Séance du
jeudi 6 juin 2019 à
20h30
2e
législature -
2e
année -
2e
session -
6e
séance
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Jean-Marie Voumard, président.
Assistent à la séance: Mme et MM. Serge Dal Busco, Anne Emery-Torracinta et Mauro Poggia, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat, Pierre Maudet, Nathalie Fontanet et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat, ainsi que Mme et MM. Simon Brandt, Marc Falquet, Guy Mettan, Philippe Morel et Stéphanie Valentino, députés.
Députés suppléants présents: Mme et MM. Jacques Apothéloz, Olivier Baud, Eliane Michaud Ansermet et Vincent Subilia.
Annonces et dépôts
Néant.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de procureures. Je prie le sautier de les faire entrer et l'assistance de bien vouloir rester debout. (Les procureures entrent dans la salle et se tiennent debout, face à l'estrade.)
Mesdames, vous êtes appelées à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyenne et comme magistrate du Ministère public;
- de constater avec exactitude les infractions, d'en rechercher activement les auteurs et de poursuivre ces derniers sans aucune acception de personne, le riche comme le pauvre, le puissant comme le faible, le Suisse comme l'étranger;
- de me conformer strictement aux lois;
- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;
- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;
- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»
Ont prêté serment:
Mme Juliette Harari et Mme Maria Vinogradova.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment d'un magistrat du Pouvoir judiciaire. Je prie le sautier de le faire entrer et l'assistance de bien vouloir rester debout. (Le magistrat entre dans la salle et se tient debout, face à l'estrade.)
Monsieur, vous êtes appelé à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyen et comme juge;
- de rendre la justice à tous également, au pauvre comme au riche, au faible comme au puissant, au Suisse comme à l'étranger;
- de me conformer strictement aux lois;
- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;
- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;
- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»
A prêté serment: M. Stephan Zwettler.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)
Débat
Le président. Nous passons à notre point fixe, l'IN 162-TF-B. Ce débat est classé en catégorie II, soixante minutes. (Un instant s'écoule.) Je laisse la parole à Mme la députée Diane Barbier-Mueller.
Mme Diane Barbier-Mueller (PLR), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés... (Bruit de larsen.) Oh ! Foule en délire ! (L'oratrice rit. Rires.) Je vais commencer... Vous m'entendez ? Oui, c'est le cas ! Je vais commencer par faire un rappel historique de la naissance de cette initiative.
Elle a été élaborée pour deux raisons. Premièrement, c'était en réaction au vote d'une motion, lors de la législature précédente, qui souhaitait faire une zone test en zone ordinaire. La deuxième raison est en lien avec l'IN 161, qui était très restrictive sur la répartition des logements. Pour éviter que les pratiques des promoteurs contournent cette initiative 161, les initiants ont souhaité déposer l'IN 162 comme garde-fou. Le constat, c'est que cette époque - que je regrette un petit peu parce que je ne l'ai pas connue - de la majorité de droite du Grand Conseil a disparu. Aujourd'hui, en pratique, on fait en grande majorité de la zone de développement, et l'IN 161 a été invalidée par le Tribunal fédéral.
Les rapporteurs de minorité ont mis en avant la zone de développement, ses nombreux avantages, et ont un peu sorti les violons à propos des méfaits de la zone ordinaire. Toutefois, personne ne conteste les bénéfices de la zone de développement. Elle a été actée; il faut quand même rappeler qu'elle est le résultat d'accords relatifs à la paix du logement, en 2007, fruit de négociations entre différents partis politiques de droite et de gauche. (Brouhaha.) La répartition actuelle des logements en zone de développement n'est donc pas contestée. (Brouhaha.) Monsieur le président, est-ce que je peux vous demander de... (Un instant s'écoule.)
Une voix. Chut !
Mme Diane Barbier-Mueller. Ah, Monsieur le président, vous continuez à me décompter du temps ?! (Rires.)
Le président. Ce n'est pas grave. On vous rattrapera. (Rires.)
Mme Diane Barbier-Mueller. Il aime ma voix - mais il m'en rajoutera ! (L'oratrice rit.) Merci, Monsieur le président. La question - le débat autour de cette initiative - n'est donc pas d'abandonner la zone de développement mais bien de l'adapter ou non, de laisser ou non au Conseil d'Etat une souplesse, une marge de manoeuvre. (Brouhaha.) C'est d'ailleurs ce que le Conseil d'Etat a rappelé lors des auditions. (Brouhaha.) Il a... Je n'arrive toujours pas à m'entendre !
Une voix. Signalez-le à votre groupe !
Mme Diane Barbier-Mueller. Mon groupe !
Des voix. Chut !
Mme Diane Barbier-Mueller. Mon groupe ! (Remarque.) Oui, je sais, mais je ne vais pas non plus... (Un instant s'écoule.)
Le président. Voilà, vous pouvez y aller.
Mme Diane Barbier-Mueller. Merci, Monsieur le président. Le Conseil d'Etat l'a rappelé lors des auditions: il a rappelé, confirmé son amour pour la zone de développement. Il a souligné également la rareté des déclassements, pour des périmètres importants, en zone ordinaire. C'est d'ailleurs pourquoi le gouvernement s'abstient de prendre position, ce dont Mme Marti s'étonne dans son rapport de minorité. L'exécutif l'a toutefois bien précisé: s'il s'abstient, c'est qu'il ne veut pas envoyer de message qui irait à l'encontre de la zone de développement. Il ne veut donc pas dire qu'il soutient officiellement une position ou une autre. Mais c'est surtout qu'il ne veut pas perdre sa marge de manoeuvre pour des cas exceptionnels, et il l'a aussi dit.
Cette marge de manoeuvre a notamment été nécessaire pour la réalisation de tours dans le quartier de l'Etoile, ce qui aurait été impossible en zone de développement de par son coût. Mais ça restait du domaine de l'intérêt public de réaliser des logements pour lutter contre la pénurie, combat cher à l'autre rapporteur de minorité, M. Pablo Cruchon. Vous voyez donc que nous avons, les différents rapporteurs, des intérêts communs: nous voulons tous lutter contre la pénurie !
Pour ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, la majorité de la commission du logement vous invite à rejeter cette initiative et à ne pas lui opposer de contreprojet. Merci. (Applaudissements.)
Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, cette initiative a effectivement été lancée suite au vote d'une motion, mais j'irai beaucoup plus loin: elle a été déposée en réaction aux velléités d'une majorité de ce Grand Conseil de privilégier la zone ordinaire en lieu et place de la zone de développement dans plusieurs grands périmètres de zone villas. Un consensus politique tenait pourtant depuis plus de soixante ans qui visait à privilégier dans tous les cas la zone de développement, mais au moins dans des secteurs encore non urbanisés. La volonté réitérée du Grand Conseil de remettre en question ce choix politique va véritablement à l'encontre de l'intérêt général en ce qui concerne la construction de logements.
Lors des auditions à la commission du logement, nous avons pu entendre le conseiller d'Etat Hodgers. Il nous a rappelé que le but premier à l'origine de la zone de développement et de l'adoption de la LGZD était de lutter contre la spéculation immobilière; objectif qui est également, je le souligne, une injonction constitutionnelle. Le magistrat nous a aussi rappelé que la construction de logements doit répondre à un besoin d'intérêt général. On aurait pu croire que c'était là un véritable plébiscite en faveur de cette initiative; en l'occurrence, c'était un plébiscite pour une courageuse abstention de la part du Conseil d'Etat ! Mais les arguments de fond demeurent.
Je pense qu'il n'est pas inutile, dans le cadre de ce débat, de se remémorer les nombreux avantages de la zone de développement par rapport à la zone ordinaire. La zone de développement prévoit un contrôle tant des loyers des appartements qui y sont construits que des prix de vente des appartements en PPE - un contrôle pendant dix ans. Dans notre situation actuelle, situation de pénurie où les prix flambent, où les ménages ont de plus en plus de peine à trouver des appartements abordables, ça doit véritablement être une priorité. De ce fait, la zone de développement répond donc à un intérêt public.
C'est également par la zone de développement qu'on peut imposer la réalisation d'un certain pourcentage - entre 25% et 50% - de logements sociaux ou d'utilité publique. Rappelons au passage que la loi prévoit que le parc de logements comporte un minimum de 20% de logements d'utilité publique; aujourd'hui, nous en sommes à peine à 10%. Or en zone ordinaire, que souhaiteraient privilégier les opposants à cette initiative, absolument rien n'empêche les propriétaires de construire 100% de propriété par étage, beaucoup plus lucrative pour les personnes qui bâtissent et font la promotion de ce type de logement. Mais ce type de logement est accessible à moins de 20% des ménages - les plus fortunés, évidemment.
La zone de développement permet aussi, et ce n'est pas négligeable, une urbanisation cohérente de notre territoire: elle impose l'adoption d'un plan localisé de quartier et donc un développement urbanistique cohérent, concerté et de qualité, alors qu'en zone ordinaire, de nouveau, absolument rien n'empêche les différents propriétaires d'implanter les immeubles comme bon leur semble, sans aucune vision d'ensemble ou réflexion sur les espaces publics. Ceux-ci sont pourtant une condition sine qua non pour réaliser des quartiers de qualité et où il fait bon vivre.
La zone de développement permet en outre d'utiliser certains outils de politique foncière qui accélèrent la réalisation de ces futurs quartiers et la construction de logements. Ils permettent d'éviter un certain nombre de blocages liés notamment à des servitudes - des servitudes croisées passées entre propriétaires. Si, dans un périmètre donné, un propriétaire refuse de se défaire d'une de ces servitudes, eh bien il peut bloquer la réalisation d'un quartier de logements dans son ensemble ! Pour les communes également, la zone de développement présente de nombreux avantages, notamment celui de pouvoir prélever une taxe d'équipement qui permet de financer les équipements publics essentiels à la réalisation d'un futur quartier.
Je pense, Mesdames et Messieurs les députés, qu'il n'est pas non plus inutile de rappeler que la zone ordinaire est un véritable terrain de jeu pour la spéculation immobilière. Entre 300 et 400 logements sont aujourd'hui construits en zone ordinaire hors zone villas, et l'objectif des opposants à cette initiative - des tenants de la zone ordinaire - est tout simplement d'agrandir encore leur terrain de jeu pour la spéculation immobilière. (Brouhaha.) En zone de développement, les possibilités de spéculation ont par contre été considérablement réduites par l'adoption de la loi dite Longchamp. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Enfin, les communes sont dans leur majorité fermement opposées à la zone ordinaire et privilégient la zone de développement. A la demande de la majorité de ce Grand Conseil, le Conseil d'Etat a contacté un certain nombre de communes pour expérimenter des zones ordinaires, pour avoir des périmètres tests en zone ordinaire. Les communes du Grand-Saconnex et d'Onex ont tout bonnement refusé d'entrer en matière; après avoir mandaté des études sur cette éventualité, Chêne-Bourg s'y est également opposé. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Pour des raisons urbanistiques et financières, il est complètement disproportionné et inopportun, pour les communes, de privilégier cette zone ordinaire. (Brouhaha.)
La zone de développement, je le rappelle, garantit que nous puissions construire des logements qui répondent aux besoins de la population. Pour toutes ces différentes raisons, cette initiative, qui demande que le Conseil d'Etat ne puisse proposer que des déclassements en zone de développement tant qu'il y a pénurie de logements... (Brouhaha.)
Le président. Un instant, Madame Marti. J'aimerais un peu de silence, s'il vous plaît, on n'entend plus rien ! (Un instant s'écoule.) Vous pouvez continuer.
Mme Caroline Marti. Merci, Monsieur le président. Pour toutes ces raisons, la minorité de la commission du logement vous propose et vous conseille d'accepter cette initiative sans contreprojet. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Pablo Cruchon (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Mesdames les députées, Messieurs les députés, je tenais d'abord à rassurer Mme Barbier-Mueller: nous sommes bien dans un parlement à majorité de droite, nous avons bien un gouvernement à majorité de droite et nous réalisons une politique du logement de droite ! Je tenais à la rassurer... (Commentaires.) ...c'est d'ailleurs bien pour ça qu'il est nécessaire d'accepter cette initiative 162.
Avant de comprendre pourquoi il faut ou non soutenir ce texte, on doit s'interroger sur la situation actuelle. Genève compte environ 80% de locataires et, pour eux, la situation est extrêmement difficile. D'abord à cause du prix des loyers: leur augmentation est absolument énorme. En vingt ans, le prix du quatre-pièces a augmenté de plus de 70%; la différence est très très importante à chaque changement de locataire. A l'heure actuelle, la hausse des prix moyenne entre chaque location est de 9,6%; le prix du loyer augmente donc quasiment de 10% à chaque changement de locataire.
Cette explosion des prix a des conséquences néfastes sur la population et sur sa capacité à se loger. Plusieurs études l'ont d'ailleurs montré: trouver un logement abordable - ce qui n'est pas possible - est la préoccupation numéro un des ménages genevois. Il est extrêmement difficile de trouver un logement abordable sur le marché. Plus de cent ou cent cinquante dossiers sont déposés en vingt-quatre heures dès qu'un logement abordable est mis sur le marché. C'est la jungle, pour avoir un logement ! Pourquoi donc ? Parce que les promoteurs et les propriétaires préfèrent évidemment construire des logements de standing, qui rapportent de l'argent et permettent rapidement une plus-value. De quels logements s'agit-il ? De la PPE et des villas, qui représentent 49% de tout ce qui a été construit depuis dix ans, soit des biens individuels que moins de 15% de la population peut se payer.
Ce qui est bâti sur le territoire n'est donc absolument pas ce dont la population a besoin, mais répond à des logiques spéculatives, ou en tout cas à des logiques de profit à court terme. Ces logiques spéculatives sont amplifiées dans la mesure où des capitaux gigantesques sont actuellement disponibles et que les rendements boursiers sont moins élevés. Par conséquent, l'immobilier devient un placement extrêmement prisé par les milieux de la bourgeoisie, des grandes banques, etc.; une pression est donc exercée sur les logements, avec la volonté de dégager des marges le plus rapidement possible. (Remarque.) Oui, eh bien ça fait visiblement du bien qu'on vous explique les choses de temps en temps puisque vous servez leurs intérêts; vous devez être au courant !
Maintenant que j'ai exposé le cadre, nous allons voir pourquoi l'initiative 162 répond en partie à ces problèmes. Que dit le texte ? Il dit que le Conseil d'Etat ne peut proposer au Grand Conseil que des déclassements en zone de développement. Je m'excuse, mais ce n'est pas une contrainte très très pesante: le parlement est encore souverain pour décider si ce sera de la zone de développement ou pas. L'enjeu est important, parce que la zone de développement prévoit un certain nombre de dispositions qui permettent de freiner les logiques que j'ai décrites précédemment - Mme Marti, rapporteuse de minorité, l'a rappelé.
D'abord, cette zone impose un contrôle strict du prix des loyers pendant au moins dix ans, ce qui est déjà très important. Elle propose également un contrôle du prix de revente des PPE pendant dix ans et freine donc cette logique spéculative. Finalement, autre point très important, elle permet de planifier les besoins prioritaires quant aux types de constructions: elle dit s'il faut construire de l'HBM, du LUP, des logements locatifs ou de la PPE - des contrôles sont opérés. Dans la zone ordinaire, vous pouvez construire 100% de propriété par étage ou de villas bourgeoises vendues à 1,5 ou 2 millions par bien, qui sont par conséquent inaccessibles.
La zone de développement permet donc un contrôle du prix des loyers, du prix des ventes et du type de biens bâtis. Elle permet aussi de s'assurer que les biens collectifs qui doivent être construits dans ces zones-là soient payés par l'ensemble des acteurs et pas seulement par les collectivités publiques. Il y a donc vraiment un intérêt à développer la zone de développement, à y recourir, puisque c'est la seule - vous l'aurez compris - qui permet de pratiquer une réelle politique sociale du logement dans ce canton. Tout le reste est soumis à l'avidité des spéculateurs, des promoteurs... (Remarque.) ...ou des différentes régies, banques et autres ! (Remarque.) Exactement, Monsieur; vous savez bien de quoi je parle !
Si nous voulons avoir un tant soit peu notre mot à dire sur la politique sociale du logement, nous devons accepter cette initiative. Je tiens d'autant plus à le souligner que le département, à cet égard, est relativement frileux et ne va que très peu contre les intérêts des promoteurs et des propriétaires. (Remarque.) Ça s'est vu sur plusieurs dossiers, surtout sur la question de la préemption et du droit d'expropriation, qui n'est jamais utilisé par l'Etat, même quand les besoins prépondérants de la population sont là. Je vous appelle donc à soutenir l'IN 162 et à suivre la minorité. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. François Lance (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, cette initiative, lancée par la gauche, a effectivement pour objectif de rendre obligatoire le recours à la zone de développement en cas de projets de modifications des limites de zones ayant pour but de construire du logement. Elle prévoit que seules des zones de développement, à l'exclusion des zones ordinaires, pourraient être créées sur des périmètres destinés au logement tant que le taux de vacance des logements est inférieur à 2%. Elle exclut, finalement, toute velléité de modifier une zone en zone ordinaire.
Il faut rappeler que la majorité des propositions de modifications de zones émanent du Conseil d'Etat et doivent être approuvées par le Grand Conseil. Le gouvernement le signale lui-même: cette initiative ne fait que reprendre sa pratique habituelle et n'apporte, de ce fait, aucune solution nouvelle. Toujours selon ses dires, le texte amène un élément de contrainte absolue qui n'est pas souhaitable à ses yeux; il convient au contraire de conserver une certaine souplesse pour des situations particulières. Le Conseil d'Etat ajoute aussi qu'il s'agirait d'une couche législative et réglementaire supplémentaire dans le domaine de l'aménagement et du logement. Celui-ci est déjà assez encombré par diverses contraintes, et les efforts actuels visent plutôt à le rendre moins complexe et à améliorer l'efficacité des procédures.
La gauche se trompe de cible, dans les arguments développés. Depuis moins d'une année, une majorité de ce Grand Conseil a en effet accepté plusieurs modifications de zones en zones de développement dans divers secteurs, sans qu'une contrainte supplémentaire soit nécessaire au niveau législatif. Toutefois, il faut aussi constater que plusieurs de ces modifications ont fait l'objet de référendums qui ont abouti. Sans remettre en question ce processus démocratique, les partis de gauche devraient se pencher sur les motivations profondes des personnes qui font signer et qui signent ces référendums avant de charger la législation de nouvelles contraintes. Pour les raisons évoquées, le groupe PDC refusera cette initiative et refusera le principe d'un contreprojet.
Mme Katia Leonelli (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, cette initiative a pour but, on l'a dit, d'obliger à procéder à des déclassements en zone de développement lorsqu'il y a une pénurie de logements au sens de la LDTR. Cette initiative, Mesdames et Messieurs, découle du bon sens. La zone de développement est l'un des outils les plus efficaces pour mener une politique sociale du logement et lutter contre la spéculation immobilière.
Depuis plusieurs mois, à la commission du logement, nous effectuons un travail de fond sur l'article 4A LGZD pour trouver un principe de répartition entre LUP, ZD LOC, PPE qui corresponde aux besoins des différentes catégories de revenus de la population. Contrairement à la zone ordinaire qui est pratiquement dérégulée - pas forcément besoin de PLQ, aucune obligation sur les types de logements - la zone de développement répond à l'intérêt général et au besoin prépondérant de la grande majorité de la population. L'IN 162 permettrait d'éviter qu'on ne contourne, par la suite, les nouvelles dispositions du futur article 4A LGZD. En période de pénurie, les tentatives qui viseraient à éviter les règles de la zone de développement ne sont absolument pas acceptables.
La pénurie de logements, c'est le lourd héritage transmis par les générations passées à l'actuelle. Celles qui en souffrent le plus, ce sont bien sûr les couches les plus modestes de la population; elles peinent à payer des loyers dont le prix devient exorbitant. Comme le dit l'intitulé de cet objet, «construisons des logements pour toutes et tous» ! Construire de manière cohérente, avec des prix contrôlés, en luttant contre la spéculation, relève de notre responsabilité politique.
Hormis celui qui est mis à disposition par la zone de développement, nous n'avons aucun instrument pour réparer les pots cassés des dernières décennies. Appliquer les principes et les règles établis pour la zone de développement devrait être une priorité en tout temps, mais cela doit être une injonction sans exception en période de pénurie. Pour ces raisons, nous voterons en faveur de cette initiative et nous vous invitons à en faire de même. Je vous remercie.
Mme Léna Strasser (S). Mesdames et Messieurs les députés, cette initiative règle les modifications de zones en période de pénurie de logements uniquement. Elle n'appelle pas à un changement de paradigme, mais à ancrer dans la loi un principe de réalité: la priorité doit être donnée à la zone de développement lors de déclassements. Ce principe, qui semblait acquis, a été remis en question ces dernières années.
La zone de développement permet de maîtriser l'attribution de la catégorie des logements. Grâce à elle, il est possible d'assurer la création de logements d'utilité publique. Logements qui répondent actuellement aux besoins d'une grande partie de la population; le loyer, en constante hausse ces dernières années, représente souvent un tiers et plus du budget mensuel de citoyens et citoyennes.
La zone de développement représente un outil essentiel pour atteindre l'objectif inscrit dans la loi de 20% de logements d'utilité publique; pour l'heure, on dépasse à peine les 10%. De plus, elle permet de faire sortir de terre des quartiers où bâtiments et espaces publics sont planifiés de manière à assurer le meilleur vivre-ensemble possible. Au vu de la densification de nos villes, Mesdames et Messieurs les députés, il est impératif de prendre cette donnée en considération. Par ailleurs, la taxe d'équipement, qui permet de financer 75% des équipements nécessaires à la naissance d'un nouveau quartier, ne déploie ses effets qu'en zone de développement.
Le groupe socialiste acceptera donc ce texte pour que, en ces temps de pénurie de logements, les déclassements favorisent l'accès au logement pour toutes et tous et non la spéculation.
Le président. Merci. La parole est à M. le député Daniel Sormanni. (Un instant s'écoule.)
Une voix. Daniel, c'est à toi !
Le président. Monsieur Daniel Sormanni ?
M. Daniel Sormanni (MCG). Excusez-moi, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, conformément à ce qu'il a fait à la commission du logement, le MCG rejettera cette initiative. Il la rejettera parce qu'elle va introduire une rigidité qui va paralyser le système qui a permis, depuis maintenant deux ou trois ans, de construire plus de 2500 logements par année à Genève. Ce bonus est une bonne nouvelle ! Le canton a réussi à construire des logements de différentes catégories: des LUP et de la PPE. Ce qui manque, c'est de favoriser un petit peu les logements pour la classe moyenne, qui a été le parent pauvre pendant dix ans; c'est d'ailleurs tout l'objet du débat sur la répartition dans la zone de développement, qui est en train de s'achever à la commission du logement.
Jolie tarte à la crème, peut-être, la classe moyenne, parce qu'elle est assez large, mais il faut aussi pouvoir construire des logements pour cette catégorie qui a été prétéritée pendant dix ans. Conséquence: ces personnes-là sont parties, et partent encore, en France ou dans le canton de Vaud. On doit donc mettre l'accent là-dessus, mais pas en rigidifiant tout le système, en bloquant, en empêchant de faire, de cas en cas, des déclassements autres qu'en zone de développement.
Il faut quand même être au clair: jusqu'à présent, l'immense majorité des déclassements ont été faits en zone de développement, Mesdames et Messieurs les députés ! Pourquoi donc rigidifier un système qui fonctionne et est équilibré ? Ça n'apportera rien de nouveau, si ce n'est qu'on va encore compliquer la tâche de tous ceux qui veulent construire à Genève - ça va des fondations de droit public aux coopératives d'habitation et aux promoteurs privés. Il faut donc un équilibre, équilibre que cette initiative va briser. C'est pour ça que nous la rejetons et que nous vous invitons à le faire aussi.
M. André Pfeffer (UDC). Monsieur le président, la politique du logement dans notre canton est de loin la plus réglementée, la plus contrôlée par l'Etat et la plus contraignante de Suisse ! 80% de nos logements sont déjà construits en zone de développement. L'utilité de la zone de développement n'est pas contestée, mais il faut rappeler qu'en zone de développement, l'Etat contrôle tout: l'Etat fixe le type de logements à construire, l'Etat fixe le prix des futurs loyers, l'Etat fixe le prix des futures ventes, etc. Est-il nécessaire de construire exclusivement en zone de développement et de concentrer l'intégralité de nos efforts sur le logement social ?
A Genève, les logements destinés à des personnes moins favorisées - soit les LUP, mais aussi les logements subventionnés et ceux détenus par des entités sans but lucratif - représentent déjà 20% du parc locatif. Genève possède déjà 20% de logements sociaux. Aucun autre canton suisse n'en a autant. En plus, ces prochaines années, leur nombre progressera fortement avec les grands projets déclassés et surtout le PAV. Contrairement à la demande excessive pour les PPE, le taux de vacance des logements locatifs - je dis bien locatifs - est en baisse. Certes, une baisse légère, mais la pression diminue: en 2004, il était de 0,15%; en 2018, de 0,53%.
Cette politique empreinte d'ingérence, réglementée et contraignante a également un prix. Il y a des coûts directs, avec des subventions de plus de 100 millions de francs par année et une administration bien plus importante que dans tous les autres cantons. A cela, il faut ajouter les coûts indirects, avec les méfaits dus aux prix de construction plus élevés que partout ailleurs, et le départ de nombreux contribuables genevois à cause du manque de diversité dans la construction des logements.
Cette initiative va dans le mauvais sens. Il faudrait évidemment soutenir les zones de développement et la construction de logements LUP et subventionnés, mais il faudrait aussi soutenir les zones ordinaires et offrir des logements pour la classe moyenne et la classe supérieure.
Une voix. Bravo !
M. Cyril Aellen (PLR). Monsieur le président, je souhaiterais ajouter quelques mots aux propos de l'excellente rapporteure de majorité, pour vous dire qu'il ne faut pas se tromper de cible. Avec cette initiative, est-ce qu'il sera impossible de déclasser en zone ordinaire ? La réponse est non; mais la question est de savoir qui aura cette compétence résiduelle. Pourquoi la réponse est-elle non, et qui aura une compétence résiduelle pour cela ? La réponse est non parce que le Tribunal fédéral nous a dit que tout déclasser en zone de développement et obliger le Grand Conseil à le faire serait contraire aux droits fondamentaux de la propriété. Cette initiative a été acceptée par le Tribunal fédéral pour le seul motif que le Grand Conseil est le détenteur de la compétence principale de déclassement. Par voie de conséquence, on peut, à l'extrême limite, exiger du Conseil d'Etat qu'il fasse exclusivement des propositions de déclassement en zone de développement, le Grand Conseil pouvant toujours ensuite déclasser en zone ordinaire.
Donc, ce qu'on veut aujourd'hui, en réalité, c'est brider non pas le Grand Conseil et ses possibilités, mais le Conseil d'Etat. Dans ce cas, il y a trois hypothèses. Premièrement, celle où le Conseil d'Etat souhaite de toute façon créer de la zone de développement: cette initiative ne change alors rien. Deuxième hypothèse, le Conseil d'Etat souhaite faire autre chose que de la zone de développement - j'y reviendrai: à ce moment, il y renonce: moins de logements ! Troisièmement, le Conseil d'Etat souhaite le cas échéant faire autre chose que de la zone de développement: il est alors contraint de déposer un projet de loi pour de la zone de développement et doit indiquer à ses groupes de transformer le projet en zone ordinaire. Est-ce que l'on construira plus de logements de cette façon ? La réponse est non. Est-ce que l'on construira plus de logements en zone de développement ? La réponse est non. Est-ce que l'on compliquera encore un peu plus le processus de déclassement ? C'est cela que notre collègue Sormanni expliquait, avec beaucoup de pertinence à mon avis.
J'aimerais maintenant revenir sur des points qui n'ont pas été abordés et qui sont pour moi essentiels. La première chose est que les zones de développement proposent une vision exclusivement urbaine; c'est une vision portant exclusivement sur les grands périmètres. Où est-ce que le Conseil d'Etat a proposé des déclassements autres qu'en zones de développement ces dernières décennies ? Dans de petits périmètres, notamment campagnards, dans des villages, dans les zones plus rurales ! Pourquoi ? Parce que cela s'est fait, dans les poches qui subsistent, en respectant les propriétaires sur place, avec les communes, et avec la souplesse que permet la zone ordinaire dans certains secteurs. Les partisans de cette initiative l'ont très bien dit, la zone de développement, c'est beaucoup plus de PLQ, c'est l'intervention de l'Etat, ça complique beaucoup les choses.
Alors oui, la zone ordinaire produit des logements moins contrôlés, des logements plus variés et, en particulier, des logements parfois plus chers. C'est vrai aussi. J'entendais Mme Marti nous expliquer que 300 à 400 logements sont réalisés dans le «terrain de jeu» - disait-elle - de la zone ordinaire. Je ne crois pas que ce soit un terrain de jeu, c'est un peu méprisant. Effectivement, 300 à 400 logements sont construits dans ces zones ordinaires qui ne sont pas le fruit de déclassements récents, mais datant d'il y a très longtemps. 300 ou 400 logements par rapport à 2500 ou 3000 logements produits chaque année, ça fait combien ? 10% ? 15% ? Mettons 15% ! Sur ces 15%, certains d'entre eux seront des logements pour des personnes aisées, effectivement. Est-ce mal ? Ne souhaitons-nous pas du tout produire de logements pour les personnes plus aisées de notre canton ? (Commentaires.) Moi, je crois à la diversité, je crois à la redistribution de l'impôt ! Pour redistribuer l'impôt, il faut commencer par le percevoir. Pour le percevoir, il faut aller chez les personnes aisées. Il est bien qu'une partie de la population aisée loge chez nous et n'émigre pas sur la Riviera vaudoise ou ailleurs en terres vaudoises, plus en retrait des rives du lac Léman. Je crois qu'il est important de dire qu'il faut construire pour tout le monde et se garder ces facultés.
On a parlé de la motion sur les zones ordinaires. Cette initiative ne changerait rien, puisque c'est une initiative du parlement sur une proposition du Conseil d'Etat, qui aurait proposé quoi ? De la zone de développement ! On nous dit que, lors d'autres tests, les communes n'en ont pas voulu, comme à Chêne-Bourg et Onex: c'est vrai. Qu'a-t-on fait, avons-nous eu des déclassements en zone ordinaire ? La réponse est non. Les communes ont été consultées et le Conseil d'Etat et ce Grand Conseil n'ont pas pris de décision en l'état pour des déclassements en zone ordinaire. Il faut être clair, cette initiative crée une rigidité supplémentaire qui va conduire à moins de logements. Moins de logements en priorité pour les personnes aisées de ce canton, c'est vrai, mais elles ont aussi le droit d'être logées. Cette situation va rompre un équilibre de plusieurs décennies de pratique où il y avait un petit peu de zone ordinaire et beaucoup de zone de développement, les deux étant nécessaires à notre canton.
Dernier point, et je clos ensuite mon intervention, à cause du temps qui m'est imparti: la zone de développement concerne exclusivement les gros périmètres, les gros promoteurs, les gros propriétaires. Si vous voulez préserver les plus petits propriétaires, les plus petits promoteurs, les plus petits projets, eh bien, vous êtes obligés de garder cet équilibre ! (Applaudissements.)
M. Pablo Cruchon (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Mesdames les députées, Messieurs les députés, je suis très heureux de l'intervention de mon collègue Cyril Aellen puisqu'elle va me permettre d'aborder les points que je n'avais pas pu aborder avant. D'abord, sur la question de l'équilibre, je crois rêver: 50% de la production de biens consiste en maisons individuelles ou en PPE ! Il n'est pas juste de parler d'un équilibre dans la construction de logements à Genève, on ne produit que pour les riches ! (Exclamations.) Que pour les riches ! Les riches représentent 10% à 12% de la population, pas 50% ! (Commentaires.)
Le président. S'il vous plaît !
M. Pablo Cruchon. Pourtant, c'est pour eux qu'on produit; l'équilibre n'est pas garanti du tout !
Deuxièmement, la loi du marché, chère à la droite de cet hémicycle, ne régule pas du tout la situation. Parler de contraintes et de blocages est faux, c'est parler d'une politique sociale du logement qu'il faut ! On laisse faire les promoteurs et les régies, et on se retrouve avec quoi ? Avec des déséquilibres massifs, avec des gens qui n'arrivent pas à se loger ou qui doivent mettre plus de 30% de leur salaire pour payer leur loyer ! C'est ça, la réalité ! Ce n'est pas le pauvre riche de Cologny qui ne sait plus où se loger et doit se rendre dans un logement d'urgence. (Commentaires.) Il faut arrêter avec ça, c'est d'une hypocrisie sans nom !
Troisième chose, ce que M. Cyril Aellen a dit est très important: oui, la zone de développement concerne seulement la ville ou la zone urbaine. Il est bien là, le problème ! Il y a un déséquilibre de densité dans ce canton: on construit la ville chez les plus pauvres et on densifie chez les plus pauvres. On entasse toujours plus les plus pauvres et on préserve les petites villas de ces pauvres riches qui ne savent plus où se loger! Je propose qu'on fasse des zones de développement à Cologny, que des personnes puissent aussi accéder à des logements LUP et HBM à Cologny... (Commentaires.) ...que l'on puisse y accueillir d'autres gens. Que ces pauvres riches côtoient aussi des gens normaux qui gagnent leur vie en travaillant et pas en spoliant le produit du travail des autres !
Donc, l'effort fourni pour la densification n'est pas équilibré; la construction n'est pas équilibrée et la moindre des choses est d'envoyer un signal politique pour dire que la zone de développement permet la justice sociale, à l'opposé des intérêts privés défendus par la droite de cet hémicycle ! (Applaudissements. Huées.)
Le président. S'il vous plaît ! La parole est à Mme la députée Caroline Marti.
Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de première minorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames, Messieurs les députés... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) A mon tour de répondre à quelques arguments avancés durant ce débat. M. Aellen nous dit que ce sera plus compliqué de déclasser des terrains et de construire du logement: Monsieur le président, vous lui transmettrez que c'est faux. Il suffira de faire comme on a toujours fait depuis soixante ans, c'est-à-dire de déclasser en zone de développement ! Cela nous donne de surcroît certains outils qui permettent d'accélérer la réalisation de quartiers de logements, notamment en levant des servitudes. C'est ce qu'on a toujours fait et ça pourra tout à fait continuer ainsi. D'ailleurs, quand M. Aellen nous dit trouver dérisoire que l'on construise 300 ou 400 logements chaque année en zone ordinaire aujourd'hui, c'est juste la moyenne annuelle de ce que l'on construit comme logements d'utilité publique ! S'il considère que c'est dérisoire, je me réjouis de ses efforts pour augmenter considérablement le nombre de logements d'utilité publique construits par année.
M. Aellen nous a aussi dit qu'aujourd'hui on ne construisait que pour les classes modestes et les classes moyennes et pas du tout pour les classes aisées. Au-delà des 300 ou 400 logements construits en zone ordinaire par année, on construit aujourd'hui, dans certains périmètres situés en zone de développement, 75% de logements en propriété par étage. Ils sont effectivement situés en zone de développement, mais si vous demandez même aux plus aisés d'entre nous, à ceux qui disposent des plus grands moyens financiers, s'ils préfèrent acheter un appartement à 600 000 ou à 800 000 francs en zone de développement ou payer le même appartement 2 millions de francs en zone ordinaire, eh bien, je pense qu'ils vous répondront qu'ils préfèrent un appartement à 800 000 francs en zone de développement ! Les seules personnes qui bénéficient des modalités prévues en zone ordinaire sont les promoteurs immobiliers, puisque, quand ils construisent en zone ordinaire des logements locatifs ou à vendre, leurs marges sont beaucoup plus importantes qu'elles ne peuvent l'être en zone de développement.
Pour toutes ces raisons, une nouvelle fois, la minorité vous appelle à accepter cette initiative, sans contreprojet. (Applaudissements.)
M. Pablo Cruchon (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Un dernier argument que j'ai oublié par rapport à la densification et qui me semble important, c'est que, selon la stratégie biodiversité de Genève, les territoires disponibles seront bientôt complètement absorbés. D'ici 2030, on n'aura plus de territoire, on ne pourra plus s'étendre, il faudra donc bien densifier ! Et quand je disais qu'on ne densifie qu'en ville, on ne pourra pas échapper à l'avenir à une densification des villages et de ces zones villas ! Il faudra bien faire cet effort, et si on entend de nouveau dire dans ce parlement qu'on ne doit densifier qu'en ville, on aura un problème important, non seulement pour les locataires, non seulement pour la qualité de vie, mais aussi pour le salut de la biodiversité ! Ainsi, parce que j'ai vu que le PLR voulait accomplir une mue écologiste à l'aube des élections fédérales - évidemment pour des soucis écologiques - je vous invite à soutenir cette initiative 162. (Applaudissements.)
M. Daniel Sormanni (MCG). Juste un petit complément: si l'on veut privilégier la construction uniquement dans les centres urbains et en ville de Genève, il faudrait aussi permettre de construire aux communes qui ont des fondations communales. Les communes ont aussi une exigence, celle de favoriser la mixité sur leur territoire. Pour réaliser cette mixité, il faut avoir de la souplesse dans la loi, c'est nécessaire. Certaines communes ne construisent pas assez et ne font pas assez d'efforts pour avoir une population plus diversifiée sur leur territoire. Elles doivent faire cet effort-là, mais vous allez les en décourager complètement en rigidifiant la loi ! C'est pour ça qu'il faut rejeter cette initiative et le principe d'un contreprojet.
Le président. Merci, la parole est à Mme la députée Diane Barbier-Mueller.
Mme Diane Barbier-Mueller (PLR), rapporteuse de majorité. Non... Ah si, pardon ! Merci, Monsieur le président. Je n'ai plus que deux minutes pour répondre à tous les propos passionnants que j'ai entendus. La première chose, pour compléter le très bon argumentaire de mon préopinant PLR Cyril Aellen, concerne la majorité des 300 à 400 logements réalisés en zone ordinaire. Pour répondre à Mme Marti, il s'agit principalement de surélévations. Ces logements n'ont donc pas mangé de terrains.
A propos de mon préopinant Pablo Cruchon, je fais une réflexion qui n'est pas à lui transmettre - ne la lui répétez pas ! Il parlait de 50% des logements faits pour des riches, mais droit derrière, il dit qu'on ne densifie que chez les pauvres et qu'on laisse les riches tranquilles chez eux. Pour moi, il y a quand même un peu un croisement et un conflit dans ce qu'il dit: si on développe chez les riches et qu'on développe pour eux, on densifie donc chez eux ! C'est d'ailleurs ce qui se passe avec la zone villas. Du reste, on construit aussi des logements subventionnés dans les quartiers de villas.
Ensuite, ma préopinante Caroline Marti a parlé du fait que la zone de développement pouvait être construite plus rapidement. C'est souvent vrai, mais les constructions en zone ordinaire ne sont pas systématiquement longues et fastidieuses à mener. La réalisation de projets en zone de développement n'est pas non plus ultrarapide, cela prend quand même plusieurs années ! Elle a parlé de certains périmètres situés en zone de développement constitués à 75% de PPE, mais il y a aussi des périmètres réalisés uniquement avec des logements sociaux. Je trouve que c'est important de faire la comparaison. De plus, la marge du promoteur n'est pas forcément plus importante en zone ordinaire, parce qu'il y a quand même quelque chose qui s'appelle le marché. On ne peut pas vendre en faisant 100% de marge de promoteur comme ça... Oh, je n'ai plus de temps !
Je pense donc qu'il est important de rappeler que si la zone de développement est bénéfique, la zone ordinaire n'a pas pour but unique d'encourager de riches promoteurs à se faire de l'argent avec de riches propriétaires qui achètent leurs villas. (Applaudissements.)
Le président. Merci, nous allons passer au vote sur cette initiative.
Mise aux voix, l'initiative 162-TF est refusée par 50 non contre 36 oui.
Le président. Je mets maintenant aux voix le principe d'un contreprojet.
Mis aux voix, le principe d'un contreprojet est refusé par 89 non (unanimité des votants).
Débat
Le président. Nous passons à notre première urgence, la R 887. La parole est à M. Pierre Conne.
M. Pierre Conne (PLR). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Merci, Monsieur le président, je poursuis. La commission des droits politiques vous propose cette résolution qui vise à soutenir le Conseil d'Etat dans ses démarches auprès de la Chancellerie fédérale afin de maintenir les conditions initiales d'octroi de l'agrément pour les élections fédérales d'octobre. De quoi s'agit-il, et pourquoi cette proposition de résolution ?
Je ferai un tout petit peu d'histoire et rappellerai que notre canton a été pionnier dans le développement et l'instauration du vote électronique. Aujourd'hui, le système genevois, qui d'ailleurs est utilisé par d'autres cantons - dont Lucerne, Berne et Argovie - est arrivé à la limite qui avait été fixée pour ce modèle de première génération. Cette limite a été annoncée par le Conseil d'Etat, elle interviendra en février 2020. C'est la raison pour laquelle notre parlement a voté à une très large majorité, le 14 mai dernier, la loi 12415 qui dispose que le Conseil d'Etat, que Genève maintient un système de vote électronique en mains des collectivités publiques et développe un système de deuxième génération, éventuellement en partenariat avec d'autres cantons.
Pourquoi aujourd'hui, tout d'un coup, alors que tout semblait balisé pour que les élections fédérales d'automne puissent se dérouler avec le système de première génération, le Conseil d'Etat - soutenu, j'espère, par ce parlement - doit-il intervenir auprès de la Chancellerie fédérale pour que notre système puisse être utilisé, comme c'était prévu, notamment pour le scrutin à venir, et jusqu'en février 2020 ? Pour une raison très simple, Mesdames et Messieurs: la Confédération a décidé de changer les conditions d'octroi de l'agrément pour l'utilisation du système électronique en informant le Conseil d'Etat au début mai 2019 que de nouvelles exigences allaient être fixées.
Quelles sont-elles ? Pour garantir la vérifiabilité individuelle, qui est la sécurité nécessaire pour un vote électronique, le système de première génération était dès le début confirmé dans sa sécurité pour au maximum 30% des votants. L'expérience a montré que parmi les Genevois, 20% des votants utilisent le vote électronique. La Confédération a imposé, en changeant ses règles, que le taux des votants pour lesquels la vérifiabilité individuelle doit être réalisée dépasse ces 30%. C'est condamner ipso facto notre système de vote électronique.
Cette proposition de résolution qui émane de la commission des droits politiques a pour but de soutenir le Conseil d'Etat de manière qu'il exige de la Chancellerie fédérale qu'elle revienne sur sa décision de changer les règles du jeu telles qu'elles avaient été fixées initialement, afin que les élections fédérales puissent se dérouler comme prévu en utilisant le vote électronique. Cette décision doit être prise rapidement, car si le Conseil d'Etat doit décider de supprimer le vote électronique pour ce scrutin, il ne peut évidemment pas attendre le mois de septembre 2019, cette décision doit être prise maintenant. Nous vous invitons donc, Mesdames et Messieurs, à soutenir sans réserve ce texte. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
M. Pierre Vanek (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, c'est rare, mais je souscris à chaque mot que mon préopinant a dit. Ce texte mérite le soutien unanime de cette assemblée. Il s'inscrit dans la logique du vote de la loi 12415 rappelé dans le dernier considérant et que M. Conne a mentionné. Nous avons soutenu ici une perspective consistant à continuer le développement du vote électronique genevois, si possible dans un cadre plus collectif, avec d'autres cantons, avec la Confédération, qui a failli jusqu'ici dans son rôle de coordination de l'effort des cantons autour du développement d'un système en mains publiques et a jeté en pâture le vote électronique à des intérêts commerciaux représentés par la Poste, qui se sont fracassés face au contrôle de qualité, alors que nous avions manifestement dans ce pays des moyens - Genève l'a prouvé à son échelle pour la première génération - des ressources intellectuelles, financières, techniques, de développer un système en mains publiques qui réponde aux critères de qualité et de sécurité évidemment nécessaires dans un processus qui se trouve au coeur de la démocratie.
La Confédération a déjà failli dans un premier temps, nous a amenés dans une certaine impasse. Nous avons donné une piste pour en sortir qui signifiait, logiquement, non pas qu'on raccourcisse le délai d'exploitation du système genevois, mais qu'on nous permette au contraire de la continuer un moment pendant qu'on prenait le temps de développer ce système public, qu'on mettait l'argent et les conditions techniques pour cela. La Confédération fait exactement le contraire: elle sabote sciemment la possibilité de continuer à exploiter le système genevois en imposant à la dernière minute - reniant par là ses engagements - des critères qui n'étaient pas posés auparavant et des délais insoutenables. Le processus des élections nationales est en route, de nombreuses listes ont déjà été déposées, on ne peut pas attendre jusqu'à Dieu sait quand, au mois d'août, pour savoir à quelle sauce de vote électronique on sera ou on ne sera pas mangé. Cette résolution doit donc être soutenue par l'intégralité de ce parlement, et elle peut l'être sans problème. Merci, Mesdames et Messieurs. (Applaudissements.)
Mme Xhevrie Osmani (S). Je ne vais pas répéter les arguments présentés par mes excellents préopinants. Vous comprendrez que le même sentiment anime tous les partis ce soir concernant cet objet, puisqu'il s'agit d'une résolution de commission.
Ce n'est pas avec une décision malvenue et arbitraire que l'on mettra fin d'un coup de crayon au système de vote électronique genevois qui a fait ses preuves, il faut le dire, depuis plus de dix ans. D'ailleurs, récemment, la Chancellerie fédérale elle-même a loué le bon fonctionnement du système genevois, système public, avec lequel nous étions censés, en vertu d'un accord - et il faut répéter qu'un accord est un accord ! - fonctionner jusqu'en février 2020. Mais ce n'est pas simplement une décision malvenue: je parlerais même d'un manque de diligence de la Chancellerie fédérale qui opère une totale inégalité de traitement en demandant maintenant un audit avec des critères identiques pour deux systèmes de vote électronique qui sont en soi incomparables. Si cette démarche malhonnête, c'est-à-dire cet audit, devait avoir lieu cet été, sans aucune surprise, nous ne pourrions garantir le vote électronique pour les prochaines élections fédérales, et cela porterait assurément un coup à l'élan multicolore qui a animé le vote de la loi 12415, adoptée, pour rappel, à l'unanimité. Cette loi mentionnait un principe clair, le maintien du vote électronique sous le contrôle exclusif des collectivités publiques. Nous vous enjoignons donc de voter cette résolution. Merci. (Applaudissements.)
Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le président, nous n'allons pas bouder notre plaisir: je rappelle que la commission des droits politiques a voté à l'unanimité cette proposition de résolution, c'est extrêmement important. La Chancellerie fédérale nous a demandé au fond de changer les règles du jeu en plein milieu du jeu, et cela parce qu'il y avait une faille dans le système informatique de la Poste. C'est comme si on voulait punir Genève en lui imposant un audit comme à la Poste - le même audit - alors que suite à un accord sur le système de première génération genevois, celui-ci est validé jusqu'en janvier 2020 par la Chancellerie fédérale, qui a confirmé cet accord jusqu'à très récemment. Il n'y a aucune raison de pénaliser Genève sur un vote électronique opérationnel jusqu'en 2020 en lui imposant un audit tout à fait inacceptable au prétexte que la Poste a failli. C'est inadmissible ! Ce n'est pas le problème de Genève. En envoyant cette résolution à Berne, nous soutenons notre Conseil d'Etat pour que les élections d'octobre puissent se passer telles qu'elles ont été prévues et que Berne respecte sa parole. Je vous remercie, Monsieur le président. (Applaudissements.)
Mme Frédérique Perler (Ve). Beaucoup de choses ont été dites. En effet, Genève est pénalisée avec cette décision qui nous vient de la Chancellerie fédérale. Cela étant, si les Verts souscrivent totalement à ce texte, je rappellerai que dès le commencement du vote électronique, notre parti a toujours montré un peu de scepticisme, avait quelques doutes quant à la sécurité d'un tel système. Mais je relèverai, comme mes préopinants, que le système actuel est éprouvé et que la Chancellerie fédérale doit respecter ses engagements et accepter que ce système soit utilisé jusqu'en février 2020. Malgré tous les doutes qu'on peut avoir - pour tout système de vote d'ailleurs, aussi par correspondance ou à l'urne - le vote électronique est utilisé par 20% des votants, on l'a dit, notamment par des citoyens qui résident à l'étranger ou qui sont en situation de handicap. C'est donc important de pouvoir le maintenir pour les prochaines élections fédérales, comme cela avait été prévu. Le groupe des Verts se joint aux préopinants pour dénoncer l'attitude de la Chancellerie fédérale et marquer son soutien à notre Conseil d'Etat de sorte qu'on puisse mener le processus électoral tel qu'il a été prévu, sans quoi nous pensons qu'il serait mieux de ne pas utiliser du tout le vote électronique. Je vous remercie.
M. Patrick Dimier (MCG). Tout a été dit. Je me permets d'ajouter que déjà lors du débat sur la loi 12415, je me suis élevé contre les pratiques de la Chancellerie fédérale. Aujourd'hui, je pense qu'elle dépasse les bornes de ce qui est admissible. Pour vous faire un rapide résumé de la situation, on demande au Conseil d'Etat de se soumettre à un audit selon des règles dont on sait dès le départ qu'elles ne peuvent pas être suivies. C'est comme si vous avez une voiture sans catalyseur et qu'on vous dit: «Il faut que votre voiture réponde aux règles faites pour les voitures pourvues d'un catalyseur !» Sommes-nous véritablement dans un Etat fédéral, ou sommes-nous entrés dans un grand commerce ? La question est posée. J'ai déjà dit que selon le MCG, c'est tout simplement le chancelier de la Confédération qui mérite d'être mis sous enquête. Il y a là des choses qu'on ne peut pas faire; en premier, vouloir marchandiser le vote: le vote n'est pas une marchandise, le vote est l'expression du peuple et il ne peut être que dans les mains de l'Etat, exclusivement dans ses mains à lui. On nous dit que ce vote va être traité à l'étranger: vous imaginez ce que ça veut dire pour le MCG ! Non, Mesdames et Messieurs, la résolution votée par la commission, comme on l'a dit, ne l'a pas été dans une unanimité de façade, mais dans une réelle unanimité de fond. L'ensemble des partis autour de la table était totalement d'accord pour le soutien indéfectible au Conseil d'Etat dans sa démarche. Ça peut arriver, même dans le régime de séparation des pouvoirs, qu'un des pouvoirs aide l'autre - c'est même ainsi que marche le mieux la démocratie.
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je serai bref. Merci de nous soutenir avec cette belle unanimité. C'est vrai que ce revirement, ce changement des règles, comme le président de la commission des droits politiques et plusieurs d'entre vous l'ont parfaitement décrit, a été pour le moins surprenant. Nous avons été irrités - je manie l'euphémisme en la matière - tout simplement parce que ce choix de la Chancellerie fédérale est susceptible de nous conduire dans une impasse s'il est maintenu. Nous espérons vivement que l'appui de ce parlement à la posture qui est la nôtre nous permettra en fin de compte d'avoir gain de cause et de pouvoir organiser les élections fédérales en utilisant le vote électronique. Nous l'espérons vraiment ! Car si la Chancellerie maintient ses exigences, ce sera matériellement impossible. Encore une fois, espérons avoir gain de cause ! Merci pour votre soutien, nous ne manquerons pas de faire savoir au plus vite la décision de ce parlement à la Chancellerie fédérale.
Le président. Merci. Nous passons au vote.
Mise aux voix, la résolution 887 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 85 oui (unanimité des votants).
Premier débat
Présidence de M. François Lefort, premier vice-président
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons à l'urgence suivante. Ce débat est classé en catégorie II, trente minutes. Madame la rapporteure de majorité, la parole est à vous.
Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi de rappeler le contexte. Comme vous le savez, lors des enquêtes administratives internes à l'Etat faisant suite à des épisodes de harcèlement et d'abus sexuel de la part d'enseignants envers des élèves mineurs et majeurs, les présumés harceleurs se présentaient accompagnés de conseils aux séances alors que les présumées victimes se retrouvaient seules à devoir affronter ces séances éprouvantes et traumatisantes pour elles. Suite à ce constat, trois projets de lois ont été déposés: le PL 12349 dont M. Murat Julian Alder est le premier signataire, le 27 avril 2018; le PL 12350 des Verts, datant du 30 avril 2018, qui sera excellemment présenté par ma collègue rapporteure de minorité; et le PL 12392 du Conseil d'Etat, déposé le 5 septembre 2018.
Mesdames et Messieurs, d'abondants travaux ont été réalisés dans des conditions vraiment très sérieuses. On a auditionné toutes les personnes concernées par le domaine. La conclusion a été la suivante: le premier projet de loi, celui de M. Alder, a été retiré; sont restés celui des Verts et celui du Conseil d'Etat, qui est maintenant proposé à votre approbation. Après l'examen d'amendements, après avoir longuement étudié le texte des Verts, il s'avère que les complexités issues d'une reconnaissance du statut de parties pour les victimes qui doivent participer à une procédure administrative au sein de l'Etat n'ont pas semblé opportunes à ce stade. Nous avons pu défendre le projet de loi du Conseil d'Etat tel qu'amendé. C'est à une très large majorité, Mesdames et Messieurs, que la commission a voté ce texte qui constitue un pas important dans la protection des victimes en les faisant considérer à égalité avec les potentiels auteurs. Elle vous remercie de bien vouloir le soutenir.
Mme Paloma Tschudi (Ve), rapporteuse de minorité. Mesdames les députées, Messieurs les députés, le PL 12350, que la minorité défend, vise également à modifier la loi sur la procédure administrative afin de protéger les victimes entendues en tant que témoins ou à titre de renseignement lors des enquêtes administratives, ce que la LPA actuelle ne fait pas, comme l'a dit la rapporteure de majorité.
La minorité que je représente fait valoir qu'il est nécessaire de reconnaître la qualité de partie à la personne entendue lorsqu'elle «est directement touchée dans ses droits», et ce «dans la mesure nécessaire à la sauvegarde de ses intérêts». Ainsi, les victimes seraient enfin protégées et lors de leur audition dans le cadre d'une enquête administrative, elles pourraient se prévaloir des droits procéduraux particuliers dont elles sont titulaires. La majorité, craignant un manque de précision du texte légal, préfère refuser notre projet de loi. Toutefois, la formulation de celui-ci est précise: elle exige que la «personne entendue» soit «touchée dans ses droits» et que les droits procéduraux d'une partie lui soient en conséquence reconnus «dans la mesure nécessaire». Ce n'est ni une boîte de Pandore, ni un texte imprécis, mais au contraire un texte permettant à l'autorité administrative, voire au juge, d'en définir l'application au cas par cas, dans le respect du principe de proportionnalité. Il n'y a pas d'imprécision mais un renvoi au cas concret par la pratique et la jurisprudence. La minorité fait confiance aux capacités des professionnelles et professionnels pour l'appliquer correctement et à bon escient. De plus, la commission a eu la chance d'auditionner d'éminents professeurs qui n'ont jamais stipulé que cette loi n'est pas applicable ou trop difficile à mettre en oeuvre, comme le soutiennent à tort certains membres de la majorité. Celle-ci préfère soutenir un projet de loi - le 12392 - qui alourdit la loi tout en laissant un flou juridique. Ainsi, elle répond à un flou et à une inaction juridiques par un autre flou juridique. La minorité ne pense pas qu'un tel texte aide et protège les victimes. D'ailleurs, il semblerait que la majorité n'en soit pas sûre non plus: bien qu'elle rejette le PL 12350, elle dépose en parallèle une motion demandant au Conseil d'Etat d'étudier la proposition d'accorder sans restriction la qualité de partie.
Ainsi, alors que le PL 12392 alourdit la loi et laisse un flou juridique, le PL 12350 répond au problème posé en un seul article. Il est regrettable de constater que la peur de la majorité de cette commission de bouleverser les choses empêche notre Grand Conseil de donner plus de droits et d'accorder une plus grande protection aux victimes entendues en tant que témoins lors de procédures administratives. Notre projet de loi permettrait pourtant une justice plus proche des citoyens et citoyennes et plus respectueuse de leurs droits. Merci. (Applaudissements.)
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, les Vertes et les Verts proposent le PL 12350, qui présente, comme l'a dit ma préopinante, une formulation précise, simple et claire, avec ce nouvel article 33 concernant la reconnaissance des droits procéduraux des victimes.
Notre texte vise la modification de la loi sur la procédure administrative, la LPA. Pourquoi ? Parce que des jeunes femmes se sont retrouvées seules devant un enquêteur, devant la personne visée par l'enquête et devant le conseil de cette personne, un ami ou un avocat. Ceci est inacceptable à Genève en 2019. Les victimes, femmes ou éventuellement hommes, de faits graves - violence sexuelle, attouchements, harcèlement ou autres - appelées à être entendues soit comme témoins, soit à titre de renseignement, ne bénéficient donc pas du droit d'être assistées. Il s'agit d'une injustice crasse.
Pour cette raison, les auteurs du PL 12350 vous proposent de modifier la LPA de façon que toute victime puisse avoir la qualité de partie «dans la mesure nécessaire à la protection de ses droits, singulièrement son droit à être accompagné[e]» - je cite l'exposé des motifs de notre projet de loi. En effet, il est urgent d'agir: selon les statistiques officielles, 22% des femmes en Suisse sont victimes de violences sexuelles. Combien de filles ne font pas partie de ces statistiques, parce qu'elles n'osent pas parler ? Combien de victimes de comportements ou paroles inadéquats sont élèves ou étudiantes ? Combien sont-elles à subir du harcèlement, puisque tout ne sort pas dans la presse ? Nous, les Vertes et les Verts, pensons qu'elles sont plus nombreuses.
A une semaine de la grève des femmes du 14 juin, grève qui revendique dans son manifeste plus d'égalité et la fin des violences sexuelles ainsi que plus de moyens pour les associations comme Viol-Secours, il est urgent d'agir. Les Vertes et les Verts demandent donc aujourd'hui essentiellement que la qualité de partie soit enfin reconnue aux victimes pendant les auditions uniquement. L'objectif principal est de protéger les victimes et surtout de libérer la parole. C'est pourquoi les Vertes et les Verts vous proposent d'adopter le PL 12350 et s'abstiendront sur le PL 12392. Merci.
M. Marc Fuhrmann (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, l'intention principale de ces deux textes est évidemment d'amener une meilleure protection des victimes, ce qui est très louable. Ensuite viennent selon nous des différences et des problèmes: en reconnaissant la qualité de partie à la victime, le PL 12350 rendrait plus complexe une procédure qui l'est déjà suffisamment. Il amènerait aussi, par des termes nébuleux, une certaine incertitude juridique qui pourrait dans le fond ne pas bénéficier aux victimes. La définition de partie étant différente selon la loi pénale et selon la loi administrative, on s'avancerait en terrain inconnu, ce qui a été dit notamment par les professeurs de droit que nous avons auditionnés. L'UDC vous propose donc, pour les raisons que je viens d'énumérer, d'accepter le PL 12392 mais de refuser le PL 12350. Merci.
Mme Xhevrie Osmani (S). Chers députés, chers collègues, à en croire le rapport de minorité - presque convaincant, je le dis en toute honnêteté - on serait quasi persuadé que pendant cinq mois nous avons fait fausse route, et ce aveuglément, ne répondant guère à la situation pénible à laquelle nombre de victimes se voient confrontées dans le cadre d'une enquête administrative.
Tous les commissaires ainsi que le département étaient convaincus qu'il fallait combler des lacunes du système actuel en renforçant les droits de la victime au cours d'une enquête. De fait, les travaux ont pu donner lieu à des nouveautés importantes, par exemple dans le cadre des dispositions du témoignage, à des droits renforcés et en adéquation avec la vulnérabilité de la victime si celle-ci veut être accompagnée d'un tiers ou du conseil de son choix. En ce sens, nous avons oeuvré en améliorant leur protection afin que les victimes ne se sentent plus démunies lors de leur audition.
Mesdames et Messieurs, il ne s'agit pas ici de revenir sur toutes les modifications qui ont été apportées, mais de décrire l'essentiel, soit le point névralgique qui a opposé ces deux projets de lois. Comment faire pour que la loi reste plausible sans prétériter quoi que ce soit, en comprenant que, bien sûr, la victime est directement touchée dans ses droits, mais que la LPA n'est construite que dans un rapport d'autorité et d'administré ? De plus, le PL 12350 des Verts, qui se veut certes limité à la procédure, amène une marge de manoeuvre et des appréciations à faire lorsqu'il introduit formellement des notions de partialité, par exemple en proposant «une reconnaissance partielle de la qualité de partie» et ce «uniquement dans la procédure», ou encore que l'Etat devrait veiller à ce que l'attribution de cette qualité ne s'applique qu'à la protection de ce qu'il définit comme étant les «intérêts de la personne entendue». Comment fait-on, aussi bien intentionné que l'on soit, pour découper la qualité de partie suivant les moments ? Vous comprendrez, chers collègues, qu'il serait bien risqué d'introduire des normes qui amèneraient un juge à trancher au cas par cas, quand la loi se veut générale et abstraite et ne peut évidemment pas tenir compte de tous les cas individuels.
Pour finir, sachant que ce sujet comporte des aspects complexes qui ne peuvent être expliqués dans une intervention aussi courte, il est important de mentionner que la majorité qui s'est dégagée a voulu renforcer la protection des victimes lors de procédures administratives. On ne pourrait pas justifier et légitimer des mélanges de procédures; l'introduction à l'heure actuelle d'un règlement de type pénal entre la victime et le fonctionnaire serait trop risquée sous la forme proposée. Le but est de savoir si l'Etat doit sanctionner son employé, la sanction visant à faire respecter le bon ordre dans un service. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)
On ne peut pas se dire au bout du compte que nous ne sommes que dans une relation gagnant-perdant entre ces projets de lois, car les motivations du PL 12350 étaient tout aussi louables que celles des deux autres objets. On peut dire néanmoins que les commissaires, dans leur presque unanimité, restent ouverts à l'idée que dans un avenir proche, qui sait, les choses puissent encore avancer dans ce débat...
Le président. Madame la députée, il faut penser à finir.
Mme Xhevrie Osmani. Oui. ...puisqu'une refonte de la LPA est en cours. En attendant, nous soutiendrons le projet de loi du Conseil d'Etat tel que sorti de commission. Merci beaucoup. (Applaudissements.)
M. Alexandre de Senarclens (PLR). Quelques mots sur le contexte, d'abord. Nous avons là deux projets de lois qui visent à résoudre une problématique exacerbée par de récentes révélations, notamment, au département de l'instruction publique, des cas de harcèlement sexuel et d'abus sexuels d'enseignants à l'encontre d'élèves. Une procédure administrative est interne et vise à savoir si des sanctions doivent être prises contre le professeur, dans le cas d'espèce. Quand une telle procédure est ouverte, on procède à des auditions, en particulier de la personne qui a été harcelée - ou qui, à ce stade, est présumée harcelée. Or, il y a un déséquilibre: l'auteur présumé peut venir avec son avocat, alors que la victime présumée vient seule. Celle-ci a vécu des moments traumatisants et il est difficile pour elle de dénoncer les faits, de venir témoigner. L'objectif de ce projet de loi est de permettre que la victime présumée soit accompagnée d'une personne de confiance ou d'un conseil. Le texte contient d'autres mesures d'accompagnement: le droit de refuser de répondre à des questions touchant à sa sphère intime, le droit d'être entendu en l'absence de l'auteur présumé. Il représente donc une avancée, ce pour quoi le PLR soutiendra ce projet de loi du Conseil d'Etat, qui a été adopté par la commission presque unanime.
Le PLR ne soutiendra pas, en revanche, le projet des Vertes et Verts: les députées PLR et députés PLR... (Rires.) ...considèrent qu'il s'agit d'une bizarrerie, d'une genevoiserie, d'une affaire totalement farfelue qui ne prend pas en compte certaines questions juridiques. Il faut rappeler que la procédure administrative vise le rapport entre l'Etat et son employé et que la victime n'est pas démunie: elle peut avoir recours à la procédure pénale non seulement pour appuyer une accusation de nature pénale, mais aussi pour demander des dommages et intérêts. Il faut éviter le mélange des genres, qui dénote plutôt une incompréhension de notre système juridique. C'est la raison pour laquelle le PLR refusera le projet des députés Vertes et Verts. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)
Mme Jocelyne Haller (EAG). Le PL 12392 a pour but de corriger cette anomalie qui porte préjudice aux victimes et de permettre qu'elles soient accompagnées lorsqu'elles ont été atteintes dans leur intégrité psychique, physique ou sexuelle. On constate que dans ce genre de situation, elles sont entendues uniquement en tant que témoins, ce qui est contraire à la plus légitime des aspirations que pourraient avoir des personnes victimes de ce genre d'agissements.
J'aimerais relever que contrairement à ce que disait la rapporteuse de majorité, ce projet de loi ne place pas les protagonistes à égalité: l'une est partie et l'autre est simplement témoin. Le PL 12392 consent la possibilité d'être accompagné d'une personne de confiance, mais qui est réduite au silence. Si on peut reconnaître que cette présence a un caractère rassurant, revêt une certaine importance d'un point de vue émotionnel, cependant, elle ne permet pas à la personne de se défendre ou de faire face à la partie adverse. Dans tous les cas, cet accompagnement ne résoudra pas tous les problèmes liés à des situations aussi complexes que douloureuses; mais il faut bien admettre qu'il comble une lacune affligeante. Néanmoins, pour le groupe Ensemble à Gauche, ce projet de loi ne va pas assez loin.
Nous serions plus favorables au PL 12350 qui, lui, entend reconnaître à une personne directement touchée dans son intégrité et ses droits la qualité de partie, tout en précisant que cela doit rester dans la mesure de la sauvegarde de ses intérêts, ce qui n'est certes pas conforme à l'usage, mais pose au moins la question de la reconnaissance de la qualité de partie à une victime dans le cadre d'une procédure administrative. Car enfin, si l'on comprend bien que celle-ci s'inscrit dans une relation entre un employeur et son employé, on se trouve tout de même interpellé par le fait que l'incompétence, l'inconséquence ou l'incorrection d'une personne puisse porter atteinte à l'intégrité d'une autre et qu'on voie celle-ci confinée dans un rôle exclusif de témoin: ce n'est pas acceptable.
Peut-être que le PL 12350 comprend quelques imperfections; mais au moins, il a le mérite de poser la question de cette reconnaissance du statut de partie. Nous regrettons que la majorité de la commission n'ait pas voulu entrer en matière et examiner ce projet de loi, voire l'amender si cela s'avérait nécessaire. S'il y a une bizarrerie, une genevoiserie, pour employer les mots de M. de Senarclens, ce serait peut-être ce statut indigne que l'on concède à une personne victime d'une atteinte à son intégrité en la confinant dans un rôle de témoin. C'est pourquoi le groupe Ensemble à Gauche soutiendra ces deux projets de lois. Je vous remercie de votre attention.
M. François Baertschi (MCG). Pour le groupe MCG, il est évident qu'il faut défendre les victimes, qu'il faut leur donner toute la place, tout l'accompagnement nécessaires. C'est l'objet de ces deux projets de lois. On le sait, ils ont été inspirés par une affaire qui a fait couler beaucoup d'encre. Elle mettait aux prises un enseignant célèbre - un ex-enseignant, devrais-je dire - avec certaines de ses élèves, qui ont émis des accusations à son encontre et qui ont été bien embarrassées au moment de témoigner, quand il fallait participer à une procédure administrative où, comme on l'ignore trop souvent, on se retrouve face à un employeur, l'Etat, et à un employé, le fonctionnaire. Dans cette espèce d'opposition se trouve aussi un témoin qui peut être une victime. Or, il ne s'agit pas d'une affaire de type pénal, mais de type administratif: ainsi, toute la grande difficulté... Les très longs débats de la commission judiciaire ont visé à examiner correctement ces deux projets de lois. Finalement, après beaucoup d'hésitations et de tâtonnements, le Conseil d'Etat a présenté un texte peut-être plus léger, mais relativement sûr à plusieurs titres: il ne nuit pas, il ne cause pas de tort.
Quant au projet de loi des Verts, même s'il est bardé de bonnes intentions, son gros danger est qu'il pourrait avoir - même s'il faudrait le voir à l'usage - un effet nocif, d'éminents juristes ont exprimé ces craintes. Il pourrait créer de nouvelles victimes: sans entrer dans le débat et réexposer toute la problématique, des craintes qui n'étaient pas légères ont été exprimées par des personnes tout à fait compétentes sur ces questions.
C'est pourquoi le groupe MCG votera le projet de loi du Conseil d'Etat et refusera celui des Verts, tout en rappelant que nous avons soutenu une motion déjà déposée, qui va être examinée par la commission compétente du Grand Conseil et vise à trouver de nouvelles solutions afin d'optimiser la situation juridique. Ce sera un long travail que d'agir de manière efficace et fructueuse afin qu'on entende et respecte mieux la parole des victimes. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Vincent Maitre. (M. Marc Fuhrmann commence à s'exprimer. Rires.)
Une voix. Vincent Maitre !
Le président. Vincent Maitre a changé de place ! Monsieur le député Vincent Maitre, vous avez la parole.
M. Vincent Maitre (PDC). Je n'imaginais pas que le doute fût permis ! Monsieur le président, je vous remercie. Dans notre ordre juridique, dans toute procédure judiciaire, qu'elle soit civile, pénale ou administrative, soit on est partie, soit on ne l'est pas: il n'y a pas de statut hybride, pour des raisons assez évidentes de prévisibilité et de sécurité du droit. Ça ne veut pas dire pour autant que dans le cadre d'une procédure administrative, où une des parties incontournables est l'Etat - puisque par définition, le droit administratif régit l'action de l'Etat - une personne dont le statut de victime se confond avec celui de témoin - en l'occurrence, dans les cas dont on a parlé, une personne victime des agissements d'un agent ou d'un employé de l'Etat - se trouve, comme le prétendait Mme Haller, reléguée dans un hall de couloir. Alexandre de Senarclens l'a parfaitement rappelé: des cas de ce genre ont une connotation pénale telle que les droits de la victime peuvent entièrement et largement être défendus et revendiqués devant les juridictions pénales.
Il n'empêche que parallèlement à ça, l'agent de l'Etat qui a commis ce genre de méfait doit répondre en tant que tel face à son employeur. Pour attester cela, pour établir les faits, il faut évidemment des témoins qui n'ont pas le rôle, au sens pénal du terme, de victimes. C'est là que le projet de loi des Verts tend à instaurer une dangereuse confusion, voire un grand doute et une grande instabilité du droit: à les entendre, au juge appartiendrait le choix de décider si le témoin sera en plus partie ou, à l'inverse, sera exclu de cette qualité. Ça laisse évidemment, pour à peu près tous les avocats qui pratiquent le droit judiciaire, des portes et des possibilités infinies de créer ce qu'on appelle des incidents de procédure, de faire s'éterniser les procédures et de retarder ainsi la reconnaissance du statut de victime. C'est pour ça que le projet de loi du Conseil d'Etat doit être largement préféré à celui des Verts: il maintient en effet une prévisibilité et une clarté dans notre ordre juridique. (Applaudissements.)
Une voix. Très bien !
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Marc Fuhrmann, c'est maintenant vraiment à vous ! (Rires.)
M. Marc Fuhrmann (UDC). Merci, Monsieur le président. Cher Vincent, cher député, désolé de mon intrusion inopinée dans ton temps de parole. Toutes mes excuses.
Je désirais simplement ajouter que le tout premier projet du Conseil d'Etat était d'une portée bien moindre et beaucoup plus floue. A travers les auditions et les débats en commission, il a été étoffé afin d'aller dans le sens des victimes. Actuellement, ce PL 12392 y arrive d'une manière beaucoup plus concluante que le 12350.
Mme Paloma Tschudi (Ve), rapporteuse de minorité. Le PL 12350 permet à l'autorité administrative d'en définir l'application au cas par cas, dans le respect du principe de proportionnalité, ce que semble craindre la majorité. Toutefois, c'est le choix qu'a fait le législateur fédéral dans la matière pénale au niveau suisse, et depuis 2011 le système fonctionne très bien. Nous vous demandons par conséquent de soutenir le PL 12350. Merci.
Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC), rapporteuse de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, pourquoi ne peut-on pas soutenir le PL 12350 ? Parce qu'il n'est pas applicable en l'état. Par contre, une proposition de motion déposée par Ensemble à Gauche permettra de réfléchir à la notion de partie.
Pourquoi faut-il soutenir le PL 12392 ? Parce que dans le cadre des procédures administratives, la victime potentielle aura avec elle à la fois une personne de confiance et un avocat. C'était voulu, et le Conseil d'Etat nous a préparé des amendements qui correspondaient exactement à ce besoin. En votant aujourd'hui - c'est pour ça que nous avons demandé l'urgence - nous enverrons un message clair et fort pour la prochaine rentrée scolaire. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs.
Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi un préambule. A entendre surtout certaines d'entre vous - je m'adresse aussi bien à vous, Mme Tschudi, qui êtes enseignante, qu'à d'autres de vos collègues Vertes - j'avais l'impression que les écoles étaient peuplées essentiellement de prédateurs sexuels à l'affût de nos élèves. Non, Mesdames et Messieurs les députés ! Je réaffirme ma confiance dans le corps enseignant, dont l'immense majorité est irréprochable. (Quelques applaudissements.) Merci d'applaudir les enseignants, en effet ! (Applaudissements.)
Ce projet de loi ne concerne pas que les enseignants, bien évidemment, mais tous les employés de l'Etat, comme on l'a rappelé. Cependant, les débats ont été suscités par un contexte que vous connaissez bien, celui de l'affaire Ramadan et d'autres affaires qui ont agité le passé des écoles genevoises. J'aimerais aussi vous dire que le projet de loi déposé par le Conseil d'Etat s'inscrit dans un ensemble de mesures qui visent à renforcer la protection de nos élèves; car il est évident que nos élèves doivent considérer que l'école où elles ou ils se trouvent est un lieu protégé. Ces mesures ont été la mise en service d'une ligne d'écoute, Abus Ecoute; la revision d'une procédure interne au DIP sur la maltraitance; une directive qui se construit avec les enseignants, visant à rappeler leur posture et leurs devoirs face aux élèves; enfin, «last but not least», aujourd'hui, en l'état actuel des travaux, le présent objet.
Ce texte est important: au bout du compte, il permet à l'élève ou à la personne appelée à témoigner dans une procédure d'être accompagnée d'une personne de confiance et éventuellement d'un conseil. Il prévoit de plus la possibilité de refuser de parler ou de répondre à des questions qui concernent la sphère intime, ainsi que - cela compte - celle d'être entendu sans la personne mise en accusation. Et puis, c'est aussi extrêmement important - vous ne l'avez peut-être pas assez souligné - le texte comporte le droit d'être informé non seulement du fait que la dénonciation est traitée, mais aussi de la sanction, si une sanction intervient à la fin. C'est important, parce que j'ai connu des situations où des enseignants ont été accusés d'un certain nombre de choses, où les affaires ont été traitées et où il y a eu sanction, mais une sanction qui n'a pas abouti à une révocation ou à une résiliation des rapports de service parce que la faute n'était pas suffisamment grave: le maître enseignait donc toujours et l'élève, dépourvu du droit d'accéder à des informations, pouvait penser que le département n'avait rien fait.
Fallait-il aller plus loin ? C'est une question qui se pose, mais on ne peut pas la résoudre en quelques séances ou même en six mois ou une année de travail dans une commission. Toucher à la procédure administrative par le petit bout de la lorgnette, simplement en voulant donner le rôle de parties à des témoins, c'est mettre peut-être en cause un ensemble d'éléments juridiques qu'on ne saurait défaire si facilement; d'où le sens de la motion, qui permettra d'étudier cela. De plus, actuellement, il existe au sein de l'Etat un groupe qui travaille à une refonte complète de la procédure administrative et qui pourra peut-être se poser cette question.
J'aimerais enfin rappeler une chose - M. Maitre l'a bien soulevé: on n'est pas dans un procès, on n'est pas en train de faire le procès d'une personne avec une victime qui est partie à la procédure ! Il s'agit d'un employeur, lui-même partie à la procédure, qui s'inquiète d'une accusation portée contre un de ses employés - partie lui aussi - et qui se demande si cet employé peut continuer de travailler dans la fonction publique ou s'il faut le révoquer. C'est dans ce sens-là que les personnes sont entendues à titre de témoins. Il est clair que le système actuel ne protège peut-être pas suffisamment les personnes qui sont potentiellement, voire souvent, des victimes; c'est pour ça qu'il faut l'améliorer - objectif qu'atteint ce projet de loi - mais je vous en prie, n'ayez pas la velléité de refaire tout le droit genevois à cette occasion, il faut le faire dans un autre contexte. Je suis persuadée que dès les prochaines affaires - il y en a en cours - les victimes, qui seront dans ces cas des témoins, seront mieux accompagnées.
Je vous remercie, donc, de faire un très bon accueil au PL 12392 et de refuser le 12350. Rappelez-vous par ailleurs que toutes les affaires que j'ai eu à traiter depuis que je suis à la tête de ce département ont été examinées avec célérité et que dans tous les cas, même avec l'ancienne procédure, les témoins ont pu être entendus et protégés. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous passons au vote, tout d'abord sur le PL 12392.
Mis aux voix, le projet de loi 12392 est adopté en premier débat par 87 oui et 6 abstentions.
Le projet de loi 12392 est adopté article par article en deuxième débat.
Mise aux voix, la loi 12392 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 82 oui et 12 abstentions.
Le président. Nous votons à présent sur le PL 12350.
Mis aux voix, le projet de loi 12350 est rejeté en premier débat par 67 non contre 23 oui et 1 abstention.
Débat
Présidence de M. Jean-Marie Voumard, président
Le président. Notre urgence suivante est la R 884, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Il n'y a pas de prise de parole ? (Un instant s'écoule.) Je passe le micro à Mme Delphine Bachmann.
Mme Delphine Bachmann (PDC). Merci, Monsieur le président. Je suis un peu étonnée d'être la première à m'exprimer ! Si nous voulons l'égalité, si nous voulons augmenter notre population d'actifs pour financer nos retraites, il va falloir protéger les femmes enceintes, car la grossesse peut fragiliser un emploi ou une carrière, et cela pour plusieurs raisons: parce qu'il y a un congé maternité, parce qu'il y a parfois des arrêts maladie, sans compter le stress induit par un retour au travail précoce, couplé à de nombreux petits bonheurs que nous connaissons tous ici. Vous savez: le manque de sommeil, l'énergie mise dans une organisation qui ne fonctionnera pas, l'arrivée au bureau avec des traces de nourriture sur son tailleur après avoir dormi deux heures, le tout avec un pull à l'envers... (Rires.) ...les visites chez le pédiatre qui s'enchaînent, parce que la crèche, c'est top, ça développe l'immunité - et nous, ça nous fait les pieds - les habits qui sentent le vomi une fois par semaine, les collègues qui nous demandent si on prend notre journée quand en réalité on va gérer la roséole de Bibouli d'amour, alors qu'on rêvait déjà d'aller à l'apéro de départ de Jean-Michou - enfin, ce moment entre adultes qu'on attendait avec impatience ! Et je ne parle même pas du fait que, à choix, soit on est regardée de travers parce qu'on part à l'heure, soit on se dit, chaque fois qu'on arrive en retard à la crèche, que les éducateurs vont refiler Bibouli d'amour aux services sociaux à la première occasion.
Alors c'est vrai, on l'a voulu, mais en attendant j'aimerais quand même vous dire que la législation en place n'est pas vraiment suffisante. Toutes les études le montrent, on peut faire mieux, particulièrement en Suisse. Des solutions doivent être trouvées, mais elles doivent l'être au travers d'un partenariat avec les milieux sociaux et économiques. C'est ensemble que nous y arriverons, en étant incitatifs, constructifs, et pas seulement punitifs envers les employeurs, car il ne faut pas oublier que beaucoup s'engagent déjà dans ce sens.
Pour ces raisons, le parti démocrate-chrétien demande le renvoi de cette résolution en commission pour que nous puissions auditionner les différents acteurs concernés, que ce soient les syndicats ou les milieux patronaux. Si ce renvoi est refusé, nous vous proposerons un amendement tenant compte de cette réalité, que nous vous invitons à soutenir. Je précise d'ailleurs que, si le renvoi en commission est rejeté, le parti démocrate-chrétien appuiera cette résolution uniquement si son amendement est accepté. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Il est pris note de votre demande de renvoi, qui sera mise aux voix à la fin du débat. En attendant, je passe la parole à Mme Simone de Montmollin.
Mme Simone de Montmollin (PLR). Merci, Monsieur le président. Après la description haute en couleur de ma préopinante, je ne vais pas dépeindre une nouvelle fois ce qu'une femme endure lorsqu'elle revient du travail fourbue, qu'elle entame sa deuxième journée à la maison et que le lendemain ça recommence ! Il est évident qu'il faut préserver les chances des femmes - notamment celles qui viennent de vivre une maternité - d'être maintenues dans leurs fonctions au travail. Cette proposition de résolution part donc d'une bonne intention. Toutefois, nous souhaitons rappeler que 90% des licenciements en entreprise sont dus à des raisons économiques ou à l'évolution des besoins et pas, même si les rapports pointent cette problématique, pour sanctionner une professionnelle parce qu'elle serait confrontée à la difficulté supplémentaire d'être mère et de l'assumer.
Chercher à protéger plus efficacement les mères au retour du congé maternité part d'une bonne intention, disais-je, mais nous craignons aussi que le fait d'augmenter les sanctions ou d'imposer des mesures trop contraignantes n'aboutisse au résultat inverse, à l'image de ce que nous observons en Allemagne, où c'est finalement une difficulté à l'embauche que les femmes éprouvent, car les employeurs, en raison des contraintes supplémentaires, renoncent à des candidatures féminines au vu des pressions trop importantes qu'ils risqueraient de subir. Nous sommes donc d'avis que cette résolution doit pour le moins être examinée en commission et que nous devons entendre les partenaires sociaux et étudier les rapports évoqués dans l'exposé des motifs. C'est à cette condition que nous souhaitons aborder le débat. Nous sommes d'accord avec l'amendement du PDC, mais il nous semble qu'un passage en commission est quand même indispensable dans tous les cas. Je demande dès lors, comme ma préopinante, le renvoi en commission. Je vous remercie.
Mme Marion Sobanek (S). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis d'une énième résolution adressée à l'Assemblée fédérale... Eh bien - je suis spécialiste - j'irai de nouveau à Berne défendre cette cause !
En Suisse, les femmes ont en moyenne 30,7 ans à la naissance de leur premier enfant. C'est l'âge où l'on construit sa carrière. Or, un septième d'entre elles cessent leur activité professionnelle. D'autre part, le travail à temps partiel est beaucoup plus répandu dans notre pays qu'ailleurs en Europe: avant 42 ans, plus de 66% des femmes ont un emploi à temps partiel; après 42 ans, ce taux s'élève à environ 50%. Ce manque d'activité, nous le savons, a cependant des répercussions sur les rentes, l'AVS, etc.
La protection des mères au retour du congé maternité est tout simplement insuffisante. Elle est moindre chez nous comparativement aux pays voisins. C'est également le cas en ce qui concerne le congé maternité lui-même. La Suisse, comme toujours, est championne et brille en ayant la législation la moins sociale de toute l'Europe. Cette inégalité face au travail quand on est mère - ma préopinante l'a bien expliqué - induit aussi des inégalités dans le partage des tâches, et il est quand même nécessaire de rappeler que, là encore, la société donne le cadre pour que le vivre-ensemble soit plus avantageux pour tout le monde. Si vous regardez quelles personnes sont au chômage, vous verrez que ce sont le plus souvent les mères, et les bureaux de l'égalité de Zurich et Genève ont relevé un gros problème en matière de licenciements au retour du congé maternité: ils indiquent que les jeunes mères sont littéralement fauchées dans leur carrière après la grossesse.
L'argument de mes préopinantes selon lequel une plus grande protection... A ce propos, je précise qu'il est question ici d'une protection légèrement plus grande: il ne s'agit pas d'une protection de nature soviétique, comme certaines pourraient le penser ! Cette protection est nécessaire, et elle n'empêchera pas du tout de réaliser quelque chose d'efficace. La réponse que le Conseil fédéral avait fournie aux interpellations des différents parlementaires montre que le problème le préoccupe, mais rien n'est fait dans la pratique. Mesdames et Messieurs, il faut qu'on arrête avec ce blabla ! Les soi-disant discussions entre partenaires sociaux n'ont rien donné depuis tant d'années ! Actuellement, je suis toujours étonnée... (Remarque.) Ah, je n'ai plus de temps de parole, je vous incite donc à accepter cette résolution telle quelle. Merci beaucoup ! (Applaudissements.)
Mme Isabelle Pasquier (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, une femme sur dix est licenciée à son retour de congé maternité. Hier soir, sur la RTS, le chiffre même d'une femme sur sept a été évoqué au «19h30». C'est un chiffre choquant, et cela à plus d'un titre. La maternité est évidemment essentielle à la survie de notre espèce, elle est également nécessaire pour la pérennité de notre système économique, mais elle reste bien souvent une entrave dans la vie professionnelle des mères, comme l'attestent les différences salariales, le moindre accès aux postes à responsabilité ainsi que les licenciements abusifs. Car c'est bien de cela qu'on parle. Les cas dénoncés montrent que ces licenciements sont rarement justifiés par des restructurations internes ou des raisons économiques. Il s'agit au contraire de licenciements liés à la nouvelle situation familiale de ces femmes, les employeurs craignant un investissement moindre de leur part.
La meilleure solution pour changer cette perception ? Le congé parental, bien sûr. Mais la route est encore longue. C'est pourquoi, en attendant, il est nécessaire d'agir comme le proposent le parlementaire fédéral Mathias Reynard ou le député suppléant Youniss Mussa. Cela fait déjà plusieurs années que des interventions ont lieu au Conseil national. Le Conseil fédéral reconnaît le problème, mais considère qu'il n'y a pas lieu d'agir. Je cite: «La période de seize semaines offre une protection de deux semaines au retour du congé [...]. Ensuite de cela, un licenciement en raison de la maternité reste illicite mais n'est plus sanctionné par la nullité mais par une indemnité de six mois de salaire au maximum. Le Conseil fédéral estime que ce dispositif légal offre dans l'ensemble une bonne protection.» Sympa: c'est illicite, mais on tolère. Eh bien non, on ne tolère pas ! Il faut agir rapidement pour améliorer la protection des femmes et des familles, parce que la société se doit de les protéger dans ces moments intimes, intenses, mais aussi éprouvants. Augmenter la durée de protection contre le licenciement s'avère donc nécessaire, et améliorer l'information est un complément bienvenu.
A ce titre, j'aimerais mentionner les conclusions d'un rapport publié par le Conseil fédéral en 2016 suite à un postulat de 2012 - oui, car depuis 2012 il y a des postulats et des réflexions à ce sujet, mais rien de concret. Les auteurs indiquent que si les femmes enceintes et celles qui ont récemment accouché peuvent obtenir gain de cause en justice, il est toutefois rare qu'elles entreprennent cette démarche. Ils recommandent donc des mesures de sensibilisation et d'information. Ils demandent en outre que les centres de consultation et de médiation enregistrent systématiquement tous les cas dont ils ont connaissance. Ils recommandent finalement que la loi fédérale sur l'égalité soit modifiée dans le sens d'un rehaussement à douze mois de salaire de l'indemnité maximale perçue en cas de licenciement abusif. Pour toutes ces raisons, les Verts vous invitent à soutenir cette résolution telle quelle et n'accepteront pas l'amendement proposé. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Thierry Cerutti (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je ne serai pas aussi loquace que mes préopinantes. J'annonce simplement que le MCG soutiendra naturellement cette proposition de résolution. Merci.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Les considérants de cette résolution sont particulièrement alarmants, et les personnes qui se sont exprimées avant moi l'ont très clairement dit. En Suisse, une femme sur dix est licenciée à la suite de son congé maternité. Même s'il n'y en avait qu'une, ce serait encore une de trop, alors une sur dix... Admettez, Mesdames et Messieurs les députés, qu'il y a là un danger incroyable et une injustice flagrante. Cette pratique trop souvent utilisée ne constitue rien d'autre qu'une manière de renvoyer les femmes au foyer ou au chômage. Il faut absolument remédier à cette distorsion, qui est inacceptable. Il convient sans tarder de renforcer la protection des mères de retour à leur poste, notamment en étendant la durée de cette protection. Il est surtout nécessaire d'inverser le fardeau de la preuve et de prévoir de sévères compensations en cas de licenciement abusif afin de dissuader les employeurs de méfaire en la matière.
J'avoue qu'il est décevant d'entendre les représentants des partis de droite dire que ces pratiques ne sont pas acceptables et nous demander ensuite d'édulcorer les invites de cette résolution. Quant à ce qu'évoquait Mme de Montmollin - vous transmettrez, Monsieur le président - à savoir qu'il est difficile de déterminer s'il s'agit réellement de motifs de licenciement liés au retour au travail après une maternité, je renvoie cette assemblée à une étude réalisée sur le plan fédéral et publiée la semaine dernière, qui indique que 9% des employeurs avouent avoir déjà procédé à des licenciements pour ce motif. Le risque est dès lors avéré. Il importe ainsi d'agir, et rapidement, Mesdames et Messieurs les députés ! Il faut améliorer la situation des femmes à leur retour au travail après une maternité, raison pour laquelle le groupe Ensemble à Gauche soutiendra la résolution dans sa forme d'origine et ne votera pas l'amendement présenté par les femmes du PDC, car une fois de plus il affaiblit drastiquement ce texte, qui n'en a vraiment pas besoin. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Nous allons maintenant nous prononcer sur les deux demandes de renvoi à la commission des affaires sociales qui ont été formulées.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 884 à la commission des affaires sociales est adopté par 51 oui contre 39 non.
Débat
Le président. Nous passons à la R 882 que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole à Mme la députée Simone de Montmollin. (Remarque.) C'est une erreur, la parole est donc à M. Bertrand Buchs.
M. Bertrand Buchs (PDC). Merci beaucoup, Monsieur le président. Nous arrivons à l'été, le Conseil d'Etat va recevoir les propositions d'augmentation des primes d'assurance-maladie pour 2020. Nous savons que chaque année, nous aurons les mêmes récriminations, le Conseil d'Etat aura les mêmes récriminations: il ne peut pas vérifier si l'augmentation prévue par les caisses maladie est logique ou pas. A chaque fois, les chiffres qui nous sont proposés ne correspondent pas à la réalité, ils sont parfois surréalistes, et on s'en rend compte seulement après coup.
On a déjà entendu dire que les coûts de la santé ont augmenté cette année de 4%, 5%, 6%, sans savoir sur quoi ça réside. Mais moi, je m'arrête sur ce qui est vrai, ce qui est réel: ce qui est réel, c'est qu'en 2018, les coûts de la santé n'ont augmenté que de 0,47%. Ce qui est réel, c'est qu'à la fin de l'année 2018, quand les assurances-maladie ont fait les comptes, elles avaient des bénéfices. Comme l'assurance de base ne peut pas en faire, les bénéfices ou l'argent perçu en trop sur les primes 2018 ont été mis dans les réserves, qui ont augmenté. Actuellement, leur montant est de plus de 5 milliards, plus de 150% de ce qui est spécifié par la loi - il n'y a pas de limite vers le haut, mais vers le bas. Il y a donc bien assez d'argent pour qu'en 2020, on propose de ne pas augmenter les primes d'assurance-maladie. Je m'étonnerais que l'augmentation des coûts de la santé ait été de 0,47% en 2018 et que brusquement, par hasard, en 2019, on ait une forte augmentation. Probablement qu'à la fin de l'année 2019, on nous dira qu'on a perçu trop d'argent sur les primes d'assurance-maladie et qu'on va reverser ce trop-perçu dans les réserves. Ça continue chaque année comme ça: nous disons stop, stop ! En 2020, pas d'augmentation des primes d'assurance-maladie ! Je vous remercie. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Mme Jocelyne Haller (EAG). Nous ne pouvons que souscrire aux propos de M. Buchs et apprécier à leur juste valeur les considérants de cette résolution. Elle ne demande rien d'autre que de freiner la ronde infernale que constitue chaque année contre tout bon sens l'augmentation des cotisations d'assurance-maladie, comme l'indiquent les considérants de ce texte. Il n'y a pas à tergiverser sur l'utilité de cette requête consistant à geler l'augmentation des cotisations dans notre canton. Cette nécessité est avérée; le poids des primes est ressenti douloureusement chaque fin de mois, quand les Genevois doivent s'acquitter de leur cotisation d'assurance-maladie. Mesdames et Messieurs les députés, soutenons cette résolution, adressons-la à l'Assemblée fédérale et donnons par là un premier signal en vue d'autres changements indispensables pour rendre enfin à la LAMal le caractère social qu'elle a perdu au fil de ces dernières années. Je vous remercie de votre attention.
Mme Marion Sobanek (S). Mesdames et Messieurs les députés, je vais continuer dans la ligne de mes préopinants: nous souscrivons évidemment à cette résolution. Le système suisse, avec la prime par tête, figure parmi les plus antisociaux de toute l'Europe. Je crois que nous sommes les seuls en Europe à avoir ce type de système. En plus, ces primes sont sans rapport avec le revenu disponible des foyers et des familles. Ça signifie que l'augmentation des primes chaque année est extrêmement lourde pour les familles. Au mois d'octobre, ouvrir le courrier qui indique à combien se montera l'augmentation est une véritable source d'angoisse. Geler ces primes, c'est vraiment le minimum de ce qu'on peut demander. A priori, il faut demander d'aller beaucoup plus loin et changer complètement ce système - mais cela a déjà été évoqué. Quand les caisses maladie nous disent qu'elles nous redistribuent de l'argent, je trouve ça rigolo: on a payé des centaines de francs en trop sur les primes, et qu'est-ce qu'on reçoit ? 70 francs ! Je n'ai aucune idée d'où le reste de cet argent a disparu, si ce n'est dans les réserves que M. Buchs a évoquées.
A défaut d'une réforme profonde du système de santé, nous demandons au moins qu'on accepte d'urgence cette résolution. Merci beaucoup.
M. Pierre Conne (PLR). Chers collègues, en effet, nous n'en pouvons plus, les résidents suisses n'en peuvent plus d'être pressurés par les primes d'assurance-maladie. Mais nous n'en pouvons plus non plus, au PLR, de lire systématiquement des objets comme celui qui nous est présenté aujourd'hui, qui se trompent de cible et qui soufflent sur la fumée au lieu de s'intéresser réellement au fond des choses.
Les préopinants ont manifesté leur ras-le-bol et l'incapacité de suivre l'augmentation des primes d'assurance-maladie, qui est réelle. Mais cette proposition de résolution ne répond pas à ce qu'ils remettent en cause: elle demande simplement de geler l'augmentation des primes. Mesdames et Messieurs, ce n'est pas possible !
Reprenons les considérants du texte. L'augmentation des coûts de la santé en 2018, c'est une prévision annoncée par santésuisse il y a quelques semaines, sur laquelle les signataires de cet objet se sont précipités. Si vous lisez bien les articles qui présentent cette augmentation, vous verrez qu'il y est clairement dit que ce n'est pas définitif, que l'augmentation de la facturation ambulatoire n'est pas incluse dans ces comptes - elle est extrêmement importante et n'est pas encore comptabilisée. Pourquoi ? D'une part parce qu'on a opéré un report des activités hospitalières sur l'ambulatoire, d'autre part parce que pour maîtriser les coûts, certains cantons ont réduit les prestations ou ont amené des prestations hospitalières à être strictement effectuées en milieu hospitalier, ce qui n'est pas encore facturé. Par conséquent, rien ne nous dit que l'augmentation des coûts sera limitée à 0,47% en 2018.
Ensuite, les bénéfices des assurances-maladie: Mesdames et Messieurs, les assurances-maladie sociales ne réalisent pas de bénéfice ! Arrêtez de laisser croire que les assureurs se goinfrent sur notre dos, c'est un mensonge !
Quant à l'augmentation des réserves, je vous rappelle qu'elle est supervisée par le Conseil fédéral et répond strictement à l'exigence du taux de solvabilité des caisses. On s'aperçoit en regardant les chiffres de 2013 à 2017 que si le taux de solvabilité minimum est de 100%, les caisses sont en moyenne légèrement au-dessus de ce 100%, mais que durant ces mêmes années, le taux de solvabilité a baissé de 172% à 153%. Il est donc faux de dire, Mesdames et Messieurs, que la constitution des réserves se fait de manière arbitraire et abusive.
Ce qui est vrai, Mesdames et Messieurs - et je vous rejoins à ce propos - c'est que la charge que représentent les primes sur les ménages est devenue intolérable. Mais pour que ce poids disparaisse, c'est au coût des prestations médicales qu'il faut s'en prendre et non aux primes, qui représentent l'augmentation de ces coûts. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Mme Alessandra Oriolo (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, il est évident que les Verts et les Vertes soutiendront cette résolution qui demande le gel de l'augmentation des primes d'assurance-maladie pour 2020. La situation aujourd'hui n'est tout simplement pas soutenable, les ménages suisses étouffent sous leurs primes maladie, des primes qui sont censées les aider pour leur santé mais qui ne leur permettent pas de vivre dignement.
Effectivement, ce texte ne va pas à la source du problème, mais c'est un minimum que nous devons garantir pour 2020. Je ne partage pas l'avis de mon préopinant, M. Conne - vous transmettrez, Monsieur le président: je pense que les assurances-maladie font des bénéfices, que l'augmentation des réserves, calculée à plus de 4 milliards aujourd'hui, est tout simplement scandaleuse, et que nous devons limiter cette augmentation qui chaque année pèse de plus en plus sur les ménages. La Confédération doit s'engager et doit légiférer en la matière pour protéger ses citoyens. Nous devons dire stop au lobby des assurances et nous devons redonner un souffle aux ménages suisses. Je vous remercie d'accepter cette résolution sur le siège. (Applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG). Avec détermination, mais sans illusions, le groupe MCG soutiendra cette résolution. Cela fait une trentaine d'années que l'on peut constater le problème de l'assurance-maladie, l'impasse dans laquelle nous nous trouvons et où nous nous enfonçons de plus en plus profondément. Un jour, sans doute, nous trouverons la solution. Espérons-le, tant est fort le lobby des caisses maladie, un lobby tout-puissant. Le MCG appelle de ses voeux une grande réforme de l'assurance-maladie, sans illusions, tant nous avons été déçus ces dernières années, tant est solide le mur devant lequel nous nous trouvons, tant est grande l'espèce d'inertie de la Suisse alémanique essentiellement et d'un lobby tout-puissant qui place sa chape de plomb sur la Suisse. Nous devrons bien trouver un jour la solution. C'est donc avec détermination, mais sans illusions, que nous soutiendrons cet objet, qui représente avant tout une protestation.
M. Bertrand Buchs (PDC). Oui, c'est une protestation ! Les arguments développés par M. Conne ne sont pas justes, à mon sens. Pourquoi ? Parce que les caisses maladie ont reconnu qu'elles avaient perçu trop d'argent en 2018 ! La caisse Assura a même décidé de rembourser 100 francs par assuré parce qu'elle avait trop perçu sur les primes. Les primes proposées, que le Conseil fédéral avait acceptées et qui ont été imposées aux cantons, je dis bien imposées, étaient donc beaucoup trop élevées. Assura rend 100 francs, mais les autres caisses ne rendent rien du tout ! Qu'est-ce qu'elles font, puisqu'elles ne peuvent pas faire de bénéfices ? Je l'ai dit, elles reversent tout simplement le surplus dans les réserves. Or, on sait très bien que la manière dont ces réserves sont utilisées, ce à quoi elles servent n'est pas clair.
Je remarque que depuis des années, on répète tout le temps la même chose, on proteste. Il faut continuer à protester, il ne faut pas désespérer. Mais aucun contrôle n'est exercé sur les caisses maladie ! Aucun contrôle ni audit ! La Confédération n'a jamais envoyé quelqu'un pour contrôler leurs comptes, alors qu'à Genève, n'importe quelle institution est contrôlée, par la Cour des comptes, par le service d'audit interne - tout le monde peut être contrôlé. Alors on dit que les caisses maladie ne peuvent pas l'être parce qu'elles sont privées et que les structures privées ne peuvent pas être contrôlées: mais je m'excuse, elles participent à un système qui n'est pas privé mais public, puisque l'assurance est obligatoire. Tant qu'il n'y aura pas un contrôle clair et un audit des caisses maladie, on doit protester en disant qu'on n'accepte pas les chiffres qui nous sont donnés.
Quant à l'augmentation de 0,47%, je veux bien entendre qu'un tas de factures n'ont pas été payées à la fin de 2018 et le seront en 2019. On est au mois de juin, et ce chiffre de 0,47%, il y a deux semaines qu'il est sorti; au mois de juin, on n'a toujours pas payé les factures de 2018 ? C'est étonnant !
Il faut continuer à protester, on va dire à Berne qu'on n'est pas d'accord. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci bien. La parole est à M. le député Patrick Dimier pour une minute dix-huit.
M. Patrick Dimier (MCG). Je n'ai pas besoin d'autant, Monsieur le président. Je souhaite juste rappeler, redire et redire et redire encore que les primes d'assurance-maladie servent à faire de la santé avec notre argent et non pas aux assureurs à faire de l'argent avec notre santé ! Nous soutiendrons donc cette résolution.
M. Thomas Bläsi (UDC). Le groupe UDC soutiendra la résolution qui nous est proposée ce soir parce que le poids des primes à l'heure actuelle est absolument intolérable, en particulier pour la classe moyenne inférieure. L'auteur l'a très bien décrit.
Seul M. Baertschi, du MCG, a souligné une pensée que nous partageons: j'entends bien, M. Buchs, il faut résister, il faut protester, nous allons le faire et soutenir votre texte; mais on a quand même de plus en plus l'impression, dans ce travail de Sisyphe qu'est la lutte contre les caisses maladie, que ce combat relève à Genève davantage de l'acte de foi, de l'acte politique, et que malheureusement les résultats qu'on peut en attendre sont très faibles. Nos parlementaires à Berne tiennent le couteau par le manche. Probablement - et c'est un UDC qui vous le dit - que les liens entre les politiciens et les caisses maladie doivent être abolis, on doit absolument arriver à les sortir des conseils d'administration: tant que cette proximité existera, et sans contrôle extérieur, on n'arrivera à rien.
Nous nous associons à la présente démarche et participerons à cet acte de foi du parlement genevois. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, tous les six mois, votre Grand Conseil se fait plaisir: il vote une résolution du type «Stop à l'augmentation des primes d'assurance-maladie». C'est sans doute la victoire de l'optimisme sur l'expérience. (Rires.) Mais vous avez raison, sur le fond, et je ne peux que partager votre point de vue: stop, disons stop !
M. le député Conne a aussi raison: nos assureurs ne font pas de bénéfice, ils font des excédents de recettes. (Rires.) Ce n'est pas moi qui invente, c'est la terminologie fédérale.
C'est vrai que tout cela ne fonctionne pas, c'est vrai qu'il n'y a pas de transparence, c'est vrai que l'opacité règne. C'est vrai aussi que la conférence latine et la conférence nationale des directeurs de la santé écrivent inlassablement pour obtenir davantage de transparence. Entre-temps, que se passe-t-il ? Aux 330 millions versés par le canton en subsides pour l'assurance-maladie s'ajouteront bientôt les 186 millions que vient de voter la population genevoise - qui sans ce contreprojet aurait sans doute accepté un demi-milliard supplémentaire. On voit à quel point la lassitude est présente au sein de la population, on voit par ces montants à quel point on se retrouve déconnecté d'une réalité qui nous dépasse toutes et tous.
Alors que faire ? Faut-il se résigner à accepter cette réalité en disant que ce n'est pas ici que les décisions sont prises et qu'ailleurs on ne veut pas nous suivre ? Je vous demande simplement une chose. Nous sommes à quelques mois des prochaines élections fédérales: Mesdames et Messieurs les députés de chaque parti ici présent, allez simplement voir sur le site du parlement fédéral comment vos représentants à Berne ont voté sur le sujet durant la législature en cours. Vous verrez à quel point la discrépance est grande, à quel point vos préoccupations échappent à celles et ceux qui pourtant siègent normalement là-bas pour représenter les intérêts de notre population. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Le président. Bien, nous passons au vote.
Mise aux voix, la résolution 882 est adoptée et renvoyée à l'Assemblée fédérale par 65 oui contre 28 non.
Le président. Vu l'heure tardive, je vous donne rendez-vous demain à 14h. Bonne rentrée et bonne soirée !
La séance est levée à 22h55.