République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 28 novembre 2013 à 20h30
1re législature - 1re année - 2e session - 6e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Antoine Droin, président.
Assistent à la séance: Mme et MM. Pierre-François Unger, François Longchamp, Isabel Rochat et Pierre Maudet, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Charles Beer, président du Conseil d'Etat, David Hiler et Michèle Künzler, conseillers d'Etat, ainsi que MM. Murat Julian Alder, Michel Amaudruz, Christian Grobet, Norbert Maendly, Rémy Pagani et Pierre Weiss, députés.
Députés suppléants présents: Mme et MM. Gilbert Catelain, Vera Figurek, Pierre Gauthier, André Pfeffer, Georges Vuillod et Yvan Zweifel.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de procureurs. Je prie Mme le sautier de les faire entrer et l'assistance de bien vouloir se lever. (Les procureurs entrent dans la salle du Grand Conseil et se tiennent debout, face à l'estrade.) Je prie les personnes à la tribune de ne pas prendre de photos.
Mesdames et Messieurs, vous êtes appelés à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyen et comme magistrat du Ministère public;
- de constater avec exactitude les infractions, d'en rechercher activement les auteurs et de poursuivre ces derniers sans aucune acception de personne, le riche comme le pauvre, le puissant comme le faible, le Suisse comme l'étranger;
- de me conformer strictement aux lois;
- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;
- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;
- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»
Ont prêté serment:
M. Fabrizio La Spada, Mme Judith Lévy Owczarczak, Mme Iana Mogoutine Castiglioni et M. Gregory Orci.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de magistrats du pouvoir judiciaire. Je prie Mme le sautier de les faire entrer et l'assistance de bien vouloir se lever. (Les magistrats entrent dans la salle du Grand Conseil et se tiennent debout, face à l'estrade.)
Mesdames et Monsieur, vous êtes appelés à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyen et comme juge;
- de rendre la justice à tous également, au pauvre comme au riche, au faible comme au puissant, au Suisse comme à l'étranger;
- de me conformer strictement aux lois;
- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;
- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;
- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»
Ont prêté serment:
Mme Cécile Berger Meyer, Mme Zena Goossens-Badran, Mme Nathalie Thürler et M. Boris Lachat.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)
Annonces et dépôts
Le président. La commission des pétitions nous informe qu'elle désire renvoyer la pétition suivante:
Pétition : N'attendons plus pour agir contre le dumping salarial ! Garantissons les droits démocratiques ! (P-1888)
à la commission de l'économie.
Premier débat
Le président. Je vous propose de passer à l'urgence suivante, à savoir le point 44: PL 11140-A. Nous sommes en catégorie II - cinquante minutes. Je donne la parole au rapporteur de majorité, M. Frédéric Hohl.
M. Frédéric Hohl (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi a été étudié dans trois commissions: il a été l'objet de trois séances de la commission judiciaire, de qui nous avons reçu un préavis favorable, puis il a été discuté lors d'une séance de la sous-commission informatique, de qui nous avons aussi reçu un préavis favorable, et nous l'avons finalement traité en commission des finances.
Depuis bientôt dix ans, les politiques, la police, mais surtout les habitants de Genève parlent de la vidéoprotection, de la vidéosurveillance. A la commission judiciaire, depuis huit ans, la problématique de la protection de la sphère privée a toujours été au centre de tous nos débats. La technologie en matière de vidéosurveillance et de vidéoprotection a fait d'immenses progrès, et on le voit au fur et à mesure de nos discussions; chaque année, il y a vraiment des progrès considérables dans cette forme de surveillance et de protection. A Genève, je le rappelle - mais je crois que tout le monde le sait - nous sommes filmés à de nombreux endroits, en premier lieu dans les transports publics: quand vous prenez le tram, vous êtes filmés en permanence, ce qui ne pose aucun problème, bien au contraire. Pour mémoire, dans ce canton nous respectons la LIPAD, et seule la justice, dans le cas d'une affaire, peut visionner ces images. (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît !
M. Frédéric Hohl. Vous savez que le bar est ouvert: ceux qui ne sont pas intéressés par le débat peuvent y aller sans problème. (Remarque.) Et les caméras ne sont pas allumées, au bar !
Au sujet de la LIPAD, après le dépôt de ce rapport, nous avons reçu un courrier de la commission consultative en matière de protection des données, de transparence et d'archives publiques qui a été transmis au département chargé des institutions et de la sécurité pour assurer que la LIPAD soit bien prise en compte, en complément à de nombreuses séances qui avaient déjà eu lieu.
Ce projet de loi a principalement pour but de mettre sur pied une expérience pilote de deux ans dans une zone bien définie du quartier des Pâquis, afin de tirer les conclusions de ce test pour l'étendre ou non à d'autres quartiers. Mais pourquoi une expérience pilote ? D'abord en raison d'une forte demande des commerçants, mais également de la population pour plus de sécurité à Genève. Que propose cette expérience test ? Le dispositif permet de fournir à la justice des éléments de preuve après un crime, par exemple - ça, c'est connu. Il permet aussi de protéger les habitants en intervenant sur des délits en temps réel, et c'est là justement que ce projet devient intéressant, car le collaborateur, avec l'aide de la technologie, pourra par exemple voir en direct un homme qui tombe, atteint d'une crise cardiaque, et immédiatement appeler une ambulance. C'est là l'un des exemples de la vidéoprotection. Il pourra également faire appel à une patrouille de police pour intervenir lors d'un événement particulier.
Comme je l'ai mentionné au début de mon intervention, dans toutes les auditions que nous avons eues, nous avons toujours parlé de la sphère privée, qui est parfaitement respectée dans ce projet pilote: les caméras installées ne filment bien évidemment pas les appartements, le premier étage, le deuxième, les commerces, elles se trouvent strictement sur la voie publique.
Ma conclusion, forcément, est un peu facile: il y a dix jours, à Paris, le tireur n'aurait jamais été attrapé sans l'aide des caméras. Celles-ci ne vont pas résoudre tous les problèmes, mais elles représentent un outil supplémentaire, et je pense que si par malheur votre maman ou votre grand-maman se fait agresser dans la rue, on sera très heureux de pouvoir retrouver le malfrat grâce à ces caméras.
Tel camp politique peut sortir des études très intéressantes et documentées pour nous dire que la vidéoprotection ne sert absolument à rien, qu'elle est extrêmement onéreuse, qu'elle tue la sphère privée, qu'elle ne doit surtout pas exister dans une ville; l'autre camp politique vous sortira une autre étude en vous disant que la vidéoprotection, c'est la panacée, c'est formidable, c'est ce que nous devons mettre en place. Mesdames et Messieurs, je crois qu'il est préférable d'arrêter de lire toutes ces études: nous avons l'occasion d'effectuer un test pendant deux ans, et à droite comme à gauche, nous allons en observer le déroulement pour nous faire par nous-mêmes notre propre opinion. Mesdames et Messieurs, je vous encourage donc vivement à suivre lors de votre vote le rapport de la majorité de la commission des finances, et je me permettrai de reprendre la parole plus tard si besoin. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
M. Roger Deneys (S), rapporteur de première minorité. Mesdames et Messieurs, je crois que l'ensemble des députés de ce Grand Conseil est particulièrement attaché à assurer la sécurité des Genevoises et des Genevois et à donner les moyens nécessaires à ce que nous puissions nous promener, vaquer à nos occupations, profiter des activités culturelles, de sport ou de loisirs qui se déroulent dans cette ville de façon optimale et sans craindre une agression, un vol, etc. Ce souci, je pense, est partagé par toute la classe politique et répond d'ailleurs à une attente légitime de la population, car il est moins agréable de se promener aujourd'hui à Genève qu'il y a quelques années, tout le monde l'a sans doute constaté. Nous souffrons donc effectivement d'un problème de risques, de sécurité, et c'est un fait qu'il faut prendre des mesures.
Cependant, nous assistons actuellement à une surenchère dans les propositions en matière de sécurité, surenchère qui revêt deux aspects. Premièrement, les effectifs: on dit qu'il faut davantage de policiers dans la rue. On n'a pas l'impression d'avoir suffisamment de policiers dans la rue - je pense que c'est un constat partagé par l'ensemble de la classe politique - et donc, au fond, on a l'impression que personne ne viendra à notre secours si une agression survient. Ce constat pose à mon avis un véritable problème, parce que nous sommes très attachés à pouvoir vaquer à nos occupations en sécurité.
Deuxièmement, il y a l'aspect technologique: on peut se dire qu'avec la technologie, il est possible d'améliorer la sécurité, de prévenir éventuellement des délits, de repérer des personnes suspectes, et que la technologie vient donc en quelque sorte compléter les effectifs de police.
Mais je crois qu'il ne faut pas oublier une chose: il existe une contrainte imposée aussi par ce parlement, qui est la contrainte budgétaire. D'une certaine manière, on fait une pesée d'intérêts: faut-il renforcer les effectifs de police sur le terrain ? Mettre des caméras de surveillance à la place ? Faut-il faire les deux ? Cela dépend aussi des moyens dont on dispose, ainsi que, en partie, du contenu de la proposition. Ici, Mesdames et Messieurs les députés, le problème est que ce projet de loi a été présenté comme un projet pilote par le département et le conseiller d'Etat en charge de la police et de la sécurité. Comme l'a dit M. Hohl tout à l'heure, c'est un projet pilote de deux ans, or la mention de la durée ne figure pas du tout dans le projet de loi, malheureusement; et s'il est certes question d'une évaluation annuelle, en réalité, on peut se demander s'il vaut la peine d'investir un million et demi de francs pour «protéger», entre guillemets, avec des caméras un périmètre d'une dizaine de rues des Pâquis pendant deux ans pour deux millions de francs. Est-ce raisonnable et est-ce réellement un projet pilote ? Pour les socialistes, c'est là une partie importante de la discussion qui doit avoir lieu ce soir: n'installe-t-on des caméras vraiment que pour deux ans ? Je crois que l'honnêteté veut qu'on reconnaisse dès le départ que si l'on installe des caméras, ce ne sera pas seulement pour deux ans: on ne va pas les débrancher et les enlever deux ans plus tard, après une dépense de deux millions de francs.
On ne parle donc pas ici d'un projet pilote; on parle bien, en fait, d'une première phase d'installation de caméras de vidéoprotection à Genève. Cela peut se discuter, pourquoi pas; mais alors il faut être très clair et ne pas faire croire à ce Grand Conseil qu'il s'agit d'un projet pilote. Et en ce sens-là, ce projet de loi ne répond pas à ce qu'il prétend démontrer, à savoir l'utilité expérimentale de cette protection. De plus, en protégeant dix rues seulement, on voit très bien ce qui arrivera, c'est-à-dire l'«effet plumeau»: il est clair que la délinquance va se reporter sur les rues adjacentes, et en l'occurrence on peut déjà affirmer que deux ans plus tard, la criminalité aura baissé dans le périmètre surveillé - les gens ne sont pas fous, ils n'iront pas commettre des délits sous l'oeil des caméras - mais que les délits seront commis un peu plus loin.
Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes ne sont pas opposés à l'idée que la technologie vienne compléter les dispositifs de renforcement de la sécurité à Genève, mais pour cela, il faut affirmer clairement le caractère expérimental de ce projet de loi, et donc le compléter pour donner au système les conditions d'une expérience réelle. Nous avons déposé un amendement à cet effet, parce que selon nous, si l'on dépense la même somme pour mettre dans la rue des policiers à la place des caméras, l'effet sera peut-être meilleur.
Une voix. On peut mettre les deux !
M. Roger Deneys. Ah oui, on peut éventuellement mettre les deux, parce que c'est vrai que certains députés rasent gratis, mais si l'on met les deux, ça coûte deux fois plus cher !
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le rapporteur.
M. Roger Deneys. Certains l'ont peut-être oublié, mais nous, nous aimerions une expérimentation avant de décider si l'une ou l'autre des solutions est la bonne, et nous souhaiterions donc, avant de l'accepter, que ce projet de loi clarifie la question de l'expérience.
Mme Emilie Flamand-Lew (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. M. Deneys a évoqué la notion de pesée des intérêts, et je crois que c'est bien là ce qui a manqué lors de l'étude de ce projet de loi en commission et en particulier en commission des finances, puisque le coût de ce projet n'est tout de même pas anecdotique: sur une période de deux ans, on arrive à presque 4 millions de francs, soit 1,9 million d'investissement plus 1 million par an de fonctionnement pour la centrale d'observation.
Afin d'analyser le projet et de faire correctement une pesée des intérêts, il faut connaître les bénéfices à attendre de la vidéosurveillance. M. Hohl l'a dit, il y a à peu près autant d'études disant qu'elle a des effets positifs que d'autres qui affirment qu'elle n'a absolument aucun effet; il est donc difficile de ne se fier qu'à ces études. Toutefois, on trouve dans l'exposé des motifs du projet de loi les résultats que l'on peut attendre de la vidéosurveillance pour les différentes catégories d'infractions. La source émanant du département de la sécurité - autant dire que c'est parole d'Evangile - je me permets de reprendre ce que disait cet exposé des motifs: d'une part, pour les infractions liées aux stupéfiants, c'est-à-dire essentiellement les problèmes de deal, et les problèmes d'incivilité, l'exposé des motifs reconnaît que la vidéosurveillance est inutile; c'est le fameux «effet plumeau» qu'évoquait M. Deneys, les personnes ne vont pas commettre d'infractions devant les caméras, mais se déplaceront un peu plus loin. D'autre part, en ce qui concerne les violences et les infractions contre le patrimoine - les déprédations de biens - la vidéosurveillance est utile mais essentiellement à posteriori, pour retrouver les coupables. Or, pour les Verts, le rôle de l'Etat et de la police en particulier est en priorité de faire en sorte que les infractions ne soient pas commises ! Je crois que nos concitoyens paient des impôts et financent une police non pas pour qu'on retrouve qui leur a arraché leur sac, mais bien en premier lieu pour qu'on ne le leur arrache pas !
Après ces questions pragmatiques de pesée des intérêts qui ne nous ont pas convaincus, vient une question de principe quant à la protection de la sphère privée. Dans ce pays, on débat actuellement de questions financières, de questions bancaires sur lesquelles on est extrêmement chatouilleux, y compris et peut-être surtout au sein du PLR; en revanche, quand on parle de la protection de la sphère privée de l'ensemble des citoyens, tout à coup, il n'y a plus personne, ce n'est pas grave. D'ailleurs, très récemment, le parlement a diminué les moyens alloués aux préposés à la protection des données et à la transparence, qui n'ont donc pas les ressources pour effectuer un véritable contrôle sur cette vidéosurveillance. Et contrairement aux espaces clos - transports publics, parkings, bancomats - où la vidéosurveillance a prouvé son utilité et où l'usager des lieux peut être dûment prévenu de la présence de caméras, le problème avec la vidéosurveillance dans l'espace public... (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît, un peu de silence !
Mme Emilie Flamand-Lew. ...c'est non seulement son utilité, qui est hautement contestée - ce que reconnaît même le département dans son exposé des motifs - mais aussi la protection de la sphère privée, puisque les passants ne savent pas qu'ils sont filmés. A cela s'ajoutent des problèmes d'étanchéité de la police, pour ainsi dire, puisque Genève a déjà expérimenté des caméras, notamment à l'occasion du Championnat d'Europe de football, et des images montrant la cheffe de la police qui n'était pas en exercice mais dans un moment privé sont sorties dans la presse suite à une fuite, alors que selon la LIPAD que M. Hohl citait tout à l'heure, elles auraient dû être effacées depuis longtemps. Plus récemment, des images de vidéosurveillance d'une prison se sont également retrouvées dans la presse dominicale, ce qui pose un véritable problème. En effet, si l'on parle de protection de la sphère privée et de filmer l'espace public, il faut qu'on puisse avoir une confiance absolue dans les personnes qui vont traiter ces images; or aujourd'hui, on ne peut pas dire que ce soit le cas à Genève.
Vous l'avez compris, le coût est très élevé et c'est une mesure qui est limitée dans le temps et dans l'espace, avec seulement quelques rues concernées. Il y a deux semaines, en commission judiciaire, nous avons auditionné des parents d'élèves des Pâquis à propos d'une motion concernant le deal devant les écoles; des commissaires leur ont demandé ce qu'ils pensaient du projet de vidéosurveillance aux Pâquis - celui-là même dont nous discutons ce soir - et les deux mamans d'élèves ont répondu: «Nous en sommes plutôt inquiètes, car cette vidéosurveillance ne se fera pas vers chez nous...»
Des voix. C'est faux ! (Commentaires.)
Mme Emilie Flamand-Lew. Non, ce n'est pas faux ! Je peux vous montrer le procès-verbal si vous le souhaitez ! Parmi les gens qui disent que c'est faux, beaucoup ne siègent pas dans cette commission. (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît, un peu de silence !
Mme Emilie Flamand-Lew. Ces mamans d'élèves ont déclaré qu'elles étaient inquiètes du projet car elles craignaient que cela ne repousse les dealers de la zone qui sera filmée et ne les rapproche du périmètre des écoles.
Le président. Il vous faut conclure, Madame, s'il vous plaît.
Mme Emilie Flamand-Lew. Je vais conclure en disant qu'effectivement, le problème de la sécurité doit être empoigné à Genève, mais il doit l'être avec une police présente sur le terrain. Les ressources que vous allez voter ce soir seraient bien mieux allouées en finançant des postes de policiers de proximité. C'est pourquoi je vous engage à refuser ce projet de loi. (Applaudissements. Brouhaha.)
Le président. Merci, Madame la députée. Les bancs du MCG, si vous pouviez être un peu plus discrets, s'il vous plaît, cela m'arrangerait.
Mesdames et Messieurs, j'ai oublié de faire lire le courrier 3284 sur ce sujet dont la lecture a été demandée à la précédente séance; je vais donc laisser la parole à M. Lefort pour cela.
Le président. Merci, Monsieur Lefort. Je passe la parole à M. le député Patrick Lussi. (Un instant s'écoule.) M. Patrick Lussi a la parole.
M. Patrick Lussi (UDC). Merci, Monsieur le président; excusez-moi, j'étais un peu distrait. Mesdames et Messieurs les députés, votre quiétude, ce soir, est prise en otage. Je devrais plutôt m'adresser à ceux qui nous regardent. Votre quiétude est prise en otage parce qu'on est en présence de deux concepts. D'un côté, ceux qui disent: «Quels sont les moyens qui peuvent aider à la sécurité ? Quels sont les moyens passifs qui permettent d'observer ? Quels sont les moyens techniques présents derrière les moyens passifs ?» Et puis, vous avez les ineffables - j'allais énoncer une date, mais enfin je pense à tous ceux de ma génération, les soixante-huitards, ceux qui vomissent sur les chiffres et sur la prétendue volonté de l'Etat de tout chiffrer, etc.
Je regrette que nous en soyons là. Nous ne sommes plus en campagne électorale, raison pour laquelle l'Union démocratique du centre se permettra de remercier le président du département qui a eu le courage de proposer un projet de loi téméraire - parce qu'à juger d'après ce qu'on entend, ce projet de loi est téméraire, mais certainement efficace. En effet, à vous entendre, qu'est-ce qui peut valoir la peine de mettre en place un système de vidéosurveillance ? Est-ce pour remplir des disques durs ? Est-ce pour faire plaisir au département, voire à Berne, afin d'avoir des faciès - je l'ai entendu - sous forme informatique ? Mesdames et Messieurs, il s'agit d'une mesure ciblée à un endroit. Certains politiques se gaussent et disent: «Ecoutez, cet endroit ne convient pas, on aurait dû en choisir un autre.» C'est vrai, nous sommes un parlement, nous aimons parler, nous aimons développer, nous aimons dire que nous sommes contre une mesure - peut-être que je cède moi-même parfois à cette dérive - mais nous sommes incapables d'avancer alors qu'on est face à une mesure efficace et rationnelle, qui a été décidée par ceux qui sont sur le terrain, par ceux qui observent. Je pense qu'ensuite M. le conseiller d'Etat nous expliquera que si ce choix a été fait, cela ne vient pas simplement d'une lubie, par une étincelle de la fée Clochette de «Peter Pan», mais c'est qu'au contraire une analyse concrète a été menée.
Je n'ai pas envie d'être trop long, parce qu'en définitive, ce débat est stérile. Mais j'ai entendu des gens qui disent: «Est-ce que cette mesure sert ? Est-ce qu'elle ne sert pas ? Est-ce qu'elle pourrait servir ?» On a même parlé de Paris ! Mesdames et Messieurs les députés, et surtout ceux qui nous regardent, puisqu'on n'est plus en campagne électorale, je vous rappelle qu'il y a environ quinze jours, si ma mémoire ne me fait défaut, un imbécile dangereux a commencé à allumer tout le monde avec un fusil à pompe, à Paris. Eh bien il a été identifié grâce à la vidéosurveillance, et cela devrait vous amener à réfléchir. (Applaudissements.)
M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, il faut savoir que pour les socialistes, la sécurité est une priorité... (Exclamations. Rires.) ...de même que pour l'ensemble des Genevoises et des Genevois. (Commentaires.)
Le président. S'il vous plaît, s'il vous plaît !
M. Romain de Sainte Marie. La sécurité est une tâche régalienne, c'est un devoir de l'Etat, c'est un droit pour les citoyennes et les citoyens que de vivre en sécurité, et en cela, il reste encore du travail à faire à Genève, notamment pour le magistrat en charge de ce domaine.
Cela dit, il s'agit d'un projet de loi cher, très cher, voire peut-être trop cher par rapport à son efficacité qui, elle, reste à prouver. En effet, Monsieur le rapporteur de majorité, je n'avance pas des études, mais des faits: la ville de Lucerne, par exemple, a décidé de faire marche arrière sur la vidéosurveillance après avoir constaté son inefficacité. Pourquoi est-elle inefficace ? Comme vient de le mentionner M. Lussi, elle permet peut-être d'identifier, cependant elle ne dissuade pas. Elle n'empêche pas l'action, l'acte: le pauvre journaliste qui a été gravement blessé a subi les frais de l'absence de sécurité, et la vidéosurveillance n'y a rien changé.
En matière de sécurité, il est important d'agir sur la proximité: or, avec ce projet de loi, nous allons à l'encontre même de la police de proximité, puisqu'on va ainsi retirer des agents du terrain pour les placer dans des bureaux, derrière des ordinateurs sur lesquels ils regarderont en temps direct ce qui se passe dans la rue. Et ces agents-là, les Genevoises et les Genevois n'en veulent pas.
De plus, ce projet de loi, vendu comme un projet de loi pilote, s'inscrit dans la durée avec un centre de contrôle des caméras qui est déjà définitif, lui. C'est pourquoi nous, socialistes, nous croyons au fait d'avancer des hypothèses: peut-être que la vidéosurveillance peut s'avérer efficace - j'en doute personnellement - mais il faut également la comparer avec la police de proximité. Ainsi, je vous proposerai tout à l'heure avec tout le groupe socialiste des amendements visant à évaluer réellement l'efficacité de la vidéoprotection. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Mme Nathalie Fontanet (PLR). Ce soir, nous apprenons beaucoup, et tout d'abord que, pour les socialistes, la sécurité est une priorité et qu'ils y sont très attachés ! Ils y sont effectivement très attachés parce qu'ils rêvent de pouvoir mettre un policier derrière chaque personne, car il n'y a rien de mieux qu'un policier, de préférence à pied et non armé, afin qu'il puisse bien réagir et soit proche du citoyen. Malheureusement, la vie réelle n'est plus ainsi, aujourd'hui. (Remarque.) Je vous ai écouté, je ne dirais pas avec passion, mais je vous ai en tout cas laissé parler, merci d'en faire de même à mon égard ! Aujourd'hui, le dispositif en question, la vidéoprotection, constitue un moyen complémentaire de sécurité, parce que justement elle a trait à la fois à la prévention, mais également à la dissuasion, et que surtout elle apporte une assistance en matière de protection et d'aide à l'engagement. Il s'agit en effet d'images qui seront diffusées en direct, ce qui permettra, en cas d'agression, d'envoyer le bon nombre de policiers, et éventuellement le bon nombre de voitures, au secours des victimes potentielles.
On a aussi entendu des Verts que leur but était finalement bien de gêner les travaux de la commission. Quant à retrouver les auteurs d'agressions, cela n'a aucune importance ! Pour ma part, je me réjouis, Monsieur le président, que Mme Flamand aille expliquer aux victimes que la priorité des Verts n'est certainement pas de retrouver leurs agresseurs. En ce qui concerne le PLR, nous estimons qu'il est essentiel que ceux-ci soient retrouvés, car cela permet aussi de les dissuader. En effet, pour le moment - en tout cas jusqu'à ce que M. Maudet préside ce département - on avait un peu l'impression que beaucoup pouvaient commettre des délits avec impunité, à Genève: d'une part, la prison n'a pas assez de places, d'autre part, les peines sont finalement extrêmement faibles, et enfin, on n'a pas de temps pour retrouver les auteurs d'infractions. Or, Monsieur le président, ce projet de loi permettra justement - nous l'espérons - de retrouver les malfaiteurs et de les punir comme il convient. Je connais, comme la plupart d'entre nous, beaucoup de victimes d'agression: on sait que pour elles, il est extrêmement important que justice soit faite et que les agresseurs ne continuent pas à courir dans la rue en toute impunité. Elles seront certainement satisfaites de savoir que cela n'est en tout cas pas la préoccupation des Verts.
En commission judiciaire, nous avons effectivement entendu des parents d'élèves de l'école des Pâquis. Manifestement, nous apprécions diversement leurs paroles, parce qu'ils ont regretté qu'il n'y ait pas de caméra dans le secteur de l'école; mais il est exact qu'ils ont, comme d'autres, craint l'«effet plumeau», à savoir que la délinquance se déplace selon la position des caméras. C'est d'ailleurs en raison de cette possibilité que ce projet de loi est un projet pilote: il s'agit de voir si effectivement il y aura un effet de déplacement, afin d'adapter les caméras, si c'est le cas. Ainsi, le projet, qui n'est pas statique, pourra évoluer suivant l'analyse qui sera faite après ces deux ans.
J'aimerais également rappeler que différentes mesures ont été prises en matière de protection des données. La première, c'est que dans la centrale d'observation, seuls les opérateurs engagés pour le visionnement pourront voir les images. Ensuite - M. Maudet nous l'a rappelé en commission - ce projet nécessitera l'établissement d'un fichier de journalisation d'activité, ceci pour en établir la traçabilité, c'est-à-dire pour être en mesure de déterminer qui, à un moment donné, aura accès à ces images et pour en faire quoi. Il faudra évidemment avoir une grande rigueur dans la procédure d'extraction des fichiers.
Mesdames et Messieurs, le motif invoqué ce soir par les opposants à ce projet de loi est la protection de la personnalité. Cela me fait bien rire, parce qu'avec les mesures prises, les seuls qui auront à craindre pour leur personnalité la mise en place de ce projet seront les personnes qui commettent des infractions. Et celles-là, le PLR n'entend pas les protéger: nous soutiendrons donc avec vigueur ce projet de loi. (Applaudissements.)
M. François Lance (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe PDC soutiendra également ce projet de loi pour la mise en place d'un système de vidéoprotection dans le quartier des Pâquis. Nous estimons en effet que la population genevoise et en particulier les habitants de ce quartier ont exprimé à maintes reprises leur ras-le-bol face à la délinquance, au trafic de stupéfiants, aux voleurs de toutes sortes. Nous pensons de fait que ce dispositif est un outil complémentaire à l'action de la police cantonale ou municipale. Plus nous mettrons de moyens en oeuvre pour combattre ce fléau, plus nous aurons de chances de réduire ce phénomène qui empoisonne la vie des habitants de notre ville et celle des personnes de passage ou en visite dans notre canton. Plusieurs communes suburbaines ont effectivement déjà mis en place des systèmes de vidéosurveillance après de longs débats de fond de leurs conseils délibératifs respectifs, en particulier sur l'efficacité de tels dispositifs et sur la protection des données. Il est clair que par manque de recul, nous ne pouvons affirmer clairement l'impact de tels systèmes, mais ils ont le mérite d'exister et de pouvoir être utilisés en cas de dépôt de plainte. Par contre, pour ces communes, il s'agit bien d'un outil complémentaire à l'action du système communal de sécurité, dont l'effet dissuasif est évident. Nous pensons qu'il est de notre devoir de députés d'imaginer et de tester de tels dispositifs afin que les habitants de Genève retrouvent le plaisir de déambuler dans nos quartiers en toute tranquillité. Pour toutes ces raisons, nous vous engageons, Mesdames et Messieurs, à soutenir ce projet de loi. (Applaudissements.)
Mme Lisa Mazzone (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, je tiens à dire en préambule que je ne peux pas être qualifiée de soixante-huitarde, puisque je n'étais pas née à cette époque. (Exclamations.) La population souhaite - et c'est tout à fait légitime - bénéficier de davantage de sécurité, en particulier les habitants des Pâquis, dont je fais partie; les Verts sont aussi attachés à la sécurité de la population. Pourtant, le projet de loi proposé n'a pas prouvé son efficacité potentielle en termes de prévention: il aura au mieux pour résultat de déplacer la criminalité vers les rues adjacentes. Ce que la population souhaite davantage, c'est que les délits n'aient pas lieu. D'ailleurs, ce projet de loi n'est pas le fruit d'une concertation avec la population; on constate notamment que celle-ci n'a pas été intégrée dans la procédure de choix des emplacements de l'essai de vidéosurveillance. Nous le voyons, le dispositif semble avoir une efficacité moindre; une efficacité moindre pour un coût cependant très important. Il s'agit ici de définir comment on veut attribuer nos deniers publics et de savoir si, avec cette mesure, la priorité politique - assurer la sécurité - sera remplie. On peut simplement relever que ce montant permettrait avantageusement d'engager dix équivalents temps plein de policiers sur le terrain. Les Verts sont en effet très attachés à l'action de proximité et de terrain, et sont persuadés que c'est cette action qui est la plus à même d'assurer la sécurité de la population.
Enfin, sur le principe même - que les Verts désapprouvent - nous n'avons pas de garantie que des informations ne filtrent pas. Et puis, par ailleurs, le dispositif ne peut assurer la liberté individuelle et porte atteinte au respect de la sphère privée: c'est une vision de la sécurité qui est discutable et qui se résume peut-être par le terme «surveillance».
Un sentiment personnel, enfin, puisque je suis habitante des Pâquis - avec beaucoup de plaisir, d'ailleurs: ces vingt et un «Big Brothers» que nous souhaitons installer dans les rues n'amélioreront en tout cas pas, à mon sens, la qualité de vie des habitants, mais bien au contraire la dégraderont. Je peux, à ce titre, vous renvoyer aux classiques de la littérature de science-fiction que sont «1984» ou «Fahrenheit 451». (Applaudissements.)
M. Michel Ducommun (EAG). Pour commencer, je pense ne surprendre personne en disant que nous avons un amour relativement restreint de la vidéosurveillance comme vision d'une société très contrôlée, un peu à la «Big Brother». Mais ce n'est pas à ce propos que j'ai envie d'intervenir. En tant que mathématicien, j'ai agrandi les cartes du territoire soumis à ce projet pilote en les comparant à l'ensemble des Pâquis; pour cette question de la vidéosurveillance, vous ne serez pas étonnés que je n'aie pas pris en compte Château-Banquet, parce que ce n'est peut-être pas là qu'il y a le plus de deal et de problèmes. Je n'ai pas considéré les quais non plus, mais je suis arrivé à une situation où la zone proposée pour l'expérience pilote correspond à un dixième de l'ensemble des Pâquis qu'il faudrait contrôler. J'ai déjà entendu aujourd'hui: «C'est un projet pilote, on va en voir le résultat, mais on sait - c'est un élément qu'on connaît déjà - que l'installation d'un certain nombre de caméras dans une zone réduite aboutira à ce que les délits à contrôler vont un peu se déplacer.» Mme Fontanet a alors dit que, si c'est le cas, il faudra adapter l'emplacement: ainsi, pour les Pâquis, il faudrait multiplier par dix le territoire contrôlé. La proposition de budget est de 1,9 million; dix fois 1,9 million, cela fait, en arrondissant, 20 millions. Et pour ces petits éléments de surface qui sont aujourd'hui contrôlés, on est aux environs de 1 million pour le fonctionnement - parce qu'il faut regarder les écrans, il faut du personnel. En d'autres termes, si l'on veut être sérieux et penser que le système est efficace, tout cela représente un investissement de 20 millions et un budget de fonctionnement de 10 millions par an. Bien sûr, partir totalement des Pâquis pour arriver à Champel n'est pas forcément le plus probable, mais on se trouve dans cet ordre de grandeur de 20 millions d'investissement et de 10 millions de fonctionnement par an. Dans ces conditions, je pense qu'une police et une politique de proximité sont sans doute plus efficaces et moins chères. Pour ces raisons, nous refuserons le projet de loi. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Pierre Gauthier, pour deux minutes.
M. Pierre Gauthier (EAG), député suppléant. Chères et chers collègues, en tant que modeste plébéien, je ne m'attendais pas à intervenir si rapidement dans cette auguste et patricienne assemblée. J'aimerais simplement rappeler quelques éléments. Le premier est un point de langage: il n'y a pas de vidéoprotection, il n'y a que de la vidéosurveillance, et cela, il faut bien se le mettre dans la tête. Le seul avantage de la vidéosurveillance, c'est qu'elle peut en effet proposer des éléments de preuve lorsque les caméras enregistrent un délit ou un crime. Heureusement, cela ne se produit pas tous les jours... (Exclamations.) ...mais c'est, sans aucun doute, le seul avantage de cet outil.
Le Conseil municipal de Genève - la plèbe, donc - a traité un objet tout à fait similaire. Nous avons alors auditionné M. Maudet, M. Jornot, un responsable des opérations stratégiques de la police et un criminologue. De ces auditions, il ressort ce qui suit - et vous devez le savoir, cela a déjà été dit: les délinquants sont des êtres rationnels. Ils se déplacent hors du champ des caméras pour commettre leurs délits. Si l'on installe des caméras dans un périmètre restreint, les délinquants, étant rationnels, vont quitter ce périmètre. Au début de son audition, notre actuel conseiller d'Etat chargé de la sécurité a rappelé une phrase que l'on attribue peut-être imprudemment à Benjamin Franklin: «Celui qui est d'accord de sacrifier sa liberté à la sécurité ne mérite ni la sécurité ni la liberté.» Je pense que notre conseiller d'Etat ne va pas renier ses propos. Quant au procureur général Jornot, il nous a confirmé - et cela a été rappelé dans le courrier lu par notre camarade et collègue François Lefort - que la LIPAD, le corpus, les utilisations, si vous voulez, le corps juridique, législatif, tout cela est aujourd'hui beaucoup trop lacunaire et imprécis pour nous permettre de gérer de manière satisfaisante cette vidéosurveillance.
Enfin - et je terminerai par là, Monsieur le président, si vous le permettez - un éminent professeur de criminologie de l'Université de Lausanne nous a rappelé ce qui suit.
Le président. Il vous faut conclure, s'il vous plaît.
M. Pierre Gauthier. Merci, Monsieur le président. Les opérateurs de vidéosurveillance font un métier tellement ennuyeux qu'ils en arrivent à développer un comportement de suspicion excessive par rapport à un certain nombre de groupes identifiés comme représentant un risque, ce qui n'est évidemment pas le cas. Et ces groupes sont en général les jeunes et les personnes dont le teint est un petit peu plus bronzé que le mien. Je vous engage donc, à l'image de mon groupe, à refuser platement ce projet, dont le coût...
Le président. Il vous faut vraiment conclure, Monsieur le député.
M. Pierre Gauthier. ...dont le coût, en regard de l'intérêt, est absolument disproportionné. Je vous remercie, Monsieur le président, et vous prie de m'excuser pour la longueur de mon intervention. (Quelques applaudissements.)
Le président. Vous êtes pardonné. La parole est à Mme la députée Christina Meissner.
Mme Christina Meissner (UDC). Merci, Monsieur le président. Beaucoup a été dit, cependant je pense qu'il est encore nécessaire de rappeler qu'effectivement, si le système n'a pas pour but d'arriver à prévenir les délits, il est en tout cas diablement efficace pour identifier les coupables de ces délits; et déjà cela, c'est important. Bien entendu, la vidéosurveillance seule ne fait pas tout: il faut imaginer et mettre en place un faisceau de mesures. La police de proximité, la présence de cette police dans la rue, le fait d'ôter les délinquants de l'espace public permettent aussi à la population de se réapproprier cet espace qui est le nôtre. Il faut également, bien entendu, dissuader, durcir les peines et évidemment renvoyer les criminels étrangers purger leur peine dans leur pays.
Mme Salika Wenger. Les Suisses aussi !
Mme Christina Meissner. Et les Suisses dans les prisons, vous avez raison, Madame Salika Wenger ! (Exclamations.)
Le président. S'il vous plaît, s'il vous plaît ! Laissez parler Mme la députée !
Mme Christina Meissner. Je vous remercie, Monsieur le président. Cela étant, la population qui n'a rien à cacher n'a rien à craindre non plus de la vidéosurveillance: excusez-moi, mais nous allons tous les jours dans de nombreux magasins équipés de vidéosurveillance, et cela ne nous empêche pas de les fréquenter, et de le faire en toute quiétude. Cette quiétude et cette sécurité sont des besoins primordiaux qu'on regrette quand on ne les a plus et qu'on n'imaginait même pas nécessaires quand justement tout allait bien. Or aujourd'hui, tout ne va pas si bien; preuve en est que plusieurs communes ont déjà adopté des systèmes de vidéosurveillance ou de vidéoprotection: celles de Thônex, Lancy, Carouge, du Grand-Saconnex, de Veyrier, et enfin ma propre commune de Vernier. Et si vous avez bien lu le rapport, vous aurez constaté que notre conseiller administratif Thierry Apothéloz dit: «La ville de Vernier attend depuis 2009 la détermination du canton sur un concept de vidéosurveillance pour répondre aux nombreuses motions municipales.» Je ne vous cacherai pas que l'UDC...
Le président. Il vous faut conclure, Madame.
Mme Christina Meissner. ...est l'auteur d'un certain nombre de ces motions. Ce projet de loi permet de faire ce test que nous attendons à Vernier; il permettra justement d'avoir un suivi qui nous est nécessaire à tous. Pour prouver l'efficacité du dispositif, il faut faire ce test, il faut adopter ce projet de loi. Et comme l'article 5 stipule qu'un suivi annuel doit être présenté au Grand Conseil, nous en maîtriserons l'efficacité...
Le président. Vous avez terminé, Madame, s'il vous plaît.
Mme Christina Meissner. La conclusion à laquelle j'arrive maintenant, c'est qu'évidemment nous soutiendrons ce projet de loi. (Quelques applaudissements.)
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je vais vous prouver ce soir le niveau d'hypocrisie et de mauvaise foi des Verts et des socialistes, accompagnés aujourd'hui de l'extrême gauche. (Exclamations.) Lorsqu'il s'est agi d'installer pour la direction générale de la mobilité une petite centaine de caméras haute définition sur l'ensemble du canton de Genève, une démonstration nous a permis de zoomer sur un piéton sur le pont du Mont-Blanc jusqu'à pouvoir lire la marque de ses jeans: personne n'a alors évoqué la liberté individuelle, parce que cela concernait la mobilité, et là tout allait bien. Mais lorsqu'il s'agit de donner à la police un moyen de contrôler les délits, alors là, ô crime de lèse-majesté ! On parle de discrétion, de la vie privée... Mon Dieu, ça ne va plus.
Laissez-moi vous dire ceci, Mesdames et Messieurs: 100% des attentats qui ont été perpétrés ces dernières années à Paris, à Londres et à Madrid - Madrid, c'était en 2004, il n'y a pas si longtemps que ça - ont été élucidés grâce à la vidéosurveillance. J'en finis par me demander si les partis de gauche ne sont pas financés par Al-Qaïda. (Rires. Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Yvan Zweifel, à qui il reste trente secondes. (Exclamations.)
M. Yvan Zweifel (PLR), député suppléant. En trente secondes, Monsieur le président, je vais essayer de faire le plus rapidement possible ! Je voulais simplement dire qu'en termes de sécurité, il existe des mesures de contrôle qui sont dites préventives, et d'autres, détectives: préventives pour éviter des crimes, détectives pour les repérer une fois qu'ils sont arrivés et punir ceux qui les ont commis. Qu'en est-il de la vidéoprotection ? Il s'agit, Mesdames et Messieurs, d'une méthode non seulement détective - puisqu'elle permet de voir si quelque chose s'est passé - mais aussi préventive, puisque vous connaissez peut-être ce dicton populaire qui dit: «Pas vu, pas pris; pris, pendu.» Si un criminel potentiel, Mesdames et Messieurs, se dit qu'il a plus de possibilités d'être pris parce qu'il est vu...
Le président. C'est terminé, Monsieur le député.
M. Yvan Zweifel. Je termine dans deux secondes ! ...ce criminel aura alors peut-être moins l'intention de commettre son crime. La vidéoprotection est donc à la fois une méthode détective et préventive, elle est doublement efficace et il faut voter ce projet de loi. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Thierry Cerutti, à qui il reste trois minutes trente. (Commentaires.)
M. Thierry Cerutti (MCG). Je renonce, Monsieur le président. Merci !
Le président. Très bien. La parole est à M. le député Carlos Medeiros.
M. Carlos Medeiros (MCG). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, ce que je regrette pour ma part, c'est qu'on parle beaucoup de la sphère privée, des libertés individuelles, surtout les bancs d'en face - vous transmettrez - mais on oublie souvent les droits des victimes. Eh oui, les droits des victimes ! Ces gens-là, le peuple, vous savez, qui est dans la vie réelle, de tous les jours, qui se promène aujourd'hui... (Remarque.) Attendez, Monsieur, je ne vous ai pas parlé. Les droits des victimes, pour nous - en tout cas, je l'espère - doivent être plus importants que les droits de certains, disons, groupes à risque, comme je l'ai entendu tout à l'heure. Oui, il y a des groupes à risque, effectivement ! Il ne faut pas avoir peur des mots. Ce que je regrette, à titre individuel, c'est que ce ne sont pas des expériences qu'il fallait faire; il fallait passer à la vitesse supérieure et tout de suite proposer un plan défini, complémentaire: nous sommes bien tous d'accord que les caméras ne vont pas tout résoudre, mais c'est un complément important d'un des schémas sécuritaires qui doit s'établir dans ce canton.
Vous savez, quelques-uns ou quelques-unes avancent de vagues théories de société, avec des réminiscences soixante-huitardes, selon lesquelles on doit protéger la sphère privée; mais le rapporteur de majorité l'a bien expliqué, on est déjà aujourd'hui confronté aux caméras, notamment dans les transports publics. Jusqu'à preuve du contraire, beaucoup de crimes, notamment des vols à la tire et autres du même genre, sont élucidés justement grâce aux caméras. Ce projet de loi ne propose donc pas quelque chose de nouveau. Ce que nous demandons - et je pense que la population le demande - c'est que ces caméras soient installées surtout dans l'hypercentre, dans des zones à risque, et les Pâquis - malheureusement pour les Pâquisards, je le regrette - sont une zone à risque, qui concentre beaucoup de problèmes. Le seul regret qu'on pourrait donc avoir aujourd'hui, c'est que ce projet n'est qu'un test: ça ne devait pas l'être, ça devait être une solution définitive. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. J'aimerais prier les députés qui sont debout au fond de cesser leurs conversations: ce serait agréable pour tout le monde. La parole est à M. le député Pascal Spuhler, pour une minute.
M. Pascal Spuhler (MCG). Merci, Monsieur le président. J'aimerais que vous transmettiez un message aux bancs d'en face, les Bisounours qui croient que les caméras de surveillance font partie d'un outil global de répression et qu'on va intervenir dans la sphère privée des gens dans la rue: non, Mesdames et Messieurs, les caméras de surveillance sont un outil de la chaîne de la sécurité qui est utile pour la population et non intrusif dans la sphère privée, puisqu'on parle bien de surveiller le domaine public. C'est le premier point que je voulais soulever. Ensuite, j'ai entendu parler le monsieur d'Ensemble à Gauche, qui disait que l'on couvre un dixième du quartier des Pâquis. C'est vrai, c'est un essai...
Le président. Encore quinze secondes, Monsieur le député.
M. Pascal Spuhler. Je vais faire vite ! C'est une opération pilote sur une petite zone des Pâquis, et effectivement la criminalité se déplace, mais je dirais plutôt qu'elle s'étend. Aujourd'hui, elle n'est plus circonscrite dans le périmètre restreint des rues de Berne, de Monthoux, de Fribourg, des Alpes, voire le square Pradier, mais elle va jusqu'aux rues Jean-Jaquet, Gautier, voire...
Le président. Il vous faut conclure, s'il vous plaît.
M. Pascal Spuhler. Je vais conclure, Monsieur le président, mais je crois que c'est un dossier suffisamment important pour qu'on développe un peu mieux. Je ne voudrais pas que la sécurité des citoyens soit sacrifiée au profit de la sphère privée: c'est là l'élément le plus important.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Jean-Luc Forni, à qui il reste deux minutes trente.
M. Jean-Luc Forni (PDC). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, je souhaite simplement illustrer...
Le président. Excusez-moi, Monsieur le député, j'aimerais juste que les députés qui sont debout au fond se déplacent dans la salle derrière ou s'assoient. Vous pouvez continuer.
M. Jean-Luc Forni. Merci, Monsieur le président. Je souhaite simplement illustrer par un fait concret en quoi ce projet de loi est porteur d'espérance non seulement pour les habitants ou les professionnels du quartier des Pâquis, mais aussi pour toute la population genevoise: qu'on pense aux pharmacies de nuit. Je fonde mon exemple sur les chiffres de la commune du Grand-Saconnex, mentionnés dans le rapport: en trois ans, avec l'installation de la vidéosurveillance, les plaintes ont diminué de trente-huit à dix et les coûts liés aux déprédations de 120 000 F à 30 000 F. J'en reviens à mon exemple concret: vous savez que toutes les nuits, une pharmacie assure la garde de 23h à 8h du matin; or, tant Mme Rochat, qui était en charge du département, que M. Maudet, actuel titulaire, sont au courant de la problématique: nous avons malheureusement dû supprimer le service de nuit dans les pharmacies des Pâquis, et pourquoi ? Parce que d'une part, les professionnels n'étaient pas en sécurité dans les locaux, et que d'autre part, la population genevoise n'osait plus venir aux Pâquis quand la pharmacie de garde se trouvait dans ce quartier. Les gens ne venaient plus chercher leurs médicaments et demandaient de l'aide directement aux services d'urgence. Nous fondons par conséquent un grand espoir sur cette expérience, sur ce projet de loi, pour pouvoir faire à nouveau fonctionner normalement ce service privé d'intérêt public prescrit par la loi sanitaire. Nous comprenons tout à fait que la police ne peut pas protéger chaque officine, mais nous espérons ainsi pouvoir rétablir un certain climat de sérénité, même la nuit, dans ce quartier, et c'est pour cela que nous soutenons ce projet de loi. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Romain de Sainte Marie, pour... combien de temps ?
Une voix. Deux minutes trente.
Le président. Deux minutes trente !
M. Romain de Sainte Marie (S). Merci, Monsieur le président. Je sors d'une expérience très enrichissante, celle du Conseil municipal d'une commune qui a été citée, à savoir Thônex. Cette expérience m'a en effet permis d'entendre plusieurs petites histoires, notamment celle d'une enseignante qui avait cadenassé son vélo au pied d'une caméra de vidéosurveillance: le lendemain, elle retrouve son vélo complètement détruit, va au poste de police et demande à savoir qui a commis ce délit. Les agents de police répondent qu'il est beaucoup trop long et coûteux d'entreprendre des démarches pour un vélo détruit, et je peux comprendre leur réaction. Je conçois bien en effet cet investissement trop important, et ce que je relève, c'est la non-efficacité tant prouvée par la droite de cette vidéosurveillance !
On le voit dans des communes, on le voit avec le travail des agents de police municipale, qui sont à pied sur le terrain, qui se le réapproprient avec toute la population, avec les concierges d'immeubles, avec les petits commerçants, tissant ainsi un réseau qui permet la réappropriation de l'espace par la collectivité. Avec cette présence policière sur le terrain, avec cette police de proximité, c'est-à-dire à pied, qui effectue le lien avec le tissu social, nous revivons enfin aujourd'hui, alors que nous sommes à une époque du tout-virtuel, quelque chose de concret, de physique, avec des agents dont la mission est notamment d'être dissuasifs, pour empêcher les délits et les attentats. Car quand j'entendais les bancs du MCG nous traiter de terroristes socialistes et Verts, eh bien je n'y crois pas un seul instant, car la vidéosurveillance ou la vidéoprotection n'a jamais empêché le moindre attentat, elle a seulement permis de regarder les dégâts causés quand il était déjà trop tard. (Commentaires. Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Jean-Charles Rielle, à qui il reste quarante-cinq secondes.
M. Jean-Charles Rielle (S). Merci, Monsieur le président. Je serai extrêmement bref pour cette première intervention. En avril 2012, nous sommes allés à Nîmes avec Pascal Rubeli, président de la commission des pétitions du Conseil municipal de la Ville de Genève, alors que j'étais moi-même président de la commission des sports. Nous avons visité le lieu où se trouvent toutes ces caméras et en avons retiré au moins deux leçons: la première est qu'il faut mettre des caméras partout, parce que dès que vous en mettez quelque part, la criminalité se déplace; les habitants d'autres quartiers qui nous écoutent ce soir seront ravis de savoir que les caméras que vous allez installer aux Pâquis vont effectivement amener les problèmes dans leurs quartiers. Permettez-moi de vous dire en second lieu qu'en tant que médecin, j'ai interrogé les gens que nous allons engager pour regarder les écrans de surveillance: c'est une catastrophe au niveau de l'ergonomie et des conditions de travail; ces gens tiennent deux à trois ans au maximum et doivent ensuite être recyclés, parce qu'avoir l'oeil sans cesse fixé à chercher la petite faille...
Le président. Il vous faut conclure, s'il vous plaît.
M. Jean-Charles Rielle. Je peux vous dire que ces gens-là sont aussi en souffrance. Ce sont deux bonnes raisons de refuser ce projet de loi ce soir. Je vous remercie, Monsieur le président. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme la députée... (Remarque.) Non, Madame Wenger, vous n'avez plus de temps de parole, le groupe l'a épuisé. La parole est maintenant à Mme Emilie Flamand-Lew qui prend sur le temps de son groupe, à qui il reste deux minutes trente.
Mme Emilie Flamand-Lew (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Beaucoup ici ont dit: «Bien sûr, il est important d'avoir des caméras pour retrouver l'auteur d'un délit après qu'il a été commis.» Je veux bien entendre cela, mais dans ce cas, on ne paie pas des gens pour regarder les écrans vingt-quatre heures sur vingt-quatre ! Si l'on reconnaît que la vidéosurveillance n'a pas d'utilité dans la prévention des délits mais sert simplement à retrouver plus tard les criminels, on n'a pas besoin de débourser 1 million de francs par an en frais de fonctionnement pour payer des personnes à regarder la télévision !
De plus, j'ai déjà été traitée... enfin, mon parti et moi avons été traités par le passé de «cycloterroristes» - cela venait d'ailleurs de M. Maudet. Ce soir, M. Stauffer, avec sa subtilité habituelle, estime que la gauche est complice d'Al-Qaïda: eh bien, à mon avis, Al-Qaïda est suffisamment bien renseigné, et si ces terroristes viennent faire un attentat à Genève, ils ne le feront pas dans ce petit périmètre de quatre rues. (Rires.) Par conséquent, on n'arrivera pas à les attraper de cette manière. C'est un peu une boutade, bien sûr; à cet égard, je trouve que l'intervention de M. Ducommun était très intéressante: il montrait que pour couvrir l'ensemble des Pâquis, il faudrait déjà prévoir 20 millions d'investissement, or il n'y a pas que les Pâquis, il y a d'autres points chauds en ville, par exemple Plainpalais, les alentours de la gare, les Eaux-Vives... Si l'on veut équiper toute la ville de caméras, je vous laisse faire le calcul: on arrivera à 50, voire 100 millions d'investissement, et à des chiffres tout à fait comparables pour le fonctionnement. A mon avis, ces ressources doivent absolument être utilisées pour des policiers sur le terrain qui jouent à la fois un rôle préventif en rassurant la population et en prévenant les délits, et un rôle répressif si un crime se commet malgré tout, en appréhendant les auteurs en direct; elles ne doivent pas l'être pour que quelqu'un placé devant un écran appelle une patrouille et lui dise de se rendre à un endroit où le malfaiteur - on s'en doute - ne sera pas forcément resté un quart d'heure à attendre son arrestation devant la caméra. Pour nous, ce projet de loi ne constitue vraiment pas une bonne idée: si l'on veut améliorer la sécurité, engageons ces moyens dans des ressources affectées à la police de proximité. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Monsieur le député Deneys, vous n'avez plus de temps de parole et le groupe non plus, je ne peux donc pas vous la céder. Je vais passer le micro à M. Frédéric Hohl, qui a trente... cinquante secondes ? (Remarque.) Cinquante secondes.
M. Frédéric Hohl (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, somme toute, on sent bien que les partis de gauche ont tous de bonnes idées en disant que nous ne sommes pas prêts, que ce n'est pas la bonne solution, qu'on n'a pas de certitudes quant à la vidéosurveillance, d'après la lecture de quelques études; mais justement, vous avez une occasion rêvée de faire un test: faisons-le ! Les Verts, vous dites: «Nous souhaitons un canton sans violence.» Mais pour nous aussi, ce serait formidable qu'il n'y ait aucune violence, aucun meurtre ! Malheureusement, cela n'est pas possible. Il faut donc bien prévoir un dispositif d'aide à l'engagement.
J'aimerais aussi vous rappeler - c'est indiqué à la page 3 du rapport - que ce ne sont pas des policiers qui vont faire ce travail: on n'enlève pas des policiers du terrain, une réorganisation interne aura lieu et ce sont uniquement des ASP 3 qui vont travailler derrière les écrans. On ne supprime donc pas du tout de forces policières. Mesdames et Messieurs, je vous encourage par conséquent à être un peu raisonnables: faisons un test, et si le système ne fonctionne pas, nous serons les premiers à dire qu'il n'est pas valable, pas efficace, et à demander qu'on le débranche. (Applaudissements.)
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai naturellement écouté avec beaucoup d'attention cet intéressant débat, qui a permis de mettre en exergue quelques contradictions. Le rapporteur de majorité vient de le dire, il est quand même assez paradoxal de vouloir tuer, avant même d'avoir pu le mettre en oeuvre, un projet pilote qui par définition vise à expérimenter un système; c'est assez paradoxal aussi pour un parlement qui a clairement indiqué qu'il voulait un projet pilote dans ce domaine, qui a clairement inscrit dans les budgets d'investissement la perspective d'une tentative en ce domaine - je l'accorde, c'était lors d'une précédente législature, mais la continuité des institutions est quelque chose qui nous tient à coeur à tous. C'est à l'initiative de ma prédécesseure, Isabel Rochat, que ce crédit a été inscrit dans les perspectives de financements d'investissements. J'aimerais donc dire ici à quel point je suis surpris ce soir de voir qu'on cherche tous les prétextes possibles et imaginables pour tuer le projet avant même qu'il ait pu se déployer sur le terrain.
Je suis également étonné d'entendre parmi ces bancs que l'on nie catégoriquement des expériences dont l'effet positif a même été admis par des maires socialistes, par exemple M. Collomb, sénateur maire de Lyon, qui est intervenu à de nombreuses reprises dans les journaux français pour dire à quel point dans sa ville... (Remarque.) Oui, M. Collomb est socialiste, j'en vois certains qui le contestent... Enfin, jusqu'à preuve du contraire ! (Commentaires.) Il est donc intervenu pour dire à quel point cette expérience s'était révélée positive pour la ville de Lyon. De même, résonnent encore dans ma tête les propos de Pierre Joxe, ancien ministre socialiste français, invité par Charles Beer il y a deux semaines à la salle communale de Plainpalais: il disait à quel point la vidéosurveillance a constitué une valeur ajoutée en milieu urbain non seulement s'agissant de faits criminels, mais aussi pour la maîtrise du trafic; je souligne - M. Stauffer l'a dit avec pertinence tout à l'heure - à quel point la vidéosurveillance du trafic est devenue un élément nécessaire à la bonne gestion de la mobilité d'une ville. Je remarque avec lui également que certains ont moins d'états d'âme lorsqu'il s'agit de développer ces dispositifs-là qui, par ailleurs, aujourd'hui - c'est là l'occasion de le contredire sur un autre point - sont utilisés par la police lorsque précisément des hold-ups ou d'autres situations graves se produisent.
J'ai donc, Monsieur le président, relevé un certain nombre de contradictions, et ces contradictions m'amènent à penser que ce débat est en réalité idéologique: certains, dans cette salle, ne veulent pas avancer d'un pas, ne veulent pas considérer qu'aujourd'hui le combat contre l'insécurité doit se faire par une palette de mesures, un cocktail de décisions à prendre. Nous devons donc considérer que ce n'est pas une et une seule idéologie érigée en dogme qui va nous sauver de cette situation difficile, voire dramatique à certaines heures de la journée ou de la nuit dans certains quartiers ou portions de notre ville, situation que nous devons absolument éliminer. Le combat pour la sécurité, Mesdames et Messieurs les députés, c'est un combat qui nécessite d'associer différents moyens, de ne pas opposer - car c'est là la plus grande aberration parmi les arguments évoqués tout à l'heure - la présence sur le terrain et l'usage de moyens techniques, mais au contraire de les combiner ! Je l'ai dit lors d'auditions en commission, si l'on convertit les moyens affectés à la vidéosurveillance en moyens humains, cela équivaut à une patrouille de deux personnes H24 dans un quartier. C'est donc davantage de moyens dans l'ensemble qu'il nous faut, de même que nous devons également mieux les combiner comme cela nous est possible et comme d'autres villes ont constaté qu'il fallait le faire. Et parce que la sécurité, Mesdames et Messieurs, n'a pas de prix - elle a un coût, vous l'avez relevé, c'est vrai, et ce coût va augmenter ces prochaines années pour que nous atteignions nos objectifs - il faut combiner ces différents moyens humains et techniques pour la garantir et permettre concrètement à chaque citoyen et à chaque citoyenne de se sentir protégé.
C'est là le coeur du débat de ce soir. Vous êtes appelés à répondre à cette question finalement assez simple: qui veut-on protéger ? Les criminels ou les honnêtes gens qui souhaitent pouvoir se balader dans la rue à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit ? La liberté individuelle, c'est d'abord celle de pouvoir précisément sortir de chez soi sans avoir peur, de pouvoir se déplacer librement, ce qui aujourd'hui n'est plus nécessairement garanti à toute heure du jour et de la nuit, notamment dans le quartier que nous visons.
Alors protéger la liberté des citoyens, garantir la sécurité, assumer les tâches régaliennes de l'Etat, c'est précisément se donner ces moyens, les combiner avec des moyens humains et faire en sorte qu'on puisse mener ce test à bien. Raisons pour lesquelles, Mesdames et Messieurs, le gouvernement appelle de ses voeux un soutien franc et unanime à un projet dont nous ferons ensemble le bilan d'ici deux ans. Merci de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons voter sur l'entrée en matière de ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 11140 est adopté en premier débat par 60 oui contre 27 non et 5 abstentions.
Deuxième débat
Le président. Nous sommes saisis de trois amendements déposés par MM. Roger Deneys et Romain de Sainte Marie. Le premier concerne le titre. Chaque groupe dispose de trois minutes pour l'ensemble des amendements. Je vous laisse donc vous organiser comme vous l'entendez, et je passe la parole à... Monsieur le rapporteur de majorité, voulez-vous intervenir en premier ? (Remarque.) Si ce n'est pas le cas, je vais passer la parole à M. Roger Deneys, auteur des amendements.
M. Roger Deneys (S), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. Je vais parler des trois amendements du PS. En commission, les socialistes ont exprimé leur souhait de voir aboutir ce projet de loi avec un caractère expérimental affirmé. Ce n'est pas parce qu'une partie de ce parlement toujours plus à droite ou le conseiller d'Etat manifestement aussi toujours plus à droite viennent dire que les socialistes sont contre la sécurité que c'est vrai. Les socialistes, cela a été mentionné, sont pour ce projet de loi si son caractère expérimental est exprimé. En commission, le conseiller d'Etat a soutenu un amendement socialiste qui visait à ajouter le terme «pilote» dans le titre du projet de loi. On verra ce qui se passe ce soir, et si l'intention expérimentale est confirmée.
Nous proposons un deuxième amendement visant à compléter l'article 5, alinéa 1, d'une phrase qui demande à rendre «une liste détaillée des délits commis dans le périmètre, une liste des délits empêchés et une liste des délits dont les auteurs ont été interpellés grâce au système de vidéosurveillance ou non», afin qu'on sache si ce système est efficace ou non compte tenu de son prix.
Nous avons déposé un troisième amendement: il s'agit d'un article 5 nouveau proposant que, avant d'installer les caméras de vidéosurveillance, nous affections un même budget de 1 million de francs pour mettre des policiers sur le terrain dans ce périmètre et fassions la même expérience avant d'installer les caméras; on fera ainsi un bilan après trois ans au lieu de deux, et on verra si c'est efficace ou non. Alors pas de procès d'intention ! Est-ce que c'est un projet pilote ou non ? J'aimerais une réponse claire ce soir.
M. Eric Stauffer (MCG). Encore une fois, mensonges et mensonges dans ce parlement. La gauche vient nous dire: «Non, non, pas de vidéosurveillance, engageons des policiers !» Quand il s'agit d'engager des policiers: «Non, non, il y en a déjà assez ! Il faut engager des éducateurs sociaux ou des médiateurs !» (Protestations. Commentaires.) Voilà la politique de sécurité de la gauche ! Et j'aimerais dire - vous transmettrez, Monsieur le président...
Le président. Allez-y tranquillement, Monsieur Stauffer, ça ira aussi !
M. Eric Stauffer. Mais sans aucun problème ! Vous transmettrez, Monsieur le président, à M. le député Rielle que nous ne sommes pas au Conseil municipal de la Ville de Genève: il a évolué, il est en ligue A, maintenant... (Exclamations.) ...et quand il dit: «J'étais président de la commission», ce n'était pas une commission du Grand Conseil. (Exclamations.)
Le président. S'il vous plaît !
M. Eric Stauffer. C'était juste pour rectifier, à l'intention de la population. Ensuite, Mesdames et Messieurs, qu'est-ce que nous entendons ? Nous entendons encore une fois la gauche qui vient nous dire: «Mais c'est un projet pilote, il ne faut pas, il ne faut pas.» Oui, il faut de la vidéosurveillance, oui, il en faut aux Pâquis, et oui, il faudrait la généraliser.
Je dois aussi contredire le conseiller d'Etat: je n'ai pas prétendu que la police n'avait pas accès à ces caméras - je l'ai eu dit, mais j'aimerais ici corriger: pendant deux ans, nous nous sommes battus avec une magistrate Verte pour qu'elle octroie les canaux de communication au central de la police et qu'en cas d'urgence, celle-ci ait accès à ces caméras sans en faire la demande. Ainsi, oui, c'est nécessaire, et oui, combattons tous ensemble la criminalité, parce qu'aujourd'hui Genève a dépassé toutes les limites. Merci. (Applaudissements.)
M. Romain de Sainte Marie (S). Ce soir, je tire un constat: les caméras sont utiles non pas à la sécurité des Genevois, mais au MCG. (Exclamations.) Et je rejoins les propos de M. Deneys: les socialistes, comme je l'ai dit au début, sont favorables à la sécurité de toutes et tous dans ce canton. Nous l'avons entendu dans les propos de M. Maudet et du rapporteur de majorité, il s'agit ici en effet d'une volonté de complémentarité, c'est-à-dire que l'on accepte l'efficacité de la police de proximité, et maintenant il revient d'évaluer l'efficacité de la vidéosurveillance ou vidéoprotection, si vous voulez. Eh bien, acceptez les amendements du parti socialiste, et celui qui consiste tout d'abord à mentionner qu'il s'agit là d'un projet pilote ! Nous sommes en effet favorables à donner une chance à ce projet de loi s'il est mentionné qu'il s'agit bien d'un test. Donnons également les moyens de pouvoir réellement évaluer la vidéosurveillance en la comparant à la police de proximité, avec cette première phase test d'une année prévoyant des agents de police supplémentaires sur le même périmètre. Cela permettra dans trois ans de tirer des conclusions, d'avoir un bilan honnête et de revenir dans cette salle pour se dire franchement si la vidéoprotection a été efficace ou non. Nous, socialistes, nous pensons en tout cas qu'une chose est prioritaire aujourd'hui à Genève: rétablir la sécurité en rassurant la population, avec des effectifs de police suffisants sur le terrain. Merci. (Applaudissements.)
M. Gilbert Catelain (UDC), député suppléant. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je crois que le fond du débat n'est pas de savoir si l'on est pour ou contre la vidéosurveillance, mais si l'on a une base légale suffisante. Je m'exprimerai sur les deux amendements.
J'ai d'abord un problème éthique, d'une part au niveau de l'amendement du parti socialiste sur la police de proximité - qui de mon point de vue est du ressort de la Ville de Genève - et d'autre part sur le projet de loi en lui-même, parce que je dois malheureusement constater que cet essai pilote va se faire comme par hasard dans un quartier où la densité de population étrangère et le taux de criminalité sont les plus élevés du canton; ce projet de loi et l'amendement qui le renforce visent donc finalement à dire que là où la population étrangère se trouve en masse, il y a beaucoup de criminalité. Si l'UDC avait proposé un tel projet de loi, il n'aurait même pas passé la rampe de la commission.
Sur le fond, je suis assez favorable au deuxième amendement, parce qu'il va dans le sens de l'article 42 de la LIPAD et du règlement d'application: il me semble effectivement fondamental de mesurer l'efficacité du système par rapport aux délits qui auront été empêchés, respectivement d'avoir un outil d'évaluation qui permette à terme d'étendre si nécessaire l'implantation de la vidéosurveillance dans ce canton. Il me semble surtout important d'envisager très rapidement une modification de la LIPAD, parce que vidéosurveillance et vidéoprotection ne sont pas du tout la même chose: la CNIL, en France, a modifié toute sa législation, elle a remplacé le terme «vidéosurveillance» par «vidéoprotection». Il semblerait quand même assez utile que nos juristes se penchent sur ce problème: pour moi, l'esprit de l'article 42 de la LIPAD n'est pas forcément respecté. M. Maudet a du courage de présenter ce projet de loi, et il est effectivement important de disposer d'une palette de moyens pour combattre la criminalité, encore doit-on s'assurer que nos bases légales soient à jour. Il faut absolument renforcer cet article 42 de la loi, raison pour laquelle, pour ma part, je soutiendrai le deuxième amendement qui vise l'article 5.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Thierry Cerutti pour trente secondes.
M. Thierry Cerutti (MCG). Merci, Monsieur le président. Ce sera un peu court, mais allons droit au but: je dirais que c'est de la méconnaissance de la part du parti socialiste et surtout une défiance vis-à-vis du Conseil d'Etat que de vouloir déposer un amendement visant à ajouter au titre le mot «pilote». Je crois que M. Maudet l'a dit et le redira, c'est un essai sur trois ans, et nous devons lui faire confiance. Nous avons un nouveau conseiller d'Etat, un nouveau collège, qui va nous prouver qu'on pourra lui faire confiance. Indépendamment du fait que les amendements ne sont pas forcément pertinents... Du reste, pourquoi ne le sont-ils pas ?
Le président. Il vous faut conclure, s'il vous plaît.
M. Thierry Cerutti. Parce que lorsqu'on demande un budget de fonctionnement de 1 million pour avoir une police de proximité dans le quartier afin de concurrencer ou revaloriser... ou de contester l'efficacité de la vidéosurveillance, il faut trouver les effectifs: or aujourd'hui, il n'y a pas d'effectifs, il n'y a pas les moyens humains pour assurer de tels engagements; ça veut donc dire qu'on va négliger d'autres engagements pour faire ce que vous souhaitez. C'est quand même un point négatif.
Le président. C'est terminé, Monsieur le député.
M. Thierry Cerutti. De plus - et je terminerai par là, Monsieur le président, si vous me laissez encore dix secondes - une liste des délits empêchés est simplement utopique: clairement, nous ne pouvons pas empêcher ou prévoir ce qui est préventif ou pas. (Brouhaha.) Ça, c'est donc vraiment méconnaître le système de police. Merci.
Mme Salika Wenger (EAG). Chers collègues, un projet pilote, normalement, c'est un nouveau projet qu'on essaie. Sauf que cela fait dix ans que toutes les grandes villes du monde confrontées à une véritable délinquance, violente, ont déjà fait l'expérience de cette vidéosurveillance ! Aujourd'hui, seulement en Europe, nous avons 386 rapports sur la vidéosurveillance, et tous disent que pour les lieux fermés, elle convient très bien, mais qu'elle ne fonctionne pas pour le reste. Tous les citoyens sont d'accord quant à l'installation de vidéosurveillance: cela ne les fait pas sortir pour autant. Ils sont contents qu'il y ait une vidéosurveillance, mais ils restent chez eux. Pourquoi ? Parce qu'effectivement, les délits importants se passent dans la rue, et la vidéosurveillance n'a d'intérêt - même rétroactif - que si la définition est bonne. Or à Londres, par exemple, on a vu que des attentats, des braquages ont pu avoir lieu avec le plus grand nombre de caméras au monde dans une ville. En conclusion, il est faux de se dire que c'est une expérience: c'est un retard de dix ans, et nous n'avons pas de temps à perdre !
M. Daniel Zaugg (PLR). Je voudrais juste, très rapidement, dénoncer la mauvaise foi absolue de la gauche sur le deuxième amendement à l'article 5 qui demande d'établir une liste des délits empêchés: j'aimerais quand même vous expliquer qu'un délit empêché est un délit qui n'a pas eu lieu, alors je ne vois pas comment on pourrait en établir la liste ! Réfléchissez deux secondes ! (Rires.) Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)
M. Pierre Vanek (EAG). Rapidement... Je ne sais pas de combien de temps je dispose, Monsieur le président. (Commentaires.)
Une voix. Trois heures !
M. Pierre Vanek. Bon, j'y vais !
Le président. Allez-y !
M. Pierre Vanek. Cinq points, très rapidement. D'abord, le conseiller d'Etat Pierre Maudet a accusé les opposants à ce projet de loi de faire de l'idéologie et de camper dans un pré carré idéologique. Ce n'est pas du tout vrai, il doit se laver les oreilles, il n'a pas entendu par exemple ce qu'a dit mon collègue Michel Ducommun, membre de la commission des finances: celui-ci n'a pas fait preuve d'idéologie, mais a avancé des calculs précis sur les coûts de l'extension de cette prétendue expérience à l'ensemble des Pâquis, coûts insupportables et qui ne soutiennent pas la comparaison - contrairement à ce que vous avez dit, Monsieur le conseiller d'Etat - avec un investissement dans de la police de proximité, sur le terrain.
On nous dit ensuite qu'un certain point concerne la Ville de Genève, et qu'ici on se trouve en ligue A. Oui, ça concerne la Ville de Genève, mais sur ce plan-là, la Ville de Genève prend ses responsabilités: nous venons de débattre dans cette même salle du rachat de l'immeuble du 12, rue des Alpes, à l'angle de la rue de Berne, qu'on va rénover; c'est une verrue dans le quartier, nous allons y installer un poste de police de proximité, un poste de police municipale. (Commentaires.) C'est ce type d'initiative qui permettra de répondre au besoin de sécurité des Pâquis et qui correspond à une demande réelle des habitants et des associations d'habitants des Pâquis.
Lors du premier débat, j'ai entendu un préopinant sur les bancs PDC, je crois - je ne sais pas si c'était quelqu'un de l'Entente - s'exprimer en disant qu'il y avait une demande des habitants des Pâquis concernant cette vidéosurveillance: ce n'est pas vrai, j'ai ici une lettre du 19 juin 2013 adressée par toute une série d'associations de quartier des Pâquis à M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat... (Protestations.)
Le président. S'il vous plaît !
M. Pierre Vanek. ...et ces associations émettent des réserves considérables sur l'ensemble de cette problématique et de cet investissement démesuré par rapport aux besoins réels du quartier.
Enfin, je suis très préoccupé par un certain type de discours que j'entends sur les bancs de la droite et de l'extrême droite; je l'ai noté d'abord dans l'intervention de Mme Fontanet qui disait tout à l'heure: «Oui, mais celles et ceux dont les droits seraient...»
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Pierre Vanek. Je conclus, Monsieur le président ! Elle disait donc ceci: «Celles et ceux dont les droits seraient, le cas échéant, menacés par cette vidéosurveillance, ce sont les délinquants.» Le problème, c'est que la catégorisation entre ceux qui ont commis des délits - les délinquants - et ceux qui n'en ont pas commis est l'affaire de la justice.
Le président. Monsieur Vanek, c'est terminé !
M. Pierre Vanek. De plus il existe la présomption d'innocence, qui s'applique à tout le monde... (Commentaires.) ...et il n'y a pas d'un côté des délinquants à priori et le reste de la population...
Le président. Monsieur Vanek !
M. Pierre Vanek. ...qui ne constitue pas un risque de ce point de vue là... (Commentaires.)
Le président. Monsieur Vanek !
M. Pierre Vanek. Il y a l'ensemble des citoyens, des habitants...
Le président. Monsieur Vanek !
M. Pierre Vanek. ...des personnes de cette république... (Protestations.) ...dont les droits sont égaux ! (Protestations.)
Le président. Monsieur Vanek, c'est terminé ! (Le micro de l'orateur est coupé. Ce dernier continue à s'exprimer hors micro. Quelques applaudissements. Protestations.)
Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais bien un petit peu de silence ! Je sais que c'est un peu long, je vous propose donc une très brève suspension de séance. Je demande aux huissiers d'ouvrir les fenêtres afin d'aérer la salle.
La séance est suspendue à 22h06.
La séance est reprise à 22h09.
Le président. Est-ce que les huissiers peuvent refermer les fenêtres, s'il vous plaît ? Je prie chacun de regagner sa place, nous allons reprendre la séance. Un peu d'air frais nous fait du bien ! Je vais passer la parole sans plus attendre à M. le député Bertrand Buchs, que j'aperçois à peine au fond de la salle... Ah, voilà qui est plus clair ! Monsieur Buchs, vous avez la parole.
M. Bertrand Buchs (PDC). Merci, Monsieur le président. Il est clair que le PDC ne va pas soutenir ces amendements, tout simplement parce qu'ils sont déposés uniquement afin que le projet de loi n'ait plus aucune consistance. Soit on est pour, soit on est contre ! Pas besoin de passer des heures à chercher des arguments... (Remarque.) Ce n'est pas vrai, Monsieur Deneys ! (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît !
M. Bertrand Buchs. ...des arguments, donc, pour ou contre la vidéosurveillance. J'aimerais quand même dire que, dans les communes qui ont essayé d'installer ce système bien avant ce projet de loi et qui ont fait une demande pour de la vidéosurveillance - à Carouge, c'est le PDC qui l'a faite - les discussions n'ont pas abouti seulement à la mettre en place, mais aussi, automatiquement, à l'augmentation de la présence des policiers municipaux toute la nuit en fin de semaine et à l'augmentation de la présence dans la rue des agents sociaux: toute une palette de choses ont été faites en sus de la vidéosurveillance. Ce n'est donc pas un dispositif erroné, dangereux, il vient en complément, parce que les gens demandent la vidéosurveillance, ils en ont besoin, et elle fonctionne. Cela dit, il est tout à l'honneur de l'Etat de demander ici à avoir un projet qui soit surveillé et contrôlé pour savoir s'il vaut la peine ou pas de continuer; en effet, on ne peut pas le dire avant d'avoir mis en oeuvre un projet. On l'a demandé, c'est un besoin que l'on a, l'Etat le propose: je ne vois pas pourquoi on va s'y opposer en cherchant toutes les raisons possibles et imaginables. Vous êtes pour ou vous êtes contre, un point c'est tout. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Renaud Gautier.
M. Renaud Gautier (PLR). Je renonce, Monsieur le président. (Brouhaha.)
Le président. Merci. S'il vous plaît, si je pouvais avoir un peu de silence dans les bancs du MCG, ce serait agréable pour tout le monde. La parole est à M. le député Patrick Lussi.
M. Patrick Lussi (UDC). Merci, Monsieur le président. Vous transmettrez ceci à mon préopinant d'il y a quelques minutes, M. Vanek: il a simplement oublié que l'Assemblée constituante et la nouvelle constitution n'ont pas créé un canton Genève-Ville et un canton Genève-Campagne. Le canton est quand même toujours une uniformité et l'on raisonne sur l'ensemble.
Deuxième chose, Mesdames et Messieurs les députés: on cherche à dire qu'il faut mettre des cautèles. Nous ne sommes pas dans le régime prôné par les gens de l'Alliance de gauche: la dictature du prolétariat, c'est fini ! Nous sommes dans la démocratie helvétique. Peut-être un autre jour, ce sera différent, mais ce soir je vous engage à faire confiance au président du département qui nous amène un bon projet de loi, qui a mis les barrières de sécurité nécessaires et qui vous demande d'essayer. C'est la raison pour laquelle le groupe UDC, s'il était sage, devrait refuser tous les amendements socialistes proposés. J'en ai terminé. (Applaudissements.)
Mme Nathalie Fontanet (PLR). Le groupe libéral-radical refusera l'ensemble des amendements proposés. D'abord, s'agissant des amendements à l'article 5, nous estimons que celui-ci est suffisamment complet; le président du département s'y est engagé, il y aura de toute façon un bilan de ce que la vidéoprotection a permis en termes de sécurité.
Je soutiens évidemment les propos de mon collègue M. Zaugg s'agissant des délits empêchés: c'est extraordinaire, on m'expliquera comment on tient un décompte des délits empêchés, c'est effectivement très intéressant !
Quant aux autres amendements proposés par le groupe socialiste - sur le titre de la loi et sur le nouvel article 5 - ils seront également refusés, pour les mêmes raisons, à savoir que nous souhaitons avancer et non modifier les dispositions pour empêcher le département d'aller de l'avant.
M. Jean-Michel Bugnion (Ve). Je suis un peu étonné, parce que j'ai entendu plusieurs fois, et de la part du rapporteur de majorité et de celle du magistrat, que c'était un projet pilote. Or je m'aperçois que toute la droite refuse en bloc des amendements qui ne visent qu'à assurer que c'est effectivement un projet de loi pilote, expérimental, et donc à donner des garanties que les choses se passeront conformément à ce qui a été annoncé. De deux choses l'une: ou bien c'est un projet pilote et il faut l'appeler comme tel, ou bien il y a là quelque chose qui revient à une manoeuvre politique, c'est-à-dire que vous voulez qu'on ait une vidéosurveillance sans nous garantir que le système soit évalué. C'est pour cela que je trouve dommageable qu'il n'y ait pas un accord au moins sur le fait d'affirmer dans la loi qu'il s'agit d'un projet pilote. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Romain de Sainte Marie, à qui il reste une minute trente.
M. Romain de Sainte Marie (S). Merci, Monsieur le président. Je ferai encore plus court. Je crois que la droite marque un point: je suis peut-être un Bisounours, non pas sur la sécurité, mais sur l'attitude de la droite dans ce parlement. J'aurais pensé, en rédigeant ces amendements... (Brouhaha.)
Une voix. Ça suffit !
M. Romain de Sainte Marie. ...qui vont, j'estime, dans le sens du projet de loi, dans le sens de davantage de sécurité, qui veulent renforcer sur une période test la présence des agents de police pour la sécurité de proximité... Eh bien, à quoi est-ce que j'assiste ? Je croyais peut-être en effet au père Noël, mais je vois une droite qui refuse visiblement en bloc ces amendements dont le but est de renforcer la police de proximité. C'est la leçon de la soirée: une droite qui veut des caméras, qui veut des policiers derrière des écrans en train de surveiller de façon virtuelle ce qui se passe en vrai dans la rue et qui ne pourront en rien empêcher les délits, et cette même droite qui refuse des amendements pour tester aussi la plus-value de la police de proximité. (Applaudissements.)
Mme Emilie Flamand-Lew (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. J'aimerais tout d'abord remercier M. Catelain pour son intervention: lorsqu'une députée Verte dit que ce projet de loi est stigmatisant et ne repose pas sur une base légale suffisante, ça fait ricaner tout le monde, parce que les Verts sont des Bisounours, comme les socialistes - mon collègue, le président du parti Romain de Sainte Marie, le disait à l'instant. (Commentaires.) Quand c'est un UDC qui remet ce genre de projet en question, cela fait tout d'un coup un peu moins rire et ricaner: d'ailleurs, le pauvre s'est fait incendier tant par son groupe que par ses voisins du PLR pour avoir osé briser la belle harmonie qui règne ce soir du PDC jusqu'au MCG... (Exclamations.) ...afin de voter ce projet de loi sans aucune modification. (Commentaires.)
En ce qui concerne maintenant les amendements du parti socialiste, nous les soutiendrons, bien sûr, car effectivement le caractère pilote de ce projet n'est pas aussi évident que cela, et s'il est clair dans les esprits de tous, je ne vois pas pourquoi on ne l'inscrirait pas dans le texte de la loi. Il y a tout de même plusieurs éléments qui peuvent nous faire douter de cette volonté réelle d'évaluer et de remettre éventuellement en question ce projet après deux ans: d'une part, un point purement comptable, mais qu'on a découvert au cours des travaux, c'est que le matériel informatique est amorti sur quatre ans. Au bout de deux ans, on aura donc beau jeu de venir nous dire: «Ces caméras ne sont même pas encore amorties, on ne va quand même pas les enlever !» D'autre part, je pense que l'amendement qui prévoit une sorte de période test pour servir de comparaison est particulièrement intéressant: en effet, si l'on met simplement en oeuvre ce projet de vidéosurveillance, il faut savoir que celle-ci - et l'exposé des motifs le disait également - permet une intervention plus proportionnée et mieux adaptée pour autant que la communication et l'intervention soient rapides et qu'une réserve d'effectifs soit disponible. On peut donc bien s'imaginer que si ce projet de loi est mis en oeuvre tel quel, il y aura justement une réserve d'effectifs qui sera dévolue uniquement à ce périmètre, que la police va mettre le paquet sur cette zone et qu'au bout de deux ans, on pourra venir nous dire: «C'est fabuleux, il y a eu une amélioration de la sécurité absolument incroyable à cet endroit !» Alors qu'en réalité, les bons résultats auront été obtenus grâce aux ressources policières supplémentaires mises sur le terrain et non grâce aux caméras. Je pense donc que cet amendement socialiste est tout à fait justifié et aujourd'hui...
Le président. Il vous reste trente secondes.
Mme Emilie Flamand-Lew. ...si vous voulez nous prouver qu'il s'agit d'un projet pilote, si vous voulez tester cette mesure et vérifier son efficacité, alors inscrivons cela dans la loi et rendez-vous dans deux ans - ou dans trois si l'amendement socialiste est voté - pour voir quelle est l'efficacité véritable de cette vidéosurveillance. (Applaudissements.)
M. Frédéric Hohl (PLR), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, le parti socialiste nous a expliqué être pour la sécurité; mais vous n'êtes pas pour le budget. En effet, vous proposez 1 million supplémentaire, vous voulez passer d'un projet pilote de deux ans à trois ans, et vous mélangez tout: mettre des policiers dans ce même périmètre une année auparavant pour comparer... Enfin, c'est incomparable, ce sont deux choses qui n'ont rien à voir ! On parle bien là d'un projet pilote. Et je tiens à vous rassurer concernant l'amendement qui vise à changer le titre de ce projet de loi. Si vous lisez l'article 5, «Suivi périodique», vous verrez qu'il est écrit à la première ligne: «S'agissant d'un périmètre et d'un système pilotes...» Le mot «pilote» est donc inscrit dans la loi, on n'a pas besoin de le faire figurer à toutes les pages.
Mesdames et Messieurs, je vous encourage vivement à refuser tous ces amendements. Et j'en profite - puisque je termine cette intervention - pour remercier M. Vanek: bravo, c'est la première fois que je vous vois en vrai, et vous parlez plus fort que M. Stauffer, c'est excellent ! (Rires. Applaudissements. Commentaires.)
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. J'aimerais aborder deux points à la suite des interventions des uns et des autres dans ce débat sur les amendements. D'abord, laissez-moi vous dire qu'à certains égards, vous me semblez bien loin des réalités de notre canton, où l'on voit chaque jour des policiers d'ores et déjà agir à l'aéroport, à la gare, dans certains périmètres - c'est vrai, plutôt des lieux publics fermés, par exemple grâce à des caméras placées dans les transports publics - où l'on voit chaque jour des policiers faire leur travail et appréhender des auteurs d'infractions qui assurément recommenceraient leurs méfaits si on ne les interpellait pas. Lorsqu'on parle ici de vidéosurveillance, il faut donc véritablement, Mesdames et Messieurs, aller un tout petit peu plus loin que l'instant présent et se dire que si la vidéosurveillance, respectivement la vidéoprotection, dans une dimension proactive, ne permet certes pas toujours de prévenir le délit - pas toujours, mais c'est déjà bien quand elle le peut - elle permet parfois précisément de prévenir le délit suivant ! Et nous avons en cela, Mesdames et Messieurs, une valeur ajoutée extraordinaire ! Je le répète ici, chaque semaine, à l'aéroport, ce sont des criminels - je répugne à employer les termes de «petits criminels», car il n'y a pas de petits ni de grands criminels, il n'y a que des criminels, qui se livrent à du travail de vol à la tire, qui agressent des gens - ce sont des criminels que l'on peut saisir parfois dans les minutes, parfois dans les heures ou les jours qui suivent - et je rends hommage aux policiers de terrain qui font ce travail-là - et qui, une fois appréhendés, finissent à Champ-Dollon et précisément ne commettent plus leurs délits.
L'autre élément, qui me fait vraiment tomber les chaussettes, ce sont les propos de notre rapporteuse de minorité tout à l'heure: «Le projet pourrait réussir.» Ah, ce serait ennuyeux ! Ce serait vraiment ennuyeux, oui, si l'on mettait tout à coup des moyens pour des policiers de terrain, et si oui, vraiment, on arrivait à combiner les caméras et les policiers de proximité. Mais oui, si l'on constate que dans deux ans, le projet a fonctionné, on pourrait l'étendre: voilà le risque, voilà le risque que vous ne voulez pas courir. Eh bien non, Mesdames et Messieurs, je suis navré, mais précisément la problématique de la sécurité doit s'affranchir des idéologies, elle doit engager à prendre des risques... (Commentaires.) ...et oser peut-être le succès, raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs, le gouvernement, encore une fois, insiste pour que nous prenions ce risque, le risque du succès dans le domaine de la sécurité. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous sommes donc saisis de trois amendements déposés par MM. Roger Deneys et Romain de Sainte Marie, que vous avez trouvés sur vos bureaux. Je vais vous soumettre le premier amendement qui concerne le titre et consiste à ajouter le mot «pilote»: «Projet de loi ouvrant un crédit de 1 900 000 F destiné à financer un système pilote de vidéosurveillance».
Une voix. Vote nominal !
Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.)
Une voix. Oui !
Le président. Très bien, il en sera fait ainsi. Nous passons au vote.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 63 non contre 24 oui et 7 abstentions (vote nominal).
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 à 4.
Le président. Nous avons ensuite un amendement proposant un nouvel article 5, les articles 5 et 6 anciens devenant les articles 6 et 7. En voici la teneur: «Durant une période d'une année après l'entrée en vigueur de la loi et avant l'installation des caméras, un projet pilote en matière de police de proximité d'un budget équivalent de fonctionnement de 1 000 000 F doit être réalisé sur le même périmètre.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 61 non contre 32 oui et 1 abstention.
Le président. Le troisième amendement propose d'ajouter la phrase suivante à la fin de l'alinéa 1 de l'article 5: «Il comprend également une liste détaillée des délits commis dans le périmètre, une liste des délits empêchés et une liste des délits dont les auteurs ont été interpellés grâce au système de vidéosurveillance ou non.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 61 non contre 32 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, l'article 5 est adopté, de même que l'article 6.
Troisième débat
La loi 11140 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 11140 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 61 oui contre 32 non.
Débat
Le président. Nous passons à l'urgence suivante. Il s'agit du point 152, qui est traité en catégorie II - trente minutes. Je vais donner la parole à M. Lefort pour qu'il présente la proposition de résolution.
M. François Lefort (Ve). Merci, Monsieur le président. Cet été, l'entreprise Gate Gourmet a dénoncé de manière unilatérale sa convention collective de travail genevoise, ouvrant ainsi une crise à l'aéroport de Genève. Après l'échec de la conciliation à la Chambre des relations collectives de travail, Gate Gourmet a refusé la proposition du syndicat maison, le SSP, de demander l'arbitrage de la CRCT. Au bénéfice d'une concession octroyée par Genève Aéroport, cette entreprise a licencié 86 employés dans le but de les réengager avec un nouveau contrat de travail et sous une nouvelle convention collective, et cela sans négociation avec leur syndicat.
Cette façon de faire n'est pas respectueuse du partenariat social, Mesdames et Messieurs les députés, cela s'apparente à du chantage ! Il n'est pas acceptable qu'une entreprise concessionnaire de Genève Aéroport décide des conditions-cadres et des salaires sans concertation avec ses salariés. Cela n'est pas du partenariat social ! Il n'est pas acceptable que cela se fasse dans un établissement public autonome dont la présidence est assurée par une conseillère d'Etat. L'entreprise a choisi de casser sa CCT et de licencier ses employés pour réengager ceux qui accepteraient de signer un nouveau contrat, et donc consentiraient à la dégradation de leurs conditions de travail. Les employés ont reçu le vendredi 13 septembre - il y a presque trois mois déjà - leur lettre de congé-modification: le licenciement a donc déjà eu lieu. Sur 86 employés, certains ont refusé de céder à ce chantage et 20 employés sont en grève depuis trois mois maintenant. Gate Gourmet a bien sûr tenté de casser cette grève en recourant au travail intérimaire, ce qui est interdit par les CCT du travail temporaire. Gate Gourmet est allée plus loin: l'entreprise a licencié des grévistes et des délégués syndicaux et elle a déposé des plaintes pénales contre eux. La méthode est tout simplement scandaleuse.
Pourtant, Gate Gourmet présente des résultats positifs; sur ces trois dernières années, on parle de profits en hausse: 6,4% en 2011, 8% en 2012 et 10% en 2013. C'est une entreprise en bonne santé qui est en train de saboter le partenariat social parce qu'elle en refuse les règles. Voilà une nouveauté que nous ne pouvons pas tolérer. Malgré la bonne santé économique de Gate Gourmet, le groupe auquel elle appartient, lui, connaît des pertes ailleurs: ce sont ces pertes qui sont le prétexte de ce coup de force à Genève.
Genève Aéroport, entreprise publique, ne peut se rendre complice de ce coup de force, de ce grossier tour de passe-passe. Et le Grand Conseil, Mesdames et Messieurs les députés, ne peut accepter que Genève Aéroport octroie des concessions à des entreprises qui pratiquent la concurrence déloyale et la sous-enchère salariale. Pour ces raisons, nous vous présentons cette proposition de résolution qui invite le Conseil d'Etat à intervenir diligemment auprès de la direction de l'aéroport afin de faire respecter ces règles du partenariat social au sein des entreprises concessionnaires de l'aéroport, à agir contre les tentatives de dumping salarial pratiquées par des entreprises concessionnaires de l'aéroport de Genève et à proposer aux partenaires liés par la CCT en vigueur à Gate Gourmet...
Le président. Vous avez terminé, Monsieur le député !
M. François Lefort. ...de prolonger cette convention jusqu'au 30 juin 2014... (Commentaires.) ...et dans le pire des cas, Mesdames et Messieurs les députés, à ne pas renouveler les concessions des entreprises qui ne respectent pas le partenariat social. Nous vous remercions donc d'accueillir favorablement cette proposition de résolution. (Applaudissements.)
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, la nouvelle constitution, parlant du rôle de l'Etat, stipule en son article 186, alinéa 2: «Il encourage le dialogue social et la conclusion de conventions collectives de travail.» Son article 37 devrait encore plus nous rassurer, en rappelant que le droit de grève est garanti. Alors quoi ? Cherchez l'erreur ! Gate Gourmet, entreprise florissante s'il en est, dénonce la convention collective qui la liait au Syndicat des services publics, sous prétexte qu'une autre convention, plus économique de son point de vue, pourrait s'appliquer. Pire, elle licencie son personnel et fait pression pour le réengager à des conditions moins avantageuses. Ensuite, sans vergogne, elle licencie ceux qui refusent de signer et d'accepter cette infamie. Les autorités de ce canton ne peuvent cautionner une telle incorrection. Elles ont des responsabilités, des devoirs à l'égard des travailleurs qui ont besoin d'être protégés. Elles doivent obstinément faire obstacle à la sous-enchère salariale. Dès lors, face au mépris éhonté affiché par Gate Gourmet, face à la réglementation du travail, un rappel à l'ordre s'impose. Le Conseil d'Etat doit donc se saisir de cette résolution, et c'est pourquoi nous vous invitons à voter la proposition de résolution 746. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
M. Bertrand Buchs (PDC). Le PDC est... (Brouhaha.)
Le président. Excusez-moi, Monsieur le député. Est-ce que le MCG pourrait vraiment faire un effort, rester un peu tranquille et moins parler ? Poursuivez, Monsieur Buchs.
M. Bertrand Buchs. Merci, Monsieur le président. La population genevoise, lors des dernières votations, a dit très clairement que deux problèmes la préoccupent: l'emploi et le logement. Concernant l'emploi, il est clair que nous avons des solutions pour essayer de le protéger; ces solutions existent, le PDC les a toujours défendues et les défendra encore plus, parce que l'année prochaine, au niveau national, nous aurons des votations extrêmement importantes qui pourront mettre en péril le système actuel: c'est la paix du travail, c'est le partenariat social, ce sont les conventions collectives, et si ces moyens ne marchent pas, c'est la Chambre des relations collectives de travail. Il existe beaucoup d'instruments pour permettre de résoudre les conflits.
L'exemple de Gate Gourmet est un mauvais exemple, on ne peut pas le suivre, et le PDC ne peut soutenir ce type d'exemple. Pourquoi ? Parce qu'on peut trouver d'autres solutions. Il y a l'exemple de la vente: que voit-on dans ce secteur ? On a réussi à faire une convention collective de travail, à augmenter les salaires et à ouvrir les magasins le 31 décembre. C'est bien la preuve que dans le dialogue entre les syndicats, les employés et le patronat, on peut trouver des solutions constructives et permettre à la Suisse d'avoir une économie florissante et qui marche.
Nous ne pouvons pas accepter, Mesdames et Messieurs, que des entreprises baissent les salaires. Nous ne pouvons pas accepter qu'il y ait des salaires à 3500 F. Si c'est le revenu unique d'une famille, elle ne peut pas vivre avec cela. On ne peut pas accepter que des gens reçoivent des salaires et ne puissent pas vivre de leur travail. C'est notre responsabilité à nous de nous battre pour des salaires décents. Si nous ne nous battons pas dans de telles occasions, nous aboutirons au salaire minimum, et le PDC est contre. Nous devons montrer l'exemple et dire que cela n'est pas admissible. Que font les gens à Gate Gourmet avec 3500 F ? Ils font des heures supplémentaires, ils ne peuvent faire autrement. Et puis il y a le dumping salarial ! Parce qu'avec 3500 F par mois, que faites-vous, si vous habitez à Genève ? Pas grand-chose. Par contre, c'est un salaire qui peut attirer une personne venant d'ailleurs, car avec le change, 3500 francs suisses peuvent être intéressants en euros. Voilà, on a donc l'exemple d'un dumping salarial. On ne protège pas les gens, et je crois que là l'Etat doit montrer qu'à un certain moment, il doit être au-dessus de l'économie...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Bertrand Buchs. ...la politique également, et qu'il faut, s'agissant de mauvais exemples, prendre des sanctions. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Mme Christina Meissner (UDC). J'aime bien les paroles de mon préopinant, qui dit qu'évidemment, le problème, c'est que maintenant les salaires pourraient être intéressants pour ceux qui viennent d'ailleurs, et qui donne finalement raison à l'UDC en déclarant que le problème, ce ne sont pas les patrons suisses, mais c'est effectivement que, quand il y a pléthore de personnes qui cherchent du travail, on est fortement tenté de mettre la pression sur les travailleurs.
Mesdames et Messieurs, à l'aéroport de Genève, l'histoire semble se répéter: il y a une année et demie, c'étaient les bagagistes qui avaient des difficultés. Aujourd'hui, c'est Gate Gourmet. L'aéroport nous dit ne pas être responsable des entreprises qu'il accueille sur son périmètre. Eh bien non ! L'aéroport est un établissement public autonome; il se doit d'être exemplaire et de montrer justement qu'il ne donne pas raison - je l'espère - aux syndicats pour dire que ce sont finalement les patrons qui font ce dumping et qui exercent une pression sur les travailleurs. Mais pour cela, il faut aller y regarder de plus près, et l'UDC est prête à renvoyer cette proposition de résolution en commission...
Des voix. De l'économie !
Mme Christina Meissner. ...en commission de l'économie, je remercie mes collègues ! Les conventions collectives de travail sont effectivement notre garantie de la déontologie des patrons; en l'occurrence, pour un établissement public autonome, les patrons, c'est aussi l'Etat, et nous devons faire notre devoir.
M. Eric Stauffer (MCG). Eh oui, Monsieur Buchs - vous lui transmettrez, Monsieur le président - il est vrai qu'avec 3500 F par mois, un Genevois résidant à Genève ne vit pas. Dur constat pour le PDC qui prône à tout-va l'ouverture à l'Europe. Et triste réalité de nos travailleurs locaux. Mais 3500 F par mois en France, c'est à peu près trois fois le SMIC ! Et là c'est le salaire d'un cadre supérieur ! Alors, les apprentis sorciers de l'Europe, il ne faut pas venir vous plaindre aujourd'hui, puisque vous avez créé le cadre législatif qui permet à ces entreprises de payer leurs employés 3500 F par mois - ce qui n'est pas, comme vous l'avez qualifié, du dumping salarial - de licencier et de réengager. Vous n'êtes pas contents ? Ce n'est pas grave ! Il y a 3 300 000 chômeurs en France qui seront tout heureux de prendre votre place ! Belle Europe que vous avez vendue au peuple suisse, belle Europe que vous continuez à prôner aux citoyens genevois ! (Commentaires. Protestations.) Monsieur Vanek, vous n'êtes pas au Conseil municipal, vous demandez la parole, ici, c'est une question de respect ! (Exclamations. Rires.)
Le président. Adressez-vous à moi, Monsieur Stauffer, s'il vous plaît !
M. Eric Stauffer. Belle Europe que vous vendez, n'est-ce pas ? Ouverture des frontières ! Genevois, vous ne savez pas travailler, mais il vous reste les EdS à 2800 F par mois ! Parce que nous, nous faisons mieux que Gate Gourmet, quand même, à l'Etat ! Nous, c'est 3200 F pour un EdS, 2800 F net pour des tâches régaliennes, pour un éboueur, par exemple, dans la Ville de Carouge - aux mains de l'extrême gauche, je tiens à le signaler: vous savez, ceux qui prétendent défendre ces travailleurs, mais qui les exploitent comme de nouveaux esclaves, en 2013. (Exclamations.)
Alors je vous le dis, Mesdames et Messieurs, ce sujet est important, et je demande le renvoi de cette proposition de résolution à la commission de l'économie... (Exclamations.) ...pour que vous puissiez tous auditionner l'aéroport, Gate Gourmet, les syndicats qui manipulent à outrance... (Exclamations.) ...cette extrême gauche qui prétend défendre les travailleurs... (Commentaires.) ...et le parti socialiste qui est devenu une gauche caviar !
Le président. Monsieur Stauffer, adressez-vous au président !
M. Eric Stauffer. Vous pourrez les auditionner... (Commentaires.) ...et vous faire une vraie idée de ce que sont l'Union européenne et les sacro-saints accords bilatéraux.
Le président. Monsieur Stauffer, il faut conclure, s'il vous plaît.
M. Eric Stauffer. Mais je vais conclure, Monsieur le président. Oui, Mesdames et Messieurs, 3500 F chez Gate Gourmet, ce n'est pas du dumping salarial: un Genevois résidant à Genève ne peut pas vivre avec ça, mais un frontalier, oui ! Eh bien moi je vous le dis, vive Genève, vive le MCG, et vive la Suisse ! (Rires. Commentaires. Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Pascal Spuhler. (Remarque.)
M. Pascal Spuhler. Je vais faire vite, Monsieur le président.
Le président. Non, excusez-moi, vous n'avez plus de temps de parole, car M. Stauffer l'a entièrement utilisé. La parole est à M. le député Roger Deneys.
M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'aujourd'hui... (Brouhaha.) ...il faut rappeler que le conflit qui se déroule à Gate Gourmet avec une grève dure depuis septante-six jours sous cette forme, que les employés qui bénéficiaient d'une convention collective relativement correcte, dirons-nous, parce qu'elle était héritée du temps de Swissair, se sont vus licenciés et qu'on leur a proposé un nouveau contrat avec des conditions moins favorables. Cette façon de procéder... (Brouhaha.)
Le président. Monsieur Romain, s'il vous plaît !
M. Roger Deneys. ...est véritablement discutable. Pour les socialistes, évidemment, la question de la survie économique des entreprises est primordiale, parce qu'il n'est pas possible de payer des salariés si les entreprises ne tournent pas. Cela dit - c'est bien là qu'il y a un paradoxe extrêmement désagréable avec Gate Gourmet - cette firme augmente ses bénéfices ces dernières années, et en même temps demande ou plutôt oblige ses employés à accepter des conditions de travail moins favorables. Dans ce sens-là, on peut quand même se poser la question de savoir quel modèle de société nous voulons. Est-ce que le but à Genève est d'avoir des milliardaires et des millionnaires sur la rive gauche, et des pauvres qui n'ont plus les moyens de subsister, qui sont à l'assistance, sur la rive droite ? Est-ce là le modèle social dont nous rêvons à Genève ? Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est en tout cas pas le choix des socialistes. Et quand on a une entreprise comme Gate Gourmet qui exerce sur le site de l'aéroport - aéroport qui appartient à notre canton, dont nous tirons profit des bénéfices, dont le Conseil d'Etat se félicite des résultats pour présenter son projet de budget 2014 - pouvons-nous être fiers lorsque ces bénéfices sont faits au détriment des salaires de personnes qui ne sont déjà pas spécialement bien loties dans notre société ? Mesdames et Messieurs les députés, nous ne pensons pas que cela est acceptable, et cela l'est d'autant moins que quand les salaires sont très bas, il faut les compléter par des prestations d'aide sociale, ce qui finit par coûter en prestations. Ce modèle n'est ni souhaitable ni durable, et entretient certainement les idées populistes...
Le président. Vous avez encore trente secondes, Monsieur le député.
M. Roger Deneys. ...aussi bien que le démantèlement du modèle de société qui consiste à essayer de bien vivre ensemble toutes et tous avec d'un côté des profits et de l'autre leur répartition. Mesdames et Messieurs, nous pensons que quand le canton est propriétaire d'un objet tel que l'aéroport, le Conseil d'Etat doit intervenir pour favoriser le dialogue social. C'est le but de cette proposition de résolution: encourager celui-ci sur le site de l'aéroport et lutter contre le dumping salarial qui s'y exerce aujourd'hui.
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Roger Deneys. D'autres entreprises ne le font pas, nous souhaitons que la pétition signée par deux mille personnes, qui constitue un signal d'alarme, n'ait pas pour résultat que d'autres sociétés réitèrent les mêmes pratiques, et il s'agit de donner un signal très clair pour dire que nous ne voulons pas que cela se reproduise par la suite.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Bernhard Riedweg, à qui il reste deux minutes trente.
M. Bernhard Riedweg (UDC). Merci, Monsieur le président. Cette proposition de résolution traite d'un événement typique de l'économie de marché. Gate Gourmet est une société qui a un bilan et un compte de résultat. La société a pour objectif de maximiser son profit en diminuant les charges, ce qui est arrivé ces trois dernières années à en croire les initiants de la résolution. Ce n'est pas parce que la société bénéficie d'une concession de l'aéroport de Genève qu'elle ne doit pas suivre les règles du marché libre. Avant de licencier les 122 employés pour les réengager avec un nouveau contrat de travail, Gate Gourmet a certainement analysé les avantages et les inconvénients tout en tenant compte du risque qu'elle pouvait courir. Cette société semble être en position de force dans la négociation, car elle a estimé qu'elle pouvait se passer de l'avis des syndicats. Gate Gourmet veut faire jouer la loi de l'offre et de la demande pour recentrer son offre d'emploi, les charges salariales étant l'un des postes les plus importants de son compte d'exploitation. Il ne s'agit pas là d'un cas de chantage, mais la société suit la réalité économique qui change au gré du marché. Nous nous réjouissons de traiter cette affaire à la commission de l'économie.
M. Daniel Zaugg (PLR). Ce qui est sûr, dans ce parlement, c'est que le temps passe, mais qu'une chose ne change pas: la gauche. Elle propose toujours les mêmes solutions aux mêmes problèmes ! En 2009, j'ai fait une intervention sur la proposition de motion 1806 pour une convention collective à Gate Gourmet. J'ai ressorti cette intervention, je pourrais vous refaire la même: elle est toujours valable.
En fait, on a ici un problème de clientélisme syndical. J'en veux pour preuve qu'en 2012 le syndicat PUSH - un autre syndicat - a été approché par des employés mécontents. Il a réuni les 10% nécessaires pour devenir représentatif, est allé discuter avec la direction et a obtenu une nouvelle CCT. Il faut savoir que Gate Gourmet demandait six points. Je ne vais pas les citer, cela me prendrait trop de temps; ce qui est certain, c'est que PUSH a obtenu que quatre de ces points soient supprimés. Ce syndicat a obtenu de plus une augmentation de tous les salaires de 20 F par mois, le versement d'une prime de 500 F avec le salaire du mois d'avril et une participation au bénéfice. Ils ont effectivement dû faire des concessions - c'est ce qui s'appelle une négociation - sur un certain nombre de points: la suppression des jubilés des quinze, vingt-cinq et trente-cinq ans, et la nouvelle grille salariale qui a déjà été acceptée à Zurich par le même syndicat. Pour cette solution, le syndicat SSP a-t-il dit merci à PUSH ? Non, il est allé dire aux employés: «N'acceptez pas, ne signez pas cette CCT, parce qu'on va vous obtenir quelque chose de mieux.» Vous voyez le résultat aujourd'hui: il y a sept employés grévistes qui essaient toujours et encore de menacer les emplois de tous les autres.
Sur le fond, j'aimerais quand même vous dire que le rôle de l'Etat est de faire appliquer les lois, de veiller au respect de l'équité, et certainement pas d'intervenir, comme le demande cette résolution, dans des conventions collectives ou des négociations; c'est là le rôle des partenaires sociaux, il faut les laisser faire leur travail, et je demande également qu'on renvoie cette résolution à la commission de l'économie. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député François Lefort, à qui il reste deux minutes quinze.
M. François Lefort (Ve). Merci, Monsieur le président. Il n'est pas question, dans cette proposition de résolution, de demander l'intervention du Conseil d'Etat dans la négociation de conventions collectives de travail. Il est question de demander à l'aéroport de vérifier que les entreprises concessionnaires qui se sont engagées à respecter les usages du travail à Genève le fassent. Et ce n'est pas là interférer dans une négociation.
Depuis trois mois, Gate Gourmet refuse toute négociation, toute conciliation, tout arbitrage; Gate Gourmet ne veut pas annuler les licenciements, maintient les plaintes contre les employés et un secrétaire syndical. Mesdames et Messieurs les députés, en renvoyant cette résolution au Conseil d'Etat, vous donnerez le signal positif que ce Grand Conseil est attaché au partenariat social, en particulier dans les entreprises concessionnaires d'un établissement public autonome. En revanche, la renvoyer à la commission de l'économie, c'est étouffer cette histoire dans de longues discussions inutiles à la salle de l'Auditeur, le temps que les grévistes soient licenciés un à un; c'est aller dans un sens contraire à ce que vous avez exprimé en majorité dans vos interventions. La renvoyer à la commission de l'économie, c'est décrédibiliser votre discours sur le partenariat social. Ce conflit dure depuis trois mois, il est maintenant temps que le Conseil d'Etat prenne langue avec Genève Aéroport pour que cet établissement fasse respecter les concessions signées par les entreprises concessionnaires. Merci. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Michel Ducommun, pour une minute dix.
M. Michel Ducommun (EAG). Une minute dix ? Je veux bien, mais j'ai mesuré le temps de l'intervention de la députée d'Ensemble à Gauche tout à l'heure, elle n'a pas pris deux minutes cinquante, il resterait donc plus d'une minute dix. (Remarque.) Oui, trois minutes au total ! Mais moi j'ai calculé qu'elle avait parlé une minute trente. Donc au niveau... (Protestations.) J'ai pris un chronomètre ! (Commentaires.) Bon, on chronométrera nous-mêmes.
Le président. S'il vous plaît ! Allez-y, Monsieur Ducommun.
M. Michel Ducommun. Si j'ai demandé la parole, c'est que je constate qu'il y a quasi une atmosphère d'exaspération au niveau de la différence gauche-droite, particulièrement ce soir, or sur un sujet tel que celui de Gate Gourmet, peut-être bien que j'espérais qu'il puisse quand même se faire une unité sur un thème assez fondamental. Mais je sens que, simplement par haine de la gauche, la droite estime normal... (Protestations.) Laissez-moi finir ! Laissez-moi finir !
Le président. S'il vous plaît ! Monsieur Baertschi, s'il vous plaît ! (Protestations. Exclamations.)
M. Michel Ducommun. Je m'excuse, plusieurs représentants de la droite ont affirmé qu'il était logique que Gate Gourmet licencie ces gens et veuille changer leur contrat de travail pour diminuer les salaires. Je ne pensais pas que la droite était unanime à dire: «C'est très bien qu'un employeur fonctionne comme ça, en licenciant et en diminuant les salaires.» (Brouhaha.) Ce type de fonctionnement d'une entreprise, à mon avis, n'est acceptable ni par la gauche, ni par la droite, et alors que le conflit dure depuis septante-six jours - parce qu'effectivement, cela dure depuis septante-six jours - refuser de renvoyer la résolution directement au Conseil d'Etat et se dire simplement qu'on se donne bonne conscience en renvoyant la proposition de résolution en commission, ce qui revient à dire qu'on a encore deux, trois, quatre mois pour résoudre un problème comme celui-ci... Je pensais qu'il était possible que, contre une telle manière de fonctionner du patronat...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Michel Ducommun. Je pensais qu'il était possible de trouver une unité dans cette assemblée. La droite me déçoit, je le dis. (Applaudissements.)
Mme Isabel Rochat, conseillère d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, il y a unanimité autour du fait que ce conflit n'a que trop duré. On a beaucoup parlé du rôle de l'Etat. Celui-ci est très simple: s'agissant des conflits de travail, il se cantonne à rester profondément attaché au principe de la réglementation du marché du travail en faisant confiance aux partenaires sociaux pour s'entendre; et cela fait déjà septante-cinq ans que cela dure.
J'aimerais juste rappeler une chose. On a beaucoup parlé de licenciements. Je crois qu'il faut faire la distinction entre les licenciements dits de congé qui ont été mis en place, auxquels tous les travailleurs ont adhéré, et non sous la pression. Je rappelle aussi que la réglementation en vigueur a été mise en place, la CRCT s'est prononcée ce printemps à plusieurs reprises, et c'est à ce moment-là que très précisément le droit des travailleurs a eu l'occasion de s'exprimer plusieurs fois. Il s'est avéré qu'effectivement, dans le cadre de la prise en compte par la CRCT de ces conflits, les positions étaient trop éloignées. L'Etat s'en est mêlé dans la mesure où, par l'entremise du directeur de l'aéroport, il a essayé de trouver des solutions. Nous sommes maintenant en voie d'en trouver une. Quand je dis «nous», il s'agit aussi de la direction de Gate Gourmet, qui a fait des efforts considérables. Il se trouve que les conditions que l'entreprise a mises en place à Genève sont plus favorables que celles qui sont octroyées aux employés de Gate Gourmet à Zurich.
On a beaucoup parlé d'emploi. Le risque de laisser perdurer ce conflit, Mesdames et Messieurs, c'est que ce ne sont pas sept employés, sept travailleurs qui vont être licenciés, mais cent qui risquent de l'être: en effet, la direction de Gate Gourmet ne peut simplement plus comprendre que, parce que sept licenciements ont été prononcés non pas en violation du droit de grève, Madame Haller, non pas en violation de ce droit fondamental reconnu à Genève, mais pour violation de domicile et pour des actes délictueux pour lesquels une plainte pénale a été déposée... C'est la raison pour laquelle ces licenciements ont eu lieu; ne confondons pas les licenciements mis en place dans le cadre d'une convention collective pour renégocier une convention collective qui est plus favorable à Genève qu'à Zurich, et des licenciements pour des actes pénalement illicites. Il s'agit de rappeler cela, mais aussi que, s'il est nécessaire que l'Etat ne se mêle pas des relations de travail... (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît !
Mme Isabel Rochat. ...je peux vous dire que l'Etat s'est mêlé de ces conditions de travail dans la mesure où cette grève est maintenant totalement marginale, n'a plus de raison d'être, que le combat est un faux combat et qu'il s'agit de remettre de l'ordre et de permettre aux cent travailleurs de pouvoir enfin travailler tranquillement dans la paix sociale que nous appelons de nos voeux. Merci. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi de cette proposition de résolution à la commission de l'économie. Nous passons au vote.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 746 à la commission de l'économie est adopté par 54 oui contre 41 non.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je lève la séance et vous donne rendez-vous demain à 14h. Bonne soirée !
La séance est levée à 22h55.