Séance du jeudi 7 octobre 2021 à 20h30
2e législature - 4e année - 4e session - 24e séance

La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Diego Esteban, président.

Assistent à la séance: Mmes et M. Mauro Poggia, Nathalie Fontanet et Fabienne Fischer, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Serge Dal Busco, président du Conseil d'Etat, Anne Emery-Torracinta, Antonio Hodgers et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Antoine Barde, Sophie Desbiolles, Adrien Genecand, Youniss Mussa, Patrick Saudan, Salika Wenger et Céline Zuber-Roy, députés.

Députés suppléants présents: Mmes et MM. Badia Luthi, Marta Julia Macchiavelli, Patrick Malek-Asghar, Jean-Pierre Pasquier et Helena Rigotti.

Annonces et dépôts

Néant.

E 2780
Prestation de serment du remplaçant de M. André PYTHON, député démissionnaire

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de M. Francisco Valentin. Je prie le sautier de le faire entrer et l'assistance de bien vouloir se lever. (M. Francisco Valentin entre dans la salle et se tient debout, face à l'estrade.)

Monsieur Francisco Valentin, vous êtes appelé à prêter serment de vos fonctions de député au Grand Conseil. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.

«Je jure ou je promets solennellement:

- de prendre pour seuls guides dans l'exercice de mes fonctions les intérêts de la République selon les lumières de ma conscience, de rester strictement attaché aux prescriptions de la constitution et de ne jamais perdre de vue que mes attributions ne sont qu'une délégation de la suprême autorité du peuple;

- d'observer tous les devoirs qu'impose notre union à la Confédération suisse et de maintenir l'honneur, l'indépendance et la prospérité de la patrie;

- de garder le secret sur toutes les informations que la loi ne me permet pas de divulguer.»

A prêté serment: M. Francisco Valentin.

Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment. La cérémonie est terminée. Dès maintenant, vous pouvez siéger. (Applaudissements.)

E 2771-A
Prestation de serment de M. Rui BRANDAO, élu juge assesseur à la Commission de conciliation en matière de baux et loyers du Tribunal civil, représentant les groupements de locataires
E 2779-A
Prestation de serment de M. Clément GHOSN, élu juge assesseur médecin à la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de magistrats du Pouvoir judiciaire. Je prie le sautier de les faire entrer et l'assistance de bien vouloir rester debout. (Les magistrats entrent dans la salle et se tiennent debout, face à l'estrade.)

Messieurs, vous êtes appelés à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.

«Je jure ou je promets solennellement:

- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyen et comme juge;

- de rendre la justice à tous également, au pauvre comme au riche, au faible comme au puissant, au Suisse comme à l'étranger;

- de me conformer strictement aux lois;

- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;

- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;

- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»

Ont prêté serment:

M. Rui Brandao et M. Clément Ghosn.

Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)

RD 1425
Rapport de la commission législative concernant l'application de l'article 113 de la constitution de la République et canton de Genève à l'épidémie du virus Covid-19 et l'examen de l'arrêté du Conseil d'Etat lié à l'état de nécessité (arrêté adopté le 22 septembre 2021)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IV des 7 et 8 octobre 2021.
Rapport de majorité de M. Jean-Marc Guinchard (PDC)
Rapport de minorité de M. André Pfeffer (UDC)
R 977
Proposition de résolution de Mme et MM. Jean-Marc Guinchard, Beatriz de Candolle, Jean-Pierre Pasquier approuvant l'arrêté du Conseil d'Etat du 22 septembre 2021
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IV des 7 et 8 octobre 2021.

Débat

Le président. Nous entamons le programme des urgences de cette session. Pour commencer, j'appelle le RD 1425 et la R 977 qui sont classés en catégorie II, trente minutes. La parole revient au rapporteur de majorité, M. Jean-Marc Guinchard.

M. Jean-Marc Guinchard (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, chères et chers collègues, ce nouvel arrêté du Conseil d'Etat modifie trois dispositions: les articles 9, 10 et 21. En revanche, je me dois de dire que l'article 2A qui est mentionné dans l'annexe du rapport de minorité n'a rien à voir avec ce débat, puisqu'il a été accepté tant par la commission que par notre Grand Conseil aux mois de juin et juillet de cette année.

J'en reviens aux nouveautés. L'article 9 précise désormais que le test permettant de rendre visite à un proche dans un établissement de soins ne donne pas lieu à un certificat avec un code QR, mais seulement à une attestation; celle-ci autorise uniquement l'entrée dans une institution de santé et ne peut pas être utilisée dans un autre contexte. Cette modification découle du fait que les tests seront payants à partir du 10 octobre prochain. Ainsi, celles et ceux qui souhaitent rendre visite à des proches pourront recevoir une telle attestation gratuitement.

L'article 10 concerne les hautes écoles qui s'inquiétaient des règles fixées par la Confédération, notamment celle qui impose une utilisation aux deux tiers de la capacité des salles de classe si le certificat covid n'est pas exigé. On se serait alors retrouvé avec une solution considérée comme mixte, permettant à certains élèves de suivre les cours en présentiel et en contraignant d'autres à recourir à la vidéoconférence, ce qui n'est rassurant ni pour les enseignants ni pour les étudiants. Nous avons déjà fait le test dans les commissions du Grand Conseil, il ne s'agit pas d'une méthode très pratique. De plus, dès octobre prochain, les tests auraient été payants également pour les jeunes qui ne seraient pas vaccinés ni guéris. Une série d'élèves auraient donc été exclus pour des raisons financières, ce qui n'est pas tolérable. Le canton a trouvé une bonne alternative en proposant des tests groupés et réitérés aux étudiants qui, par ce biais, peuvent obtenir une attestation de négativité au covid et accéder aux cours, et ce gratuitement.

Enfin, la révision de l'article 21 est une pure formalité, puisqu'elle prévoit simplement une durée de validité jusqu'au 31 décembre 2021, une prorogation demeurant évidemment possible en fonction de l'évolution de la situation. Sur cette base, Mesdames les députées, Messieurs les députés, la majorité de la commission vous recommande de prendre acte du rapport divers 1425 et de voter la proposition de résolution 977. Je vous remercie.

M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de minorité. Les deux mesures de l'arrêté du Conseil d'Etat ont déjà été présentées par le rapporteur de majorité, je me contenterai donc de relever les problèmes liés aux tests salivaires gratuits pour étudiants non vaccinés. Cette disposition a soulevé craintes et mécontentement chez beaucoup d'entre eux.

En résumé, c'est une semaine seulement avant la rentrée académique qu'a été annoncée pour les universités et les hautes écoles l'obligation du certificat covid ou la limitation de la jauge aux deux tiers de la capacité des salles de cours. Dans la «Tribune de Genève» du 31 août, le recteur de l'UNIGE déclarait qu'il est impossible de contrôler ou de tester les quelque 25 000 personnes qui transitent dans les universités et hautes écoles genevoises. Puis, le maintien de la gratuité des tests a été communiqué le vendredi avant la rentrée. Avec retard, les autorités se sont rendu compte qu'il fallait aussi appliquer ces règles aux professeurs. Finalement, notre Conseil d'Etat a expliqué en commission qu'il n'y aurait pas de contrôles systématiques à l'entrée des bâtiments, seulement quelques vérifications ponctuelles dans les amphithéâtres. Selon le gouvernement, il ne s'agirait pas de contrôler, mais de compter sur la responsabilité de tout un chacun. Notre Conseil d'Etat croit-il en la pertinence de ses propres mesures ? La question est légitime.

Pour terminer, j'aimerais évoquer l'établissement d'un fichier recensant toutes les personnes vaccinées dans notre canton. A l'article 2A «Collaboration et échanges de données», le Conseil d'Etat revient sur cette mesure déjà en vigueur et acceptée par notre Grand Conseil en juillet dernier. Je rappelle que ce registre permet à notre administration d'opérer un tri entre vaccinés et non-vaccinés, d'imposer à certains une quarantaine et de recommander un simple test à ceux qui ont été en contact avec un tiers infecté. Ce document, qui est totalement exagéré, constitue une atteinte grave à la sphère privée et ne respecte pas le principe de proportionnalité. En commission, le gouvernement a indiqué qu'il n'avait aucune idée de la manière dont les choses fonctionnent dans les autres cantons; évidemment, il ne s'est jamais préoccupé d'examiner des voies alternatives. Pour la xième fois, Mesdames et Messieurs, je répète que la gestion du covid par notre Conseil d'Etat est vraiment problématique. C'est la raison pour laquelle je vous propose de refuser cette proposition de résolution. Merci de votre attention.

M. Pierre Vanek (EAG). Contrairement au rapporteur de minorité, je ne vois pas de gros problème dans cet arrêté et dans ce qu'il contient. Il y a quelques modulations concernant des mesures déjà prises, on peut en discuter, mais tout cela n'est pas très important, ce sont des ajustements, des détails.

Ce qui est problématique et qui, du point de vue de mon groupe, a justifié mon abstention en commission et la position que nous adoptons ici, c'est précisément le fait qu'on ne discute pas de choses sérieuses, mais qu'on apporte des modifications mineures à une politique consistant en quelque sorte à embêter les gens avec le certificat covid, à faire pression sur la population à l'aide d'un document qui n'est même pas une vraie attestation de vaccination, puisqu'il est aussi délivré à ceux qui ont été testés. Ainsi, il met sur le même plan vaccination et dépistage, ce qui est un problème, et je suis déjà intervenu dans ce sens le mois dernier.

On fait pression sur les citoyens en les enquiquinant avec des mesures bureaucratiques et administratives dans l'espoir de les convaincre de se faire vacciner, alors que ce que nous aimerions voir, pour notre part - personnellement, je serais même favorable à une obligation vaccinale -, c'est à tout le moins une campagne sérieuse d'incitation à la vaccination pour amener ce canton au seuil voulu d'immunité collective. Or, ces temps-ci, c'est le calme plat sur ce front, il n'y a aucune opération publique pour persuader les gens de choisir le vaccin.

J'ai d'ailleurs posé la question en commission. Le rapporteur de minorité dénonce un fichier répertoriant les vaccinés et les non-vaccinés, mais sommes-nous en mesure de nous adresser aux personnes non vaccinées avec des arguments rationnels, avec le poids de l'autorité pour leur demander de sauter le pas ? En commission, M. Poggia s'est exclamé: «Ouh là là, nous ne savons pas qui est vacciné et qui ne l'est pas, nous ne pouvons pas collecter ce genre d'informations, parce que» - il rejoignait le rapporteur de minorité - «cela engendrerait des problèmes liés à la sphère privée.» (Brouhaha.)

Le président. Un instant, s'il vous plaît. (Le président marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) Voilà, poursuivez.

M. Pierre Vanek. J'ai donc plaidé pour une action franche et massive d'incitation à la vaccination, j'ai dénoncé la politique quelque peu hypocrite qui est pratiquée aujourd'hui.

Mauro Poggia, avec un certain fair-play, je dois le reconnaître, a admis qu'il était certes un peu hypocrite - je le cite - de pousser les gens par ce biais, mais, a-t-il plaidé, ces mesures fonctionnent et il ne faut pas aller trop loin, faute de quoi l'hypocrisie serait intolérable. A mon avis, l'hypocrisie ne constitue pas un instrument raisonnable pour mener une politique publique, il faut basculer dans un discours beaucoup plus ferme et encourager les gens à se faire administrer le vaccin.

M. Christian Bavarel (Ve). Pour les Verts, le débat est plus complexe - le député Vanek en a évoqué un aspect. Pour une partie de nos membres, la vaccination constitue un devoir de solidarité, une manière de protéger les plus faibles ainsi que l'application du principe de précaution. Pour une autre partie du groupe, le fait d'introduire quelque chose dans le corps d'une personne sans son consentement - ou avec son consentement, mais sans qu'elle ait vraiment le choix - relève de la polémique autour de la liberté de disposer de son corps. Comme vous le voyez, Mesdames et Messieurs, le débat est épidermique, voire identitaire, et les Verts procéderont donc à un vote pizza avec un petit peu de poivron, un petit peu de tomate et de la mozzarelle. Notre position sera panachée, parce que le sujet est vif, qu'il touche à l'essentiel, qu'il nous atteint au plus profond.

Ce qui nous préoccupe aujourd'hui, face à la volonté de l'Etat d'augmenter la pression sur les personnes non vaccinées, ce sont les dégâts extrêmement importants que l'on constate chez les adolescents, chez les jeunes, chez les personnes isolées. En France, où les mesures ont été encore plus drastiques, une ligne nationale a été mise en place pour aider les gens qui font des tentatives de suicide. On se rend compte que les restrictions en raison de la pandémie ont d'autres implications pour la santé générale de l'ensemble des citoyens.

La difficulté, maintenant - et c'est la raison pour laquelle nous voterons de manière dispersée -, c'est de savoir comment retricoter le lien social, comment faire pour ne pas nous dresser les uns contre les autres, comment agir pour respecter la liberté de chacun: pour les personnes qui défendent plutôt l'obligation vaccinale, c'est la liberté d'être protégé, de ne pas être exposé au virus, et pour d'autres, c'est la liberté de disposer de son corps et d'être respecté dans ses convictions. Nous sommes face à un énorme défi pour notre société, nous devons continuer à vivre ensemble, nous devons fabriquer quelque chose de commun, et je ne suis pas certain qu'on y arrivera. Les Verts voteront de manière dispersée. Merci. (Applaudissements. Commentaires.)

Une voix. Ni pour ni contre, bien au contraire !

M. Jean-Pierre Pasquier (PLR), député suppléant. Mesdames et Messieurs, mardi dernier, la responsable de la gestion de l'épidémie de covid à l'OMS, Mme Van Kerkhove, avertissait: «La situation est encore incroyablement dynamique car nous n'avons pas le contrôle de ce virus. Nombreux sont ceux qui croient à tort que la pandémie est presque vaincue. Nous ne sommes pas encore sortis d'affaire. Nous sommes complètement au milieu de cette pandémie. Mais où au milieu... nous ne le savons pas encore.» La semaine dernière, plus de 3 millions de nouveaux cas de contamination et 54 000 décès ont été rapportés dans le monde, les vrais chiffres étant probablement bien supérieurs. Pour l'OMS, la covid-19 n'est toujours pas maîtrisée.

A Genève, sommes-nous toujours en situation de crise, qui autorise le Conseil d'Etat à appliquer l'article 113 ? Oui. Les indicateurs au début de cet automne sont certes encourageants: le taux de reproduction du virus et le nombre d'hospitalisations en soins intensifs sont légèrement en dessous du seuil de durcissement pour déclencher de nouvelles mesures restrictives. Mais la situation demeure instable, comme le démontre le témoignage de Mme Van Kerkhove.

Cette réalité vaut pour l'ensemble de la Suisse. Le Conseil fédéral a rappelé en conférence de presse début octobre qu'au vu du nombre élevé de personnes non immunisées et de la forte contagiosité du variant delta, le risque d'une nouvelle vague pendant les mois plus froids de l'automne et de l'hiver reste important, ce qui pourrait entraîner une lourde charge pour les hôpitaux. Nous sommes donc dans une situation particulière, le mode d'emploi pour gérer cette crise s'écrit au fil de l'évolution de l'épidémie, même si l'on peut bénéficier de l'expérience de plusieurs mois. Gouverner, c'est prévoir, bien sûr, mais la planification à long terme est difficile dans un tel contexte.

Rappelons que la situation genevoise est analogue à celle de la Confédération, le Conseil fédéral étant habilité à prendre les mesures nécessaires pour lutter contre l'épidémie et ses conséquences sur la base de la loi COVID-19, loi déclarée urgente en vertu de l'article 165 de la Constitution fédérale. Le Conseil d'Etat prend-il les mesures nécessaires pour préserver la population ? Oui ! Il s'agit de poursuivre en priorité la protection des personnes vulnérables et d'éviter les clusters.

En application des ordonnances et recommandations fédérales, le Conseil d'Etat a décidé que les personnes qui rendent visite à des patients dans des établissements de soins doivent s'identifier à l'entrée et présenter un certificat covid. A défaut, on pourra effectuer un test de dépistage gratuitement pour obtenir une attestation sans code QR. Le Conseil d'Etat a également introduit la gratuité des tests pour les étudiants et le personnel enseignant des hautes écoles afin qu'ils puissent reprendre les cours en présentiel dans de meilleures conditions que lors des derniers semestres. Il s'agit de limiter le risque de propagation du virus.

Le président. Je vous remercie...

M. Jean-Pierre Pasquier. Ces dispositions nous rappellent que vivre en société, c'est aussi accepter de renoncer à quelques libertés individuelles...

Le président. Il vous faut conclure.

M. Jean-Pierre Pasquier. Je conclus, Monsieur le président ! ...pour le bien-être commun. Nous saluons ici la majorité de la population qui accepte de contribuer à l'effort collectif...

Le président. Voilà, merci...

M. Jean-Pierre Pasquier. ...et qui applique les règles édictées. Vous l'avez compris, le groupe PLR...

Le président. C'est terminé, Monsieur le député.

M. Jean-Pierre Pasquier. ...soutient l'action du gouvernement et vous invite à accepter son arrêté. Merci.

M. Cyril Mizrahi (S). Mesdames et Messieurs, chers collègues, une fois n'est pas coutume, je serai plus bref que mon préopinant. Mon intervention ira un peu dans le même sens que celle de M. Vanek précédemment, c'est-à-dire que le parti socialiste n'a pas de problème avec les mesures de cet arrêté; c'est plutôt ce qui ne s'y trouve pas et l'absence de réponse sur certains aspects qui font qu'une partie de notre groupe s'abstiendra tandis que l'autre votera favorablement.

Pour les socialistes, Mesdames et Messieurs, il faut expliquer les choses et inciter les gens à se faire vacciner, et non passer par la punition et l'exclusion. N'oublions pas la situation des personnes pour lesquelles le vaccin est contre-indiqué, qui ne peuvent pas, qui n'ont pas la possibilité de se faire vacciner et qui subissent de plein fouet les restrictions; nous devons prévoir des exceptions pour qu'elles puissent accéder à certains lieux.

A cet égard, je rappelle que notre Grand Conseil, lors de sa dernière séance plénière, a approuvé une proposition de résolution demandant des précisions s'agissant de ces exceptions. Nous n'avons pas reçu de réponse de la part du Conseil d'Etat sur ce sujet ainsi que sur une autre requête du texte. La commission législative souhaiterait obtenir des explications, le groupe socialiste également, nous attendons une prise de position claire de notre gouvernement par rapport aux invites de cette résolution. Voilà pourquoi, Mesdames et Messieurs, le groupe socialiste votera favorablement ou s'abstiendra sur l'objet qui nous est présenté aujourd'hui. Je vous remercie de votre attention.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Guy Mettan pour une minute trente.

M. Guy Mettan (HP). Merci, Monsieur le président. Comme je suis seul, vous me permettrez de ne pas voter en ordre dispersé, car je suis en accord avec moi-même ! Je suis résolument contre ces deux objets pour des raisons que j'avais déjà évoquées précédemment, à savoir que contrairement à ce que soutient M. Vanek, l'obligation vaccinale dans ce pays n'existe pas, c'est même contraire à la loi que de forcer les gens à se faire vacciner, et je pense que la liberté est une valeur qui devrait tous nous engager. Or avec ces exhortations plus ou moins masquées - et donc hypocrites - à se faire vacciner, cette liberté est compromise.

Je me réjouis que les gens obtiennent le vaccin, je me réjouis que ceux qui ne veulent pas se faire vacciner aient le droit de ne pas le faire. Dès lors, je suis également opposé à toute forme de liste, de registre ou de répertoire - nous avons déjà eu une affaire de fiches en Suisse, nous savons ce que ça implique -, que ce soit un fichier de vaccinés... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...ou de non-vaccinés, peu importe: à mon sens, toute idée de registre est potentiellement dangereuse pour la démocratie. Si on voulait réellement encourager les hésitants à se faire vacciner...

Le président. Je vous remercie...

M. Guy Mettan. ...la première mesure à prendre serait d'autoriser les médecins de ville à administrer les doses.

Le président. Il vous faut conclure.

M. Guy Mettan. Ils sont en contact direct avec les patients, ils les connaissent, ils ont leur confiance; à mon avis, les médecins sont les mieux placés...

Le président. Merci, Monsieur le député, c'est terminé.

M. Guy Mettan. ...puisqu'ils sont proches de leurs patients... (Le micro de l'orateur est coupé.)

Mme Danièle Magnin (MCG). En ce qui me concerne, je trouve qu'on a ici un débat de Bisounours. On est manifestement dans une sorte de guerre biologique ! Je rappelle que certains pays n'ont pas accès au vaccin, les gens y meurent parce qu'ils n'ont pas pu être vaccinés, et nous, on fait la fine bouche, on joue les gourmands qui trient le contenu de leur assiette, c'est proprement scandaleux !

Il n'y a pas seulement les personnes qui meurent dans la rue, il y a aussi celles qui s'inscrivent, qui paient pour obtenir le vaccin et qui reçoivent une lettre leur indiquant: «Merci pour votre versement, mais nous ne pourrons pas vous vacciner avant tel mois de l'année 2022.» Et encore, c'est si elles ont de la chance !

Alors moi, franchement, je trouve choquante l'attitude des gens qui s'accrochent à une pseudo-liberté... Liberté de quoi, de mourir ? De faire mourir d'autres personnes parce qu'ils ne se seront pas suffisamment protégés et, effet domino, auront contaminé des tiers ?

Le MCG soutiendra l'arrêté du Conseil d'Etat. Après avoir bien réfléchi, nous sommes parvenus à une quasi-unanimité pour accorder un vote positif. Nous encourageons évidemment les autres groupes à faire comme nous, c'est-à-dire à accepter l'arrêté en question en soutenant la proposition de résolution. Merci.

Une voix. Bravo !

Le président. Je vous remercie. La parole va maintenant à M. Charles Selleger pour une minute trente.

M. Charles Selleger (HP). Merci, Monsieur le président. J'entends ici que pour certains, se faire inoculer une dose de vaccin dans le corps est aussi intrusif que de se laisser introduire un poignard, voire autre chose; j'entends qu'il faut laisser la liberté à chacun de disposer de son corps, que refuser de se faire insérer une aiguille - ce n'est pourtant pas une lame ! - constitue un droit essentiel.

Ces personnes-là ne pensent pas au droit dont bénéficient les autres de vivre en société sans courir le risque d'attraper le virus. Pourquoi leur liberté serait-elle à ce point totale ? A ce moment-là, pourquoi un permis de conduire serait-il nécessaire pour rouler avec son véhicule ? Ne pourrait-on pas revendiquer le droit de conduire sans permis ?

M. Mettan a indiqué que notre législation ne permet pas l'obligation vaccinale; il n'a pas lu la loi fédérale sur les épidémies qui, à ses articles 6 et 7, prévoit des mesures d'astreinte, c'est tout à fait légal. Je m'étonne qu'il ne s'offusque pas que l'on contraigne les enfants à se faire vacciner contre les maladies infantiles ! Merci, Monsieur le président.

M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de minorité. Je souhaiterais ajouter que ce nouvel arrêté n'a pas fait l'unanimité en commission: seuls trois députés y étaient favorables, et si on additionne les abstentions à mon refus, une majorité des commissaires à tout le moins s'interrogent quant à la manière de procéder.

Maintenant, j'aimerais répondre à quelques interventions que j'ai entendues. Il n'est absolument pas question ici de dénigrer l'excellente qualité des vaccins; on ne parle pas de la vaccination, mais exclusivement des deux mesures qui ont été décidées.

De plus, je me permets de revenir sur la question du fichier: je répète que la mise en place d'un tel répertoire est totalement inutile et ne devrait pas avoir lieu d'être. Genève est probablement le seul et unique canton à pratiquer de la sorte. Merci de votre attention.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je rends la parole à Mme Danièle Magnin pour une minute et quarante-trois secondes.

Mme Danièle Magnin (MCG). Merci, Monsieur le président. L'arrêté n'a pas recueilli la même unanimité ou quasi-unanimité à la commission législative que par le passé, parce que certains commissaires devaient attendre la position de leur groupe décidée par le caucus. Or, on le voit, on a quand même obtenu une quasi-unanimité lors du caucus, en tout cas au MCG. Ceux qui voteront en ordre dispersé, eh bien, ma foi, ce choix leur appartient ! Je rappelle que nous avons déjà connu une épidémie mondiale il y a un siècle, c'était la grippe espagnole; si les gens avaient eu accès à un vaccin, je suis sûre qu'ils se seraient rués dessus. Voilà, merci.

M. Jean-Marc Guinchard (PDC), rapporteur de majorité. J'abonde dans le sens de ma collègue Mme Magnin en rappelant qu'il y avait en effet trois voix en faveur de cet arrêté, une opposition venant de l'UDC - cela a été rappelé - et trois abstentions des groupes Verts, Ensemble à Gauche et MCG. Or, maintenant, on sait que le MCG acceptera l'arrêté. Je précise encore que deux socialistes étaient malheureusement absents. Cela étant, pour répondre à M. Pfeffer - vous transmettrez, Monsieur le président -, on ne peut pas additionner les abstentions à des votes négatifs pour obtenir un renversement de majorité. (Rires.) Je vous remercie.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je ne vous cache pas ressentir une forme de lassitude en écoutant certains propos émis dans ce Grand Conseil, la même lassitude que j'ai entendue s'exprimer la semaine dernière lorsque je suis allé visiter les services des Hôpitaux universitaires de Genève qui sont sur le pont depuis dix-neuf mois, comme mes équipes, comme mes collègues du Conseil d'Etat, pour essayer de trouver des solutions et de revenir le plus rapidement possible à la normalité.

L'arrêté qui vous est proposé vise à améliorer les choses progressivement, et c'est là toute la difficulté de cette pandémie, à savoir que nous devons constamment adapter les mesures aux circonstances nouvelles qui sont portées à notre connaissance. Le représentant de la minorité UDC nous a accusés d'avoir attendu le dernier moment avant de prendre des décisions concernant les élèves des hautes écoles et de l'université; il est vrai que nous aurions pu aussi ne rien faire ! Je pensais que l'on saluerait plutôt la démarche de Genève qui a été le premier canton de Suisse à offrir à ses étudiants une option alternative à celle de devoir suivre les cours à la maison en visioconférence, la jauge au sein des amphithéâtres étant désormais limitée aux deux tiers. Nous avons trouvé une solution avec des tests gratuits, et pour cela, j'escomptais non pas de la gratitude - cela fait longtemps que je n'attends plus de reconnaissance de personne -, mais à tout le moins une critique plus modérée.

Certes, nous possédons un fichier recensant les personnes vaccinées et celles qui ne le sont pas - quand je dis «nous», c'est en réalité le service du médecin cantonal, je n'y ai personnellement pas accès -, tout simplement parce que nous devons savoir qui peut être dispensé d'une quarantaine. C'est le droit fédéral qui le stipule: lorsque l'on est vacciné ou guéri, on peut faire l'économie d'un isolement, et disposer d'une telle liste est précisément dans l'intérêt de celles et ceux qui entrent dans cette catégorie. Là encore, je m'étonne que l'on puisse nous le reprocher.

Pour répondre à la deuxième minorité, celle d'Ensemble à Gauche qui nous fait le procès de ne pas imposer la vaccination et d'être hypocrites, je rappelle qu'il existe un cadre légal que nous respectons, et personne ici ne songerait à nous en faire le grief. En effet, l'article 22 de la loi fédérale sur les épidémies stipule ceci: «Les cantons peuvent déclarer obligatoires des vaccinations pour les groupes à risques, pour les personnes particulièrement exposées et pour les personnes exerçant certaines activités, pour autant qu'un danger sérieux soit établi.» Est-ce qu'aujourd'hui, au vu de la situation épidémiologique, quelqu'un comprendrait que l'on exige une vaccination obligatoire pour certaines catégories de la population ? Non. Et imaginez une seconde que Genève soit l'unique canton du pays à imposer le vaccin: vous seriez debout dans cette salle à crier au scandale en invoquant une atteinte aux libertés individuelles !

La démocratie a certainement des faiblesses; personnellement, je préfère ces faiblesses-là à la force d'autres régimes, et nous devons nous en satisfaire, trouver d'autres moyens qui peuvent sans doute être qualifiés d'hypocrites, mais qui amèneront certainement les hésitants à franchir le pas - j'ai fait le deuil de convaincre une partie de la population, heureusement infime, pour qui la vaccination est le diable. Mais pour celles et ceux qui tergiversent encore, qui attendent qu'elle devienne obligatoire pour s'inscrire - ils savent bien que cela n'arrivera pas -, nous allons tenter de nous montrer persuasifs, non pas avec les moyens que nous suggère le Conseil fédéral, comme une rétribution pour les rabatteurs, mais par des biais un peu plus dignes de notre société.

En ce qui concerne les Verts et les socialistes qui nous proposent un vote pizza avec un peu de mozzarella et un peu de poivron, eh bien libre à eux de procéder de la sorte; j'estime pour ma part que l'on doit avoir le courage de ses opinions, on ne peut pas à la fois souhaiter un retour à la normalité et agir exactement dans le sens contraire de ce qu'il faudrait faire pour y arriver le plus rapidement possible. Voilà plutôt où se trouve l'hypocrisie qu'on nous reproche, c'est précisément laisser au gouvernement le soin de prendre des décisions en s'abstenant, en se disant: «La responsabilité, d'autres l'assument à notre place.»

Je répondrai brièvement à M. Mettan qui est en accord avec lui-même et qui nous propose d'associer les médecins de ville au processus de vaccination. Nous avons effectivement demandé à ceux-ci de soutenir notre action, par exemple en exprimant la conviction qui est la leur auprès de leurs patients pour les inciter à se faire vacciner; c'est précisément ce que nous attendons des médecins de ville. De là à leur remettre des doses qu'ils vont ouvrir pour un seul vaccin et dont ils devront jeter le reste dans l'évier... Je pense que ce serait triste sachant que nous avons des centres de vaccination à disposition qui peuvent recevoir l'ensemble des personnes décidées à se faire vacciner dans des délais extrêmement brefs.

Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, ce que je tenais à souligner. Nous nous employons également à convaincre celles et ceux qui nous écoutent et nous regardent par l'exemple. Loin de moi l'idée de porter un jugement, mais quand je jette un regard dans cette assemblée, je constate qu'une grande majorité d'entre vous portent le masque, d'autres le portent plus ou moins bien - sous le nez -, d'autres ont apparemment décidé de s'en passer; est-ce vraiment là l'exemple que nous souhaitons donner à notre population ? Finalement, n'aurait-il pas été de bon ton que le Grand Conseil s'impose à lui-même les règles qu'il entend imposer à d'autres... (Applaudissements.) ...et exige ne serait-ce qu'un test - au minimum un test ! - de celles et ceux qui viennent dans cette salle représenter les citoyens qui les y ont placés ? Merci.

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat.

Le Grand Conseil prend acte du rapport divers 1425.

Le président. Nous passons au vote sur la R 977.

Mise aux voix, la résolution 977 est adoptée par 53 oui contre 12 non et 22 abstentions.

Résolution 977

PL 13029
Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi 12938 relative aux aides financières extraordinaires de l'Etat destinées aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l'épidémie de coronavirus, pour l'année 2021
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IV des 7 et 8 octobre 2021.

Premier débat

Le président. Nous abordons l'urgence suivante, le PL 13029, classé en catégorie II, trente minutes. Je cède la parole à Mme la conseillère d'Etat Fabienne Fischer.

Mme Fabienne Fischer, conseillère d'Etat. Merci, Monsieur le président. Bonsoir, Mesdames et Messieurs les députés. Je viens vous présenter en urgence ce projet de loi 13029, que j'ai eu l'occasion de présenter de manière informelle lundi devant la commission de l'économie. Je remercie d'ailleurs son président ainsi que ses membres de m'avoir permis de le faire.

Cet objet porte sur deux points distincts. Le premier vise le dispositif genevois d'aide aux cas de rigueur, c'est-à-dire aux entreprises qui ont connu une perte de chiffre d'affaires de l'ordre de 25% à 40% au cours de l'année 2020 et du premier semestre 2021. La situation dans laquelle nous nous trouvons est la suivante: lors de votre dernier vote sur le principe de ce dispositif cantonal d'aide aux entreprises dites cas de rigueur, vous aviez à la fois admis le principe d'un droit à cette aide et fixé dans la loi un montant qui représentait l'estimation de la dépense budgétaire correspondante. Ce montant avait été fixé à 40 millions. A la fin de la période couvrant ces aides aux cas de rigueur, c'est-à-dire au 30 juin 2021, les entreprises qui pouvaient être éligibles à cette indemnisation ont fait établir le bilan intermédiaire portant jusqu'à cette date, et cela a conduit à une augmentation du nombre de demandes reçues par le département de l'économie et de l'emploi. Sur la base des demandes reçues et du temps restant à disposition des entreprises pour déposer leur demande - le délai est fixé au 31 octobre 2021 -, d'une part, nous avons été amenés à constater que le montant de 40 millions était atteint et que nous n'avions donc plus la possibilité de verser les aides aux entreprises sur la base de la loi telle qu'elle existe aujourd'hui; d'autre part, nous avons estimé que pour répondre aux demandes déjà arrivées et à celles encore à venir jusqu'au 31 octobre, c'est un montant de 35 millions supplémentaires qu'il convenait de prévoir.

Ce point fait l'objet de la modification qui vous est proposée à l'article 10 du projet de loi, qui augmente le montant plafond de l'aide aux cas de rigueur déterminé par le dispositif cantonal de 40 millions - tel qu'il y figure actuellement - à 75 millions, pour répondre à la demande des entreprises. Pour vous donner une idée des paiements qui sont en attente aujourd'hui, qui ont donc été validés - c'est-à-dire les dossiers d'entreprises examinés, dont on a considéré qu'elles devaient être indemnisées pour les frais exposés -, cela représente 451 000 francs et concerne 16 entreprises et 41 emplois. Restent à valider - dossiers traités mais non encore définitivement validés: des demandes de 33 entreprises, représentant 499 emplois, pour un montant de plus de 1 million de francs. La raison pour laquelle je vous présente aujourd'hui ce projet du Conseil d'Etat en urgence, en vous demandant la discussion immédiate, c'est que, concrètement, ce sont des entreprises, ce sont des emplois à la clé qui attendent votre décision, et que ce projet de loi permettra de leur verser l'indemnité que vous avez voulu leur accorder lors de votre vote au mois d'avril.

J'en viens au deuxième point abordé dans ce texte. Je crois que vous avez déjà eu l'occasion d'apprendre que la Confédération avait libéré une partie de la réserve qu'elle avait constituée pour les cas de rigueur, cette fois du dispositif fédéral, c'est-à-dire les entreprises qui enregistrent une baisse de leur chiffre d'affaires comprise entre 40% et 70%. Suite à cette dissolution partielle de la réserve fédérale, un montant de 21,33 millions est prévu pour le canton de Genève. Le présent projet de loi vous propose d'attribuer le montant en question à des entreprises qui ont été indemnisées une première fois, mais qui n'ont pas pu l'être entièrement, parce que les plafonds empêchaient de les indemniser pour la totalité de leurs frais non couverts. L'idée est de compléter l'aide, pour qu'une plus grande partie des frais fixes que ces entreprises ont exposés et qu'elles n'ont pas pu amortir par leur chiffre d'affaires soit couverte. C'est l'objet des articles 7A et 8A du texte qui vous est soumis.

En conclusion, le Conseil d'Etat vous propose d'adopter ce projet de loi, de manière à pouvoir procéder sans attendre au versement des aides à des entreprises que nous avons d'ores et déjà soutenues et qui aujourd'hui peuvent fonctionner et participer pleinement à l'activité économique qui reprend, grâce aux aides antérieures. Raison pour laquelle nous souhaitons pouvoir continuer à délivrer l'aide attendue. Je vous remercie de votre attention.

M. André Pfeffer (UDC). Ce texte propose une troisième révision de la loi liée aux aides pour les entreprises dites cas de rigueur. Elle avait été approuvée par la quasi-unanimité de notre Grand Conseil; les conditions sont largement dictées par la Confédération.

Le projet de loi 13029 propose, premièrement, de réajuster les indemnités aux critères imposés par Berne, soit un plafond de 1,5 million par entreprise ou 30% du chiffre d'affaires. Cette réadaptation n'implique aucune augmentation des dépenses pour Genève.

La deuxième modification concerne les entreprises soutenues uniquement par Genève. Le nombre de ces entreprises qui connaissent une perte du chiffre d'affaires entre 25% et 40% et qui sont non admissibles au dispositif fédéral a été sous-estimé. Le budget initial pour ces entreprises était évalué à 40 millions. Ce montant a déjà été atteint, comme cela vient d'être indiqué. Le Conseil d'Etat nous propose de le porter maintenant à 75 millions.

Je rappelle que les bénéficiaires des entreprises concernées, tout comme leurs collaborateurs, sont très affectés par cette crise sanitaire. Cette extension est nécessaire pour la sauvegarde de leurs salariés et le maintien de notre tissu économique. Le groupe UDC soutient cette troisième révision de la loi liée aux entreprises dites cas de rigueur. Merci de votre attention.

M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames les députées, Messieurs les députés, chères et chers collègues, je ne vais pas rappeler les dispositions citées par Mme la conseillère d'Etat, puisque je pense qu'elle a été parfaitement claire et tout à fait complète.

Je rappellerai - c'est important de le dire - que ce projet de loi 13029 est une modification du dernier projet de loi 12938 et que le canton de Genève a fait le choix d'apporter un soutien supplémentaire et plus étendu que celui qui avait été prévu par l'ordonnance fédérale sur les cas de rigueur, puisqu'il a considéré que les entreprises éligibles étaient celles qui connaissaient une perte du chiffre d'affaires de l'ordre de 25% à 40%; le canton de Genève adopte donc une attitude plus généreuse que celle de la Confédération.

Je tiens à cet égard à saluer - et je crois qu'elle a été saluée également par l'unanimité de la commission - la réactivité du Conseil d'Etat et sa générosité dans le cas d'espèce, qui permet de sauvegarder ou de maintenir l'emploi dans ce canton. Je remercie le Conseil d'Etat pour le travail qu'il accomplit. Sur cette base, le groupe démocrate-chrétien vous recommande d'accepter cette modification à la plus forte majorité possible. Je vous remercie.

M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, chères et chers collègues, la simple existence de ce projet de loi démontre que les aides que nous avons votées l'année dernière et ce printemps sont bien nécessaires. L'estimation financière du mois d'avril dernier a en effet été largement dépassée, puisqu'il faut agrandir son enveloppe, qui passe de 40 à 75 millions de francs - comme cela a déjà été dit -, tout en y ajoutant la cagnotte fédérale qui se monte à 21,33 millions. Rappelons aussi que cette aide est destinée à aider les entreprises ayant perdu une partie de leur chiffre d'affaires à couvrir leurs frais fixes.

Comme nous l'avons déjà exprimé plusieurs fois, nous n'avons pas l'illusion de croire que le soutien que nous apportons à travers cette loi et sa présente extension ait le potentiel d'orienter l'économie genevoise en direction de la transition environnementale et sociale qui nous est chère. Mais nous la voterons tout de même, car il s'agit ici d'une action de sauvetage et pas d'un plan de relance. Nos attentes face à un plan de relance seront bien entendu différentes.

Nous accepterons également les amendements qu'a déposés mon excellent collègue Burgermeister, qui visent à protéger non seulement les entreprises, mais aussi leur personnel. Ainsi que nous l'avons fait pour les précédents textes de soutien à ce qu'on appelle les cas de rigueur, nous voterons ce projet de loi. Je vous remercie.

M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste votera naturellement ce projet de loi. L'évidence du besoin de celui-ci est démontrée, puisque la première enveloppe de 40 millions de francs destinée à venir en aide aux entreprises dites cas de rigueur afin de maintenir les emplois est déjà bientôt épuisée. Par conséquent, il est nécessaire aujourd'hui de voter cette rallonge de 35 millions de francs, pour faire en sorte que le tissu économique de notre canton ainsi que les emplois soient maintenus et que nous puissions traverser au mieux cette crise, qui, bien qu'elle semble s'améliorer d'un point de vue sanitaire, risque encore de durer un certain temps, d'un point de vue social et économique.

On peut se réjouir du fait qu'une quasi-unanimité - pour ne pas dire l'unanimité - de cette commission et donc du parlement s'apprête à voter ce projet de loi. En revanche, on peut quand même avoir certains regrets - c'est le cas du moins du groupe socialiste - sur le fait que nous n'ayons pas connu une telle réactivité du parlement et un tel enthousiasme à voter des crédits supplémentaires pour les personnes les plus précaires touchées par la crise.

Le vote de ce projet de loi ce soir est également l'occasion de rappeler l'importance du rôle de l'Etat, qui vient au secours de l'économie privée et qui joue un rôle majeur en matière d'emplois. Au début des débats budgétaires, nous pouvions nous apercevoir que les charges de l'Etat et les politiques publiques venant en aide aux entreprises étaient essentielles. Alors, quand on entend les critiques concernant le projet de budget 2022, attaquant l'Etat, son rôle et ses charges qu'on estime trop élevées... Je suis désolé, mais ce soir, justement, nous donnons tout son sens au rôle de l'Etat, en votant des charges supplémentaires pour venir en aide directement à la population, en maintenant les emplois dans notre canton. Raisons pour lesquelles le groupe socialiste votera les amendements d'Ensemble à Gauche et votera ce projet de loi.

M. Vincent Subilia (PLR). Qu'il est agréable de pouvoir enlever son masque ! Un masque dont nous ferions l'économie si toutes et tous nous étions vaccinés dans cette enceinte - le ministre cantonal de la santé nous le rappelait à l'instant -, mais voilà un autre débat. On se concentre aujourd'hui sur l'emploi, qui se trouve au coeur des politiques menées au cours cette pandémie sans précédent, qui procède de l'entrepreneuriat et que nous devons toutes et tous aujourd'hui soutenir.

Le groupe PLR apportera son soutien à cette modification législative de l'article 10. Il s'y résout, parce qu'il s'agit naturellement d'une obligation; en effet, comme Mme la conseillère d'Etat le rappelait parfaitement, nous nous voyons pris dans un champ de tension entre, d'un côté, une obligation légale, celle de satisfaire au versement aux entreprises de cette aide - qui est due, à partir du moment où elles y ont droit, et donc potentiellement justiciable devant les tribunaux -, et d'un autre côté - mais s'il est une leçon que l'on tire dans cette crise, c'est celle de l'humilité -, un déficit d'anticipation, et c'est peut-être ici le regret qu'émettra le groupe PLR. Lorsqu'on évoque un montant de 40 millions et que finalement la facture est de 75 millions, c'est un doublement de l'ordre de 1 + 1 = 2 ou 3, c'est vrai qu'on aurait imaginé - mais on est tous plus intelligents ensuite - que ce montant puisse être provisionné. Mais là n'est pas le sujet.

Aujourd'hui, nous sommes confrontés à une crise sans précédent qui produit les ravages économiques que l'on sait, et les mesures déployées tant sur le plan cantonal que sur le plan fédéral ont fait leur effet et ont prouvé leur efficacité. Il serait donc irresponsable de s'arrêter au milieu du gué et de cesser de soutenir les entreprises qui créent de l'emploi et qui attendent à juste titre ces aides. Vous l'aurez compris, le PLR apportera son soutien à cette démarche.

Cela étant dit, et nous pourrons y revenir tout à l'heure, nous ne souscrirons naturellement pas aux amendements proposés, parce que, précisément, derrière l'emploi il y a les entrepreneurs, ce sont eux-mêmes qui créent de l'emploi - je ne vais pas vous en faire la démonstration -, y compris sous l'angle de l'impôt qui permet de payer des structures de qualité en matière de soins, structures qui ont fait leurs preuves. L'idée n'est certainement pas d'imposer des contraintes additionnelles à des employeurs qui ont eu - et c'est la logique dans laquelle beaucoup d'entre eux se débattent encore aujourd'hui - pour seule volonté et objectif de sauver des emplois, ce à quoi cette modification de la loi concourra.

Pour toutes ces raisons, vous l'avez compris, avec une légère réserve s'agissant du montant qui n'est pas anodin - mais on espère que cela permettra d'assurer la viabilité et donc à terme un retour sur investissement -, le PLR soutiendra ce projet de loi. Je vous remercie de votre attention.

M. Jean Burgermeister (EAG). J'ai déposé un amendement sur ce projet de loi. Bon, ça ne surprendra personne: c'est le même que celui qui est déposé systématiquement, lorsque nous traitons - et nous les traitons souvent - ces projets de lois d'aide aux entreprises, pour exiger d'abord que les entreprises qui bénéficient d'aides de l'Etat ne licencient pas le personnel, pendant la période de l'aide bien sûr, mais aussi pendant les six mois qui suivent, et, par ailleurs, que les salariés en RHT reçoivent le complément de salaire pour le toucher à 100%.

Nous avons traité depuis le début de la crise beaucoup de projets de lois d'aide aux entreprises, mais nous n'avons rien fait - ou très peu - pour les précaires et pour les salariés, qui souffrent durement de la crise. Je crois que ce parlement, tout comme le Conseil d'Etat, sous-estime très largement l'ampleur de la crise sociale, qui n'est pas appelée à disparaître avec l'arrivée du vaccin, et même avec la fin de la pandémie, même si elle arrive prochainement - ce qui est loin d'être sûr. J'entendais encore à la commission des finances il y a quelques semaines le PLR qui s'étonnait que l'on s'attende à une hausse du nombre de bénéficiaires de l'Hospice général, en nous disant qu'après tout, la crise était derrière nous et que nous nous trouvions maintenant en période de relance. En réalité, pour beaucoup, la crise ne fait que commencer et ses effets sur le plan social sont appelés à durer, ce d'autant plus que le gouvernement a été extraordinairement passif face à cette situation. Je rappelle que, pour les précaires, il n'a rien fait depuis la première vague, c'est-à-dire depuis plus d'un an. Et puis, le projet de loi déposé un peu avant l'été par Mme la conseillère d'Etat Fischer qui proposait un complément modeste aux RHT pour ceux et celles qui toucheraient moins que le salaire minimum était assorti de conditions douteuses, comme la préférence cantonale, et les personnes qui travaillaient à Genève mais qui étaient domiciliées à l'extérieur du canton ne pourraient pas en bénéficier. Je constate par ailleurs que ce projet de loi, précisément, n'est toujours pas voté par ce parlement. Les travaux à la commission de l'économie ont d'ailleurs été interrompus cette semaine pour laisser le temps de traiter en urgence une fois de plus le projet de loi d'aide aux entreprises.

Voilà, Mesdames et Messieurs, la priorité de ce parlement ! (Commentaires.) Voilà la priorité de ce Conseil d'Etat: aux entreprises, on donne, on donne beaucoup, on donne sans conditions, et aux salariés, on ne donne rien ! Pourtant, la crise va se faire sentir, et se faire sentir toujours plus fort, face à cette passivité honteuse et coupable de la majorité de ce Grand Conseil et de ce Conseil d'Etat. Raison pour laquelle Ensemble à Gauche a déposé encore une fois cet amendement. Je vous appelle à le voter. S'il était refusé, nous refuserions ce projet de loi. (Commentaires.)

M. Patrick Dimier (MCG). Je suis suffisamment peu enclin à féliciter ce Conseil d'Etat pour pouvoir me permettre de le faire. La mesure qui nous est proposée va dans le bon sens, pour une raison simple: lorsqu'on entend le laïus des post-marxistes, on a compris que les 15 millions que nous avons donnés pour aider - et c'était normal - ceux qui étaient tombés dans la précarité... Nous avons une divergence, parce que nous pensions que cela devait être réservé à nos résidents et non pas aux gens de l'extérieur; la majorité des citoyens en a voulu autrement, c'est sa décision et nous devons nous incliner.

Je veux revenir sur la proposition qui nous est faite et qu'à mon avis il faut soutenir. La raison en est simple: comme l'a dit un préopinant tout à l'heure, derrière les patrons, il y a de l'emploi, et derrière les entreprises, il y a de l'emploi. Ce n'est pas en soutenant une économie qui génère du chômage qu'on arrive à soutenir l'emploi. C'est l'inverse. Par conséquent, pourquoi soutiendrons-nous ce projet de loi ? Parce que tout simplement, il tend à aider des entreprises qui ont montré et démontré les difficultés qu'elles ont rencontrées depuis le mois de mars 2020.

J'ai un souhait, et mon groupe avec moi: c'est que, Madame la conseillère d'Etat, pour les entreprises qui n'ont pas pu être aidées parce qu'elles n'atteignaient pas le seuil fixé ou autre, et qui vous représenteraient un dossier parce que, avec le temps qui a passé, elles ont dû licencier du personnel, on procède à une observation attentive de ces situations, car, comme l'a dit notre collègue Subilia juste avant moi, il y a eu, dans ces casses économiques, aussi des casses personnelles et des catastrophes familiales. Donc, s'il vous plaît, Madame la conseillère d'Etat, je vous sais attentive à ces situations et je vous remercie par avance pour ces petits employeurs de reconsidérer les situations qui n'ont pas pu l'être au cours de l'année dernière et qui ont généré des licenciements auxquels il convient de trouver des palliatifs. Merci.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole va maintenant à M. le député Serge Hiltpold pour vingt-six secondes.

M. Serge Hiltpold (PLR). Merci, Monsieur le président. C'était juste pour rectifier les propos de M. Burgermeister concernant le traitement du projet de loi 12989 sur les RHT complémentaires. S'il a des choses à dire, qu'il me les dise en face ou en commission. En tant que président de la commission de l'économie, je n'ai jamais mis les freins sur ce projet de loi. J'aimerais juste que ce soit rectifié pour le plénum. Merci.

Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, la parole n'étant plus demandée, nous entrons en procédure de vote.

Mis aux voix, le projet de loi 13029 est adopté en premier débat par 79 oui (unanimité des votants).

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Le président. Nous sommes saisis d'un amendement déposé par Ensemble à Gauche à l'article 5.

M. Jean Burgermeister. Je peux le présenter immédiatement, Monsieur le président ! (Commentaires.)

Le président. Le groupe Ensemble à Gauche n'a plus de temps de parole. Je présenterai l'amendement. (Commentaires.) L'amendement d'Ensemble à Gauche modifie l'article 5 «Conditions d'octroi des aides», en ajoutant les lettres f et g. Il se présente comme suit:

«Art. 5, lettres f et g (nouvelles)

f) l'entreprise ne peut pas licencier le personnel durant toute la durée de l'aide et les 6 mois suivants, sauf en cas de faute grave et avérée;

g) en cas de RHT, l'entreprise s'engage à verser aux employés la différence entre les indemnités pour les réductions d'horaire de travail (RHT) et les salaires perçus ordinairement.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 55 non contre 37 oui.

Mis aux voix, l'art. 7A (nouveau) est adopté, de même que les art. 8A (nouveau) et 10, al. 3 (nouvelle teneur).

Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté.

Le président. Nous nous prononçons à présent sur l'article 2 souligné «Clause d'urgence». Je rappelle que selon l'article 142 de la LRGC, pour être adoptée, la clause d'urgence doit être votée par le Grand Conseil à la majorité des deux tiers des voix exprimées, les abstentions n'étant pas prises en considération, mais au moins à la majorité de ses membres.

Mis aux voix, l'art. 2 (souligné) est adopté par 85 oui contre 8 non (majorité des deux tiers atteinte).

Troisième débat

Mise aux voix, la loi 13029 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 83 oui contre 8 non.

Loi 13029

PL 12594-A
Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Adrien Genecand, Edouard Cuendet, Yvan Zweifel, Pierre Nicollier, Raymond Wicky, Simone de Montmollin, Céline Zuber-Roy, Jacques Béné, Jacques Apothéloz modifiant la loi sur les droits d'enregistrement (LDE) (D 3 30) (Pour une mise en place effective d'une cédule hypothécaire de registre)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 4 et 5 mars 2021.
Rapport de M. Edouard Cuendet (PLR)

Premier débat

Le président. Nous enchaînons avec la prochaine urgence, le PL 12594-A, et sommes en catégorie II, trente minutes. Je cède la parole à M. le rapporteur Edouard Cuendet.

M. Edouard Cuendet (PLR), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chères et chers collègues, le projet de loi 12594 n'est pas seulement technique, il est aussi ambitieux. Il vise à faire sortir notre canton du néolithique hypothécaire pour le faire entrer dans les temps modernes. En substance, ce projet de loi entend favoriser le développement à Genève de la cédule hypothécaire de registre en modifiant la perception des droits d'enregistrement.

Pour rappel, la cédule hypothécaire de registre a été introduite au niveau fédéral au 1er janvier 2012. Elle permet l'inscription d'un gage immobilier au registre foncier sans qu'il soit nécessaire d'établir un papier-valeur à cet effet. (Brouhaha.)

Le président. Un instant, Monsieur le rapporteur. (Le président marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) Poursuivez, Monsieur Cuendet.

M. Edouard Cuendet. Merci. Le transfert de la cédule hypothécaire de registre a lieu par simple inscription du nouveau créancier au registre foncier. Cette innovation permet d'éviter des frais d'établissement et de conservation des titres physiques, de même que les frais de communication de ces titres entre les offices du registre foncier, les notaires et les banques. Elle permet également de supprimer les risques de perte de cédule. Cette cédule hypothécaire de registre s'est imposée dans tous les cantons suisses, à l'exception de Genève, en raison d'un système fiscal défavorable et obsolète. Le projet de loi 12594 vise donc à supprimer le droit d'enregistrement de 0,65% de la valeur nominale de la créance hypothécaire lors d'une cession de cette créance; ce droit serait conservé uniquement lors de la constitution de la créance en question.

Ces travaux sont évidemment assez techniques. Afin d'être éclairés dans nos réflexions, nous avons donc convié la Chambre des notaires, qui est venue nous expliquer toute la genèse des cédules hypothécaires et leur caractère technique. Mais le point particulièrement intéressant auquel les notaires présents nous ont rendus attentifs est le risque très important lié aux cédules hypothécaires au porteur: il y a un risque de perte important, or une perte de cédule hypothécaire fait courir le risque au débiteur de voir le créancier qui a trouvé la cédule par terre venir toquer à sa porte pour réclamer le montant indiqué sur ce titre. C'est donc extrêmement risqué et, pour éviter ce risque... En cas de perte, il faut lancer une procédure judiciaire longue et coûteuse: passé le délai de six mois au cours duquel le créancier doit s'annoncer, c'est le juge qui est chargé d'annuler la cédule en question. C'est donc une procédure lourde et compliquée. De plus, la cédule hypothécaire est un titre fragile, puisque, comme nous l'ont rappelé les notaires, rien que le fait de faire des trous dans ce type de document pour le mettre dans un classeur le rend nul et non avenu. Par conséquent, la cédule hypothécaire de registre permet de passer à une nouvelle ère. Ce qui est intéressant, c'est que les notaires ont aussi rappelé que cela ne changeait rien pour les droits de perception.

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.

M. Edouard Cuendet. Ce point a été confirmé par l'administration fiscale cantonale qui a été entendue et qui a confirmé qu'elle soutenait aussi cette évolution - pour ne pas dire cette révolution -, tout en proposant un amendement technique pour justement clarifier la portée de ce texte.

Tout le monde était donc à peu près d'accord, jusqu'au moment du vote, où Ensemble à Gauche s'est opposé à ce texte. Ce qui est intéressant, c'est que le représentant d'Ensemble à Gauche - vous transmettrez, Monsieur le président - était censé déposer un rapport de minorité pour tenter de justifier le maintien de Genève dans la préhistoire numérique hypothécaire, mais il n'a sans doute pas pu transporter le menhir sur lequel il avait gravé son rapport, tant il était lourd. C'est pour cela que je vous invite toutes et tous à soutenir cette réforme nécessaire. Merci.

Une voix. Bravo ! (Commentaires.)

M. Christo Ivanov (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, cela vient d'être dit par mon préopinant, Genève est le seul canton suisse à procéder de la sorte. Peut-être serait-il bon de voter ce soir ce projet de loi pour rejoindre les autres cantons suisses, afin d'éviter de faire une Genferei supplémentaire. Le but est que dans le cadre de la création de nouvelles cédules, les notaires proposent spontanément la nouvelle cédule de registre. L'avantage est qu'elles seront inscrites au registre foncier, alors que, par le passé, les cédules en papier étaient au porteur et se remettaient de main en main, ce qui posait un certain nombre de problèmes, si elles étaient perdues ou égarées: il fallait ensuite passer devant le juge pour les récupérer. C'est quelque chose d'extrêmement compliqué.

Genève applique par ailleurs plusieurs taxes et procède par plusieurs étapes dans ces cédules de registre. Ce qui va être voté, je l'espère, ce soir permettra à l'Etat de mieux fonctionner, de simplifier les procédures et de les rendre plus claires. Cela a été dit par la magistrate en commission, les pertes pour l'Etat sont quasiment nulles. Par conséquent, le groupe UDC vous demande, non pas de perdre de la substance fiscale à Genève, mais de permettre au canton de rattraper le train et de voter pour ces cédules de registre. Je vous remercie, Monsieur le président.

M. Thomas Wenger (S). Mesdames et Messieurs les députés, pour le groupe socialiste, dans le domaine des cédules hypothécaires, il est temps que Genève entre dans le XXIe siècle. Aujourd'hui, quelle est la pratique ? C'est quasi exclusivement celle de la cédule hypothécaire au porteur, c'est-à-dire le bon vieux papier-valeur, telles les parts du «Groupe W» de Largo Winch, qui sont au porteur et conservées dans le bon vieux coffre d'une banque lucernoise.

Quels sont les risques aujourd'hui avec les cédules hypothécaires au porteur ? Cela a été dit par le rapporteur, c'est la perte. Comme on nous l'a expliqué, beaucoup de gens ont placé ce papier-valeur dans leur cave vingt, trente ans auparavant, et ne savent plus exactement où ils l'ont mis. Il y a les risques d'inondation et d'incendie - qui ne vont pas aller en s'améliorant avec le dérèglement climatique. Il y a même un risque beaucoup plus grand, cela a aussi été relevé: celui de l'utilisation malencontreuse d'une perforatrice, en faisant deux trous dans le papier-valeur, le rendant ainsi sans valeur.

Pourquoi dès lors la pratique ne s'oriente-t-elle pas, comme dans les autres cantons, vers la cédule hypothécaire de registre - je vous pose la question, Monsieur le président ? Parce que, justement, au contraire des autres cantons, à Genève, le changement de créancier est taxé, ce qui n'est pas le cas de la cédule hypothécaire au porteur, vu qu'elle est donnée de la main à la main.

Par conséquent, pour favoriser la numérisation, pour améliorer la sécurité de la pratique, et surtout pour éviter une nouvelle Genferei, le groupe socialiste, tout en saluant le dernier téléspectateur qui ne s'est pas encore endormi vu la difficulté du sujet, votera ce projet de loi avec enthousiasme. (Rire.)

Une voix. Bravo !

M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, chers collègues, je vais nuancer quelque peu les propos de mon préopinant. Nous comprenons bien entendu l'utilité de passer de la cédule papier à la cédule de registre, qui évite de devoir transmettre physiquement des gages hypothécaires sous forme de documents solides. Comme expliqué très clairement dans le rapport de M. Cuendet, que je salue ici, même s'il est possible depuis 2012 de constituer en Suisse des cédules de registre, cette possibilité n'est pas utilisée à Genève, en raison du fait que la transmission d'un tel titre implique le paiement par trois fois des droits d'enregistrement.

Le projet propose, de fait, de supprimer totalement le droit d'enregistrement de la créance hypothécaire lors d'une cession de cette créance et de conserver ce droit uniquement lors de la constitution de la créance. Une fois de plus, on supprime une possibilité de recette pour l'Etat, même si elle est probablement très faible puisque la cédule de registre est peu ou pas utilisée.

Voilà que j'ai utilisé le terme «probablement». J'aimerais bien relever quelques éléments qui figurent dans le rapport de majorité et qui ressortent des diverses auditions menées, qui n'ont pas réellement permis de lever le doute. Je souhaiterais citer quelques phrases du rapport de M. Cuendet: «Il souligne que cette modification ne devrait pas avoir d'impact sur les recettes de l'Etat.» «[Il] répond que le manque à gagner est relatif [...]» «Il semble que la perte engendrée pour les recettes de l'Etat serait à la marge, voire inexistante.» Il y a bien trop de conditionnels dans ces citations pour ne pas engendrer un peu de méfiance de notre part.

Comme vous le savez, Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est pas du tout le moment de mettre en danger les recettes de l'Etat, et comme la question de savoir si l'impact sur les recettes serait nul ou non n'a pas reçu de réponse claire, nous nous abstiendrons sur ce projet de loi, même si une partie du groupe le soutiendra... peut-être. (Rires.) Je vous remercie.

M. Sébastien Desfayes (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, j'ai entendu derrière moi, avec l'intervention du député Eckert, le grand retour de la pizza verte ! (Rire.) Je dois dire que j'ai de la peine à comprendre sa position, tant il est vrai que ce projet de loi va dans la bonne direction. S'agissant des recettes fiscales, je relèverai simplement que M. Bopp a rendu une note dans laquelle il concluait, au nom de l'administration fiscale, que cette réforme n'aurait aucun impact sur les recettes du canton. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'aujourd'hui, à Genève, contrairement à ce qui se pratique dans les autres cantons suisses, personne n'utilise de cédule hypothécaire de registre, justement en raison de cette taxation totalement aberrante, c'est-à-dire une taxation en quatre étapes: transmission par la banque au vendeur - première taxation; le vendeur à l'acquéreur - deuxième taxation; l'acquéreur au créancier - troisième taxation; etc. Bien entendu, une telle pratique dissuade tout notaire de conseiller à son client d'utiliser la cédule hypothécaire de registre. Donc, faute d'utilisation de cet instrument, il n'y a pas de recettes fiscales, et l'incitation n'aura aucune espèce de conséquence.

On a parlé des problèmes de la cédule hypothécaire au porteur; on a parlé des inondations, des pertes, des vols, de la mauvaise foi éventuelle du porteur, mais il y a surtout un point qui est fondamental, c'est le principe de la transparence: à l'heure des Pandora papers, la transparence dans les pratiques financières, y compris dans les ventes immobilières, est quelque chose de fondamental. Le Forum mondial sur la transparence a rendu un rapport en 2019 qui préconisait l'interdiction pure et simple des papiers-valeurs au porteur. Notre pratique actuelle est totalement désuète par rapport aux standards mondiaux en matière de transparence. Partant, nous devons tout entreprendre pour mettre fin aux titres au porteur et donc pour favoriser en l'occurrence les cédules hypothécaires de registre. Pour toutes ces raisons, le PDC vous appelle à voter ce projet de loi. Merci.

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur le député Alexandre de Senarclens, vous avez la parole pour deux minutes dix.

M. Alexandre de Senarclens (PLR). Merci, Monsieur le président. Le PLR se réjouit tellement d'entrer dans le XXIe siècle pour ce qui est des cédules hypothécaires de registre qu'il ne va pas retarder cette échéance et qu'il se bornera dans son intervention à indiquer qu'il soutiendra totalement ce projet de loi. Je vous remercie, Monsieur le président.

Une voix. Bravo ! (Rire.)

Le président. Merci, Monsieur le député, pour votre concision ! Madame la députée Françoise Sapin, vous avez la parole.

Mme Françoise Sapin (MCG). Merci, Monsieur le président. Je ne vais pas répéter tout ce que mes préopinants ont déjà dit. Pour le MCG, le passage de la cédule papier à la cédule de registre est une excellente chose. Le fait d'entrer dans le XXIe siècle l'est également. Comme M. de Senarclens, je dirai donc simplement que notre groupe soutiendra ce projet de loi. Merci.

Une voix. Bravo !

Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. L'ensemble du Conseil d'Etat soutient ce projet de loi et se réjouit de pouvoir moderniser ces aspects-là, ce qui était déjà fait dans les autres cantons. Il vous confirme également que ce texte n'aura pas de conséquences sur les revenus fiscaux dans notre canton. Merci beaucoup.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite maintenant à vous prononcer sur ce projet de loi.

Mis aux voix, le projet de loi 12594 est adopté en premier débat par 61 oui et 12 abstentions.

Le projet de loi 12594 est adopté article par article en deuxième débat.

Mise aux voix, la loi 12594 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 59 oui et 14 abstentions.

Loi 12594

PL 12845-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat accordant une aide financière annuelle de 718 739 francs à l'association Aide aux Victimes de Violence en Couple (AVVEC) pour les années 2021 à 2024
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session I des 20, 21 mai, 3 et 4 juin 2021.
Rapport de majorité de M. Jacques Béné (PLR)
Rapport de première minorité de M. François Baertschi (MCG)
Rapport de deuxième minorité de M. Jean Burgermeister (EAG)

Premier débat

Le président. Voici l'urgence suivante: le PL 12845-A, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Je cède la parole au rapporteur de majorité, M. Jacques Béné.

M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Ce projet de loi aurait dû passer aux extraits, parce que c'est typiquement le genre de texte qui, en règle générale, vu que ça concerne un contrat de prestations, fait l'unanimité au sein de la commission des finances; mais il se trouve que deux rapports de minorité ont été déposés, de même qu'un amendement pour augmenter de plus de 40% la subvention versée à l'association AVVEC, c'est-à-dire bien au-delà de ses besoins tels que définis par le Conseil d'Etat.

Il ne s'agit pas de critiquer les prestations délivrées par AVVEC - AVVEC, c'est donc l'ancienne association Solidarité femmes, qui se nomme aujourd'hui Aide aux victimes de violence en couple -, la qualité du travail fourni a été tout à fait reconnue par la commission des finances dans son ensemble. Malheureusement, c'est le Conseil d'Etat qui détermine les contrats... (Brouhaha.)

Le président. Un instant, s'il vous plaît ! (Le président marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) Reprenez, je vous prie.

M. Jacques Béné. Merci, Monsieur le président. Selon le fonctionnement usuel de nos institutions, la responsabilité de la négociation des contrats de prestations incombe au gouvernement; c'est à lui seul, avec les moyens que lui permet son administration, de juger si oui ou non des services complémentaires justifient une hausse de l'aide financière accordée aux entités subventionnées.

Lors des travaux, on a évoqué le fait qu'une partie des prestations offertes par AVVEC pourraient être prises en charge par la LAMal, nous invitons donc l'association ainsi que le département à continuer leurs démarches dans ce sens. Cela permettrait à cette structure d'augmenter ses rentrées financières sans avoir à solliciter une hausse de la subvention.

Nous encourageons aussi AVVEC à utiliser au maximum les ressources du réseau. En effet, le département a jugé qu'il y avait certainement des améliorations possibles à ce niveau, qu'une meilleure allocation des ressources permettrait d'éviter que chaque organisation prenne tout en charge et présente ensuite des demandes de subventions supplémentaires.

La majorité de la commission est d'accord de voter le projet de loi tel qu'il ressort de nos travaux, c'est-à-dire sans aucun amendement, ainsi que le Conseil d'Etat l'a proposé. Elle refusera dès lors le montant complémentaire de 300 000 francs qui a été réclamé par AVVEC en commission, ce qui fait qu'aucune modification du contrat de prestations n'est nécessaire.

Il a été indiqué que la subvention avait été diminuée ces dernières années; je précise qu'elle a été réduite de 8000 francs exactement, passant de 726 000 francs à 718 000 francs, on parle donc d'une baisse tout à fait raisonnable, on ne peut pas prétendre qu'il y a eu une diminution substantielle de la subvention allouée à cette association qui, je tiens à le souligner, est financée par l'Etat à hauteur de 56% de l'ensemble de ses revenus.

Par conséquent, Mesdames et Messieurs, je vous recommande de voter le projet de loi tel qu'issu des travaux de commission - il a été accepté par la majorité - et de refuser l'amendement des deux rapporteurs de minorité. Je vous remercie.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de première minorité. L'association AVVEC accomplit un travail très important pour aider les victimes de violence conjugale. Or, actuellement, elle ne dispose plus des moyens nécessaires pour répondre aux besoins, car la situation s'est fortement dégradée ces dernières années. Citons un chiffre qui résume tout: en 2003, la structure menait environ mille consultations par an; en 2019, dernières données à notre disposition, elle s'est retrouvée avec 4000 consultations.

Il se trouve que le montant de la subvention est resté pour ainsi dire inchangé depuis, il a même été diminué alors que les prestations augmentent et que l'urgence sociale est de plus en plus manifeste dans un domaine qui est capital, qui met en lumière toute la détérioration de notre société, puisque les violences conjugales se développent très fortement.

Rappelons qu'AVVEC a déjà une longue tradition derrière elle et effectue un travail reconnu, il est nécessaire de lui accorder davantage de ressources. Il faut aussi savoir que l'association se débrouille pour récolter beaucoup de financements externes; cela lui permet d'exister, mais n'est pas suffisant pour répondre à l'urgence sociale.

C'est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement: il s'agit d'augmenter la subvention d'AVVEC pour répondre véritablement aux difficultés sociales de la population. Pour notre minorité, il est de notre devoir de trouver des solutions, voilà pourquoi nous vous présentons cet amendement et vous invitons à le soutenir. Merci.

M. Jean Burgermeister (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Comme cela a été souligné, AVVEC soutient les victimes de violence conjugale, violence qui peut être physique ou psychologique. Non seulement la subvention n'a pas été augmentée, mais elle a même été diminuée. Certes, le rapporteur de majorité l'a indiqué, elle n'a été réduite que légèrement, mais en parallèle, les prestations délivrées par l'association, dont personne ne doute d'une part de l'utilité, d'autre part de l'efficacité - le travail d'AVVEC est loué de toutes parts -, ont été multipliées par quatre depuis vingt ans - sans hausse du financement, donc. Cela signifie que la structure dépend toujours plus de dons privés, la subvention étatique ne représentant plus que 56% de son budget.

Or, Mesdames et Messieurs les députés, l'aide aux victimes ne doit pas dépendre des aléas de financements privés, ce qui est pourtant le cas aujourd'hui. L'association n'est pas certaine de pouvoir maintenir toutes ses prestations à terme, certains dons arrivant à échéance, et le risque est important, si l'Etat n'augmente pas sa subvention - cela a été évoqué par ses représentantes elles-mêmes -, qu'elle doive renoncer à fournir certains services.

AVVEC a donc clairement exprimé, dans un premier temps auprès du Conseil d'Etat, ensuite devant la commission des finances, qu'elle avait besoin d'un montant supplémentaire annuel de 300 000 francs. Ecoutez, 300 000 francs, en relation avec le budget du canton, ce n'est vraiment pas énorme. Ce d'autant, Mesdames et Messieurs, je vous le rappelle, que ce Grand Conseil avait très largement adopté, il y a quelques années, une pétition intitulée «Que la honte change de camp !». Ce texte demandait notamment une hausse de la subvention pour les associations directement engagées auprès des femmes, des personnes trans et intersexes qui subissent des violences, c'est-à-dire précisément la cible de l'association AVVEC.

Je rappelle également à votre souvenir un cas récent, celui de l'association Viol-Secours pour laquelle nous avions sollicité, avec d'autres partis - le PS et les Verts, je crois -, une hausse de l'aide financière. A l'époque, le Conseil d'Etat avait d'abord jugé une telle requête inutile, puis était entré en matière sur une augmentation modique - le tiers de ce que nous avions proposé; finalement, Viol-Secours avait dû abandonner certaines prestations, notamment la ligne téléphonique d'urgence pour les personnes victimes d'agressions sexuelles, et l'Etat avait alors accepté d'accroître son financement afin de permettre à l'entité de continuer à exister et à venir en aide aux victimes.

Nous ne pouvons pas nous retrouver dans la même situation avec l'association AVVEC. Si celle-ci est dans l'incapacité de délivrer des prestations, il y aura des drames humains. La structure nous a confié qu'aujourd'hui déjà, par manque de moyens, certaines personnes devaient attendre jusqu'à trois semaines avant d'obtenir un rendez-vous; trois semaines qui peuvent être extrêmement dures, extraordinairement pénibles pour les victimes de violence, quelquefois le laps de temps qu'il faut pour que la situation se détériore de manière dramatique.

Maintenant, j'aimerais revenir sur les propos du rapporteur de majorité qui a évoqué la possibilité de financer les services d'AVVEC via la LAMal. En réalité, c'est une fausse solution - cela a été indiqué en commission -, parce qu'une grande partie des bénéficiaires ont des franchises d'assurance-maladie élevées, ce qui signifie que les coûts ne seraient pas couverts la plupart du temps pour elles - pour eux, parfois. En outre, il y a l'accès à la boîte aux lettres: il se peut que le conjoint violent ou la conjointe violente y ait accès en premier, donc si les factures sont envoyées à la personne, cela pose un vrai problème de confidentialité. Et puis, Mesdames et Messieurs, la logique veut que les victimes de violence ne soient pas considérées comme des malades, ce qui a le défaut de retourner le fardeau de la responsabilité et, à mon avis, constitue une pente dangereuse. Enfin, la LAMal ne prend pas en compte l'aspect multidimensionnel de la prise en charge sur lequel AVVEC met beaucoup l'accent et qui a fait ses preuves.

Mesdames et Messieurs les députés, nous le savons, cela a été expliqué: le financement par la LAMal ne constitue pas une solution viable pour l'association, et c'est la raison pour laquelle je vous enjoins, tout comme M. Baertschi, de voter l'amendement que nous avons déposé conjointement pour une hausse modeste de 300 000 francs de la subvention annuelle à l'association AVVEC. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie. La parole revient maintenant à M. Pierre Conne pour deux minutes et onze secondes.

M. Pierre Conne (PLR). Merci, Monsieur le président. J'informe simplement cette assemblée qu'étant membre du comité de l'association Aide aux victimes de violence en couple, je ne prendrai pas part au vote. Merci.

M. Olivier Cerutti (PDC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, la commission des finances a étudié ce contrat de prestations avec beaucoup d'attention. Nous souhaitons exprimer notre reconnaissance vis-à-vis d'AVVEC pour tous les services fournis en matière d'aide aux victimes de violences, qui peuvent être des violences économiques, mais aussi sexuelles et autres. Un travail remarquable est réalisé par cette association.

Le SAI a d'ailleurs émis un rapport qui va dans cette direction, tout en proposant un certain nombre de pistes d'améliorations. Même s'il y a des suggestions d'améliorations, Mesdames et Messieurs, force est de constater que les choses ne vont pas si mal que ça: comme on l'a vu, les comptes ont été bouclés à l'équilibre. Mais il est vrai que la situation difficile se ressent dans les prestations.

Il existe d'autres possibilités pour optimiser les prestations, par exemple le suivi des dossiers à distance. Voilà un point qui doit être amélioré et qui pourrait rendre service à AVVEC. Il y a également l'implication des réseaux, cela a été évoqué tout à l'heure: énormément d'acteurs associatifs oeuvrent contre cette violence, et je crois que les réseaux restent malgré tout une option intéressante.

Le soutien que nous manifestons aujourd'hui à AVVEC s'entend aussi comme un soutien au Conseil d'Etat. Celui-ci nous a présenté un contrat de prestations équilibré, et cela n'empêche pas la commission de revenir sur le sujet si des besoins supplémentaires se font sentir d'ici quelques années - nous l'avons fait avec Viol-Secours, il n'y a pas de raison que nous ne puissions pas intervenir pour AVVEC si la situation ne s'améliore pas.

Nous remercions le gouvernement pour ce contrat de prestations et nous vous invitons à le voter tel qu'il a été négocié, parce que ça reste la politique du Conseil d'Etat, je le rappelle ici de manière forte: on ne peut pas, chaque fois que quelqu'un sollicite des fonds supplémentaires lors d'une audition, apporter notre propre solution, cela ne relève ni de notre responsabilité ni de nos compétences. Le parti démocrate-chrétien acceptera ce projet de loi et refusera la demande d'amendement formulée par le MCG et Ensemble à Gauche. Je vous remercie de votre écoute.

M. Grégoire Carasso (S). Chers collègues, l'association AVVEC est la seule du réseau à offrir, dans le cadre de ses activités, des consultations ambulatoires de soutien aux victimes de violence en couple, essentiellement des femmes et leurs enfants. La seule du réseau ! Elle est reconnue depuis quarante-trois ans pour ses compétences, et ce bien au-delà des frontières du canton. Une telle prise en charge multidisciplinaire - psychologique, sociale, juridique - est unique en son genre. Depuis 2008, alors que la subvention du canton a marginalement baissé, les séances de soutien en lien avec cette forme tragique de violence ont quadruplé, passant de quelque mille consultations à 4000 par an aujourd'hui.

C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste a la plus grande difficulté à entendre les arguments du PDC et du PLR, qui souhaitent s'en tenir à une approche stricte, étant entendu que même un rapport de l'audit interne de l'Etat a mis en évidence les grands risques qu'il y a, s'agissant d'une prestation publique aussi essentielle déléguée à une association, à faire reposer 40% du financement de celle-ci sur des dons privés. Cela représente, selon les années, entre 460 000 francs et 600 000 francs à trouver, faute de quoi la structure n'est pas en mesure d'assurer la mission qu'elle s'engage à accomplir. Dès lors, Monsieur le président, chers collègues, les socialistes vous appellent avec conviction à voter cette modeste augmentation de la subvention. Merci. (Applaudissements.)

Mme Dilara Bayrak (Ve). «Nous assistons au tarissement progressif des sources de financement privé et à une augmentation mécanique de nos charges.» Forte de ce constat, l'association AVVEC est venue devant la commission des finances solliciter une hausse de la subvention figurant dans son contrat de prestations. C'est avec une certaine surprise que les commissaires ont accueilli cette requête, car il s'agit d'une démarche particulière. Il se trouve que la négociation du contrat de prestations avec le Conseil d'Etat a eu lieu avant la crise covid, ce genre de procédure prenant beaucoup de temps; la situation n'a pu que se dégrader avec le confinement engendré par la pandémie.

L'association nous a fait part d'une réalité violente, absurde pour un endroit comme Genève, à savoir que les bénéficiaires doivent attendre jusqu'à trois semaines avant d'accéder aux prestations. Voilà le genre de problème que la structure a décrit aux commissaires. Trois semaines à tenir dans un contexte difficile avec la personne qui vous fait vivre un enfer, en pleine détresse émotionnelle, en subissant des violences: c'est cette image qu'AVVEC nous a dépeinte à la commission des finances.

Nous avons ensuite mené l'audition du département, durant laquelle il a été dit que l'association AVVEC pourrait demander des financements en lien avec la LAMal ou bénéficier de ressources fournies par le réseau actuel à Genève. Or, comme l'a souligné le député Carasso, ce réseau est composé d'organisations qui délivrent différentes prestations, des prestations qui sont complémentaires et toutes nécessaires.

Trois semaines d'attente pour une consultation au sein de l'association AVVEC, c'est inacceptable. Genève ne peut pas se permettre de faire l'économie de fonds supplémentaires pour une telle entité. Les Vertes et les Verts estiment qu'il faut soutenir AVVEC.

J'aimerais revenir sur quelques éléments, notamment... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...sur la question de la LAMal. Il a été indiqué que les assurances devraient payer un certain nombre de prestations. Mais - j'insiste là-dessus, le député Burgermeister l'a relevé aussi - les factures pour ces services arrivent dans la boîte aux lettres...

Le président. Merci...

Mme Dilara Bayrak. ...des personnes qui font subir la violence. De facto, il n'est pas possible que la bénéficiaire...

Le président. Merci.

Mme Dilara Bayrak. ...reçoive du courrier dans la boîte aux lettres de la personne qui commet les violences.

Le président. Madame la députée, c'est terminé !

Mme Dilara Bayrak. C'est pour cette raison que nous voterons l'amendement. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Le président. Je donne la parole à M. Serge Hiltpold pour deux minutes.

M. Serge Hiltpold (PLR). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je crois qu'on se trompe complètement de débat. La question qui se pose renvoie au principe du contrat de prestations. Qui signe un contrat de prestations ? Le Conseil d'Etat et l'entité subventionnée, lesquels définissent ensemble des objectifs ainsi qu'une enveloppe financière. Une fois qu'un accord est trouvé à propos des objectifs et du montant de la subvention, le contrat est signé. Voilà la règle de base pour tout contrat de prestations.

Si le Grand Conseil modifie le montant de l'aide financière, eh bien le Conseil d'Etat doit changer les objectifs, car les termes du contrat ne sont plus les mêmes. Or, je le rappelle, ce parlement n'est pas signataire du contrat, donc ce n'est absolument pas rendre service à l'association que de s'immiscer là-dedans. Si vous dénaturez les termes du contrat, celui-ci devra être renégocié, c'est aussi simple que ça. Je ne suis pas en train de dire que la structure ne réalise pas correctement son travail, mais si vous touchez aux objectifs que vous avez définis, vous modifiez également l'enveloppe financière: recto, verso, c'est exactement la même chose.

Je vous invite donc à respecter stricto sensu le contrat de prestations ainsi que le montant prévus, faute de quoi une renégociation du contrat de prestations sera nécessaire, et ce n'est pas du tout rendre service à l'entité subventionnée que vous prétendez défendre. Encore une fois, je demande qu'on en reste à l'enveloppe définie pour que le contrat de prestations puisse être validé dans les meilleurs délais. Merci beaucoup.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole revient à M. Jean Burgermeister pour une minute quatorze.

M. Jean Burgermeister (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Merci. C'est prendre le sujet par le petit bout de la lorgnette que de l'aborder sous l'angle du contrat de prestations. Il y a un principe bien plus important, c'est celui de la responsabilité de l'Etat face à un problème grave, les violences conjugales. L'Etat a le devoir de garantir les prestations d'aide aux victimes qui en font la demande. Voilà, Mesdames et Messieurs, un principe qui doit primer très largement sur la question du fonctionnement des contrats de prestations.

J'ai entendu qu'on pouvait augmenter l'efficience de l'association grâce au réseau ou à la LAMal; il ne faut pas se leurrer. J'ai déjà expliqué pourquoi ce n'était pas une bonne idée... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Les solutions évoquées ici sont marginales d'un point de vue financier. Ce qui se passe aujourd'hui, c'est que la structure délivre des services très importants tant en volume qu'en qualité...

Le président. Merci...

M. Jean Burgermeister. ...mais avec des moyens très modestes, et sans hausse de la subvention, personne ne peut le nier...

Le président. Merci !

M. Jean Burgermeister. ...ces prestations sont en danger. (Applaudissements.)

Le président. Je rends la parole, pour dix-neuf secondes, à M. Jacques Béné.

M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je constate que je ne représente plus la majorité, que j'ai basculé dans la minorité. Aussi, je prends la parole au nom du groupe PLR pour dire qu'à notre sens, les ressources doivent être cherchées au bon endroit. Une majorité de ce parlement...

Le président. Merci...

M. Jacques Béné. ...continue à dépenser malgré notre dette, ce qui ne me donne absolument pas confiance...

Le président. Merci, Monsieur...

M. Jacques Béné. ...en l'avenir, et je trouve regrettables ces démarches...

Le président. C'est terminé.

M. Jacques Béné. ...purement électoralistes. (Brouhaha. Le président marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.)

Une voix. C'est la république des petits copains et des coquins !

Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous nous trouvons dans une situation quelque peu étonnante. Un contrat de prestations a été signé, puis a fait l'objet d'une demande d'augmentation de 10%, demande à laquelle il a été répondu qu'au vu des moyens de l'Etat et de la situation de l'association, il ne pouvait y être donné suite. Il a également été indiqué à l'entité que contrairement aux législatures précédentes, aucune baisse de la subvention n'était prévue. Dans le cadre d'une enquête du SAI menée afin d'analyser le fonctionnement de cette structure, des pistes ont été suggérées pour améliorer son efficience.

Ce que nous constatons - je regrette d'avoir à le souligner, mais il me faut le faire -, c'est que durant la période 2020, le fonctionnement du réseau n'a pas été optimal du tout, chaque association s'étant focalisée sur ses propres prestations, et si l'une d'elles n'était pas en mesure, à un moment donné, d'en délivrer une, eh bien elle ne la confiait pas au réseau pour autant. Or, Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat finance des associations précisément pour qu'elles travaillent en réseau, pour qu'en cas d'urgence, si l'une d'elles est dans l'impossibilité de garantir une prise en charge rapide, le réseau puisse fonctionner à sa place.

Pas plus tard qu'il y a quinze jours, j'ai rencontré une association de ce réseau active non seulement dans l'accueil d'urgence, mais également dans les soins et la prise en charge des personnes; elle m'a indiqué qu'elle disposait de places et de lits libres, qu'elle était également disponible pour accompagner les gens, mais que les autres structures ne lui envoyaient personne. Et cela, Mesdames et Messieurs, ce n'est tout simplement pas acceptable quand on sait que toutes ces organisations bénéficient de subventions. Cette fondation est venue me voir justement pour me faire part d'améliorations nécessaires au sein du réseau.

Je ne remets absolument pas en question la qualité du travail effectué par l'association AVVEC. J'ai eu l'occasion de déjeuner la semaine dernière - non, c'était cette semaine-ci - avec sa présidente, laquelle m'a expliqué quels étaient ses besoins. Je lui ai d'abord confié que j'avais trouvé pour le moins particulier qu'après avoir signé le contrat de prestations, l'entité vienne devant la commission se plaindre de manques graves alors que ce n'était pas le cas. Il se trouve que ce n'est pas elle qui était venue, elle était nouvelle à cette fonction. Si je comprends que l'association fasse état de besoins, il serait toutefois plus logique qu'elle s'adresse en premier lieu à la conseillère d'Etat concernée, respectivement à ses collaboratrices et collaborateurs. Je lui ai donc suggéré de revenir vers moi avec une demande chiffrée et précise pour obtenir, dès l'année prochaine, si le besoin est avéré, une augmentation des moyens. A l'heure actuelle, ce n'est pas nécessaire.

Je m'insurge contre la comparaison qui a été faite avec l'association Viol-Secours. Celle-ci s'était trouvée dans une situation où elle avait dû interrompre ses prestations, où elle ne pouvait plus répondre au téléphone. Dieu merci, l'association AVVEC est extrêmement bien organisée, son exercice 2020 n'était pas déficitaire, elle est aujourd'hui en mesure de fournir ses prestations. A cet égard, j'appelle l'ensemble des entités à travailler davantage en réseau.

Pendant la crise covid, c'est le BPEV qui a dû reprendre cette mission et s'assurer que les associations répondaient aux requêtes, qu'il y avait des lieux d'accueil d'urgence - ce n'était pas le cas au départ. Ce n'est pas le rôle du BPEV, mais il l'a fait, et j'ai reçu chaque semaine un rapport faisant état de l'augmentation du nombre de femmes le cas échéant - cela n'a pas été le cas -, indiquant si toutes les femmes pouvaient être accueillies. Nous avons mis des hôtels à disposition, nous avons développé un nouveau service qui se déplace dans les hébergements d'urgence - non pas des foyers, mais des hôtels - pour suivre et accompagner les victimes de violence physique ou psychologique. En effet, il est évident que ces femmes, lorsqu'elles ont le courage de fuir, doivent être immédiatement prises en charge.

Notre réseau le permet, ce nouveau service est aujourd'hui opérationnel. J'ai eu la surprise de découvrir, lorsque je l'ai annoncé à l'ensemble du réseau, que certaines associations avaient mal pris le fait que nous ayons développé un tel dispositif sans leur en parler au préalable - je précise, pour éviter toute confusion, qu'il ne s'agit pas de l'association AVVEC qui, elle, a remercié le département d'avoir initié ce projet. Je ne supporte pas les raccourcis qui sont faits aujourd'hui, nous avons à coeur de venir en aide aux victimes de violence, c'est essentiel, c'est un rôle du canton.

A l'heure actuelle, les besoins de l'association AVVEC sont possibles, mais pas avérés; à ce stade, elle peut continuer à délivrer ses prestations. Les femmes victimes de violence ne sont pas en danger, elles bénéficient d'un accompagnement même dans les lieux d'urgence, et je vous demande dès lors d'adopter le contrat de prestations tel qu'il a été signé.

Je me vois également contrainte d'ajouter, Mesdames et Messieurs - je vous l'avais déjà indiqué en commission -, que s'il devait y avoir une modification du contrat de prestations, bien qu'il ne s'agisse pas pour moi de prendre une décision qui aille à l'encontre des intérêts de l'association, je serais dans l'obligation de renégocier ce contrat. En effet, si le montant accordé est augmenté, il est évident que les missions doivent être repensées, les objectifs redéfinis. Cela signifie, Mesdames et Messieurs, que je ne serais pas en mesure de demander le troisième débat sur ce projet de loi ce soir, car il me faudrait renégocier le contrat de prestations avec la structure. Je constate qu'Ensemble à Gauche comprend parfaitement la situation, je ne serai au moins pas accusée d'être de mauvaise foi. Il me paraissait important de le préciser. Merci, Mesdames et Messieurs. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat. Nous passons au scrutin...

Des voix. Vote nominal !

Le président. Etes-vous soutenus ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, c'est bon.

Mis aux voix, le projet de loi 12845 est adopté en premier débat par 94 oui (unanimité des votants) (vote nominal).

Vote nominal

Deuxième débat

Le président. Nous sommes saisis d'une demande d'amendement présentée par les deux rapporteurs de minorité, qui modifie le titre ainsi que l'article 2, alinéa 1. Comme indiqué durant le débat, il s'agit d'augmenter de 300 000 francs le montant de l'aide financière, laquelle passe à 1 018 739 francs:

«Titre (nouvelle teneur)

accordant une aide financière annuelle de 1 018 739 francs à l'association Aide aux victimes de violence en couple (AVVEC) pour les années 2021 à 2024

Art. 2, al. 1 (nouvelle teneur)

1 L'Etat verse à l'association Aide aux victimes de violence en couple (AVVEC) un montant annuel de 1 018 739 francs, sous la forme d'une aide financière monétaire d'exploitation au sens de l'article 2 de la loi sur les indemnités et les aides financières, du 15 décembre 2005.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 49 oui contre 42 non.

Mis aux voix, le titre ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, le préambule est adopté, de même que l'art. 1.

Mis aux voix, l'art. 2 ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, l'art. 3 est adopté, de même que les art. 4 à 10.

Le président. Ainsi que Mme Fontanet l'a expliqué, en raison de la LIAF, le troisième débat ne peut être demandé tant que le contrat de prestations avec l'association n'a pas été renégocié. Dès lors, ce point est reporté.

Le troisième débat est reporté à une session ultérieure.

Troisième débat: Séance du jeudi 11 novembre 2021 à 20h30

PL 12773-A
Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat sur l'évaluation fiscale des immeubles (LEFI) (D 3 10)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IV des 7 et 8 octobre 2021.
Rapport de majorité de M. Alexandre de Senarclens (PLR)
Rapport de première minorité de Mme Caroline Marti (S)
Rapport de deuxième minorité de M. Sébastien Desfayes (PDC)
PL 12774-A
Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat sur l'évaluation fiscale des immeubles agricoles et sylvicoles (LEFIAS) (D 3 09)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IV des 7 et 8 octobre 2021.
Rapport de majorité de M. Alexandre de Senarclens (PLR)
Rapport de première minorité de Mme Caroline Marti (S)
Rapport de deuxième minorité de M. Sébastien Desfayes (PDC)

Premier débat

Le président. Nous passons à l'urgence suivante, à savoir les PL 12773-A et PL 12774-A, que nous traiterons en catégorie II, soixante minutes. Je cède d'emblée la parole à M. le rapporteur de majorité Alexandre de Senarclens.

M. Alexandre de Senarclens (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. D'abord, quelques mots sur la genèse de cette loi: contrairement aux Ecritures, au commencement n'était pas le Verbe. Au commencement étaient le déficit chronique, la dette, l'incapacité de la majorité du Conseil d'Etat à juguler la hausse des charges, son incapacité à faire des choix courageux et des réformes structurelles, et la facilité que choisit la majorité du Conseil d'Etat en augmentant la ponction fiscale au lieu de procéder à de vraies réformes de l'Etat.

Si l'Etat prenait exemple ne serait-ce que sur un seul des autres cantons suisses, nous ne serions pas dans cette situation. Si l'exécutif et sa majorité prenaient exemple sur la Confédération, nous ne serions pas dans cette situation. Si l'exécutif suivait les recommandations du BAK, un institut universitaire qu'il a lui-même mandaté, nous ne serions pas dans cette situation. Si nous avions un Etat plus svelte, il n'y aurait pas de LEFI, pas de nécessité de passer par une augmentation d'impôts.

La majorité s'oppose à ce projet de loi car le gouvernement - la majorité du gouvernement - ne prend justement pas ses responsabilités s'agissant de la gestion de nos deniers. La majorité ne veut pas, pour les propriétaires, d'un matraquage fiscal de 90 millions dès la première année et de plus de 220 millions à l'issue d'une période de quinze ans. Elle ne veut pas du matraquage de ceux qui ont été qualifiés dans ce projet de loi de «petits propriétaires», ceux qui ont eu la chance, dans les années 70 et au début des années 80, lorsque les biens immobiliers avaient des prix certes élevés mais encore raisonnables, d'acheter et de devenir propriétaires. Tant mieux pour eux ! Tant mieux pour eux !

Ces petits propriétaires, ces propriétaires des années 70, qui sont souvent retraités, ne sont pas dans une logique de spéculation: ils demandent juste à continuer à vivre dans leur maison avec leur famille, à y recevoir leurs petits-enfants, à y constituer des souvenirs. Ils ne veulent pas vendre; ils veulent juste continuer à habiter dans leur maison alors que, si cette loi devait passer, le risque que ces petits propriétaires doivent quitter leur maison, vendre leur bien pour payer leurs impôts est important, même avec les mesures d'accompagnement prévues.

Cela est d'autant plus choquant que l'on sait qu'il y a un tournus tous les dix ans environ - lors de décès, de donations, de ventes -, ce qui fait que ces biens sont régulièrement, tous les dix ans, réévalués. C'est également choquant quand on sait que la capacité financière du canton de Genève va augmenter avec un tel projet et, du fait du calcul de la péréquation intercantonale, que Genève devra mettre 21 millions de plus dans le pot commun dès la première année. C'est évidemment absurde; nous faisons le plaisir des Valaisans, qui s'amusent de cette Genferei supplémentaire. Voilà pourquoi la majorité refuse ces projets de lois.

Maintenant, comme vous le savez, le PL 13030, qui porte également sur la LEFI, vient d'être déposé; il me semble important de renvoyer les PL 12773-A et PL 12774-A à la commission fiscale pour qu'ils puissent être traités en parallèle à ce nouveau projet de loi. Raison pour laquelle je vous demande le renvoi en commission de ces deux objets. Je vous remercie, Monsieur le président. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi à la commission fiscale; vous avez la parole sur le renvoi, Madame la rapporteure de première minorité Caroline Marti.

Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de première minorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la LHID exige que les biens immobiliers soient fiscalisés sur leur valeur vénale. Or à Genève, les biens immobiliers ont été évalués à la valeur vénale en 1964 puis ont subi une réévaluation périodique tous les dix ans - une réévaluation forfaitaire, mais qui estime aujourd'hui ces biens très en deçà de leur valeur vénale. Je remets un tout petit peu les choses dans leur contexte, Monsieur le président, pour vous dire que la LHID a été adoptée par les Chambres fédérales en 1990 et est entrée en vigueur en 1993. Les Chambres fédérales ont donné aux cantons...

Le président. Sur le renvoi en commission, Madame la rapporteure de minorité. (Commentaires.)

Mme Caroline Marti. Monsieur le président, est-ce que vous savez pour quelle raison je vais m'opposer au renvoi en commission ? (Commentaires. Rires. Applaudissements.) Il faut tout de même que je vous l'explique, ainsi qu'au reste de la salle !

Le président. Je suis sûr que ça m'intéresse, mais comme vous le savez, il est là question du renvoi en commission. S'il est refusé, vous pourrez vous exprimer plus librement.

Mme Caroline Marti. Oui, eh bien je vous explique pourquoi je vais inviter cette assemblée à refuser le renvoi. Les Chambres fédérales avaient laissé aux cantons un délai de huit ans pour se mettre en conformité avec le droit fédéral, ce qui porte la mise en conformité au plus tard...

Le président. Je vous donne quinze secondes, Madame la rapporteure de minorité.

Mme Caroline Marti. Non, Monsieur le président, j'ai le droit de m'exprimer sur le renvoi en commission et c'est ce que je fais ! Ce qui donnait donc aux cantons la possibilité...

Le président. Trois minutes !

Mme Caroline Marti. Il leur fallait mettre en conformité leurs législations avant le 31 décembre 2000, dernier délai. Aujourd'hui, nous sommes en 2021 ! Nous sommes par conséquent dans l'illégalité, au regard du droit fédéral, depuis vingt et un ans ! Vous me direz, Mesdames et Messieurs de la droite, qu'on a attendu vingt et un ans et qu'on n'est plus à six mois près, qu'on peut bien prendre le temps de renvoyer ces textes en commission. C'est absolument faux, et ce pour deux raisons.

La première, c'est que le fait de ne pas être en conformité avec le droit fédéral, le fait que nos biens immobiliers ne sont pas évalués à la valeur vénale, nous fait perdre pas moins de 220 millions de francs de recettes fiscales par année. Si vous faites le calcul sur vingt et un ans, vous voyez aisément que nous avons perdu des milliards de recettes fiscales de cette façon-là - tout simplement du fait que nous ne sommes pas en conformité avec le droit fédéral. Un récent arrêt de la Chambre constitutionnelle de la Cour de justice, paru en 2019, indique par ailleurs très clairement que cette majoration forfaitaire de 7% ou 20%... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...est non conforme au droit fédéral; cet arrêt somme le Grand Conseil de nous mettre en conformité le plus rapidement possible ! Un renvoi en commission va donc totalement à l'encontre du droit et du principe d'égalité de traitement des justiciables et des contribuables.

Le président. Merci.

Mme Caroline Marti. Raison pour laquelle je vous invite à refuser ce renvoi en commission. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Le président. Merci. J'ai beau avoir la LRGC comme lecture de chevet, je remercie le sautier de me rappeler l'article 78A, alinéa 2, de notre règlement qui permet des interventions n'excédant pas trois minutes sur le renvoi en commission. Sur cette base, Monsieur le rapporteur de deuxième minorité Sébastien Desfayes, à vous la parole.

M. Sébastien Desfayes (PDC), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. La base légale et réglementaire est bien notée. Je dois dire l'immense - l'immense ! - satisfaction du PDC devant le revirement du rapporteur de majorité, M. Alexandre de Senarclens. En commission, lors du vote sur l'entrée en matière, il nous avait expliqué qu'il fallait absolument cesser nos travaux, que ça ne servait à rien, et il a rendu un rapport de septante pages pour nous dire de ne pas entrer en matière sur ces objets. Nous sommes heureux qu'il rejoigne aujourd'hui la position du PDC, qui est celle de la raison, à savoir que les députés fassent leur travail ! C'est-à-dire que quand il y a un projet de loi et qu'ils disposent des instruments leur permettant de procéder à des amendements, eh bien tout simplement qu'ils les votent ! Et qu'ils les discutent, aussi.

Ce renvoi en commission est important pour plusieurs raisons; j'ai parlé de notre travail de parlementaires, mais il n'y a pas que ça. A Genève, nous avons un système - il est peut-être légal ou peut-être pas, bien que j'aie plutôt l'impression qu'il est encore conforme au droit fédéral - qui est constitutif d'une inégalité de traitement entre anciens et nouveaux propriétaires. Il faut donc tout simplement changer ce système-là; il faut viser à instaurer un système équitable. Toutefois, ce n'est pas parce qu'on doit rendre le système équitable qu'il faut nécessairement matraquer les contribuables, et le but réel du Conseil d'Etat n'est pas de rendre la loi fiscale conforme au droit fédéral mais simplement de matraquer les propriétaires immobiliers. Et pas uniquement les anciens: tous les propriétaires immobiliers sont concernés, parce que je rappelle qu'une des grandes modifications - si ce n'est la plus grande - introduites ici, c'est la suppression de l'abattement, qui peut aller jusqu'à 40%. Je vous laisse imaginer le matraquage fiscal, puisque cela engendrera, rien que de ce fait, une hausse d'impôts de 100 millions.

Et puis il y a aussi un deuxième risque: c'est le risque de la gauche ! Vous avez vu M. Dandrès et ses amis mettre la pression sur le Conseil d'Etat et lui demander de procéder par voie réglementaire, c'est-à-dire de prononcer un arrêté qui augmenterait unilatéralement, de manière linéaire, sans compensations et sans période transitoire, l'évaluation des immeubles ! (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Il y aurait donc une augmentation de 100 à 200 millions et c'est évidemment ce que nous voulons éviter, même si nous considérons par ailleurs qu'un tel arrêté serait anticonstitutionnel et, partant, illégal.

Le président. Merci.

M. Sébastien Desfayes. Pour toutes ces raisons, faisons notre travail de parlementaires, votons une loi neutre fiscalement et renvoyons par conséquent ces objets en commission ! Merci.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de deuxième minorité. Madame la conseillère d'Etat, souhaitez-vous intervenir sur la demande de renvoi en commission ? (Remarque.) Vous avez la parole.

Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Je vous remercie, Monsieur le président. Le Conseil d'Etat est satisfait de ce renvoi en commission. Merci beaucoup.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à vous prononcer sur le renvoi en commission de ces deux objets.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur les projets de lois 12773 et 12774 à la commission fiscale est adopté par 52 oui contre 36 non et 1 abstention.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, il est normalement un peu tôt pour lever la séance à cette heure-ci, mais il se trouve que la circulation est bloquée dans l'ensemble du centre-ville, y compris sur le pont du Mont-Blanc; par bienveillance envers les personnes présentes qui doivent le franchir, je lève donc la séance. Nous nous retrouverons demain à 14h.

La séance est levée à 22h40.