Séance du
jeudi 23 mars 2023 à
20h30
2e
législature -
5e
année -
11e
session -
66e
séance
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Jean-Luc Forni, président.
Assistent à la séance: Mmes et MM. Mauro Poggia, président du Conseil d'Etat, Antonio Hodgers, Anne Emery-Torracinta et Nathalie Fontanet, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Serge Dal Busco, Thierry Apothéloz et Fabienne Fischer, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Delphine Bachmann, Grégoire Carasso, Thierry Cerutti, Amanda Gavilanes, Léna Strasser, Francisco Valentin, François Wolfisberg et Christian Zaugg, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Glenna Baillon-Lopez, Denis Chiaradonna, Nicolas Clémence, Florian Gander, Françoise Nyffeler, Helena Rigotti et Gabriela Sonderegger.
Annonces et dépôts
Néant.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment d'une procureure. Je prie le sautier de la faire entrer et l'assistance de bien vouloir rester debout. (La procureure entre dans la salle du Grand Conseil et se tient debout, face à l'estrade.)
Madame, vous êtes appelée à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyenne et comme magistrate du Ministère public;
- de constater avec exactitude les infractions, d'en rechercher activement les auteurs et de poursuivre ces derniers sans aucune acception de personne, le riche comme le pauvre, le puissant comme le faible, le Suisse comme l'étranger;
- de me conformer strictement aux lois;
- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;
- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;
- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»
A prêté serment: Mme My-Linh Pombo-Schifferli.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment d'une magistrate du Pouvoir judiciaire. Je prie le sautier de la faire entrer et l'assistance de bien vouloir rester debout. (La magistrate entre dans la salle du Grand Conseil et se tient debout, face à l'estrade.)
Madame, vous êtes appelée à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyenne et comme juge;
- de rendre la justice à tous également, au pauvre comme au riche, au faible comme au puissant, au Suisse comme à l'étranger;
- de me conformer strictement aux lois;
- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;
- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;
- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»
A prêté serment: Mme Limor Diwan.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)
Débat
Le président. Mesdames et Messieurs, le traitement des urgences se poursuit avec les objets liés suivants: RD 1504 et M 2722-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Le rapport est de Mme Nicole Valiquer Grecuccio, à qui je cède la parole.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députées et députés, j'interviendrai brièvement sur ce rapport divers de la commission de contrôle de gestion étant donné, vous l'avez vu, qu'il a fait l'objet d'une communication étayée à la presse et qu'il a été adopté à l'unanimité de la commission de contrôle de gestion.
En préambule, j'aimerais remercier d'une part mes collègues Daniel Sormanni et Alexis Barbey qui ont travaillé avec moi au sein de la sous-commission, d'autre part les collaboratrices et collaborateurs du corps de police qui ont participé à nos travaux en faisant preuve d'énormément d'engagement. Nous avons recueilli en toute confiance des témoignages de policières et de policiers sur la réalité du terrain, et je tiens vraiment à les remercier pour cela.
Notre mission était de faire la lumière sur ce qu'on a appelé «l'affaire de Savatan» et la question du harcèlement durant la formation, mais très vite, nous nous sommes rendu compte qu'il fallait élargir la problématique et avons travaillé sur deux volets: la prévention du harcèlement au sein des forces de l'ordre et la féminisation du corps policier. En cela, nous avons essayé de donner corps à la réalité du terrain et de la faire remonter. Nous remercions le département ainsi que la commandante pour leur collaboration.
Je commenterai rapidement ces deux axes, puisque, comme je l'ai indiqué, le rapport a fait l'objet d'une communication et de recommandations, donc on ne va pas utiliser plus de temps que nécessaire. Cela étant, ce sujet mérite qu'on y accorde un minimum d'attention eu égard aux réponses qui nous ont été fournies par les personnes auditionnées.
La question de la prévention du harcèlement est importante, et nous saluons à cet égard les efforts déployés par la police, qui a lancé un sondage auprès de ses collaboratrices et collaborateurs afin de mesurer l'existence du harcèlement sous des manifestations diverses allant des propos sexistes jusqu'à des formes sévères de comportements inopportuns. La police s'est emparée de cette problématique et a considéré, au vu des résultats de l'enquête, que ces attitudes existaient. Nous avons nous-mêmes constaté qu'elles existaient à différents degrés et que tout résidait dans la prévention. Nous saluons le travail réalisé par le département des finances et Mme Fontanet sur ce sujet: la politique de prévention du harcèlement a vraiment été prise à bras-le-corps, tant par la commandante que par le département. Nous souhaitons d'ailleurs que le sondage puisse être reconduit dans d'autres départements.
Quant à la féminisation du corps de police, c'est également un enjeu d'importance, car on remarque que quand on parvient à un taux de 30% du sexe sous-représenté, c'est-à-dire de femmes, eh bien les mentalités sexistes vont en diminuant. La féminisation des forces de l'ordre permettra de répondre non seulement au problème du harcèlement, mais aussi à celui du recrutement. En effet, comme les statistiques le montrent, à terme, il manquera énormément de personnel, donc la police a tout intérêt à augmenter le nombre de femmes dans ses rangs.
La problématique touche par ailleurs le temps partiel: si celui-ci n'était sollicité que de manière très marginale entre 2016 et 2020 - trois à quatre demandes par an -, depuis 2020, ces requêtes ne se comptent plus à l'année, mais mensuellement. Octroyer des temps partiels constitue une manière d'entendre les besoins liés à la qualité de vie, non seulement des policières, mais aussi des policiers.
Nous avons formulé différentes recommandations sur lesquelles je ne reviendrai pas au vu du temps qui nous est imparti, mais je souhaite vraiment souligner l'articulation qu'il est nécessaire d'opérer entre prévention du harcèlement et féminisation d'un corps professionnel. A signaler également que toutes les mesures que nous préconisons sont en lien avec celles proposées par les personnes sur le terrain. Mesdames et Messieurs, je vous invite à approuver ces recommandations qui, toutes, ont été adoptées par l'ensemble des membres de la commission de contrôle de gestion. Merci de votre attention.
M. Bertrand Buchs (PDC). J'aimerais remercier Mme Valiquer pour son excellent rapport et souligner que la commission de contrôle de gestion a une nouvelle façon d'appréhender les dossiers puisque, depuis quelques années, on crée des sous-commissions «d'enquête», entre guillemets, sur des sujets qui nous paraissent importants. Il s'agit d'un travail extrêmement long et difficile, généralement effectué par trois députés ou députées, mais qui permet d'aller dans les détails de manière beaucoup plus souple que si on créait une commission d'enquête parlementaire du Grand Conseil.
Nous avons discuté de nombreuses thématiques, trois d'entre elles seront abordées ce soir. Ce sont des sujets d'importance qui montrent qu'on peut réaliser du bon travail avec une attitude non pas négative, mais positive et poser des jalons pour que les choses changent dans le bon sens.
Concernant l'objet qui nous intéresse ici sur le problème du harcèlement au sein de la police, il est essentiel à nos yeux, comme l'a relevé Mme Valiquer, d'opérer une féminisation des forces de l'ordre, que de plus en plus de femmes rejoignent leurs rangs. L'armée suisse aussi connaît des problématiques de ce type, on a entendu que la conseillère fédérale avait dû gérer des attitudes inadéquates vis-à-vis de femmes qui voulaient faire l'armée. Il est fondamental d'avoir des femmes au sein de la police, parce que ça apporte beaucoup - comme dans n'importe quel métier, évidemment, mais c'est particulièrement le cas dans la police.
En l'occurrence, il y a eu une bonne écoute du corps de police et de Mme la commandante, qui s'est montrée très ouverte à nos discussions. C'est un excellent rapport que je vous invite à approuver, Mesdames et Messieurs, et je vous demande en revanche de rejeter la proposition de motion qui y est associée. Merci.
M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, je ne vais pas commenter longuement ce rapport, puisqu'il a été très bien présenté par Mme Valiquer et que la presse s'en est déjà fait l'écho. Les Vertes et les Verts l'ont voté en commission et nous le soutiendrons également ce soir.
Ce qui nous importe, au sein de la commission, c'est que les recommandations soient appliquées au plus vite. Un cas de discrimination a encore été mis en évidence par la presse il y a quelques jours. Nous avons donc demandé l'urgence afin que ce rapport ne soit pas renvoyé aux calendes de la prochaine législature. (Remarque.) Pas du tout ! En tant qu'actuel président de la commission de contrôle de gestion, j'aimerais saluer les membres de la sous-commission - comme ceux de toutes les sous-commissions - pour le travail minutieux qui a été fourni et les conclusions qui ont été présentées.
Au sujet des recommandations, ce qui compte pour nous, je le répète, c'est leur mise en oeuvre. J'aimerais juste relever un ou deux éléments. D'une part, ce qui est important, ce n'est pas d'éteindre les incendies, mais de généraliser les mesures de prévention - c'est d'ailleurs relevé dans le rapport. D'autre part, il convient d'améliorer les dispositifs d'alerte s'agissant des situations de harcèlement, notamment de disposer de locaux plus adaptés aux consultations et de recourir à des mandataires externes.
La féminisation du corps de police a déjà été évoquée. Ce qui n'a peut-être pas été indiqué, c'est que nous souhaitons que ce processus ait lieu à tous les grades, pas seulement aux premiers grades ou pour les personnes qui entrent dans la police. Et enfin, cela a déjà été relevé, il faut de meilleures options de travail à temps partiel, ce qui bénéficiera à la fois aux femmes et aux hommes.
Pour ce qui est de la proposition de motion, le rapport divers y répond certes, mais à notre avis, ce n'est pas une raison pour la rejeter, car elle a servi de déclencheur aux travaux; nous nous abstiendrons donc à son sujet. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Alexis Barbey (PLR). Je ne vais pas répéter les très bons propos de Mme Valiquer sur ce rapport divers et sur l'enquête de la commission de contrôle de gestion. J'aimerais juste relever deux petits éléments.
Le premier point qui me paraît important concerne les possibilités de recours des policières et des policiers qui se sentent harcelés d'une manière ou d'une autre. On s'aperçoit qu'à la police, il existe de nombreuses voies permettant de faire aboutir des réclamations: il y a la hiérarchie, naturellement, mais aussi l'organe de médiation de la police, le Groupe de confiance - qui est destiné à l'ensemble de l'Etat - de même que le service psychosocial de la police.
Il est fondamental de disposer de ces différents organes, parce que dans un monde comme celui de la police, si la plainte hiérarchique ne fonctionne pas, il règne un esprit de corps qui fait qu'on n'ose pas s'adresser à des personnes extérieures. C'est donc uniquement en laissant un maximum de choix aux gens pour chercher de l'aide, en leur offrant cette diversité qu'on parviendra à un résultat.
La deuxième chose que je voulais souligner, c'est que la sous-commission de la commission de contrôle de gestion sur le harcèlement au sein de la police a auditionné énormément de monde de tout rang, de tout genre, et l'impression que ces policiers m'ont laissée, à moi qui en étais membre, c'est qu'ils étaient tout à la fois bien informés, ouverts d'esprit, modernistes dans leur vision et très respectueux du cadre hiérarchique. L'image de la police qui s'en est dégagée, à travers l'ouverture dont ont fait preuve les différentes personnes qui ont participé à l'enquête, eh bien c'est une police prête à affronter les changements de demain, et je tiens à les en féliciter.
Au nom du PLR, Mesdames et Messieurs, je vous recommande d'accepter ce rapport divers et, en revanche, de refuser la proposition de motion 2722 qui a eu le mérite de poser les problèmes sur la table, mais dont le ton est un peu clivant et qui, à elle toute seule, n'aurait pas permis de dresser un portrait du harcèlement à la police tel qu'effectué dans le cadre du rapport divers. Aussi, je vous propose - enfin, le PLR vous propose - de la rejeter. Je vous remercie.
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je remercie également la présidente de la sous-commission, la rapporteuse de ce soir pour l'excellente synthèse du travail réalisé dans le cadre de cette sous-commission à laquelle j'ai participé. Ce n'était pas facile, nous avons mené de nombreuses auditions qui se sont révélées nécessaires, parce qu'elles nous ont permis de prendre le pouls, en quelque sorte, des différentes situations et de nous montrer réalistes dans les conclusions de ce rapport divers, que mon groupe approuvera évidemment.
Incontestablement, il en ressort qu'il est important de féminiser davantage le corps de police, car cela favorise l'intégration. On peut remercier la commandante, les cadres de la police et tous ceux qui sont venus s'exprimer tout à fait ouvertement à la commission. Nous avons ainsi pu déterminer où se situaient les soucis, voire les problèmes, mais aussi constater que les choses avaient déjà été prises en main avant que nous commencions à travailler via des enquêtes, via un certain nombre de mesures - il y a le service psychosocial de la police auprès duquel il est possible de s'annoncer, mais ce n'est pas la seule voie -, et je pense que désormais, on va aller dans la bonne direction.
Ce rapport a été accueilli favorablement par le Conseil d'Etat, donc merci au magistrat de l'avoir accepté et de mettre en oeuvre les recommandations formulées. Enfin, même si la proposition de motion 2722 a servi de déclencheur à la création d'une sous-commission, ses termes sont excessifs et nous vous invitons à la rejeter, mais à approuver les conclusions du RD. Je vous remercie.
M. Thomas Bläsi (UDC). J'aimerais associer la voix de notre parti aux remerciements pour ce rapport que nous soutiendrons bien entendu. Comme mon préopinant, le groupe UDC ne votera pas non plus la proposition de motion, estimant qu'un certain nombre de choses qu'elle affirme ne sont pas réelles, du moins pas le reflet de la vérité.
La féminisation du corps de police est un sujet qui a été beaucoup évoqué lors des travaux de commission. Il nous a été expliqué que passé un certain taux de femmes dans un corps constitué, les situations de harcèlement diminuent d'elles-mêmes ou ont tendance à disparaître, donc qu'il faut une représentation féminine suffisante pour parvenir à un équilibre et éviter ce genre de déviance.
Il est important de relever que l'impact du titre du rapport et des différents objets examinés est beaucoup plus fort sur la population ou sur ceux qui les lisent que la réalité que nous avons pu constater au sein du corps de police. Il y a certes eu quelques cas, mais il conviendrait de les mettre en balance avec d'autres corps de métier dans lesquels règne une sorte de secret autour de ce sujet. On voit bien qu'au sein de la police, cela n'a pas été le cas, il n'y a pas eu d'omerta: des enquêtes ont été menées sur un nombre de cas extrêmement limité, des mesures ont été prises pour que les collaboratrices de la police puissent se sentir à l'aise dans leur travail et avec leurs collègues. Le groupe UDC soutiendra les conclusions du rapport et rejettera la proposition de motion. Je vous remercie, Monsieur le président.
Mme Caroline Marti (S). Mesdames et Messieurs les députés, étant donné que le rapport de la commission de contrôle de gestion permet de répondre aux invites de la proposition de motion 2722, le groupe socialiste la retire en remerciant la commission de contrôle de gestion pour son travail.
La proposition de motion 2722 est retirée par ses auteurs.
M. Mauro Poggia, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je remercie à mon tour la commission de contrôle de gestion et sa sous-commission pour le travail effectué sur ce sujet ainsi que Mme Valiquer Grecuccio pour son rapport. Ce sont en effet des travaux conséquents qui ont été menés, avec pour point de départ un fait divers publié dans le quotidien «Le Temps» - c'était le 5 octobre 2020. Rapidement, deux propositions de motions ont été déposées.
Nous nous sommes rendu compte que cela ne concernait pas vraiment le fait divers en question ou la police genevoise. Néanmoins, on le sait, les cas de sexisme et parfois aussi de harcèlement sont malheureusement un problème réel; s'il est réel partout dans le monde du travail, il l'est peut-être davantage dans des fonctions traditionnellement occupées par des hommes qui, pour certains, ont vu l'arrivée du sexe féminin avec une certaine réticence.
Il est vrai que plus la police se féminisera, plus ces comportements diminueront, donc il faut féminiser le corps de police tout comme la profession d'agent de détention, mais c'est plus facile à dire qu'à faire. Il s'agit de créer des vocations, et ce n'est pas toujours simple. En effet, ce qui constitue une réalité dans ces rangs l'est aussi dans la société, à savoir que ce n'est pas forcément - encore - dans ces métiers que se projettent les femmes. Mais les choses changent de plus en plus, heureusement, et le travail réalisé dans ce sens par la police est admirable, qui démontre que ces fonctions peuvent parfaitement - et ce, dans tous les sens du terme - être exercées par des femmes. A cet égard, je ne peux que saluer le travail accompli dans cette perspective.
Sur les deux propositions de motions, l'une a donné lieu à ce rapport divers, l'autre... Oui, à l'origine, il y avait deux propositions de motions: la M 2723 et la M 2722. Voilà pourquoi... (Remarque.) Résolution ? Ah ! Mes documents indiquent qu'il s'agissait initialement d'une motion, alors peut-être était-ce une résolution - si vous le dites, vous avez certainement raison. Quoi qu'il en soit, j'ai bien entendu qu'en ce qui concerne la seconde, il vous est proposé de la rejeter; le Conseil d'Etat va également dans ce sens. Il est vrai que les propos qui y sont tenus - enfin, les termes qui y sont utilisés - sont brutaux et ne correspondent pas à l'action déployée, et celle-ci ne l'a pas été sous l'impulsion ou la pression de l'enquête menée par la sous-commission.
Toutefois, il s'agit d'une réaction salutaire qui se produit dans tous les services de l'Etat, et ma collègue Nathalie Fontanet excelle dans l'incitation à poser les bonnes questions dans ce domaine. La police travaille conjointement avec l'office du personnel de l'Etat et le Groupe de confiance pour lutter contre le harcèlement qui, malheureusement, est parfois encore une réalité, mais qui est toujours sanctionné. En effet, nous appliquons une tolérance zéro en la matière: en tant que chef du département, je peux vous garantir, s'agissant des cas qui nous remontent, que nous ne faisons preuve d'aucune tolérance, et nous nous en réjouissons.
Il faut maintenant continuer à avancer. Ce rapport donne une impulsion, vous l'avez dit, peut-être faudrait-il effectuer le sondage ailleurs pour que les gens puissent s'exprimer et qu'on brise ce que l'on appelle l'omerta; le terme est sans doute un peu fort, mais il est vrai que ce n'est pas quelque chose que l'on reconnaît volontiers dans les services et les offices lorsque cela se produit, parce que ce n'est évidemment pas glorieux, c'est même tout le contraire. Ainsi, le fait de libérer la parole est indispensable pour lutter contre ce phénomène. Merci pour votre travail, nous en tiendrons compte et poursuivrons les efforts entrepris dans ce contexte.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Nous procédons au vote sur le RD 1504.
Mis aux voix, le rapport divers 1504 est approuvé et ses recommandations sont transmises au Conseil d'Etat par 81 oui (unanimité des votants) (vote nominal).
Débat
Le président. Nous traitons notre urgence suivante, le RD 1517, classé en catégorie II, quarante minutes. Le rapport est de M. Cyril Aellen, à qui je cède la parole.
M. Cyril Aellen (PLR), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues, la sous-commission de la commission de contrôle de gestion a siégé plus de 39 séances en treize mois, a procédé à plus de soixante heures d'auditions et a consulté ou lu quelques milliers de documents. Ce rapport a été adopté à l'unanimité des membres présents de la commission. Je vous invite à en faire de même.
Ce texte se veut aussi factuel que possible, mais il ne prétend ni être exhaustif ni être exempt d'imprécisions. Cela étant, comme vous le savez, selon la procédure, il a été soumis au département. Certaines corrections nous ont été demandées. Certaines ont été faites, d'autres pas, simplement parce que cela constituait des désaccords, que nous assumons pleinement. En tous les cas, ce rapport se veut sincère, transparent, constructif et soulève des points qui devront probablement être tranchés par votre parlement et par le Conseil d'Etat sur différents aspects politiques.
La commission de contrôle de gestion a voulu mieux comprendre la situation et exercer son regard critique, dès lors qu'il appartient à celle-ci d'examiner et de surveiller notamment l'activité de l'administration. J'aimerais rappeler et redire ici, car c'est important de le souligner, que personne n'a clairement voulu ce qu'il s'est passé et que l'intégrité de la magistrate chargée du DIP n'est pas en cause. Nous sommes toutefois arrivés à la conclusion que l'Etat avait failli et que la responsabilité politique de chacun devait être prise.
Dès son ouverture, et cela pendant une très longue période, le foyer de Mancy n'offrait pas des conditions acceptables. La santé de certains enfants a été mise en danger. Par conséquent, la responsabilité politique de nos autorités et en particulier du DIP était et est, de notre point de vue, engagée.
Je ne rappellerai pas tous les faits qui relèvent du mandat que la sous-commission avait confié à la Cour des comptes sur la gestion des alertes et je me bornerai à rappeler, dans le temps qui m'est imparti, que, pour la sous-commission et par voie de conséquence pour la commission, qui a fait siennes les conclusions du rapport, le Conseil d'Etat n'a pas fonctionné suffisamment en collège, ce qui est important lorsqu'on monte de tels projets. Le secrétariat général n'a à l'évidence pas joué son rôle à toutes les étapes du processus, la direction de l'OMP clairement non plus - ni la première, ni la seconde. Les directeurs successifs du foyer n'ont, de notre point de vue, pas été à la hauteur des enjeux. Enfin, certains collaborateurs se sont montrés clairement inadéquats, dans un contexte qui était difficile, mais il faut rappeler aussi que la majorité d'entre eux ont fait de leur mieux.
Toujours est-il que - et je m'arrêterai sur ce point - ce qui nous a frappés et ce qu'il faut souligner, c'est que l'ouverture du foyer de Mancy a été faite dans l'urgence, sous la pression des parents notamment - mais légitime et compréhensible -, de façon précipitée. Ce n'était pas une fatalité, parce que ce foyer aurait pu être ouvert dans de meilleures conditions. Mais cela a été, de notre point de vue, la conséquence d'un manque clair d'anticipation. C'est ainsi que le foyer de Mancy a été ouvert sans les locaux appropriés, sans projet institutionnel, qu'il a été incapable de développer des suivis adéquats des élèves - ou des résidents, pour être plus précis et plus juste. Le foyer de Mancy a été ouvert sans programme et même équipements informatiques suffisants, sans cahier des charges clair pour les collaborateurs, sans un budget adéquat, de notre point de vue, ou à tout le moins avec un budget mal utilisé.
Je reprendrai la parole sur le temps de mon groupe lors d'une seconde intervention, Monsieur le président. J'en reste là pour l'instant.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs, les Vertes et les Verts prendront acte de ce rapport tant attendu - après plus d'une année de travaux - et des recommandations, qui restent d'ordre politique et doivent amener à un meilleur fonctionnement de l'Etat.
Au-delà des nombreux constats de dysfonctionnement et de défaillance systémique - je cite le rapport, page 10 -, «[l]'urgence ne peut pas suffire à expliquer la situation carentielle du foyer de Mancy». Aucun projet institutionnel, aucun projet éducatif individualisé, problèmes de communication, manque de cohésion, de formation, de direction, manque de tout, au détriment d'enfants et de jeunes en situation de handicap. Petite parenthèse, dans le rapport, il est écrit: «élèves souffrant de handicap». Ces jeunes ne souffrent pas de leur handicap, ils sont en situation de handicap. Ils souffrent surtout de la malveillance, de la maltraitance et de la méconnaissance des outils nécessaires à leur accompagnement adéquat, dans un contexte fermé. Ils souffrent des barrières et des obstacles qu'on place sur leur chemin de vie. Ils et elles souffrent des violences, ils et elles souffrent d'être parqués dans de vieilles baraques en pleine campagne, isolés, à la merci de leurs responsables et dans le mépris le plus total pour leur différence, leur singularité. Parce qu'être autiste, avec des troubles sévères, est un handicap en soi. Un handicap qui nécessite la mise en place d'outils éducatifs, pédagogiques, structurés, planifiés, évalués, remaniés, tels que le PEI - le projet éducatif individualisé, qui n'avait jamais été mis en oeuvre - ou les évaluations d'analyses fonctionnelles.
C'est ici qu'on est au coeur du problème, car sans la formation, une formation adéquate, suffisante et spécifique, les violences sont inéluctables. L'Etat a failli. L'Etat a gravement failli, car il s'agit ici de manquements graves, de violations de droits fondamentaux, de droits humains. Nous ne sommes pas en train de parler de crayons ou de gommes, mais de personnes.
Alors oui, les Vertes et les Verts prendront acte de ce rapport qui énonce de nombreux problèmes: problèmes de gouvernance, de management du DIP, de centralisation du pouvoir décisionnel, multiplication des cadres et dilution des responsabilités, manque de prise en charge éducative et pédagogique - non, le thérapeutique ne suffit pas ! Nous soutiendrons les recommandations, qui restent des propositions absolument nécessaires à long terme, comme - je n'en citerai que deux - décloisonner les politiques départementales ou encore définir une politique publique transversale de prise en charge de l'autisme, de la naissance à l'âge adulte.
Mais aujourd'hui, comment cela se passe-t-il avec les jeunes ? Y a-t-il des améliorations ? Quelles sont les mesures prises à court terme pour les protéger, mais aussi pour leur offrir un cadre de vie digne, à la hauteur des objectifs ou des projets pédagogiques possibles connus au niveau international ? A Genève, nous sommes en retard, très en retard dans l'accompagnement de ces jeunes, que cela soit dans un cadre de vie, comme dans ces foyers, ou au niveau pédagogique. Alors, à court terme, il faut aussi des actions urgentes. Il faut mettre en place des supervisions régulières, favoriser les intervisions entre écoles spécialisées ou entre foyers, des échanges de pratiques, une «helpline» pour le personnel, et ne plus jamais laisser nulle part ces jeunes sans protection. Il faut que cela change.
Pour conclure, j'avais déposé une motion, la M 2827, il y a plus d'une année; elle n'a toujours pas été traitée à la commission de contrôle de gestion. Ces mesures urgentes sont nécessaires. Voilà. Merci. (Applaudissements.)
Mme Jennifer Conti (S). Mesdames et Messieurs les députés, les travaux de notre sous-commission ont été particulièrement bouleversants. Il a été bouleversant de voir cette maltraitance, bouleversant de constater comment l'Etat a failli dans sa mission de protection de jeunes parmi les plus vulnérables du canton.
A des actes de violence commis sur des enfants, il faut opposer une action politique forte, à savoir une vraie stratégie cantonale de l'autisme autour d'axes clairs, comme intervenir précocement auprès des enfants présentant des écarts inhabituels de développement, assurer la sécurité des enfants - l'une des mesures serait un système d'alerte centralisé, comme le recommande la Cour des comptes; soutenir les familles et reconnaître leur expertise en leur permettant par exemple chaque année de donner leur évaluation de la prise en charge, pour voir ce qui peut être amélioré; prévoir un nombre suffisant de collaborateurs et collaboratrices de terrain formés à l'autisme, pour ne pas surcharger ceux-ci et pour assurer une prise en charge de qualité des jeunes; soutenir les équipes en développant une culture de la qualité des prestations, où la surveillance systématique de ces dernières est perçue comme une opportunité de développer un service toujours plus qualitatif qui répond au mieux aux besoins des jeunes souffrant d'autisme; développer les formations interprofessionnelles entre le pédagogique et le thérapeutique; offrir un environnement de vie adapté et sécurisant.
Avec une meilleure gouvernance et plus d'un milliard d'excédent pour 2022, Genève a les moyens de prendre en charge de manière digne tous les enfants et les jeunes de ce canton. Nous vous invitons donc bien sûr à voter ce rapport dans sa globalité. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Jean Romain (PLR). Je dirai d'abord que lorsque j'étais président de la commission de contrôle de gestion, la question s'est posée: était-il suffisant de mettre en place une sous-commission, ou fallait-il instaurer une commission d'enquête parlementaire ? Nous avons opté pour une sous-commission, en raison de la rapidité avec laquelle elle travaille, ce qui nous semblait essentiel. Cette sous-commission, composée de trois membres, notamment de son président qui a réussi à faire le rapport et à le faire adopter par l'entier de la commission de contrôle de gestion, a constitué une bonne méthode.
C'est vrai, les difficultés, depuis la mise en place du foyer de Mancy, ont été énormes, et c'est peut-être là qu'il faut chercher l'origine des problèmes qui se sont succédé, à savoir l'urgence, la précipitation, le manque d'anticipation et le manque de discernement dans l'engagement des collaborateurs. Je crois que cela a été dit par M. Aellen, et il est important de le répéter: si on veut réussir, il faut mettre en place des bases suffisantes, des socles suffisants, de façon à ce que cela fonctionne.
Mais en plus de cela, il y a eu au sein même du département une peur, une peur de tous les collaborateurs. Ce qui règne au sein du département de l'instruction publique, chers collègues, c'est la peur. Les gens n'osent pas parler, parce qu'ils ont peur de se faire rabrouer. Finalement, l'information n'est pas remontée là où il aurait fallu qu'elle remonte, parce que chacun pensait qu'il était suffisamment malin, intelligent et capable pour justement arriver à régler le problème. D'autant que - la magistrate l'a dit et il n'y a aucune raison de ne pas la croire - tous ces signaux négatifs étaient accompagnés d'autres signaux qui modéraient leur caractère négatif et qui faisaient finalement que, tout au sommet, on n'a peut-être pas entendu ce qu'il fallait entendre.
Mais il n'empêche ! Il n'empêche que là, il y a quelque chose de faux et que, d'une manière générale, la responsabilité politique de tout le département de l'instruction publique de Genève est engagée dans cette affaire-là. Alors ce n'est pas seulement sa présidente, il suffit de lire un tout petit peu ce qu'il s'est passé dans toute l'échelle de commandement pour voir l'ampleur du désastre - ampleur du désastre qui a été soulignée avec modération et discernement par cette sous-commission, que je remercie au nom de Genève et évidemment au nom de notre parlement.
Une voix. Bravo ! (Commentaires.)
M. Thomas Bläsi (UDC). J'aimerais tout d'abord, au nom du groupe UDC, remercier les différents professionnels qui travaillent dans le secteur. Je pense que c'est important. Je pense qu'il est important de dire que c'est un secteur difficile. On a entendu dans les témoignages des collaborateurs qui travaillent avec ces enfants ou adultes à besoins spécifiques qu'il ne s'agissait pas de savoir si les collaborateurs allaient recevoir des coups, mais combien de fois ils allaient recevoir des coups des personnes qu'ils sont censés protéger. Bien évidemment que cela ne justifie aucune violence, aucune maltraitance, mais je pense qu'il est nécessaire de dire que ces collaborateurs s'investissent et sont malgré tout, malgré tous leurs efforts, confrontés à des situations où eux-mêmes peuvent être physiquement atteints.
En deuxième lieu, j'aimerais, au nom du groupe UDC, remercier le rapporteur, parce qu'il a selon moi trouvé le ton juste pour arriver à transcrire les informations qui nous ont été données. Il a réussi d'une manière extrêmement claire, il me semble, à mettre les différents éléments en relief et en perspective et leur a également donné une temporalité, ce que, personnellement, je pense être assez difficile dans ce dossier.
Il a été expliqué que le foyer de Mancy avait été ouvert en urgence, sous pression du DIP et des familles, que le personnel qui le composait était malheureusement peu formé, que l'informatique et les modèles informatiques étaient inexistants ou non adaptés et qu'il y avait une sorte d'annulation mutuelle entre les possibilités d'action du DIP et de l'OMP, qui était fautif dans sa surveillance, mais qui agissait sous une forme de tutelle du DIP, ce qui fait qu'il ne se sentait peut-être pas en liberté de faire remonter les informations, comme l'a relevé par ailleurs mon collègue Jean Romain.
Le groupe UDC est également assez choqué par un des éléments particuliers de ce dossier, à savoir le refus du premier directeur de participer aux travaux de la sous-commission. Cela est mis en avant dans le rapport. C'était évidemment son droit, mais, comme souligné dans le rapport, cela a retardé et rendu beaucoup plus difficile la mise en perspective, ce qui rend d'autant plus louable le travail réalisé par la sous-commission.
Le groupe UDC se joindra donc à l'ensemble des groupes parlementaires qui soutiendront ce rapport et restera attentif à l'évolution du domaine. Merci beaucoup. (Commentaires.)
M. Olivier Baud (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, la commission de contrôle de gestion, en l'occurrence la sous-commission, est chargée de faire toute la lumière sur les dysfonctionnements du foyer de Mancy - bien sûr, «toute la lumière» est une expression consacrée. Personne ne s'attend à ce que toute la lumière arrive d'un coup, ce n'est pas possible. Cela signifie que chacune et chacun peut trouver qu'il manque cela ici, qu'il y a une imprécision là, que tel témoignage aurait été pris pour argent comptant, alors qu'il aurait dû être modéré, etc.
Cela étant, j'ai écouté toute la conférence de presse, qui a duré plus d'une heure et qui était en direct, et globalement, je trouve que ce travail est remarquable, tout à fait pondéré, et apporte - pas toute la lumière, mais apporte une lumière vraiment nécessaire par rapport à cette situation. Je rappelle quand même qu'à un moment, l'opprobre a été jeté sur tout le personnel de l'OMP. Je remercie M. Bläsi d'avoir rappelé le travail essentiel que réalisent toutes ces personnes, avec une population en difficulté et aux besoins éducatifs particuliers, ou qui est handicapée, et ce n'est pas évident, ce n'est pas le quotidien de tout un chacun.
Je pense que M. Cyril Aellen, Mme Jennifer Conti et M. Thierry Cerutti - je tiens à les remercier les trois - ont effectué un travail très important, pondéré, juste et qui amène vraiment un éclairage essentiel là-dessus. J'avais moi-même posé une question écrite urgente le 11 novembre 2021 pour savoir si l'OMP avait la compétence pour gérer un foyer ouvert 365 jours par an - parce que ce n'est pas si évident que cela. Le Conseil d'Etat avait répondu - il avait d'ailleurs mis un peu de temps à répondre à une question qui était un peu dérangeante -, et j'estime que le rapport aujourd'hui apporte aussi une réponse dans ce sens-là.
Je ne vais pas revenir sur tous les éléments de ce rapport, mais, pour Ensemble à Gauche en tout cas, il était nécessaire, c'est une étape, et je pense que le personnel de l'OMP doit se sentir - pas réhabilité, mais en tout cas doit retrouver de la confiance s'agissant de ce qui est contenu dans ce rapport. Et - je le dis aussi, parce qu'à un moment, il y a un peu eu, comment dire, des médias qui ont essayé de s'ériger en tribunal, de faire la pluie et le beau temps, etc. - l'honneur des syndicats est aussi, je trouve, réhabilité dans ce rapport. (Remarque.) Tout à fait ! Oui, Monsieur Cuendet ! Même si vous m'avez pris à partie de manière désobligeante et...
Une voix. Justifiée !
M. Olivier Baud. ...injustifiée... (Remarque.) Je vous remercie ! Je ne vous demande pas des excuses. (Commentaires.) Je trouve simplement que là, le rôle des syndicats est remis à sa juste place et je remercie M. Cyril Aellen dans ce sens, ainsi que Mme Jennifer Conti et M. Thierry Cerutti. Ensemble à Gauche prendra acte de ce rapport. Merci.
Mme Patricia Bidaux (PDC). Mesdames et Messieurs, notre parlement, au travers de ces commissions, joue son rôle, d'autant plus lorsqu'il s'agit de la commission de contrôle de gestion. Les membres du parti socialiste et du PDC-Le Centre se sont dès le départ engagés pour qu'une sous-commission soit mise en place. La lecture de ce rapport doit s'aligner avec celle du rapport de la Cour des comptes, que je vous invite à lire aussi.
Le premier message du groupe PDC-Le Centre va aux familles. Tous les mots que je pourrais formuler restent petits face à ce qu'elles ont vécu, ce que les enfants ont traversé. L'Etat a failli, et a failli dès le départ. Devoir arriver à ce jour pour mettre en avant le b.a.-ba de l'accueil d'enfants, soit de mettre au coeur des dispositifs l'humain, les enfants, les familles et les collaborateurs de terrain... Je suis consternée que les enfants et les familles aient eu à souffrir ce dont elles ont témoigné à plusieurs reprises ! Quant aux collaborateurs, lorsque le système dysfonctionne et que plus rien n'est clair, au point qu'ils ne peuvent plus mesurer les actions professionnelles, alors nous devons réagir et l'Etat doit mettre en place un cadre qui permette à toutes et tous d'être en sécurité.
Faut-il rappeler que nous n'avons cessé de dénoncer le fait que nos départements fonctionnaient de plus en plus en silos ? Nous avons ici non seulement une preuve, mais de nombreuses preuves; des cloisonnements à tous les niveaux, et ce dès le départ, puisque ce foyer n'aurait finalement jamais dû ouvrir dans les conditions d'accueil proposées. Depuis, la Cour des comptes a présenté son rapport, avec une recommandation très élevée, et j'aimerais le dire ici: c'est vraiment très très rare qu'on retrouve ce genre de recommandation. Une recommandation qui relève justement le problème du fonctionnement en silos, souligné par le rapport. Ce n'est pas parce que l'on brandit le mot «urgence» que l'on doit mener toutes les actions sans s'assurer du respect du cadre entourant l'accompagnement de ces jeunes en situation de handicap et, je dirais, de toute notre population.
Dans les silos et les dysfonctionnements, on retrouve ici les problématiques liées à la gestion RH. Les managers de terrain doivent pouvoir accompagner les équipes, qu'elles soient médicales, éducatives ou pédagogiques, mais surtout, ils doivent pouvoir faire le lien entre toutes ces compétences, afin de permettre à chacun et à chacune de donner le meilleur pour le bien de tous ces jeunes, pour le bien de tous. Les collaborateurs méritent un cadre qui leur permette de déployer leurs compétences professionnelles.
J'ajouterai peut-être que la vie des personnes en situation de handicap, c'est toute une vie: de la naissance jusqu'à non pas seulement l'âge adulte, mais jusqu'à la vie qui s'achève ! Leur vie est liée à notre reconnaissance de leur différence, avec le regard volontaire et notre engagement nécessaire pour nous permettre à toutes et tous de vivre ensemble. (Commentaires.)
Ce rapport permet de marquer une étape, et ce que nous allons faire ce soir, ce n'est pas seulement de prendre acte, s'il vous plaît, Mesdames et Messieurs ! Ce n'est pas seulement de prendre acte; ce n'est qu'une étape et elle ne doit pas se cantonner à un foyer, mais doit s'appliquer à l'ensemble de notre engagement pour les personnes en situation de handicap. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. François Baertschi (MCG). Le foyer de Mancy pose un problème institutionnel. C'est la gestion générale du département de l'instruction publique, forteresse socialiste, qui doit être revue de fond en comble. Le MCG est inquiet, car l'ancienne secrétaire générale du département est candidate Vert'libérale au Conseil d'Etat. Ce serait une catastrophe si les Vert'libéraux reprenaient la direction du DIP ! (Rire. Commentaires.)
Une voix. Bien dit !
Une autre voix. C'est fini ? C'était bien rapide !
Le président. Merci, Monsieur le député. Vous nous avez surpris par votre célérité ! (Rires.) Monsieur Sormanni, vous avez la parole.
Une voix. Y a quelqu'un qui est surpris !
M. Daniel Sormanni (MCG). Même moi ! (L'orateur rit.) Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, d'abord, merci au rapporteur de la commission et à ses membres pour l'excellent travail fourni. Effectivement, l'Etat a gravement failli dans cette affaire. Mais bon, si ce n'était que dans cette affaire, ce serait encore une chose ! Malheureusement, il y a plein de problèmes un peu partout.
Ce foyer a été ouvert sans vraiment de moyens adéquats, au sens large du terme: pas de projet institutionnel, des problèmes de personnel, de formation du personnel, de locaux, tout cela ouvert précipitamment et sans qu'on assure un suivi pour corriger peut-être cette ouverture rapide. On a continué à avancer cahin-caha dans cette direction.
Evidemment, on est arrivés très vite à des alertes lancées par des parents: malveillance, maltraitance... Des alertes ont été envoyées et, visiblement, elles avaient un peu de peine à remonter ! Est-ce qu'on a peur dans ce département de lancer des alertes ? Est-ce qu'on a peur de faire remonter l'information jusqu'au sommet ? (Remarque.) Est-ce que finalement, la façon dont tout cela est géré au sein du département... Les nominations, et encore les nominations récentes: on remplace des socialistes par des socialistes... Ce n'est que ça ! Est-ce que vraiment, ils sont à la bonne place ? (Remarque.) On est en droit de se poser des questions.
Ce rapport arrive à point nommé. Il faudra bien sûr corriger cela et aussi reprendre en main ce qu'il se passe au département de l'instruction publique, parce que, visiblement, en tout cas dans cette affaire, le département a failli. Et j'aimerais demander pardon aux parents pour l'Etat... (Remarque.) ...de ce qu'il s'est passé. C'est parfaitement inadmissible et je dirai: plus jamais ça ! Je vous invite bien entendu à voter les conclusions de la sous-commission, reprises par la commission de contrôle de gestion. Je vous en remercie. (Commentaires. Applaudissements.)
M. André Pfeffer (UDC). J'aimerais juste amener un avis complémentaire. A Genève, il existe une tendance consistant à isoler, à institutionnaliser et à mettre nos handicapés dans des centres fermés. Comme je l'avais déjà fait une fois, je cite l'exemple d'un centre en Angleterre, où il y a des handicapés et des polyhandicapés très sévères et qui pourtant est totalement ouvert. Une ou deux fois par mois, le centre organise une discothèque ouverte à tous les jeunes de la région. (Remarque.) Il existe aussi de nombreuses sorties pour les pensionnaires, et beaucoup de jeunes et d'adultes habitant dans la région y participent et aident. (Remarque.) Cet exemple devrait nous inspirer. Merci de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Patrick Dimier pour une minute.
M. Patrick Dimier (MCG). Merci, Monsieur le président. J'ai rarement besoin d'autant. C'est juste pour dire à l'adresse de la magistrate qui s'occupe de cette problématique que lorsqu'on veut être cru, il faut être crédible. Et force est de constater, au bout de cette législature, que vous n'avez pas été crédible; sur plusieurs sujets, mais sur le plus délicat d'entre tous, celui des personnes en situation de handicap. Comment dire notre colère autrement qu'en vous rappelant, au moment où vous allez quitter le gouvernement, que c'est peut-être la meilleure décision politique que vous ayez jamais prise ? (Exclamations. Commentaires.)
Le président. Monsieur le député, merci, mais je vous rappelle qu'on respecte le Conseil d'Etat. (Commentaires.) Monsieur Cyril Aellen, vous avez la parole.
M. Cyril Aellen (PLR), rapporteur. Merci, Monsieur le président. On parle d'alertes, de gestion des difficultés, mais il faudra aussi que cela ne se reproduise pas, tout simplement, et non pas qu'on ait les alertes sur ce qui dysfonctionne. Ce n'est pas qu'une question de meilleure gouvernance, ce n'est pas qu'une question de budget. Dans le cas particulier, le budget n'était pas problématique. L'Etat s'est employé à moderniser sa politique de ressources humaines, avec l'adoption d'une stratégie intitulée «Travailler autrement». Ce document met en oeuvre la vision du Conseil d'Etat exprimée dans son programme de législature 2018-2023 et repose sur les principes suivants - d'excellents principes: l'autonomie, la confiance, la collaboration, la responsabilisation et les résultats.
Mesdames et Messieurs, la balle est aussi dans le camp du parlement aujourd'hui, parce que nous devons, dans toutes nos décisions, reprendre et remettre au centre du dispositif les gens pour lesquels on délivre des prestations, dans le cas d'espèce, les jeunes et les familles, avec la collaboration du personnel de terrain. Il faut aujourd'hui penser à mettre en place une politique fondée sur la prestation, qui fait la part non pas seulement des droits, mais aussi des devoirs et de ce que cela implique pour servir nos concitoyennes et nos concitoyens. Merci. (Applaudissements.)
Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, vous l'avez dit, l'Etat a failli, et je tiens à réitérer ici, devant vous, solennellement, les excuses non seulement du département, mais les miennes, et celles sans doute aussi d'autres collaboratrices et collaborateurs de l'Etat, qui n'ont pas su être à la hauteur des besoins de ces jeunes qui se trouvaient au foyer de Mancy.
Le Conseil d'Etat prend acte des recommandations du rapport - je ne vais pas y revenir dans le détail. Le rapport a pour but d'essayer de dire: «Plus jamais ça !» Je crois que c'était votre message, Monsieur Aellen, Mesdames et Messieurs de la sous-commission. (Remarque.) Le rapport est donc axé sur le passé, mais il nous faut maintenant regarder en avant et essayer de voir comment faire en sorte que de tels événements ne se reproduisent plus.
Je vous dirai peut-être d'abord où on en est pour le foyer de Mancy, concrètement, aujourd'hui, parce que les choses ont bougé. Je dois vous dire que nous avons suivi une des premières recommandations qui avaient été formulées déjà avant, il y a quelque temps, par d'autres experts, à savoir d'avoir des foyers plus petits. Nous sommes maintenant à cinq jeunes à Mancy et non plus huit, de sorte que la prise en charge soit plus adéquate. Un partenariat a été organisé avec les familles, un projet institutionnel est en cours de finalisation - c'est un des éléments qui avaient été relevés - et doit être fini d'ici la fin du mois. Tout un travail a été réalisé dans la gestion et l'accompagnement des professionnels, avec la mise en place d'une direction de proximité, qui gère d'ailleurs les deux foyers accueillant le même type de population - Pré-Lauret et Mancy. Il y a une stabilisation de l'équipe, qui est pluridisciplinaire - on avait beaucoup critiqué le fait qu'il manquait par exemple des infirmiers à un moment donné à Mancy; l'équipe est maintenant pluridisciplinaire. Il y a des éducateurs, des infirmiers, des assistants socioéducatifs et toute la partie intendance, bien évidemment. Des formations continues ont été mises en place, notamment sur les troubles du spectre autistique, des colloques d'équipes qui avaient été supprimés ont été réintroduits, il y a de la supervision pour les équipes et de l'analyse des pratiques et des situations complexes.
Tout ce qui concerne la gestion (médicaments, organisation, etc.) a été revu, les locaux ont été améliorés - et, soit dit en passant, en quelques années, il y a eu pour près d'un million de francs de travaux à Mancy; ne pensez pas que rien n'a été fait. Des salles correspondant mieux aux besoins des enfants ont été mises à disposition. Le parc informatique a été revu et la surveillance du foyer est effective; elle est effectuée maintenant par l'office de l'enfance et de la jeunesse, depuis quelques mois. Les choses ont donc changé et on peut dire que la situation est maintenant stabilisée à Mancy et que les jeunes sont bien pris en charge.
Maintenant, il faut vous dire aussi que ce que relève la sous-commission - et la commission ensuite -, c'est que c'est tout le fonctionnement de l'OMP qui n'a pas joué. C'est dit très clairement - on parle à un moment donné de «gabegie», je n'irais pas forcément jusque-là, mais on parle de désorganisation importante, tant du foyer que de l'office médico-pédagogique. Un plan d'actions est en cours depuis maintenant plus d'une année. Il a été mis en place par la direction ad interim il y a plus d'une année. Il concerne tout ce qui a trait à la formation du personnel (donc ce qui est métier), tout ce qui a trait aux RH (on a vu qu'un des gros problèmes était la gestion RH à l'intérieur de l'OMP), les infrastructures et surtout la gouvernance de cet office.
J'aimerais revenir à ce propos sur un élément important. Depuis que je suis au département, je me suis interrogée sur cette gouvernance. J'ai lancé un certain nombre d'analyses, dès 2014 déjà, et manifestement, cela n'a pas suffi; on n'a pas trouvé ce qui dysfonctionnait, ce qui n'allait pas ou ce qui ne permettait pas à cet office de fonctionner. Il y a donc probablement des questions à se poser sur l'organisation même de l'office, et c'est aussi quelque chose qui a été demandé à des experts extérieurs au canton, notamment la responsable du service de pédopsychiatrie du CHUV, ainsi que le responsable du Centre suisse de pédagogie spécialisée, pour essayer d'analyser le rapport entre le médical, le thérapeutique, le pédagogique et l'éducatif. Ce rapport a été réalisé également à la demande du DSPS et sera rendu d'ici quelques semaines.
Mais au-delà de cela et malgré l'engagement très fort de la plupart des collaboratrices et des collaborateurs de l'OMP, nous devons revoir la gouvernance de cet office. Et quand on s'interroge sur la non-remontée des alertes, plutôt que de tirer sur le messager, intéressez-vous peut-être aussi, Mesdames et Messieurs les députés, à ce que cela signifie quand on remet en question certains fonctionnements dans un office; il y a aussi parfois une réaction de crainte du personnel et après, on a tendance à dire que les lanceurs d'alerte ne sont pas écoutés ou des choses de ce type-là.
Alors oui, l'Etat a failli. L'Etat a failli à tous ces niveaux. Mais j'aimerais dire, Mesdames et Messieurs les députés, que le rapport oublie peut-être un acteur, qui est essentiel et sur lequel il va falloir compter lors de la prochaine législature. C'est le Grand Conseil. Parce que le Grand Conseil doit être là aussi pour, lorsque c'est nécessaire, donner les moyens. (Exclamations. Commentaires.) Or, en 2020, par exemple, lorsque nous étions en pleine période covid... (Commentaires.) ...il n'y avait pas de budget, il n'y avait pas de postes supplémentaires pour le DIP. (Brouhaha.) Il a fallu faire à l'OMP une rentrée scolaire dans des conditions extrêmement difficiles, en économisant sur d'autres secteurs du DIP. Lorsque, l'année dernière, nous sommes venus... (Commentaires.)
Le président. Un instant, Madame la conseillère d'Etat ! (Un instant s'écoule.)
Mme Anne Emery-Torracinta. Lorsque l'année dernière, après l'affaire de Mancy, nous sommes venus à la commission des finances avec un plan d'actions, avec un certain nombre de postes qui ont été demandés, la réaction majoritaire de la commission des finances a été de dire non, puis, après quelque temps... (Vifs commentaires. Protestations.)
Des voix. Chut !
Le président. S'il vous plaît ! Laissez parler la conseillère d'Etat ! (Commentaires.) Laissez parler la conseillère d'Etat, s'il vous plaît !
Mme Anne Emery-Torracinta. Puis, après, cela a été de dire: «Uniquement les postes de terrain.» Alors que ce que le rapport de la sous-commission - adopté par l'entier de la commission - montre, c'est que ce n'est pas qu'une question de postes de terrain, ce n'est pas qu'une question de formation du personnel: c'est aussi une question d'organisation. (Commentaires.)
Je vous invite donc, Mesdames et Messieurs les députés, à faire vôtres ces recommandations et aussi à réaliser que peut-être, s'il y a une chose qu'il faut retenir de cette terrible affaire de Mancy, c'est qu'il n'est pas facile de prendre en charge des personnes en situation de handicap, qui ont à la fois une déficience intellectuelle et de gros troubles du comportement, que cela nécessite des moyens et que nous sommes tous responsables de donner les moyens adéquats pour cette population. Je vous remercie de votre attention. (Commentaires. Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs, je vous fais voter... (Remarque.) On ne s'exprime plus après le Conseil d'Etat, Monsieur Sormanni. Nous passons à la procédure de vote. (Commentaires.)
Mis aux voix, le rapport divers 1517 est approuvé et ses recommandations sont transmises au Conseil d'Etat par 94 oui (unanimité des votants) (vote nominal).
Premier débat
Le président. Voici la prochaine urgence: le PL 13011-B que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Madame Nicole Valiquer Grecuccio, vous avez la parole.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, nous en arrivons au point concernant un crédit d'investissement pour l'éducation au numérique. (L'oratrice insiste sur le mot «au».) Ce sujet est important. Il y avait déjà eu un rapport de la commission des travaux... (Brouhaha.) Excusez-moi, Monsieur le président, ce n'est pas que je veux vous faire une remarque, mais il y a beaucoup de bruit et j'ai de la peine à me concentrer.
Le président. Oui, vous avez raison, Madame. S'il vous plaît ! Il faut écouter la rapporteure; elle est toute seule en plus, donc faisons silence. Vous pouvez poursuivre, Madame la rapporteure.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio. Merci, Monsieur le président, pour votre compréhension. Il est donc question d'un rapport sur l'éducation au numérique et les investissements nécessaires en la matière. Il y avait déjà eu un premier rapport de la commission des travaux, lequel avait été renvoyé en commission pour que nous puissions y étudier un complément d'information.
Un amendement nous a été présenté par le département de l'instruction publique s'agissant d'une nouvelle directive fédérale - d'une ordonnance, pardon - intervenue dans l'intervalle sur la formation dans les métiers du commerce. L'informatique est obligatoire pour l'ensemble des étudiantes et étudiants suivant ce cursus, et il s'est donc agi, par cet amendement, de donner les moyens d'équiper ces personnes de manière égalitaire.
Ces outils englobent le fait de dépanner les étudiants lorsqu'il y a, c'est le cas de le dire, une panne dans le matériel fourni, vu que tout se fait par informatique, qu'ils aient accès à leurs programmes, et enfin de pouvoir leur proposer du matériel de dépannage qui, d'ailleurs, peut aussi leur être offert par le département.
Le département de l'instruction publique a entendu les critiques qui avaient été émises lors du travail ayant donné lieu au premier rapport de commission et a déposé un second amendement de moratoire concernant les appareils pour les 1P à 4P, comme nous l'avions demandé: ce sont 1800 tablettes auxquelles il a été renoncé pour tenir compte des positions exprimées.
La commission des travaux, dans sa très grande majorité, vous recommande aujourd'hui d'accepter ce projet de loi qui, comme je viens de l'indiquer, prend en considération les premières critiques formulées s'agissant de l'équipement des tout-petits et octroie des moyens aux étudiantes et étudiants dans le secteur du commerce. Nous vous invitons à suivre les conclusions de la commission des travaux. Je vous remercie.
M. Stéphane Florey (UDC). Le groupe UDC n'est pas convaincu par le résultat du deuxième passage en commission. Les éléments apportés auraient dû faire l'objet d'un autre projet de loi, puisqu'il a essentiellement été question de mettre en oeuvre l'ordonnance fédérale ORFO23 sur la formation commerciale, et là-dessus, nous aurions été d'accord d'entrer en matière.
Malheureusement, certainement par déni de démocratie, le département ne nous a pas fourni les chiffres demandés. Nous ne les avons jamais reçus, Madame la conseillère d'Etat, alors que je les avais sollicités précisément dans le but de formuler un amendement. Je le répète, nous n'avons rien obtenu. Sur le fond, nous restons persuadés que le PL 13011 ne constitue pas la solution dont nos écoles ont besoin.
Une dernière chose, Madame la conseillère d'Etat: je suis désolé, mais puisque tout à l'heure, vous avez à demi-mot accusé le Grand Conseil de ne pas donner de moyens, s'il vous faut au moins 9 millions, eh bien retirez votre projet de loi, utilisez ce montant pour des projets réellement nécessaires et qui feront du bien à toutes nos institutions, déposez un autre texte afin d'appliquer l'ORFO23 et tout le monde sera gagnant dans cette affaire. Je vous remercie.
M. Christian Flury (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, ce projet de loi ouvrant un crédit d'investissement ramené à 8 938 000 francs est destiné à équiper les établissements de l'enseignement obligatoire et de l'enseignement secondaire II d'outils nécessaires à l'éducation numérique.
En substance, le DIP a amendé son projet initial à la baisse compte tenu de la réticence de la commission des travaux à entrer en matière sur la large attribution de tablettes au niveau primaire, années de formation pendant lesquelles les élèves doivent tout d'abord apprendre par la perception et la manipulation. En effet, c'est la préhension des outils graphiques - crayons, stylos, puis plumes, pinceaux et autres Neocolor - et leur manipulation qui permettent à l'élève de progresser, de se familiariser avec l'écriture, le croquis ou le dessin.
S'agissant des niveaux de formation supérieurs, les étudiants et apprenants en écoles professionnelles doivent pouvoir apprivoiser et se former avec les programmes qui seront leurs outils de travail de demain ainsi que se connecter à des plateformes en ligne pour y trouver des moyens d'enseignement et des ressources pédagogiques nécessaires à leur formation.
Au niveau des écoles de commerce ou professionnelles, une ordonnance fédérale fixe cette nécessité. Il est également prévu une réserve d'ordinateurs à donner aux élèves qui n'auraient pas les moyens d'acheter leur propre matériel, mais aussi pour en prêter à ceux dont les appareils personnels seraient en panne.
Mesdames et Messieurs les députés, le groupe MCG vous invite à soutenir ce texte afin que le DIP puisse faire face aux défis de la formation des apprenants dont l'acquisition des compétences professionnelles est intimement liée à l'utilisation et à la maîtrise de l'outil informatique. Je vous remercie de votre attention. J'ai terminé, Monsieur le président.
M. Rémy Pagani (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, je n'ose pas le dire, mais j'étais très sceptique quant à ce projet de loi car, dans le cadre des auditions, de nombreuses personnes ont relevé un certain nombre d'anomalies, mettant notamment en évidence ce qu'on appelle la fracture numérique. En effet, on sait très bien que des familles avec trois ou quatre enfants n'ont pas forcément les moyens d'acheter un ordinateur.
Par ailleurs, et chacun d'entre nous en fait l'expérience, le fait de passer toute la journée le nez collé à ces petits instruments induit des troubles chez les enfants fragiles et fragilisés psychologiquement, des études l'ont prouvé. On en arrive à des pratiques de non pas une heure devant l'écran, mais de quasiment 24 heures sur 24 pour éviter de se confronter aux rapports entre êtres humains et rester uniquement face à la machine.
Il y a encore un autre problème, à savoir que ces appareils ne sont pas simplement comme des instruments de musique, pour lesquels on peut dire: «Ceux qui n'ont pas d'instrument, eh bien on le leur paie et ils peuvent faire de la musique.» Non, cela engendre et cela va continuer à engendrer une commercialisation, et ce ne sont même pas des livres: les jeunes vont aller chercher sur la toile toute une série de petits programmes qui en entraîneront d'autres, donc ils exigeront des abonnements. Tout cela favorise, dès le plus jeune âge, une commercialisation des rapports humains, ce qui est détestable. Nous avons toujours défendu, à Ensemble à Gauche, au sein de la Liste d'union populaire, le fait que l'Etat doive se tenir hors des échanges commerciaux, notamment dans l'éducation. Par conséquent, nous étions très dubitatifs quant à ce texte.
Après avoir auditionné plusieurs enseignants et en avoir discuté avec notre collègue Olivier Baud, nous avons finalement accepté ce compromis pour l'éducation des enfants au numérique, mais on est bien d'accord qu'il faudra appliquer toutes les cautèles nécessaires, notamment pour les petits. Nous nous sommes ralliés à la proposition du département, car en commission, celui-ci a fait le constat qu'il n'arriverait pas à faire passer ses objectifs d'éducation au numérique pour les plus jeunes. Voilà pourquoi nous adhérons au projet.
Toutefois, nous maintenons, et j'insiste là-dessus, qu'il existe de vrais dangers du point de vue de la fracture numérique, parce que certaines familles n'auront pas les moyens de souscrire aux exigences de leurs enfants. Quand ces derniers rentreront à la maison, ils s'écrieront: «Mon copain a des outils digitaux, et moi je n'en ai pas !» Et je ne parle même pas de la logique commerciale que cela va amener dans la tête de nos enfants. Je vous remercie de votre attention.
M. Youniss Mussa (S). Chères et chers collègues, le numérique représente l'un des enjeux les plus importants dans la formation. Quand j'entends la description faite par mon collègue Pagani, je suis un peu étonné. Les enfants sont déjà connectés d'une manière ou d'une autre; on peut trouver cela bien ou mal, mais c'est un fait: les enfants sont déjà connectés, que ce soit par des smartphones ou des appareils électroniques à la maison. Il s'agit précisément de faire le choix de prendre plus de précautions pour que les élèves utilisent les outils numériques au mieux. Pour cela, les moyens demandés par le département sont nécessaires. Voilà pourquoi le groupe socialiste votera ce projet de loi.
Il faut souligner également que pour notre économie, former la jeunesse à toutes les questions qui touchent au digital est essentiel. Nous avons des obligations intercantonales, surtout quand on voit ce qui se passe dans les autres cantons romands: pas plus tard qu'il y a quelques mois, le canton de Vaud a voté 40 millions en faveur du numérique, cela doit être dit. Genève doit donc se mettre à la page et suivre les autres cantons romands sur la voie du numérique pour que nos élèves et étudiants ne restent pas sur le bord du chemin. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Xavier Magnin (PDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, il faut arrêter de faire l'autruche en croyant qu'on peut avancer autrement; il faut arrêter de vouloir vivre dans un musée suranné et de faire de l'école un vieux machin sans innovation et créativité. Et encore, les musées - pour autant qu'on les construise ! - proposent plus d'interactivité digitale.
Certes, les amendements réorientent les objectifs, mais, s'il s'agit de convaincre un peu plus, l'obligation imposée par la Confédération dans le cadre de l'ordonnance ORFO23 sur la formation commerciale nécessite de s'équiper pour, au minimum, parer aux manques. La pandémie a démontré qu'environ 5% des élèves ne possèdent pas le matériel adéquat.
Par ailleurs, il faut se préparer à ce que d'autres filières passent à la digitalisation des contenus, sans compter que cela fait partie des objectifs du PER (plan d'études romand). Pour la CIIP, la finalité est «qu'aucun élève n'atteigne le secondaire II sans avoir bénéficié d'une formation intégrant à la fois la science informatique, l'usage des outils numériques et l'éducation aux médias». Ce n'est donc plus un souhait, mais un impératif.
Le monde professionnel l'exige également, la forte digitalisation de notre société ne nous permet pas de nager à contre-courant. Il convient d'éviter l'illectronisme et de promouvoir un usage positif et formateur de l'outil informatique, pour autant qu'il soit bien maîtrisé. Le groupe Le Centre acceptera le projet de loi 13011 tout en remerciant la députée Valiquer Grecuccio pour son excellent rapport.
Une voix. Bravo ! (Commentaires.)
M. David Martin (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, la question du numérique est le plus souvent assez clivante, que ce soit au sein de notre parlement ou dans la société en général, parce que le digital est entré dans nos vies de façon extrêmement brutale au cours des dernières décennies et que nous avons tous besoin de nous approprier ces nouveaux outils qui modifient profondément notre monde.
Ce sujet ne fait pas non plus l'unanimité chez les Verts, où il y a deux positions différentes. Selon la première, qui est majoritaire, le numérique fait partie de nos vies - mes préopinants l'ont relevé -, tout comme il fait partie de cette salle - on le voit d'ailleurs très facilement -, et il est plus judicieux de se l'approprier de façon proactive, de former nos élèves à l'utiliser intelligemment plutôt que de subir les technologies de manière passive.
L'autre partie de notre groupe part du principe que le numérique à l'école n'a pas fait ses preuves dans les lieux où il a été déployé, et il y a une forte crainte que les équipements informatiques ne soient pas accompagnés de l'encadrement suffisant, notamment du point de vue de la souveraineté numérique, de la protection des données, de la limitation de l'impact environnemental des différents outils - que ce soit au niveau du hardware ou de la question énergétique - et de la formation des enseignants, lesquels vont devoir utiliser les appareils avec les élèves de façon adéquate.
Le deuxième passage en commission a influencé notre position dans la mesure où, comme cela a été souligné, de nouveaux supports de cours vont être incorporés qui proviennent de l'échelon fédéral, notamment pour les 3000 apprentis de commerce: dès la rentrée 2023, leur matériel d'enseignement ne sera disponible plus qu'électroniquement. C'est un élément dont nous avons tenu compte, et nous avons aussi apprécié d'observer que le DIP et l'OCSIN font un premier pas dans la direction d'un usage des ressources un peu plus conscient de leur impact environnemental, notamment via le recours à des ordinateurs de seconde main; de premiers signes positifs que nous percevons à ce stade et que nous appelons à renforcer.
Dès lors, nous allons voter ce projet de loi - enfin, une majorité du groupe le fera, mais ce ne sera pas unanime - tout en émettant certaines réserves et en demandant au Conseil d'Etat de déployer ces équipements informatiques avec toute la vigilance nécessaire. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Jacques Béné (PLR). Je dirai juste quelques mots pour expliquer la position du PLR. J'avais rédigé un rapport de minorité lors du premier traitement de ce texte, parce que nous n'étions pas convaincus par le projet... Enfin, c'était un rapport de majorité, mais qui visait à refuser le crédit d'investissement, parce que nous n'étions pas convaincus par le projet pédagogique qui y était lié. Aujourd'hui, nous ne sommes toujours pas convaincus par le projet pédagogique, même si quelques modifications ont été apportées.
Le numérique, c'est un débat extrêmement émotionnel. Preuve en est qu'au sein de chaque groupe politique, tout le monde ne partage pas la même vision des bienfaits et des dégâts de l'usage des écrans - parce qu'on parle toujours des écrans; il existe autant d'études qui démontrent que c'est bénéfique que d'études qui démontrent que c'est néfaste, et si l'objectif est une éducation ciblée «au» numérique, ce n'est pas une éducation «par» le numérique, il faut faire très attention à cela. A cet égard, dans le projet initial, et les e-mails que nous avons reçus de différentes associations l'ont confirmé, les choses étaient mal formulées.
Aussi, Madame la conseillère d'Etat, il faudra vraiment rendre votre successeur attentif au fait qu'un vrai projet pédagogique de fond est nécessaire, c'est la base sur laquelle nous voulons travailler: un vrai projet pédagogique sur la transition numérique qui devra intégrer d'une part la formation des enseignants, car il s'agit d'un élément clé - on l'a bien compris lors des débats, notamment eu égard aux expériences vécues par les écoles privées, lesquelles ont une large longueur d'avance sur l'instruction publique par rapport à cette problématique -, d'autre part une réelle réflexion avec les parents sur la place que ces outils doivent tenir au quotidien et pourquoi, enfin une éducation aux médias pour éviter les dérives, parce que c'est aussi de cela qu'on a parlé, et faire prendre conscience aux élèves de ce qui peut arriver.
Pour conclure, je répéterai les paroles qu'Alain Moser, patron d'école privée, a prononcées lors d'une audition très intéressante: «La révolution numérique n'a de sens que si c'est une révolution collaborative» - voilà ce qu'on attend, une révolution collaborative; «grâce aux outils numériques, les enfants collaborent mieux, les adultes aussi». Merci donc au futur chef du département d'être bien soucieux de ce projet pédagogique. Après discussion au sein de notre groupe, nous avons décidé d'accepter ce projet de loi tel qu'amendé par le Conseil d'Etat. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, quel bonheur d'entendre qu'après plusieurs années, on arrive à un compromis, voire à un consensus, dans ce parlement, tant il est vrai que l'éducation au numérique - et vous avez raison, Monsieur le député Béné, d'insister sur ce point - est plus que jamais indispensable aujourd'hui. Je ne prendrai qu'un exemple récent qui a créé beaucoup d'émoi dans les écoles: ChatGPT. L'intelligence artificielle nous pose de réels défis à la fois sur le plan de la formation des élèves et sur celle des enseignants. En effet, comment travailler de manière critique autour de la question de ChatGPT si on n'a pas la possibilité d'appréhender, de tester cet outil ?
Pour rassurer tout le monde, je précise qu'il s'agit d'une éducation au numérique qui, comme vous l'avez indiqué, Monsieur le député Magnin, repose sur trois axes: il y a d'abord la science informatique - connaître un peu le sujet, à des degrés divers selon l'âge ou la filière, maîtriser l'informatique, comprendre le coeur du système, si je puis dire -, ensuite l'utilisation des outils - il faut les employer à bon escient, on ne se sert pas de n'importe quel outil à n'importe quel moment pour n'importe quelle activité -, enfin et surtout la partie liée à la distance critique, à la citoyenneté numérique: il s'agit de prendre du recul, d'être capable de comprendre ce qu'est une «fake news», une fausse information, de garder une distance par rapport aux réseaux sociaux, aux médias, à la vitesse à laquelle circule l'information. C'est un travail extrêmement intéressant.
Concernant la dépendance aux GAFAM dont on entend beaucoup parler, sachez que, depuis quelques années, nous menons un projet dans deux ou trois cycles d'orientation intitulé Pentila Néro, qui est hébergé à Genève et nous permettra, petit à petit, de nous dégager de l'emprise des grandes entreprises digitales. Si ce projet pilote aboutit, mon successeur aura l'occasion de revenir devant votre parlement pour en proposer l'élargissement ainsi que des moyens, ceci précisément pour éviter que nous soyons dépendants d'autres pays.
Voilà, donc merci à la majorité du Grand Conseil qui soutient ce projet de loi indispensable pour la formation des jeunes aujourd'hui. Celui-ci s'accompagne bien sûr d'une formation des enseignants; cette partie n'est pas visible dans les budgets d'investissement, mais elle l'est dans ceux de fonctionnement: des ressources seront utilisées pour la formation du corps enseignant.
Le président. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs, c'est le moment de voter.
Mis aux voix, le projet de loi 13011 est adopté en premier débat par 75 oui contre 8 non et 2 abstentions.
Le projet de loi 13011 est adopté article par article en deuxième débat.
Mise aux voix, la loi 13011 (nouvel intitulé) est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 75 oui contre 10 non et 4 abstentions (vote nominal).
Premier débat
Le président. Nous continuons nos urgences avec le PL 13162-A, qui est classé en catégorie II, trente minutes. Le rapport est de Mme Amanda Gavilanes, remplacée par Mme Nicole Valiquer Grecuccio, à qui je passe la parole... (Brouhaha.) ...s'il est possible d'obtenir le calme dans la salle ! (Un instant s'écoule.) Allez-y, Madame.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S), rapporteuse ad interim. Merci, Monsieur le président. En effet, Mesdames et Messieurs les députés, j'interviens ici en remplacement de ma collègue Amanda Gavilanes, qui est l'auteure de ce rapport, mais qui a été retenue pour des raisons impératives. Je la remplace en ma qualité de présidente de la commission des travaux. (Brouhaha.)
Des voix. Chut !
Le président. Un instant, s'il vous plaît ! Si le premier rang sur la droite voulait bien faire silence, on n'entend plus la rapporteure. Poursuivez, Madame.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio. Merci beaucoup. Comme vous le voyez, il s'agit de remplacer le système d'information et de communication du DIP. Je ne vais pas entrer dans le détail des éléments techniques qui nous ont été exposés; même si nous les avons entendus et compris, je serais bien en peine de vous les réexpliquer.
Il faut rappeler que nous avions voté une première loi en 2017 d'un montant à peu près équivalent à 10 millions; il s'agissait de nous donner les moyens de réformer le système d'information et de communication en vue d'une gestion beaucoup plus opérationnelle du département de l'instruction publique et de répondre aux besoins de ses directions générales, du service de la recherche en éducation, du service de l'enseignement privé, afin d'assurer le pilotage - c'est extrêmement important - du système éducatif. Au final, il s'est avéré que ce crédit n'était pas suffisant, raison pour laquelle nous sommes aujourd'hui saisis d'un nouveau projet de loi d'investissement d'environ 20 millions.
Un prestataire a été choisi. Alors on peut se demander pourquoi cette entreprise-ci et pas d'autres; il se trouve qu'il est fondamental de pouvoir nous appuyer sur une société bénéficiant déjà d'une expérience dans le domaine de la formation, en l'occurrence auprès de plusieurs départements du canton de Vaud, et capable de satisfaire aux besoins du département de l'instruction publique.
J'aimerais relever deux points qui me semblent importants. D'abord, comme l'a signalé M. Dal Busco lors des travaux - je me permets de le dire, puisqu'il n'est pas là -, ce nouveau crédit d'investissement répare en quelque sorte un péché de jeunesse du projet, car à l'époque, il n'y avait pas eu de crédit d'étude. Nous nous étions lancés directement dans un processus d'opération, et il s'avère que le montant voté est nettement insuffisant, car il nous faut un prestataire qui puisse vraiment résoudre les problèmes qui se posent.
Ensuite, pourquoi retenir cette entreprise en particulier ? En choisir une autre aurait présenté un risque eu égard aux besoins de la formation; au vu de l'ampleur du projet, il convient de s'appuyer sur une expertise éprouvée.
Ces explications ainsi qu'une démonstration dont la commission des travaux a bénéficié «en live», si j'ose dire, ont permis de convaincre la majorité des commissaires d'accepter ce crédit d'investissement d'un peu plus de 20 millions afin de remplir toutes les exigences et de faire en sorte que la gestion opérationnelle du département de l'instruction publique fonctionne et soit à la hauteur d'une école du XXIe siècle. Pour toutes ces raisons, je vous invite, au nom de la commission des travaux, à adopter le présent projet de loi. Merci.
M. Christian Flury (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, ce crédit d'investissement de quasiment 21 millions de francs vient compléter la loi 12080 qui ouvrait un premier crédit d'investissement en vue du remplacement du système d'information et de communication pour l'éducation et la formation.
En substance, il s'agit d'équiper le DIP d'un logiciel de gestion administrative global dans cinq domaines: soutenir les activités administratives et organisationnelles des établissements scolaires; assurer le parcours de formation scolaire et professionnelle des élèves jusqu'à leurs 18 ans; répondre aux obligations cantonales et fédérales d'évolution du système de formation; obtenir des tableaux de bord et indicateurs permettant le pilotage de la politique publique de formation; s'inscrire dans les priorités édictées par le Conseil d'Etat concernant la transformation numérique de l'administration.
Ce dispositif remplacera les actuels programmes qui avaient été créés au fil des ans par des enseignants ou des informaticiens de génie, dont certains arrivent actuellement à saturation - les systèmes informatiques, donc, pas les professeurs ! - ou à la limite de l'obsolescence et représentent un fort risque structurel pour le département en cas de défaillance. Imaginez que le système plante, le DIP ne serait pas capable de gérer les rentrées scolaires !
La solution retenue au terme du processus de sélection est opérationnelle dans d'autres cantons et dans diverses écoles hors de Suisse et donne entière satisfaction. Le groupe MCG vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à suivre la très large majorité de la commission des travaux et à soutenir ce projet de loi qui permettra au DIP de disposer d'un outil de gestion, de suivi et d'information performant et au goût du jour. Je vous remercie de votre attention.
M. Stéphane Florey (UDC). En ce qui concerne les besoins qui ont été relevés par M. Flury et Mme Valiquer, on peut être d'accord, mais il faut juste comprendre, et c'est là où nous sommes en désaccord, que nous avons déjà déboursé pas loin de 10 millions, et on vient nous dire aujourd'hui qu'il faut encore ajouter 20 millions. Mais enfin, à un moment, il faut arrêter ! Si le système ne fonctionne pas avec 10 millions, alors il n'est tout simplement pas approprié. On prétend qu'il marchera mieux avec 20 millions supplémentaires; je suis désolé, mais nous émettons de larges doutes là-dessus.
C'est dans ce sens que l'UDC s'est abstenue en commission, nous n'avons pas été convaincus. En plus, reprendre ce qui vient d'un autre canton pour l'étendre à ce qui existe déjà à Genève, est-ce réellement la bonne solution ? L'UDC n'en est pas persuadée. Il aurait peut-être mieux valu dresser un constat d'échec, reconnaître l'erreur : «Non, le dispositif prévu avec les 10 millions ne fonctionne pas, abandonnons-le, reprenons de zéro toute cette affaire et utilisons ce qui marche ailleurs.»
Mais vouloir ajouter 20 millions à un projet de 10 millions qui n'a pas fait ses preuves jusque-là, excusez-moi encore une fois, ça nous laisse dubitatifs quant à l'efficacité de la mesure. Au final, nous nous abstiendrons à nouveau, parce que nous ne sommes largement pas satisfaits de la méthode; pour nous, il aurait fallu trouver autre chose. Je vous remercie.
M. Rémy Pagani (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, c'est très bien que j'intervienne juste après M. Florey, parce que je partage une partie de ses préoccupations. On a lancé un appel à projets pour ce système informatique - toute la procédure a été respectée -, on a déjà perdu une somme considérable - 10 millions - sans être arrivé à grand-chose. Des artistes - parce qu'il s'agit vraiment d'artistes informaticiens - sont venus plaider leur cause et nous réclament 20 millions de plus.
Alors on se dit: soit on jette les dix premiers millions par la fenêtre et on recommence tout, soit on prend le risque de relancer la mise. C'est comme au casino: c'est quand vous en sortez que vous vous rendez compte si vous avez fait des affaires ou si vous avez perdu votre chemise. En l'occurrence, on risque bien de perdre notre chemise ! Mais il faut tout de même aller de l'avant, parce qu'on parle d'un montant important, et on ne peut pas juste passer 10 millions, comme ça, en pertes et profits.
Un autre problème nous rend encore plus dubitatifs, c'est la question du contrôle. Un mot a été lynché... lâché, je veux dire - vous comprendrez pourquoi j'ai commis ce lapsus -, à savoir le profilage des élèves. En effet, on va suivre les élèves à la trace, on saura ce qu'ils ont fait quasiment depuis l'école primaire jusqu'à l'université - pour celles et ceux qui auront la chance de fréquenter l'université.
J'ai cité, parce que je viens d'un quartier populaire - la Jonction - le cas d'un copain qui était près des radiateurs, comme on dit, qui n'était pas très bon à l'école. Aujourd'hui, il est directeur d'une grande boîte automobile. En fait, il se trouve qu'il a eu la chance, en quelque sorte, de perdre ses carnets scolaires. Et heureusement qu'il les a égarés, car ça lui a permis de se présenter à des employeurs en valorisant des compétences qu'il n'avait pas développées à l'école, mais ailleurs. Avec le système qu'on veut mettre en place ici, on va profiler les élèves, lesquels n'auront plus la chance de perdre leurs carnets de notes.
Pour moi, c'est quelque chose de grave, ça marque une rupture avec l'idée qu'il faut offrir une chance à tout un chacun. Je vous rappelle qu'André Chavanne avait permis à des élèves qui n'avaient pas suivi le cursus scolaire traditionnel d'intégrer l'université après un examen succinct de leurs connaissances. A cet égard, M. Florey a partiellement raison, et c'est pour ça que nous nous abstiendrons. Je vous remercie de votre attention.
M. Jacques Béné (PLR). Je rappelle que ce dossier nous occupe quand même depuis 2015 ! Le crédit d'étude avait été refusé en 2016, et on essaie de nous faire croire que c'est parce qu'il avait été rejeté qu'il y a maintenant un dépassement du crédit d'investissement de 10 millions adopté en 2017. La méthode nous fait un peu sourire, puisque en 2015 déjà, le PLR avait mis en doute le fait que le coût s'élèverait vraiment à 10 millions; on nous avait garanti que oui, qu'il n'y aurait pas de problème: «Ne vous inquiétez pas, ça ne dépassera pas ce montant.»
En ce qui concerne la procédure dans le cadre des marchés publics, moi, franchement, je ne suis absolument pas convaincu qu'elle ait été respectée. Très peu d'entreprises ont répondu à l'appel d'offres. L'une des deux sociétés qui aurait éventuellement pu être retenue a finalement été écartée, parce qu'elle ne remplissait pas certains critères du marché, donc on se retrouve avec un seul prestataire dont on nous dit, dans l'exposé des motifs, que c'est un «spin-off de l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne» - l'entreprise en question nous a indiqué en commission que ce n'était pas le cas - et que le produit qu'elle commercialise, soit IS-Academia, «a été [...] développé pour l'EPFL». Ce n'est pas vrai non plus: le cahier des charges a été établi par l'EPFL et la HES-SO, certes, mais il n'a pas été conçu pour l'EPFL.
Nous émettons de gros doutes, et c'est pourquoi le PLR s'abstiendra ce soir, surtout en raison de la procédure engagée depuis 2015. On nous dit que c'est urgent, mais à part aujourd'hui, le Conseil d'Etat n'a jamais sollicité l'urgence sur les différents crédits d'étude ou d'investissement déposés. De notre côté, nous ne sommes toujours pas persuadés que cette solution est réellement la meilleure. Des systèmes différents existent dans d'autres cantons; visiblement, à Genève, on doit demander 50% à 60% de plus que partout ailleurs, on a vraiment de la peine à comprendre pourquoi. C'est la raison principale pour laquelle le PLR, bien que conscient qu'il faut entreprendre quelque chose, s'abstiendra sur ce projet de loi. Je vous remercie.
M. Jacques Blondin (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, il est vrai que le crédit demandé pour ce projet a explosé de manière exponentielle. Je tiens toutefois à préciser, pour que les choses restent factuelles, qu'il y a une bonne raison à cela: les méthodes comptables au département et à l'Etat ont changé et les ETP nécessaires au développement de ce type d'application sont désormais traités dans le budget d'investissement. Dans le cas d'espèce, cela représente tout de même 5 millions, il ne faut pas l'oublier. Alors cela ne change pas le montant global, mais il me semblait important de le relever.
Ensuite, on peut remettre en question la procédure, mais le prestataire de services sélectionné - la société Equinoxe, qui a déjà développé des logiciels équivalents dans certains cantons suisses - se retrouve tout seul sur le marché avec un client captif qui est l'Etat de Genève. Quand on a demandé aux représentants de l'entreprise où ils en étaient par rapport au coût et au délai, ils nous ont répondu: «Dépêchez-vous, notre carnet de commandes est plein, on se porte bien, on peut travailler.» Quelque part, on n'a plus vraiment le choix et on est bien obligés de reconnaître que ce système est indispensable pour une école moderne, cela nous a été démontré lors des auditions, c'était assez convaincant.
Je souligne néanmoins deux points importants. Le premier concerne le pilotage du projet, non pas par Equinoxe - il s'agit d'un prestataire et il sera bien payé, merci pour lui -, mais par l'Etat de Genève: il faudra des collaborateurs capables d'obtenir d'Equinoxe des informations permettant de mettre le dispositif en phase avec les besoins; nous devons juste être sûrs que le personnel compétent sera en place.
Enfin, et M. Pagani l'a évoquée, il y a la problématique de la protection des données; qu'on soit premier ou dernier de classe à l'école primaire ne joue pas de rôle, mais c'est un vrai enjeu. On nous a garanti que cela ne poserait pas de problème, mais il sera bon de s'en soucier et d'opérer un contrôle de manière que des informations ne circulent pas lorsque cela n'a pas lieu d'être. Cela dit, malgré quelques réserves, le PDC-Le Centre votera ce projet de loi. Merci.
Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Je serai extrêmement brève, Mesdames et Messieurs, parce que vous avez présenté tous les éléments techniques. Il convient simplement de rappeler l'importance de ce projet. Le problème remonte déjà à plus d'une quinzaine d'années, il a été reporté par les conseillers d'Etat précédents, et nous sommes maintenant en situation de risque majeur. En effet, le fait que le système soit susceptible de planter fait partie des risques majeurs reconnus à l'Etat; par hypothèse, cela signifie que nous ne serions pas en mesure d'organiser une rentrée scolaire, de délivrer des CFC et des certificats de maturité ou encore d'établir des horaires scolaires. Dès lors, il faut impérativement que nous avancions dans ce dossier, et je vous remercie, Mesdames et Messieurs les députés, de soutenir le projet de loi.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. A présent, j'ouvre la procédure de vote sur cet objet.
Mis aux voix, le projet de loi 13162 est adopté en premier débat par 40 oui et 33 abstentions.
Le projet de loi 13162 est adopté article par article en deuxième débat.
Mise aux voix, la loi 13162 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 36 oui et 36 abstentions (vote nominal).
Premier débat
Le président. Nous passons maintenant au PL 13182-B, classé en catégorie II, trente minutes. Le rapport est de Mme Amanda Gavilanes, qui est toujours remplacée par Mme Nicole Valiquer Grecuccio, à qui je donne la parole.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S), rapporteuse ad interim. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai effectivement le privilège de remplacer Mme Amanda Gavilanes, avec d'autant plus de plaisir qu'il s'agit là d'un projet d'aménagement. Le projet de loi 13182 avait déjà fait l'objet d'un premier rapport et les mesures du projet d'agglomération 4 avaient été largement acceptées à la commission des travaux.
Vous vous en souvenez peut-être, ce rapport avait été renvoyé à la commission des travaux pour un examen non pas sur le fond, mais parce qu'il est apparu que la commission n'avait pas pu auditionner deux acteurs majeurs de la mobilité que sont le TCS et Genève mobilité... (Brouhaha. Des députés se tiennent devant le Conseil d'Etat et cachent la vue du président.)
Le président. Excusez-moi, Madame la rapporteure, mais je ne vous vois plus ! (Rires.) Je vous entends à peine et je ne vous vois plus ! Voilà. Vous pouvez poursuivre.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio. Merci, Monsieur le président ! (L'oratrice rit.) La commission des travaux a donc procédé à ces deux auditions complémentaires, afin d'avoir un rapport beaucoup plus complet. Elle a eu le privilège de recevoir le directeur du TCS et la secrétaire patronale de Genève mobilité, qui ont tous deux pu être entendus par le département des infrastructures et confirmer leur adhésion à ce projet d'agglomération 4.
Evidemment, la commission vous recommande à nouveau, dans sa grande majorité, de soutenir ce projet d'agglomération 4, car il correspond à une vision verte, multipolaire et compacte, comme cela nous a été rappelé par le département des infrastructures, mais aussi parce qu'il met en relation des actions de proximité, dans l'intérêt des habitantes et habitants de ce canton, et des ambitions également transfrontalières pour répondre au problème de Genève et de sa région.
Lors de cette audition, la commission des travaux a également pu entendre le conseiller d'Etat, M. Serge Dal Busco, qui nous a annoncé avec bonheur que le Conseil fédéral avait adopté dans son message le PA 4 (ces fameuses mesures du projet d'agglomération 4) et que surtout, surtout, tous les éléments concernant Genève y figuraient. C'est une raison de plus qui a poussé la majorité de la commission des travaux à accepter ce projet de loi, et nous vous invitons à faire de même. Je vous remercie.
M. Jacques Blondin (PDC). Je n'ai pas grand-chose à ajouter au rapport qui vient d'être présenté, tant il est complet et reflète les discussions de la commission. On aurait pu voter ce projet de loi le 16 décembre, ce serait déjà réglé. Cela a été dit, on a demandé des informations complémentaires. C'est surtout le TCS qui a été auditionné. Lors de l'audition, nous avons obtenu toutes les informations qui nous permettaient de nous conforter dans les préavis positifs qui concernaient le projet de loi.
Cela vient d'être dit, il s'agit du PA 4, cela veut dire qu'il y a eu avant les PA 1, PA 2, PA 3. Il y a une logique à suivre cela et il y a de l'argent - de l'argent bernois, suisse, comme vous voulez - à récupérer. Entre-temps, il nous a été dit que ces 83 millions que la Confédération mettait à disposition du canton de Genève étaient acquis. C'est donc une bonne chose. Et, sans vouloir répéter tout ce qui a été dit, avec la confirmation des usagers et des partenaires tels que Genève mobilité et le TCS, je vous recommande d'accepter ce projet de loi, qui, je répète, aurait pu l'être déjà le 16 décembre. Merci.
Mme Francine de Planta (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, vous l'avez compris, en procédant à ces auditions complémentaires, la commission des travaux a été totalement rassurée par le TCS et Genève mobilité, qui ont tous deux dit le plus grand bien de ce PA 4. Il s'agit d'un projet multimodal, avec une cohérence d'ensemble. Le timing est important, vous l'avez aussi compris. C'est un message clair, un signal fort pour la Confédération, avec ces 56 mesures qui ont toutes été détaillées et analysées devant la commission. Genève a tiré les leçons des précédents plans d'agglomération, qui étaient moins mûrs et moins soutenus par la Confédération. Il ne faut pas rater le PA 4. Ce projet de loi est indispensable au développement genevois et à sa dimension transfrontalière. Il faut l'accepter, comme le recommande la commission. Je vous remercie. (Commentaires.)
Une voix. Bravo !
M. Rémy Pagani (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, encore une fois, nous sommes extrêmement dubitatifs... (Exclamation.) ...quant à ces projets d'agglomération.
Cela fait vingt ans - vingt ans ! - que la Confédération nous a recommandé... Elle verse de l'argent, c'est très bien, mais pour organiser notre bassin de vie ! Nous sommes quasiment un million, même plus qu'un million, à vivre dans cette région, et malheureusement, notre développement ne correspond pas aux investissements que nous y avons consacrés.
Alors je suis bien d'accord, il y a eu un référendum qui nous a empêchés de construire des parkings relais hors du canton. Tout cela a été une entrave, par exemple sur la question du trafic. Le trafic automobile... Cela fait vingt ans que, d'abord 70 000, ensuite 80 000, maintenant 110 000 voitures passent les frontières - et je ne parle pas des personnes, parce que c'est au-delà de l'imaginable ! 600 000 personnes viennent le matin et repartent le soir ! Je n'ose pas imaginer - enfin, on imagine très bien, on voit déjà quel barnum fait un stade de foot qui se remplit à 50 000 personnes, et on est dans cette situation-là.
Par conséquent, on court toujours après l'organisation de notre région. C'est bien, nous allons soutenir ce projet d'agglomération 4, mais il faut savoir qu'un jour ou l'autre - nos concitoyennes et concitoyens le réclament -, il faudra que des décisions soient prises pour essayer de pondérer le développement de notre canton et de faire en sorte qu'il soit plus qualitatif que quantitatif. Accueillir des multinationales qui... On accueille des pratiques internationales qui ne sont pas recommandables.
Nous soutiendrons donc ce plan d'agglomération, parce que, c'est vrai, il faut structurer notre région, il faut avoir une démarche internationaliste, si j'ose dire. (Remarque.) Mais de là à donner un blanc-seing à ce projet d'agglomération 4 sans remarquer ce que je viens de dire, ce serait abuser de la crédulité de nos concitoyennes et concitoyens, d'autant plus que ce projet d'agglomération 4 va repasser une fois ici: à chaque projet - et cela sera soumis à référendum -, notamment le pont de Lancy ou d'autres gros aménagements, nous aurons l'occasion de nous prononcer sur cette question-là, et j'entends bien, au moment de l'agrandissement à quatre voies sur le pont de Lancy, revenir sur cette question. Merci de votre attention.
M. François Baertschi (MCG). Ce projet d'agglomération, comme les précédents, est un marché de dupes. C'est un marché de dupes, parce que nous perdons le contrôle démocratique. Nous perdons la souveraineté de Genève. Nous perdons toutes les possibilités que nous laisse le contrôle démocratique par le référendum, en ayant un système qui est une sorte de, comment dire, de mélange de salade russe, je ne sais pas, quelque chose de tout à fait incontrôlable. (Commentaires.) C'est quelque chose de tout à fait incontrôlable que nous ne voulons pas. Nous ne voulons pas que ce soit Paris et Macron qui décident ! Ce sont Genève et les Genevois qui doivent avoir la priorité, les citoyens genevois - qui d'ailleurs, actuellement, sont noyés par la vague frontalière. (Exclamations.) Il faut résister à tous les niveaux. Il faut résister, face à l'arrivée massive à l'Etat de Genève de frontaliers dans la fonction publique, que tous les partis ont laissé d'une manière ou d'une autre entrer et qui se gaussent en permanence du MCG, qui ose attaquer l'arrivée massive des frontaliers à tous les niveaux. Mais nous ne voulons pas que Genève disparaisse ! Genève est une tête d'épingle sur une carte de géographie ! Cette tête d'épingle doit pouvoir vivre et ne pas être complètement submergée par la vague de la France, par la Suisse qui nous abandonne de manière dramatique. Ce qui est en train de se passer est véritablement un scandale. (Remarque.) Il faut s'opposer de toutes nos forces à ce projet d'agglomération et à cette destruction de la souveraineté genevoise. Au secours, Jean-Jacques Rousseau, reviens !
Une voix. Il s'est tiré ! (Rires. Commentaires.)
M. David Martin (Ve). Ce financement pour le projet d'agglomération est extrêmement important. Il comporte de très nombreuses mesures, en particulier pour les pistes cyclables, des voies vertes, des passerelles, de nouveaux espaces publics, le développement des transports publics - toute une série de mesures très importantes pour le programme des Verts.
Il est aussi important de rappeler que ce projet est avant tout un moyen, Messieurs du MCG, d'amener des fonds et des financements fédéraux pour Genève et pour le canton - très majoritairement pour le canton.
Ensuite, ce projet d'agglomération, c'est justement une façon de faire en sorte que ces mesures soient développées de façon cohérente entre elles et non pas de façon complètement éparpillée, d'où la pertinence d'un financement regroupé pour un ensemble de mesures.
Il faut rappeler qu'à force de tergiversations, nous avons perdu récemment 5% du financement fédéral. Pourquoi ? Notamment parce qu'un ministre qui a tangué un petit peu entre le PDC, le MCG et maintenant d'autres horizons n'a pas été particulièrement volontaire sur le déploiement des mesures et s'est avant tout attelé à déterminer si les motos allaient circuler sur les voies de bus ou sur les trottoirs... (Commentaires.) ...au détriment de l'avancement des mesures du projet d'agglomération et du déploiement des trams et des pistes cyclables. Parce que construire un tram ou une piste cyclable dans ce canton demande des efforts colossaux, il faut prendre son bâton de pèlerin à chaque étape: vous savez qu'il existe ici d'innombrables voies démocratiques pour discuter des différents morceaux de ces mesures; à chaque kilomètre de tram, il peut y avoir un référendum communal et à chaque mètre de piste cyclable, il peut y avoir un recours de voisins. La question du rythme est donc très importante. C'est pour toutes ces raisons que jusqu'à maintenant, nous avons plutôt perdu des financements.
J'aimerais donc remercier les équipes du département du territoire et du département des infrastructures pour le travail réalisé ces dernières années, qui fait qu'enfin nous voyons se déployer ces mesures du projet d'agglomération. Nous nous réjouissons de voter ce crédit d'investissement.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. François Baertschi pour une minute.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Juste pour répliquer aux jérémiades d'un préopinant... (Rires.) Non ! (Commentaires.) Non ! Il se plaint d'avoir perdu des miettes avec quelques retards, mais nous avons perdu des sommes considérables à deux titres: d'une part au titre de la péréquation intercantonale, qui est mal négociée par Genève... (Exclamation.) ...où nous perdons des montants considérables, d'autre part au titre de la rétrocession à la France, qui, malheureusement... (Exclamation.) ...nous est très défavorable, parce qu'elle est excessive ! (Remarque.) C'est à ce niveau-là qu'il faut véritablement poser les bonnes questions ! Merci, Monsieur le président.
M. Patrick Lussi (UDC). J'ai écouté avec attention tous les intervenants. Il me semble quand même que, dans l'actualité, et quand on entend surtout nos collègues d'en face, personne n'a osé parler aujourd'hui... On parle de développement, on parle de financement, d'arrangements, et puis, au début de la semaine, on avait de nouveau un rapport qui nous disait que, dans quelques jours, la catastrophe serait là, que le dérèglement climatique et le réchauffement climatique sont là et qu'en définitive, un des moyens de pallier cela serait peut-être de diminuer un petit peu le développement et les constructions. Personne n'en parle ! Permettez-moi simplement de dire à titre personnel - je n'engage pas mon groupe dans cela - que je trouve étonnant que tout le monde soit dans cette fuite en avant; alors que ce sont des experts qui viennent plus de vos rangs que des miens, on passe comme chat sur braise sur tout ce qu'ils disent. (Commentaires.) C'est un peu dommage. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, l'essentiel a été dit. Le projet d'agglomération 4 s'inscrit dans les précédents, avec une belle reconnaissance de la part des autorités fédérales, puisque ce sont 56 mesures qui sont cofinancées. Il y a derrière ce projet de loi un investissement genevois, mais qui nous permet d'obtenir aussi de l'argent de la Confédération, qui a d'ailleurs salué l'évolution des modalités d'application et de projection de ce projet d'agglomération.
Plusieurs questions sont soulevées, on l'entend dans les critiques sur ce projet ou sur l'organisation territoriale, qui se situe naturellement entre le Jura et le Salève. Tout d'abord, je dirai - mais vous le savez - que le Grand Genève n'est absolument pas un phénomène récent: du temps de l'Escalade, les échanges étaient tout aussi intensifs entre Genève et sa région - que ce soient les échanges économiques, culturels, les mariages -, et Genève a toujours vécu avec son arrière-pays.
Mais aujourd'hui, que se passe-t-il ? Le développement est si important que, s'il n'est pas organisé, comment les gens se déplacent-ils ? En voiture ! Et que font les autorités pour endiguer et réduire ce phénomène (sans le résoudre complètement, il est vrai) ? Elles investissent dans les infrastructures de transports publics, du tram, du bus, du ferroviaire, dans des voies cyclables, et, globalement, dans des aménagements qui permettent d'éviter l'étalement urbain.
Dire non à ce projet d'agglomération, c'est comme, il y a une dizaine d'années, dire non aux P+R. (Remarque.) C'est admettre davantage de voitures frontalières à Genève. (Commentaires.) C'est ça, la conséquence directe du refus de ce type de projet ! Parce que ce ne sont pas des projets de trams qui amènent le personnel frontalier: c'est notre économie florissante, avec ses avantages et ses inconvénients, mais avec sa grande prospérité. Si les gens ne peuvent pas venir en transports publics, s'ils ne peuvent pas venir à vélo, ils viendront en voiture. (Commentaires.) Telle est la conséquence de la politique du refus de la construction de l'agglomération: on laisse les gens dans les véhicules privés.
Ce projet nous permet d'inciter au report modal, d'organiser un peu mieux notre territoire commun. L'essentiel de ces mesures financées par Berne est sur territoire genevois - il y a des bouts de pistes cyclables en ville, dans les communes suburbaines, des bouts de tram, des bouts de bus. C'est fondamentalement à cela que sert ce projet: à réguler l'organisation territoriale. Donnons un signal fort à Berne, montrant que nous sommes à la hauteur de sa confiance, derrière l'acceptation de ce PA 4 ! Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je soumets à vos votes ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 13182 est adopté en premier débat par 67 oui contre 14 non et 2 abstentions.
Le projet de loi 13182 est adopté article par article en deuxième débat.
Mise aux voix, la loi 13182 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 67 oui contre 15 non et 2 abstentions (vote nominal).
Premier débat
Le président. Notre prochaine urgence est le PL 13141-A, classé en catégorie II, quarante minutes. (Protestations. Commentaires.) Je vous rappelle que si vous voulez que cela aille plus vite, il vous suffit de prendre très brièvement la parole et tout ira bien ! (Protestations. Commentaires.) Je passe la parole au rapporteur de majorité, M. Antoine Barde.
M. Antoine Barde (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la commission des visiteurs a étudié le projet de loi 13141 durant neuf séances et a procédé à six auditions. Je tiens à remercier ici le département, en particulier M. Grosdemange, secrétaire général adjoint du DSPS, et Mme Krausz, directrice générale ad interim de l'office cantonal de la détention, d'avoir accompagné nos travaux et répondu aux nombreuses questions soulevées par les commissaires, ainsi que M. Jean-Luc Constant, secrétaire scientifique de la commission des visiteurs officiels. Je remercie également mes collègues pour la bonne tenue des débats, dans une ambiance très partisane.
Dans le contexte que vit actuellement Genève dans sa gestion pénitentiaire - la surpopulation à Champ-Dollon a atteint en 2014, vous vous en souviendrez, chers collègues, un taux d'occupation de 233% des 398 places, et, aujourd'hui, le taux d'occupation est de 133% -, le Conseil d'Etat est venu nous présenter en 2018 un projet de loi, le PL 12303 ouvrant un crédit de 258,5 millions de francs pour une nouvelle infrastructure, les Dardelles. Malheureusement, ce projet de loi a été refusé à une courte majorité en 2020. En juin 2022, le Conseil d'Etat dépose un nouveau projet de loi proposant non pas directement un crédit d'étude ou d'investissement pour de nouvelles infrastructures, mais une planification pénitentiaire prenant en compte plusieurs dimensions.
Parmi les cinq axes de ce projet, certains touchent les infrastructures, d'autres les concepts de la réinsertion et des peines alternatives. Bien qu'il ne s'agisse pas uniquement d'infrastructures, cet aspect prend une part importante. En effet, les problèmes rencontrés pendant la canicule, par exemple, démontrent que les infrastructures - même si la minorité les considère, dans certains cas, comme étant récentes - sont vétustes et inadaptées; je relèverai ce point essentiellement sous l'angle énergétique.
Ce projet de planification pénitentiaire permettra de faire en sorte qu'un plan directeur des infrastructures pénitentiaires voie le jour, mais surtout, que le parlement puisse être associé à chaque étape de sa mise en oeuvre, à travers des projets de lois spécifiques. A ce titre, la commission des visiteurs marque sa volonté d'être associée à la commission des travaux, qui sera vraisemblablement amenée à traiter les futurs crédits d'études et d'investissements.
Cette planification est réaliste et équilibrée. Elle prend en compte les spécificités des différents régimes de détention et répond aux attentes exprimées par la commission des visiteurs officiels dans ses rapports annuels - pour n'en citer qu'une, la proposition d'un établissement spécifique pour la détention des femmes.
Les auditions effectuées en commission ont permis de renforcer la position de la majorité. Seule l'une des entités auditionnées a rejeté purement et simplement ce projet de loi: la Ligue suisse des droits de l'Homme milite clairement contre les lieux de détention. Selon celle-ci, il faudrait fermer Champ-Dollon. Avec quelles solutions alternatives ? Aucune !
La majorité entend prendre ses responsabilités vis-à-vis non seulement des personnes détenues, mais également du personnel qui travaille dans des conditions difficiles et dangereuses. Elle veut également garantir aux victimes et à la population qu'à Genève, nous nous donnons les moyens de protéger notre population.
Il est plus qu'urgent d'affronter le problème de la détention, sans mélanger les sujets. Il convient ici, non pas de demander à la justice de ne pas effectuer son travail, mais bien de mettre en oeuvre les jugements rendus et d'appliquer les peines prononcées. C'est le rôle de l'exécutif d'y répondre, c'est notre rôle de lui donner les moyens d'y parvenir.
Mesdames et Messieurs les députés, la majorité vous demande d'accepter ce projet de loi tel que sorti de commission et de refuser tous les amendements de la minorité. Je vous remercie.
M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de première minorité ad interim. Mesdames et Messieurs les députés, pour la minorité de la commission, il est clair que le statu quo n'est pas envisageable, mais les rénovations ou reconstructions ne doivent pas se faire à n'importe quelles conditions. La planification pénitentiaire mérite d'être adaptée aux besoins s'agissant de la dignité humaine, de la désistance, de la réinsertion, et cela doit se faire en prenant en compte l'ensemble des acteurs sur le territoire suisse, en s'inspirant de modèles ayant fait leurs preuves ailleurs et en pensant l'ensemble des lieux de détention comme des espaces spécifiques et à taille humaine. Nous estimons qu'un effort doit être fait pour éviter la surpopulation carcérale à l'entrée, via des peines alternatives et, si besoin, comme durant la période covid, des mises en attente d'incarcération en fonction des délits.
Au cours des auditions, nous avons pu constater le problème de l'incarcération de personnes n'ayant rien à faire en prison, des personnes qui sont notamment en prison pour des jours-amendes, qui ont simplement reçu des amendes TPG... (Commentaires.) ...des personnes en prison pour des délits comme la mendicité. Nous avons donc un engorgement des lieux de détention avec des personnes qui relèvent uniquement de la précarité sociale et non de délits pénaux. Nous avons également un problème à la sortie, cela a été dit. Genève est un des cantons qui comptent le moins de bracelets électroniques et où les travaux d'intérêt général sont quasiment inexistants. (Commentaires.)
Nous regrettons le peu de portage politique de M. Poggia s'agissant de ce projet: il est venu une fois en commission, puis il a plus ou moins disparu, laissant libre cours à son administration pour demander simplement davantage de places, davantage de lieux de détention, sans regard politique sur la qualité et sur ces réflexions que nous devons mener comme députés pour une politique publique qui est trop souvent reléguée à l'obscurité, au tabou: celle de la détention.
Si l'objectif est de renforcer les peines sous une forme alternative, il est aussi évidemment d'éviter d'incarcérer à tour de bras, car cela coûte cher et, on le sait, cela brise des vies. Nous nous posons des questions sur ces 336 places de détention supplémentaires. Sont-elles vraiment nécessaires à Genève ? Faut-il cinquante places de plus pour la détention des femmes ? Faut-il vingt places de plus de détention administrative, alors que la criminalité féminine, aux dires des experts et expertes, ne semble pas être spécifiquement en hausse et que la construction d'un nombre important de cellules dites «night stop» dédiées à la détention courte avant renvoi a déjà été votée par notre parlement ? Le nombre de places de détention devrait donc, selon nous, baisser.
Rénover, reconstruire, adapter la prise en charge et faire bouger les lignes sur le type de lieu, la formation et la réinsertion professionnelle en prison, nous disons toujours oui. Construire plus de places, c'est toujours non. Les experts nous rappellent aussi que la criminalité est en baisse: il n'est pas adéquat aujourd'hui d'augmenter encore la capacité de détention. Cette question de la taille des infrastructures sera, nous le pensons, au coeur de nos débats. Nous avons déposé une série d'amendements afin de simplement rénover. Rendre le bâtiment de Champ-Dollon adéquat, oui, on sait qu'il est en état de décrépitude, mais faire un Dardelles en petit, toujours aussi opaque, c'est non.
On sait que M. Poggia n'a pas encore avalé le refus des Dardelles, il est revenu à de multiples reprises dessus... (Commentaires.) ...d'une manière particulièrement amère, et nous regrettons la pression mise: «C'est ce projet-là, sinon rien; c'est ce projet-là, sinon Champ-Dollon tombera en ruine !» Nous pensons que oui, il faut rénover, mais pas comme cela, pas à cette taille-là et pas au détriment d'une réflexion politique de fond sur le rôle de la détention, de la réinsertion, qui manque dans ce projet de loi. Nous vous invitons à soutenir tous les amendements de l'Alternative et de la minorité. Merci de votre attention. (Applaudissements.)
Mme Katia Leonelli (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Mesdames les députées, Messieurs les députés, la situation carcérale genevoise est extrêmement critique, en particulier à Champ-Dollon, cela n'est un secret pour personne. Les détenus y subissent toutes et tous sans exception une double peine: celle qu'un juge a prononcée et celle que l'Etat leur impose, violant leur dignité humaine. Les raisons de cette situation sont multiples: la vétusté des bâtiments, la surpopulation chronique, un enfermement en cellule de 23 heures sur 24, la mixité des régimes de détention, le manque de prise en charge socioéducative, l'absence de lutte contre les discriminations, etc., etc.
Ces éléments combinés ont un effet négatif avéré sur la santé mentale et physique des détenus ainsi que sur le taux de récidive et leur réinsertion à la sortie de prison. Le Conseil d'Etat nous assure que toutes ces problématiques seront prises en considération dans le cadre du nouveau complexe carcéral. Mais pourquoi attendre ? Le département pourrait se donner la tâche aujourd'hui de faire des propositions concrètes pour augmenter les offres de formation, améliorer la prise en charge et lutter contre les discriminations. Il est difficile de croire des promesses d'objectifs pour demain qui pourraient, avec un peu de bonne volonté, être atteints dès à présent. Pour ce qui est de la surpopulation, une solution très simple existe également, mais j'y reviendrai plus tard.
En 2008, les autorités genevoises promettaient une solution miracle à la surpopulation carcérale en augmentant le nombre de places via l'inauguration de La Brenaz. Sept ans plus tard, les promesses des autorités n'étant toujours pas tenues, il a fallu y ajouter cent places. Aujourd'hui, ce bâtiment - pourtant récent - ne permet toujours pas d'accueillir toutes les personnes exécutant une peine, dont une grande partie se retrouve à Champ-Dollon. Bref, ce n'est jamais assez.
Vous l'aurez peut-être compris, construire des prisons ne permet pas de les vider. C'est mathématique. Il y a de fortes chances pour que, une fois qu'on sera arrivé au bout de ce projet - c'est-à-dire dans quinze ans - et que le supracomplexe pénitentiaire aura vu le jour, il faille à nouveau faire face à une surpopulation carcérale, pour la simple et bonne raison que le problème de la surpopulation n'est pas lié à la place disponible, mais à la politique carcérale qu'on applique.
Dans ce contexte, la justice a bien sûr son rôle à jouer, mais les autorités d'exécution disposent d'une large marge de manoeuvre dans la mesure où ce sont elles qui ont la compétence de repérer les cas pour lesquels un bracelet électronique ou des travaux d'intérêt général (TIG) seraient possibles et suffisants en lieu et place d'une peine privative de liberté. (Brouhaha.) Monsieur le président, est-ce que vous pourriez dire aux députés de faire un peu de silence ?
Le président. Laissez parler la rapporteure de minorité, s'il vous plaît, sinon nous n'allons pas finir à l'heure ! Vous pouvez poursuivre, Madame la rapporteure.
Mme Katia Leonelli. Le Conseil d'Etat nous fait part aujourd'hui d'un projet pilote quant aux TIG, mais avant de proposer un projet de planification pénitentiaire dédoublant le site carcéral cantonal et avant même de proposer un projet des Dardelles de plusieurs centaines de millions de francs, l'Etat aurait déjà dû avoir tout essayé. Il est honteux de prévoir des places supplémentaires alors que les pistes de peines alternatives n'ont pas encore été toutes explorées et mises en oeuvre. D'autres pistes sont également possibles, comme la pratique plus systématique de la libération conditionnelle ou encore les pratiques mises en oeuvre durant la crise sanitaire, qui se sont avérées tout à fait sûres pour la population genevoise.
En résumé, de manière tout à fait pragmatique, il convient de renoncer à incarcérer toute personne ne représentant aucune dangerosité. Mesdames et Messieurs, on ne se mettra certainement jamais d'accord sur une quelconque forme d'abolition des prisons. (Brouhaha.) On pourrait cependant trouver un terrain d'entente sur le fait de ne pas engorger les établissements qui existent déjà avec des personnes qui ne sont pas des menaces sécuritaires pour nos collectivités. La prison - telle qu'on la conçoit aujourd'hui - ne peut servir à enfermer des personnes... (Remarque.) ...qui n'ont commis aucun autre délit que celui d'être précaire. (Commentaires.) Chers collègues de droite, incarcérer ce type d'individus coûte financièrement et socialement beaucoup plus cher à nos collectivités que ce qu'une peine alternative permettrait d'atteindre. En tant que société, nous avons tout à gagner à ne pas les incarcérer.
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.
Mme Katia Leonelli. Ce qui me mène à mon dernier argument, qui est celui du vrai prix des prisons. En tant que société, en tant que contribuables, en tant qu'Etat et en tant que législateur, il faut comprendre que démolir un bâtiment qui a moins de cinquante ans est un véritable échec d'un point de vue économique et écologique. L'état actuel de Champ-Dollon est aussi le résultat d'un vaste mensonge à la population genevoise durant les cinquante dernières années: celui du prix que nous coûte un système punitif dépassé et inefficace. Si le bâtiment de Champ-Dollon n'a pas été suffisamment bien entretenu, c'est que les budgets de fonctionnement ont été sous-estimés pendant cinquante ans. Peut-être que si l'on comprenait le vrai prix d'une prison, on serait moins ambitieux sur le dimensionnement de la prochaine. Je reviendrai sur la taille des infrastructures lorsque les amendements vous seront présentés.
Oui, la situation actuelle est insupportable, indigne et elle doit changer, mais de manière intelligente et dans le but de servir la population genevoise. La seconde minorité rejoint les constats énoncés par le Conseil d'Etat, mais ne peut s'aligner sur les solutions, pour des raisons idéologiques, morales et pragmatiques. La politique actuelle de primauté de la détention n'est de toute évidence pas efficiente et le Conseil d'Etat, en l'absence d'une réflexion de fond, nous propose de démultiplier une mauvaise idée. (Commentaires.) Avec une planification pénitentiaire pareille, le canton de Genève va droit dans le mur. Nous voulons une politique carcérale au service du vivre-ensemble, efficace et respectueuse des droits fondamentaux. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. (Commentaires.) Mesdames et Messieurs, il est 23h; j'interromps le débat, que nous reprendrons demain. (Exclamations. Commentaires.)
Le président. Je vous rappelle que demain, nous commencerons les extraits à 13h et que nous reprendrons nos urgences à 15h. Je vous souhaite une bonne soirée et une bonne nuit !
La séance est levée à 23h.