République et canton de Genève

Grand Conseil

R 746
Proposition de résolution de Mmes et MM. François Lefort, Roger Deneys, Sophie Forster Carbonnier, Esther Hartmann, Catherine Baud, Brigitte Schneider-Bidaux, Marion Sobanek, Irène Buche, Anne Mahrer, Miguel Limpo, Bernhard Riedweg, Lydia Schneider Hausser, Prunella Carrard, Marie Salima Moyard, Christine Serdaly Morgan, Anne Emery-Torracinta, Melik Özden : Pas de dumping salarial à l'aéroport. Pas de lock-out déguisé
Ce texte figure dans le «Recueil des objets déposés et non traités durant la 57e législature».

Débat

Le président. Nous passons à l'urgence suivante. Il s'agit du point 152, qui est traité en catégorie II - trente minutes. Je vais donner la parole à M. Lefort pour qu'il présente la proposition de résolution.

M. François Lefort (Ve). Merci, Monsieur le président. Cet été, l'entreprise Gate Gourmet a dénoncé de manière unilatérale sa convention collective de travail genevoise, ouvrant ainsi une crise à l'aéroport de Genève. Après l'échec de la conciliation à la Chambre des relations collectives de travail, Gate Gourmet a refusé la proposition du syndicat maison, le SSP, de demander l'arbitrage de la CRCT. Au bénéfice d'une concession octroyée par Genève Aéroport, cette entreprise a licencié 86 employés dans le but de les réengager avec un nouveau contrat de travail et sous une nouvelle convention collective, et cela sans négociation avec leur syndicat.

Cette façon de faire n'est pas respectueuse du partenariat social, Mesdames et Messieurs les députés, cela s'apparente à du chantage ! Il n'est pas acceptable qu'une entreprise concessionnaire de Genève Aéroport décide des conditions-cadres et des salaires sans concertation avec ses salariés. Cela n'est pas du partenariat social ! Il n'est pas acceptable que cela se fasse dans un établissement public autonome dont la présidence est assurée par une conseillère d'Etat. L'entreprise a choisi de casser sa CCT et de licencier ses employés pour réengager ceux qui accepteraient de signer un nouveau contrat, et donc consentiraient à la dégradation de leurs conditions de travail. Les employés ont reçu le vendredi 13 septembre - il y a presque trois mois déjà - leur lettre de congé-modification: le licenciement a donc déjà eu lieu. Sur 86 employés, certains ont refusé de céder à ce chantage et 20 employés sont en grève depuis trois mois maintenant. Gate Gourmet a bien sûr tenté de casser cette grève en recourant au travail intérimaire, ce qui est interdit par les CCT du travail temporaire. Gate Gourmet est allée plus loin: l'entreprise a licencié des grévistes et des délégués syndicaux et elle a déposé des plaintes pénales contre eux. La méthode est tout simplement scandaleuse.

Pourtant, Gate Gourmet présente des résultats positifs; sur ces trois dernières années, on parle de profits en hausse: 6,4% en 2011, 8% en 2012 et 10% en 2013. C'est une entreprise en bonne santé qui est en train de saboter le partenariat social parce qu'elle en refuse les règles. Voilà une nouveauté que nous ne pouvons pas tolérer. Malgré la bonne santé économique de Gate Gourmet, le groupe auquel elle appartient, lui, connaît des pertes ailleurs: ce sont ces pertes qui sont le prétexte de ce coup de force à Genève.

Genève Aéroport, entreprise publique, ne peut se rendre complice de ce coup de force, de ce grossier tour de passe-passe. Et le Grand Conseil, Mesdames et Messieurs les députés, ne peut accepter que Genève Aéroport octroie des concessions à des entreprises qui pratiquent la concurrence déloyale et la sous-enchère salariale. Pour ces raisons, nous vous présentons cette proposition de résolution qui invite le Conseil d'Etat à intervenir diligemment auprès de la direction de l'aéroport afin de faire respecter ces règles du partenariat social au sein des entreprises concessionnaires de l'aéroport, à agir contre les tentatives de dumping salarial pratiquées par des entreprises concessionnaires de l'aéroport de Genève et à proposer aux partenaires liés par la CCT en vigueur à Gate Gourmet...

Le président. Vous avez terminé, Monsieur le député !

M. François Lefort. ...de prolonger cette convention jusqu'au 30 juin 2014... (Commentaires.) ...et dans le pire des cas, Mesdames et Messieurs les députés, à ne pas renouveler les concessions des entreprises qui ne respectent pas le partenariat social. Nous vous remercions donc d'accueillir favorablement cette proposition de résolution. (Applaudissements.)

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, la nouvelle constitution, parlant du rôle de l'Etat, stipule en son article 186, alinéa 2: «Il encourage le dialogue social et la conclusion de conventions collectives de travail.» Son article 37 devrait encore plus nous rassurer, en rappelant que le droit de grève est garanti. Alors quoi ? Cherchez l'erreur ! Gate Gourmet, entreprise florissante s'il en est, dénonce la convention collective qui la liait au Syndicat des services publics, sous prétexte qu'une autre convention, plus économique de son point de vue, pourrait s'appliquer. Pire, elle licencie son personnel et fait pression pour le réengager à des conditions moins avantageuses. Ensuite, sans vergogne, elle licencie ceux qui refusent de signer et d'accepter cette infamie. Les autorités de ce canton ne peuvent cautionner une telle incorrection. Elles ont des responsabilités, des devoirs à l'égard des travailleurs qui ont besoin d'être protégés. Elles doivent obstinément faire obstacle à la sous-enchère salariale. Dès lors, face au mépris éhonté affiché par Gate Gourmet, face à la réglementation du travail, un rappel à l'ordre s'impose. Le Conseil d'Etat doit donc se saisir de cette résolution, et c'est pourquoi nous vous invitons à voter la proposition de résolution 746. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

M. Bertrand Buchs (PDC). Le PDC est... (Brouhaha.)

Le président. Excusez-moi, Monsieur le député. Est-ce que le MCG pourrait vraiment faire un effort, rester un peu tranquille et moins parler ? Poursuivez, Monsieur Buchs.

M. Bertrand Buchs. Merci, Monsieur le président. La population genevoise, lors des dernières votations, a dit très clairement que deux problèmes la préoccupent: l'emploi et le logement. Concernant l'emploi, il est clair que nous avons des solutions pour essayer de le protéger; ces solutions existent, le PDC les a toujours défendues et les défendra encore plus, parce que l'année prochaine, au niveau national, nous aurons des votations extrêmement importantes qui pourront mettre en péril le système actuel: c'est la paix du travail, c'est le partenariat social, ce sont les conventions collectives, et si ces moyens ne marchent pas, c'est la Chambre des relations collectives de travail. Il existe beaucoup d'instruments pour permettre de résoudre les conflits.

L'exemple de Gate Gourmet est un mauvais exemple, on ne peut pas le suivre, et le PDC ne peut soutenir ce type d'exemple. Pourquoi ? Parce qu'on peut trouver d'autres solutions. Il y a l'exemple de la vente: que voit-on dans ce secteur ? On a réussi à faire une convention collective de travail, à augmenter les salaires et à ouvrir les magasins le 31 décembre. C'est bien la preuve que dans le dialogue entre les syndicats, les employés et le patronat, on peut trouver des solutions constructives et permettre à la Suisse d'avoir une économie florissante et qui marche.

Nous ne pouvons pas accepter, Mesdames et Messieurs, que des entreprises baissent les salaires. Nous ne pouvons pas accepter qu'il y ait des salaires à 3500 F. Si c'est le revenu unique d'une famille, elle ne peut pas vivre avec cela. On ne peut pas accepter que des gens reçoivent des salaires et ne puissent pas vivre de leur travail. C'est notre responsabilité à nous de nous battre pour des salaires décents. Si nous ne nous battons pas dans de telles occasions, nous aboutirons au salaire minimum, et le PDC est contre. Nous devons montrer l'exemple et dire que cela n'est pas admissible. Que font les gens à Gate Gourmet avec 3500 F ? Ils font des heures supplémentaires, ils ne peuvent faire autrement. Et puis il y a le dumping salarial ! Parce qu'avec 3500 F par mois, que faites-vous, si vous habitez à Genève ? Pas grand-chose. Par contre, c'est un salaire qui peut attirer une personne venant d'ailleurs, car avec le change, 3500 francs suisses peuvent être intéressants en euros. Voilà, on a donc l'exemple d'un dumping salarial. On ne protège pas les gens, et je crois que là l'Etat doit montrer qu'à un certain moment, il doit être au-dessus de l'économie...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Bertrand Buchs. ...la politique également, et qu'il faut, s'agissant de mauvais exemples, prendre des sanctions. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Mme Christina Meissner (UDC). J'aime bien les paroles de mon préopinant, qui dit qu'évidemment, le problème, c'est que maintenant les salaires pourraient être intéressants pour ceux qui viennent d'ailleurs, et qui donne finalement raison à l'UDC en déclarant que le problème, ce ne sont pas les patrons suisses, mais c'est effectivement que, quand il y a pléthore de personnes qui cherchent du travail, on est fortement tenté de mettre la pression sur les travailleurs.

Mesdames et Messieurs, à l'aéroport de Genève, l'histoire semble se répéter: il y a une année et demie, c'étaient les bagagistes qui avaient des difficultés. Aujourd'hui, c'est Gate Gourmet. L'aéroport nous dit ne pas être responsable des entreprises qu'il accueille sur son périmètre. Eh bien non ! L'aéroport est un établissement public autonome; il se doit d'être exemplaire et de montrer justement qu'il ne donne pas raison - je l'espère - aux syndicats pour dire que ce sont finalement les patrons qui font ce dumping et qui exercent une pression sur les travailleurs. Mais pour cela, il faut aller y regarder de plus près, et l'UDC est prête à renvoyer cette proposition de résolution en commission...

Des voix. De l'économie !

Mme Christina Meissner. ...en commission de l'économie, je remercie mes collègues ! Les conventions collectives de travail sont effectivement notre garantie de la déontologie des patrons; en l'occurrence, pour un établissement public autonome, les patrons, c'est aussi l'Etat, et nous devons faire notre devoir.

M. Eric Stauffer (MCG). Eh oui, Monsieur Buchs - vous lui transmettrez, Monsieur le président - il est vrai qu'avec 3500 F par mois, un Genevois résidant à Genève ne vit pas. Dur constat pour le PDC qui prône à tout-va l'ouverture à l'Europe. Et triste réalité de nos travailleurs locaux. Mais 3500 F par mois en France, c'est à peu près trois fois le SMIC ! Et là c'est le salaire d'un cadre supérieur ! Alors, les apprentis sorciers de l'Europe, il ne faut pas venir vous plaindre aujourd'hui, puisque vous avez créé le cadre législatif qui permet à ces entreprises de payer leurs employés 3500 F par mois - ce qui n'est pas, comme vous l'avez qualifié, du dumping salarial - de licencier et de réengager. Vous n'êtes pas contents ? Ce n'est pas grave ! Il y a 3 300 000 chômeurs en France qui seront tout heureux de prendre votre place ! Belle Europe que vous avez vendue au peuple suisse, belle Europe que vous continuez à prôner aux citoyens genevois ! (Commentaires. Protestations.) Monsieur Vanek, vous n'êtes pas au Conseil municipal, vous demandez la parole, ici, c'est une question de respect ! (Exclamations. Rires.)

Le président. Adressez-vous à moi, Monsieur Stauffer, s'il vous plaît !

M. Eric Stauffer. Belle Europe que vous vendez, n'est-ce pas ? Ouverture des frontières ! Genevois, vous ne savez pas travailler, mais il vous reste les EdS à 2800 F par mois ! Parce que nous, nous faisons mieux que Gate Gourmet, quand même, à l'Etat ! Nous, c'est 3200 F pour un EdS, 2800 F net pour des tâches régaliennes, pour un éboueur, par exemple, dans la Ville de Carouge - aux mains de l'extrême gauche, je tiens à le signaler: vous savez, ceux qui prétendent défendre ces travailleurs, mais qui les exploitent comme de nouveaux esclaves, en 2013. (Exclamations.)

Alors je vous le dis, Mesdames et Messieurs, ce sujet est important, et je demande le renvoi de cette proposition de résolution à la commission de l'économie... (Exclamations.) ...pour que vous puissiez tous auditionner l'aéroport, Gate Gourmet, les syndicats qui manipulent à outrance... (Exclamations.) ...cette extrême gauche qui prétend défendre les travailleurs... (Commentaires.) ...et le parti socialiste qui est devenu une gauche caviar !

Le président. Monsieur Stauffer, adressez-vous au président !

M. Eric Stauffer. Vous pourrez les auditionner... (Commentaires.) ...et vous faire une vraie idée de ce que sont l'Union européenne et les sacro-saints accords bilatéraux.

Le président. Monsieur Stauffer, il faut conclure, s'il vous plaît.

M. Eric Stauffer. Mais je vais conclure, Monsieur le président. Oui, Mesdames et Messieurs, 3500 F chez Gate Gourmet, ce n'est pas du dumping salarial: un Genevois résidant à Genève ne peut pas vivre avec ça, mais un frontalier, oui ! Eh bien moi je vous le dis, vive Genève, vive le MCG, et vive la Suisse ! (Rires. Commentaires. Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Pascal Spuhler. (Remarque.)

M. Pascal Spuhler. Je vais faire vite, Monsieur le président.

Le président. Non, excusez-moi, vous n'avez plus de temps de parole, car M. Stauffer l'a entièrement utilisé. La parole est à M. le député Roger Deneys.

M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'aujourd'hui... (Brouhaha.) ...il faut rappeler que le conflit qui se déroule à Gate Gourmet avec une grève dure depuis septante-six jours sous cette forme, que les employés qui bénéficiaient d'une convention collective relativement correcte, dirons-nous, parce qu'elle était héritée du temps de Swissair, se sont vus licenciés et qu'on leur a proposé un nouveau contrat avec des conditions moins favorables. Cette façon de procéder... (Brouhaha.)

Le président. Monsieur Romain, s'il vous plaît !

M. Roger Deneys. ...est véritablement discutable. Pour les socialistes, évidemment, la question de la survie économique des entreprises est primordiale, parce qu'il n'est pas possible de payer des salariés si les entreprises ne tournent pas. Cela dit - c'est bien là qu'il y a un paradoxe extrêmement désagréable avec Gate Gourmet - cette firme augmente ses bénéfices ces dernières années, et en même temps demande ou plutôt oblige ses employés à accepter des conditions de travail moins favorables. Dans ce sens-là, on peut quand même se poser la question de savoir quel modèle de société nous voulons. Est-ce que le but à Genève est d'avoir des milliardaires et des millionnaires sur la rive gauche, et des pauvres qui n'ont plus les moyens de subsister, qui sont à l'assistance, sur la rive droite ? Est-ce là le modèle social dont nous rêvons à Genève ? Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est en tout cas pas le choix des socialistes. Et quand on a une entreprise comme Gate Gourmet qui exerce sur le site de l'aéroport - aéroport qui appartient à notre canton, dont nous tirons profit des bénéfices, dont le Conseil d'Etat se félicite des résultats pour présenter son projet de budget 2014 - pouvons-nous être fiers lorsque ces bénéfices sont faits au détriment des salaires de personnes qui ne sont déjà pas spécialement bien loties dans notre société ? Mesdames et Messieurs les députés, nous ne pensons pas que cela est acceptable, et cela l'est d'autant moins que quand les salaires sont très bas, il faut les compléter par des prestations d'aide sociale, ce qui finit par coûter en prestations. Ce modèle n'est ni souhaitable ni durable, et entretient certainement les idées populistes...

Le président. Vous avez encore trente secondes, Monsieur le député.

M. Roger Deneys. ...aussi bien que le démantèlement du modèle de société qui consiste à essayer de bien vivre ensemble toutes et tous avec d'un côté des profits et de l'autre leur répartition. Mesdames et Messieurs, nous pensons que quand le canton est propriétaire d'un objet tel que l'aéroport, le Conseil d'Etat doit intervenir pour favoriser le dialogue social. C'est le but de cette proposition de résolution: encourager celui-ci sur le site de l'aéroport et lutter contre le dumping salarial qui s'y exerce aujourd'hui.

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Roger Deneys. D'autres entreprises ne le font pas, nous souhaitons que la pétition signée par deux mille personnes, qui constitue un signal d'alarme, n'ait pas pour résultat que d'autres sociétés réitèrent les mêmes pratiques, et il s'agit de donner un signal très clair pour dire que nous ne voulons pas que cela se reproduise par la suite.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Bernhard Riedweg, à qui il reste deux minutes trente.

M. Bernhard Riedweg (UDC). Merci, Monsieur le président. Cette proposition de résolution traite d'un événement typique de l'économie de marché. Gate Gourmet est une société qui a un bilan et un compte de résultat. La société a pour objectif de maximiser son profit en diminuant les charges, ce qui est arrivé ces trois dernières années à en croire les initiants de la résolution. Ce n'est pas parce que la société bénéficie d'une concession de l'aéroport de Genève qu'elle ne doit pas suivre les règles du marché libre. Avant de licencier les 122 employés pour les réengager avec un nouveau contrat de travail, Gate Gourmet a certainement analysé les avantages et les inconvénients tout en tenant compte du risque qu'elle pouvait courir. Cette société semble être en position de force dans la négociation, car elle a estimé qu'elle pouvait se passer de l'avis des syndicats. Gate Gourmet veut faire jouer la loi de l'offre et de la demande pour recentrer son offre d'emploi, les charges salariales étant l'un des postes les plus importants de son compte d'exploitation. Il ne s'agit pas là d'un cas de chantage, mais la société suit la réalité économique qui change au gré du marché. Nous nous réjouissons de traiter cette affaire à la commission de l'économie.

M. Daniel Zaugg (PLR). Ce qui est sûr, dans ce parlement, c'est que le temps passe, mais qu'une chose ne change pas: la gauche. Elle propose toujours les mêmes solutions aux mêmes problèmes ! En 2009, j'ai fait une intervention sur la proposition de motion 1806 pour une convention collective à Gate Gourmet. J'ai ressorti cette intervention, je pourrais vous refaire la même: elle est toujours valable.

En fait, on a ici un problème de clientélisme syndical. J'en veux pour preuve qu'en 2012 le syndicat PUSH - un autre syndicat - a été approché par des employés mécontents. Il a réuni les 10% nécessaires pour devenir représentatif, est allé discuter avec la direction et a obtenu une nouvelle CCT. Il faut savoir que Gate Gourmet demandait six points. Je ne vais pas les citer, cela me prendrait trop de temps; ce qui est certain, c'est que PUSH a obtenu que quatre de ces points soient supprimés. Ce syndicat a obtenu de plus une augmentation de tous les salaires de 20 F par mois, le versement d'une prime de 500 F avec le salaire du mois d'avril et une participation au bénéfice. Ils ont effectivement dû faire des concessions - c'est ce qui s'appelle une négociation - sur un certain nombre de points: la suppression des jubilés des quinze, vingt-cinq et trente-cinq ans, et la nouvelle grille salariale qui a déjà été acceptée à Zurich par le même syndicat. Pour cette solution, le syndicat SSP a-t-il dit merci à PUSH ? Non, il est allé dire aux employés: «N'acceptez pas, ne signez pas cette CCT, parce qu'on va vous obtenir quelque chose de mieux.» Vous voyez le résultat aujourd'hui: il y a sept employés grévistes qui essaient toujours et encore de menacer les emplois de tous les autres.

Sur le fond, j'aimerais quand même vous dire que le rôle de l'Etat est de faire appliquer les lois, de veiller au respect de l'équité, et certainement pas d'intervenir, comme le demande cette résolution, dans des conventions collectives ou des négociations; c'est là le rôle des partenaires sociaux, il faut les laisser faire leur travail, et je demande également qu'on renvoie cette résolution à la commission de l'économie. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député François Lefort, à qui il reste deux minutes quinze.

M. François Lefort (Ve). Merci, Monsieur le président. Il n'est pas question, dans cette proposition de résolution, de demander l'intervention du Conseil d'Etat dans la négociation de conventions collectives de travail. Il est question de demander à l'aéroport de vérifier que les entreprises concessionnaires qui se sont engagées à respecter les usages du travail à Genève le fassent. Et ce n'est pas là interférer dans une négociation.

Depuis trois mois, Gate Gourmet refuse toute négociation, toute conciliation, tout arbitrage; Gate Gourmet ne veut pas annuler les licenciements, maintient les plaintes contre les employés et un secrétaire syndical. Mesdames et Messieurs les députés, en renvoyant cette résolution au Conseil d'Etat, vous donnerez le signal positif que ce Grand Conseil est attaché au partenariat social, en particulier dans les entreprises concessionnaires d'un établissement public autonome. En revanche, la renvoyer à la commission de l'économie, c'est étouffer cette histoire dans de longues discussions inutiles à la salle de l'Auditeur, le temps que les grévistes soient licenciés un à un; c'est aller dans un sens contraire à ce que vous avez exprimé en majorité dans vos interventions. La renvoyer à la commission de l'économie, c'est décrédibiliser votre discours sur le partenariat social. Ce conflit dure depuis trois mois, il est maintenant temps que le Conseil d'Etat prenne langue avec Genève Aéroport pour que cet établissement fasse respecter les concessions signées par les entreprises concessionnaires. Merci. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Michel Ducommun, pour une minute dix.

M. Michel Ducommun (EAG). Une minute dix ? Je veux bien, mais j'ai mesuré le temps de l'intervention de la députée d'Ensemble à Gauche tout à l'heure, elle n'a pas pris deux minutes cinquante, il resterait donc plus d'une minute dix. (Remarque.) Oui, trois minutes au total ! Mais moi j'ai calculé qu'elle avait parlé une minute trente. Donc au niveau... (Protestations.) J'ai pris un chronomètre ! (Commentaires.) Bon, on chronométrera nous-mêmes.

Le président. S'il vous plaît ! Allez-y, Monsieur Ducommun.

M. Michel Ducommun. Si j'ai demandé la parole, c'est que je constate qu'il y a quasi une atmosphère d'exaspération au niveau de la différence gauche-droite, particulièrement ce soir, or sur un sujet tel que celui de Gate Gourmet, peut-être bien que j'espérais qu'il puisse quand même se faire une unité sur un thème assez fondamental. Mais je sens que, simplement par haine de la gauche, la droite estime normal... (Protestations.) Laissez-moi finir ! Laissez-moi finir !

Le président. S'il vous plaît ! Monsieur Baertschi, s'il vous plaît ! (Protestations. Exclamations.)

M. Michel Ducommun. Je m'excuse, plusieurs représentants de la droite ont affirmé qu'il était logique que Gate Gourmet licencie ces gens et veuille changer leur contrat de travail pour diminuer les salaires. Je ne pensais pas que la droite était unanime à dire: «C'est très bien qu'un employeur fonctionne comme ça, en licenciant et en diminuant les salaires.» (Brouhaha.) Ce type de fonctionnement d'une entreprise, à mon avis, n'est acceptable ni par la gauche, ni par la droite, et alors que le conflit dure depuis septante-six jours - parce qu'effectivement, cela dure depuis septante-six jours - refuser de renvoyer la résolution directement au Conseil d'Etat et se dire simplement qu'on se donne bonne conscience en renvoyant la proposition de résolution en commission, ce qui revient à dire qu'on a encore deux, trois, quatre mois pour résoudre un problème comme celui-ci... Je pensais qu'il était possible que, contre une telle manière de fonctionner du patronat...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Michel Ducommun. Je pensais qu'il était possible de trouver une unité dans cette assemblée. La droite me déçoit, je le dis. (Applaudissements.)

Mme Isabel Rochat, conseillère d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, il y a unanimité autour du fait que ce conflit n'a que trop duré. On a beaucoup parlé du rôle de l'Etat. Celui-ci est très simple: s'agissant des conflits de travail, il se cantonne à rester profondément attaché au principe de la réglementation du marché du travail en faisant confiance aux partenaires sociaux pour s'entendre; et cela fait déjà septante-cinq ans que cela dure.

J'aimerais juste rappeler une chose. On a beaucoup parlé de licenciements. Je crois qu'il faut faire la distinction entre les licenciements dits de congé qui ont été mis en place, auxquels tous les travailleurs ont adhéré, et non sous la pression. Je rappelle aussi que la réglementation en vigueur a été mise en place, la CRCT s'est prononcée ce printemps à plusieurs reprises, et c'est à ce moment-là que très précisément le droit des travailleurs a eu l'occasion de s'exprimer plusieurs fois. Il s'est avéré qu'effectivement, dans le cadre de la prise en compte par la CRCT de ces conflits, les positions étaient trop éloignées. L'Etat s'en est mêlé dans la mesure où, par l'entremise du directeur de l'aéroport, il a essayé de trouver des solutions. Nous sommes maintenant en voie d'en trouver une. Quand je dis «nous», il s'agit aussi de la direction de Gate Gourmet, qui a fait des efforts considérables. Il se trouve que les conditions que l'entreprise a mises en place à Genève sont plus favorables que celles qui sont octroyées aux employés de Gate Gourmet à Zurich.

On a beaucoup parlé d'emploi. Le risque de laisser perdurer ce conflit, Mesdames et Messieurs, c'est que ce ne sont pas sept employés, sept travailleurs qui vont être licenciés, mais cent qui risquent de l'être: en effet, la direction de Gate Gourmet ne peut simplement plus comprendre que, parce que sept licenciements ont été prononcés non pas en violation du droit de grève, Madame Haller, non pas en violation de ce droit fondamental reconnu à Genève, mais pour violation de domicile et pour des actes délictueux pour lesquels une plainte pénale a été déposée... C'est la raison pour laquelle ces licenciements ont eu lieu; ne confondons pas les licenciements mis en place dans le cadre d'une convention collective pour renégocier une convention collective qui est plus favorable à Genève qu'à Zurich, et des licenciements pour des actes pénalement illicites. Il s'agit de rappeler cela, mais aussi que, s'il est nécessaire que l'Etat ne se mêle pas des relations de travail... (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît !

Mme Isabel Rochat. ...je peux vous dire que l'Etat s'est mêlé de ces conditions de travail dans la mesure où cette grève est maintenant totalement marginale, n'a plus de raison d'être, que le combat est un faux combat et qu'il s'agit de remettre de l'ordre et de permettre aux cent travailleurs de pouvoir enfin travailler tranquillement dans la paix sociale que nous appelons de nos voeux. Merci. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi de cette proposition de résolution à la commission de l'économie. Nous passons au vote.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 746 à la commission de l'économie est adopté par 54 oui contre 41 non.