République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 14 février 2014 à 15h
1re législature - 1re année - 5e session - 25e séance
P 1784-C
Débat
Le président. Nous traitons maintenant la P 1784-C. Le rapport est de M. Jacques Jeannerat, remplacé par M. Jean Romain, qui ne prend pas la parole. La parole est à M. le député Philippe Joye. (Remarque.) C'est une erreur. La parole est à Mme la députée Lisa Mazzone.
Mme Lisa Mazzone (Ve). Merci, Monsieur le président. On s'ennuyait depuis hier soir, on dirait ! Voici encore une manifestation du mythe de la nouvelle route, qui a déjà fait l'objet de toute notre séance d'hier - c'est dire si ce mythe connaît de nombreux fervents dans ce parlement ! Dans la mesure où nous venons d'inaugurer la tranchée couverte de Vésenaz, ce n'est pas étonnant que chaque commune y aille de sa demande, et c'est à qui obtiendra en premier la prochaine route d'évitement. A Genève, on croit visiblement encore qu'augmenter la voirie résout les problèmes de circulation, en faisant fi des données qui montrent qu'on augmente ainsi le trafic routier et avec lui ses nuisances, y compris les bouchons pourtant décriés.
On se trouve ici à Chancy qui, avec les 5000 véhicules qui le traversent par jour, réclame à son tour son lot de bitume sur terre agricole, sa part de millions dédiés à la route, bien que moins de 1% du trafic aux frontières passe par la douane de Chancy. Et compte tenu des votations de dimanche passé, on peut imaginer que le nombre de véhicules aille en diminuant. (Brouhaha.) Hier, c'était Vésenaz, aujourd'hui, ce serait Chancy, demain, Hermance, Soral, etc.: à ce rythme, le carré de verdure vaudra bientôt de l'or dans notre canton ! Au-delà de ces considérations, le nombre de véhicules n'est pas une fatalité, Chancy a une bonne liaison ferroviaire vers le centre-ville, et c'est à mon avis sur ce point qu'il faudrait travailler maintenant en améliorant sa desserte et les solutions de P+R proposées aux alentours. Dans ce cadre et afin de construire enfin un avenir plus respectueux de l'environnement et des gens, le groupe des Verts vous engage à aller de l'avant en prenant acte de ce rapport. Je vous remercie.
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, nous venons d'entendre une députée Verte. Eh bien, que tous les gens laissent leur véhicule en France et viennent à pied, à vélo ou en bus depuis Chancy ! Evidemment, cela ne fonctionne pas, comme vous l'avez bien vu, et la situation est péjorée pour les résidents de Chancy.
Mais j'aimerais tout de même avoir une pensée ici pour le côté français... (Exclamations.) ...parce que si 10 000 véhicules passent chaque matin à travers la commune de Chancy, il y a aussi 10 000 véhicules qui passent chaque matin dans la commune française de l'autre côté de la frontière. Finalement, cette situation non prévue ou en tout cas non anticipée par les gouvernements successifs a péjoré la qualité de vie de bon nombre de citoyens. Et Chancy n'est pas une exception: il y a aussi le village de Soral, Saint-Julien avec Perly, enfin, à peu près tout l'anneau de frontière avec la France.
Quelle est la bonne solution ? Chacun y va un peu de sa recette. Il n'en demeure pas moins que nous avions été enchantés de la déclaration d'un conseiller d'Etat Vert, M. Cramer - c'est arrivé une fois, je le souligne - qui était venu déclarer ici, dans cet hémicycle - la «Tribune de Genève» l'avait repris, vous pouvez rechercher dans les archives ou consulter le Mémorial - qu'il allait fermer certaines routes du réseau secondaire dans les périphéries douanières du canton de Genève, ce afin de canaliser le trafic automobile sur les points d'accès des douanes notamment de Bardonnex et de Saint-Julien, puis de Thônex-Vallard et du CERN. Malheureusement, cette déclaration était vide de tout sens, puisqu'il ne l'a jamais mise en application. Alors si vous voulez inciter nos amis français à prendre les transports publics, commencez par accepter de fermer le réseau routier secondaire à certaines heures - parce qu'il y a aussi des dispositions fédérales qu'il faut respecter.
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Eric Stauffer. Je vais conclure. Cette mesure canalisera le trafic sur certains points d'entrée. Demandons à nos amis français de construire des parkings sur leur territoire avec les 300 millions que nous leur versons chaque année; nous nous chargerons, nous Genevois, de mettre des bus TPG à disposition. Ainsi, nous aurons fait du travail efficace. Evidemment, venir opposer, chaque fois qu'on parle des frontaliers, qu'il faut tout laisser ouvert, amène à ce résultat: aujourd'hui, la circulation à Genève est un chaos, comme le parti des Verts ! (Rires.)
M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, revenons à l'essence de cette pétition, qui était de demander un itinéraire de délestage. Il est tout de même intéressant de remarquer - je dis ceci à l'attention de ma préopinante Verte - qu'il est dit que de l'autre côté, les trains sont saturés, qu'il y a à peine six places de parking: on voit que l'alternative des transports publics, même s'il faut aller en France, mon Dieu, est impossible. Vous vous souvenez peut-être aussi que tout cela est parti à propos du pont de Chancy, parce qu'il semblerait qu'il soit en très mauvais état et ne supporte plus de double flux de circulation, d'où une circulation alternée. C'est toujours plaisant d'entendre une députée Verte dire: «C'est formidable, l'initiative UDC, il y aura moins de voitures à Chancy !» Ce n'était pas le but, mais enfin bon, je le remarque en passant. Mesdames et Messieurs les députés, il y a un problème; on ne peut pas tout résoudre, mais passer comme chat sur braise sur une pétition d'habitants, ce n'est pas possible, raison pour laquelle le groupe UDC refuse de prendre acte de cette pétition, comme le dit le rapporteur.
Une voix. Il n'a pas parlé, le rapporteur !
M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, on a pu entendre il y a quelques secondes un représentant d'un parti populiste affirmer que les problèmes de circulation dont souffrent les villages genevois sont dus au fait que certains partis, ma foi, prônent une mobilité plus raisonnable, plus respectueuse de l'environnement. C'est tout de même assez cocasse d'entendre un tel député, qui se bat pour fermer les frontières, chasser les étrangers de toutes catégories... (Commentaires.) ...refuser dans le même temps de construire des parkings P+R en France voisine, alors que c'est bien la première mesure de bon sens qu'on devrait prendre pour essayer d'éviter que du trafic vienne jusqu'au centre-ville. (Remarque.) On en a ici l'exemple, la démonstration parfaite: les problèmes de circulation sont entretenus par le MCG qui non seulement refuse les P+R en France voisine, mais en plus, chaque année, s'oppose au travail de la Fondation des parkings... (L'orateur est interpellé par M. Eric Stauffer.)
Le président. Monsieur Stauffer, s'il vous plaît !
M. Roger Deneys. ...et refuse d'exercer le contrôle sur le stationnement de façon sérieuse, alors que c'est bien la première mesure dissuasive pour éviter que les personnes qui n'ont pas besoin de prendre leur voiture la prennent. Eh bien, Mesdames et Messieurs, les socialistes sont effectivement en faveur de mesures pour les habitants de Chancy, mais comme il a été rappelé, Chancy est particulièrement bien desservi en transports publics puisqu'il y a un train. Ah oui ! C'est vrai que la gare est de l'autre côté du Rhône, une distance infranchissable ! Mais je vous rappelle que cette traversée est nettement moins large que celle de la rade ou du lac ! S'il faut créer une navette entre Chancy-village et Pougny-gare, je pense que le Conseil d'Etat est capable de mettre sur pied un tel projet dans des délais remarquables, et je compte sur lui.
Je propose donc de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat pour qu'il nous propose une navette de Chancy-village à Pougny-gare.
M. Jean Romain (PLR), rapporteur ad interim. Chers collègues, depuis plusieurs décennies, une promesse avait été faite à Chancy, celle d'étudier un projet de route de contournement du village. Le début de cette étude avait été mené, et pour diverses raisons rien n'a été réalisé. Actuellement, le flux des voitures, comme l'a dit M. Stauffer, est continu dans la rue du village, une rue étroite où il n'est tout simplement pas possible de croiser avec un bus. Il n'y a pas de parking, évidemment, sur la commune française, et en fait, ce n'est pas possible d'en faire un à Pougny. A Pougny-gare, il y a quatre ou cinq places ! Mais on ne peut pas imaginer qu'à Pougny-gare se fasse une sorte de «point de transfert modal», comme on dit aujourd'hui. Le P+R est à Bernex, et là il y a de la place ! Et il est possible d'accueillir des voitures à Bernex, quitte à agrandir peut-être un peu le parking - je ne connais pas les plans qui seront faits demain à Bernex - de façon à ce que les automobilistes prennent ensuite le tram. Il faut que Chancy ait le droit, comme toutes ces communes, ces villages engorgés, à un itinéraire de délestage pour amener les frontaliers qui arrivent dans Chancy de deux douanes différentes jusqu'à Bernex, où ils peuvent prendre le tram. C'est pourquoi le PLR, suivant le rapport de M. Jeannerat, propose de ne pas prendre acte de cette pétition.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur ad interim. La parole est à M. Stauffer pour dix secondes.
M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. J'aimerais simplement corriger une chose: je n'ai jamais parlé de chasser les étrangers, au contraire, j'ai parlé de nos amis français qui ont les mêmes problèmes quant au nombre de véhicules qui passent. Donc je ne laisserai pas dire ces propos à mon encontre...
Le président. C'est terminé, Monsieur.
M. Eric Stauffer. J'ai terminé, merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le conseiller d'Etat Luc Barthassat.
M. Luc Barthassat, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues, il est clair que ce genre de problème sur la route passant dans Chancy - de même que la traversée de la rade - on en parle depuis plusieurs années, voire des décennies. Quand on regarde les plans directeurs élaborés par le département et l'ancien Conseil d'Etat, cette route d'évitement de Chancy ne fait pas partie des priorités. C'est évidemment bien malheureux parce que, je le répète, on en parle depuis des années. Comme l'a dit M. Stauffer, beaucoup d'autres endroits de la campagne sont concernés, entre autres dans la région de Croix-de-Rozon et de Landecy. Si l'on regarde notre plan financier, nous n'avons malheureusement pas les budgets pour élaborer ces routes d'évitement à plusieurs endroits du canton, mais il existe d'autres solutions, notamment celle de terminer le CEVA, et je vous rappelle que vous vous y opposez avec votre parti, Monsieur Stauffer. De nouvelles lignes de tram sont aussi prévues en direction de la France - par exemple de Saint-Julien - et nous voulons élaborer des P+R sur le territoire français pour éviter aux automobilistes non seulement de traverser leurs villages, mais aussi les nôtres. Et nous devons penser non seulement à fermer certaines frontières - ce peut être une solution, déjà appliquée d'ailleurs pour certaines petites douanes - mais bien à élaborer un système qui fait que les gens prennent de plus en plus souvent les transports publics, et essayer de régulariser le transit entre la France et la Suisse. A nouveau, malheureusement, nous n'avons pas l'argent pour construire ces différents évitements.
Pour ma part, je vais aller visiter un certain nombre de communes. Soral en fait partie, parce qu'elle a les mêmes problèmes, Chancy aussi, et je me fais le porte-parole de ceux qui disent que quand on inaugure une législature, on est en droit de revoir certaines idées. Je me donne le droit de voir avec mes services si nous ne pouvons pas remettre certaines priorités au goût du jour. Je vous demande quand même quelques mois pour que nous ayons le temps de nous installer, de rediscuter tout cela, parce qu'il est vrai que nous discutons depuis des décennies du problème de Chancy, et il arrivera bien un jour où il faudra peut-être mettre ce projet dans les priorités, ce qui n'est malheureusement pas le cas pour le moment.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous fais voter le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport sur cette pétition.
Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport sur la pétition 1784 (P 1784-B) est adopté par 61 oui contre 11 non et 3 abstentions.
Le rapport du Conseil d'Etat sur la pétition 1784 (P 1784-B) est donc refusé.
Le Grand Conseil prend acte du rapport de commission P 1784-C.