Séance du jeudi 4 mars 2021 à 20h30
2e législature - 3e année - 9e session - 55e séance

La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. François Lefort, président.

Assistent à la séance: MM. Mauro Poggia, Antonio Hodgers et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Anne Emery-Torracinta, présidente du Conseil d'Etat, Serge Dal Busco, Pierre Maudet et Nathalie Fontanet, conseillers d'Etat, ainsi que Mme et MM. Didier Bonny, Marc Falquet, Jean-Charles Rielle, Jean Rossiaud, Salika Wenger, Raymond Wicky et François Wolfisberg, députés.

Députés suppléants présents: Mmes et M. Virna Conti, Joëlle Fiss et Patrick Malek-Asghar.

Annonces et dépôts

Néant.

E 2752-A
Prestation de serment de Mme Maria SPEDALIERO, élue Juge assesseure à la Chambre des assurances sociales de la Cour de Justice, représentant les salariés/assurés
E 2753-A
Prestation de serment de Mme Nathalie BALLY, élue Juge assesseure psychiatre au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant
E 2743-A
Prestation de serment de M. Jean-René HULMANN, élu Juge assesseur au Tribunal des baux et loyers du Tribunal civil, représentant les groupements de locataires

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de magistrats du Pouvoir judiciaire. Je prie le sautier de les faire entrer et l'assistance de bien vouloir rester debout. (Les magistrats entrent dans la salle et se tiennent debout, face à l'estrade.)

Mesdames et Monsieur, vous êtes appelés à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.

«Je jure ou je promets solennellement:

- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyen et comme juge;

- de rendre la justice à tous également, au pauvre comme au riche, au faible comme au puissant, au Suisse comme à l'étranger;

- de me conformer strictement aux lois;

- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;

- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;

- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»

Ont prêté serment:

Mme Maria Spedaliero, Mme Nathalie Bally et M. Jean-René Hulmann.

Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)

IN 176
Initiative populaire cantonale 176 « Pour un urbanisme plus démocratique à Genève »
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 4 et 5 mars 2021.
IN 176-A
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la prise en considération de l'initiative populaire cantonale 176 « Pour un urbanisme plus démocratique à Genève »
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 4 et 5 mars 2021.

Débat

Le président. Nous abordons le point fixe, l'initiative 176 et le rapport du Conseil d'Etat sur cet objet. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole à M. Rémy Pagani.

M. Rémy Pagani (EAG). Merci, Monsieur le président. Je dirai quelques mots avant le renvoi en commission de cette initiative. (Brouhaha.)

Le président. Un instant, Monsieur Pagani ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Veuillez faire silence pour écouter votre confrère, le député Pagani ! (Commentaires.)

M. Rémy Pagani. Merci, Monsieur le président. Je dirai donc quelques mots avant que cette initiative soit renvoyée en commission. Tout d'abord, sous l'angle formel du droit supérieur, on a constaté que cette initiative était valable, sauf sur un point. Elle sera donc rectifiée le cas échéant. Toujours est-il que ce texte est bien trompeur par rapport à ses objectifs, parce qu'en principe, l'objectif de la démocratie, c'est de faire valoir les intérêts de la collectivité. Or là, les intérêts de la collectivité cantonale et globale vont bien être mis à mal, puisque en fait, l'idée même de cette initiative, c'est de donner un poids très important aux conseillers municipaux et aux propriétaires quant aux changements d'affectation et aux changements de zones dans notre canton. Cela veut dire, de fait - et on a déjà assisté à ce premier coup de canif quand une majorité de ce Grand Conseil a donné un poids plus important aux communes dans l'adoption des plans localisés de quartier - qu'on arrive à des situations où... On peut prendre l'exemple d'une école à construire, parce qu'à chaque fois qu'on réalise un plan localisé de quartier important, il s'agit de désigner l'emplacement d'une école. On le sait, dès le moment où le plan localisé de quartier tombe sur certaines parcelles, les propriétaires ne retrouvent pas le gain qu'ils espéraient et sont donc forcément contre l'intérêt commun.

Donc ces propriétaires, qui aujourd'hui n'ont pas beaucoup d'arguments - et pour cause: c'est l'intérêt public qui prédomine -, demain, avec cette initiative - bien qu'elle se prétende démocratique - auront tous les pouvoirs pour non seulement s'opposer aux plans localisés de quartier qui ont été adoptés ou qui pourront être adoptés - parce que l'initiative n'a pas d'effet rétroactif -, mais aussi pour en proposer d'autres et demander à avoir un pouvoir important; de même pour les conseillers municipaux de certaines communes, qui ont par ailleurs déjà fait valoir un certain nombre de positions quant à la densification de leur commune et qui s'y opposent, contrairement à d'autres communes qui ont fait de grands efforts de densification ces derniers temps.

Par conséquent, nous prenons acte du fait qu'une majorité va se dégager pour renvoyer cette initiative en commission, et on se réserve le droit d'en discuter de manière tout à fait importante en ce qui concerne le droit de la collectivité de faire valoir ses besoins de prime abord, comme c'est aujourd'hui la règle. Je vous remercie de votre attention.

Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste rejoint les propos qui viennent d'être tenus par M. Pagani. J'aimerais ajouter qu'il est faux de croire que l'initiative va répondre aux besoins des habitants du fait de la seule consultation des voisins et des propriétaires de parcelles, car ces besoins sont aussi ceux des personnes qui n'habitent pas encore sur place: ce sont les 8000 demandes de logement; ce sont celles et ceux qui aimeraient déménager mais qui ne trouvent pas de logement; ce sont les 2000 personnes qui quittent Genève chaque année pour se loger et qui viennent chaque jour à Genève pour travailler, mais qui aimeraient vivre plus près de leur lieu de travail. Est-ce à dire que l'on va choisir a posteriori qui peut habiter dans un secteur ? Selon quels critères ? Cette initiative ne dit pas non plus que la commune est déjà associée au développement de son territoire par le biais du plan directeur communal. Elle ne dit pas qu'elle est aussi associée dès le départ dans la définition des besoins, lors du développement d'un quartier.

Le titre de cette initiative est aussi de la poudre aux yeux: le processus de concertation est déjà inscrit dans la loi générale sur les zones de développement. Oui, la qualité n'a pas toujours été au rendez-vous, mais l'initiative ne propose rien d'autre que de renforcer les particularismes et ne répond pas à l'intérêt général. Elle retarde même les processus souvent déjà décrits comme trop longs. Or, toute commune ne peut pas attendre pour la mise à disposition d'équipements, et l'absence de cohérence générale nuit gravement à la cohésion sociale.

Enfin, l'urbanisme à la parcelle renforce les inégalités, renforce le manque de qualité et ne permet pas de produire du logement, car il ne résout rien s'agissant des droits à bâtir. Il renforce l'étalement urbain dans un canton qui ne peut se le permettre au vu de son territoire contraint.

En résumé, je pense, et le groupe socialiste avec moi, qu'en fait, les initiants ne veulent tout simplement pas construire pour toutes et tous sans privilèges. Mais, évidemment, nous discuterons de cela en commission. A n'en pas douter, cela posera énormément de questions. Merci beaucoup.

M. David Martin (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, je rejoins les propos de mes préopinants. J'aimerais repartir du constat que les initiants formulent: ils reprochent aux nouveaux quartiers d'être «des barres d'immeubles sans âme». Si on peut être d'accord avec ce constat dans un certain nombre de cas; si on peut être d'accord sur le fait qu'il y a une marge de progrès pour la qualité architecturale, la diversité architecturale, peut-être le choix des matériaux; si on peut être d'accord avec le fait qu'il y a des efforts à fournir en matière de biodiversité dans les secteurs construits ou encore que certains quartiers pourraient être rendus plus vivants par un soin plus grand de la dimension sociale, on ne peut en revanche pas être d'accord avec la solution que proposent les initiants.

Pour éclairer ce propos, j'aime bien raconter l'anecdote du PLQ de Rigaud, à Chêne-Bougeries, qui se trouve être le quartier que les initiants ont choisi comme photo pour illustrer le carton de l'initiative. Sur cette photo, on voit effectivement des barres de béton, tristes, assez mornes, assez uniformes, qui sont le résultat d'une promotion en l'occurrence privée, pas forcément très réussie. Il se trouve que sur ce même PLQ - donc défini avec les mêmes règles -, si on tourne la focale de l'appareil photo, on voit l'autre moitié du quartier qui a été développé par la commune de Chêne-Bougeries, à travers un droit de superficie accordé à une coopérative, qui est, à mes yeux, un des projets de construction de logements les plus réussis du canton et qui a par ailleurs reçu de nombreux prix architecturaux.

Cet exemple constitue pour moi la démonstration par a + b que les initiants ont tort de prétendre que ce sont les PLQ qui sont mauvais; je ne dis pas que les PLQ ne sont pas perfectibles, mais les initiants ont tort de dire que le problème se trouve à ce niveau. Ils ont surtout tort de prétendre que des PLQ développés par les propriétaires et les voisins seront plus démocratiques. Au contraire: les propositions des initiants nous mènent tout droit vers des blocages des processus démocratiques.

Mesdames et Messieurs, la démocratie en matière d'aménagement du territoire fonctionne déjà très bien. La concertation sur les PLQ existe déjà et les voisins ont la possibilité de s'exprimer. Mais on ne fait pas boire un âne qui n'a pas soif ! Cette initiative est portée par des voisins, typiquement propriétaires de villas, qui ne veulent pas de nouvelles constructions et qui sont en train d'orchestrer le blocage programmé de la production de tout nouveau logement à Genève, alors que nous savons tous à quel point nous en avons besoin.

Voilà donc une première appréciation de cette initiative que nous nous réjouissons d'étudier avec plus de détails en commission. Je vous remercie.

M. Adrien Genecand (PLR). Pour le groupe libéral-radical, dans le prolongement de ce qui a déjà été dit, il nous semble que si les buts peuvent être louables, ce qui est demandé dans l'initiative va beaucoup trop loin, dans la mesure où, il faut le rappeler, la loi fédérale sur l'aménagement du territoire prévoit déjà la concertation avec les habitants. Un des points qui nous semble particulièrement problématique, c'est - sans entrer dans les aspects techniques, puisqu'on étudiera ça en commission - le fait que les initiants demandent de pouvoir solliciter en tout temps l'abrogation, la modification ou l'adoption d'un nouveau plan localisé de quartier. Vous imaginez bien qu'on se trouve là bien au-delà de la pesée des intérêts qui doit être menée par les autorités, communales ou fédérales. Si chaque propriétaire peut solliciter en tout temps l'exécutif pour lancer un processus qui est déjà extrêmement long, on comprend bien que la finalité de cette initiative, au-delà de ce qui est déclamé, c'est qu'en effet, on ne construise plus. En cela, elle nous semble effectivement peu adéquate et peu à même de répondre aux problématiques de construction de logements, puisque, comme l'a relevé la préopinante socialiste, souvent, on tient compte assez largement de ceux qui se trouvent dans les périmètres, mais assez peu de ceux qui ont dû quitter Genève parce qu'ils ne trouvaient pas de quoi se loger. En cela, on se prive depuis de nombreuses années d'un nombre certain de Genevois qui sont contraints de quitter le canton, parfois pour aller dans le canton de Vaud, parfois pour aller en France voisine. Or, particulièrement dans ces temps de budget post-covid, se priver de forces vives de travail... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Le président. Mesdames et Messieurs les députés qui bavardez là-bas au fond, qui faites des réunions, il y a de la place à l'extérieur de la salle ! Laissez votre collègue s'exprimer ! (Commentaires.) Monsieur Genecand, vous pouvez continuer.

M. Adrien Genecand. Je vous remercie, Monsieur le président. Je termine en vous disant que le groupe libéral-radical étudiera ce texte avec attention en commission... (Brouhaha.)

Une voix. Chut ! (Commentaires. Protestations.)

Le président. Monsieur Genecand, arrêtez de parler ! On va attendre que ce... Comment on dit, maintenant ? Un «cluster» ! ...ce «cluster» de députés qui ne m'écoutent pas veuille bien sortir de la salle pour faire ses réunions. (Commentaires.) Oui, Madame Haller, c'est aussi à vous que je parle ! (Un instant s'écoule. Commentaires.) Ils continuent, hein ! (Un instant s'écoule.) Monsieur Genecand, vous pouvez reprendre la parole.

M. Adrien Genecand. Merci, Monsieur le président. Comme je l'ai dit, nous étudierons ce texte avec attention, mais nous pensons assez clairement que cette initiative doit à la fin être rejetée. Je vous remercie.

M. François Baertschi (MCG). C'est vrai que la situation à Genève est un petit peu inquiétante. Chacun peut déplorer ces barres de style soviétique, cet urbanisme de type concentrationnaire, qui enlaidit notre canton. C'est vrai que cela inquiète une bonne partie de notre population. Ces inquiétudes se sont exprimées au travers de cette initiative, que nous devons examiner ce soir, et...

Le président. Un instant, Monsieur le député. Je suis désolé, mais tous vos collègues ont observé les règles, c'est-à-dire qu'ils parlent avec le masque. Veuillez mettre votre masque ! (M. François Baertschi met son masque.) Merci. Vous pouvez continuer.

M. François Baertschi. Je le fais, mais étant donné les difficultés de s'exprimer... Mais je crois que j'ai une voix qui porte quand même assez, donc ça devrait pouvoir aller...

Une voix. Perds pas ton temps ! (Commentaires.)

M. François Baertschi. Un de mes collègues n'entend rien, mais nous ferons avec ! J'essaierai d'être le plus clair possible, Monsieur le président, malgré ces inconvénients techniques. (Commentaires.) Il est certain que ce grave traumatisme pour la population a donné lieu à cette initiative, qui est soutenue par l'association Pic-Vert, mais aussi par tout un ensemble d'associations, dont Sauvegarde Genève et le collectif Contre l'enlaidissement de Genève, qui portent cette inquiétude. Cette inquiétude, nous devons, déjà de manière très générale, l'entendre. Nous l'avons déjà en partie entendue. Je pense que certaines des actions qui ont été menées ont déjà porté leurs fruits. Après, c'est vrai que l'initiative demande d'aller plus loin, c'est-à-dire d'avoir un contrôle démocratique qui se fasse au niveau des communes - comme cela se fait dans d'autres cantons -, donc qu'elles décident davantage, qu'elles aient davantage voix au chapitre sur les questions d'urbanisme.

Alors on comprend que Genève serait un cas particulier, c'est ce que nous disent les opposants à cette politique; Genève est un tout, quelque chose de centralisé, il y a trop d'oppositions qui s'expriment. On pourrait aussi penser qu'une gestion beaucoup plus proche du terrain, c'est-à-dire au niveau de la commune, pourrait lever ces oppositions; ça n'irait pas nécessairement dans tous les sens.

Cette initiative va être examinée en commission, on verra si elle est acceptée directement, si un contreprojet lui est opposé. Je trouve en tout cas qu'elle est intéressante. Faut-il la voter ? L'avis du groupe MCG n'est pas encore fixé. Néanmoins, nous pensons qu'une discussion nous apportera beaucoup. C'est tout cela que nous pouvons attendre du travail de commission. Merci, Monsieur le président.

M. Stéphane Florey (UDC). Je pourrais résumer ainsi ce que j'ai entendu jusqu'à présent: bla bla, bla bla, bla bla bla, bla bla ! (Commentaires.) Parce qu'on n'a absolument pas parlé du rapport du Conseil d'Etat: on n'a fait que de vastes considérations qui n'ont rien à voir avec les questions sur lesquelles nous sommes appelés à statuer aujourd'hui, s'agissant de la validité ou non de cette initiative. Ce que je me bornerai à faire maintenant, c'est dire que, pour moi, cette initiative est entièrement valide, que l'UDC s'oppose d'ores et déjà à son invalidation partielle par le Conseil d'Etat, parce qu'à bien y regarder, il s'y oppose pourquoi ? Ce qui le dérange le plus, c'est justement donner - et ça, il ne s'en est jamais caché vis-à-vis de ce Grand Conseil et de la population... Il refuse catégoriquement de donner une prérogative populaire, quel que soit le sujet, concernant l'aménagement du territoire ! Ce que demande ce texte, c'est justement d'ouvrir une porte à l'avis populaire, à l'avis de la population, et de donner une possibilité aux communes et aux personnes concernées de se prononcer via un référendum populaire, qui deviendrait obligatoire avec cette initiative. C'est de cela que nous devons parler aujourd'hui, c'est de cela justement que je suis en train de vous faire part, au-delà des bla bla, bla bla bla, bla bla que nous avons entendus jusqu'à présent !

Pour moi, cette initiative doit être, bien évidemment, étudiée en commission. Pour moi, elle est entièrement valide ! (Commentaires.) Je félicite ses auteurs d'avoir d'ores et déjà annoncé qu'ils allaient déposer un recours auprès de la Cour de justice contre l'invalidation partielle par le Conseil d'Etat, et nous n'entendons justement pas entrer dans le jeu du Conseil d'Etat ! Nous soutiendrons, quoi qu'il arrive, l'entier de cette initiative, quelles que soient les considérations du Conseil d'Etat ! Je vous remercie. (Commentaires.)

Mme Christina Meissner (PDC). Merci à mon préopinant d'avoir rappelé qu'effectivement, il s'agissait de se prononcer sur la validité partielle ou totale de cette initiative, et surtout, qu'il s'agit de faire le débat en commission, parce que c'est bien là qu'il doit avoir lieu. (Commentaires.) Cependant, vu que tout le monde a pris la parole, je me permets quand même de mettre aussi mon grain de sel, en rappelant qu'aujourd'hui, la concertation n'est pas inscrite seulement dans la loi fédérale, mais aussi dans la loi cantonale. Oui, elle existe, cette concertation ! Et ce que demandent les initiants, c'est une plus grande concertation et une plus grande marge de manoeuvre au niveau communal.

D'aucuns ont dit: «Oui, mais ça va prendre plus de temps.» Je répondrai que non, et je vous donne un seul exemple: à Versoix, un plan localisé de quartier prévoyant une modification de zones à Lachenal-Dégallier avait été approuvé, et c'est seulement après qu'un référendum s'opposant à cette modification de zones a été déposé et que la commune a accepté de suivre les référendaires, et, surtout, après que le canton a aussi accepté cela - je remercie M. le conseiller d'Etat Hodgers de l'avoir fait de son plein gré, car il n'avait pas besoin de le faire, je tiens à le souligner -, que le plan localisé de quartier a fait l'objet, quatre ans après le référendum, d'un travail de concertation avec les habitants, qui a été très bien mené, pour arriver deux ans plus tard à un nouveau PLQ qui donnait satisfaction à tout le monde.

Ça a été un long processus. Vous ne pensez pas que si on avait, dès le départ, commencé par consulter au niveau local, la commune, les habitants... Madame Valiquer, effectivement, je suis désolée, mais s'agissant des modifications de zones aujourd'hui, on ne peut pas consulter les futurs habitants, on ne les connaît pas; mais au moins que l'on consulte au niveau local, ça me paraît pertinent. Il appartiendra à nous autres d'effectuer le travail en commission, pour améliorer... Il existe toujours une certaine marge de manoeuvre et il y a toujours la possibilité d'élaborer un contreprojet en commission, mais c'est là que doit se faire le débat et non ici, en plénière. Merci.

Le président. Merci, Madame la députée. (Remarque.) Monsieur Rémy Pagani, vous avez épuisé le temps de parole de votre groupe. La parole n'étant plus demandée, ces deux objets sont renvoyés à la commission d'aménagement du canton. Nous passons au traitement de la première urgence, le projet de loi... (Commentaires. Le président s'interrompt.)

M. Antonio Hodgers. Je voulais prendre la parole sur l'initiative. Je n'ai pas pu... (Commentaires.)

Le président. Monsieur le conseiller d'Etat, vous avez appuyé très tardivement, mais exceptionnellement - contrairement à ce qui arrive à certains députés qui se trouvent tout à fait à ma gauche - je vous donne la parole ! (Commentaires.)

M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. J'avais cru comprendre... (Commentaires.)

Le président. Oui, c'est une exception, parce qu'il est conseiller d'Etat, Monsieur Burgermeister !

M. Antonio Hodgers. J'avais cru comprendre la dernière fois, s'agissant du système informatique, que si on appuyait, ça s'allumait. Donc, je ne voulais pas parler de manière impromptue, mais la prochaine fois...

Le président. Non, quand vous appuyez, c'est que vous demandez la parole, et après je vous la donne !

M. Antonio Hodgers. Me voilà rassuré ! Je vous assure que l'autre fois, ce n'était pas le cas et ça posait un certain problème ! (Commentaires. Brouhaha.) Bien. Mesdames et Messieurs les députés, je dirai quelques mots, puisqu'il s'agit effectivement d'un débat de prise en considération.

Tout d'abord sur la forme - il est vrai que c'est la première question qui se pose, quand bien même nous sommes dans une instance politique, et il est normal d'aborder le fond -, comme toujours, le Conseil d'Etat s'est plié strictement au préavis de la direction des affaires juridiques de la chancellerie. Cette invalidation partielle est certes un acte politique, parce que le gouvernement est politique, mais en réalité, c'est avant tout un acte juridique, avec le principe «in dubio pro populo»: nous sommes allés le plus loin possible dans l'interprétation positive de ce texte, qui, vous le verrez - vous l'avez vu et vous le verrez encore plus en commission - propose de mettre en place une vraie usine à gaz, avec une production de processus bureaucratiques et administratifs, avec des itérations de retours à la case départ et de grandes inconnues laissées par les initiants. Mais il y a un point qui n'a pas passé, à savoir la possibilité prévue par le texte initial de soumettre deux projets en même temps à la population, on va dire le PLQ bleu et le PLQ rouge, sans indiquer, contrairement à ce que prévoient les droits politiques - avec le système de projets, de contreprojets et de questions subsidiaires que l'on connaît -, quel processus on doit mettre en oeuvre. Cela, ce n'est pas de la démocratie: c'est un ovni dans la consultation populaire, et le résultat issu de ce système-là serait incompréhensible et inapplicable. C'est pourquoi le Conseil d'Etat s'est rangé à l'avis de la direction des affaires juridiques et propose de retirer ce dispositif-là. C'est une petite ablation par rapport à l'ensemble du texte.

S'agissant de l'ensemble du texte, Mesdames et Messieurs, ce qui se joue, et cela a été dit, ce sont les équilibres entre le pouvoir cantonal, les pouvoirs communaux et les pouvoirs des propriétaires. A ce titre, j'apporterai peut-être une première précision, parce qu'on aime bien dire qu'on veut donner davantage de pouvoir aux habitants, mais le mot «habitants» ne figure pas dans cette initiative: c'est le mot «propriétaires» ! C'est-à-dire que si vous habitez le quartier, si vous y êtes né, si vous habitez aux alentours, si vous êtes locataire, eh bien, selon ces initiants, vous n'aurez rien à dire ! Et ça, ça pose déjà un premier problème démocratique. La démocratie n'est pas la démocratie censitaire, ce n'est pas l'opinion des seuls propriétaires terriens, mais c'est bien l'opinion des habitantes et des habitants. J'aimerais insister sur ce point, parce qu'il y a cette confusion permanente. Et non, Mesdames et Messieurs, la participation ne peut pas se limiter aux simples propriétaires. Bien sûr qu'ils ont voix au chapitre, et ils ont des droits individuels extrêmement forts, protégés par les constitutions fédérale et cantonale, mais la participation à l'élaboration de la qualité urbaine et de quartiers qui font envie doit être celle de toutes et tous et pas simplement des propriétaires.

Ensuite, le deuxième biais de cette initiative - quand bien même le processus est, à nouveau, assez complexe dans les itérations -, c'est qu'elle pourrait conduire Genève à avoir quarante-cinq urbanismes. Est-ce que notre petit canton peut se permettre d'avoir quarante-cinq urbanismes différents ? La réponse est non: nous devons avoir une dimension participative, nous devons écouter le plus possible les communes, mais à la fin, seule l'instance cantonale peut trancher, c'est-à-dire arbitrer, procéder à la pesée des intérêts et indiquer, comme on le fait maintenant, dans un débat... Pour prendre un projet cher aux tenants de cette initiative, le pôle football, nous devons replacer ce pôle dont on n'a pas voulu au Grand-Saconnex, et si on demandait l'avis des quarante-cinq communes, pas une seule ne voudrait accueillir un terrain de football sur son territoire. Il y a moult exemples sur la question de l'aménagement qui montrent qu'au bout d'un moment, l'intérêt public est aussi l'intérêt public des instances cantonales. Je ne parle pas en plus des crèches, des infrastructures plutôt communales, pour lesquelles, on le voit, les communes participent effectivement, mais je parle bien de ces infrastructures cantonales: les centres de formation, les cycles, les lieux culturels, tout ce qui fait que notre canton est vivant et de qualité.

Finalement, c'est bien cela qui se joue: qu'est-ce que la démocratie ? La démocratie ne peut pas être la minorité de blocage. Cette initiative ne permet pas davantage de participation, et pas moins; elle permet à des minorités de bloquer des projets d'intérêt collectif, d'intérêt global. Or aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, quel est le mécanisme d'arbitrage ? La loi actuelle est ainsi faite que les plans localisés de quartier sont adoptés au niveau communal par les Conseils municipaux avec possibilité de référendum - ce qui arrive parfois, cela a été dit - et au niveau cantonal par le Conseil d'Etat. Mais que se passe-t-il lorsque la commune et le Conseil d'Etat ne sont pas d'accord ? Eh bien, c'est le Grand Conseil qui tranche. Donc, le premier effet de cette initiative, c'est d'enlever cette compétence au Grand Conseil. La loi aujourd'hui est à mes yeux bien faite: on laisse les instances exécutives cantonales être garantes du plan directeur cantonal que vous avez adopté; on passe aux éléments participatifs avec les élus municipaux, les associations, mais, en cas de différend, c'est le Grand Conseil qui tranche. Or l'initiative évacue cette instance de contrôle ultime qu'est le parlement cantonal. Dans ce sens-là, elle affaiblit la cohérence urbanistique de l'ensemble du dispositif.

Je terminerai en relevant que dans leur texte, les initiants se fourvoient en soutenant le principe selon lequel un processus d'adoption d'un plan localisé de quartier est garant de qualité. Non, Mesdames et Messieurs: regardez le magnifique patrimoine européen ! Il a été réalisé par des rois, des reines qui n'avaient pas de parlement et qui n'avaient même pas d'autorisation de construire à demander ! Les beautés historiques ont souvent été réalisées à des moments où le geste artistique importait plus que tout, par des rois, par des puissants, par des patriciens. Et à l'inverse, quel est l'exemple dont nous avons beaucoup débattu ces dernières années, avec une architecture ou un urbanisme qui ne sont pas contrôlés par l'Etat et qui ne font pas l'objet de plans localisés de quartier ? C'est la zone villas. C'est celui de la zone villas, à propos de laquelle nous avons récemment tous convenu qu'on ne pouvait plus continuer à laisser cette liberté, qui était celle des propriétaires de faire tout simplement ce qu'ils voulaient. Eh bien, cela a abouti à une architecture de copier-coller, à un bétonnage de nos périmètres de zones villas, avec une insatisfaction globale, à part peut-être pour des propriétaires qui ont réalisé de belles marges, alors que pour leurs voisins, pour la commune, et pour la qualité du paysage, cela a constitué un appauvrissement.

On voit donc que le processus ne garantit pas la qualité. Ça ne veut pas dire qu'on ne doit pas revoir le processus; ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas valoriser la participation. Mais cette participation, Mesdames et Messieurs les députés, elle doit se faire sous un contrôle souverain qui est celui du Grand Conseil, instance d'adoption du plan directeur cantonal. C'est bien lui qui peut, in fine, avoir le dernier mot en matière d'urbanisme. C'est pourquoi, au-delà de l'adoption formelle qui valide l'essentiel du texte de l'initiative, le Conseil d'Etat vous recommande de la rejeter sur le fond. Merci de votre attention.

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat.

L'initiative 176 et le rapport du Conseil d'Etat IN 176-A sont renvoyés à la commission d'aménagement du canton.

PL 12162-A
Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune de Lancy (création d'une zone de développement 3, de deux zones des bois et forêts et d'une zone 4B, situées entre la rampe du Pont-Rouge et le chemin des Vignes)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session V des 17 et 18 octobre 2019.
Rapport de majorité de Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S)
Rapport de première minorité de M. Stéphane Florey (UDC)
Rapport de deuxième minorité de M. Sandro Pistis (MCG)
PL 12289-A
Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune de Collex-Bossy (création d'une zone 4B), au lieu-dit "Les Houchettes"
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session X des 27 et 28 février 2020.
Rapport de majorité de Mme Jennifer Conti (S)
Rapport de minorité de M. Stéphane Florey (UDC)
PL 12355-A
Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune de Collex-Bossy (création d'une zone de développement 4B), au lieu-dit "Bracasset"
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session V des 1er et 2 octobre 2020.
Rapport de majorité de M. David Martin (Ve)
Rapport de minorité de M. Stéphane Florey (UDC)

Premier débat

Le président. Nous reprenons le cours de nos débats avec la première urgence, constituée de trois objets: les PL 12162-A, 12289-A, 12355-A, classés en catégorie II, quarante minutes. Nous avons reçu trois communications, dont vous avez accepté la lecture lors d'autres séances. Je vais donc demander à M. Diego Esteban de procéder à la lecture de ces trois courriers. Monsieur Esteban, vous pouvez procéder.

Courrier 3914 Courrier 3969 Courrier 3959

Le président. Merci, Monsieur le vice-président. Le traitement en urgence de ces trois projets de lois a été demandé au Bureau par le conseiller d'Etat Hodgers, à qui je donne la parole pour qu'il explique la raison de cette requête. Monsieur le conseiller d'Etat, vous avez la parole.

M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Justement dans le cadre des débats avec les communes et les associations, il est apparu - et je crois qu'il y a un consensus politique entre tous les groupes à ce sujet - qu'il serait intéressant de réexaminer ces projets en commission, afin de les adapter s'agissant des doléances communales ou de celles des associations. Il ne s'agit pas de les abandonner définitivement; d'ailleurs, les positions que vous avez lues, Monsieur le vice-président, illustrent bien toutes ces nuances. Par conséquent, le Conseil d'Etat vous demande respectueusement de renvoyer ces trois projets de lois en commission pour que nous puissions les reprendre.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Vous demandez donc le renvoi de ces trois objets spécifiquement à la commission d'aménagement du canton. Seuls les rapporteurs peuvent se prononcer sur cette demande. Parmi les rapporteurs, seul M. Florey est inscrit. Monsieur Florey, voulez-vous prendre la parole ? (Remarque.) Il n'est pas là. Nous procédons donc au vote.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12162 à la commission d'aménagement du canton est adopté par 72 oui (unanimité des votants).

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12289 à la commission d'aménagement du canton est adopté par 63 oui contre 6 non.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12355 à la commission d'aménagement du canton est adopté par 69 oui (unanimité des votants).

RD 1392
Rapport de la commission législative concernant l'application de l'article 113 de la constitution de la République et canton de Genève à l'épidémie du virus Covid-19 et l'examen des arrêtés du Conseil d'Etat liés à l'état de nécessité (arrêtés adoptés le 10 et le 24 février 2021)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 4 et 5 mars 2021.
Rapport de majorité de Mme Danièle Magnin (MCG)
Rapport de minorité de M. André Pfeffer (UDC)
R 951
Proposition de résolution de Mmes et MM. Danièle Magnin, Jean-Marc Guinchard, Céline Zuber-Roy, Christian Bavarel, Edouard Cuendet, Badia Luthi, Cyril Mizrahi, Pierre Vanek approuvant les arrêtés du Conseil d'Etat du 10 et du 24 février 2021
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 4 et 5 mars 2021.

Débat

Le président. L'urgence suivante est classée en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole à la rapporteure de majorité, Mme Magnin.

Mme Danièle Magnin (MCG), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Je vais commencer par informer le Grand Conseil du fait qu'un nouvel arrêté rendu le 26 février 2021 par le Conseil d'Etat et entré en vigueur, si ma mémoire est bonne, le 1er mars 2021 à 0h01, précise que les personnes qui se produisent devant un public, notamment les orateurs, sont exceptées de l'obligation de porter un masque. Mes chers collègues, si vous souhaitez prendre la parole sans votre masque, le nouvel arrêté du Conseil d'Etat vous y autorise !

Le président. Madame Magnin, je vous interromps ! Le Conseil d'Etat ne vous y autorise en rien ! L'autorisation est valable si la distance de plus de 1,5 mètre est respectée, ce qui n'est pas le cas. Donc, je vous demande, au nom de tous vos collègues qui portent le leur, de remettre votre masque !

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Mme Danièle Magnin. Mais je suis à une distance de 1,5 mètre de tout le monde, Monsieur le président ! (Commentaires.) Bien, si vous voulez m'entendre marmonner, pas de problème, mais à mon avis, c'est ridicule !

Le président. Je vous remercie !

Mme Danièle Magnin. Nous avons donc étudié à la commission législative les deux arrêtés précédents du Conseil d'Etat, soit celui du 10 février et celui du 24. L'un prévoyait que les cours privés puissent être donnés, pour autant, justement, que la distance soit respectée et que les gens portent un masque. Le deuxième arrêté reportait d'un mois - ou deux, je ne sais plus - la main-forte prêtée par l'Etat pour l'évacuation des personnes dont le bail a été résilié, une fois celle-ci prononcée par le Tribunal des baux et loyers et entrée en force, bien évidemment. Comme nous l'a fait remarquer le conseiller d'Etat Poggia, les procédures d'évacuation ne surviennent pas d'un coup, ne tombent pas en un clin d'oeil, en quelques jours, ni même en quelques semaines; c'est une procédure qui prend plusieurs mois. (Remarque. L'oratrice s'interrompt.) Pardon ? Par conséquent, sur la base de la présentation qui nous a été faite aussi bien par le département que par M. Poggia, la commission a étudié ces deux arrêtés et les a trouvés conformes à l'article 113 de la constitution, ce d'autant qu'ils étaient... (Remarque. L'oratrice remonte son masque et rit.) Je vais étouffer dans mon masque ! Ce d'autant qu'ils étaient pris en application de la nouvelle ordonnance du Conseil fédéral.

Puisqu'on me fait apparemment des remarques sur mon masque, la prochaine fois, soit demain, je viendrai avec un certificat médical qui vous dira que j'ai besoin d'air en raison de mon état de santé !

Je pense que vous pouvez approuver le vote de la commission législative et, par conséquent, je rends la parole.

M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, le drame de cette pandémie n'est pas discuté, mais la gestion désastreuse de notre Conseil d'Etat est dénoncée depuis avril 2020. Comme vous le savez, notre Conseil d'Etat peut déroger à nos pratiques démocratiques et institutionnelles en cas de catastrophe ou de situation extraordinaire. Lors d'une pandémie ou de toute autre catastrophe, cette situation est nécessaire et souhaitable, mais les décisions prises, respectivement les arrêtés covid, ne peuvent être que constatés par le Grand Conseil. Encore une fois, si le Grand Conseil accepte les arrêtés covid, ces décisions restent en vigueur; si le Grand Conseil les refuse, ils restent tout de même en vigueur pour une année. De plus, les arrêtés des 20 janvier et 24 février ne sont pas des actions liées à un acte de sauvetage lors d'une catastrophe.

La suppression des expulsions pour un mois et cinq jours est certainement louable politiquement, mais elle ne nécessiterait pas de suspendre nos droits démocratiques. En plus, cela figure dans le rapport de majorité, le Conseil d'Etat n'a aucune idée si les 41 expulsions pour lesquelles est proposé un gel d'un mois ont un quelconque lien avec la crise du covid ! Une telle gestion est tout simplement catastrophique, mais il y a beaucoup plus grave: depuis le mois d'avril dernier, le Conseil d'Etat refuse catégoriquement toute analyse de la pertinence et de l'efficacité des mesures prises à Genève et il refuse catégoriquement de répondre à certaines questions. Je le répète pour la quatrième fois, pourquoi y a-t-il six fois plus d'infections covid dans les EMS genevois que dans ceux de Bâle-Ville ? (Huées. Applaudissements.) Pourquoi Genève ne protège-t-elle pas cette population à risque qui représente plus de 505 des décès liés au covid ? Jamais il n'a été répondu sérieusement à cela ! La question est simple ! (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) La gestion du risque dans les EMS genevois est et a été catastrophique. Une fois de plus, je rappelle que la cellule de crise des EMS est composée de deux représentants des partenaires sociaux, d'un représentant du département, d'un du groupe des infirmières, d'un pour le personnel administratif - vous avez bien entendu, un membre du personnel administratif - et d'un pour les médecins répondants.

Le président. Vous parlez sur le temps de votre groupe.

M. André Pfeffer. Quelles sont ses compétences ? Quelle est son autorité ? Sa crédibilité ? En plus, cette cellule de crise n'a qu'une fonction consultative !

La situation est identique pour les moyens de tester. Pourquoi est-ce que Bâle-Ville avait l'été dernier quarante centres de test alors que Genève n'en avait que deux ? Bâle-Ville a deux fois et demie moins d'habitants, mais avait une capacité pour tester plus de cent fois supérieure à celle de Genève ! Le résultat: fin janvier 2021, Bâle-Ville déplorait 65 décès liés au covid alors que notre canton en comptait 446. Il est légitime de se demander si la médiocrité et l'incompétence de notre Conseil d'Etat ne sont pas la cause directe de la mort de plusieurs centaines de Genevoises et Genevois !

Il y a aussi des dysfonctionnements au sein de notre Grand Conseil: est-ce que nous, les députés, avons effectué notre travail de contrôle et de surveillance ? Combien de députés ont lu l'un des six rapports de la commission législative ? Bref, tous les députés - mais tous ! - n'ont ni effectué leur travail ni assumé leurs responsabilités. C'est pareil pour la commission législative: un de nos collègues députés est membre de la cellule de crise des EMS; en même temps, il préside la commission supposée évaluer et contrôler cette même cellule de crise ! (Exclamations.) Un tel mode de fonctionnement n'existe certainement dans aucun autre canton suisse ! Pour ces raisons, je recommande que vous refusiez les deux arrêtés covid qui - je le répète encore une fois - n'ont aucun lien avec une situation de catastrophe ou un besoin de sauvetage en situation de nécessité.

M. Rémy Pagani (EAG). Monsieur le président, je dirai d'abord que nous sommes aussi très interrogatifs quant à la gestion de la pandémie par le Conseil d'Etat, parce que dès le départ nous étions - et le Conseil d'Etat en particulier - inaptes à répondre aux besoins de la population. On peut penser aux besoins en masques et aux tests qui n'existaient pas à ce moment-là parce que tout avait été envoyé à l'étranger.

Cela étant, nous avons comme principal objectif de défendre les travailleurs et les travailleuses. En l'occurrence, ce parlement a refusé systématiquement d'empêcher tout licenciement alors que nous demandions simplement cela dans le cas où l'on octroierait des aides à des responsables d'entreprises et à des entreprises. Or, aujourd'hui, ces licenciements se produisent quasi quotidiennement, et on vient nous expliquer qu'on va donner un mois de sursis à celles et ceux qui, malheureusement, n'ont ou n'auront plus les moyens de payer leurs loyers ! Je vous rappelle que le système de chômage actuel ne permet à un employé de toucher que 80% de son dernier salaire s'il a une famille, sinon 70%. Cela fait que les personnes qui ont la chance d'avoir un emploi - je ne parle même pas des précaires - se trouvent dans des difficultés évidentes. On me dira qu'il y en a peu et que tout est sous contrôle: nous n'en sommes pas si sûrs, puisque les représentants de l'ASLOCA dénoncent l'augmentation du nombre de personnes qui n'arrivent plus à payer leur loyer.

Nous allons donc proposer un amendement pour augmenter la durée de cette suspension, parce que c'est quand même un peu chiche, on l'a dit. Vous me permettrez l'expression, Monsieur le conseiller d'Etat, c'est petit bras de prolonger d'un mois alors qu'on sait que cela n'aura aucun effet: au moment de l'expulsion, le procureur général attendra un mois de plus et puis il expulsera quand même les gens ! Et les personnes se retrouveront avec leurs familles à charge à la rue - c'est le cas de le dire - et certaines iront à l'Armée du salut ou dans d'autres lieux encore plus déplorables.

Si on ne veut pas interdire les licenciements, nous demandons au moins que ces mesures d'expulsion soient levées pour une année. Ça me semble le minimum qu'on puisse exiger d'un Etat qui se prétend social !

M. Bertrand Buchs (PDC). Monsieur le président, j'aimerais d'abord juste faire une remarque qui ne concerne pas l'objet traité, mais qui a peut-être quand même à voir avec son sujet puisqu'on parle de la pandémie. J'appelle mes amies et amis députés à bien porter leur masque; il y a un petit guiglet qui sert simplement à mouler celui-ci à notre appendice nasal; de ce fait, les masques ne tombent pas. Même le Conseil d'Etat a eu une chute du masque - pas M. Poggia, mais M. Hodgers avant lui - et tous les députés et députées que j'ai vus jusqu'à maintenant ont le nez à l'air, ce qui ne sert strictement à rien dans le port du masque ! S'il vous plaît, chers collègues, mettez donc correctement vos masques !

L'autre chose que j'aimerais dire pour répondre à M. Pfeffer, c'est que le parlement exerce sa surveillance du Conseil d'Etat: la commission de contrôle de gestion entend le Conseil d'Etat toutes les deux semaines sur la pandémie, elle pose toutes les questions qu'elle veut poser et obtient des réponses à ses questions.

Mme Céline Zuber-Roy (PLR). Monsieur le président, avant d'aborder directement le fond du sujet, je dois dire que je suis surprise de l'attaque frontale de M. Pfeffer contre le président de la commission législative: j'aurais trouvé plus correct de faire ces accusations en commission, qu'on puisse en parler avant de passer en plénière ! Pour ma part, j'ai toute confiance en notre président, qui mène bien les travaux, et de manière impartiale.

Sur le fond, évidemment, nous allons soutenir les deux arrêtés du Conseil d'Etat. Je souhaitais faire un commentaire sur celui du 24 février. Nous avons particulièrement apprécié le positionnement de M. Poggia sur la suspension des évacuations forcées; il a bien pris la mesure de l'entorse au droit fédéral que représente cet arrêté. C'est la raison pour laquelle il est impératif de limiter sa durée dans le temps, comme l'a fait le Conseil d'Etat. Il ne s'agit pas d'un mois, comme M. Pagani, d'Ensemble à Gauche, l'a dit, mais bien de deux mois, si on compte du 5 février au 31 mars. Cette mesure est justifiée dans cette situation, mais elle ne doit en aucun cas être prolongée; c'est une atteinte importante au droit des propriétaires, il faut donc la limiter à son strict minimum ou strict nécessaire. C'est la raison pour laquelle je vous invite à refuser l'amendement d'Ensemble à Gauche. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. La parole va maintenant à M. le député Christian Zaugg.

M. Christian Zaugg (EAG). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, il n'y a pas très longtemps...

Le président. ...pour très peu de temps, parce que M. Pagani a déjà tout consommé: vous avez donc juste quinze secondes !

M. Christian Zaugg. Combien de temps, Monsieur le président ?

Le président. Quinze secondes !

M. Christian Zaugg. Bon, je pense qu'il est malheureux de dire certaines choses: nous venons d'avoir un débat sur le bon comportement des députés et je trouve gravissime d'entendre quelqu'un dire que le Conseil d'Etat serait responsable de la mort d'une centaine de personnes ! Je trouve cela assez grave !

Le président. Merci, Monsieur le député. Oui, le Conseil d'Etat répondra certainement ! La parole est maintenant à M. le député Cyril Mizrahi.

M. Cyril Mizrahi (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues, j'aimerais brièvement intervenir sur la question des arrêtés. En préambule, je m'associe aussi à la remarque de ma collègue Zuber-Roy concernant la présidence de M. Guinchard - pour ne pas le nommer - qui fait bien son travail. Je trouve l'attaque assez inélégante, il aurait effectivement mieux valu que ça soit discuté en commission ! Cela étant dit, je rappelle qu'on veut, à chaque examen de ces arrêtés, refaire tout le débat sur la gestion de la pandémie, mais ce débat intervient quand même dans un certain cadre, qui est le contrôle de ces arrêtés tant du point de vue juridique que de leur opportunité. Or, c'est ce que nous avons fait: ces arrêtés interviennent dans le cadre du droit fédéral, qui laisse aux cantons une marge de manoeuvre étroite, notamment pour la mise en place des mesures sanitaires. Par exemple, le premier arrêté n'amène finalement que des ajustements par rapport au cadre du droit fédéral sur les mesures sanitaires.

Le deuxième arrêté, sur les évacuations, a évidemment une portée bien plus importante, et c'est effectivement une bonne nouvelle que cet arrêté ait été pris ! On peut discuter de sa durée, mais il faut quand même préciser qu'en commission, M. Poggia n'a pas dit que cet arrêté allait forcément tomber au 31 mars ! Il y avait une ouverture pour prolonger cet arrêté si nécessaire et il faut relever que le fait de ne pas exécuter des évacuations est quelque chose de relativement rare en Suisse ! C'est donc un bon signe que ces mesures aient été prises pour protéger des locataires.

Cela étant dit, les socialistes sont tout à fait ouverts à la prolongation de la durée de cette mesure pour les raisons expliquées par notre collègue Rémy Pagani. (Applaudissements.)

M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Monsieur le président, Mesdames les députées, Messieurs les députés, les Vaudois ont l'habitude de dire que «qui répond appond»: je ne répondrai pas aux critiques dont j'ai été l'objet, mais je tiens à remercier les députés qui m'ont manifesté leur soutien. Je voulais simplement vous dire ce soir que le travail fourni en commission est un travail d'importance, qui nous permet d'examiner systématiquement, sous l'angle de l'opportunité - comme il a été dit - mais aussi de la légalité, les arrêtés pris par le Conseil d'Etat. Nous commençons à être rodés à cet exercice puisque nous avons jusqu'à présent validé plus de cinquante arrêtés liés à la crise covid.

Nous portons sur ces arrêtés un oeil critique qui nous permet aussi de constituer un terrain favorable pour l'élaboration d'une loi d'application de l'article 113 de la constitution, tâche qui nous a été confiée par votre Conseil, il y a quelques plénières de cela.

Je tiens à relever l'excellente ambiance qui règne au sein de la commission et les apports très constructifs de la quasi-unanimité des députées et des députés. En fonction de cela, je ne peux que vous recommander d'approuver le rapport divers et la proposition de résolution et de ne pas accepter l'amendement d'Ensemble à Gauche.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je remercie celles et ceux - majoritaires - qui ont soutenu les deux arrêtés examinés en commission qui vous sont présentés. Le Conseil d'Etat est évidemment prêt à entendre toutes les critiques; il y en a eu et il y en aura, parce que la perfection n'est bien sûr pas de ce monde et elle l'est encore moins dans une période où il faut adapter les décisions à une courbe de la situation épidémique constamment changeante. Il faut que ces critiques soient honnêtes, il faut que ces critiques soient étayées par des faits ! Nous avons une nouvelle fois entendu ici des propos outranciers et parfois même insultants à l'égard du travail d'un collège gouvernemental qui, de bonne foi, a fait jusqu'ici un travail dont il n'aura rétrospectivement pas à rougir - l'histoire en jugera. On nous compare constamment - toujours par la même bouche - au canton de Bâle-Ville qui aurait admirablement et bien sûr beaucoup mieux qu'ici traité l'épidémie: peut-être que le député en question serait bien inspiré d'aller s'installer à Bâle-Ville où sa sécurité serait mieux assurée ! (Rires.)

Je dirai simplement qu'au moment où je vous parle, il n'y a plus que cinq cas positifs dans les EMS, ce qui est évidemment très peu - cinq de trop, mais c'est très peu ! -, que les résidents de 52 des 54 EMS sont en cours de vaccination et que nous avons vacciné pratiquement 10% de la population du canton, ce qui place le canton de Genève largement au-dessus de la moyenne helvétique ! Nous souhaiterions faire davantage car nous avons la capacité d'administrer 8000 vaccins par jour. Malheureusement, les vaccins se font attendre et ces derniers jours nous avons à peine pu vacciner 1500 patients par jour; c'est dire que la marge de progression est grande ! On nous a fait mettre en place une machine extrêmement puissante et, aujourd'hui, nous tournons à très bas régime. Il n'en demeure pas moins que nous espérons voir les livraisons reprendre et augmenter ces prochaines semaines pour que nous puissions faire face à cette épidémie, car il n'y a véritablement qu'un seul moyen de parvenir à vaincre ce fléau: vacciner, vacciner et encore vacciner ! Tout le reste deviendra accessoire, que l'on parle des mesures ou du testing. Tout cela va bien sûr s'estomper avec le temps, pour autant que chacune et chacun prenne ses responsabilités pour lui-même, mais aussi pour l'ensemble de notre collectivité. Aujourd'hui, le taux de reproduction à Genève est l'un des plus bas de Suisse - bien plus bas que celui de Bâle-Ville, mais je ferme la parenthèse ! Il n'y a aucune gloire à en tirer car les choses peuvent changer très vite, nous le savons; cette épidémie nous a enseigné l'humilité et il faudra nous en souvenir longtemps.

L'un des deux arrêtés qui vous sont soumis mérite davantage d'attention: c'est celui par lequel le Conseil d'Etat a pris la décision - mais aussi la responsabilité - de suspendre les évacuations pendant une période déterminée, du 3 février au 31 mars. Il faut bien être conscient qu'il s'agit d'une mesure chasse-neige puisque nous retrouverons évidemment les cas en question à la fin du mois de mars. Nous l'avons dit, je l'ai dit en commission, il n'y a pas forcément de lien de causalité entre l'épidémie et les évacuations elles-mêmes puisque les procédures peuvent parfois durer des mois et même des années. Il n'en demeure pas moins qu'aujourd'hui, il est plus difficile que jamais de trouver à se reloger et c'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat a voulu apporter ce soutien.

Je vous demande de ne pas aller au-delà du 31 mars, parce qu'il s'agit d'une mesure évidemment contraire au droit fédéral: légale dans une situation exceptionnelle, il faut néanmoins qu'elle reste proportionnée aux circonstances et adaptée à la situation épidémiologique. Le cas échéant, la situation sera revue à la fin du mois. On le voit aujourd'hui, tout le monde attend une détente venant des Chambres fédérales et des injonctions sont données au Conseil fédéral en ce sens, mais je ne suis pas certain que ce soit le meilleur moyen d'affronter sereinement et de manière responsable cette situation.

Néanmoins, il est vrai qu'aujourd'hui, la situation se détend sur le plan médical, à Genève également, mais, encore une fois, nous le savons, la très large majorité des cas diagnostiqués positifs sont issus du nouveau variant qui est beaucoup plus contagieux; cela fait qu'une nouvelle explosion de cas est toujours possible. Il faut donc rester absolument prudent, celles et ceux qui pensent que le problème est derrière nous se trompent. Si nous prenons des décisions à la légère, ce ne sont pas eux qui en supporteront les conséquences ! Plus que jamais, il faut que l'ensemble des institutions de ce canton soit responsable !

On a parlé tout à l'heure du port du masque. Vous êtes observés par la population, vous devez être exemplaires pour l'ensemble de la population, Mesdames et Messieurs ! Il ne sert à rien que nous donnions des injonctions à nos concitoyennes et à nos concitoyens s'ils vous voient en faire fi sur un écran de télévision ! Je sais qu'il s'agit d'une minorité d'entre vous, mais - c'est la nature humaine - on ne se souvient malheureusement que de celles et ceux qui ne respectent pas les règles; on ne retient pas la grande majorité qui, elle, les respecte ! Mesdames et Messieurs les députés, je vous remercie donc de soutenir ces deux arrêtés.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. La parole n'est plus demandée.

Le Grand Conseil prend acte du rapport divers 1392.

Le président. Concernant la proposition de résolution 951, nous sommes saisis d'un amendement du député Rémy Pagani qui vous l'a expliqué. Cet amendement que je vous lis ajoute une nouvelle invite:

«mais demande en outre au Conseil d'Etat:

- de prolonger la suspension des évacuations forcées des locataires jusqu'à la fin de l'année 2021.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 55 non contre 35 oui et 1 abstention.

Mise aux voix, la résolution 951 est adoptée par 76 oui contre 7 non et 6 abstentions.

Résolution 951

PL 12798-B
Rapport de la commission des affaires sociales chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Caroline Marti, Sylvain Thévoz, Diego Esteban, Alberto Velasco, Helena Verissimo de Freitas, Nicolas Clémence, Thomas Wenger, Grégoire Carasso, Badia Luthi sur le soutien individuel aux locataires en période d'épidémie de COVID-19
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 4 et 5 mars 2021.
Rapport de majorité de M. Bertrand Buchs (PDC)
Rapport de première minorité de Mme Jocelyne Haller (EAG)
Rapport de deuxième minorité de Mme Helena Verissimo de Freitas (S)
Rapport de troisième minorité de Mme Alessandra Oriolo (Ve)

Premier débat

Le président. Nous enchaînons avec notre prochaine urgence, le PL... (Remarque.) Je n'ai pas bien entendu, Monsieur Zweifel...? (Rire. Remarque.) Voilà ! Nous enchaînons donc avec le PL 12798-B. Nous sommes en catégorie II, quarante minutes, et je donne la parole au rapporteur de majorité, M. Bertrand Buchs. A vous, Monsieur Buchs.

M. Bertrand Buchs (PDC), rapporteur de majorité. Merci beaucoup, Monsieur le président. Ce projet de loi a été discuté lors de la dernière séance du Grand Conseil et renvoyé à la commission des affaires sociales, à la demande du Conseil d'Etat, qui souhaitait une nouvelle discussion. La commission l'a étudié durant deux séances et a rendu rapidement un rapport afin que nous puissions revenir devant vous pour en parler.

Le Conseil d'Etat, qui avait des critiques à formuler sur ce projet de loi, avait même prévu un amendement général qu'il n'a pas déposé devant la commission et qui n'a pas pu être discuté. Ce préambule montre que le projet de loi n'était pas abouti et nécessitait un remaniement complet. La majorité a décidé de refuser l'entrée en matière pour plusieurs raisons.

Premièrement, la majorité est contre le principe du prêt. Elle ne désire pas encourager le surendettement: prêter de l'argent et demander qu'on le rende, c'est encourager le surendettement. Deuxièmement, la mise en pratique de ce projet de loi semble très complexe et va probablement mobiliser de nombreuses forces et moyens à l'Hospice général. Troisièmement, le suivi du remboursement des prêts n'est pas clair. Si on part du principe qu'une personne qui ne rend pas l'argent après sept ans ne sera pas mise aux poursuites, alors il se pose la question de l'équité par rapport aux personnes qui ont fait l'effort de rembourser leur prêt. Quatrièmement, l'articulation avec le PL 12836, que nous avons voté et qui accorde un crédit de 12 millions pour les plus précaires, n'a pas été explicitée lors des auditions. Enfin, le principe de subsidiarité n'a pas été inscrit dans ce projet de loi, ce qui est pour la majorité de la commission une grande faiblesse. Pour toutes ces raisons, la majorité vous demande de refuser l'entrée en matière. Je vous remercie.

Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, aider les locataires en difficulté est un impératif auquel le parlement ne peut se soustraire. Accepté par la commission du logement, puis retoqué, paradoxalement, par la commission des affaires sociales, ce texte mérite mieux que le traitement dont il a fait l'objet. Les locataires eux-mêmes en difficulté méritent mieux que des partis pris idéologiques et une mauvaise compréhension de la portée de ce projet de loi ou, pire encore, une feinte incompréhension pour justifier une non-entrée en matière et une solution de pis-aller totalement inadaptée, un expédient qui ne ferait que travestir la loi 12836, récemment votée par le parlement, et qui lui imposerait un nouveau champ d'intervention au détriment de ceux auxquels elle était initialement destinée.

M. Buchs a évoqué tout à l'heure le fait que ce projet de loi ne serait pas abouti. Dans sa version initiale, il laissait effectivement à désirer sur certains aspects, mais le Conseil d'Etat, en vue des débats en commission, avait préparé une série d'amendements qui auraient permis de répondre tout à fait valablement à ces objections et de rendre ce projet de loi parfaitement adaptable et en mesure d'être mis en application extrêmement vite. Ce n'est toutefois pas cet amendement-là auquel faisait référence M. Buchs, mais un autre amendement, sur lequel des bruits ont couru en coulisses et qui n'a pas même été présenté; un amendement qui consistait finalement à renvoyer cette problématique des mises en demeure et des risques de résiliation de baux pour des locataires en difficulté dans le champ de la loi 12836, c'est-à-dire dans le domaine de la charité et non pas dans celui d'un dispositif de politique sociale.

M. Buchs a également indiqué qu'un des motifs pour lesquels il refusait ce projet de loi, c'est qu'il ne voulait pas empirer la situation des locataires en difficulté en leur consentant un prêt, mais qu'il préférait autre chose, qu'il ne définit pas. Alors finalement, c'est pour leur bien qu'on laisse des personnes confrontées au risque que peut générer une mise en demeure, c'est-à-dire une résiliation de bail et une plus grande difficulté encore à trouver un appartement, quand on est catalogué dans la catégorie des mauvais payeurs.

Ensuite, il a évoqué le fait que l'Hospice général n'aurait pas les moyens d'assumer cette charge supplémentaire. Effectivement, c'est une crainte qu'on peut avoir, mais je lui rappelle quand même que le conseiller d'Etat avait indiqué que s'il fallait des moyens supplémentaires, il serait prêt à les investir, pour que l'Hospice général puisse accomplir cette tâche.

Quant au suivi peu clair, eh bien, Mesdames et Messieurs, c'est dans le règlement d'application que les choses auraient pu se régler, si on avait véritablement voulu qu'elles puissent l'être, mais on n'a même pas donné une chance à ce projet de loi d'être explicité, d'être amélioré par les amendements qui ont été préparés par le Conseil d'Etat et de se trouver finalement à même de répondre aux besoins auxquels il doit satisfaire.

S'agissant de la question de la mise aux poursuites qui ne serait pas juste et où il y aurait une inégalité de traitement entre ceux qui rembourseraient et ceux qui ne rembourseraient pas... Mesdames et Messieurs, dans une situation de covid, un certain nombre de personnes qui sont confrontées à des difficultés majeures font bien partie de la classe moyenne; des personnes qui, jusqu'à la crise du covid, avaient une situation stable, et qui, soudain, se trouvent en difficulté, confrontées à une absence de liquidités ou de moyens suffisants pour payer leur loyer et à une mise en demeure, à un risque avéré de perdre le logement. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) C'est de ça qu'on parle ! Pas de la population qui était visée par la loi 12836, qui, elle, répond aux besoins d'une autre catégorie de personnes et par un autre type de prestations. Ne jouons pas les naïfs ! Ne faisons pas semblant d'être naïfs en prétendant confondre ces deux choses !

Quant à la subsidiarité, effectivement, elle n'apparaissait pas dans le projet initial...

Le président. Vous parlez sur le temps de votre groupe.

Mme Jocelyne Haller. Oui, volontiers. Merci. ...et c'est bien pour ça que la rapporteuse de minorité que je suis a repris les amendements qui avaient été proposés par le Conseil d'Etat, qui introduisent cette notion dans le projet de loi. Simplement, elle a enlevé une partie qui consistait à introduire une incompatibilité entre les prestations de l'Hospice et celles de ce projet de loi, parce qu'elle n'était pas adéquate. Enfin, elle a ajouté, pour répondre aux attentes de l'UDC, en espérant que cela l'inclinerait à voter cette loi, une clause prévoyant que le prêt accordé devrait permettre de garantir la non-résiliation du bail.

Moyennant ces amendements que je vous propose d'accepter, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite réellement à voter ce projet de loi. Ne faites pas la sourde oreille à la situation des habitants de ce canton, qui ont été mis en difficulté par la situation covid ! C'est de ça qu'il s'agit ! Il s'agit de leur consentir un prêt, que ces personnes seront en mesure de rembourser dès que la situation sera rétablie. C'est pourquoi un délai relativement conséquent a été prévu pour que cela soit possible. Je vous invite donc vraiment à être à l'écoute des besoins de la population et, surtout, à ne pas vous cacher la tête dans le sable, parce que cela, la population ne vous le pardonnera pas, et vous-mêmes aurez de la peine à vous regarder dans la glace. Je vous remercie de votre attention. (Commentaires. Applaudissements.)

Mme Helena Verissimo de Freitas (S), rapporteuse de deuxième minorité. Nous vivons depuis une année une situation inédite, pendant laquelle les réponses ont été inédites: des aides nécessaires - tant fédérales que cantonales - ont été versées aux entreprises. Mais qu'a-t-on fait à l'intention des personnes qui ont vu leurs rentrées financières se réduire, mais pas leurs charges ? Dans un monde idéal, leurs charges auraient été réduites à un niveau équivalent à celui de leurs pertes de revenus, mais, malheureusement, nous ne vivons pas dans un monde idéal. Par ailleurs, il n'existe aucune disposition légale obligeant les assureurs, les régisseurs ou les propriétaires à faire de tels gestes. Pourtant, la majeure partie d'entre eux auraient les reins assez solides pour prendre à leur charge quelques mois de loyer, des primes d'assurance-maladie, ou tout au moins octroyer des réductions sans contreparties.

Que fait-on alors des personnes qui ont dû fermer leur restaurant ou leur commerce ? Que fait-on de la classe moyenne inférieure ? Que fait-on pour ces personnes qui n'ont pas le droit à l'aide sociale, mais qui doivent faire face à des charges qui n'ont pas baissé contrairement à leurs revenus ? Toutes les études réalisées ces dernières années nous mettent en garde: la perte du logement est le premier pas vers la précarité. Alors que fait-on ? Est-ce qu'on prend de l'avance, en garantissant à ces personnes qu'elles peuvent garder leur logement, en leur laissant la possibilité de contracter un prêt à 0% ? La réponse est oui. Il faut à tout prix éviter le basculement d'un nouveau pan de la population vers la précarité. Mais, comme dit plus tôt, nous serions heureuses et heureux de voir des gestes de la part des régies, et pas seulement un envoi d'un courrier aux locataires les informant des différentes possibilités d'aide sociale. Ces personnes ont besoin d'une autre aide. Ces personnes n'ont pas droit à l'aide sociale. Merci beaucoup. (Applaudissements.)

Mme Alessandra Oriolo (Ve), rapporteuse de troisième minorité. Mesdames les députées, Messieurs les députés, à toute situation inédite, il faut une réponse inédite. Depuis bientôt une année, nous vivons une situation extrêmement particulière et beaucoup de citoyennes et citoyens se retrouvent aujourd'hui dans une situation financière difficile. Les plus précarisés peuvent accéder à l'aide sociale - même si ces aides tardent à venir -, mais une frange de la population ne rentre pas forcément dans ces barèmes et n'en est pas moins touchée. Il s'agit de la classe moyenne basse ou des petits indépendants. Ces personnes, qui ne bénéficient pas des aides sociales, peuvent tout de même avoir des difficultés à payer leur logement et pourraient donc être menacées de résiliation par leur bailleur. Nous souhaitons donc tout mettre en oeuvre pour éviter des résiliations de bail, car nous savons à quel point la perte du logement peut constituer un point de bascule vers la précarité, surtout dans une ville où il est extrêmement difficile de retrouver un logement et où les prix sont démesurés.

Ce projet de loi propose que l'Etat prête de l'argent à toutes les personnes menacées par une résiliation de bail à cause d'une baisse de revenus due à la pandémie. Ces prêts seraient remboursables sur un délai maximum de sept ans. Il me semble que le rôle de l'Etat est de ne laisser personne au bord du chemin. Ici, il s'agit simplement de prêts, ce qui n'endommagerait pas les finances de l'Etat à long terme, mais nous éviterait les conséquences d'une augmentation de la précarité si des mesures ne sont pas prises maintenant.

On pourrait s'attendre à ce que les députés siégeant à la commission des affaires sociales soient plus sensibles que nos collègues de la commission du logement à toute problématique sociale touchant à la précarité de nos habitantes. Mais figurez-vous, Mesdames les députées, Messieurs les députés, que c'est l'exact contraire qui s'est produit ! La droite de cette commission a jugé que le fait que l'Etat puisse prêter temporairement de l'argent à la classe moyenne n'était pas une solution adéquate. L'argument de la droite consistait à dire que ce projet de loi ne visait pas son problème à la source, à savoir les bailleurs. Il est vrai qu'idéalement, il faudrait que ce soient les bailleurs et les régies qui fassent un effort et proposent des réductions de loyer ou des possibilités d'échelonnement des paiements, voire des prêts. Cependant, nous avons observé qu'à quelques exceptions près, cela n'avait pas été fait. En attendant une solution pérenne, des citoyennes et des citoyens se retrouvent en difficulté financière avec le risque de perdre leur logement. Pouvons-nous donc simplement nous servir de cet argument et ne rien faire ? Non, Mesdames et Messieurs les députés ! Que répondrons-nous à nos concitoyennes et concitoyens qui n'auront pas été aidés et qui seront laissés pour compte dans cette gestion de crise ? Qu'aura fait ce parlement ?

Pour toutes ces raisons, je vous invite à accepter ce projet de loi pour aider nos concitoyennes en ces temps de crise et à appliquer l'article 38 de la constitution genevoise qui garantit le droit au logement. Quant aux amendements redéposés par la rapportrice de première minorité, les Vertes les soutiendront bien entendu. Je vous remercie.

M. André Pfeffer (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, pour la majorité, ce projet de loi ne répond pas à l'objectif annoncé. Ce projet prévoit un prêt pouvant atteindre la somme de neuf mois de loyer et un remboursement dans un délai de sept ans. Les modalités de remboursement ne sont pas réalistes et cette approche ne favorise rien d'autre qu'un surendettement des bénéficiaires. De plus, et surtout, ce projet rate sa cible: en cas de non-paiement d'un loyer, la mise en demeure et la résiliation du bail sont une question d'un mois, éventuellement de deux mois.

Je souhaitais déposer deux amendements pour recadrer l'objectif. Ils permettaient, premièrement, de donner un délai de deux mois aux locataires défaillants pour réagir; deuxièmement, d'éviter le surendettement avec un prêt limité; troisièmement, d'avoir un mode de remboursement réaliste. Toute personne victime du covid et qui a été empêchée, voire à qui on a interdit de travailler a droit à une aide. Mais celle-ci doit correspondre à la réalité d'une situation et à un préjudice.

Avec ce projet de loi, il est question d'arroser; en endettant encore plus des locataires déjà défaillants, ce texte enfoncerait encore plus ces éventuels bénéficiaires. Vu que mes amendements n'ont pas reçu de soutien auprès d'autres groupes, l'UDC refusera cet objet. Merci de votre attention.

M. Alberto Velasco (S). Je trouve que la conclusion du rapport de majorité, Monsieur le président - vous transmettrez -, est d'un cynisme incroyable. Le rapport de majorité nous dit que, premièrement, ils sont contre ce principe et ne désirent pas encourager le surendettement. Mais je tiens à rappeler que nous avions déposé un premier projet de loi qui, lui, proposait un prêt non remboursable. Et ce projet de loi, Mesdames et Messieurs, a été refusé par la majorité de la commission du logement. C'est à la suite de ce refus qu'on a déposé ce projet de loi, où on a converti ce prêt non remboursable en un prêt à rembourser en sept ans.

Ensuite, vous parlez de surendettement. Mais vous savez, à Berne, le droit du bail, c'est vous qui le faites ! Vous êtes majoritaires, Mesdames et Messieurs ! Si vous ne voulez pas qu'il y ait de surendettement, vous n'avez qu'à changer les lois à Berne, où vous avez une grande représentation, Messieurs de l'UDC, Messieurs du PLR, Messieurs du PDC, hein ? Vous n'avez qu'à demander à vos collègues de Berne de modifier le droit du bail, afin que justement les locataires ne soient pas soumis à un tel stress ! Mais vous ne le faites pas ! Vous parlez comme si vous n'étiez pas représentés à Berne ! Comme si vous n'y étiez pas majoritaires ! Mais vous êtes majoritaires à Berne, et c'est là qu'on fait le droit du bail, Mesdames et Messieurs ! C'est là que vous pouvez changer les choses ! Et vous dites ici: «Oui, mais on ne veut pas que les locataires s'endettent !» Mais que c'est gentil ! Ça nous fait pleurer ! Ça nous fait pleurer ! Et après, qu'est-ce qu'ils nous disent ? Ils disent: «Mais ils n'ont qu'à aller à Caritas, puisqu'on a donné de l'argent à Caritas !» Et c'est vrai que ce Grand Conseil a fait voter des millions et des millions pour la charité ! Mais, Mesdames et Messieurs, la république, c'est le droit, ce n'est pas la charité. Vous êtes en train de transformer la République et canton de Genève en un parlement de charité ! Et vous demandez à la personne, un Genevois, avec ses droits, un citoyen, d'aller s'adresser à une entité privée, caritative, afin qu'elle l'aide à payer son loyer ! Mais c'est l'Etat qui doit dire que dans une situation aussi difficile, parce que vous êtes un petit entrepreneur, que vous avez un actif immobilier et qu'effectivement, l'Hospice ne peut pas vous aider, l'Etat est là pour vous aider à vous en sortir. Et on nous dit: «Oui, mais on ne veut pas que les gens s'endettent !» Alors que, pendant toute l'année, vous ne faites rien pour, par exemple, ceux et celles qui s'achètent un logement et qui s'endettent, pas pour une année, mais qui s'endettent pour trente ans et qui des fois ne peuvent même pas payer leur loyer et se retrouvent en faillite. Là, vous ne faites rien ! Et vous ne faites rien non plus pour les gens qui tombent en faillite, parce que malheureusement leur commerce a périclité. C'est pour ça que, vous voyez, je trouve que la réponse donnée à ce projet de loi est d'un cynisme invraisemblable.

Mais enfin, Monsieur le président, on ne va pas s'arrêter là, quand même ! Parce qu'il y a le peuple ! Il y a le peuple ! Nous avons essayé, avec les milieux locataires, de proposer ce projet de loi, en négociation. Cela n'a pas été entendu. Depuis mars, nous nous sommes adressés au Conseil d'Etat, et il ne nous a pas répondu - depuis mars l'année passée ! (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Je regrette que M. Poggia ait fait tout son possible pour que ce projet de loi ne sorte pas. C'est dommage, parce qu'il est au Conseil d'Etat, lui aussi. Et donc, eu égard au fait que vous ne nous entendez pas, nous avons dû déposer ce projet de loi. C'est cela, la raison, parce que vous ne nous avez pas entendus ! Parce que vous n'avez pas entendu les locataires. C'est vrai qu'on a fait quelque chose pour les locataires commerciaux. Mais on n'a rien fait, Mesdames et Messieurs, pour les locataires tout court. Rien fait depuis une année ! Rien fait...

Le président. Merci, Monsieur le député, il vous faut terminer. Il vous reste cinq secondes.

M. Alberto Velasco. Alors, Monsieur le président - si vous permettez, je finis là -, nous allons, avec l'ASLOCA, lancer une initiative, afin que cela soit inscrit dans la loi...

Le président. Merci.

M. Alberto Velasco. ...par le peuple et non plus seulement par le parlement. (Applaudissements.)

Mme Ana Roch (MCG). Nous sommes tous d'accord sur le fait que ce que nous traversons est difficile et provoque des situations inédites. Mais, sans répéter les différents arguments du rapporteur de majorité, endetter des personnes qui sont déjà en difficulté nous semble être une hérésie. Cela a d'ailleurs été relevé par une commissaire de gauche: lorsqu'une personne est déjà en difficulté, la dernière chose qu'on lui propose, c'est de s'endetter. Nous pensons aussi qu'il y a d'autres options à mettre en place ou à évaluer avant que l'Etat ne se substitue et ne paie directement des loyers ou endette encore plus sa population. Pour toutes ces raisons soulignées par les différents opposants à ce projet, le MCG ne le soutiendra pas. Merci.

Mme Véronique Kämpfen (PLR). Que demande ce PL 12798 ? Qu'une aide soit apportée aux personnes au bénéfice d'un bail à loyer en bonne et due forme, à la condition qu'elles aient du mal à s'acquitter de leur loyer en raison du covid-19, et uniquement pour cette raison.

Les auditions qui ont été menées par la commission du logement et auxquelles la commission des affaires sociales a eu recours dans le cadre de ses travaux ont fait apparaître deux catégories de population de locataires. La première est au bénéfice d'un bail, c'est donc elle qui est concernée par ce projet de loi. Cette population, si elle rencontre des difficultés pour payer son loyer, a des possibilités de conciliation avec la régie ou avec différents organismes... (Brouhaha.)

Le président. Excusez-moi, Madame Kämpfen. Plusieurs députés sont demandés à la buvette, on vient de m'en informer. (Rires.) Madame Sapin, Monsieur Cuendet, Monsieur de Senarclens, Madame Barbier-Mueller, Monsieur Sormanni également, vous pouvez tous aller à la buvette ! Pour que Mme Kämpfen puisse parler dans cette assemblée ! Madame Kämpfen, vous pouvez continuer.

Mme Véronique Kämpfen. Merci, Monsieur le président. Comme je disais, la première population de locataires est au bénéfice d'un bail et c'est donc elle qui est concernée par ce projet de loi. Cette population, si elle rencontre des difficultés pour payer son loyer, a des possibilités de conciliation avec la régie ou avec différents organismes d'aide qui sont présents lors de la procédure devant le Tribunal des baux et loyers. Les procédures, avant d'en arriver à une expulsion, sont longues, pouvant aller jusqu'à trois ans. Au plus fort du covid, au printemps 2020, les délais pour payer son loyer ont été allongés par décision du Conseil fédéral jusqu'à nonante jours, au lieu de trente jours. Le Conseil d'Etat, de son côté, a interdit les expulsions au printemps-été 2020 et a prolongé cette interdiction jusqu'à fin mars 2021. Les mesures proposées par ce projet de loi, qui suppose la mise en place de tout un service étatique, avec un accompagnement social pendant sept ans, sans réel contrôle de la raison qui a mené au non-paiement du loyer, semblent disproportionnées.

La deuxième catégorie de locataires est celle de personnes qui ne bénéficient pas d'un bail de location ou de sous-location officiel et qui se trouvent en effet sans marge de négociation ou de discussion en cas de non-paiement de loyer. Ce sont donc elles qui ont vraiment besoin d'aide en cas de difficulté de paiement, mais elles ne sont pas concernées par ce PL 12798, puisque celui-ci vise expressément les personnes au bénéfice d'un bail. En revanche, ces personnes précarisées peuvent s'adresser, en effet, aux associations caritatives comme la Croix-Rouge genevoise, Caritas ou le Centre social protestant, auxquelles un montant de 12 millions de francs a été octroyé par notre parlement à la fin de l'année passée par le biais du PL 12836, dont le but est justement d'aider au paiement du loyer. Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe PLR vous invite à rejeter ce projet de loi. Je vous remercie, Monsieur le président. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. La parole échoit à M. le député Thierry Cerutti pour trois minutes.

M. Thierry Cerutti (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, c'est intéressant d'entendre notre camarade socialiste Alberto Velasco reprocher à la droite du Parlement fédéral de ne rien faire concernant le droit du bail. Il a soulevé un point intéressant en demandant: que fait le Conseil d'Etat dans le cadre de la crise covid pour lutter contre la précarité ? Il me semble, Mesdames et Messieurs les députés, que nous avons toutes et tous - en tout cas presque toutes et tous - pris nos responsabilités dans le cadre de cette crise. Je prends l'exemple de Mme Nathalie Fontanet, la ministre des finances, chargée du département de l'économie: elle a pris ses responsabilités, elle a déposé des projets, vous les avez votés, et les entreprises, les commerçants, les établissements hôteliers et les restaurants, les petites PME vous en remercient. Quid au niveau social ? Je m'interroge: il me semble que le conseiller d'Etat chargé des questions sociales est un socialiste ! Il n'est ni PLR, ni PDC, ni UDC, encore moins MCG. Ce qui signifie que, Monsieur Velasco, vous devriez demander à votre magistrat: qu'a-t-il fait pour les locataires en période covid ? Qu'a-t-il fait pour ces locataires qui peinent justement à régler leur loyer, après que les régies ont bien naturellement pris dans les réserves constituées par les loyers qu'elles demandent à toutes et tous les locataires de payer en avance - entre trois et six mois ? Qu'est-ce qu'il a fait ? Ben, il n'a rien fait ! Il a juste déposé un projet pour aider les sans-papiers, les personnes travaillant au noir, les gens en situation irrégulière, et ça, nous le dénonçons, et nous le combattrons toujours. Voilà pourquoi le MCG ne soutiendra pas ce projet. Merci.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est maintenant à Mme la députée Jocelyne Haller pour deux minutes vingt-cinq.

Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de première minorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, soyons sérieux ! S'il y a véritablement une volonté de ne pas détériorer la situation des personnes en leur consentant un prêt, qu'est-ce que cela signifie ? Que nous préférons voir leur bail résilié ! C'est bien ça ! Nous préférons les voir perdre leur logement ! Quant à l'absence de suivi individuel dont parlait M. Pfeffer, c'est bien ce qu'apportaient les amendements du Conseil d'Etat: c'est un accompagnement, pour précisément définir les modalités de remboursement en fonction de la capacité de remboursement de ces personnes. Donc dire aujourd'hui qu'il n'y avait rien à ce sujet, c'est n'avoir pas entendu ce qui nous a été dit en commission.

Et puis, si le refus de ce projet de loi que d'aucuns s'apprêtent à voter veut dire qu'ils ont l'intention de charger les associations caritatives de ce travail - parce que c'est en substance ce que d'aucuns ont exprimé pendant les travaux de la commission -, permettez-moi quand même de vous rappeler une chose: le caritatif ne peut pas être le fourre-tout des politiques publiques ! Il ne peut pas être le paravent de politiques publiques lacunaires ! Et je vous rappelle en outre que les associations caritatives, qui étaient déjà submergées avant la crise covid, qui travaillaient à flux tendu, ont clairement indiqué qu'elles étaient prêtes à assumer la mise en oeuvre de la loi 12723 - qui est soumise à référendum, et nous aurons la décision du souverain ce dimanche -, qu'elles étaient prêtes à mettre en oeuvre la loi 12836, mais qu'elles ne pouvaient pas aller au-delà de ça ! Vous ne pouvez pas les étrangler ! Vous ne pouvez pas les mettre dans l'impossibilité de remplir leur mission en les chargeant de nouvelles tâches ! Rappelez-vous-en quand vous voterez tout à l'heure ! Soyez cohérents ! N'assommez pas ces institutions ! Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, on essaie, à travers ce texte, de nous repousser vers le projet de loi voté par notre parlement au mois de décembre, le PL 12836, qui ne s'applique en fait pas à cette catégorie de population. Il est clair que le projet de loi initial proposé par le parti socialiste comportait un certain nombre de faiblesses, ce que nous ne contestons pas. Nous sommes totalement prêts à améliorer ce projet de loi et nous étions prêts à l'améliorer aussi à la commission des affaires sociales. Le président avait d'ailleurs prévu une séance «open-ended», au cours de laquelle nous étions prêts à discuter de l'ensemble des amendements, mais il se trouve que ceux-ci n'ont pas pu être pris en considération, parce que l'entrée en matière n'a pas été votée.

Le pari que j'aimerais vous proposer ce soir, c'est de voter l'entrée en matière de ce projet de loi, de rediscuter des amendements proposés par le Conseil d'Etat et repris par la rapporteure de première minorité, Mme Haller, et ensuite, quand nous les aurons votés - ou non -, vous verrez bien si vous souhaitez voter ce projet de loi ou non. Je vous recommande donc très vivement d'accepter au moins l'entrée en matière, de façon à ce que nous puissions discuter des divers amendements proposés. Je vous remercie.

M. Bertrand Buchs (PDC), rapporteur de majorité. J'ai été parfois étonné par les propos qui ont été tenus contre la majorité. On est d'accord qu'il y a une majorité et une minorité, chacun se respecte. Ce n'est pas parce que nous avons émis notre avis que nous sommes des gens qui ne font travailler que la charité et que nous nous moquons des gens qui ont besoin de l'aide de l'Etat. Je m'oppose absolument à cette idée. Je pense que si la majorité a décidé que ce projet de loi n'était pas bon et qu'elle l'a refusé, c'est pour des raisons de fonctionnement du projet de loi. Ce qui est important, c'est que ce qu'on vote soit utile immédiatement aux gens qui en ont besoin, et ce projet de loi n'a aucune utilité immédiate: il est compliqué à faire fonctionner, notamment avec l'Hospice général, on ne sait pas comment il va être réalisé sur le long terme, et même le Conseil d'Etat était d'accord là-dessus, puisqu'il avait préparé un amendement général que le parti socialiste n'a pas voulu déposer et soutenir. Cela montre qu'il y avait déjà un problème au niveau de la gauche avec ce texte.

Donc, partant du principe qu'il n'est pas bon et qu'il faut autre chose, arrêtez de nous parler de cette histoire de charité, parce que cela devient injurieux de dire que quand on pense aux gens, qu'on agit rapidement, qu'on donne des moyens tout de suite, que ces moyens sont utilisés dans le mois qui suit et qu'on discute avec les associations sur le terrain pour le faire... Et toutes les associations sur le terrain sont venues nous remercier de l'avoir fait; elles sont venues nous dire qu'elles étaient très, très contentes d'avoir cette possibilité. Et là, nous pouvons agir pour les gens qui ont besoin de l'argent immédiatement et nous l'avons fait. Ce parlement l'a fait, avec une majorité s'agissant de la clause d'urgence, parce que le PDC a aussi eu l'intelligence d'aller discuter avec d'autres partis de droite pour obtenir une majorité. C'est comme ça qu'on avance, pas en creusant des tranchées pour opposer la droite et la gauche. Sur ce sujet-là, la droite n'a rien à se reprocher. Je vous remercie.

Une voix. Bravo !

M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, ce que nous pouvons retenir de la gestion de la crise, c'est la nécessité absolue de multiplier les possibilités de soutien aux personnes comme aux entreprises. Votre Conseil a régulièrement adopté les propositions qui émanaient de vos bancs ainsi que celles du Conseil d'Etat, et nous vous en remercions. La question des locataires a été effectivement peu traitée. Les locataires d'habitations font face à des risques particuliers dans le cadre de cette crise, notamment en raison du fait que, trente jours après un non-paiement de loyer, les conséquences sont dramatiques pour les personnes concernées.

Si le Conseil d'Etat a soutenu le renvoi en commission, c'est qu'il avait confiance dans la cohérence des commissions qui traitent des différents projets de lois. A cette époque, en effet, la commission du logement avait majoritairement soutenu ce projet de loi et le Conseil d'Etat était soucieux de sa mise en oeuvre - une mise en oeuvre rapide et efficace étant à ses yeux un élément essentiel du soutien aux locataires d'habitations. Or effectivement, la fidélité de l'Alternative a été au rendez-vous, la fidélité du PDC et du PLR a été au rendez-vous contre le projet de loi. Mais il y a un parti qui, entre la commission du logement et la commission des affaires sociales, a décidé de refaire le fond, c'est-à-dire de l'accepter à la commission du logement, puis de le refuser à la commission des affaires sociales. Voilà une incohérence qui péjore aujourd'hui la situation de celles et ceux qui proposent des solutions à cette population qui - cela a été dit, et j'aimerais le souligner - n'a pas l'habitude de fréquenter l'aide sociale, car elle a suffisamment de possibilités à disposition s'agissant de la recherche de moyens, ce qui n'est pas le cas d'une autre partie de la population.

Le département de la cohésion sociale, le département du territoire, l'ASLOCA, l'USPI et la CGI ont décidé aujourd'hui de communiquer sur une première mesure d'urgence, consistant à informer les locataires en défaut de paiement des possibilités de réaction d'abord, puis de soutien. Je me réjouis de ce partenariat qu'il était important de lancer. D'autres éléments sont en préparation sur le même sujet, mais votre Conseil a l'habitude de multiplier les sources de solutions, ce que ce projet de loi vous invite à faire ce soir.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat.

Mme Jocelyne Haller. Je demande le vote nominal, Monsieur le président !

Le président. Mme Haller demande le vote nominal. Etes-vous soutenue ? (Plusieurs mains se lèvent.) Vous l'êtes: ce vote se fera donc à l'appel nominal. (Remarque. Rires.)

Mis aux voix, le projet de loi 12798 est rejeté en premier débat par 55 non contre 37 oui et 1 abstention (vote nominal).

Vote nominal

PL 12877
Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur (LTVTC) (H 1 31)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 4 et 5 mars 2021.

Premier débat

Le président. Nous passons à l'urgence suivante, le PL 12877, que nous traiterons en catégorie II, trente minutes. Cette urgence a été demandée par le Conseil d'Etat et je donne la parole à M. le conseiller d'Etat Mauro Poggia qui va vous expliquer pourquoi.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vais effectivement vous expliquer pourquoi c'est urgent. Ce que je dis pour ce projet de loi est aussi valable pour le suivant. Vous vous souviendrez que des décisions identiques avaient été adoptées pour l'année 2020: il s'agit de la renonciation à la perception des taxes - ici, pour les taxis, à la taxe d'usage accru du domaine public. Les taxis sont particulièrement touchés par la crise actuelle; je pense n'avoir pas besoin d'argumenter, tout le monde constate à quel point cette profession souffre de la situation. En 2020, l'Etat avait renoncé à la perception de cette taxe, et il s'impose aujourd'hui d'en faire de même pour l'année 2021. Nous souhaiterions qu'une décision soit prise rapidement afin que cela soit perçu comme un signe positif par cette profession: elle sentira ainsi toute la préoccupation que suscite sa situation au sein de nos deux Conseils. Je vous remercie.

Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, tout comme au printemps dernier lors du vote d'un texte similaire, les Vertes et les Verts accepteront ce projet de loi du Conseil d'Etat. Lors de la première vague, il était question de soulager les chauffeurs du manque à gagner qu'ils et elles avaient subi en raison du premier semi-confinement. Aujourd'hui, suite à la persistance de la pandémie de covid-19, suite à la deuxième vague, suite aux mesures de restrictions, nous savons fort bien que la vie n'a pas repris comme avant.

Même si les chauffeurs de taxi ont bénéficié de certaines aides financières en qualité d'indépendants, ils continuent à supporter des charges fixes importantes, dont fait partie la taxe annuelle. Aujourd'hui, en 2021, face à la concurrence d'Uber, toujours exacerbée, face à leurs contraintes quotidiennes, mais surtout face au manque de clients, ces chauffeurs attendent des heures et des heures avant de voir enfin une cliente ou un client. Chaque jour, ils comptent les courses sur les doigts d'une main: deux, trois, quatre, peut-être un peu plus par jour, mais guère beaucoup plus. Or, un chauffeur qui ne roule plus ne gagne plus rien.

La suppression de la taxe annuelle 2021 sera une bouffée d'oxygène, une petite bouffée entre une ubérisation forcenée de leur secteur et une pandémie à vagues successives qui dure et durera encore. C'est la raison pour laquelle les Vertes et les Verts entreront en matière sur ce projet de loi. Merci.

M. Christo Ivanov (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, ce projet de loi pour l'exonération des taxis de la taxe 2021 est effectivement une excellente nouvelle. Le manque à gagner pour l'Etat est de 1,6 million, mais cette mesure est en faveur d'une profession vraiment précarisée, qui souffre terriblement. Il y a peu de travail, il n'y a évidemment quasi pas de touristes, et c'est donc très difficile. Le groupe UDC soutiendra naturellement ce projet de loi. Je vous remercie.

M. Thomas Wenger (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, nul besoin de longs discours. Ça fait une année que nous sommes confrontés à une crise d'abord sanitaire, puis économique et sociale. Les chauffeurs de taxi - et chauffeuses de taxi - sont très touchés par cette pandémie, par les problèmes liés à la perte de la majorité de leur clientèle, et le parti socialiste votera bien entendu ce projet de loi pour les soutenir. C'est une aide modeste mais nécessaire: face à la situation dramatique que vivent ces personnes, chaque aide compte. C'est pourquoi le parti socialiste soutiendra cette mesure. Merci.

M. Jean Batou (EAG). Au nom du groupe Ensemble à Gauche, je vous annonce que nous soutiendrons ce projet de loi. Comme l'a indiqué le conseiller d'Etat, Mauro Poggia, il s'agit d'un signe symbolique, bien sûr totalement insuffisant au regard des difficultés que rencontrent les chauffeurs et chauffeuses de taxi. Je crois que ce qu'a dit précédemment ma collègue Marjorie de Chastonay est vrai: ce n'est pas seulement la pandémie, c'est la concurrence des chauffeurs Uber. Il s'agit d'une profession extrêmement difficile, extrêmement éprouvante, et je pense que nous allons tous soutenir cette modeste contribution - vous vous rendez compte: 1,6 million. C'est évidemment très peu à l'échelle du canton et de l'ensemble des chauffeurs de taxi, de l'ensemble de la profession, puisque ce sont des indépendants qui souffrent très particulièrement de cette crise et pour lesquels notre groupe estime qu'un effort plus important devrait être fait. Merci.

M. Alexandre de Senarclens (PLR). Le PLR soutiendra également ce projet de loi. Il s'agit de reconduire une aide modeste mais justifiée pour la profession des chauffeurs de taxi. Comme vous le savez, le tourisme a massivement baissé à Genève, ce que montrent aussi les chiffres dramatiques de l'aéroport et des nuitées. En outre, le phénomène du télétravail amène évidemment moins de personnes au centre-ville. Les taxis sont donc durement touchés, on le voit avec les files de taxis qui attendent le client. Il convient par conséquent de les aider, d'alléger leurs charges, certes modestement, mais néanmoins de les alléger, et c'est l'objet de ce projet de loi: reconduire cette mesure en 2021 - raison pour laquelle le PLR soutiendra ce texte. Je vous remercie, Monsieur le président.

M. Jacques Blondin (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, je ne vais pas répéter ce qui a été dit parce qu'il y a accord unanime sur ce projet de loi. Je crois que nous sommes tous conscients des difficultés que rencontre le secteur des taxis depuis la pandémie; la moindre des choses est donc de supprimer ces taxes et de les aider du mieux que l'on peut, même si c'est de manière relativement modeste. L'élément essentiel est à l'évidence l'urgence, parce qu'il faut naturellement qu'on puisse verser cet argent rapidement. Le parti démocrate-chrétien, comme d'ailleurs les autres groupes, soutiendra donc le projet de loi du Conseil d'Etat. Merci.

M. Patrick Dimier (MCG). Nous avons travaillé des mois et des mois pour corriger une loi qui ne fonctionnait pas bien et maintenant que nous avons terminé ces travaux, eh bien la crise est là et frappe très très durement cette profession. Nous devons, et je crois que c'est une chose acquise, nous coaliser pour soutenir ce projet de loi qui va aider une profession lourdement touchée; ce sont tous de petits indépendants, il ne faut pas l'oublier. Merci.

Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, la parole n'étant plus demandée, nous passons au vote d'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 12877 est adopté en premier débat par 75 oui (unanimité des votants).

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'art. 1 (souligné).

Le président. Nous nous prononçons à présent sur l'article 2 souligné «Clause d'urgence». Je rappelle que selon l'article 142 de la LRGC, pour être adoptée, la clause d'urgence doit être votée par le Grand Conseil à la majorité des deux tiers des voix exprimées, les abstentions n'étant pas prises en considération, mais au moins à la majorité de ses membres.

Mis aux voix, l'art. 2 (souligné) est adopté par 81 oui (unanimité des votants) (majorité des deux tiers atteinte).

Troisième débat

Mise aux voix, la loi 12877 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 80 oui et 1 abstention.

Loi 12877

PL 12878
Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur la restauration, le débit de boissons, l'hébergement et le divertissement (LRDBHD) (I 2 22)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 4 et 5 mars 2021.

Premier débat

Le président. L'urgence suivante est classée en catégorie II, trente minutes: il s'agit du PL 12878. L'urgence a été demandée là aussi par le Conseil d'Etat et je propose à M. le conseiller d'Etat de nous en expliquer les raisons. A vous la parole, Monsieur Mauro Poggia.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous venons de parler d'une profession lourdement touchée, celle des chauffeurs de taxi; que dire des professions de la restauration, qui aujourd'hui ne peuvent pas travailler ? Je pense que réclamer une... percevoir une taxe auprès de ces professions serait évidemment ressenti comme un acte d'un cynisme total. Je pense qu'il faut naturellement renoncer à cette taxe pour 2021, comme nous l'avons fait - comme vous l'avez fait, Mesdames et Messieurs les députés ! - en 2020. Cela marquera notre soutien - si la mesure est modeste, il s'agit tout de même de 3,2 millions -, indépendamment bien sûr des aides en cours et qui devront certainement se prolonger pour cette catégorie professionnelle. Celle-ci doit percevoir la décision de ce soir comme la prise de conscience - que votre parlement a déjà largement exprimée par le passé - de la dureté des circonstances dans lesquelles se trouve le secteur tout entier. Je vous remercie.

M. Jean Batou (EAG). Je crois qu'il n'est pas besoin de longs discours: de nouveau, nous serons unanimes à soutenir cette proposition. Il est question d'une des professions les plus exposées, évidemment, à la crise actuelle: en dépit des aides, en dépit de cette mesure relativement symbolique, les difficultés rencontrées par les détenteurs de bistrots, de cafés ou de restaurants sont telles que la solidarité du Grand Conseil devrait s'exprimer non seulement par ce vote, mais également par des mesures qui permettent réellement à ces établissements de traverser la crise actuelle dans des conditions acceptables. Je crois que pour certains d'entre eux, ce n'est aujourd'hui plus possible. Nous devons entendre les cris d'alerte qui viennent de ces secteurs et montrer notre solidarité de manière beaucoup plus forte. Voilà ! Nous soutiendrons donc évidemment cette mesure et nous appelons l'ensemble du parlement à en faire de même - il me semble que c'est évident.

M. André Pfeffer (UDC). Le groupe UDC soutient ce projet de loi et l'appuie sans limites. Les restaurateurs ont eu l'interdiction de travailler et c'est un minimum que cette taxe d'exploitation ait été supprimée en 2020; avec ce texte, elle sera également suspendue en 2021.

Je profite de ma prise de parole pour annoncer que le groupe UDC salue une autre action du Conseil d'Etat: depuis deux ou trois semaines, le gouvernement fixe un rendez-vous hebdomadaire, les mardis à 18h, aux présidents d'associations, notamment à ceux de la restauration. Ces réunions sont à saluer, et ce début de dialogue et de collaboration améliorera les liens entre notre exécutif et certains secteurs économiques. Encore une fois, le groupe UDC soutient ce projet de loi. Merci de votre attention.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je me permets de transmettre que le Conseil d'Etat vous remercie pour ces mots agréables à son oreille ! La parole va maintenant à M. le député Jacques Béné.

M. Jacques Béné (PLR). Merci, Monsieur le président. Pour le PLR, ce sera la même chose: comme pour les taxis, nous ne sommes plus dans des cas de rigueur, mais dans un état de nécessité absolue. Même si c'est un petit geste, c'est un geste indispensable. Je crois que la meilleure solution pour les cafetiers-restaurateurs serait surtout de leur permettre de rouvrir, Mesdames et Messieurs ! Je vous remercie.

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur Béné. Je passe la parole à M. le député Christo Ivanov pour deux minutes.

M. Christo Ivanov (UDC). Merci, Monsieur le président, ce sera largement suffisant. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, cette profession est en effet véritablement sinistrée. J'ai pu en mesurer moi-même la souffrance puisque j'étais présent lors de la manifestation des cafetiers-restaurateurs, il y a quelques mois, sur la plaine de Plainpalais. Il convient évidemment d'être tous et toutes solidaires vis-à-vis d'une profession qui souffre. Malheureusement, il y aura certainement beaucoup de faillites: on parle d'une entreprise sur trois qui mettra la clé sous la porte. Ce projet de loi pour renoncer à la taxe d'exploitation 2021 est donc extrêmement bienvenu et nous remercions le Conseil d'Etat de l'avoir déposé. Je vous remercie, Monsieur le président.

M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, je n'ai pas grand-chose à rajouter sur ce projet de loi. On l'a bien entendu constaté, les restaurants sont fermés depuis un certain temps. En outre, ce texte parle aussi des hôtels, qui subissent une baisse de fréquentation de l'ordre de 90%. On peut se poser la question... Il y a des gens qui disent qu'on va prochainement rouvrir, dans le deuxième semestre ou peut-être très bientôt. Ce qu'il faut bien voir, c'est que la réouverture ne sera certainement que partielle: peut-être que seules les terrasses rouvriront. Les restaurateurs continueront donc à être dans une situation difficile sur l'ensemble de l'année. On peut se poser la question: est-ce qu'il faudrait faire une remise de la moitié ? Mais nous ne soutenons pas, quant à nous, cette proposition qui n'a d'ailleurs pas été faite. Nous soutiendrons donc la suppression de cette taxe, dans la suite de ce qui a été fait en 2020, ce qui coûtera à l'Etat, on l'a dit, 3,2 millions de francs. Le groupe des Verts appuiera par conséquent la proposition du Conseil d'Etat.

M. Thomas Wenger (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, ouverture; fermeture; ouverture avec plan sanitaire; nouvelle fermeture; discussions sur une ouverture partielle, une ouverture complète, seulement les terrasses; fermeture à nouveau: les cafetiers-restaurateurs vivent un drame depuis des mois ! Ce drame économique, ce drame social se transforme aujourd'hui en vrai drame humain. C'est pour ça que ce Grand Conseil, et notamment nous, au sein du groupe socialiste - mais j'imagine que c'est le cas de l'ensemble des députées et des députés de ce parlement -, sommes solidaires de cette profession, de toutes les personnes qui travaillent dans ce secteur qui est vraiment en grande souffrance. Accepter ce projet de loi est la moindre des choses que nous puissions faire, avec bien entendu les différentes aides octroyées aujourd'hui par le Conseil d'Etat et qui ont été votées par notre parlement. On ne peut que se réjouir que les restaurants puissent ouvrir le plus vite possible, en fonction évidemment de la crise sanitaire et des mesures qui doivent être prises. Mais que les cafetiers-restaurateurs qui nous écoutent soient en tout cas assurés de notre solidarité en ces moments difficiles pour eux. Merci.

M. Thierry Cerutti (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe MCG rejoint naturellement les positions des uns et des autres et félicite le conseiller d'Etat Mauro Poggia et sa collègue libérale d'avoir pris cette décision. Un franc est un franc pour les restaurateurs, vous l'avez toutes et tous dit. Ils vivent une situation dramatique depuis maintenant près d'une année. On se réjouit d'ailleurs que le parti socialiste soutienne la réouverture des restaurants; ça n'a apparemment pas été le cas de leurs homologues de Berne, puisque aux Chambres fédérales, ils ont refusé bien évidemment de soutenir une proposition de réouverture à plein pour les cafés, les restaurants et l'hôtellerie. Le MCG partage également les préoccupations de nos amis du PLR: nous souhaiterions que ces restaurants, cafés-restaurants et hôtels ouvrent le plus rapidement possible. Ils en ont un besoin énorme et toute aide est la bienvenue. C'est pourquoi nous soutiendrons ce projet de loi, et nous remercions encore une fois notre conseiller d'Etat Mauro Poggia d'avoir pris cette initiative avec sa collègue libérale.

M. Jacques Blondin (PDC). Chers collègues, le parti démocrate-chrétien, comme tous les autres, soutiendra bien évidemment ce projet de loi. Mais c'est la moindre des choses ! Ces restaurants sont fermés depuis plus de trois mois et leur faire payer des taxes pour être fermés, ce serait quand même un comble ! Cette mesure n'est donc pas un cadeau mais une absolue nécessité; merci au Conseil d'Etat d'y avoir pourvu - il faut par conséquent soutenir cet objet. Et quant à moi, je partage les propos qui viennent d'être tenus: j'espère qu'on pourra retourner dans les restaurants genevois à partir du 22 ! Donc, acceptez bien évidemment ce projet de loi. Merci.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, je prie l'assemblée de se prononcer sur l'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 12878 est adopté en premier débat par 76 oui (unanimité des votants).

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'art. 1 (souligné).

Le président. Nous nous prononçons à présent sur l'article 2 souligné «Clause d'urgence». Je rappelle que selon l'article 142 de la LRGC, pour être adoptée, la clause d'urgence doit être votée par le Grand Conseil à la majorité des deux tiers des voix exprimées, les abstentions n'étant pas prises en considération, mais au moins à la majorité de ses membres.

Mis aux voix, l'art. 2 (souligné) est adopté par 84 oui (unanimité des votants) (majorité des deux tiers atteinte).

Troisième débat

Mise aux voix, la loi 12878 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 84 oui (unanimité des votants).

Loi 12878

M 2728
Proposition de motion de Mmes et MM. Souheil Sayegh, Jacques Blondin, Jean-Luc Forni, Jean-Charles Lathion, Olivier Cerutti, Bertrand Buchs, Sébastien Desfayes, Claude Bocquet, Yvan Zweifel, Murat-Julian Alder, Jean-Pierre Pasquier, Jacques Béné, Pierre Nicollier, Salika Wenger, Natacha Buffet-Desfayes, Helena Rigotti, Cyril Aellen pour le retour du plat du jour
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 4 et 5 mars 2021.

Débat

Le président. L'urgence suivante est la proposition de motion 2728, qui s'intitule «pour le retour du plat du jour». Vu l'heure - il nous reste vingt minutes -, nous avons le temps de déguster ce plat du jour ! Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole à l'auteur, M. Souheil Sayegh.

M. Souheil Sayegh (PDC). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, je vous avoue qu'elle vient à point: au vu du soutien majoritaire de cette assemblée à l'objet précédent, je me réjouis de vous présenter cette motion pour le retour du plat du jour. Comme vous l'avez constaté, la discussion de ce soir est d'une absolue nécessité. Nous avons été élus pour porter la voix de la population et nous nous devons de rapporter ici celle de la restauration. Non pas seulement pour réclamer l'argent qui devrait arriver un jour, mais pour permettre aux personnes qui le souhaitent de reprendre leur travail, même à temps partiel.

Tous les acteurs politiques le disent: le café-restaurant n'est pas un lieu de contamination. (Commentaires.) Tout le monde l'accepte et s'accorde à le dire. Les restaurateurs ont tout entrepris pour mettre en place les concepts sanitaires et protéger ainsi leurs clients. Les restaurants d'hôtels et d'entreprises sont ouverts, les courbes virales diminuent grâce aux mesures mises en place par les politiques, la population se vaccine, les plus fragiles en tête.

Le télétravail a ses limites. Nous avons transféré le personnel de l'entreprise au domicile, le domicile devenant ainsi une annexe de l'entreprise, mais sans son restaurant. Les personnes se lèvent, se mettent au travail en pantoufles, se changent pour faire leurs courses, se font encore à manger à midi, puis à nouveau le soir; la dépression est au fond des sacs. Le commerce de détail devient la nouvelle norme du lieu de rencontres. On se donne rendez-vous au rayon des fruits et légumes ou à celui des fleurs.

Aujourd'hui, nous pouvons nous réunir à cinq personnes sur le plan privé, mais nous savons tous que cette norme n'est pas respectée, beaucoup de rencontres se faisant en cachette pour permettre des contacts sociaux. A midi, le temps passé à table est beaucoup plus court que le soir, on sort du travail pour y retourner rapidement. Les concepts sanitaires sont en place, la traçabilité établie, le respect des normes sanitaires naturellement scruté. En permettant le retour du plat du jour, sans sacrifice sanitaire ou baisse de vigilance, c'est un retour progressif à la norme qu'on permet. Ce sont aussi nos agriculteurs et producteurs qu'on soutient.

Pour rassurer la population, on ne va pas s'attendre à une ouverture immédiate de tous les établissements, certains ne le souhaitant ou ne le pouvant simplement pas. Il faudra aussi s'assurer que les établissements ayant décidé d'ouvrir ne soient pas pénalisés sur le plan des RHT ou des indemnités partielles ou que ceux qui ont décidé de rester fermés ne le soient pas non plus.

A mes collègues qui pourraient hésiter, j'aimerais rappeler qu'aujourd'hui on parle beaucoup de culture, mais on oublie souvent que cuisiner est un art qui permet la transformation d'un produit brut en un produit consommable. Un restaurant est donc un lieu de culture - on y dévore même plusieurs cultures.

La Suisse est devenue championne du monde de l'e-commerce. Evitons qu'elle ne devienne championne du monde du plat à l'emporter ! A l'instar du Conseil national, montrons notre soutien réel et sincère aux restaurateurs qui ont tout fait pour nous protéger ! Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député, vous savez que...

M. Souheil Sayegh. Et j'ai présenté un amendement pour permettre de ne pas pénaliser les restaurateurs qui décideraient de rester fermés.

Le président. Vous voulez le présenter, dans la foulée ?

M. Souheil Sayegh. Je peux le présenter maintenant ?

Le président. Présentez-le !

M. Souheil Sayegh. Je vous remercie, Monsieur le président. Cet amendement que vous avez reçu par courriel, Mesdames et Messieurs, est simplement destiné à protéger les restaurateurs qui décident de ne pas ouvrir, parce qu'ils ne le peuvent pas ou ne le souhaitent pas, et ainsi à ne pas les empêcher de recevoir les indemnités ou les RHT auxquelles ils ont droit.

M. André Pfeffer (UDC). Le groupe UDC partage tous les considérants et toutes les invites. Le retour à la normale est urgent et nécessaire. Une ouverture à midi serait déjà un bon début. Mais je rappelle que les fermetures des restaurants dépendent d'ordonnances fédérales. C'est comme pour les arrêtés covid: notre Grand Conseil n'a aucune compétence en la matière. Je rappelle aussi que Genève tient secrètes les négociations intercantonales avec la Confédération qui sont imposées dans le cadre de cette pandémie. Malgré tout, notre groupe soutient totalement cette branche économique et acceptera cette motion. Merci de votre attention.

M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames et Messieurs, chers collègues, bien entendu, l'intention de cette motion est louable. Les arguments de contamination qui viennent de nous être présentés tiennent bien sûr la route, mais on peut se poser la question: à ce moment-là, pourquoi est-ce qu'ils seraient valables à midi et pas le soir ? Et pourquoi ne demande-t-on pas une ouverture totale des restaurants ? Il y a un peu une contradiction dans cette démonstration.

La question est de savoir si ce que demande cette motion est faisable; ça, c'est une autre histoire. Tout d'abord, la pause de midi est donnée comme argument principal. Je vous rappelle que nous nous trouvons toujours dans une situation où le télétravail n'est pas obligatoire, mais très fortement recommandé. Alors où est-ce que vous passez votre pause de midi quand vous êtes en télétravail ? Vous pouvez bien aller au restaurant qui est à proximité de chez vous - pourquoi pas -, mais l'argument ne tient pas forcément la route non plus.

Après, comme cela a été évoqué, il faut voir aussi comment les restauratrices et les restaurateurs peuvent gérer des ouvertures partielles. Ça, c'est un peu plus compliqué: comment va-t-on gérer des RHT dans une ouverture partielle ? Comment va-t-on gérer les diverses indemnités que nous, le Grand Conseil, avons votées, par exemple les 15 francs par mètre carré ? Est-ce qu'on va les réduire, si on n'ouvre qu'à midi, à 7,50 francs par mètre carré ? Tout ça pose un certain nombre de difficultés.

Enfin, je salue l'amendement qui a été proposé répondant à la question: que va-t-il se passer avec les personnes qui décident de ne pas ouvrir à midi ? Est-ce qu'on va les stigmatiser d'une façon ou d'une autre ? Est-ce qu'on va cesser de les indemniser ? A notre avis, c'est une bonne idée d'accepter l'amendement proposé. Cela étant dit, nous ne sommes pas tout à fait convaincus de la faisabilité de cette motion. Si elle peut nous être illustrée, nous la soutiendrons volontiers, sinon, nous nous bornerons à une abstention constructive.

M. Pablo Cruchon (EAG). Mesdames les députées, Messieurs les députés, cette motion est un joli projet sur le papier, mais c'est surtout un peu de gesticulation de nos collègues du centre et de la droite, parce qu'en fait, ce texte propose une solution qui n'en est pas une pour les restaurateurs. Proposer la possibilité de rouvrir seulement à midi pour l'ensemble des restaurateurs et des bars, c'est ne pas connaître la réalité de ces personnes: de nombreux restaurateurs et bars réalisent leur chiffre d'affaires le soir. Ce n'est pas viable de rouvrir. Par contre, cela permet de dédouaner les collectivités publiques du versement d'une aide efficace aux restaurateurs.

Ensemble à Gauche est donc pour un message clair: soit il y a une réouverture et les restaurateurs et les gérants de bars peuvent exercer correctement leur métier et réaliser leur chiffre d'affaires, soit ce n'est pas possible pour des raisons sanitaires - ce que nous pensons pour l'instant - et donc il faut fournir une aide conséquente, sérieuse, qui couvre leurs frais, leurs revenus et les revenus de leurs salariés à 100%. Pour nous, cette solution n'est donc pas une solution. Nous voulons de vraies mesures de protection des revenus et de la santé des travailleuses et des travailleurs. Je vous remercie.

M. Serge Hiltpold (PLR). Bien évidemment, le parti libéral-radical votera cette motion, en soutien à un secteur qui a payé le prix fort dans cette crise du covid. J'aimerais revenir sur les propos de M. Cruchon, qui m'interpellent, parce que les RHT sont justement faites pour les réductions d'horaire de travail; ça ne veut pas dire qu'on ne peut pas toucher les RHT si on ne travaille plus à 100%. C'est justement le but des RHT: si vous faites le service de midi, certains collaborateurs travaillent à 50%, donc vous remettez la machine en route.

Ensuite, l'autre élément auquel il serait très intéressant qu'Ensemble à Gauche pense un petit peu, ce sont les ouvriers et toutes les personnes qui travaillent dehors, sur les chantiers ! Ils en ont peut-être marre d'avoir la gamelle. Je pense que le plat du jour est une bonne solution pour nourrir le personnel et les gens qui travaillent encore et qui aimeraient manger ailleurs que dans une cantine d'entreprise.

Il faut également penser au rôle social de la restauration à midi. Si vous faites partie de ceux qui travaillent ailleurs que dans des bureaux, qui sont commerciaux, qui font du service de dépannage, vous n'avez pas de toilettes, vous n'avez pas de sanitaires, vous n'avez rien du tout. C'est une réalité qui peut-être vous passe à côté, mais à laquelle nous, nous sommes attentifs. Ces restaurants remplissent justement ce rôle social, également pour les personnes âgées, leur permettant d'avoir des contacts.

Nous allons donc bien évidemment soutenir ce texte. Et puis, à titre tout à fait personnel, je dirai qu'il est grand temps, il est vraiment grand temps qu'on puisse rouvrir ces établissements de restauration, non seulement pour les personnes, pour le lien social, mais aussi pour tous les gens qui ont envie de travailler ! Parce que les gens souffrent de ne pas travailler. Nous soutiendrons le texte ainsi que l'amendement. Merci. (Applaudissements.)

M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste est partagé concernant cette proposition de motion. Elle part peut-être d'un bon sentiment, c'est-à-dire de vouloir rouvrir en partie les restaurants. On sait que ce secteur-là est particulièrement touché par la crise et on sait surtout qu'il y a un besoin, une envie au sein de la population de pouvoir se retrouver dans ces lieux, notamment en raison de l'usage pratique qu'ils ont pour les salariés qui travaillent à l'extérieur et n'ont pas la possibilité de manger à l'intérieur à midi et pour lesquels les restaurants ouverts avec un plat du jour représentent une réelle solution.

Cependant, l'inconvénient de cette motion, c'est le fait que cette réouverture soit partielle: pour certains restaurants, peut-être même pour les plus petits, les possibilités de rouvrir véritablement sont réduites; il faut avoir les reins suffisamment solides du point de vue financier pour ouvrir de façon partielle, notamment pour des restaurants qui d'habitude effectuent leur chiffre d'affaires davantage le soir. Cela amènerait peut-être une distorsion de la concurrence, si on peut dire, entre différents types de restaurants.

Et puis, il y a également le fait d'obliger... Alors que la pandémie est loin d'être derrière nous - elle est vraiment loin d'être derrière nous -, on le voit, les mesures sont toujours existantes, et ce n'est pas non plus à notre Grand Conseil de décider des mesures sanitaires. Malheureusement, alors que l'on constate que la diminution tant attendue du nombre de cas peine toujours à apparaître, il est aussi peut-être précipité, après tous les efforts qui ont été faits, de commencer à rouvrir uniquement le midi, pour voir finalement réapparaître de nouvelles contaminations. Dans ce sens, nous ne souhaitons pas non plus obliger des salariés - on pense aux serveuses et aux serveurs - à se trouver en contact répété et important avec la clientèle dans des situations sanitaires qui pourraient comporter un risque.

Pour ces raisons, le parti socialiste s'abstiendra sur cette motion. Il votera évidemment l'amendement, qui va dans le bon sens en faisant en sorte que les établissements qui rouvriraient à moitié pour les plats du jour puissent toujours percevoir les RHT. Nous sommes partagés puisque rouvrir à midi, pour les raisons que j'ai évoquées, peut être extrêmement important pour beaucoup de personnes qui travaillent dehors, mais, pour les raisons inverses, notamment en lien avec les mesures sanitaires, nous pensons que cela peut aussi représenter un danger aujourd'hui, même si ce n'est qu'à midi. Le parti socialiste s'abstiendra donc.

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur le député et auteur de cet objet Souheil Sayegh, à vous la parole pour deux minutes trente.

M. Souheil Sayegh (PDC). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, pour rassurer les personnes qui sont encore inquiètes: tous les restaurants ne seront pas obligés d'ouvrir. Aujourd'hui, ils sont tous obligés d'être fermés. Mais demain, celui qui voudra ouvrir ouvrira et celui qui ne souhaite pas ouvrir n'ouvrira pas. Beaucoup de restaurants tournent à midi; tous les restaurants ne tournent pas le soir. Donc se mettre à la place du restaurateur qui a envie de tourner le soir, c'est regarder le problème à travers le mauvais prisme. Beaucoup de restaurants sont ouverts à midi et fermés le soir, parce qu'ils se trouvent dans des lieux où l'activité économique se déroule la journée, et le soir, ils sont moins chargés.

S'agissant de la reprise et du concept sanitaire, une ouverture progressive... Si tous les restaurants n'ouvrent pas, on n'est pas en train de lancer le virus dans les rues et de le mettre à table. Aujourd'hui, vous pouvez vous retrouver à cinq, chez vous, à domicile, alors qu'au restaurant, les tables sont limitées à quatre ou cinq. Donc être chez vous ou au restaurant revient exactement au même. Chez vous, vous n'êtes pas contrôlé, au restaurant, vous êtes tracé. Encore une fois, la vente à l'emporter - pour revenir sur ce point -, aujourd'hui, a ses limites. On a bien compris que le produit et le travail du restaurateur ne sont absolument pas mis en valeur dans une boîte en plastique, emportée et réchauffée au micro-ondes à la maison. Donc, pour toutes ces raisons - notamment pour celles qui font que c'est facultatif: ce ne sont qu'une poignée de restaurants qui ouvriront -, le PDC et moi-même vous remercions de réserver un accueil favorable à cette motion.

Une voix. Bravo !

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, vous me pardonnerez de ne pas venir d'emblée au secours d'une victoire annoncée pour cette motion. Victoire annoncée, parce qu'on sent bien qu'il y a un engouement majoritaire au sein de ce Grand Conseil, parce que nous sommes tous des clients des restaurants. Nous apprécions tous évidemment le contact avec la restauration et nous sentons bien qu'il y a au sein de la population une lassitude et une envie de reprendre une vie normale. Néanmoins, et même si ce texte - les motionnaires en sont conscients - ne fait que reporter sur le Conseil d'Etat et finalement sur le Conseil fédéral la responsabilité des décisions qui seront prises, puisqu'on nous demande d'intervenir auprès du Conseil fédéral pour obtenir une ouverture plus précoce... Plus précoce que quoi ? Plus précoce que ce que l'on pense que sera ou serait la décision du Conseil fédéral ? Nous le saurons sans doute le 19 mars, le vendredi - malheureusement, toujours un vendredi pour un lundi, puisque ce serait pour le 22 mars que les prochains allégements pourraient être prévus.

Je me dois quand même d'attirer votre attention sur certaines réalités - je l'ai fait à l'occasion du débat sur un autre objet tout à l'heure: aujourd'hui, Genève connaît toujours des incidences d'infections sur quatorze jours qui sont de 254 pour 100 000 habitants, alors que la moyenne suisse est de 167. Vous voyez qu'à ce niveau-là, nous sommes encore au-dessus de la moyenne suisse, parce que Genève est une ville de brassage de population, et malgré toutes les mesures mises en place, nous restons particulièrement exposés, avec de surcroît des variants extrêmement contagieux.

J'ai été surpris d'entendre encore une fois ce que l'on entend, j'allais dire dans les cafés du commerce - mais si seulement, parce que cela voudrait dire qu'ils sont ouverts ! -, à savoir: «On ne nous a pas démontré à ce jour que les restaurants sont des lieux plus dangereux qu'ailleurs.» Alors vous voudrez bien vous adresser à moi, je vous enverrai toute la littérature scientifique sur ce sujet: toutes les études mondiales démontrent que les restaurants, les bars, les cafés sont précisément des lieux où le virus circule de manière importante. Une étude de modélisation a utilisé des données de millions de consommateurs aux Etats-Unis, lorsque les restaurants étaient ouverts, et a démontré qu'une écrasante majorité de nouveaux cas de contamination provenait précisément d'établissements publics. En Norvège également, des études ont démontré que les serveurs, les barmen sont les professions les plus touchées, précisément parce qu'ils vivent dans un lieu dans lequel la clientèle entre, sort, et où, surtout, la clientèle enlève toute protection, puisque évidemment, personne ne mange avec un masque sur le visage. Ce sont donc des lieux problématiques, et ce n'est pas la faute des restaurateurs. Je souhaiterais pour ma part que l'on s'exprime davantage au niveau fédéral sur les aérosols - on en parle peu: comment se fait-il que malgré toutes les mesures prises avant la deuxième vague, celle-ci ait été si importante, bien plus importante que la première, alors que tout le monde prenait des précautions - certainement plus qu'avant la première en tout cas ? Eh bien tout simplement, bien sûr, parce que les aérosols sont là et ils circulent quand on enlève le masque, et les serveurs qui circulent entre les tables brassent l'air, et, avec l'air, les aérosols. Donc dire aujourd'hui que c'est par là qu'il faut commencer et qu'il faut le faire rapidement... Je pense qu'il convient d'être prudent, même si nous avons tous envie que les choses aillent beaucoup plus vite. Sachez que les contacts avec la Confédération sont constants et que nous cherchons au mieux les solutions qui permettront d'éviter précisément ce que tout le monde redoute: ces ouvertures suivies de fermetures et de nouvelles réouvertures. Nous devons en sortir une fois pour toutes, et ce même s'il faut tenir quelques semaines supplémentaires. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. J'invite l'assemblée à se prononcer sur l'amendement que l'auteur de cette proposition de motion, M. Souheil Sayegh, a déposé:

«3e invite (nouvelle)

- à s'assurer que cette ouverture soit facultative et qu'elle ne défavorise pas la perception des indemnités et RHT ou ne complique celles-ci pour les établissements ayant choisi de rester fermés.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 87 oui (unanimité des votants).

Mise aux voix, la motion 2728 ainsi amendée est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 56 oui contre 9 non et 21 abstentions.  (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Motion 2728

Le président. Je vous remercie, vous avez extrêmement bien travaillé: nous avons dépassé la moitié des urgences, ce qui nous garantit de finir les trois objets sur la presse, sans doute demain à partir de 19h.

Pour le reste, je vous indique que la salle sera accessible demain à partir de 13h30, il ne faut pas venir avant cette heure-là. Sur ce, je lève la séance et je vous souhaite une bonne nuit ! Et n'oubliez pas de reprendre vos cartes ! Ne laissez pas vos cartes, prenez-les et vous reviendrez demain avec; ce sera la norme jusqu'à ce que nous quittions cette salle, à la fin de l'année.

La séance est levée à 23h.