, de 25%. Et nous n'arrivons pas à avoir une convention collective en Suisse. Donc déjà au sein de notre propre pays, notre agriculture est soumise à une concurrence qu'on peut qualifier de déloyale.

Enfin, je vous signale aussi que si les charges sociales sont de 1,9% pour les employés concernant ces allocations familiales, pour l'agriculture elles sont déjà de 2%. Or, si ce projet de loi était accepté, nous passerions à 2,5%. Alors je trouve que l'agriculture est déjà assez mise à contribution, ce changement concernerait extrêmement peu de personnes, et pour ces raisons-là, si vous voulez que l'agriculture genevoise continue à exister, il ne faut pas surcharger le bateau, il l'est déjà suffisamment. Je vous remercie donc de refuser cette résolution.

Mme Simone de Montmollin (PLR). Mes préopinants ont dit l'essentiel du message que le PLR veut faire passer. Je rappellerai tout de même quelques points.

Le PLR ne soutiendra pas cette résolution car, cela a été dit, le financement de ces augmentations n'est pas précisé. D'autre part, on ne précise pas non plus quels seraient les éléments pris en considération pour déterminer le niveau de cette augmentation.

Ce projet a une intention louable, mais elle échoue à vouloir faire cohabiter deux systèmes existants: le système fédéral, qui prévaut dans l'agriculture depuis 1952, et le système cantonal des allocations familiales, qui, lui, est beaucoup plus récent. Le premier tient compte des particularités de la main-d'oeuvre du secteur agricole - cela a été dit, la saisonnalité, le fait que ce sont souvent des jeunes sans enfant - raison pour laquelle il prévoit des allocations ménage, destinées à compenser le relatif manque à gagner de cette population-là. Le PLR ne veut donc pas jouer les incendiaires en remettant en cause un système qui a été bien pensé, qui a fait ses preuves, qui est appliqué au niveau fédéral, du fait que, depuis 2012, des améliorations au niveau cantonal ont pu voir le jour dans d'autres secteurs.

Le PLR ne partage pas non plus le constat des initiants selon lequel il y aurait des inégalités crasses entre les employés du secteur agricole et les autres. Il est bon de rappeler que le secteur agricole a été précurseur dans l'introduction, en 1952, de ces allocations familiales, alors qu'elles ne sont apparues sur le plan cantonal qu'en 1996, et sur le plan fédéral en 2006. Certes, une distorsion existe depuis 2012, mais qui concerne-t-elle ? Elle concerne des familles qui ont deux enfants ou plus, dont les deux parents sont employés du secteur agricole, ce qui ne représente, en fait, qu'une petite quarantaine de cas au moment du dépôt de cette résolution. Depuis, l'essentiel des cas ont été résolus puisqu'un des deux conjoints travaille généralement dans un autre secteur et que c'est ce secteur qui fait foi pour l'attribution des allocations familiales. Il nous paraît donc impossible, aujourd'hui, de régler cette question au travers d'une loi, question qui ne concerne qu'un très faible nombre et qui pourrait être résolue d'une autre manière.

Enfin, nous ne voulons pas, par l'intermédiaire de cette résolution, que les employeurs agricoles soient prétérités. Il a justement été précisé...

Le président. Il vous faut conclure, Madame.

Mme Simone de Montmollin. ...par M. Leyvraz que l'agriculture genevoise était déjà la plus favorable en matière de conditions de travail, qu'il existait une disparité et un manque de compétitivité sur le plan national. Ce n'est donc pas le moment d'en rajouter, d'autant que l'agriculture genevoise est fragilisée par la politique agricole 2014-2017 et qu'elle doit faire face à de nombreux défis pour ces prochaines années. Alors tous les partis qui, dans cet hémicycle, disent soutenir l'agriculture...

Le président. Vous avez terminé, Madame.

Mme Simone de Montmollin. ...eh bien qu'ils le démontrent aujourd'hui en renonçant à cette résolution. Merci ! (Applaudissements.)

Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Moi je vous le dis franchement, je suis choquée de voir qu'une résolution qui a été décidée par deux socialistes, deux Verts, deux PDC et deux MCG, qui a été discutée en commission... (Commentaires.) ...et acceptée... Je peux continuer, Monsieur le député libéral ? (Commentaires.) Radical, pardon, oui... PLR ! Donc je suis choquée pour la raison suivante: il y a quinze jours, on a remis totalement en question ce qui avait été aussi décidé dans l'ancienne législature. A croire que les députés qui étaient là étaient vraiment endormis ! Ou avaient certains problèmes de compréhension ! Alors ça, je trouve que c'est d'abord insultant pour nos prédécesseurs - certains sont encore ici - et finalement, ici, pour quelle problématique ? On est là sur une régulation. Je trouve que les arguments qui sont amenés aujourd'hui par le PDC comme par l'UDC reflètent finalement le point de vue d'un employeur plutôt que celui de personnes directement concernées. Alors vu les sommes qui sont indiquées ici, vu l'ajustement informatique que cela suppose, je trouve que la décence serait au moins de renvoyer cette résolution en commission, pour qu'on puisse éventuellement s'expliquer. Mais il n'y a même pas cette décence-là ! Pour des sommes qui sont honnêtement dérisoires ! Quand on dit que le système actuel est très très bon, très bien; mais tout système doit être remis en question et peut être amélioré ! Ou alors dans quarante-cinq ans on en sera encore là à dire les mêmes choses. Je trouve que c'est fort dommage, d'autant que c'est rare qu'on arrive à des résolutions de commission assez constructives, après un travail qui a été fait vraiment dans l'analyse par notre collègue Prunella Carrard. Je trouve vraiment indécent qu'on rejette cette résolution simplement comme ça. Alors ce que je pourrais vous demander aujourd'hui, et j'espère que mes collègues socialistes seront d'accord, c'est au moins de renvoyer cette résolution en commission pour qu'on puisse la rediscuter... (Remarque.) ...plutôt que simplement décider que ce que vos collègues ont dit il y a quelques semaines était totalement non pertinent. Voilà, je vous remercie. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Bernhard Riedweg, pour une minute et dix-huit secondes.

M. Bernhard Riedweg (UDC). Merci, Monsieur le président, ce sera suffisant. Il faut préciser que les allocations familiales plus basses du secteur agricole sont compensées par des allocations de ménage... (Remarque.) ...et des allocations pour formations spécifiques au secteur agricole, en plus des prestations accordées au niveau de la Confédération, au niveau du canton et au niveau de l'Union européenne. (Commentaires.) Etant donné que dans le secteur agricole il y a de très fortes mutations du personnel, surtout chez les saisonniers, et des changements de métiers pour certains agriculteurs en hiver, les mises à jour des dossiers de ces travailleurs engendrent des coûts administratifs et informatiques disproportionnés. Nous refuserons cette résolution. Merci, Monsieur le président.

M. Christian Frey (S). Mesdames et Messieurs, pas mal de choses ont déjà été dites, mais le propre d'une politique sociale est d'être cohérente. Ce parlement - je n'y étais pas - a décidé, à un moment donné, d'améliorer la situation en termes d'allocations familiales; quand on prend une décision de ce genre-là, elle s'applique à tout le monde ! C'est le principe démocratique de base. D'ailleurs, à l'époque, ce projet avait été largement soutenu, y compris d'ailleurs par le PDC qui manifestement change d'avis pour des raisons qui, pour nous, socialistes, sont incompréhensibles.

La question du financement, effectivement, se pose; il y a une proposition qui a été faite, qui peut-être soulève aussi un certain nombre de problèmes, nous le reconnaissons. Ce n'est vraisemblablement pas parfait, c'est la raison pour laquelle nous aimerions que le Conseil d'Etat face une proposition cohérente en termes de politique sociale et en termes de respect des personnes concernées. Il est vrai que tout coûte quelque chose et que l'on n'arrivera pas à solutionner cela sans un certain nombre de moyens, qu'il reste à trouver. Nous ne nous opposerons pas au renvoi en commission, mais la position du parti socialiste est de renvoyer cette résolution au Conseil d'Etat, pour qu'il fasse une proposition quant au financement de ce qui n'est que justice pour cette partie de la population. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Mme Frédérique Perler (Ve). Tout comme mon préopinant ainsi que Mme Marie-Thérèse Engelberts, je suis un peu surprise d'entendre un certain nombre d'horreurs au sein de cette salle. Je suis surprise et en même temps rassurée que tous les enfants soient à l'école, comme ça ils ne risquent pas de nous entendre - et les parents de ces derniers non plus, pour la plupart d'entre eux, puisqu'ils travaillent. Ils n'entendront donc pas parler des finances et des complications compliquées qu'on arrive à mentionner au cours de nos débats, ni que, finalement, les préoccupations financières de l'Etat l'emportent sur un principe qui est celui de l'égalité. Cela fait un certain nombre d'années, à Genève, que la règle «un enfant, une allocation» est appliquée; cette règle a ensuite été adoptée au niveau fédéral, et il s'agit, à travers cette résolution - comme l'a expliqué Mme Valiquer - d'arriver à un projet de loi, qui attend en commission le mauvais sort que vous allez donner à cette résolution pour voir s'il va être retiré. Donc cette résolution, elle demande quoi ? Elle demande au Conseil d'Etat de trouver une voie pour modifier la loi cantonale... (Brouhaha.) ...et son règlement d'application, afin que tous les enfants soient traités de la même manière. Chers collègues, au nom de quoi pouvez-vous affirmer que si on est un enfant d'agriculteur ou d'ouvrier agricole, on doit avoir moins d'allocations que si on est un enfant d'enseignant, d'employé de banque... (Commentaires.) ...ou d'assistant social ? Mais enfin, c'est d'une incohérence crasse, et là je ne comprends pas, et les Verts ne comprennent pas, le revirement du parti démocrate-chrétien... (Protestations.) ...qui défend les plus pauvres et qui met l'humain au centre; c'est un petit peu surprenant ! Mesdames et Messieurs, il y a suffisamment de difficultés dans la vie, et notre Etat social se doit de diminuer les inégalités qui règnent; au nom de l'égalité de traitement, au nom de l'égalité des chances, les Verts vous demandent donc de bien vouloir renvoyer cette résolution au Conseil d'Etat qui, lui, a les moyens de trouver une voie au niveau cantonal et fédéral. Ce n'est pas dans une commission que des députés vont pouvoir trouver la solution ! Néanmoins, nous ne nous opposerons pas au renvoi si c'est le choix de la majorité. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Mme Salika Wenger (EAG). Chers collègues, je serai très brève puisque Mme Perler vient de faire une excellente intervention, et qu'elle a, en gros, développé les arguments que j'aurais moi-même exposés. Il en reste un, néanmoins, qui n'a pas été traité, c'est l'étonnement qu'on peut ressentir en connaissant la constitution de cette assemblée, et en sachant le nombre de personnes qui travaillent justement dans le milieu agricole et qui ont un besoin, je dirais impérieux, de main-d'oeuvre. (Commentaires.) Et les entendre expliquer que les besoins de cette main-d'oeuvre seraient moindres, comme l'a dit Mme Perlette, que ceux des fonctionnaires ou des employés... (Rires. Exclamations.) Mme Perlette ! La Perlette ! (Rires.) Mon amie, Mme Perler ! Comme l'a dit Mme Perler, donc, imaginez qu'il y a une différence entre les enfants... (Brouhaha.) ...et essayez d'imaginer comment toutes ces personnes qui travaillent dans le milieu agricole vont expliquer à leurs employés la position qu'ils sont en train de défendre tout de suite; ça, c'est un petit peu embarrassant.

Par ailleurs, il a été soulevé le problème de la concurrence: une CCT est exactement l'outil qui nous permettrait de lutter contre une concurrence déloyale. (Brouhaha.) Il semble que ce que je dis n'intéresse personne; excusez-moi, Monsieur le président, est-ce que vous voulez demander le silence ou est-ce que c'est moi qui dois me taire ?

Le président. Poursuivez, Madame, s'il vous plaît ! (Un instant s'écoule.)

Mme Salika Wenger. Je vous remercie, Messieurs. Je disais donc que pour lutter contre la concurrence déloyale qui semble être une préoccupation, il suffit d'une convention collective de travail, qui réglerait un certain nombre de problèmes. Alors aujourd'hui, je crois que, comme Mme Perler l'a dit tout à l'heure, encore une fois, il est bon de renvoyer ce projet au Conseil d'Etat afin qu'il nous fasse des propositions qui soient des propositions justes pour tous les travailleurs.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Marc Falquet, pour quarante secondes.

M. Marc Falquet (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, juste pour dire que les ouvriers agricoles, à Genève, sont très très loin d'être à plaindre ! Ils bénéficient de loyers d'environ 300 F à 400 F par mois. (Remarque.) 345 F par mois. Allez trouver un loyer à 345 F ! En général, ce sont d'excellents logements qui leur font économiser environ 1500 F à 2000 F par mois par rapport aux autres employés. Je vous garantis qu'un ouvrier agricole économise beaucoup plus d'argent par mois que n'importe lequel d'entre nous.

En plus, ils sont logés sur place, donc ils n'ont pas de frais de déplacement... (Commentaires.) ...et ils bénéficient, en général, des légumes invendus...

Mme Salika Wenger. Et en plus ils sont payés ! (Exclamations.)

Le président. Madame Wenger, s'il vous plaît !

M. Marc Falquet. ...donc ce sont des gens qui sont loin d'être à plaindre ! Voilà !

Le président. Vous avez utilisé votre temps de parole, Monsieur.

M. Marc Falquet. Merci, c'est tout ce que je voulais dire. (Brouhaha.) Donc il ne faut pas les plaindre et les prendre pour des gens...

Le président. Merci, Monsieur le député.

M. Marc Falquet. ...défavorisés, merci beaucoup.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme la députée Martine Roset pour une minute et trente secondes.

Mme Martine Roset (PDC). Merci, Monsieur le président. Je vais faire très court. On a accusé le PDC de retourner sa veste: je pense que le PDC a juste pris connaissance de certains mécanismes... (Commentaires.) ...très particuliers qui touchent les allocations familiales. Je vous cite deux exemples. Savez-vous qu'un couple dont monsieur travaille dans l'agriculture et madame dans un autre secteur touche plus d'allocations familiales que vous et moi ? (Commentaires.) Tout simplement parce que madame touche les allocations familiales genevoises normales de son secteur, et monsieur continue à toucher l'allocation de ménage ! Donc ils ont 100 F de plus par mois que n'importe quel couple genevois.

Deuxième exemple: savez-vous qu'un employé temporaire dont les deux enfants sont au Portugal touche plus que le SMIC portugais ?

Mme Salika Wenger. Et alors ? (Brouhaha. Exclamations.)

Mme Martine Roset. Voilà, ce sont des exemples très concrets qui montrent que ces mécanismes sont très particuliers, et malheureusement je pense que les membres PDC de cette commission n'en avaient pas connaissance. D'où le changement de position de notre groupe. (Commentaires. Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. Madame Engelberts, il vous reste dix-sept secondes !

Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Dix-sept secondes juste pour dire qu'effectivement, il n'y avait pas l'ensemble des représentants pour signer cette résolution; le PLR vient de me rappeler très aimablement qu'ils ne l'ont pas signée ainsi que l'UDC...

Le président. Merci, Madame.

Mme Marie-Thérèse Engelberts. ...ce qui confirme les dires qui étaient les nôtres.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, d'abord bonjour. Concernant cette proposition de résolution sur les allocations familiales du secteur agricole, elle est incontestablement séduisante à priori; à priori, je le dis, car je vous soumettrai ensuite les motifs qui m'amèneront à vous suggérer de ne pas la suivre.

C'est vrai que les principes d'égalité de traitement et de justice sociale sont évidemment... (Commentaires.) ...des motifs qui parlent à tout un chacun, et c'est vrai qu'à priori, on ne comprend pas pourquoi la modification de juin 2011 de votre parlement faisant passer les allocations familiales de 200 F à 300 F pour les salariés de ce canton ne s'appliquerait pas aux ouvriers agricoles. Je rappelle que cette proposition de résolution n'est que la suite de l'interpellation urgente 1387 puis de ce projet de loi 11116, qui est actuellement gelé en commission et qui l'a été précisément à la suite des débats qui ont permis à l'ensemble des commissaires présents de constater qu'il y avait réellement une problématique - qui n'est pas niée ici - mais que celle-ci ne pouvait pas être réglée par le texte de loi qui était proposé, d'où cette résolution. Selon le résultat de cette dernière, selon les discussions en commission, il a été décidé que l'examen de ce projet de loi serait, à ce moment-là, repris. Donc la question ne sera en tout cas pas définitivement enterrée aujourd'hui si vous rejetez cette proposition de résolution.

Rappelons le cadre légal, si vous le voulez bien, parce que c'est important. Les allocations familiales ont été adoptées au niveau fédéral tout d'abord dans le domaine agricole - c'est une loi de 1952 - et il a fallu attendre un demi-siècle pour que finalement, ce principe qui avait été accordé aux travailleurs agricoles soit appliqué à l'ensemble des travailleurs de notre pays. Malgré cela, la loi sur les allocations familiales de 2006, qui est entrée en vigueur le premier janvier 2009, n'exclut pas la loi sur les allocations familiales dans le domaine agricole; c'est donc bien que notre législateur fédéral a considéré, en adoptant la loi générale sur les allocations familiales, que le secteur agricole était véritablement un secteur particulier, avec ses caractéristiques propres, qui ne pouvait pas être englobé dans l'ensemble des éléments pris en considération dans la loi générale. Genève, quant à elle, a amélioré la situation fédérale avec la loi cantonale sur les allocations familiales que vous connaissez, qui a augmenté ces dernières, comme je l'ai dit, en juin 2011, pour les faire passer à 300 F.

Alors quels sont, effectivement, les éléments particuliers de ce domaine agricole ? On vous les a exposés dans le cadre des différentes interventions, mais je pense qu'il faut le rappeler. D'abord, ce qui est identique: l'allocation de naissance de 2000 F. Les travailleurs agricoles reçoivent cette allocation de naissance. L'allocation pour enfant, en revanche, est de 200 F en lieu et place de 300 F, selon la modification adoptée par votre parlement. L'allocation de formation est également inférieure, puisqu'elle est de 400 F pour l'ensemble des travailleurs et de 250 F pour le domaine agricole. Mais dans le domaine agricole - et c'est là la grande différence - on vous l'a dit, il y a une allocation de ménage de 100 F qui est reçue par les travailleurs. Alors on vous l'a expliqué également, les cotisations sociales - qui sont de 1,9% - sont déjà de 2% dans le domaine agricole et seraient encore augmentées à moins d'un financement intégral par l'Etat, qui coûterait - cela a été estimé en commission - un demi-million la première année compte tenu des frais de mise en route, puis 400 000 F par année, ce qui, étant donné le contexte budgétaire de l'Etat, n'est évidemment pas anodin. Mais encore une fois, ce n'est pas uniquement une question d'argent parce que l'égalité de traitement implique évidemment toujours des efforts financiers de la part de la collectivité publique, et cela ne doit pas être un motif pour maintenir dans un système inégalitaire des situations qui seraient similaires. Mais ici, comme je l'ai dit, les situations ne sont pas similaires. D'abord il y a cette allocation de ménage; il faut donc dire que si vous faisiez ce qui vous est demandé, eh bien nous aurions une inégalité de traitement en sens inverse, puisque nous aurions à ce moment-là un privilège qui serait accordé aux travailleurs agricoles. Ce n'est évidemment pas le motif de la démarche ni sa finalité. Cela impliquerait de toute façon un travail complémentaire pour un rééquilibrage... (Brouhaha.) ...afin qu'il n'y ait pas d'inégalité - merci, chers collègues - entre les travailleurs agricoles et les autres, de tous les autres secteurs confondus. Ce que l'on vous a dit aussi, et je pense qu'il faut insister là-dessus - c'est d'ailleurs le motif pour lequel notre législateur fédéral avait maintenu une situation différente pour le secteur agricole - c'est que les travailleurs agricoles sont, pour la quasi-totalité, logés là où ils travaillent, avec des conditions de logement extrêmement favorables ! (Commentaires.) Vous le savez, un citadin qui a un, deux ou trois enfants doit faire face à des loyers qui sont évidemment importants; avoir un enfant dans un logement en ville coûte beaucoup plus cher que dans un logement à la campagne. (Commentaires.) Or, les travailleurs agricoles sont dans des logements la plupart du temps mis à disposition par leurs employeurs... (Brouhaha.) ...avec des conditions extrêmement avantageuses, cela ressort d'ailleurs des travaux en commission pour ceux qui y étaient. Donc c'est vrai que là aussi, il y a des prestations indirectes en nature, je dirais, dont bénéficient les travailleurs agricoles et dont les autres travailleurs ne profitent pas. Donc pour ces motifs, Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat considère que cette proposition de résolution ne doit pas être suivie. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous avons été saisis d'une demande de renvoi à la commission des affaires sociales. Je mets donc aux voix cette demande.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 735 à la commission des affaires sociales recueille 44 oui et 44 non. (Exclamations.)

Le président. Il y a égalité des voix; je vais trancher en faveur du renvoi en commission.

La proposition de résolution 735 est donc renvoyée à la commission des affaires sociales par 45 oui contre 44 non.

R 759
Proposition de résolution de Mme et MM. Edouard Cuendet, Thierry Cerutti, Murat Julian Alder, Michel Amaudruz, Boris Calame, Jean-Marc Guinchard, Jocelyne Haller, Cyril Mizrahi, Sandro Pistis concernant une rectification matérielle apportée à la loi 11150 modifiant la loi sur la surveillance de l'Etat (LSurv) (D 1 09)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VI des 13, 14, 27 et 28 mars 2014.

Le président. Nous abordons notre dernière urgence. Mesdames et Messieurs les députés, la parole n'étant pas demandée, je vous fais voter sur cette proposition de résolution.

Mise aux voix, la résolution 759 est adoptée par 76 oui et 1 abstention.

Résolution 759

M 2170
Proposition de motion de MM. Patrick Lussi, Bernhard Riedweg, Stéphane Florey : Députés et Conseillers nationaux jetés dehors comme des malpropres : autorisons leur présence lors des conférences de presse du Conseil d'Etat !
Ce texte figure dans le «Recueil des objets déposés et non traités durant la 57e législature».

Débat

Le président. Nous traitons encore la proposition de motion 2170. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. La parole est à M. le député Lussi.

M. Patrick Lussi (UDC). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, cette motion a été rédigée, vous vous en souvenez, à la suite du drame de la Pâquerette, au moment où nous voulions de l'information et que l'information était distillée non pas au compte-gouttes, mais selon un système de caste sur lequel l'Union démocratique du centre aimerait simplement porter votre attention aujourd'hui. Ce qui s'est passé ce soir-là pourrait en effet recommencer. Et si vous regardez l'exposé des motifs, nous tenons simplement à dire que les députés - pour autant qu'on le sache et pour autant que la population nous fasse confiance - sont là aussi pour apprécier des situations, faire des propositions et gérer des problèmes. Si vous observez ce qui se passe, actuellement, lorsque vous avez des événements importants, des événements méritant d'être traités en urgence, eh bien oui, le Grand Conseil, ou du moins ses députés ou d'autres élus - est-ce que ce n'est pas un crime de lèse-majesté ? - ne sont pas conviés aux conférences de presse. Je n'incriminerai pas la relation que peut faire la presse de cela, mais nous trouvons paradoxal et dommage de devoir attendre soit la télévision, soit la presse pour obtenir quelques informations. Raison pour laquelle cette proposition de motion - que nous ne sommes pas du tout opposés à renvoyer en commission - vise à ouvrir le débat et à demander au Conseil d'Etat, si ce n'est la priorité, du moins la simultanéité de l'information, c'est-à-dire que quand des conférences de presse sont tenues en urgence, les élus qui désirent y participer puissent y aller et ne soient pas refoulés sous prétexte qu'ils n'ont pas de carte de presse. Je vous remercie.

Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Les Verts ne soutiendront pas cette motion, ni son renvoi en commission. Certes, les députés ne sont pas invités aux conférences de presse du Conseil d'Etat, mais ils reçoivent tous les mercredis le communiqué de presse du Conseil d'Etat, qui contient toutes les informations essentielles. Si ces informations ne vous suffisent pas, rien ne vous empêche, Monsieur le député, d'aller vous renseigner plus avant auprès des conseillers d'Etat.

En fait, nous trouvons assez normal que le parlement n'assiste pas aux conférences de presse du Conseil d'Etat; en effet, si des députés ou une commission organisaient également, à leur tour, une conférence de presse, vous n'aimeriez pas que le Conseil d'Etat soit présent. Nous restons donc dans la logique des choses.

Je voudrais encore souligner le fait que les termes utilisés dans cette motion sont assez déplaisants. Je note que l'UDC qualifie spontanément les députés de «vauriens» et de «malpropres». Je ne sais pas si ces qualificatifs sont appropriés pour les députés de l'UDC, mais les Verts n'ayant jamais tenté de s'imposer aux conférences de presse du Conseil d'Etat, ils ne se sentent nullement visés.

En résumé, il nous paraît que les députés et les conseillers nationaux ont certainement autre chose à faire, le mercredi, que d'aller assister à des conférences de presse. (Commentaires.) Si vous ne savez vraiment pas comment occuper vos journées, j'en suis désolée pour vous, mais nous, en tout cas, nous estimons avoir autre chose à faire. Sinon, on pourrait même aller plus loin que votre motion: un illustre député m'a suggéré que nous puissions assister aux discussions du Conseil d'Etat, à leurs séances du mercredi ! (Exclamations. Brouhaha.) Voilà peut-être une manière d'être encore plus informés ! Bref, les Verts n'ont pas besoin de chercher de nouveaux passe-temps et ne voteront donc pas cette motion. Merci, Monsieur le président.

M. Bernhard Riedweg (UDC). Les députés sont les représentants du conseil d'administration de la République et canton de Genève; la bienséance et les règles de courtoisie voudraient qu'ils puissent être assurés d'assister à une conférence de presse du Conseil d'Etat, surtout s'il s'agit d'un drame affectant directement le canton de Genève. Il n'est pas normal que les élus apprennent par la presse ce qu'il se passe dans le canton, surtout s'il s'agit d'informations officielles. Nous sommes conscients qu'il pourrait y avoir un problème de place si les cent députés ainsi que les suppléants devaient assister à une conférence de presse donnée par le Conseil d'Etat à l'Hôtel de Ville. Cependant, nous estimons que la salle où nous siégeons actuellement pourrait faire office de lieu adapté... (Commentaires.) ...pour une conférence de presse ! (Remarque.) Nous vous demandons donc de donner une suite favorable à l'invite de cette motion, et nous vous en remercions. Merci, Monsieur le président.

M. Frédéric Hohl (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, le PLR ne va pas suivre cette motion et ne va pas soutenir non plus son renvoi en commission. Nous nous étonnons, parce que l'UDC est quand même un des partis très forts au niveau de la communication en Suisse; or, toute personne qui a déjà organisé une conférence de presse sait que ce qui est important, c'est d'abord de faire passer son message, et puis si possible d'avoir des journalistes dans la salle ! Alors si on suit votre motion, et puis que nous avons trois journalistes dans la salle, trente-cinq députés, huit ou neuf conseillers nationaux et puis encore une dizaine d'assistants parlementaires, vous ne ferez plus passer votre message ! Donc c'est complètement faux en termes de com' ! Imaginez-vous, Messieurs et Madame de l'UDC, vouloir faire passer un message: vous voulez parler aux journalistes ! Ce n'est pas une tribune ! Cela a été dit tout à l'heure, chaque mercredi nous recevons le communiqué de presse du Conseil d'Etat. Moi, en neuf ans de députation, j'ai peut-être lu une ou deux fois un sujet sur lequel je ne travaillais pas en commission... (Commentaires.) ...et pour lequel j'ai appris par la presse que certaines mesures avaient été mises en place, mais c'est extrêmement rare. Donc soyons un peu sérieux, laissons travailler l'exécutif et je vous demande, Mesdames et Messieurs, de rejeter cette motion, merci.

Fin du débat: Session 6 (mars 2014) - Séance 34 du 27.03.2014

Le président. Merci, Monsieur le député. Vu le nombre d'inscrits et l'heure qu'il est, je vous propose une petite pause. Nous reprenons à 10h.

La séance est levée à 9h50.