Séance du
vendredi 24 mars 2023 à
18h05
2e
législature -
5e
année -
11e
session -
69e
séance
La séance est ouverte à 18h05, sous la présidence de M. Jean-Luc Forni, président.
Assistent à la séance: Mmes et MM. Mauro Poggia, président du Conseil d'Etat, Antonio Hodgers, Anne Emery-Torracinta, Serge Dal Busco, Nathalie Fontanet et Fabienne Fischer, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Amanda Gavilanes, Jean-Marc Guinchard, Patrick Malek-Asghar, Cyril Mizrahi, Vincent Subilia, Salika Wenger, François Wolfisberg et Christian Zaugg, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Glenna Baillon-Lopez, Nicolas Clémence, Eric Grand, Jean-Charles Lathion, Aude Martenot, Helena Rigotti et Pascal Uehlinger.
Annonces et dépôts
Néant.
Troisième débat
Le président. Nous continuons nos urgences avec le troisième débat du PL 13259. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Madame Diane Barbier-Mueller, je vous donne la parole.
Mme Diane Barbier-Mueller (PLR). Merci, Monsieur le président. Je vais être brève, parce qu'on a déjà fait toute la discussion il y a deux semaines. Voici un rappel succinct: ce projet de loi demande le maintien de ce qui s'était toujours fait, à savoir l'accueil des enfants dès l'âge de 3 ans révolus au 31 décembre de l'année scolaire en cours.
Je vous fais part toutefois d'un petit rebondissement: après discussion entre le Conseil d'Etat et les écoles privées, un accord a pu être trouvé, qui convient à tout le monde. Il permet de maintenir le statu quo et de proposer aux familles une réelle offre alternative au système public grâce à l'accueil des enfants dès 3 ans, tout en garantissant les conditions d'accueil adaptées à la petite enfance. Je remercie le Conseil d'Etat pour cette proposition qui convient très bien. Voilà, Monsieur le président.
M. Emmanuel Deonna (S). Le succès de l'initiative pour des places de crèche gratuites l'a prouvé: la population a une très forte attente, qui est légitime. Nous devons développer de nouvelles structures d'accueil de la petite enfance pour atteindre l'idéal «un enfant, une place». Il manque en effet environ 5000 places de crèche dans le canton, en particulier dans les communes suburbaines telles qu'Onex, Meyrin, Vernier et Lancy, et leur prix est trop souvent prohibitif, en dépit des subventions.
Les signataires de ce projet de loi déplorent une modification du règlement d'application de la loi sur l'accueil préscolaire. Selon eux, cette modification empêcherait les écoles privées de continuer à accueillir les enfants dès 3 ans et de proposer ainsi une offre adaptée et complémentaire. Les signataires de ce texte ont raison de le souligner: la garde effectuée à la maison par une personne externe ne garantit pas nécessairement un encadrement d'aussi bonne qualité que les établissements dédiés à cette fonction. Il est aussi vrai que de nombreuses mamans sont contraintes de renoncer à leur activité professionnelle, et que plus longtemps elles mettent leur carrière entre parenthèses, plus il leur est difficile de retrouver du travail.
Mesdames et Messieurs les députés, les autorités doivent tout mettre en oeuvre pour lutter contre la pénurie de places d'accueil. Cependant, elles doivent aussi veiller à garantir que les conditions de travail et les prestations sociales en usage dans le secteur de la petite enfance soient respectées.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme Nicole Valiquer Grecuccio pour une minute trente-quatre.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S). Merci, Monsieur le président. Le groupe socialiste aurait évidemment préféré pouvoir entendre la conseillère d'Etat expliquer l'amendement avant de participer à ce débat.
Le parti socialiste se félicite que des négociations aient pu se dérouler. Par contre, il regrette toujours que le projet de loi n'ait pas pu être discuté comme il se doit en commission, afin que chacun et chacune ici puisse voter en ayant les tenants et les aboutissants, comme c'est le cas lorsqu'on étudie un projet de loi sérieusement.
D'après ce que nous avons compris, cet amendement permettra de répondre à la loi sur l'instruction publique, mais on ne dit toujours rien de ce qu'il en est avec le système HarmoS ni avec FO18. En tant que socialistes et - j'imagine et ose espérer - en tant que députés et députées de ce canton, nous devons garantir les mêmes conditions aux enfants, qu'ils soient dans des écoles privées ou dans les écoles publiques. Nous attendons donc, avant de nous prononcer, l'intervention de la conseillère d'Etat. Merci beaucoup.
M. Pablo Cruchon (EAG). Mesdames les députées, Messieurs les députés, le groupe Ensemble à Gauche s'opposera au projet de loi et à l'amendement proposé par le Conseil d'Etat. D'abord, concernant le projet de loi: selon nous, il va vraiment à l'encontre de la vision que nous avons de l'accueil préscolaire. Pourquoi ? Parce que ce texte va favoriser la privatisation de ce secteur, en enfonçant un coin dans ce marché. Deuxièmement, il permet de contourner les normes d'encadrement, qui sont prévues par la loi sur l'accueil préscolaire et qui ont fait l'objet de débats, de référendums et de discussions avec les personnes concernées. Troisièmement, il affaiblit la position des crèches et induit un accueil préscolaire à deux vitesses. Or qui seront les principales victimes de ce genre de projet élitiste ? Ce seront évidemment les populations qui n'ont pas accès à de bonnes écoles faute de moyens.
Nous sommes opposés à ce projet de loi parce qu'il met en danger l'idée d'un service public de bonne qualité accessible à toutes et tous. Qu'est-ce que ça veut dire ? Ce texte permettrait d'accueillir dès 2 ans et demi - écoutez-moi bien: dès 2 ans et demi ! - des enfants dans des taux d'encadrement inférieurs - je dis bien inférieurs - à ce qui est préconisé par la loi. C'est-à-dire que nous avons affaire soit à des écoles qui, pour s'aligner sur les prix, pratiquent du dumping salarial compte tenu des conditions de travail, soit à des écoles qui doivent rogner sur le taux d'encadrement pour avoir des prix corrects. Nous avons donc un problème ou de dumping ou de qualité d'accueil. Pourtant les études sont claires: la question de l'accueil préscolaire est au centre de la lutte contre les inégalités sociales. En effet, un accueil préscolaire de bonne qualité réduit les inégalités au moment de l'entrée à l'école et les inégalités présentes dans d'autres sphères de la vie.
Face à cette offensive, nous avons un projet - nous l'avons déjà dit - à savoir l'initiative pour des crèches gratuites et en nombre suffisant. C'est un autre modèle; on postule que cela doit être un service public, comme l'école, accessible à tous, avec des normes d'encadrement, avec de la qualité, avec du personnel formé. Or, ces garanties ne figurent pas dans ce projet de loi.
J'aurais tendance à dire que l'amendement du Conseil d'Etat est pire encore, car il prévoit d'inscrire ces dispositions dans la LIP, la loi sur l'instruction publique, la sortant ainsi de la loi sur l'accueil préscolaire, et précise qu'on doit négocier les taux d'encadrement. On avoue dès le début qu'on ne respectera pas les taux d'encadrement en vigueur dans la loi et que ce sera fait sans contrôle démocratique, puisque c'est un règlement d'application.
Il faut donc refuser ces deux projets et soutenir un véritable service public de l'accueil préscolaire qui réponde aux besoins de la population, de toute la population et pas seulement des populations favorisées et qui ont les moyens. Il manque 4000 à 5000 places de crèche; il est donc nécessaire de donner des moyens pour les créer, former le personnel, et les rendre gratuites. Je vous remercie.
Mme Diane Barbier-Mueller (PLR). Je ne réponds pas à la haine anti-privés de M. Cruchon. Je veux juste préciser, parce que je ne l'ai pas fait, que le PLR soutiendra l'amendement du Conseil d'Etat. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à M. Didier Bonny.
M. Didier Bonny (Ve). Merci, Monsieur le président. Je souhaite vous demander si en troisième débat on peut demander un renvoi en commission. On peut le faire, non ?
Le président. Oui.
M. Didier Bonny. Merci. Très bien; ce sera donc la conclusion de mon intervention.
Le président. Vous avez terminé ?
M. Didier Bonny. Non, je n'ai pas terminé. (Rires.) Ce sera la conclusion, Monsieur le président; il faut m'écouter, s'il vous plaît, merci. (L'orateur rit.) Je ne vais pas redonner l'intervention que j'ai faite la dernière fois, même si vous ne vous en souvenez probablement pas: j'avais posé plusieurs questions au sujet de ce texte. Logiquement, j'avais demandé qu'il soit renvoyé en commission. Or j'ai bien compris aujourd'hui que l'amendement du Conseil d'Etat essaie de limiter les dégâts, puisque, compte tenu de la majorité de ce parlement, cet objet sera très vraisemblablement voté.
Cela étant dit, parmi toutes les questions que j'avais posées, il y en a quand même... Je n'en repose que deux. Voici la première: combien coûte en moyenne l'écolage pour une année en école privée à cet âge ? Je pose la question corollaire: cette solution n'est-elle pas réservée aux familles qui peuvent se la permettre ? La seconde question, la voici: sachant que la première primaire est obligatoire, qu'advient-il des enfants qui arrivent dans le système public après avoir déjà fait non pas une année scolaire - comme je l'avais dit la dernière fois - mais deux ? Que va-t-il se passer quand ces enfants vont rejoindre le système public ?
Il me semble que ces questions-là sont totalement légitimes. Il faut donc pouvoir se les poser en toute tranquillité en commission, et non voter sur le siège un projet de loi quand même assez fondamental. Monsieur le président, vous m'aurez donc vu venir: je demande cette fois le renvoi de ce texte en commission. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je le ferai voter après que tout le monde se sera exprimé. Monsieur Xavier Magnin, vous avez la parole.
M. Xavier Magnin (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le groupe Le Centre est heureux qu'un compromis soit trouvé et proposé. Cela permettrait de conserver cette mixité et cette complémentarité de l'offre scolaire et de garder l'attractivité pour les internationaux notamment, mais aussi pour nos concitoyens. Cette proposition correspond à ce que l'on trouve en France voisine par exemple; elle permet aussi aux expatriés d'assurer un retour dans leur système scolaire.
Les offres ne sont pas concurrentes, elles sont complémentaires; l'essentiel est véritablement là, sans négliger le fait que cela soulagera pour partie les besoins déficitaires en garde d'enfants d'âge préscolaire - environ 450 à 500 enfants sont en effet concernés. Par ailleurs, le passage entre l'école publique et l'école privée se fait déjà depuis de nombreuses années, et cela ne pose absolument aucun souci. C'est donc un bon compromis, et Le Centre vous recommande d'accepter... (Quelqu'un éternue.) Santé ! (Rires.) ...le PL 13259 amendé. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme Danièle Magnin. (Un instant s'écoule.)
Mme Danièle Magnin (MCG). Je suis désolée. (L'oratrice rit.) Je ne savais pas que j'avais déjà la parole. Comme je l'ai expliqué la dernière fois, j'ai toujours vu pendant mon propre cursus scolaire des jardins d'enfants qui accueillaient des enfants dès 3 ans; rien n'a changé, il n'y a pas eu de morts, ni de dégâts, ni de vrais soucis.
En revanche, voici ce qui se passe maintenant: nous manquons de milliers de places de crèches. Une nouvelle motion, je crois, a été déposée en faveur de la gratuité des places de crèche, ce qui est un leurre total ! Je vous signale une autre méthode: il s'agirait de faire payer les places en crèche aux gens en fonction de leurs revenus, mais du coup, vous n'auriez plus les personnes qui ont des revenus importants: pour garder leurs enfants, elles prendraient quelqu'un à la maison ou se mettraient à plusieurs. En ce qui concerne le MCG, nous soutiendrons ce projet de loi. Merci.
Le président. Merci, Madame la députée. Monsieur Cruchon, il vous reste quinze secondes.
M. Pablo Cruchon (EAG). Ce sera très bref. C'est pour dire que ce n'est pas un leurre. Du reste, 6500 personnes ont appuyé notre initiative en l'espace de cinq semaines: c'est bien la preuve que la population veut un projet de gratuité ouvert et un service public de bonne qualité. Je vous remercie.
Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, vous le savez, j'étais extrêmement inquiète la session passée, lorsque ce projet de loi a été déposé. Au fond, il soulève deux enjeux. Je ne vais pas résumer les autres, mais je souligne celui des écoles privées qui font du suivi scolaire et qui accueillent des enfants de moins de 4 ans; et il y a celui, très pratique, des enfants de moins de 4 ans qui sont dans des structures comme les jardins d'enfants, comme les crèches, auxquels s'appliquent des règlements différents et une loi différente.
Avant de parler de l'amendement, je répondrai à l'une des questions de M. Bonny, à propos du coût des écoles privées: étant à la tête des écoles publiques, je ne connais pas ce coût exact. Je connais le prix de quelques-unes d'entre elles, mais je serais incapable de vous dire le coût global pour les petits. Je ne répondrai donc pas.
Par contre, je peux répondre à votre question concernant ce qui arrive à des petits qui ont commencé en école privée et qui rejoignent ensuite le public: ils sont inscrits dans la classe qui correspond à leur âge au sein du système public. Si les enfants ont commencé l'école avant ou sont nés au mois de septembre ou d'octobre et n'ont pas pu commencer l'école à 4 ans, en général les parents demandent un saut de classe. La demande est examinée et l'enfant obtient ou n'obtient pas un saut de classe. Voilà ce que je peux vous dire, mais j'imagine qu'en tant qu'ancien directeur d'école, vous savez un peu ce qui se passe. (Remarque.)
J'en viens à l'amendement. Ce qui m'inquiétait du fait que ce texte ne soit pas renvoyé en commission, c'était le risque d'une absence de contrôle, de surveillance adéquate, spécifique, pour des enfants petits, puisque le projet de loi permettra de fait à des enfants âgés de moins de 3 ans lors de la rentrée scolaire d'entrer dans un système de type français ou autre. Ce qu'il fallait absolument garantir, c'est qu'on puisse déterminer des conditions d'accueil qui correspondent aux écoles privées. Voilà pourquoi nous avons négocié un amendement.
Mais attention à une chose ! On parle bien d'écoles. Ce qui m'inquiétait aussi tout particulièrement, ce n'est pas les grandes écoles privées, qui ont déjà, de fait, un encadrement probablement suffisant, etc. Depuis quelques années fleurissent de petites écoles qui, en fait, sont des crèches ou des jardins d'enfants - je devrais plutôt dire des jardins d'enfants déguisés - et qui, sous prétexte de vide juridique, disent être des écoles afin d'échapper au taux d'encadrement, aux garanties concernant la formation du personnel, etc.
Cet amendement - c'est pour ça que nous avons voulu que ce soit la loi sur l'instruction publique - concerne des écoles; or, les écoles privées sont des écoles. Il ne concerne pas celles et ceux qui contourneraient la loi en faisant passer des jardins d'enfants pour des écoles. Voilà simplement ce que je voulais vous dire: c'est l'accord auquel nous sommes arrivés. Dans la mesure où une majorité du parlement souhaite voter cette loi aujourd'hui, je ne peux que vous demander de soutenir cet amendement qui permet de garantir un accueil de qualité. Merci.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous votons tout d'abord sur la demande de renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du projet de loi 13259 à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport est rejeté par 54 non contre 34 oui.
Le président. Je vous fais voter à présent sur l'amendement général négocié avec le Conseil d'Etat, que voici:
«Titre (nouvelle teneur)
Projet de loi modifiant la loi sur l'instruction publique (LIP) (C 1 10)
Art. 1 Modifications (nouvelle teneur)
La loi sur l'instruction publique, du 17 septembre 2015, est modifiée comme suit:
Art. 43, al. 2 et 3 (nouveaux, les al. 2 à 4 anciens devenant les al. 4 à 6)
2 Les écoles privées qui délivrent des prestations d'enseignement relevant du degré primaire et équivalent au cycle élémentaire peuvent accueillir des enfants dès l'âge de 3 ans révolus au 31 décembre de l'année scolaire en cours.
3 Le règlement détermine les conditions d'accueil adaptées à l'âge des enfants, en concertation avec les écoles privées.»
Mis aux voix, cet amendement général est adopté par 74 oui contre 7 non et 9 abstentions.
Le président. Je soumets à vos votes l'ensemble de ce projet de loi tel qu'amendé.
Mise aux voix, la loi 13259 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 55 oui contre 34 non et 1 abstention (vote nominal).
Premier débat
Le président. Nous passons à notre prochaine urgence, les PL 12290-A et 12291-A, que nous traiterons conjointement. Nous sommes en catégorie II, soixante minutes. Je donne la parole au rapporteur de majorité, M. Sébastien Desfayes.
M. Sébastien Desfayes (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Ces deux projets de lois ont pour objet la PPE en droit de superficie et la PPE en pleine propriété dans le périmètre du PAV. Le PL 12290 est plus spécifiquement consacré au régime de la propriété par étage en droit de superficie dans le PAV, sur toutes les parcelles en zone de développement propriétés de l'Etat, d'une commune ou d'une fondation de droit public. Le PL 12291 est consacré à la vraie PPE, la PPE classique, c'est-à-dire la PPE en pleine propriété, dans le PAV. Ce projet de loi vise à ce que les logements construits sur les parcelles du PAV appartenant initialement à l'Etat, à une commune ou à une fondation de droit public et en zone de développement comprennent une part minimale de 24% de PPE en pleine propriété contre, malheureusement, 0% aujourd'hui.
Je débute par le PL 12290. Je vais entrer dans les détails, mais pas trop, simplement vous rappeler un article paru dans la «Tribune de Genève» du 12 août 2018, qui, en lien avec les droits de superficie de Genthod, titrait: «Ils sont poussés à devenir locataires de leur propriété. Cruelle surprise pour six ménages: la commune ne veut plus leur louer le sol où se dressent leurs maisons, qu'elle compte racheter.» Un propriétaire - en droit de superficie - disait: «On nous dit que nous pourrons rester, mais tout ce que nous avons par écrit, c'est une lettre nous intimant de partir.» L'insécurité juridique entourant les PPE en droit de superficie dans le PAV est tout aussi criante. Alors que, lors de la campagne du PAV en 2018, le Conseil d'Etat soutenait que les superficiaires en PPE seraient traités comme des propriétaires et que le droit de superficie est de la quasi-propriété, le flou est aujourd'hui savamment et volontairement entretenu au détriment des superficiaires. La loi 10788, même amendée par la loi 12052, est muette sur la durée du droit de superficie, sur le montant de la rente, sur celle du retour du bien immobilier et sur l'application ou non de la loi Longchamp. Il appartenait ainsi aux députés de tenir compte des dangers réels et concrets du droit de superficie lorsque son régime légal ne reprend pas les spécificités minimales requises pour la PPE et de clarifier les conditions applicables.
C'est ainsi que le projet de loi 12290 prévoit en substance ce qui suit: la reprise du mécanisme de la loi Longchamp au droit de superficie dans le PAV, ce pour éviter la spéculation; la durée du droit de superficie, fixée à nonante-neuf ans, renouvelable; la rente de superficie à 10 francs par mètre carré - SPB, je précise bien et je souligne, pour Nicolas Clémence...
Une voix. C'est important de souligner ! (Rire. Commentaires.)
M. Sébastien Desfayes. ...ce qui ne péjore pas de manière trop substantielle la charge d'usage; enfin, la détermination de la valeur de retour de l'immeuble à l'expiration du droit de superficie, cette valeur correspondant à la valeur vénale du logement en pleine propriété. Je souligne et précise que cette valeur de retour ne prend pas en considération la valeur du terrain. Voilà pour le PL 12290.
S'agissant du PL 12291, comme vous le savez tous, le PAV est le plus grand périmètre du canton en superficie et en potentiel à bâtir. C'est aussi le dernier grand périmètre du canton de Genève. Son développement doit répondre à de nombreux enjeux, dont la mixité, la qualité des logements et des espaces publics, ainsi que la pénurie de logements pour la classe moyenne, la grande oubliée du développement urbanistique de ces dix dernières années. C'est à ces enjeux que répond le PL 12291.
Pour ce qui est de la mixité, il faut d'abord assurer la mixité sociale dans le PAV; cela a été reconnu et relevé par le conseiller d'Etat Antonio Hodgers, qui disait qu'il est important d'empêcher la construction de ghettos sociaux, que ceux-ci soient d'ailleurs réservés aux plus pauvres ou aux plus riches des habitants du canton, et que c'est la mixité sociale qui structure la paix sociale, la diversité en milieu scolaire, la capacité à se mélanger, etc. Alors qu'il s'agit du projet d'aménagement et de logement le plus ambitieux de l'histoire de Genève et qu'il impactera le canton sur un plan démographique et social, le PAV fait fi de la mixité sociale. Ce sont 62% de logements sociaux qui y sont prévus, sans garantie en ce qui concerne le pourcentage de logements locatifs destinés à la classe moyenne et sans aucun logement en PPE en pleine propriété à prix contrôlés.
Il faut ensuite assurer une qualité dans la construction des logements, comme dans celle des équipements publics. Pour cela, il faut des plans financiers qui tournent. Cette qualité dans la construction impose, exige la présence de PPE en pleine propriété. Il convient enfin de répondre à l'immense demande de la population genevoise en PPE, plus précisément en vraie PPE en pleine propriété. Des milliers de familles genevoises de la classe moyenne ont la ferme intention de devenir propriétaires, étant rappelé qu'à terme, il est moins onéreux d'être propriétaire que titulaire d'un droit de superficie.
L'ensemble des conditions sont favorables à ce que l'accession à la propriété soit garantie à la classe moyenne, hormis la production de PPE en suffisance, qui fait défaut. Il est donc impératif d'augmenter l'offre de PPE dans le canton de Genève pour répondre à cet engouement des familles genevoises et éviter leur départ dans le canton de Vaud ou en France voisine. Il en va de l'intérêt public de répondre à ce besoin. A cela s'ajoute, bien entendu, la nécessité d'éviter des pertes fiscales substantielles avec leur départ. Ce sont entre 500 et 700 millions de francs de recettes fiscales qui sont perdus annuellement par le canton de Genève, qui ne peut se le permettre, tant la pyramide fiscale dépend d'un très petit nombre de contribuables. Il est donc essentiel que le plus grand et dernier périmètre constructible du canton comporte un nombre important de PPE en pleine propriété pour augmenter l'offre. C'est le type de logements pour lequel la pénurie est la plus forte en raison notamment de son prix attractif, avec, régulièrement, des dizaines de postulants à l'achat de chaque nouvelle PPE construite.
Le canton de Genève ne peut pas, ne doit pas, rater le développement du PAV, qui constitue le plus important projet urbanistique du XXIe siècle. Il est légitime de considérer que l'impact de ce projet dépassera la simple question de l'aménagement du territoire. Il aura des conséquences sur les rentrées fiscales, les charges de l'Etat, la mixité sociale, etc. La majorité de la commission vous invite en conséquence à accepter les PL 12290-A et 12291-A. Merci.
Présidence de Mme Céline Zuber-Roy, première vice-présidente
M. Nicolas Clémence (S), député suppléant et rapporteur de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, les deux projets de lois dont nous traitons aujourd'hui, je le dis d'emblée, auraient dû être retirés par leurs auteurs. Pourquoi ? Parce qu'ils ont été déposés en mars 2018, moins d'un mois après le vote du Grand Conseil sur le PL 12052-A, qui avait déjà permis d'augmenter la proportion de logements et de renforcer la mixité sociale dans les futurs quartiers du PAV, par l'introduction notamment d'une part minimale de 12% de logements en PPE sur les terrains en mains publiques. C'était le fruit d'un compromis entre les acteurs du PAV, soutenu par le Grand Conseil, les Conseils municipaux de la Ville de Genève, de Lancy, de Carouge, l'ASLOCA, mais aussi des associations de propriétaires comme Pic-Vert. Cette loi a été soumise au peuple par référendum extraordinaire et acceptée par une large majorité de 61% des Genevoises et des Genevois le 10 juin 2018, soit après le dépôt de ces projets de lois. Ils viennent donc remettre en cause, moins de cinq ans après une votation populaire, l'accord trouvé entre les acteurs du PAV.
Concernant la rente annuelle fixée par l'un de ces projets de lois à 10 francs par mètre carré pour les PPE en DDP dans le PAV, si on fait la comparaison avec la zone de développement 3, on voit que ce montant est fixé trois fois moins cher - trois fois moins cher ! - que le prix du marché, et cela arbitrairement. Cela a été d'ailleurs reconnu par les auteurs du projet de loi, qui ont mentionné lors de leurs auditions que ce taux était arbitraire et ne correspondait à rien. De plus, il n'est même pas indexé, on se demande donc ce que ce taux deviendra dans dix, trente, cinquante ou cent ans, à l'échéance de ces DDP, puisque la durée aussi est fixée. On s'interroge d'ailleurs un petit peu sur le libéralisme de certains, quand on voit que, contrairement à ce que permet le code civil suisse dans les accords de droit privé - qui prévoit que les durées des DDP ou les montants des rentes doivent être négociés entre les parties -, là, cela est fixé par la loi, ce qui est assez étonnant.
Ensuite, ces deux lois ont des conséquences financières pour l'Etat de Genève, puisqu'il est propriétaire des terrains. C'est inscrit au patrimoine financier de l'Etat, comme immeubles de placement. Dès lors, toute diminution du rendement public implique une réévaluation à la baisse des valeurs et donc des pertes comptables. Le département a distingué deux conséquences financières directes: des pertes sur l'ensemble des parcelles propriétés de l'Etat dans le PAV, à savoir une moins-value comptable de l'ordre de 20 millions de francs, qui interviendrait immédiatement suite à l'adoption du PL 12290, ainsi qu'un manque à gagner dans le cadre de la valorisation future des terrains concernés, puisque les rentes pourraient diminuer de 4,6 millions par année, c'est-à-dire un rendement inférieur de 19% et donc une érosion sensible des rentes sur les terrains propriétés de l'Etat.
S'agissant du PL 12291, celui-ci exige que les logements dans le périmètre du PAV sur des parcelles propriétés de l'Etat, d'une commune ou d'une fondation de droit public et en zone de développement, soient en pleine propriété pour une part minimale de 24%. Les auditions ont pu démontrer que le nouvel article 4A posait un problème fondamental, puisque en exigeant cette part de 24% uniquement en pleine propriété, le projet de loi revient à aliéner le foncier public, violant ainsi l'article 98 de la constitution, qui normalement exige que chaque aliénation fasse l'objet d'un projet de loi ad hoc, pour chaque parcelle. Par conséquent, cela aussi viole l'accord validé par le peuple en 2018.
Enfin, la Fondation PAV a également été auditionnée. Elle nous a expliqué ses buts, qui étaient d'acheter des droits de superficie d'entreprises industrielles se trouvant actuellement sur les terrains du PAV et de les revendre aux particuliers qui décident de s'installer sur ces terrains, dans le but de pouvoir ensuite rendre les terrains à l'Etat dans quarante ans, sans que celui-ci ait bien sûr perdu d'argent, l'opération devant être blanche. Evidemment, si on change les conditions et qu'on fixe le prix à un tiers du prix de rente du marché, le business plan de la fondation PAV ne fonctionne plus. Celle-ci a confirmé, lors de son audition, que cela mettrait en danger son business plan, à la fois par la rente (pour la perte des recettes), mais aussi par le fait de devoir verser une indemnité à la valeur vénale à l'échéance des DDP, puisque normalement, il aurait fallu fixer en tout cas - c'était précisé par le rapport, mais ce n'est pas dans le projet de loi - que la valeur des terrains n'était pas incluse dans ces retours à la valeur vénale à l'échéance. Enfin, si la fondation devait vendre 24% des terrains dont l'Etat est propriétaire à des investisseurs pour réaliser de la PPE, il y aurait un conflit avec les missions qui lui sont confiées: vendre le quart des terrains du PAV et à la fois construire du logement social est irréalisable.
Le plus grave, c'est que ces projets de lois ne sont pas conformes au droit. Pourquoi ? Parce que, vous l'avez peut-être lu en introduction, ces deux projets de lois sont des modifications de limites de zones. Or les modifications de limites de zones visant à changer l'affectation du sol répondent à des critères très précis; cela correspond notamment à l'article 15 de la LaLAT (la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire), qui demande normalement de passer par une motion du Grand Conseil - outil du parlement pour initier ce type de modification de zone -, un avant-projet de loi du Conseil d'Etat qui ensuite doit passer par une enquête publique, par des décisions, des délibérations des conseillers municipaux concernés et puis, bien évidemment, une procédure d'opposition, et enfin, le dépôt d'un projet de loi par le Conseil d'Etat auprès du Grand Conseil. Toutes ces étapes-là n'ont pas été respectées, on vient directement avec des projets de lois devant notre Grand Conseil, c'est-à-dire que les communes ne se sont pas positionnées, la population n'a pas pu lancer de référendum communal, il n'y a pas eu d'opposition possible par les propriétaires concernés, les riverains ou des gens à même de faire des oppositions dans ce cadre-là.
Même dans le processus parlementaire, les membres de la majorité ont annoncé en commission voter ces deux projets de lois dans le but d'ouvrir de nouvelles négociations entre les partis - parce qu'elles avaient lieu en parallèle des commissions, on avait des discussions aussi avec le Conseil d'Etat et les représentants de chaque parti - et pour provoquer le débat, reconnaissant qu'il y avait un risque que le Conseil d'Etat ne demande pas le troisième débat dans ce cadre-là.
En conclusion, force est de constater que ces deux projets de lois ne respectent ni le droit supérieur, ni la législation existante, ni les procédures d'approbation nécessaires pour la modification de zones de la loi PAV. A l'évidence, les auteurs de ces projets de lois auraient dû passer par le dépôt de motions au Grand Conseil pour respecter les dispositions légales. En plus de cela, ces articles ne respectent pas la constitution, en particulier l'article 98. Nous avons donc pu démontrer que les deux projets de lois fixent des dispositions inapplicables, cassent un accord consensuel entre les acteurs et brisent les bases solides et stables nécessaires aux acteurs pour la construction du PAV et la réalisation de projets de logements sur une longue durée. Si on change les règles tous les ans - ou même tous les cinq ans -, ça ne fonctionne plus, les business plans ne fonctionnent plus. Cette mixité satisfaisante dans le PAV à laquelle faisait référence le rapporteur de majorité a d'ores et déjà été introduite par la révision de la loi PAV, révision acceptée par le peuple. Je ne comprends donc absolument pas qu'on revienne avec ces projets de lois qui sont antérieurs à une votation populaire. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, la minorité vous invite à refuser ces deux projets de lois.
M. Rémy Pagani (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Je ne reviendrai pas sur les considérations juridiques, économiques et sur les 10 francs le mètre carré, ce cadeau... Je sais qu'on est en période électorale, mais qui va comprendre, parmi les personnes qui nous écoutent, qu'on va pouvoir avoir un droit de superficie à 10 francs le mètre carré ? C'est subventionner, sur la base de biens publics... Parce que ces terrains ont été achetés par des générations qui nous ont précédés pour en faire des biens communs, pour faire en sorte que nos petites et moyennes entreprises, je vous le rappelle, puissent, elles, être subventionnées, mais là, on passe d'une subvention à des entreprises qui voyaient effectivement leur capital être immobilisé en zone primaire, d'une volonté de la collectivité de les aider à ne pas immobiliser leur capital et à le placer dans l'innovation et la création de richesse, à une situation où on se retrouve avec des gens qui nous proposent 10 francs le mètre carré ! Ça veut dire qu'on met cet argent à disposition pour spéculer - parce qu'il n'y a pas d'autre terme ! On met les terrains de la collectivité - qu'on avait mis à disposition des petites et moyennes entreprises - à la disposition d'une soi-disant classe moyenne - je me permets de rire ! -, de gens qui vont, dans dix, vingt ans, faire des bénéfices faramineux - faramineux ! - sur la rente foncière. Ils ne créeront aucune richesse, eux ! Ils profiteront des biens de la collectivité pour se faire passablement d'argent.
Mais cela ne m'étonne pas qu'on en arrive là. Au tout début, je vous rappelle, il y a quinze, vingt ans, j'ai fait partie de ceux qui ont lancé un référendum contre le déclassement de la zone Praille-Acacias-Vernets, parce que nous savions que, sans projet concret, nous allions en arriver là. Certains ont cru passer des accords, auxquels nous nous sommes toujours refusés de prendre part ! Ensemble à Gauche, la liste d'Union populaire, a refusé de prendre part à ces accords... (L'orateur est interpellé. Commentaires.) ...et nous avons eu bien raison, parce qu'aujourd'hui, les Verts et les socialistes, qui nous font la leçon... (Remarque.) Oui, mais je me permets de le dire ! Parce qu'il y a de quoi ! (Commentaires.) En effet, cinq ans après une votation populaire, la droite n'entérine pas cet accord. A qui peut-on faire confiance ? Nous, nous sommes partis du principe qu'on ne pouvait pas faire confiance à une droite qui ne cherche qu'à faire des profits. (Exclamations.) Sur le dos de qui ? Sur le dos de la majorité: je vous rappelle que 90% de la population à Genève cherche à louer un appartement pour se loger, et vous, vous êtes entrés en matière sur l'idée qu'il faut quand même laisser à des personnes, il faut laisser à la droite un petit espace où on puisse spéculer, acheter son logement, où on puisse avoir le sentiment d'être propriétaire. Aujourd'hui, la droite nous dit: «Ben non ! La propriété en droit de superficie, ce n'est pas de la propriété, c'est une pseudopropriété ! Nous ce qu'on veut, c'est de la propriété pleine et entière, sur le dos de la collectivité !» C'est ça, la logique dans laquelle vous êtes entrés.
Je le déplore, et pour l'instant, j'attends de voir, mais de toute façon, on va aller soit au Tribunal fédéral, qui cassera ces deux lois, soit en votation populaire, pour faire en sorte que le peuple, le corps électoral se prononce une deuxième fois pour dire que sur les terrains de la collectivité, comme il est prévu dans notre constitution, il n'est pas question de faire du profit et de la spéculation. Je vous remercie de votre attention.
Présidence de M. Jean-Luc Forni, président
M. David Martin (Ve), rapporteur de troisième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, pourquoi sommes-nous ici en train de discuter à nouveau du PAV ? C'est très simple, la raison est que la droite ne digère définitivement pas sa défaite sur la loi PAV de 2018, où 61,44% de la population a donné raison à la politique proposée par le Conseil d'Etat. Juste après, nous avons eu des lueurs d'espoir autour de l'accord sur la répartition des catégories de logements en zone de développement, ce qui laissait présager une forme de pacification des discussions politiques sur le logement. Mais non, malheureusement, cela a été un prétexte pour ressortir la hache de guerre et modifier une fois de plus la loi sur le PAV.
Autre événement qui s'est produit entre-temps, la votation sur l'initiative fédérale en faveur du logement abordable et des coopératives, où 60% des Genevois ont dit - vous voyez que c'est de nouveau un taux de 60%: «Nous voulons du logement abordable en coopérative.» De quoi est-ce la manifestation ? C'est la manifestation d'une population qui pour ses deux tiers, en gros, souffre de la flambée des loyers et de la pénurie de logements.
Ici, nous discutons de la modification de la loi PAV. Il se trouve que cette modification de loi s'applique à une modification de zone. Par conséquent, nous ne pouvons pas, en réalité, la modifier simplement entre nous, au parlement: cela devrait théoriquement passer par une nouvelle enquête publique. Je fais le pari que cela n'aboutira de toute façon pas et qu'il s'agit donc d'une sorte de gesticulation électorale. Jusqu'à maintenant, nous avons évité cette gesticulation, parce que la droite n'avait pas de majorité sur ces sujets. Comme l'a dit M. Clémence, quatre textes de lois dans les commissions parlent du même sujet. Il n'y avait donc pas de majorité, jusqu'à hier, où le MCG a retourné sa veste, lui qui était jusqu'à maintenant un fidèle allié de la construction du PAV, tant dans le cadre de la loi PAV que de la fondation PAV. Malheureusement, nous ne pouvons visiblement plus compter sur le MCG sur ce sujet ce soir - il a d'ailleurs également retourné sa veste sur le soutien aux coopératives, je me permets de le rappeler ici. En faisant cela, le MCG joue le jeu de la droite, des promoteurs immobiliers et de tous ceux qui prétendent que la seule façon de résoudre la crise du logement à Genève, c'est de construire de la PPE.
Les Verts n'ont rien contre la PPE; simplement, il faut être un petit peu réaliste, surtout aujourd'hui, où les taux d'intérêt pour les crédits immobiliers sont remontés aux environs de 3%, avec une flambée des coûts de construction qui fait que les appartements, même en zone de développement avec coûts contrôlés, produisent... Je ne suis pas un grand spécialiste, mais je dirais qu'un six-pièces pour une famille, c'est environ 1 million. (Commentaires.) Qui est-ce que ça concerne, un appartement à 1 million, avec un emprunt bancaire à 3% ? J'aimerais bien qu'on réponde à cette question.
J'ajouterai que la PPE en pleine propriété, celle qui est souhaitée par la droite, est une PPE contrôlée pendant dix ans. Je l'ai souvent dit dans ce parlement, la PPE contrôlée, après dix ans, qu'est-ce que cela produit ? Cela produit un appartement qui se revend avec une plus-value d'au moins 30%, si ce n'est le double. Par conséquent, si on est défenseur de l'accession à la propriété, on devrait aussi être défenseur de l'accession à la propriété en droit de superficie, parce que la propriété sur un droit de superficie, contrairement à ce qui a été dit avant, est justement la seule garantie possible pour éviter que la PPE ne se transforme en une forme de logement purement spéculatif.
Or les terrains du PAV ont la particularité d'être des terrains publics. On peut le voir comme une tare ou comme une chance. Les collectivités se démènent pour acheter des terrains en vue de les donner notamment à des coopératives ou d'en faire des espaces de qualité dans les quartiers. Ici, nous avons une collectivité qui possède déjà ces terrains. Et la droite nous propose d'en faire de la pleine propriété et donc d'aller vers une aliénation. Nous avons fait cet exercice dans notre parlement il y a quelque temps, lorsque le Conseil d'Etat, à l'initiative de M. Longchamp, voulait produire un certain nombre de PPE dans le quartier des Adrets. Que s'est-il passé ? Il y a eu une alliance entre le PLR et le parti socialiste notamment, qui a refusé cette aliénation de terrain. L'aliénation de terrain demandée par la droite dans le PAV, c'est un scénario qui n'est absolument pas réaliste.
Nous invitons donc à refuser ces projets de lois qui sont en fait une façon de remettre complètement en question la loi PAV, alors que celle-ci a fait l'objet d'un consensus au sein de la population. Ce sont des projets de lois qui visent à détruire complètement l'outil de la PPE en droit de superficie, alors que certains experts, en l'occurrence M. Yvan Schmidt, un expert immobilier reconnu, proposaient justement la PPE en droit de superficie comme un outil très pertinent à utiliser davantage pour construire la ville.
Voilà quelques arguments pour lesquels la minorité Verte vous encourage vivement à refuser ces projets de lois. (Applaudissements.)
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S). Mesdames et Messieurs les députés, je pense que, comme moi, vous croyez au partenariat social. Eh bien, en 2018, quand la loi PAV a été votée, c'était une forme de pacte territorial. La population a accepté cette loi PAV à 62%, et ce n'était pas un vote droite-gauche. Seules six communes - ou arrondissements électoraux - s'y sont opposés: Conches, Cologny, Vandoeuvres, Collonge-Bellerive, Corsier et Anières. Cette loi PAV a également été soutenue par des entrepreneurs, par des gens de droite. Ce n'était donc pas un combat gauche-droite. Ce n'était pas non plus un combat avec Ensemble à Gauche, et je rappelle à M. Pagani qu'il était lui-même signataire des accords PAV en sa qualité de conseiller administratif de la Ville de Genève. Donc ce que je demande... (Exclamations. Commentaires.) Donc ce que je demande ici au nom des socialistes, c'est de considérer que la cause du logement est importante et qu'elle requiert de réunir les efforts autour des projets d'architecture et de logements.
Je rappelle que le projet PAV, dans son ancienne loi comme dans la nouvelle, a toujours contenu de la PPE: 1900 PPE en pleine propriété, parce qu'il y a effectivement des terrains sur lesquels il est possible d'en construire. La modification de la loi PAV a permis d'augmenter cette proportion, en faisant certes des PPE en droit de superficie, mais de nombreuses discussions avec les signataires de l'accord du PAV, dont l'ASLOCA, ont été nécessaires pour aboutir à l'acceptation de ce principe de PPE en droit de superficie, qui sont, je vous le rappelle, au nombre de 2100.
Aujourd'hui, de quoi parle-t-on ? On parle de fragiliser les règles d'un dossier qui porte sur 12 500 logements à construire. Peu à peu, ces règles vont se développer; elles ont déjà été appliquées au secteur des Vernets. Bientôt, nous allons voter sur Praille-Acacias 1, ce projet qui fait l'objet d'un référendum au niveau municipal. Alors que voulons-nous dans ce parlement ? Appuyer la construction de logements ? Répondre aux besoins, pour toutes les catégories de logements ? Ou voulons-nous, par nos querelles incessantes, fragiliser ce projet de développement et donner de l'eau au moulin à ses opposants ? Nous avons la chance unique de construire un centre-ville urbain de qualité, avec une renaturation des rivières, que nous avons votée ici; nous avons la capacité de développer des projets d'architecture de qualité et, grâce à ceux-ci, de développer des activités de proximité, et c'est ce projet d'envergure pour notre canton que nous voulons fragiliser !
J'en appelle à respecter les accords du PAV, à nous réunir pour la construction de logements, mais aussi pour dire à la population qu'elle a droit à un quartier de centre-ville de qualité et que c'est cela que nous allons lui offrir ! Alors, s'il vous plaît, j'en appelle, particulièrement à droite et au MCG, à renoncer à ces projets de lois, à rester dans le cadre de ce que le peuple a voté, pour construire ensemble ce quartier de qualité - c'est notre responsabilité ! - et non pas, à chaque stade, à fragiliser cette construction, ainsi que les superficiaires, dont vous changez les règles du jeu chaque fois. Pour les superficiaires, y compris pour les entreprises qui sont sur place, c'est une situation d'incertitude qui n'est pas tolérable ! Alors s'il vous plaît, réunissons-nous autour du projet, soyons un peu plus positifs et construisons ce centre-ville de qualité ! Merci beaucoup.
M. Sandro Pistis (MCG). Vous transmettrez, Monsieur le président, au rapporteur de minorité que le groupe MCG n'a pas changé d'avis. (Remarque.) Le groupe MCG a, en commission, voté oui pour des appartements en pleine propriété. Le groupe MCG soutient également les propriétés de maisons et de villas dans notre canton, alors que le groupe des Verts est un bétonneur. Ce qu'il faut savoir, c'est qu'aujourd'hui, on a tendance à vouloir raser nos villas, qui font quand même partie du poumon de notre canton, et, en lieu et place, on veut y construire absolument...
Une voix. C'est hors sujet, là ! C'est hors sujet !
Une autre voix. Mais non ! (Commentaires.)
Le président. Laissez parler l'intervenant, s'il vous plaît. Allez-y, Monsieur le député.
M. Sandro Pistis. Et nous sommes, nous, pour la pleine propriété. Ce qu'il faut aussi rappeler - vous transmettrez, Monsieur le président, au rapporteur de minorité -, c'est qu'aujourd'hui, nous avons également besoin de propriétaires: plus de 30% d'entre eux quittent notre canton pour aller s'installer en France, de l'autre côté de la frontière. Quel est le message qu'on veut donner aujourd'hui à celles et ceux qui souhaitent devenir propriétaires dans notre canton ? Le message qui est donné par le groupe des Verts, c'est: nous ne sommes pas d'accord que vous deveniez propriétaires et nous vous invitons à quitter le canton pour vous installer en France. Et ça, le MCG ne peut pas l'accepter.
Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à voter ces projets de lois qui donneront la possibilité à la classe moyenne d'accéder à des appartements à des prix raisonnables - parce qu'aujourd'hui, il est encore possible à Genève d'acheter des appartements à des prix raisonnables et de dire stop à cette évasion de Genevoises et de Genevois qui vont s'installer en France, ce qui n'est pas acceptable ! La politique menée par les Verts aujourd'hui dans notre canton est juste destructrice ! Merci.
Une voix. Bravo !
M. Rémy Pagani (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Monsieur le président, j'ai été un peu pris à partie, mais...
Une voix. Oh !
Une autre voix. Oh non ! (Commentaires.)
M. Rémy Pagani. Puisqu'il est question de ma petite personne, humblement... J'ai d'ailleurs la possibilité de dire que quand il s'est agi de voter au Conseil administratif, je m'y suis opposé, mais évidemment, en vertu de la collégialité, le Conseil administratif a validé cet accord.
Cela étant, ce qui a été soulevé par Mme Valiquer est tout à fait vrai. Nous allons affronter un référendum des habitants de la Ville de Genève - de la Ville de Genève, Mesdames et Messieurs ! - sur Praille-Acacias, Acacias 2 - je crois que c'est comme ça qu'on l'appelle...
Une voix. 1 ! (Commentaires.)
M. Rémy Pagani. Acacias 1 ! ...et les référendaires vont bien évidemment s'appuyer sur notre discussion et sur le vote de ce jour. Ils diront aux électeurs de la Ville de Genève qu'ils ne pourront pas avoir de logement locatif au PAV. L'espoir qu'avaient les habitants de la Ville de Genève pour loger leurs enfants ! Parce que c'est bien de cela qu'il est question, les jeunes couples ! Eh bien, les référendaires pourront dire: «Ce sera de la PPE !» Si vous n'avez pas, allez, 300 000 francs d'économies - parce que, selon les chiffres qui ont été annoncés, c'est 300 000 francs qu'il faudra mettre sur la table pour accéder à la PPE, voire à la PPE en droit de superficie, parce que c'est un peu la même technique -, il est illusoire pour la population de la Ville de Genève d'accéder à ces logements que vous leur faites miroitez. Et, une fois de plus, ils contesteront le fait qu'on ne s'occupe pas de la majorité, mais qu'on s'occupe d'une minorité, de riches, voire d'ultrariches, qui auront la possibilité d'acquérir un logement et de spéculer après dix ans, cela a aussi été dit.
Par conséquent, moi j'avais l'idée, dans ce vote référendaire, de rester neutre, parce que mon droit de réserve me l'impose... (Remarque.) ...mais, à partir du moment où on attente à ce point-là à la constitution genevoise, je me permettrai de reconsidérer ma position et de me mettre du côté des référendaires, parce que je vous signale immédiatement qu'ils auront raison de faire valoir cet argument consistant à dire que la collectivité, les générations précédentes, ont fait des efforts importants pour acquérir ce terrain et qu'aujourd'hui, il est bradé - bradé ! et je pèse mes mots ! - en faveur de gens qui ne sont pas membres de la population genevoise, mais qui pourront mettre de l'argent au chaud en achetant des appartements en pleine propriété. Je vous remercie de votre attention.
M. David Martin (Ve), rapporteur de troisième minorité. Pour répondre à M. Pistis - vous transmettrez, Monsieur le président -, je mentionnerai trois éléments. La première chose, c'est que les Verts, comme d'autres groupes de ce parlement, ont adhéré à l'accord sur la répartition des catégories de logements en zone de développement, qui prévoit trois tiers: un tiers de logements d'utilité publique, un tiers de biens locatifs et un tiers à la libre décision du développeur, mais dont 20% de PPE. Nous nous sommes ralliés à ce consensus et acceptons que, dans la zone de développement, une partie des logements de ce canton soient réalisés en PPE. Il est donc faux de prétendre que nous disons à l'ensemble des Genevois: «Vous n'avez pas le droit d'acquérir un appartement en pleine propriété.»
Ensuite, l'allusion de M. Pistis à la zone villas n'a pas véritablement de sens, puisqu'il est ici question du PAV, qui est tout sauf un périmètre de villas: il s'agit d'un secteur qui comporte une part de friches industrielles et surtout des entreprises qu'il conviendra de déplacer, et c'est peut-être là l'enjeu essentiel - qui, soit dit en passant, n'a pas vraiment été relevé lors du débat de ce soir.
Enfin - troisième point -, j'aimerais souligner qu'avec la loi actuellement en vigueur, toute une série de PPE pourront voir le jour: 1900 sur les terrains privés à l'intérieur du PAV et, si mes calculs sont bons, 1700 en droit de superficie. Ça fait tout de même pas mal d'appartements, il faut le dire, qui permettront à la population de ce canton d'accéder à la propriété. J'insiste encore une fois sur le fait qu'acquérir un logement PPE en droit de superficie est très intéressant: les prix sont moins élevés à la fois au moment de l'achat et dans la durée, car lorsqu'un propriétaire succède à un autre, lorsqu'il y a une vente, eh bien le prix est maintenu. Ainsi, dans la logique de favoriser l'accession à la propriété sur le long terme, ça en vaut largement la peine.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je redonne la parole à M. Nicolas Clémence.
M. Nicolas Clémence (S), député suppléant et rapporteur de première minorité. Combien de temps me reste-t-il, Monsieur le président ?
Le président. Quarante-trois secondes.
M. Nicolas Clémence. Merci beaucoup, alors j'irai droit au but. Je voudrais revenir sur la PPE en pleine propriété, la «vraie PPE» - j'ai entendu ces mots dans la bouche de M. Desfayes. La PPE, c'est un modèle où, de toute façon, on n'est pas tout à fait propriétaire; alors on l'est de son logement, oui, mais pas du terrain, puisqu'on le partage en quotes-parts avec ses voisins propriétaires. Aussi, le modèle n'est pas si différent de celui de la PPE en droit de superficie.
La seule différence en DDP, c'est qu'on n'achète pas le terrain, donc c'est quand même 15% à 20% moins cher d'acquérir ces appartements. L'avantage, c'est que plus de personnes y ont accès; on parlait de classe moyenne, alors ça peut être la classe moyenne supérieure, mais il n'empêche qu'il y a quand même 20% de moins à mettre en DDP qu'en pleine propriété. Et la pleine propriété n'est pas vraiment de la pleine propriété, puisqu'on est propriétaire avec tous ses voisins. Voilà, je vous remercie.
M. Sébastien Desfayes (PDC), rapporteur de majorité. Pour rassurer Stéphane Florey, qui veut absolument traiter le projet de loi sur le «Cé qu'è lainô»... (Rires.) ...je serai très bref. Il est toujours jouissif de prendre la gauche en flagrant délit d'hypocrisie; ils invoquent aujourd'hui le vote de la population qui, à 64%, s'était rangée derrière le PAV... (Remarque.) 62%, c'est encore mieux par rapport à la démonstration que je veux faire. Ce faisant, ils omettent la votation de 2015 sur la traversée du lac... (Exclamations.) ...qui avait obtenu un score de 62% aussi ! (Commentaires.) Et pourtant, ensuite de ce résultat, la gauche s'est systématiquement opposée aux crédits d'étude, alors ne nous parlez pas de volonté populaire !
C'est absolument incroyable, tout ce que l'on a entendu parmi les arguments de la gauche. Ils ont dû parler pendant trente minutes, et aucun ne s'est prononcé sur le fond du dossier. Nicolas Clémence s'est borné à étaler des arguties juridiques, au demeurant fausses, M. Pagani a exprimé sa haine de la propriété privée, qu'il confond avec la spéculation - manifestement, il n'a pas lu la constitution -, et David Martin a expliqué en quoi le droit de superficie est mieux, le même David Martin qui a déposé hier un projet de loi pour que les coopératives soient subventionnées dans l'acquisition de terrains en pleine propriété.
Non, le fond n'a pas été abordé, et le fond, qu'est-ce que c'est ? C'est l'accession à la propriété pour la classe moyenne. Vous n'avez apporté aucune réponse. M. David Martin, Monsieur le président, a évoqué l'existence de PPE dans l'ensemble du PAV, mais la plupart de ces PPE sont en zone ordinaire et donc inaccessibles pour la classe moyenne. Il n'y a pas eu de réflexion sur la mixité sociale et l'importance de celle-ci. Que veut-on pour le plus grand périmètre du canton ? Entend-on créer des ghettos sociaux avec les conséquences que l'on peut déjà anticiper ou souhaite-t-on une Genève équilibrée avec une place pour l'ensemble des composantes de la société ? Merci.
Le président. Je vous remercie. La parole retourne à M. David Martin, qui dispose encore de deux minutes.
M. David Martin (Ve), rapporteur de troisième minorité. Merci, Monsieur le président, je n'aurai pas besoin de deux minutes. Je voudrais juste apporter une précision ou plutôt une correction. Dans le périmètre du PAV, 1700 appartements PPE sont en zone de développement, c'est-à-dire avec des prix contrôlés, ainsi que 1200 en droit de superficie, également avec des prix contrôlés. Voilà, c'était pour revenir sur les propos du rapporteur de majorité, qui prétend que l'ensemble des PPE sont en zone ordinaire. Non, il y a bel et bien des PPE prévues pour la classe moyenne dans le PAV.
Et puisque j'ai la parole, j'aimerais encore indiquer que parmi les objets prévus dans la catégorie logements d'utilité publique, qu'on appelle logements sociaux et qu'on a peut-être tendance à déconsidérer quelque peu, eh bien il y a une grande diversité de types d'appartements. A l'époque de la votation sur le sujet, les calculs mettaient en évidence qu'un couple avec deux enfants gagnant 200 000 francs par année pouvait sans aucun problème entrer dans ces logements. Si ça, ce n'est pas permettre à la classe moyenne d'avoir accès aux futurs biens du PAV, eh bien qu'on vienne m'expliquer ce qu'il en est. Merci beaucoup.
M. Rémy Pagani (EAG), rapporteur de deuxième minorité. J'aimerais juste donner quelques éléments d'information. On nous dit: «Oui, on va faire accéder la classe moyenne à la propriété.» Bon, maintenant, ça a changé, on parle de classe moyenne supérieure, parce que les taux d'intérêt ont augmenté. Mais enfin, je me suis occupé de personnes qui, dans les années 80, n'avaient pas résisté à acheter un appartement en zone de développement à 600 000 ou 700 000 francs - ce sont les prix qui étaient encore pratiqués il y a quelques mois, mais ce n'est plus le cas aujourd'hui, on l'a vu, ils vont monter à un million, voire plus d'un million et demi, en fonction de la hausse des taux hypothécaires. Et en fait, l'une des deux personnes que vous citez, Monsieur Martin, est tombée au chômage, et ces gens se sont retrouvés en faillite personnelle. En faillite personnelle !
C'est ce que vous proposez comme logique en faisant miroiter la propriété à la population, voilà pourquoi nous soutenons qu'il s'agit d'un miroir aux alouettes, sauf - sauf ! - pour les personnes qui ont soit des parents extrêmement riches, soit des revenus très élevés et qui peuvent prendre le risque de voir les taux hypothécaires monter. Parce qu'ils vont monter, c'est certain, pour juguler l'inflation; les banques centrales vont augmenter les taux hypothécaires, c'est évident.
Ainsi, on va encourager ces personnes à risquer la faillite personnelle. C'est la responsabilité que vous prenez, Mesdames et Messieurs, en faisant miroiter aux gens qu'ils auront la capacité de devenir propriétaires. Nous ne sommes pas contre le droit de propriété, nous soulignons simplement qu'avec votre logique, à terme, vous placez les couples qui ont l'espoir d'acquérir un logement bien à eux dans des situations infernales. Je vous remercie de votre attention.
M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi d'emblée de signaler que l'adoption des deux projets de lois tels qu'ils sont formulés aujourd'hui ne serait pas conforme à l'article 16 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, puisqu'ils n'ont pas fait l'objet d'une procédure d'enquête publique ni technique. Nous l'avons dit et répété en commission, le directeur juridique de l'office de l'urbanisme l'a dit et répété en commission, mais malheureusement, une majorité s'entête à vouloir aller de l'avant sur des textes qui seront sans aucun doute annulés par les tribunaux. En effet, la dernière fois que votre parlement a décidé de faire de même, la justice vous a rappelés à l'ordre. Je pense que pour le dernier débat de la législature, ce n'est pas une démarche institutionnelle très glorieuse.
Je le regrette, parce que si la plupart des députés ne connaissent pas la matière, les membres de la commission, eux, le savent très bien, et malgré tout, ils font croire que ce Grand Conseil peut adopter, de manière complètement souveraine, des projets de lois modifiant des limites de zones alors que le droit fédéral est très clair: il y a un devoir de procédure qui relève de l'enquête technique ou publique. Les trois communes concernées - Ville de Genève, Carouge et Lancy - ont d'ores et déjà exprimé leur opposition à ces objets, mais de toute manière elles doivent, de par le droit, être saisies formellement d'une modification aussi substantielle. C'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat ne demandera pas le troisième débat. (Commentaires.)
Cela ne m'empêche pas, au nom du gouvernement, de relever quelques éléments de fond sur ces deux objets. Tout d'abord, le PL 12290; celui-ci comporte trois volets. La première disposition prévoit que la loi Longchamp - l'article 5 LGZD - s'applique aux PPE en DDP dans le PAV. Mais la loi Longchamp s'applique dans le PAV ! On instaure ici une redondance juridique. La loi Longchamp s'applique sur tout le territoire, la LGZD s'applique dans l'ensemble de la république, donc elle s'applique au PAV.
Le deuxième article stipule que le contrôle de l'Etat pendant dix ans, qui est inscrit dans la loi générale sur le logement et la protection des locataires (la LGL), est aussi valable dans le PAV. Mais enfin, la LGL s'applique dans le PAV ! Ainsi, la première chose à noter s'agissant de ce projet de loi, Mesdames et Messieurs, c'est qu'il crée des doublons normatifs. On se demande souvent pourquoi le canton de Genève est le champion de la densité normative, eh bien en voici un parfait exemple: parce qu'on dépose des projets de lois qui disposent: «L'article général s'applique dans les cas particuliers.» Sans blague ! Première année de droit à l'université.
Enfin, ce texte apporte une nouveauté, et c'est un aspect singulier, à savoir qu'il établit un prix des droits de superficie de l'Etat de Genève, un prix légal, législatif - c'est la première fois qu'on introduirait un tel principe dans notre législation, encore une Genferei, encore une rigidité normative genevoise ! -, un prix déterminé à 10 francs le mètre carré. Pourquoi pas 8 francs ? Pourquoi pas 12 francs ?
Une voix. Pourquoi pas 1000 francs ? (Rires.)
M. Antonio Hodgers. Aucune étude n'a été menée, aucune justification n'a été donnée ni par les signataires ni dans le cadre des débats en commission.
Or 10 francs le mètre carré, Mesdames et Messieurs, ce n'est pas anodin. Il faut comparer ce chiffre avec les autres, parce qu'on parle de 10 francs le mètre carré pour les PPE en DDP uniquement, pour les «PPE-istes»; ceux qui habiteront dans un logement social, eux, restent à 20 francs le mètre carré, et la classe moyenne qui sera logée dans du locatif standard à 30 francs le mètre carré. Vous voulez ainsi, Mesdames et Messieurs, détruire la valeur des actifs de l'Etat pour subventionner des classes moyennes supérieures et faire payer deux fois moins cher des propriétaires de PPE que des bénéficiaires de LUP. Non, mais il faut atterrir et se rendre compte de l'absurdité de cette proposition !
Naturellement, cela engendrera des pertes pour l'Etat. Le département des finances a calculé une dépréciation d'actifs immédiate de 20 millions liée à cette valorisation arbitraire et absurde de 10 francs le mètre carré, et là-dessus une perte de rendement de 5 millions par année, puisqu'on fixerait normalement le prix des PPE plutôt autour de 30 francs le mètre carré - comme le locatif, d'ailleurs. Et pourquoi cela ? Au nom de quoi ? Pourquoi les locataires et les bénéficiaires de logements d'utilité publique ne pourraient-ils pas, eux aussi, profiter de cette aide de l'Etat que vous voulez accorder aux «PPE-istes» ?
Cette proposition, Mesdames et Messieurs, témoigne d'une fixette autour de la propriété en droit de superficie. Or il ne s'agit pas d'un modèle que le Conseil d'Etat entend généraliser. Certes, ce régime existe dans notre canton, mais alors la question suivante se pose: pourquoi, sur les propriétés de l'Etat qui se trouvent dans le PAV, le prix serait-il fixé à 10 francs le mètre carré alors qu'il peut être plus élevé sur celles sises hors du PAV ? Ce projet de loi ne porte que sur le PAV, mais l'Etat détient aussi des terrains avec de la PPE en dehors de ce quartier ! Il y aura donc deux prix, en fait: si vous possédez une PPE dans le périmètre du PAV, vous payez 10 francs le mètre carré à l'Etat, mais si vous êtes en dehors, c'est 30 francs ? Enfin, c'est aberrant ! Au nom de quoi ?
Il faut bien comprendre, Mesdames et Messieurs, que le droit de superficie est un modèle qui n'est pas très généralisé à Genève et que le Conseil d'Etat ne compte pas étendre. Cela étant, il existe, et il existe également ailleurs: plus d'un tiers de la ville de Londres fonctionne selon ce régime, les terrains étant détenus par la noblesse et la royauté; plus d'un tiers de la ville de Berne appartient à la bourgeoisie avec de la PPE en DDP; Singapour, fleuron économique de l'Asie du Sud-Est, est essentiellement basé sur de la propriété par étage en DDP. Singapour, comme Genève, est un petit Etat avec peu de surface et a compris que maîtriser le foncier constitue un moyen d'éviter la spéculation.
Que fait la spéculation ? Elle mange le pouvoir d'achat, elle restreint la capacité d'investissement des entreprises et des propriétaires, elle détruit l'économie réelle, en réalité. En effet, l'argent servant à verser des rentes extrêmement importantes aux propriétaires spéculatifs manque à l'économie réelle. Aussi, ne venez pas dire que le droit de superficie tue l'économie.
Qu'est-ce qui fonctionne très bien en droit de superficie chez nous ? Notre zone industrielle ! L'essentiel de la zone industrielle à Genève est en DDP. Est-ce que nos entreprises, les fleurons internationaux de l'industrie genevoise qui vendent à l'étranger s'en plaignent ? Non, ce système fonctionne. Le droit de superficie fonctionne dans de nombreux domaines, et notre industrie réclame ce régime, parce qu'il évite aux industriels de dépendre des spéculateurs immobiliers qui maîtrisent les fonds. Défendre le droit de superficie est une façon de soutenir l'économie réelle, non pas l'économie qui sert des rentes aux propriétaires fonciers, mais celle qui investit, qui crée et qui crée surtout de l'emploi.
Ensuite, il y a le PL 12291, plus politique, celui-là, et qui souffre d'une malformation de naissance: il a été déposé au moment où le peuple se prononçait sur cette question. Des députés ont présenté un texte pour contredire l'opinion populaire, sentant sans doute qu'ils allaient perdre malgré une immense campagne menée contre la nouvelle loi PAV; ils demandent d'aliéner des terrains publics à hauteur de 24%. Alors on peut entendre la volonté de favoriser la mixité sociale, je la partage et je l'ai communiqué publiquement, mais aliéner des terrains publics, qu'est-ce que cela signifie ? Eh bien cela implique, parcelle par parcelle, de déposer des projets de lois.
Comme l'a rappelé l'un des rapporteurs, lorsque le Conseil d'Etat s'est risqué à venir devant vous pour vous présenter un projet de loi portant sur un tout petit secteur - cinquante logements en PPE - afin de l'aliéner et de faire de la PPE en pleine propriété, plus de deux tiers des députés l'ont rejeté, à commencer par le PLR. Oui, le PLR était en tête pour refuser un texte de loi d'aliénation de juste cinquante logements.
Aussi, comment voulez-vous que l'on applique cette disposition de manière massive sur des centaines de logements ? Il conviendra de réunir des majorités dans cette enceinte, ce qui se fera peut-être, mais ensuite, il faudra - parce que des référendums seront lancés, c'est certain - défendre ces projets devant le peuple. L'argument des référendaires sera facile, à savoir lutter contre la spéculation, ce sur quoi ils auront raison. Qu'est-ce que cela veut dire pour les entrepreneurs ? Qu'est-ce qui en résultera pour les entreprises du PAV que nous tentons de convaincre de se déplacer pour réaliser cette ville ? De l'incertitude, Mesdames et Messieurs ! Ce projet de loi créera d'énormes incertitudes sur le marché immobilier du développement du PAV, parce qu'il surpolitisera la vente de chaque parcelle.
Mesdames et Messieurs les députés, le peuple s'est prononcé sur une nouvelle loi PAV; celle-ci n'est pas parfaite, je ne suis pas fermé à la discussion, mais elle doit se déployer dans un cadre négocié. Aujourd'hui, il y a une mobilisation forte des agents pour concrétiser le PAV, et une remise en cause permanente de la loi PAV n'est pas de nature à rassurer les investisseurs et les entrepreneurs. Par conséquent, le Conseil d'Etat ne demandera pas le troisième débat. Vous aurez le loisir, lors de la prochaine session, de revenir sur le sujet, mais en l'état, je vous invite à vous opposer à ces deux projets de lois. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. A présent, nous allons nous prononcer successivement sur les deux textes. Je mets d'abord aux voix le PL 12290.
Une voix. Vote nominal !
Le président. Etes-vous soutenue ? (Plusieurs mains se lèvent.) C'est le cas, aussi procédons-nous au vote nominal.
Mis aux voix, le projet de loi 12290 est adopté en premier débat par 53 oui contre 40 non et 2 abstentions (vote nominal).
Le projet de loi 12290 est adopté article par article en deuxième débat.
Le président. Le troisième débat n'étant pas demandé, nous passons au vote d'entrée en matière sur le PL 12291.
Une voix. Vote nominal !
Le président. Est-ce que vous êtes soutenue ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, c'est bon.
Mis aux voix, le projet de loi 12291 est adopté en premier débat par 52 oui contre 40 non et 2 abstentions (vote nominal).
Le projet de loi 12291 est adopté article par article en deuxième débat.
Le président. Le troisième débat n'est pas non plus demandé, c'est donc un joli héritage qui sera transmis à la prochaine législature !
Le troisième débat relatif au rapport sur les projets de lois 12290 et 12291 est reporté à une session ultérieure.
Troisième débat: Séance du vendredi 12 mai 2023 à 16h
Le président. Mesdames et Messieurs, nous avons besoin de quelques instants pour remettre les stylos souvenirs à celles et ceux qui quittent ce parlement. Je suspends la séance quelques minutes.
La séance est suspendue à 19h23.
La séance est reprise à 19h29.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés,
Monsieur le président du Conseil d'Etat,
Mesdames les conseillères d'Etat, Messieurs les conseillers d'Etat,
Le 28 avril prochain, je quitterai la présidence du Grand Conseil et sortirai du rang, comme un petit nombre de nos collègues qui ne solliciteront pas un nouveau mandat. Cette date marquera en effet la fin de cette deuxième législature et le début d'une troisième législature que je souhaite fructueuse.
Durant cette année de présidence, j'ai souhaité servir Genève en répondant favorablement aux nombreuses invitations, qu'elles soient incontournables, habituelles ou nouvelles. J'ai vécu de très beaux moments en assistant à des assemblées, à des inaugurations et à tout autre événement associatif, culturel, sportif, économique ou populaire où j'étais convié. J'ai rencontré et conversé avec beaucoup de belles personnalités genevoises ou étrangères, issues de tous les milieux. J'ai eu l'occasion aussi de représenter notre canton aux festivités du 14 juillet à Paris et je remercie M. Mauro Poggia, président du Conseil d'Etat, d'avoir pris le soin particulier de m'associer aux réceptions protocolaires du gouvernement, notamment lors des visites confédérales à Genève. Par ailleurs, j'ai voulu marquer l'attachement de ce parlement à notre université en recevant M. Hugo Duminil-Copin, lauréat de la médaille Fields, accompagné du recteur de l'université et du doyen de la faculté des sciences.
A côté de cette fonction de représentation, nous avons eu l'opportunité d'accueillir des visites dans notre nouvelle salle, comme celles du Club diplomatique de Genève et du Cercle féminin des Nations Unies, plus récemment une session du parlement des jeunes ou encore des séances fictives destinées aux élèves de l'enseignement public; cette dernière sensibilisation au fonctionnement des institutions rencontre toujours un grand succès.
Chaque visite est l'occasion de montrer à nos hôtes la beauté architecturale de notre salle et l'impression de sérénité qui s'en dégage... lorsqu'elle est inoccupée. (Rires.) Il n'est pas évident de mesurer l'effet sur nos débats du changement de disposition - nous sommes passés du modèle «à l'anglaise» à l'orientation en hémicycle -, mais je considère que ceux-ci ont été corrects dans l'ensemble.
S'il fallait recenser les événements marquants de cette législature, je retiendrais tout d'abord que notre parlement fut itinérant pendant une bonne partie de celle-ci et qu'il a su assumer son rôle pendant une crise sanitaire mondiale qui a grippé - sans mauvais jeu de mots - la mécanique bien huilée d'un espace mondialisé. Nos institutions ont également surmonté une crise gouvernementale qui s'est ajoutée à la crise sanitaire, démontrant malgré tout la capacité de résilience de notre système. Hélas, de nouveaux défis s'annoncent pour nos démocraties alors que l'utilisation de la force prime sur celle du droit et que les principes garantis par la Charte des Nations Unies sont remis en question.
Devant ces enjeux qui nous dépassent, il me semble important de nous arrêter un instant sur le rôle de notre parlement, un parlement avec des compétences toutes cantonales et exclusivement cantonales. Sommes-nous encore assez efficaces ? Que dire de notre ordre du jour où sont inscrits 250 points ? Nous peinons à examiner ne serait-ce que les objets urgents ou jugés comme tels.
Aux critiques, je répondrai que notre assemblée a traité l'entier des initiatives populaires dans les délais et que tout ce qui était réellement urgent a été débattu et accepté, y compris pendant la pandémie. Au cours de l'année écoulée, nous avons adopté pas moins de 130 projets de lois qui déploieront leurs effets dans l'organisation de notre vie en société. Notre plénum a aussi voté un budget pour 2023 et, dans ce sens, il a pris ses responsabilités, sans déléguer cette compétence à sa seule commission des finances par le biais de dépassements de crédits.
Je relève néanmoins que notre Grand Conseil vit une crise avec son ordre du jour pléthorique et que cette situation n'est pas satisfaisante. Cet état de fait est avant tout dû à un grand nombre d'objets rejetés en commission qui attendent une confirmation de refus de la plénière - sauf retournements de votes exceptionnels. Ainsi, sur les 250 objets que compte notre ordre du jour, 150 ont subi un refus en commission; un refus parfois serré, mais souvent sans appel. La minorité ne se résignant pas à la décision de la commission, ces textes sont accompagnés d'un ou de plusieurs rapports de minorité et ne peuvent donc pas être abordés aux extraits.
J'aime notre parlement et je suis sûr que chacune et chacun d'entre vous également, au-delà des appartenances partisanes. Si nous l'aimons vraiment, nous devrions être capables de prendre acte des refus des commissions et de retirer ces textes qui n'ont aucune chance en plénière et perturbent l'organisation de nos travaux. Ou alors, et je laisse cette idée aux prochains élus, il faudrait étendre la procédure sans débat pour entériner rapidement en plénière les préavis négatifs, ou largement négatifs, des commissions. Je pense que tous les membres du Grand Conseil y trouveraient avantage et j'espère qu'un climat apaisé après les élections offrira des opportunités.
Nous arrivons au terme de cette législature. Permettez-moi de remercier l'ensemble des membres du Bureau. Nos discussions ont toujours été menées dans le but de trouver les meilleures options pour le fonctionnement de notre institution parlementaire, et je salue cet esprit consensuel qui a parfois pu les mettre en porte à faux avec leur groupe sur telle ou telle décision, voire avec le Conseil d'Etat lorsqu'il s'est agi de l'inviter à plus de concision.
Je remercie spécialement notre première vice-présidente qui a su me suppléer à différentes occasions, notamment lors des Assises transfrontalières des élus, qui nous ont permis de resserrer des liens indispensables avec nos voisins vaudois et français. N'oublions pas que le Grand Genève se construit parce qu'il possède une dynamique propre; il importe que les pouvoirs publics prennent l'initiative d'organiser cette région, comme cela a été le cas récemment avec la signature de la Charte du Grand Genève en transition.
Je tiens encore à relever le soutien indéfectible et la qualité du travail de notre sautier, Laurent Koelliker, de notre secrétaire générale adjointe, Irène Renfer - malheureusement malade aujourd'hui -, ainsi que de toute l'équipe du secrétariat général, y compris celle du Mémorial, qui constituent la véritable ossature de notre institution. Nous pouvons nous vanter de compter sur des collaboratrices et collaborateurs compétents, expérimentés, respectueux de l'institution et totalement dévoués aux sollicitations de la députation, des commissions et du président, manifestant le souci permanent de les préserver. Mes remerciements vont également aux hauts cadres de l'administration qui apportent leur expérience et leur soutien lors des travaux de commission.
Il est temps maintenant de rendre hommage aux députées et députés qui quittent ce parlement de même qu'à vous toutes et tous qui allez briguer un nouveau mandat. Je vous souhaite le meilleur pour ces cinq prochaines années, ici au Grand Conseil ou ailleurs dans vos autres activités. Je vais citer le nom des députés qui se retirent et qui ont reçu sur leur place le traditionnel stylo souvenir; je laisserai ensuite le soin aux chefs de groupe respectifs de leur rendre hommage. Pour le PLR, il s'agit d'Antoine Barde, Beatriz de Candolle, Edouard Cuendet, Serge Hiltpold, Jean Romain et Eric Grand, suppléant; pour les socialistes, Nicolas Clémence, suppléant; pour les Vertes et les Verts, Ruth Bänziger, François Lefort, Katia Leonelli, Philippe Poget et Maria José Quijano Garcia, suppléante; pour le PDC, Claude Bocquet, Bertrand Buchs et votre serviteur; pour le MCG, Françoise Sapin.
Je ne terminerai pas ce discours sans une note humoristique en remerciant le service du Mémorial, qui a récolté les «perles» de la législature, que vous avez trouvées sur vos places !
Merci d'avoir travaillé pour le bien de la république qui nous a confié ses destinées et bon vent pour la suite ! Vive la république, vive Genève et vive la Suisse ! (Longs applaudissements. L'assemblée se lève. Mme Céline Zuber-Roy embrasse M. Jean-Luc Forni et lui remet un bouquet de fleurs.)
Mme Céline Zuber-Roy (PLR). Monsieur le président, cher Jean-Luc, lors de la présentation de ta candidature, il y a une année, ton chef de groupe nous avait vanté trois de tes qualités: calme, qualité d'écoute et pragmatisme. Nous pouvons constater qu'il ne nous avait pas menti ! Ces caractéristiques se sont avérées précieuses.
Tout d'abord, en plénière, ton calme a constitué un atout majeur. Dans le climat électrique de la période électorale, tu as su apaiser les débats et les esprits de manière plus sûre que la nouvelle configuration de notre salle. Ton attitude, qualifiée de flegmatique par la presse, a permis de maintenir une certaine tenue dans nos débats et, par là même, la dignité de notre parlement. Cela n'a évidemment pas été un long fleuve tranquille, mais comme tu l'avais déjà relevé dans ton discours d'investiture, à l'impossible nul n'est tenu !
Tes compétences ont également été utiles pour présider le Bureau, qui est composé de forts caractères; certains débats y furent vifs. Tu as su laisser s'exprimer les diverses opinions, et ensuite, calmement, proposer un compromis ou, tout aussi calmement, trancher pour un camp ou l'autre.
Lors de ton discours d'investiture, tu t'es engagé à être le président de toutes et tous, et à représenter dignement notre parlement dans les représentations publiques ou privées. L'enseignante que je suis te remercie d'avoir énoncé des objectifs SMART, dans tous les sens du terme; il m'est ainsi possible de constater sans le moindre doute que tu les as atteints, et ce avec aisance.
Tu as fait preuve d'une parfaite impartialité et su être à l'écoute de toutes et tous tant en plénière qu'en dehors des séances. Mais surtout, tu as inlassablement sillonné notre canton, et même les terres au-delà, pour représenter notre parlement dans de très nombreuses cérémonies. A chacune de ces occasions, tu as représenté notre Grand Conseil avec dignité, mais également humanité. Tu as fait preuve d'une disponibilité et d'un engagement exemplaires.
Cher Jean-Luc, Monsieur le président, notre parlement ne s'est pas trompé quand il t'a brillamment élu le 19 mai dernier à sa présidence. Tu as été le remède - je dirais même le pharmacien ! - qu'il fallait pour surmonter cette dernière année de la législature. Au nom du Bureau et de l'ensemble des membres de ce parlement, je te remercie et te félicite pour ton excellente présidence qui a contribué au rayonnement de notre canton ! (Applaudissements. Mme Céline Zuber-Roy embrasse M. Jean-Luc Forni.)
Le président. Mesdames et Messieurs, merci pour vos hommages et vos félicitations qui me vont droit au coeur !
Le président. Mesdames et Messieurs, nous passons maintenant aux hommages des groupes aux députés qui nous quittent. Je passe la parole aux chefs de groupes. Monsieur Zweifel, c'est à vous.
M. Yvan Zweifel (PLR). Merci, Monsieur le président. Le philosophe français Louis Lavelle a dit: «Le silence est un hommage que la parole rend à l'esprit.» Mais vous ne m'en voudrez pas, comme je suis un homme de parole - dans tous les sens du terme d'ailleurs -, je ne peux pas rester silencieux pour rendre un hommage à nos collègues PLR qui ne se représentent pas.
Et ce soir, j'ai un peu de travail, puisqu'ils sont six (un député suppléant et cinq députés) à ne pas se représenter. Pour ce qui concerne les cinq députés - des piliers de ce parlement -, avec dix-neuf ans, dix-huit ans et trois fois quatorze ans de députation, nous avons septante-neuf ans de députation cumulés qui nous quittent ce soir.
Six, cela me fait évidemment tout de suite penser à quelque chose qui me plaît bien, et encore plus à celui qui est juste devant moi: à une caisse de vin. (Rires.) Quelque chose qui plaît aussi à plusieurs autres députés par ailleurs ! Vous ne m'en voudrez pas de comparer mes collègues à cette magnifique caisse de six bouteilles - six bouteilles, pour le coup, extrêmement différentes - et de commencer - il ne m'en voudra pas - par celui qui ne fait pas partie des septante-neuf ans cumulés, puisqu'il a, lui, plutôt battu le record inverse en siégeant avec nous environ deux mois... (Rires.) ...comme député suppléant, Eric Grand - qui porte bien son nom, ce qui a tendance à m'agacer, mais ça n'a rien à voir... (Rires.) ...et qui ne m'en voudra pas de le comparer à cette première bouteille de beaujolais nouveau.
Le cépage du beaujolais nouveau, c'est le gamay, et le gamay, c'est le cépage local genevois, et quoi de plus local qu'Eric Grand ? Qu'avec sa gouaille, on n'a malheureusement pas eu le plaisir d'entendre, mais nous, nous l'avons entendu plusieurs fois aux caucus, et il a bien cette gouaille parfaitement genevoise. Et puis, le beaujolais nouveau, c'est un peu ce qu'on regrette: on regrette de l'avoir découvert un peu trop tard. Tu n'auras fait que deux mois avec nous, et je suis sûr qu'on le regrette, parce que tu aurais certainement été un excellent député. Je te remercie pour ces deux mois qui nous ont permis d'être au complet au sein du groupe PLR.
Je passerai ensuite à une autre bouteille, celle de champagne. Qui dit champagne dit quelque chose de frais, de pétillant et de joyeux, et je pense tout de suite bien sûr à notre collègue Beatriz de Candolle. Pas seulement pour ses origines, qui ont mis un petit peu de couleur dans ce parlement, mais aussi pour ce qu'elle pouvait apporter: ce côté toujours joyeux, toujours souriant. Pour nous, au groupe PLR, même dans nos caucus, quand parfois c'était tendu, il y avait toujours quelqu'un qui était là avec son sourire, c'était Beatriz, et en ce sens-là, je ne peux évidemment que te remercier. Le champagne, c'est l'assurance de toujours passer un bon moment, de ne pas être déçu. Pour le groupe PLR, c'est exactement Beatriz. C'est quelqu'un qui a toujours été loyal, fidèle à la ligne PLR, et je te remercie encore, au nom de notre groupe, pour ces dix-huit ans de députation. (Applaudissements.)
Après le champagne, pour rester dans une région proche, on passe au bourgogne. Le bourgogne, cela me fait penser à notre ami Antoine Barde. Le bourgogne, c'est du pinot noir, un monocépage, léger, discret, mais noble et fin. (Rires.) Antoine, ça aura été ça: un député finalement discret - qui aura quand même réussi, pour sa dernière session, à être rapporteur de majorité, on m'a expliqué qu'il aurait aimé faire d'autres rapports, mais je n'ai pas bien compris le point ! (Rires.) C'est vraiment ça: un député certes discret, mais particulièrement efficace et beaucoup plus fin que son chef de groupe ! (Rires.) Un excellent président de notre Grand Conseil aussi: tu auras eu l'occasion lors de la précédente législature, de 2015 à 2016, de présider avec brio notre parlement. Je le dis d'autant plus - et tu le sais parce que je te l'ai déjà dit - que je fais partie de ceux qui avaient peut-être des doutes, précisément parce que la discrétion pouvait être ton fort, mais je crois que cette présidence t'a sublimé et que tu as sublimé la représentation de notre parlement à l'extérieur. Et si tu es certes un député discret, tu n'en es pas moins un de ceux qui ont le plus grand sens de l'humour. Les autres ne le savent pas, mais moi je suis souvent assis à côté de toi au caucus du jeudi soir, et ça, ça me manquera ! Merci pour tout, Antoine ! (Applaudissements.)
On fait un petit détour par notre pays, et lorsque je parlerai de la petite arvine, tout le monde aura compris à qui je vais faire allusion...
Une voix. Non ?! (Rires.)
M. Yvan Zweifel. ...puisqu'il nous quitte pour retourner sur ses terres natales. Il aura, lui aussi, été un brillant président, le premier de cette législature. La petite arvine est un cépage valaisan, un vin fin, ciselé, qui lui correspond bien; c'est surtout un vin de montagne, qui nécessite donc de prendre de la hauteur. Et qui plus que l'inestimable Jean Romain pour prendre de la hauteur ? C'est aussi un vin expressif, et qui pourrait avoir une meilleure expression que celui qui a magnifiquement brillé comme président, notamment par son discours inaugural à la cathédrale Saint-Pierre ? Un excellent président du Grand Conseil, un extraordinaire député, qui a parfois tendance à se fâcher un petit peu. (Rires.) La petite arvine, cela lui correspond finalement assez bien, puisque - tu ne m'en voudras pas pour cette dernière pique, Jean ! - la petite arvine, on la prend au début - parce que, souvent, tu es là au début - et puis on l'oublie un peu vers la fin... (Rires.) ...comme quand tu disparais discrètement tant de la salle que de nos caucus ! (Rires.) Merci à toi, Jean ! Et je sais que si tu retournes en Valais, tu te brancheras quand même sur «Léman Bleu» et que tu n'hésiteras pas, lorsqu'on ne votera pas correctement, à nous écrire: «Mais qu'est-ce que vous foutez, bordel ?!» (Rires. Applaudissements.)
A tout seigneur tout honneur, je continue avec celui qui est notre doyen de fonction, puisque cela fait dix-neuf ans - dix-neuf ans sans discontinuer ! - qu'il est député. On va le comparer à ce qui se fait de meilleur dans le vin, et pour Edouard, on ne pense bien sûr qu'au bordeaux, et peut-être à un de ses plus grands représentants, le Petrus. (Exclamations.) Le Petrus, c'est comme Edouard: on le voit rarement, mais qu'est-ce que c'est cher ! (Eclats de rire. Applaudissements.) Avoir un Petrus dans sa cave, cela fait transpirer, on a peur de ce qui va se passer avec; c'est un peu comme ceux qui sont auditionnés à la commission des finances ou à la commission fiscale, lorsque Edouard décide de leur dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité. (Rires.) De même pour les députés de gauche souvent pris à partie par lui, et c'est alors un immense travail pour le chef de groupe qui doit aller arrondir les angles après le discours d'Edouard; et, comme pour le Petrus, cet auditionné-là ou ce député de gauche, on pourra dire qu'il aura pris cher ! (Rires.) Edouard, dix-neuf ans de députation, et toi aussi, je sais que tu continueras à nous suivre depuis les hauts du coteau de Cologny, que tu appelles ta commune suburbaine...
Une voix. Défavorisée !
M. Yvan Zweifel. ...défavorisée ! (Rires.) Bon, moi qui viens d'Onex, je souris toujours un peu, mais ce n'est pas grave ! En tout cas pour la péréquation, je te remercie ! (Rires.) Edouard, je sais que toi aussi, comme Jean, tu continueras à nous suivre, et toi aussi, quand on ne votera pas correctement, tu nous écriras, mais tu ne nous diras pas exactement la même chose que Jean, toi tu diras: «Qu'est-ce que vous foutez ? Si ça continue comme ça, je ferme les vannes !» (Rires.)
Et puis, laissez-moi terminer par le dernier qui nous quitte, après quatorze ans de députation. Il ne m'en voudra pas de le comparer - on va aller en Italie, parce qu'il faut aussi être international - à un barolo. Le barolo, c'est le cépage nebbiolo, un cépage unique et compliqué, qui ne peut être maîtrisé que par des artisans expérimentés. Et là, avec Serge, on a exactement ce qu'il nous faut: un artisan expérimenté. On perd non seulement un député, mais surtout un patron, un vrai, un entrepreneur, et du secteur secondaire qui plus est, un de ceux qui, lorsqu'il s'exprimait, ne faisait pas de fioritures, était concret et parlait de ce que lui vit quotidiennement comme patron, entrepreneur et artisan dans ce canton. Serge, pour moi, c'est un petit peu particulier - Cyril te le disait aussi hier dans notre caucus, mais c'est vrai pour moi aussi: on nous dit toujours qu'en politique, on n'a pas d'amis... On verra ça dans dix jours, hein ! (Rires.) On dit toujours qu'en politique, on n'a pas d'amis, eh bien, moi je peux dire que oui: j'ai découvert ici quelqu'un qui aujourd'hui est plus qu'un collègue député, et si le parlement perd à mon sens un excellent député, moi, ici, j'y aurai gagné un excellent ami. Merci, Serge ! (Applaudissements.)
Vous me permettrez un dernier mot, Monsieur le président, d'abord en vous félicitant pour cette année de présidence et ensuite pour rendre aussi un hommage sincère à tout mon groupe, que j'ai eu l'immense plaisir et le très grand honneur de présider pendant ces quatre années. Vous avez tenté, surtout certains, de me mettre dehors; malheureusement, ma taille me permet de rentrer par la chatière quand vous me mettez dehors par la porte ! (Rires.) Vous m'avez fait confiance pendant ces quatre ans, et je tiens vraiment à vous remercier. Cela a été pour moi un immense plaisir que de diriger ce groupe. Mais j'aimerais aussi rendre un hommage à tous les députés ici - oui, même ceux qui sont tout au fond là-bas, à Ensemble à Gauche ! On s'est souvent battus, mais c'est aussi cela, la démocratie, c'est le débat, et j'aimerais rendre hommage à tous les députés avec qui j'ai pris du plaisir à débattre, pendant cette législature notamment, mais pendant dix ans depuis que je suis député. J'espère vous revoir nombreux et je vous souhaite à toutes et tous une excellente campagne jusqu'au 2 avril !
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, c'est avec un pincement au coeur que je prends la parole aujourd'hui pour rendre hommage aux députés sortantes et sortants des Vertes et des Verts. Oui, on s'attache à vos personnalités, à vos interventions, à vos émois; on s'attache tout simplement à vous, parce que vous avez été formidables. Vous êtes cinq à ne pas vous représenter, toutes et tous pour des raisons différentes, chacun, chacune à sa manière: l'air enjoué et concentré, Philippe; l'air relax et tenace, Katia; l'air sérieux et professionnel, Ruth; l'air novice, mais pas tant que ça, Maria José; l'air direct et magistral, François.
François, après trois législatures, tu incarnes l'expérience, la rigueur et le sens politique. A ce titre, tu n'hésites pas à aller parlementer avec les autres députés, dans les couloirs ou à la buvette, pour trouver des solutions. Par ailleurs, tu as présidé de manière impériale le Grand Conseil. Pour toi, incarner la fonction de député est un devoir, une responsabilité à laquelle tu réponds présent avec assiduité. Durant cette législature, tu as notamment déposé un texte en faveur d'un projet pilote sur l'hydrogène, qui a été largement accepté, et nous le saluons. Merci à toi, François ! (Applaudissements.)
Maria José, la dernière arrivée et rapidement intégrée, ta sociabilité et ta bonne humeur apaisent souvent nos débats internes lors des caucus. Ton avidité de connaissance, ta soif de comprendre t'ont permis d'apprendre rapidement les rouages du Grand Conseil. Merci à toi, Maria José, pour ce vent de fraîcheur ! (Applaudissements.)
Katia, élue au Grand Conseil en 2018, tu étais la benjamine du parlement. Tu as toujours assumé la fonction avec un grand sérieux et un sens de la répartie franche et efficace. Tu ne t'es jamais laissé démonter par des propos parfois déplacés, paternalistes - voire machistes ! (Exclamations.) Droite dans tes bottes, tu as rédigé des projets de lois pour le droit de manifester, un projet de loi sur les publicités sexistes et, enfin, le Grand Conseil a accepté à l'unanimité ta résolution sur le programme de recherche Horizon Europe. Avec rigueur, tu as défendu des positions pour le groupe. A présent, tu as décidé d'entrer dans une vie professionnelle et de faire une pause. Merci à toi d'avoir apporté ton sens de l'analyse et de la synthèse, et d'avoir prouvé que la jeunesse est tout aussi compétente et capable de siéger dans un parlement ! Elle y a toute sa place et doit y être représentée. Merci, Katia ! (Applaudissements.)
Ruth, arrivée en cours de législature, ancienne conseillère administrative, les travaux parlementaires te font parfois t'arracher les cheveux par leur lenteur. Mais ton sens de l'humour - parfois un brin désespéré ! - te permet de relativiser. Ton expérience au sein du gouvernement onésien et tes connaissances nous ont apporté une expertise et un regard aiguisé sur des questions pointues, notamment en matière d'aménagement et de biodiversité. Un grand merci à toi, Ruth ! (Applaudissements.)
Et enfin, toi, Philippe, ta grande capacité d'écoute a permis des débats plus calmes lors des caucus. Durant la législature, tu as défendu la protection de notre environnement, qui te tient tellement à coeur. Tu as oeuvré pour qu'enfin notre canton soit doté d'une loi sur les déchets à la hauteur des enjeux qui nous attendent quant à la diminution de la pollution et au gaspillage. Même engagement avec la nouvelle loi sur la biodiversité, et en tant que forestier, tu sais de quoi tu parles ! Tu as également gagné une bataille avec ta motion sur la promotion des constructions durables en bois, et nous en sommes fiers. Un grand merci à toi, Philippe ! (Applaudissements.)
Enfin, un grand merci à vous, Monsieur le président, et à tous les membres de cette plénière avec qui j'ai eu beaucoup d'échanges et beaucoup de plaisir. Au nom des Vertes et des Verts, Mesdames et Messieurs les députés, je vous remercie de saluer avec enthousiasme les députés Vertes et Verts sortants. Merci ! (Applaudissements.)
Mme Caroline Marti (S). Mesdames et Messieurs les députés, je vais profiter de cette prise de parole de fin de législature pour remercier, comme vous l'avez fait tout à l'heure, Monsieur le président, le secrétariat général du Grand Conseil pour son travail, son accompagnement au quotidien de l'ensemble des députés. Je pense que leur travail, leur sérieux, leur générosité sont absolument précieux et nous renforcent au quotidien dans notre activité parlementaire. Merci beaucoup à elles et à eux ! (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Mme Caroline Marti. Je remercie également l'ensemble de mon groupe, que j'ai le plaisir de présider depuis deux ans. Je remercie aussi les précédents chefs de groupe socialistes. Je me réjouis de pouvoir continuer, je l'espère, cette aventure au Grand Conseil, avec l'immense majorité d'entre vous qui se représente pour encore plusieurs années de combat politique commun.
J'en viens à notre collègue, notre camarade, Nicolas Clémence, qui a décidé de ne pas se représenter. Cher Nicolas, pour moi - et je pense parler pour l'ensemble du groupe -, cela a été un véritable plaisir de te voir rejoindre le groupe socialiste, je crois, fin 2019. Tu as assumé ce rôle de député suppléant, qui, je pense qu'on peut en convenir, est un rôle compliqué, qui nécessite de sauter d'une commission à l'autre, d'une thématique à l'autre, d'être réactif, de pouvoir arriver très rapidement quand on a besoin de vous - et j'en profite pour remercier l'ensemble des personnes qui ont endossé ce rôle pour le groupe socialiste durant cette législature. Nicolas, tu as assumé ce rôle de député suppléant avec un très grand sérieux, une grande générosité et une grande abnégation, et nous t'en remercions très chaleureusement.
Par ailleurs, tu as aussi apporté à notre groupe politique tes compétences et ta précieuse expertise dans un certain nombre de sujets - je pense en particulier à l'aménagement du territoire, une commission dans laquelle tu as siégé de manière permanente, et tu en as encore donné l'illustration tout à l'heure en défendant le projet du PAV avec une grande conviction. Tu as énormément apporté à notre groupe sur ces questions-là, tout comme sur celles liées à la culture.
Tu as aujourd'hui choisi de ne pas te représenter et de te concentrer sur tes très nombreux autres engagements - professionnels, politiques (dans ta ville de Lancy) et aussi associatifs (en faveur du festival Plein-les-Watts).
C'est un regret pour nous de te voir quitter ce groupe, mais nous te souhaitons bonne chance, nous te disons merci et nous sommes convaincus que nous te retrouverons un jour ou l'autre sur les bancs de ce Grand Conseil. Merci beaucoup, Nicolas ! (Applaudissements. Mme Caroline Marti embrasse M. Nicolas Clémence et lui remet un bouquet de fleurs.)
M. Sébastien Desfayes (PDC). Je me joins à Caroline Marti pour adresser tous mes remerciements au Bureau du Grand Conseil et au secrétariat pour son travail et sa gentillesse. J'aimerais adresser deux ou trois mots aussi à tous les députés PDC. Sachez que j'ai eu beaucoup de plaisir à être le chef de groupe. Je pense que nous sommes plus que des collègues de travail: nous sommes des amis, et être votre chef de groupe a été pour moi un honneur et un privilège.
Claude, Claude Bocquet. Vigneronne, encaveuse et «distilleuse» - je ne sais pas si le mot existe ! -, Claude Bocquet a sorti son premier vin en 1983. Comme un des députés du groupe PLR, c'était un gamay, dont elle a avoué, elle, qu'il s'agissait d'une piquette ! (Rires.) Pourtant, et c'est un de ses traits de caractère, elle n'a rien abandonné, elle s'est accrochée et a produit sur son domaine, avec le regretté Jacques, jusqu'à 45 000 bouteilles par année.
Peut-être à cause de sa haute taille, Claude a toujours vu très grand. Elle avait à peine rejoint le PDC en 2015 qu'elle s'est inscrite comme candidate pour les élections au Conseil national, où elle a d'ailleurs réalisé un excellent score. C'est donc tout naturellement qu'elle a été élue au Grand Conseil genevois en 2018, avec le groupe que l'on va nommer ici pudiquement - on ne va pas trahir de secret ! - les trois inséparables «B»: les Bocquet, Bidaux et Blondin. (Rires.) Pendant son mandat, Claude a toujours défendu discrètement mais efficacement les femmes et le monde paysan. Alors que tu as aussi suivi des cours de tango, c'est finalement le sirtaki... (Rires.) ...qui t'a fait redécouvrir l'amour et qui t'a fait aussi redécouvrir ta passion immodérée pour la vie. Chère Claude, tu nous quittes, mais nous te savons enfin heureuse et épanouie. Et si la politique ne te manquera pas, tu laisseras un immense vide dans nos coeurs. (Applaudissements.)
Il paraît que je dois accélérer le rythme, parce que Papy Buchs va bientôt se coucher ! (Rires.) Ce qu'il faut que vous sachiez, cela va peut-être vous surprendre, c'est que Bertrand Buchs était un inconnu au parti. On connaissait surtout sa fille, Sophie, qui a été une exceptionnelle secrétaire générale pendant de longues années au PDC. D'ailleurs, je vais vous raconter une anecdote: quand Buchs - Bertrand - a été désigné président du parti, nous avons été inondés de messages de félicitations nous disant que c'était fabuleux d'avoir Buchs à la présidence. Malheureusement, ils pensaient que c'était Sophie ! (Rires.) Mais, avec le temps et le travail, le bon docteur Buchs s'est affranchi de l'ombre tutélaire de sa fille... (Rires.) ...et s'est fait un prénom ! (Rires.) Se réveillant quand la plupart d'entre nous allaient se coucher, Bertrand a consacré plusieurs heures, tous les matins, à la politique. Il a rédigé un nombre absolument invraisemblable de textes parlementaires, dont la plupart, fort heureusement pour nous et pour le Grand Conseil, sont restés dans une mystérieuse clé USB qu'il garde en permanence sur lui ! (Rires.)
Plus sérieusement... Enfin, pas plus sérieusement, on va dire que Bertrand Buchs a un don précieux qui le rapproche d'un fameux skipper néo-zélandais du nom de Russell Coutts, qui avait gagné la coupe de l'America: Bertrand sent le sens du vent. Mieux: il l'anticipe ! Je vais quand même terminer par des propos aimables à son encontre ! (Rires.) Sa consultation médicale lui permet de prendre le pouls des Genevois. Et, Bertrand, tu n'es pas dupe, tu sais que, derrière le clinquant de la ville, derrière toutes les richesses de notre canton se trouve une population précarisée, inquiète et démunie. Et à l'instar d'une Anne Marie von Arx, c'est à ces gens-là que tu as consacré ta carrière politique. La population t'en a été reconnaissante, puisque tu as été le mieux élu des députés PDC. Bertrand a été dans notre groupe parlementaire le gardien le plus intransigeant d'une de nos valeurs fondamentales: la solidarité. Merci à toi, Bertrand, et, si j'ose dire, bon vent ! (Applaudissements.)
Je terminerai par Jean-Luc Forni, le président du Grand Conseil, mais j'ai reçu un étonnant e-mail du Bureau, exigeant que je ne parle pas de ton année de présidence, parce que, paraît-il, ce rôle était réservé à quelqu'un d'autre. On m'a dit: «Parle de son caractère !» (Rires.) Ou: «Sors des anecdotes !» C'était une mission impossible: pudique, secret, discret, Jean-Luc représente un défi pour celui qui veut précisément lui rendre hommage. Il existe un mystère Jean-Luc Forni. Dans son discours de nouveau président du Grand Conseil, il a commencé par ces mots: «Il se trouve que je n'aime pas trop parler de moi.» Malgré cette discrétion, impossible de cacher les qualités qui font de lui un ami et un collègue apprécié et respecté de tous: son écoute, son ouverture d'esprit, son sens du compromis et, de manière plus insoupçonnée, son flegme tout britannique - relevé par Céline Zuber -, qui nourrit des traits d'esprit toujours drôles et, ce que beaucoup ignorent, parfois féroces, si ce n'est cruels. (Rires.)
Jean-Luc, je sais que tu regrettes de n'avoir pas pu suivre ton frère Michel dans une brillante carrière militaire. Tu as été réformé par une gynécologue... (Rires.) ...mais qui, je rassure tout le monde ici, avait diagnostiqué tes pieds plats ! Ces pieds plats ne t'ont toutefois pas empêché de marcher sur les pas de ton frère, en rejoignant le Grand Conseil: d'abord député, puis chef de groupe et, enfin, président de notre Grand Conseil, Jean-Luc, l'ancien pharmacien, était immunisé contre les infections que connaissaient beaucoup d'hommes et de femmes politiques. Tu n'as jamais été contaminé par l'arrogance, l'ambition et l'autosatisfaction. Au contraire, ton engagement, notamment contre les addictions, démontre combien vertu et politique peuvent parfaitement se combiner. Cher Jean-Luc, puissent tes successeurs se montrer à la hauteur. J'espère quant à moi que j'aurai l'occasion de promener, avec toi, nos deux bouviers, et que je pourrai toujours bénéficier de tes précieux conseils. Merci, Jean-Luc ! (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
M. Francisco Valentin (MCG). Monsieur le président, tout d'abord, permettez-moi de vous féliciter pour votre brillante élection et pour votre brillante présidence durant cette année. J'en profite pour également remercier le sautier, tous les membres du Bureau du Grand Conseil, toute l'équipe qui travaille d'arrache-pied dans l'ombre pour que nous soyons tout le temps servis le mieux et le plus vite possible; vraiment, c'est un travail formidable qui est réalisé dans l'ombre, et merci, Monsieur le sautier, pour votre équipe, et merci à eux !
Françoise. Qui est Françoise ? J'entends des choses... Alors effectivement, c'est un hommage, qu'on soit bien d'accord, ce n'est pas une épitaphe ! (Rires.) Un beau jour de 1990, alors que j'occupais mon temps libre à donner des cours de plongée en tant qu'assistant dans une école célèbre, nous voyons débarquer une tornade très déterminée qui nous dit qu'elle a un peu peur, mais qu'elle veut passer son brevet de plongée - allez comprendre ! Je venais de faire connaissance avec Françoise. Au sein de l'école, nous nous sommes fixé cette mission sans hésiter. Commence le dur apprentissage dans notre très beau, mais froid, lac de Genève - lac de Genève ! Merci ! (Rires.) Puis, après moult «oui, mais...» et des tonnes de «pourquoi ?», concrétisation de son brevet, lors d'un week-end homérique à Bandol, dans le sud de la France. Et enfin, grâce à son autre grande passion, la planche à voile, découverte des plus belles mers du monde. C'est là la naissance de notre amitié.
Son parcours (un petit CV !): diplôme d'expert en finance et controlling en 1981, elle a fonctionné comme experte aux examens d'experts en finance et controlling de 1986 à 2004, également aux examens d'experts-comptables de 1988 à 2021. A ce titre, elle a occupé pendant dix ans le poste de responsable des experts et des examens pour la Suisse romande. Directrice du contrôle financier de la Ville de Genève de 1994 à 1999, elle a été remerciée par un certain monsieur dont je tairai le nom quand elle a dénoncé certaines pratiques d'élus de la Ville - pratiques qui apparemment perdurent, si on veut bien en croire une certaine presse ! Diplôme d'expert-comptable en poche en 1996 - et je tiens à souligner, car ce n'est pas anecdotique, que c'est la première femme de Suisse romande à avoir obtenu ce diplôme. En 2005, elle crée enfin sa fiduciaire et devient aussi, par là même, créatrice d'emplois. Elle s'est présentée aux élections de la Cour des comptes en 2005, puis en 2012, candidate malheureuse - visiblement, à ce moment-là, l'appartenance est plus utile que les compétences ! Elle est approchée par le MCG, qui a su reconnaître l'étendue de ses connaissances, de ses capacités, et qui, depuis tout ce temps-là, a apprécié sa loyauté.
Entrée en politique en 2013 sur la liste du MCG, elle devient, à sa première élection, députée suppléante. Elle est nommée députée en 2016, suite au départ d'un député qui, je crois, n'a pas laissé une grande empreinte et que les anciens auront peut-être un peu connu: Eric Stauffer. (Rires.)
Une voix. Qui ? (Commentaires.)
M. Francisco Valentin. Brillamment réélue députée en 2018, elle achève aujourd'hui, par son choix, un beau parcours. Cela a été pour elle parfois cocasse, mais fréquemment énervant, de se voir expliquer la fiscalité par des pseudo-forts en thème, qui sont aux finances ce que 2 est à 3. (Rires.) Il me plaît de citer une phrase d'un écrivain célèbre, qui disait: les gens stupides sont plein de certitudes, les gens intelligents pleins de doutes. Mais j'hésite !
Epicurienne et pis curieuse, elle m'inspire une petite anecdote sympathique que j'ai en mémoire. Alors que nous revenions d'une soirée mémorable à Cully chez une amie qui recevait les plus grands maîtres de la gastronomie genevoise, où l'eau n'avait pour une fois pas été son centre d'intérêt, je me vois cerné par six voitures de police, tous feux bleus allumés, puis ont jailli armes et lampes de poche - ils cherchaient des braqueurs violents, or ma voiture ressemblait au signalement. Dieu merci, ce soir-là, j'avais peu bu, et j'étais dans la norme autorisée ! Mon épouse, qui paniquait, n'arrivait pas à mettre la main sur les papiers du véhicule - qui étaient pourtant dans la boîte à gants ! - et, derrière, j'avais la directrice du contrôle financier de la Ville de Genève qui ronflait paisiblement avec un petit filet de bave ! (Rires.)
Nombreux sont les souvenirs ! Nombreux aussi sont ses intérêts, intérêts qu'elle aura tout le loisir d'explorer, car il y avait une vie avant, et il y a une grande vie après la scène politique. Et là, elle reprend le contrôle de sa vie, se réapproprie ses soirées, ses horaires, ses choix, ses votes et ses fréquentations. (Rires.) Alors que le philosophe dit que le vent souffle pour tout le monde dans la même direction et qu'il appartient à chacun de régler ses voiles pour arriver là où il veut, moi je réponds: et celui qui se perd ne le doit qu'à lui-même ! Alors je te souhaite, chère Françoise, un très doux et bon vent, mais surtout, borde bien les voiles ! Tu vas nous manquer, et pas seulement au MCG. Merci, Françoise ! (Applaudissements. Mme Françoise Sapin embrasse M. Francisco Valentin. M. Daniel Sormanni embrasse Mme Françoise Sapin et lui remet un bouquet de fleurs.)
M. Mauro Poggia, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi, au nom de mes collègues du Conseil d'Etat, d'exprimer également quelques paroles de gratitude; ce n'est pas seulement pour être le dernier à parler, comme pourraient le penser les mauvais esprits, mais parce que vous le méritez. Si, si, je le pense vraiment, vous le méritez ! (Rires.) La proximité des élections n'a rien à voir avec cette déclaration d'amour ! (Rires.)
Je pense que, malgré l'abrasion de nos contacts, il y a entre nous autre chose que cette friction politique nécessaire et inévitable dans nos débats. Il y a aussi un respect, ou du moins je crois qu'il est bien présent, ce respect mutuel, qui fait que cet instant est évidemment émouvant, même s'il est convivial, même si les sourires et les rires sont bien présents, parce que nous avons côtoyé certaines et certains d'entre vous durant des années. Nous avons pu les apprécier autrement qu'en tant que députés ou députées: en tant qu'hommes et femmes qui ont su apporter leur contribution au bien de la république.
C'est cela que j'aimerais exprimer comme gratitude. Aujourd'hui, nous vivons des temps où il est difficile de s'engager, où les personnes qui sont prêtes à donner une partie de leur temps pour l'intérêt commun sont de plus en plus rares. Il est admirable que des hommes et des femmes, comme vous, soient prêts à se consacrer à la chose publique, et cela doit être salué.
A celles et ceux qui ont décidé de mettre un terme à leur mandat, je voudrais dire, au nom de tous ceux qui sont ici présents, que nous avons apprécié ces moments, nous avons apprécié leurs personnalités, parfois un peu rugueuses, mais c'est cela aussi, la politique.
Je pourrais aussi formuler un voeu en mon nom et en celui de mes collègues pour la prochaine législature. D'abord, que celles et ceux qui ont décidé de se représenter aient la chance de pouvoir le faire, et, là aussi, je le pense sincèrement, en tant que président du Conseil d'Etat - en tant que candidat, c'est autre chose, mais je garderai mes pensées pour moi ! (Rires.) Je souhaiterais bien entendu que les qualités d'écoute qui sommeillent en chacun de nous, chez certains plus profondément que chez d'autres... (Rires.) ...puissent arriver à la surface et que nous puissions davantage durant les cinq années à venir que durant les cinq années qui se sont écoulées échanger et construire ensemble le meilleur pour notre république.
A celles et ceux qui ont décidé de mettre un terme à leur carrière au sein du Grand Conseil, je souhaite des vents favorables - et surtout, prenez bien soin de vous ! Merci. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat, pour ces mots chaleureux ! Mesdames et Messieurs les députés, je vous rappelle que nous avons un petit apéritif servi à la salle des Pas-Perdus, pour partager un dernier moment convivial. Je lève notre séance, dernière de la législature, et je souhaite bon vent à la troisième législature ! (Applaudissements.)
La séance est levée à 20h20.