Séance du
vendredi 27 novembre 2020 à
14h
2e
législature -
3e
année -
7e
session -
37e
séance
M 2376-C
Débat
Le président. Nous traitons maintenant la M 2376-C. Monsieur Grégoire Carasso, c'est à vous.
M. Grégoire Carasso (S). Merci, Monsieur le président. Quelques mots, au nom du groupe socialiste, pour saluer cette seconde réponse du Conseil d'Etat, si je ne m'abuse, à une proposition de motion qui avait fait couler beaucoup d'encre et de sueur en commission et en plénière, puisqu'elle concerne la symbolique et importante question des vacances scolaires, inchangées depuis 1976.
Nous applaudissons la décision du gouvernement, dans la foulée des voeux de ce parlement, d'avoir validé une proposition amenée à la commission de l'enseignement par le groupe socialiste et visant à prolonger la durée des vacances de Pâques, c'est-à-dire à garantir deux semaines à partir du vendredi saint, puis à ajouter le vendredi qui suit le jeudi de l'Ascension, de telle sorte que la période qui peut parfois sembler remarquablement et péniblement longue entre le congé de Pâques et le début des vacances d'été soit raccourcie, ces cinq journées supplémentaires étant compensées par une semaine de vacances en moins à la fin de l'été.
Nous saluons cette belle initiative qui a fait l'objet d'une large consultation: 75% des organismes et institutions ont soutenu la modification du calendrier, ainsi que les associations de parents et les syndicats. Cela étant, si j'ai bien compris, le changement ne se fera qu'à la rentrée 2022-2023; cela paraît loin, mais au regard de 1976, c'est déjà demain. Merci.
Une voix. Très bien, Greg !
M. Olivier Baud (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, M. le député Carasso prend ses désirs pour ceux du parlement ! Je rappelle que notre Grand Conseil avait refusé le premier rapport du Conseil d'Etat le 12 mai 2020, lui renvoyant sa copie. Voilà ce qu'il convient de dire, il y a donc un désaccord au sein de cette assemblée quant au fait d'amputer les vacances d'été, actuellement d'une durée de huit semaines, d'une semaine.
Nous avons un problème, Mesdames et Messieurs les députés: le Conseil d'Etat ne supporte visiblement pas très bien d'être remis en question, il n'a pas envie de voir ses décisions remises en cause, décisions qu'il avait prises, précisons-le, avant même d'avoir déposé son rapport, puisqu'il avait déjà choisi de modifier le calendrier des vacances ! Ce rapport a été refusé le 12 mai 2020, et que nous renvoie le Conseil d'Etat ? Exactement la même réponse ! Plus courte, certes: il a supprimé l'annexe qui consistait en une liste à la Prévert des organisations consultées.
Pourquoi ce parlement, à une large majorité, avait-il renvoyé le rapport à l'expéditeur ? Parce qu'il n'y avait rien de convaincant dans les propos du Conseil d'Etat, dans sa manière de consulter; son pseudo-sondage a été dénoncé, sondage où la voix d'une seule personne, par exemple celle d'une secrétaire générale adjointe ou de la présidente de la commission consultative de l'école inclusive - j'en fais partie, je suis membre de la commission consultative de l'école inclusive, est-ce que j'ai été consulté ? non ! - a exactement le même poids que la voix d'une association ou d'un syndicat, par exemple d'une association professionnelle et syndicale représentative du personnel enseignant, qui compte 1500 membres, au hasard la Société pédagogique genevoise. Voilà, une voix pour, une voix contre, c'est tout simplement insensé, et nous avions donc refusé cette réponse pour demander au gouvernement et en particulier au DIP de mener un travail sérieux, de poser la question, oui, mais à tout le monde, pas juste à quelques personnes, histoire qu'on ait un vrai sondage où tout le monde puisse s'exprimer, la population, toutes les personnes concernées: faut-il véritablement enlever une semaine de vacances en été ?
Parce que le sondage... Enfin, pardon: l'enquête ! L'enquête qui avait été menée par le SRED, soit le service de la recherche en éducation - qui est tout de même un organe du DIP - avait conclu que les personnes, les parents en particulier, n'étaient pas favorables à l'idée d'enlever une semaine en été, et il y a beaucoup de raisons qui plaident pour maintenir huit semaines en été. Je ne les redirai pas ici, vous pouvez lire les rapports - il y a quand même eu des rapports de minorité - mais il y a beaucoup de raisons qui plaident en faveur du maintien de cette semaine de vacances.
Cela étant, Mesdames et Messieurs les députés, nous n'allons pas renvoyer une fois de plus cette réponse au Conseil d'Etat pour qu'il nous livre à nouveau la même copie, à quoi ça servirait ? Mais cela soulève tout de même des interrogations quant au fonctionnement de nos institutions. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Comment résister ? Rien de nouveau sous les ponts, rien de nouveau sur les ponts ! Il est vrai que ce rapport est surprenant tant il ressemble à la première réponse du Conseil d'Etat. Je n'ai pas eu le temps de réaliser une analyse comparative précise, mais je n'y ai rien trouvé de nouveau. Nous, les Verts, n'allons pas non plus le renvoyer une nouvelle fois au Conseil d'Etat, ça ne servirait pas à grand-chose, mais je voulais quand même réitérer notre demande d'une plus large consultation, ouverte à la société, à la population, et pas seulement à un petit nombre d'entités, ainsi que d'un tempo de congés ou de vacances plus équilibré, surtout pour les élèves et les enseignants: le but n'est pas forcément de suivre la cadence de l'activité économique, mais de prendre en considération les aspects pédagogiques et le rythme d'apprentissage de tous les élèves. Merci.
M. Jean Romain (PLR). S'il faut modifier les vacances, ce n'est pas, comme on nous l'a dit, parce qu'elles ont été instaurées en 1976 et qu'on ne les a plus touchées depuis; si ça fonctionne, ça fonctionne ! Le problème auquel on fait face, c'est l'écart qui existe entre une fête de Pâques qui est mobile et la fin de l'année, voilà le point de départ de toute la réflexion. En ce qui me concerne, je suis plutôt d'accord avec M. Olivier Baud: on a refusé la proposition en raison des huit semaines de vacances. On en a déjà parlé, on ne va pas refaire le débat ni réexpliquer pourquoi ces huit semaines sont utiles. Au fond, je crois qu'il n'y a pas suffisamment de monde qui a été consulté, Mme de Chastonay a d'ailleurs exprimé son étonnement quant au fait que ce deuxième rapport est pratiquement identique au premier. Par conséquent, le PLR demande le renvoi de cette réponse au DIP de façon à ce qu'on obtienne quelque chose de beaucoup plus circonstancié. Je vous remercie.
Une voix. Mais non ! On ne demande pas ça !
M. Jean Romain. Moi, je demande ça !
Une voix. Le PLR ne demande pas ça !
M. Stéphane Florey (UDC). Ce qu'a mentionné M. Baud est juste sur le fond, je me retrouve dans ses propos concernant la consultation. A l'époque, Mme Torracinta avait annoncé que le DIP allait consulter les associations et tout un tas de personnes, mais c'était juste une déclaration. En fait, les organismes qui ont été sondés principalement, ce sont les associations de parents d'élèves, lesquelles ne représentent qu'elles-mêmes, sans parler du fait que bon nombre de parents n'en sont même pas membres. Moi-même, je n'ai pas été consulté, que ce soit par l'intermédiaire de mes enfants qui n'ont reçu aucune information à transmettre aux parents, que ce soit par mail ou par courrier. Une large, très large majorité des parents d'élèves concernés n'ont pas été questionnés, voilà la réalité de ce sondage.
Après, on a parlé des syndicats; là, par contre, je ne peux pas suivre M. Baud, parce que j'ai l'impression qu'il plaidait plutôt en faveur de ses propres vacances - bon, c'est juste un point de vue. En revanche, c'est vrai, la consultation n'a pas vraiment eu lieu. Pour moi, elle serait à refaire, parce que je doute que la majorité des parents soient d'accord de supprimer une semaine en été alors que ces vacances ont toujours existé. Rien que ce point mériterait de relancer un sondage, de remettre les choses à plat. En effet, selon la toute première consultation qui avait été présentée à la commission de l'enseignement, plus de 80% des personnes sondées étaient largement satisfaites du système que l'on connaît aujourd'hui, et je ne pense pas que ce deuxième pseudo-sondage y ait changé quoi que ce soit. Voilà, je vous remercie.
M. Patrick Dimier (MCG). Je trouve amusant que dans une république où on construit des tunnels sur des plaines, on vienne s'occuper de ponts, mais pourquoi pas ! Ce que je voudrais dire, c'est que la vie a changé, la société a changé, les habitudes ont changé, et il n'est peut-être pas inutile, pour prendre un peu d'ascension, de donner congé le vendredi. De même, le lendemain d'un jeûne, il est bien de pouvoir fêter aussi et d'avoir congé ce jour-là. Pour le surplus, notre groupe se contentera de prendre acte du rapport. Merci beaucoup.
Mme Patricia Bidaux (PDC). Bien que nous soyons aux extraits, le groupe PDC tenait à dire qu'il ne soutiendra pas le renvoi du rapport au Conseil d'Etat, parce que le travail a été fait en commission, parce que nous sommes satisfaits de la réponse du gouvernement, dont nous prendrons acte. Je vous remercie.
Mme Anne Emery-Torracinta, présidente du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je dois vous faire part de mon profond étonnement, non pas sur le fond - on peut penser ce que l'on veut des vacances scolaires, le débat a été mené longuement et à plusieurs reprises dans ce parlement et en commission, ce n'est pas le lieu de le refaire ici et maintenant - mais quant au fait que vous avez, du moins certains d'entre vous, la mémoire un peu courte. De plus, certaines affirmations entendues ici sont fausses. Que s'est-il passé ? J'aimerais rappeler les faits.
Au départ, une proposition de motion avait été déposée par le PLR, dont la première signataire était Mme Fontanet, concernant la modification des vacances scolaires. La commission de l'enseignement s'en était saisie et était parvenue à l'idée suivante, qui vous a déjà été présentée, soit enlever une semaine à la fin des vacances d'été, l'ajouter à la fin du congé de Pâques, c'est-à-dire opter pour des vacances qui, au lieu de commencer le jeudi saint, débutent le vendredi saint et durent les deux semaines qui suivent, et enfin compenser le jour restant avec le vendredi de l'Ascension. Cette proposition était sortie de la commission de l'enseignement de manière presque unanime; il y a eu quelques abstentions, peut-être Mme de Chastonay avait-elle déposé un rapport de minorité, mais enfin une forte majorité de la commission - vous le reconnaîtrez, Madame - allait dans ce sens.
En février dernier, le texte est revenu ici, et j'ai indiqué à ce moment-là ce que j'avais déjà indiqué en commission, à savoir qu'avant d'en rediscuter devant la plénière du parlement, nous aurions mené non pas un sondage auprès de la population - il n'a jamais été question de sondage - mais ce qu'on appelle une consultation, ce que l'on effectue très souvent en Suisse quand on souhaite connaître l'opinion des milieux concernés. Nous avons écrit à tous les milieux concernés, y compris aux partis politiques, et je me rappelle même vous avoir dit, Monsieur Florey, que votre groupe n'avait pas répondu à cette consultation; je le regrette infiniment, mais c'est comme ça. Les partis politiques, les organismes de loisirs, le Pouvoir judiciaire, beaucoup de monde a été consulté.
Les résultats de cette consultation - et non pas d'un sondage auprès de la population genevoise - vous ont été communiqués oralement au mois de février dernier, Mesdames et Messieurs, et vous avez ensuite adopté la proposition de motion, c'est-à-dire que vous avez validé le principe du nouveau calendrier. Lors de cette séance, je vous ai signalé que si vous l'acceptiez, eh bien le Conseil d'Etat irait dans ce sens, son rapport spécifierait qu'à partir de la rentrée 2022-2023, les vacances se dérouleraient de la manière dont je les ai décrites tout à l'heure. Aussi, ne prétendez pas qu'il n'y a pas eu de consultation, s'il n'y a certes pas eu de sondage.
Maintenant, si nous devions vraiment réaliser un sondage auprès de la population, nous obtiendrions des réponses très diverses, parce que dès que l'on touche aux vacances scolaires, vous le savez, les intérêts divergent: ceux qui possèdent un chalet à la montagne préféreront des vacances de février plus longues, ceux qui disposent d'une maison dans le Sud privilégieront l'été... Les intérêts varient également selon qu'on soit suisse ou étranger, qu'on ait de la famille dans un autre pays où on souhaite rester plus longtemps à Noël, enfin que sais-je. Il est très, très difficile de concilier tout le monde.
Mais je note, Monsieur Baud, et je m'en souviendrai pour les prochaines consultations internes du département, que vous estimez que lorsque l'on consulte une association professionnelle, cela n'a pas de valeur, qu'il faut questionner le terrain dans son ensemble; je ne manquerai pas de m'en souvenir pour les prochaines réformes qui concernent le cycle d'orientation et l'école primaire. Mesdames et Messieurs les députés, je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la présidente du Conseil d'Etat. (Remarque.) Monsieur Baud, nous sommes aux extraits, il y a une prise de parole par groupe, et en général, on ne s'exprime pas après le Conseil d'Etat. Sur ce, Mesdames et Messieurs les députés, je soumets à votre approbation la demande de renvoi à la commission de l'enseignement... (Commentaires.) Monsieur Romain, vous avez proposé le renvoi à la commission de l'enseignement ou au Conseil d'Etat ? (Remarque.) Je n'entends rien, Monsieur Romain !
Une voix. Il faut lui donner la parole.
M. Jean Romain. Au Conseil d'Etat !
Une voix. Au Petit Conseil !
Le président. D'accord, alors nous votons sur le renvoi au Conseil d'Etat.
Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport sur la motion 2376 est rejeté par 71 non contre 11 oui et 3 abstentions.
Le Grand Conseil prend donc acte du rapport du Conseil d'Etat sur la motion 2376.