Séance du
mardi 9 avril 2019 à
21h
2e
législature -
1re
année -
11e
session -
64e
séance
La séance est ouverte à 21h, sous la présidence de M. Jean Romain, président.
Assistent à la séance: MM. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat, et Mauro Poggia, conseiller d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Anne Emery-Torracinta, Pierre Maudet, Serge Dal Busco, Nathalie Fontanet et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Antoine Barde, Jacques Béné, Beatriz de Candolle, Jennifer Conti, Eric Leyvraz, Philippe Morel, Sandro Pistis, Jean-Charles Rielle, Yvan Rochat, Stéphanie Valentino, Salika Wenger et Céline Zuber-Roy, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Jacques Apothéloz, Olivier Baud, Christian Bavarel, Pierre Bayenet, Natacha Buffet-Desfayes, Eliane Michaud Ansermet, Youniss Mussa, Vincent Subilia, Francisco Valentin et Helena Verissimo de Freitas.
Annonces et dépôts
Néant.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment d'une procureure. Je prie le sautier de la faire entrer et l'assistance de bien vouloir rester debout. (La procureure entre dans la salle et se tient debout, face à l'estrade.)
Madame, vous êtes appelée à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyenne et comme magistrate du Ministère public;
- de constater avec exactitude les infractions, d'en rechercher activement les auteurs et de poursuivre ces derniers sans aucune acception de personne, le riche comme le pauvre, le puissant comme le faible, le Suisse comme l'étranger;
- de me conformer strictement aux lois;
- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;
- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;
- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»
A prêté serment: Mme Lyuska Hulliger.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)
Débat
Le président. Nous abordons notre point fixe, l'IN 169-B, qui est classée en catégorie II, soixante minutes. Le rapport est de M. Philippe Poget, à qui je passe la parole.
M. Philippe Poget (Ve), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, chers collègues, l'initiative de rang législatif dont nous parlons ce soir vise à modifier la loi d'application de la loi fédérale sur la protection de l'environnement à trois niveaux. Le premier but concerne l'amélioration de l'information à la population. En deuxième lieu, il s'agit d'améliorer la qualité de l'air, soit par des mesures structurelles permettant d'aboutir au respect des valeurs limites fédérales pour les différents polluants - NOx, ozone et particules fines - à l'aide d'un échéancier fixant les étapes pour y parvenir, soit par des mesures d'urgence pour lutter contre les pics de pollution. Dans un troisième temps, il s'agit aussi de lutter contre la pollution par le bruit.
Dans son rapport, le Conseil d'Etat a indiqué que l'initiative s'intégrait dans sa politique publique en matière de protection de l'air et contre le bruit. Durant ses travaux, la commission a auditionné le département, plus précisément le SABRA et l'office du génie civil, les milieux de la santé, soit le médecin cantonal, le président de l'Association des médecins du canton de Genève et un pneumologue, les milieux économiques, à savoir la FMB et la CCIG, ainsi que des associations liées à la mobilité, soit le TCS et l'ATE. Il est ressorti des travaux de la commission les points suivants.
L'information à la population constitue un élément très important pour que le public soit objectivement au courant de la situation en matière de pollution, et cela de manière différenciée dans les divers lieux de travail, d'habitat et de loisirs du canton. Le département propose de travailler sur des solutions logicielles permettant de diffuser une information pertinente pour chaque point du territoire, grâce à laquelle les citoyens pourront être conscients des niveaux de pollution subis et en appréhender les effets sur leur santé.
S'agissant de l'amélioration de la qualité de l'air, les experts médicaux et de santé publique ont tous souligné la corrélation entre la pollution de l'air et les problèmes respiratoires et cardiovasculaires en général, de même que l'augmentation des consultations aux urgences pour ces atteintes lors des pics de pollution. Tous ont exprimé l'intérêt général à voir le niveau actuel de pollution baisser pour que les affections qui y sont liées diminuent, et en fin de compte les coûts de la santé également. Ils indiquent, pour les polluants concernés, qu'il est possible et nécessaire d'agir.
L'initiative demande le respect des valeurs limites d'immission fixées par la législation fédérale - selon l'annexe 7 de l'OPair - d'ici à 2030, avec des paliers de cinq ans autorisant des dépassements de ces valeurs de 20% en 2020 et de 10% en 2025. A cet effet, il faudra prendre des mesures d'assainissement qui touchent aussi bien la circulation motorisée que les chauffages, les bâtiments ou encore les émissions des chantiers, de l'industrie et de l'aéroport. Puis, dans un second temps, si les mesures engagées ne permettent pas de respecter ces seuils, le Conseil d'Etat devra mettre en oeuvre des mesures supplémentaires pour parvenir aux valeurs visées.
Lors des auditions des milieux économiques, tant la FMB que la CCIG ont reconnu que l'initiative allait dans le bon sens, tout en demandant que le développement de mesures soit économiquement supportable pour elles. Elles ont mis en avant leur responsabilité d'entreprise déjà proactive dans ce cadre et ont souhaité être associées aux travaux du département durant l'élaboration de la procédure réglementaire.
Pour les mesures urgentes lors des pics de pollution, les seuils indiqués dans l'initiative restent identiques à ceux de la législation genevoise actuelle, mais le déclenchement des mesures d'urgence interviendra plus rapidement, avec une réactivité plus grande.
En ce qui concerne la problématique du bruit, la commission a constaté l'intérêt et l'originalité du nouvel article y relatif. Le stress lié au fait que nous ne connaissons plus de zones de silence est maintenant reconnu, de même que son impact sur la santé.
En conclusion, cette initiative propose des mesures raisonnables et permet de soutenir la volonté du Conseil d'Etat dans sa stratégie de protection de l'air, son plan de mesures OPair, ainsi que sa future stratégie cantonale de protection contre le bruit. Elle apporte une réelle plus-value à notre législation environnementale en fixant un cadre temporel et en affirmant l'objectif du respect des valeurs limites fédérales. Cette initiative est finalement essentielle: elle va ancrer dans la loi la nécessité de prendre des mesures sans plus attendre, tout en laissant la possibilité d'aller plus loin par des modifications ultérieures de la loi. On va enfin donner un signal positif - encore bien raisonnable - pour améliorer notre environnement et notre santé et commencer à répondre à l'urgence climatique. Pour tous ces motifs, Mesdames les députées, Messieurs les députés, la commission vous invite à accepter cette initiative.
Mme Delphine Bachmann (PDC). L'IN 169 traite de deux problèmes de santé publique majeurs: la pollution de l'air et la pollution sonore. Aujourd'hui, neuf personnes sur dix dans le monde sont touchées par la pollution de l'air, et cette dernière provoque 7 millions de décès par an, dont 1,7 million d'enfants. Heureusement, en Suisse et à Genève nous sommes encore loin des niveaux constatés dans certains pays asiatiques, où le ciel bleu n'existe plus et où les habitants portent des masques pour marcher dans la rue. Le PDC soutiendra donc cette initiative, même si la plupart des mesures proposées sont déjà appliquées. Nous comptons sur la souplesse du Conseil d'Etat dans le règlement d'application afin que la mise en oeuvre se fasse en collaboration avec les milieux impactés - notamment ceux de la construction. Il ne s'agit pas d'imposer, sans accompagnement, des règles difficiles à suivre. C'est main dans la main que nous devons travailler, sans quoi cette politique sera vouée à l'échec.
Concernant la pollution sonore, nous aurions voulu aller plus loin, car c'est la première fois que ce thème est traité. Malheureusement, l'idée d'élaborer un contreprojet n'est pas parvenue à réunir une majorité. Le PDC en prend acte et reviendra sur le sujet, parce que c'est une nuisance en augmentation, qui fait souffrir les citoyens de ce canton. Nous ne devons jamais relâcher nos efforts pour contribuer à faire de notre environnement un cadre de vie sain. Il en va de notre responsabilité, en tant que politiques, et c'est la raison pour laquelle le PDC acceptera cette initiative. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG). Cette initiative poursuit un but très clairement louable et formule des propositions qui conviennent tout à fait au MCG sur le principe. Malheureusement, certaines d'entre elles sont excessives, de sorte que nous ne pourrons pas les accepter telles quelles. Le groupe MCG est en revanche favorable à la présentation d'un contreprojet à cette initiative; nous refuserons donc cette dernière, mais nous nous permettrons de l'étudier à nouveau en commission pour établir un contreprojet.
Le président. Je vous remercie. Si d'aventure cette initiative n'est pas acceptée, je mettrai alors aux voix le principe d'un contreprojet, comme vous le proposez. La parole est à Mme Marion Sobanek.
Mme Marion Sobanek (S). Merci, Monsieur le président. Il y a peu à ajouter à cet excellent rapport, qui a très bien souligné la portée de l'initiative. Pour rappel, 40% de la population genevoise est exposée à des niveaux de pollution excessifs et 60% souffre d'un excès de bruit. En cinq ans, les coûts des dommages causés à la santé et à l'environnement par le trafic et le transport ont augmenté d'un milliard: ils s'élevaient en 2015 à 11,8 milliards, selon une récente communication de l'Office fédéral de la statistique. Il faut donc agir au lieu d'attendre, et pas seulement parce que les jeunes manifestent ! Monsieur le président, vous transmettrez à nos collègues du MCG qu'il n'est dès lors pas du tout excessif de demander le respect des normes fédérales. Ce qui distingue le respect de ces normes fédérales et l'initiative - le rapporteur l'a dit - c'est tout simplement que cette dernière fixe un cadre temporel, c'est-à-dire un délai dans lequel mettre en place des mesures pour y parvenir.
Dans son rapport du 5 septembre 2018, le Conseil d'Etat indique que l'initiative s'intègre dans sa politique publique en matière de protection de l'air et va dans le sens de ce qu'il prévoit de développer dans sa stratégie sur la qualité de l'air à l'horizon 2030. Il invite par conséquent le Grand Conseil à accepter ce texte. (Brouhaha.)
Le président. Une seconde, Madame la députée ! Il y a un bruit de ruche au fond de la salle !
Une voix. C'est pas des abeilles !
Le président. Si vous pouviez produire ce bruit de ruche à l'extérieur, ça arrangerait tout le monde ! Je vous remercie, Madame la députée, et vous repasse la parole en m'excusant.
Mme Marion Sobanek. Merci beaucoup ! On a évoqué la difficulté d'avoir des zones de silence, eh bien c'est aussi valable dans ce bâtiment et cet illustre parlement !
Le Conseil d'Etat a donc déclaré qu'il invitait le Grand Conseil à accepter cette initiative. On pourrait penser que tout est dit car, comme mes préopinants l'ont indiqué, ce texte ne demande rien d'autre que le respect des normes fédérales. Mais je l'ai déjà précisé, je me répète ! Le nouvel apport, l'élément qui ne figure pas encore dans la législation, c'est juste le cadre temporel.
Par ailleurs, certains ont dit qu'on avait peut-être affaire à une Genferei et qu'il ne servait à rien d'agir à Genève dans la mesure où notre canton se trouve à proximité de la vallée de l'Arve qui est très polluée. Eh bien le directeur du SABRA a expliqué qu'ils collaboraient avec leurs collègues de l'autre côté de la frontière et que les outils et normes se rapprochaient sensiblement. Il a également relevé que la loi sur la protection de l'environnement - LPE - prévoit que, lorsqu'un canton dépasse les valeurs limites, ce dernier a l'obligation de prendre des mesures pour s'attaquer aux sources des polluants. Il a en outre souligné qu'il fallait viser le respect des valeurs limites, mais que la LPE ne contenait pas d'éléments d'échéance. En cela, l'initiative est essentielle et apporte du nouveau.
D'autres ont dit que celle-ci allait trop vite. Non, Mesdames et Messieurs, certainement pas ! Le climat se réchauffe et, pour la troisième année consécutive, la planète ne produit pas assez de céréales pour nourrir la population mondiale. Je ne pense pas qu'il faille imaginer les conséquences, elles sont claires pour tout un chacun.
Le PLR a pour sa part déclaré que le texte n'allait pas assez loin en ce qui concerne la protection contre le bruit. Rien ne nous empêche de nous atteler à l'élaboration d'un projet de loi ou de lancer une autre initiative pour lutter contre les nuisances sonores, mais faisons déjà un premier pas en votant cet objet qui va dans la bonne direction.
En conclusion, le parti socialiste - qui se préoccupe de l'environnement et du bien-être des gens et qui souhaite qu'ils puissent respirer un air pur et vivre dans un environnement sain à tous les niveaux - vous encourage à accepter cette initiative et vous remercie de ce vote. (Applaudissements.)
Mme Isabelle Pasquier (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, à Genève la qualité de l'air n'est pas satisfaisante depuis plusieurs décennies; certains polluants connaissent périodiquement des concentrations qui dépassent les valeurs limites prescrites par la loi et peuvent porter atteinte à la santé de la population. Voilà le constat qui figure sur le site de l'Etat de Genève à la page «Qualité de l'air». Un constat qui reste préoccupant même si la situation s'améliore. En Suisse, la pollution de l'air tue dix fois plus que les accidents de la route - on dénombre 3000 morts par an - mais plus silencieusement et plus insidieusement. On pense généralement aux maladies pulmonaires, mais le lien entre les maladies cardiovasculaires, les infarctus et la pollution de l'air est important. Récemment, «Le Temps» titrait: «La pollution de l'air tue plus que la cigarette.» Ce n'est pas le cas en Suisse, mais à l'échelle européenne. Toutefois, ce qui est intéressant dans cet article, c'est que la journaliste donne la parole au professeur Mach, médecin-chef du service de cardiologie des HUG, dont le propos est clair: «J'espère que les politiciens vont entendre le message, affirme-t-il. Il y a beaucoup à faire pour limiter les émissions [...]»
C'est ce message que les Verts vous demandent aujourd'hui d'entendre en acceptant cette initiative de rang législatif. Les quatre médecins ou spécialistes de la santé publique que nous avons auditionnés en commission ont tous salué ce texte et le fait d'associer enfin santé de la population et environnement. On peut aussi ajouter les termes «qualité de vie» et «prévention». On sait maintenant avec certitude que les enfants qui vivent près d'une route très polluée ont plus de risque de devenir asthmatiques. Par ailleurs, les enfants et les personnes âgées de plus de 65 ans sont davantage touchés par la pollution. Avec un impact certain sur la santé publique, évalué à 6,5 milliards par an. Oui, le rapport de la Confédération intitulé «Environnement Suisse 2018» chiffre à 6,5 milliards le montant dépensé chaque année en raison de maladies causées par la pollution.
Alors qu'apporte ce texte ? D'abord, une meilleure information. Parce que la responsabilisation individuelle est aussi importante, nous demandons en effet une meilleure information à la population. La pollution peut varier fortement d'un axe à un autre, il faut donc donner des renseignements utiles. S'ils disposent des informations nécessaires, les parents qui promènent leurs enfants, les coureurs ou les personnes âgées pourraient avoir un intérêt à modifier leur itinéraire ou leur horaire lors des pics de pollution.
Cette initiative demande en outre une amélioration de la qualité de l'air et introduit des objectifs chiffrés et graduels dans le temps afin de parvenir au respect des valeurs limites légales. Elle favorise les mesures d'assainissement pour agir à la source des émissions et propose des mesures restrictives le cas échéant. Elle instaure également des mesures urgentes, bien sûr, lors des pics de pollution. Finalement, on l'a relevé, elle introduit dans la loi sur la protection de l'environnement la question de la protection contre le bruit. Là aussi, elle préconise d'agir à la source et prévoit que le Conseil d'Etat prenne des mesures en cas de dépassement. Rien d'excessif, contrairement à ce qui s'est dit. Au contraire, cette initiative a reçu le soutien du Conseil d'Etat, qui considère qu'elle va dans le sens de la politique déjà menée. Elle renforce effectivement ses moyens d'action et fixe des échéances en vue d'un assainissement progressif pour que l'on atteigne, en agissant à la source, les objectifs découlant de la loi fédérale d'ici 2030.
Cette initiative, nous vous invitons donc à la soutenir aujourd'hui. Elle est raisonnable et demande des actions concrètes pour préserver la santé de la population et l'environnement. On peut du reste s'étonner qu'il faille passer par une initiative populaire pour demander si peu. C'est la politique des petits pas, mais ce sont des petits pas qu'il faut faire. Si on adopte ce texte et qu'on franchit ce cap ce soir, nous verrons ensuite ce qu'il en est de la mise en oeuvre de ces objectifs.
En commission, il a été regretté que cette initiative n'aille pas plus loin, notamment s'agissant de la protection contre le bruit. A toutes ces députées et tous ces députés - ma préopinante Marion Sobanek l'a relevé - je confirme qu'il reste bien du chemin à parcourir pour préserver notre santé face à la pollution, et il me semble évident qu'il est important d'associer nos forces, sur le plan tant cantonal que fédéral, pour atteindre un tel objectif. C'est alors volontiers que le groupe des Verts et moi-même discuterons de vos propositions. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à M. Guy Mettan pour trois minutes.
M. Guy Mettan (HP). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, le parti indépendant dont je suis le seul et unique représentant actuellement - mais qui sait, il sera peut-être appelé à grandir au cours de la législature ?! - vous recommande d'accepter cette initiative pour les raisons qui ont été énoncées tout à l'heure, à savoir qu'elle va dans le bon sens puisqu'elle préconise une amélioration de la situation au niveau de la pollution de l'air. On sait que notre canton, s'il est généralement bien ventilé, connaît quand même des pics de pollution - notamment en hiver, avec les particules fines - il est donc nécessaire d'intervenir sur ce plan.
La lutte contre le bruit me paraît elle aussi très importante. On n'y pense pas suffisamment, alors que l'ensemble des citoyennes et citoyens de ce canton - entre autres tous ceux qui habitent en ville et dans la ceinture périurbaine - souffrent considérablement des atteintes dues au bruit. Des progrès ont déjà été réalisés, par exemple s'agissant du bruit des véhicules, mais on peut chaque jour observer que certains d'entre eux - en particulier des motos et scooters - dépassent largement les limites; de nombreuses améliorations peuvent donc être effectuées, surtout la nuit.
Je suis par ailleurs content de constater que lors de leur audition, les milieux économiques n'ont pas mis les pieds au mur; ils ont accepté d'entrer en matière, même s'ils ont pu craindre ici ou là le coût de ces mesures. A mon sens c'est aussi un bon signal, et il faut reconnaître que ça permettra probablement d'aller de l'avant. Pour toutes ces raisons, je ne peux que vous recommander de voter cette initiative sans lui opposer de contreprojet.
Le président. Merci de cette recommandation du groupe des indépendants, Monsieur Mettan ! La parole échoit maintenant à Mme Danièle Magnin.
Mme Danièle Magnin (MCG). Je vous remercie. Dans un premier temps, je voudrais rappeler... Excusez-moi, je dispose de combien de temps, Monsieur le président ? (Remarque.) Cinq minutes ? Très bien ! Le texte de l'initiative demande donc au Conseil d'Etat de prendre des mesures pour appliquer la législation fédérale, en fixant notamment des mesures d'assainissement telles que la modération de la circulation motorisée, l'introduction de régimes différenciés pour les véhicules motorisés, où les plus respectueux des normes environnementales sont favorisés, l'installation de systèmes de chauffage plus efficients, l'assainissement des bâtiments ainsi que la réduction des émissions des chantiers, de l'industrie et de l'aéroport. Mais qu'est-ce qu'on entend ici ? On entend essentiellement qu'il faut supprimer la circulation des véhicules privés. Eh bien moi je voudrais simplement rappeler que les docteurs Michel Matter, président de l'Association des médecins du canton de Genève et vice-président de la Fédération des médecins suisses, et Laurent Favre, pneumologue, sont venus nous dire que l'incidence de la pollution de l'air était tout à fait minime et peu significative par rapport à celle de la fumée du tabac, qu'elle soit active ou passive. Ils nous ont parlé du nombre de morts et surtout du coût induit par la fumée du tabac, qui se situerait entre 5 et 6 milliards par année, si je me souviens bien. Ce chiffre ne figure toutefois pas dans le rapport, ce qui est déplorable. Sur le plan géographique, ils ont également relevé qu'il n'était pas possible d'isoler Genève de son environnement, puisqu'il était entouré de montagnes, et que la vallée de l'Arve était classée dans le top 3 des plus polluées de France. Or, comme vous le savez, l'air ne s'arrête pas aux frontières ! Nous aimerions que les frontières parviennent à arrêter certaines choses, mais nous ne pouvons pas nous attendre à ce que l'air malpropre se décide tout à coup à contourner notre bonne ville ou notre canton. Ils ont par ailleurs évoqué le nombre de 3000 morts par an en Suisse et expliqué que si l'on voulait faire du bien aux Genevois, il fallait aussi s'attaquer au tabac. En effet, ils ont rappelé que c'était un «truc énorme» - entre guillemets - en matière de pneumologie et qu'il s'agissait de la préoccupation numéro un, avant les questions de climat. Mesdames et Messieurs, nous savons que les Verts veulent détruire la circulation automobile privée. Eh bien nous, au MCG, nous ne sommes pas d'accord, nous ne partageons pas ce point de vue.
J'en viens maintenant à l'audition du TCS, plus précisément de MM. François Membrez, président de la section genevoise, et Patrick Schaub, responsable du groupe de travail «Eco-Action». Ils sont également venus nous parler des particules fines, du NO2, etc., pour en arriver à peu près à la même conclusion, à savoir que la pollution due aux véhicules privés n'est que minime.
J'aimerais par ailleurs rappeler que ce Grand Conseil a voté oui à la prolongation du délai donné aux propriétaires d'immeubles pour assainir thermiquement leurs bâtiments. Nous causons donc une pollution par le chauffage, notamment au mazout - je serais à ce titre d'avis que l'on installe des panneaux solaires et de petites éoliennes sur tous les toits - en permettant aux propriétaires d'immeubles de ne pas assainir thermiquement leurs bâtiments, et dans le même temps on menace les petits pékins que nous sommes de devoir se priver de voiture et de recevoir toutes sortes d'amendes, accompagnées d'émoluments colossaux, presque équivalents au montant de l'amende. Lorsqu'ils sont fixés par le département, ces derniers sont d'ailleurs largement plus élevés que quand ils le sont par le Ministère public ! Eh bien moi je voudrais vous dire qu'il y a d'autres mesures à prendre - c'est du reste prévu dans l'initiative - plutôt que d'obliger les gens à circuler à pied, à cheval, à vélo ou en transports publics. Nous, au MCG, nous ne soutenons pas ce texte et demandons un contreprojet. Et s'il n'y en a pas, nous nous opposerons à cette initiative et ferons campagne dans ce sens. Merci.
M. Jean Burgermeister (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, cette initiative est raisonnable, peut-être un peu trop raisonnable: les initiants ont voulu plaire au plus grand nombre. On peut le leur reprocher, mais ce ne sera pas un motif de refus.
Ce qui est sûr, en revanche, c'est qu'il s'agit d'un sujet important qui convoque des questions tout à la fois d'environnement - on parle de pollution de l'air - de qualité de vie pour les habitantes et habitants de ce canton et de santé publique - on a évoqué les milliers de décès en raison de problèmes respiratoires, de maladies qui se développent lorsqu'on est en contact avec la pollution.
Mais il s'agit également, on l'oublie bien souvent, d'une problématique sociale, puisque la plupart du temps, celles et ceux qui vivent au bord des grands axes routiers sont des personnes à revenus modestes, en comparaison avec les gens qui résident dans des villas à la campagne. Or les mesures actuelles, il faut en faire le constat, sont largement insuffisantes. En matière de dioxyde d'azote, par exemple, la tendance n'est pas à la baisse, mais à une stagnation.
Il y a un point fondamental sur lequel j'aimerais insister au sujet des mesures d'urgence automatiquement déclenchées en cas de dépassement des valeurs limites. On peut se réjouir que le Conseil d'Etat, dans un éclair de lucidité, revienne à la raison et soutienne cette initiative, alors même qu'il avait proposé de relever les seuils au-delà desquels les transports publics sont rendus gratuits. Mais contrairement à la députée PDC, Mme Bachmann, qui s'est exprimée avant moi, je pense qu'il ne faudra pas faire preuve de trop de souplesse en la matière: nous tenons à ce que ces plafonds soient respectés et qu'un dépassement de ceux-ci entraîne systématiquement les dispositifs d'urgence, en particulier la gratuité des TPG.
Une fois de plus, il est regrettable que de telles dispositions ne soient prises qu'en cas de dépassement des valeurs limites. Il faudrait plutôt agir en amont, précisément pour éviter de les atteindre. Ces valeurs limites, disons-le, ne sont pas fixées au pifomètre: des études ont montré qu'au-delà de celles-ci, la santé de la population est sérieusement atteinte. Ainsi, nous ne pourrons pas nous dispenser de prendre des mesures sérieuses, de mener résolument une politique en faveur des transports en commun et de la mobilité douce afin de diminuer l'impact de la pollution sur la population.
Cela étant, il n'y a aucune raison de s'opposer à cette initiative qui, dans ses intentions, est bonne, voire très bonne; les différentes auditions l'ont confirmé, et même les milieux patronaux qui étaient un peu sceptiques n'ont pas réussi à former de réelles oppositions. Ils ont simplement dit: «Nous n'avons rien à lui reprocher, mais nous sommes prudents, car elle pourrait être interprétée d'une manière qui péjorerait nos activités.»
En conclusion, cette initiative ne mange pas de pain, mais va dans le bon sens et pourrait tout de même avoir des répercussions réelles. Voilà pourquoi le groupe Ensemble à Gauche la soutiendra. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Mme Simone de Montmollin (PLR). Pour rappel, cette initiative a été déposée au printemps 2018, en pleine période électorale. Elle aborde des préoccupations que nous partageons, celles de la qualité de l'air et de la protection contre le bruit.
On a entendu beaucoup de choses ce soir au sujet de la qualité de l'air, mais il faut rappeler qu'elle est largement analysée dans notre canton. Depuis les années 90, Genève peut se targuer de mener une politique publique qui intègre cette question et qui a porté ses fruits. Plus récemment, c'est-à-dire durant la dernière législature, on l'a évoquée dans le concept Environnement 2030, dans la stratégie de protection de l'air déployée par le Conseil d'Etat ainsi que dans son plan de mesures OPair qui introduit des objectifs chiffrés et une planification dans le temps. Enfin, il y a moins de six mois, ce parlement a adopté la loi 12196 qui répond quasiment à toutes les préoccupations que cette initiative relève, notamment les mesures d'urgence.
Alors que demande cette initiative de plus ? Une communication transparente, entre autres. Or un système de communication existe déjà, rendu possible grâce à un maillage de mesures sur l'ensemble du territoire: un réseau de quatre stations équipées de 70 capteurs mesure la qualité de l'air et les valeurs de neuf polluants 365 jours par an, 24 heures sur 24, et ces informations sont transmises à la population de manière transparente et en temps réel via le site internet de l'Etat, une application mobile de même que le site de MétéoSuisse.
Quoi d'autre ? L'initiative demande que ces données soient disponibles pour chaque commune. Mesdames et Messieurs, cela signifie qu'il faudrait installer 60 stations de mesure supplémentaires coûtant chacune 250 000 F, c'est-à-dire un investissement de 15 millions pour un résultat dont on n'a pas encore identifié la plus-value par rapport au système actuel qui fonctionne bien.
Quant aux mesures d'assainissement réclamées, la loi 12196 - adoptée par notre Conseil, je le répète - prévoit déjà la circulation différenciée et précise les mesures à mettre en oeuvre en fonction de certains niveaux d'alerte. Tout cela vient d'être voté et va être mis en oeuvre, et nous voudrions modifier ces dispositions pour apporter une autre vision des choses avec d'autres valeurs, d'autres systèmes d'évaluation, d'autres niveaux d'alerte ?!
Mes préopinants Verts et socialiste ont affirmé que le Conseil d'Etat est tout à fait en faveur de cette initiative; nous n'avons pas exactement la même lecture de sa position. Pour notre part, nous avons entendu le gouvernement dire que cette initiative va certes dans le bon sens, mais en relevant tout de même deux problèmes. Le premier, c'est le délai d'ordre de six mois prévu dans le texte afin de mettre à exécution des mesures contraignantes supplémentaires, une échéance jugée irréaliste par toutes les parties. Or vu qu'elle n'entraîne pas de conséquences juridiques, on s'est dit: «Pas grave, laissons-la dans la loi !» Ce n'est pas notre opinion: une loi est faite pour être respectée, pour être mise en oeuvre, pas pour être interprétée à demi-mot, voire ignorée si on n'arrive pas à l'appliquer.
Le second, c'est que l'initiative prévoit la gratuité des TPG au niveau 1, alors que la loi 12196 l'instaure au niveau 2. A ce propos, je me permets de citer les propos de M. le conseiller d'Etat lors de son audition: «Il explique que les coûts de 156 000 F par jour induits par la gratuité seraient mieux investis sur d'autres mesures, surtout que cette mesure concerne des gens qui, pour la plupart, ont déjà l'abonnement annuel. Du coup, il ne s'agit pas du tout d'une mesure efficace de lutte contre la pollution de l'air.»
Alors nous voulons bien entrer dans une logique d'amélioration constante de notre attention par rapport à cette question, mais nous sommes un peu las de nous faire houspiller sans arrêt par les Verts qui nous assènent des chiffres avec un certain catastrophisme pour décrire une situation qu'ils voudraient corriger et souligner le bien-fondé de leur démarche.
Quant à nous, il nous paraît utile de mentionner d'autres chiffres qui, eux, sont parlants et ont été confirmés par le département: les valeurs des PM10 et des oxydes d'azote se situent parfaitement dans les normes fixées par la Confédération; c'est au niveau de l'ozone qu'on a encore quelques soucis, mais cela dépend plus de la météo que de notre comportement. Il faut aussi souligner que la politique mise en place ces dernières années est efficace et produit des effets. Si l'on souhaite aller plus loin, et c'était notre objectif en renvoyant cette initiative en commission, il s'agit d'oeuvrer en faveur de la seule partie de l'initiative qui mérite une attention particulière, soit la protection contre le bruit.
Après discussion, les Verts n'ont pas souhaité proposer un contreprojet afin de corriger les défauts constatés par le Conseil d'Etat. Nous n'allons pas nous opposer à l'initiative, parce que nous souhaitons montrer notre bonne volonté dans ce dossier, mais nous n'allons pas non plus l'accepter, parce qu'elle n'amène aucune plus-value et risque au contraire d'être dommageable pour la politique du Conseil d'Etat si elle entre en vigueur telle que libellée. Je vous remercie.
Mme Marion Sobanek (S). Je voudrais préciser que d'un point de vue sanitaire, 10% à 15% des gens pourraient être concernés par des problèmes liés à la pollution de l'air, selon les indications du médecin cantonal. Celui-ci ne peut pas évaluer la situation de façon plus précise, nous a-t-il dit, parce qu'il est très difficile de séparer l'air contaminé par la cigarette de celui chargé uniquement de polluants.
Enfin, cette initiative n'est pas spécifiquement dirigée contre le trafic individuel motorisé, mais sur le montant de 11,8 milliards que j'ai déjà cité et qui est imputable aux charges supplémentaires pour la santé et l'environnement, 9,5 milliards sont en lien avec le trafic des véhicules privés, donc il faudrait quand même que nous songions un jour à régler cette question... sans forcément tous nous déplacer à cheval ! Je vous remercie. (Applaudissements.)
Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, quelle joie d'entendre dans ce parlement que le PLR se préoccupe du changement climatique et des problèmes de pollution - il nous fait même la morale sur ces questions ! Je rappelle qu'il y a trois heures à peine, ce même parti acceptait un projet routier qui devait amener son lot de nuisances infernales et donc de pollution au coeur de Genève. Aussi, j'invite ses membres à élaborer des projets et à faire des propositions, notamment en matière de bruit, et je me réjouis de les voir travailler concrètement à ce sujet.
Aujourd'hui, en effet, il s'agit d'être concret sur la question du climat. La pollution en constitue la principale pierre d'achoppement, on le sait, car si la température monte, si les cours d'eau s'assèchent, si les insectes disparaissent, si les catastrophes naturelles se succèdent, si les glaciers fondent, c'est bien parce que le climat est en crise. Or cette crise est directement provoquée par la pollution. Je vous remercie d'accepter cette initiative. (Applaudissements.)
Le président. Merci. La parole échoit maintenant à M. Marc Falquet. (Un instant s'écoule.)
Une voix. Marc !
M. Marc Falquet (UDC). Ah oui, pardon...
Le président. Monsieur Falquet, c'est à vous !
M. Marc Falquet. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, c'est vrai que la situation est difficile. A mon avis, il faut surtout remercier le ciel de nous donner du vent, parce que sans lui, nous serions déjà morts avec la pollution qu'il y a à Genève ! Pour l'instant, ce ne sont pas les mesures du Grand Conseil qui vont sauver le climat, mais bien le vent qui souffle sur notre canton. (Commentaires.)
Notre concept, c'est de restreindre les constructions. Vous parlez de limiter les douches, de prendre des mesures coercitives, de freiner la circulation... On est d'accord, mais intéressons-nous aussi à la construction. Le conseiller d'Etat nous dit qu'il faut construire à Genève pour ne pas avoir besoin d'aller chercher les gens en France. En réalité, c'est le contraire: 60 000 personnes sont sur le carreau à Genève aujourd'hui, 60 000 personnes ! Donc arrêtez de dire qu'on construit pour éviter d'aller chercher les gens à l'extérieur, on construit pour faire venir les gens. Il faut cesser cette politique de croissance, je suis désolé ! Limiter la croissance, c'est aussi une question qu'on doit se poser. (Un instant s'écoule.) Voilà ! (Rires. L'orateur rit.)
Une voix. Quand on est con, on est con !
M. Marc Falquet. Sinon, j'entends, il n'y a pas de solution ! Le tableau ne se restreint pas aux Verts qui ne polluent pas d'une part et aux autres qui polluent d'autre part, tout le monde pollue, chacun possède un téléphone, chacun consomme de l'énergie. On vit dans une société où on ne sait que consommer, on ne sait que polluer. A ce propos, il faudrait peut-être remettre en cause les salaires élevés, car leurs bénéficiaires sont ceux qui polluent le plus, qui prennent le plus l'avion; il s'agirait de développer les postes à mi-temps, de partager la charge de travail pour que les gens restent ici.
Il existe toute sorte de mesures à prendre qui ne consistent pas seulement à couper la douche à 10h ou à baisser la température - il se trouve que j'ai déposé une motion dans ce sens qui est excellente... (Rires. L'orateur rit.) ...parce qu'elle lutte contre le gaspillage. Mais y a tellement de choses à faire ! Chacun porte une responsabilité, et je pense que nous devrions nous montrer plus solidaires dans la réalité, on pourrait diminuer les salaires, ça éviterait une surconsommation. (Commentaires.) Je suis désolé, mais c'est vrai, parce que les pays pauvres sont ceux qui polluent le moins. Les gens veulent gagner toujours plus d'argent, plus consommer, plus voyager. On est dans cette société un peu schizophrénique où on croit que ce sont seulement les autres - et les voitures ! - qui sont responsables de la pollution.
Pour le reste, l'UDC préférerait renvoyer cette initiative en commission afin d'y élaborer un contreprojet. Il convient d'étudier des solutions globales pour essayer de limiter la consommation d'énergie et pas seulement de s'attaquer aux véhicules. Il y a trop de voitures, on est d'accord, mais pourquoi ? Parce que 100 000 pendulaires traversent le canton chaque jour pendant que 60 000 personnes sont sur le carreau ! Que les employeurs fassent un petit effort pour embaucher les gens, nos aînés, nos jeunes qui ne trouvent plus de boulot aujourd'hui. Mais non, on continue à faire venir des entreprises... Voilà, donc l'élaboration d'un contreprojet serait la meilleure solution pour analyser cette initiative à fond. Merci beaucoup.
Des voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. Il n'y aura contreprojet que si l'initiative est rejetée. Si elle est acceptée, en un vote, elle aura force de loi. A présent, je donne la parole au rapporteur, M. Philippe Poget.
M. Philippe Poget (Ve), rapporteur. Oui, Monsieur le président, merci. Je voudrais apporter quelques réponses aux arguments qui ont été avancés. Je salue d'abord le propos de M. Falquet qui tend vers la sobriété heureuse - on va se rejoindre sur plein de bonnes idées dans ce cadre-là !
Ensuite, chers collègues, quand on parle de mesures d'assainissement, ce n'est pas dirigé exclusivement contre le trafic automobile, mais en général contre une consommation excessive d'énergie: il s'agit aussi d'isoler les bâtiments, de limiter les émissions des chantiers et des entreprises. Ce sont des actions à l'échelle globale, même si vous avez toujours l'impression qu'on est contre les voitures. Les mesures d'assainissement, c'est une lutte à la source contre les polluants et c'est ce qu'on veut mettre en oeuvre avec cette initiative que je vous encourage bien sûr à accepter, comme l'a fait la commission. Merci.
M. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat vous invite à approuver cette initiative. Il la perçoit comme une confirmation de sa propre politique menée depuis des années dans les deux principaux domaines touchés ici, à savoir la protection de l'air et celle contre le bruit. A l'heure actuelle, les questions de qualité de vie et de santé publique sont de plus en plus prégnantes. On le sait, notre société qui se dit post-industrielle est en réalité encore très industrielle, et l'activité humaine produit énormément d'émissions: des émissions globales - c'est tout le débat autour du réchauffement climatique - et des émissions locales; en l'occurrence, cette initiative concerne notre environnement proche s'agissant de l'air et du bruit.
Chaque année, en Suisse, on estime à plus de 3000 les morts prématurées liées à la pollution de l'air. Dans les milieux urbains, et Genève est évidemment l'un des cantons les plus denses, cette situation est plus aiguë. J'ai été frappé par un chiffre. Souvent, dans le domaine sanitaire, les Suisses se comparent avec le reste de l'Europe et les Européens avec le reste du monde; eh bien sachez que les Genevois ont une capacité pulmonaire de 10% inférieure à celle des Valaisans, Mesdames et Messieurs. (Commentaires.) Je ne pense pas que la consommation d'alcool y soit pour quoi que ce soit ! Ces différences médicales au sein d'un même pays - même dans un tout petit pays comme le nôtre - illustrent bien l'impact de la mauvaise qualité de l'air sur la santé, et cela mérite toute notre attention. L'initiative viendra appuyer le plan de mesures OPair pour la période 2018-2023 qui vient d'être mis à jour et qui - je ne reviendrai pas là-dessus, on m'a demandé d'être bref - comprend déjà toute une série de dispositifs.
Peut-être un mot sur la question des pics de pollution, parce que plusieurs intervenants ont souligné le fait que cette initiative viendrait déséquilibrer la loi 12196 que vous avez adoptée il n'y a pas longtemps. La différence entre les deux textes ne se situe pas uniquement dans la gratuité des TPG: les seuils ne sont pas tout à fait les mêmes, les mécanismes méthodologiques de déclenchement non plus. Il est vrai que si vous acceptez l'initiative, il y aura une légère discrépance entre les deux législations, mais on est vraiment dans l'épaisseur du trait. Nous devrons déterminer avec l'administration comment concilier tout cela; si nous n'y parvenons pas, nous reviendrons devant votre parlement pour apporter des correctifs, sachant par ailleurs que la loi évoquée fait l'objet d'un recours du TCS et que, par conséquent, les juges vont se prononcer dessus. Ainsi, nous devrons encore attendre cette vérification judiciaire pour être plus précis. Voilà pour cette parenthèse.
Concernant le bruit, Mesdames et Messieurs, les plans d'assainissement nécessitent des moyens financiers - je pense par exemple au revêtement phonoabsorbant qui donne de très bons résultats sur les routes. Sur ce plan, les communes sont les principales actrices de la rénovation, puisque c'est elles qui détiennent la majeure partie du domaine public. L'Etat, avec ses routes cantonales, s'y met également. A cet égard, il faut souligner que c'est la Ville de Genève qui a pris le plus de retard en la matière - c'est d'ailleurs un enjeu qui pèse sur les épaules de l'administration municipale. Nous avons aussi pour but de faire reculer le bruit partout où c'est possible, notamment celui de la motorisation par le biais de l'électromobilité.
Une incise pour le groupe des indépendants - pour le groupe de l'indépendant, plutôt: avec la police cantonale, nous avons décidé de prioriser les actions contre les deux-roues qui font un bruit assourdissant. En effet, Monsieur, un seul véhicule peut avoir un impact sur tout un quartier la nuit, vous avez parfaitement décrit la situation que beaucoup de Genevoises et de Genevois subissent. Nous entendons ainsi mettre en place des moyens techniques pour augmenter le nombre de flagrants délits; ce n'est pas évident, mais cette question va faire l'objet d'une attention particulière cette année.
Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat vous invite à adopter cette initiative. Il y aura toute une série de lois, de mesures, de budgets à mettre en oeuvre, car il s'agit d'une initiative-cadre, mais elle est tout à fait pertinente par rapport aux enjeux de santé publique et de protection de l'environnement qui sont les nôtres aujourd'hui.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, c'est le moment de vous prononcer sur cette initiative.
Mise aux voix, l'initiative 169 est adoptée par 50 oui contre 20 non et 23 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Premier débat
Le président. Nous abordons le point suivant de notre ordre du jour. Il s'agit de la première urgence, demandée tout à l'heure par le Bureau afin de renvoyer ce PL 12219-A en commission. Cet objet est classé en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole... (Un instant s'écoule. Remarque.) Mais qui vous empêche de demander la parole ? (Commentaires. Un instant s'écoule.) Monsieur Alberto Velasco, je vous passe la parole.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. On m'a effectivement informé, en tant que rapporteur de majorité, que le Bureau demande le renvoi en commission. Monsieur le président, j'ai lu la lettre qui nous a été envoyée, de même que l'avis de droit. Je peux dire ici que ce n'est qu'un avis de droit et qu'il ne concerne en rien - mais en rien ! - le texte qui vous est proposé ! Il dit qu'on enfreint le droit fédéral relatif aux caisses de pension, ce qui n'est pas du tout vrai ! La seule chose qu'on cherche à faire avec ce projet de loi, c'est à instaurer une nouvelle disposition afin que les immeubles soient soumis aux standards THPE, c'est-à-dire garantis haute technologie.
Les caisses prétendent que si ce projet de loi est adopté, leurs bénéfices - ou leurs rendements immobiliers - seront entamés. Ce n'est pas du tout vrai puisque ce sont les plans financiers qui seront affectés. Et les plans financiers seront ensuite répercutés sur les loyers; en réalité, ce sont les locataires qui auront peut-être à payer un loyer plus cher ou moins cher. Mais ça ne va pas du tout affecter le rendement de l'immeuble ! Pour personne !
La seule chose qui change, Monsieur le président, et c'est là que c'est important, c'est qu'au moment où cette loi entrera en vigueur, l'Etat de Genève n'aura plus à subventionner ces édifices ! Aujourd'hui, ceux qui optent pour de la THPE reçoivent une subvention de l'Etat; demain, quand la loi entrera en vigueur, ce standard sera la norme et l'Etat n'aura plus à le subventionner ! Les plans financiers devront donc effectivement compenser totalement le coût de cette loi. Il est inadmissible que ces gens-là prétendent autre chose ! Le renvoi en commission avant un retour en plénière aura pour seul effet de dilater le traitement de cet objet et d'engendrer des coûts supplémentaires. Nous aurions très bien pu voter ce projet de loi aujourd'hui - projet de loi qui s'applique non seulement aux caisses mais aussi à tous les bâtiments publics, de manière à assurer une égalité de traitement !
Je ne comprends pas pour quelle raison vous et le Bureau êtes entrés dans ce débat, Monsieur le président ! Il aurait fallu laisser ce texte et le rapport en plénière, de même que le recours - ce n'est même pas un recours mais un avis de droit. Nous aurions voté; à eux de faire recours par la suite, et peut-être de le gagner ! Ou pas ! Monsieur le président, je trouve qu'il est inutile de renvoyer ce projet de loi en commission !
Le président. Nous avons bien compris votre position. Rien ne vous empêche - rien ne nous empêche - de traiter ce projet de loi ce soir si telle est la décision de l'assemblée. Je passe en attendant la parole à M. le député Adrien Genecand.
M. Adrien Genecand (PLR). Merci, Monsieur le président. Je me permets de demander formellement le renvoi en commission. Peut-être faut-il expliquer au rapporteur de majorité un point qui lui a probablement échappé: les caisses de pension, qu'il le veuille ou non, ont des impératifs d'investissement dictés par le droit fédéral. Ce que la caisse de pension qui nous a écrit a dit de façon très simple, c'est qu'on peut en général faire ce qu'on veut avec les entités sous notre tutelle, mais que les caisses de pension - malheureusement pour vous, Monsieur le rapporteur de majorité - ont un droit impératif, supérieur, à respecter ! Et ce projet de loi est, à son sens, contraire au droit supérieur.
Il convient par conséquent de faire une seule chose: enlever les caisses de pension du périmètre de la loi, ce qu'on peut parfaitement faire à la commission de l'énergie. Je demande qu'on puisse traiter cet aspect sereinement, Monsieur le président, et donc de renvoyer le texte en commission.
Le président. Je vous remercie. Puisque le renvoi en commission a été formellement demandé et que l'on connaît la position de M. Velasco, nous passons au vote.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12219 à la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève est adopté par 81 oui contre 6 non.
Premier débat
Le président. Nous sommes en catégorie II, soixante minutes, pour le point suivant à l'ordre du jour. Je ne sais pas si on va arriver à le terminer aujourd'hui, mais voilà comment ça va se passer: j'annoncerai le huis clos aux alentours de 22h30 et nous stopperons notre débat. Nous le continuerons demain de plain-pied puisqu'il n'y aura que l'interruption de la nuit. Aujourd'hui, on va jusqu'où on peut ! Je suis désolé de faire comme ça, mais nous avons un appel en moins pendant ces deux jours.
Le rapport de majorité est de M. le député François Lance, le rapport de minorité de M. le député Stéphane Florey, et nous avons, pour le PL 12136-B, un rapport de deuxième minorité de M. le député Sandro Pistis, remplacé par M. Francisco Valentin. Je passe immédiatement la parole à M. François Lance.
M. François Lance (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, deux secteurs sont concernés par ces modifications de zones. Ils font partie d'un contexte plus vaste, à savoir le grand projet Vernier-Meyrin-aéroport, dont les premières études ont commencé en 2006 déjà. Le PL 12136-B concerne Cointrin-Est; il s'agit d'un secteur de 8,5 hectares sur 89 parcelles. Le PL 12137-B concerne quant à lui Cointrin-Ouest, un secteur de 14 hectares sur 137 parcelles. A terme, le but de ces modifications de zones est de faire émerger un quartier urbain mixte proposant du logement, des activités commerciales de proximité, des bureaux et de l'équipement public.
Après le traitement approfondi de ces deux projets de modifications de zones, Mesdames et Messieurs les députés, la majorité de la commission vous recommande d'accepter ces deux projets de lois tels que sortis de commission, essentiellement pour les raisons suivantes. Premièrement, il est nécessaire de prévoir des zones constructibles à l'intérieur de la couronne urbaine afin de respecter le plan directeur cantonal 2030 et de satisfaire ainsi aux demandes de la Confédération relatives à la préservation de la zone agricole. Construire du logement le long des axes de transports publics et sur des secteurs proches du centre-ville répond en outre à l'intérêt général. Il faut par ailleurs considérer ces modifications de zones comme des décisions de principe et non pas encore comme un acte d'urbanisme. Enfin, grâce à l'amendement déposé par le groupe PDC en commission, on peut assurer une répartition des catégories de logement selon l'article 4A LGZD actuel, dans ces deux périmètres et à chaque autorisation de construire.
La majorité de la commission a pris également note des éléments qui devront être pris en considération lors de l'élaboration ou du traitement de demandes de renseignements ou de PLQ. Citons par exemple le respect du plan-guide convenu entre le Conseil d'Etat et le Conseil administratif de Meyrin, le traitement optimal du problème de la réverbération du bruit des avions sur les bâtiments à construire, la prise en compte des besoins futurs en transports publics et infrastructures de mobilité douce et l'accompagnement des propriétaires actuels dans le processus de vente de leur propriété moyennant des conditions financières ou de relogement qui répondent à leurs attentes.
La majorité de la commission vous recommande d'accepter également la motion 2518 qui invite le Conseil d'Etat à tout mettre en oeuvre pour assurer la construction, sur les deux périmètres concernés par ces déclassements, d'un minimum de 15% de logements en PPE destinés à la vente. Le gouvernement est invité en outre à s'assurer qu'au moins deux tiers des surfaces brutes de plancher prévues par les PLQ, hors équipement public, seront destinés au logement sur les deux périmètres concernés.
Pour les raisons évoquées, la majorité de la commission vous invite donc à voter en faveur de ces deux modifications de zones ainsi que de la motion telle qu'amendée en commission.
M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, accepter ces deux déclassements, c'est accepter d'amener plus de pollution, de créer une zone qui sera infernale au niveau du bruit. C'est chasser des gens de leur logement, et c'est également perdre de la substance fiscale: on sait aujourd'hui, et c'est notamment prouvé par les revenus fiscaux du canton, que le type de population qui habite dans la zone villas rapporte de la substance fiscale. Ces personnes n'auront plus la possibilité de se loger à Genève aux mêmes conditions qu'actuellement et quitteront en grande majorité notre canton. Si ces déclassements sont acceptés et qu'ils doivent quitter leur logement, vu ce qui leur est offert - les prix pratiqués en ce moment sont plafonnés à 1000 F le mètre carré - ces habitants perdraient grosso modo 50% de la valeur de leur terrain et de leur logement. Ils n'auront de toute façon pas la possibilité de racheter un logement aux mêmes conditions dans notre canton.
Tout ça cumulé fait qu'on va à l'encontre de ce que voudraient toutes ces personnes qui manifestent. On l'a dit à de nombreuses reprises ce soir: il faut tenir compte de la volonté populaire, de tous ces manifestants qui nous disent qu'il y a trop de pollution, qu'il y a trop de circulation. Et vous, vous voulez développer ces quartiers alors qu'en créant à nouveau des centaines d'appartements vous allez bel et bien amener plus de circulation et donc plus de pollution. Mesdames et Messieurs, vous êtes pris à votre propre piège ! C'est ça, la réalité ! Vous êtes dans le déni quant aux vraies causes du problème de la pollution à Genève ! Vous voulez sans cesse amener plus de population - c'est bel et bien le cas: les appartements ne sont pas destinés à nos propres résidents, ils seront pour des gens qui viendront de l'extérieur du canton, et vous le savez !
Plus de personnes, donc plus de pollution: tout ce que vous devriez refuser si vous étiez un peu conséquents dans vos arguments et dans votre politique, Mesdames et Messieurs ! Non, vous préférez dire qu'il faut faire venir tout le monde, qu'il faut construire. Mais votre but, on l'a bien compris, c'est de surdensifier toute la couronne autour de l'aéroport pour finalement tuer une partie de l'économie genevoise. Ça a été dit noir sur blanc par un représentant des Verts à la commission d'aménagement du canton: leur but est de développer toute la couronne. Une fois que les habitants seront sur place, on se rendra vraiment compte que le bruit des avions, qui est le deuxième problème de ces déclassements, est insupportable. Et c'est nous qui aurons créé des zones insupportables, en partie à cause de la réverbération du bruit des avions.
On a traité, en commission, de deux études parallèles. Il y a bien sûr l'étude du SABRA, selon laquelle c'est impossible que ça pose problème puisqu'on va construire d'une certaine manière et que de toute façon on n'est pas très sûr des conséquences. Et donc, comme on ne sait pas, on ne peut pas supposer que ! Il faut nier l'évidence, construire, et on verra bien après ! C'est exactement ce que veut un commissaire Vert: densifier un maximum, et une fois qu'on aura noir sur blanc qu'il y a trop de bruit, eh bien les Verts diront qu'il faut réduire le nombre d'avions à Genève pour régler la question ! Par ailleurs, la deuxième étude, faite par un bureau qui s'appelle EcoAcoustique, démontre tout le contraire. Autre problème, il y a énormément d'oppositions.
La réalité dans cette affaire, c'est donc qu'on a deux études qui s'opposent, et on est incapable aujourd'hui de dire qui a raison. C'est la réalité. Si vous déclassez, si vous surdensifiez cette zone, vous prenez tout simplement le risque de créer un enfer au niveau du bruit. Les gens iront y habiter mais ils ne voudront jamais rester dans ce type d'endroit.
Encore une chose: nous aurons détruit toute la biodiversité qui a mis des dizaines d'années à se développer dans ces quartiers de villas. Ça aussi, c'est une réalité: on sait qu'il y a énormément de biodiversité dans les quartiers de villas, et vous allez détruire cela. (Remarque.) Monsieur Martin, je prendrai sur le temps de mon groupe; vous n'avez pas besoin de me faire des signes, merci ! Voilà ce que vous allez détruire: tout ce que les habitants ont créé dans ces quartiers où il fait bon vivre, où même la population extérieure aime aller se promener. C'est aussi ça la réalité sociale de notre canton ! On voit que les personnes du quartier des Avanchets, de ces grands quartiers d'immeubles aux alentours, aiment bien se promener dans les quartiers de villas et entretenir des relations humaines et de bon voisinage. Voilà ce qu'il faut, et non pas des ghettos où il y aura plein de bruit et de pollution.
Ce qui est aussi paradoxal, c'est que vous avez refusé de créer de nouvelles routes d'accès dans des quartiers qui sont déjà développés. Mais que ferez-vous quand tous ces nouveaux quartiers seront surdéveloppés et qu'on viendra vous dire qu'il faut créer des voies de circulation pour eux ? Je pense bien évidemment que vous les refuserez aussi, sous les mêmes prétextes avancés pour refuser les liaisons L1 et L2 tout à l'heure. Voilà, j'en ai terminé pour l'essentiel et je reprendrai au besoin la parole plus tard. Je vous remercie.
M. Francisco Valentin (MCG), député suppléant et rapporteur de deuxième minorité ad interim. Voilà un magnifique exemple de schizophrénie parlementaire: il n'y a pas plus d'une demi-heure, nous votions pour nous préserver à tout prix de la pollution de l'air et sonore. Tout le monde était enchanté et se congratulait, et que fait-on maintenant ? On décide - enfin, certaines personnes décident - de créer un quartier dans une zone qui n'est pas propice à l'habitation, qui est polluée par le bruit et par les gaz des avions. Et là, c'est formidable ! Oui, bien sûr, les avions vont déménager ! Et j'imagine que c'est la Ville de Genève qui va payer les 50 millions d'impôts dont l'aéroport s'acquitte chaque année ? Je me réjouis de voir ça, Monsieur Pagani !
La schizophrénie absolue, c'est vouloir sacrifier toute une partie de la population, Mesdames et Messieurs les bétonneurs du canton, et j'aimerais savoir qui vous avez l'intention de sacrifier. Qui avez-vous l'intention de rendre hystérique avec le bruit des avions, pour servir votre ego démesuré de dogmatiques soi-disant verts ? Bien sûr, on l'a évoqué tout à l'heure, le but avoué est de simplement fermer l'aéroport un jour. Diminuer le trafic aérien serait une excellente chose; mais si on ferme l'aéroport, j'aimerais savoir qui va payer. Notre magistrat chargé de l'aménagement a balayé, pour des raisons qui lui sont propres, la M 2350 qui parlait aussi du quartier des Corbillettes, alors qu'on avait là un consensus avec des propriétaires. Il s'est totalement moqué de cette motion et de cette possibilité quand bien même il y avait des gens qui étaient, eux, d'accord de vendre.
Le groupe MCG regrette que le principe de mixité entre les diverses formes de logement sacrifie une fois de plus la zone villas. Il s'agit d'une politique que nous ne pouvons pas suivre, parce que cet acharnement à l'encontre des espaces de verdure et de la biodiversité n'est pas un bon principe ! Il est important de conserver un poumon de verdure dans des zones très urbanisées et surtout soumises à un bruit quotidien, avec l'autoroute et les avions. C'est la fonction remplie par la zone villas, une fonction tout à fait nécessaire pour la qualité de vie et qui profite, comme mon collègue Florey l'a évoqué, à tous les Genevois.
Nous souhaitons également une équité dans la construction de PPE en zone de développement. La propriété par étage est nécessaire pour la classe moyenne, condamnée à s'exiler malgré elle en France - voisine, évidemment. En effet, c'est un élément capital dans une politique du logement de qualité et appelée à se pérenniser. Sur ces points, les objets qui nous sont soumis ne sont pas du tout satisfaisants. C'est pourquoi nous vous demandons de les refuser totalement, selon un principe qui vous est cher: le principe de précaution. Je vous remercie.
M. Rémy Pagani (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, chers collègues, je comprends très bien la logique de M. Lance, parce qu'elle reflète, et je l'en remercie, les discussions que nous avons eues en commission. Mais la logique qui structure la position de M. Florey ! Je dois dire que je n'ai rien compris, parce qu'elle a consisté à aligner des choses et à dire des contrevérités. J'en reprends juste une ou deux.
Nous dire que tout est pollué dans cette région-là alors que des milliers de personnes habitent la cité des Avanchets et dans la zone villas ! Jusqu'à maintenant ils ne sont pas morts, et ils y sont très bien. Deuxième contrevérité, Monsieur Florey, c'est le prix des terrains. Dire devant les gens qui nous écoutent qu'ils vont perdre de l'argent avec la transformation de cette zone villas en zone de développement 3 ! Vous savez très bien que nous avons analysé la question en commission et que des spécialistes nous ont dit que même en la transformant en zone ordinaire, le prix des terrains ne serait pas... Il serait légèrement supérieur, mais pas significativement. C'est la réalité ! Il faut donc arrêter et trouver une logique à tout ça !
Notre logique, à Ensemble à Gauche, se fonde sur la justice sociale et sur la justice territoriale. Parce qu'il y a un vrai problème d'injustice territoriale dans ce canton. On expulse la classe moyenne ou les gens qui n'arrivent plus à trouver un loyer bon marché dans notre région, dans notre bassin de vie. On les fait vivre à l'extérieur, ce qui entraîne des allers-retours tous les matins et tous les soirs. Allez vous promener sur les petites routes - nous en avons débattu tout à l'heure - dans toutes les communes genevoises et vous verrez les files d'attente. Que ce soient des riches ou des pauvres, c'est une injustice territoriale qu'il faut changer !
Aujourd'hui, nous sommes à la croisée des chemins, parce que la législature précédente n'avait pas voulu faire ce pas. Nous proposons de faire ce pas aujourd'hui et de dire que nous voulons mettre fin à ce va-et-vient et à cette injustice sociale, ou en tout cas les atténuer - 2500 logements ont été construits l'année passée.
J'aimerais aussi souligner un fait très important: on doit également se poser la question de l'urbanisation du golf de Cologny ! (Commentaires.) Il en va de la justice territoriale ! On ne va pas entasser les gens près de l'aéroport, à Vernier ou ailleurs, et laisser des personnes dans un cadre exceptionnel jouer au golf alors qu'on peut aussi urbaniser ces zones-là.
Mesdames et Messieurs, Ensemble à Gauche est pour la justice sociale et pour la justice territoriale. Il faut au maximum donner à la population qui travaille et vit dans cette région les moyens d'éviter de se déplacer, d'avoir un bon confort de vie et d'habiter des quartiers de bonne qualité. Je vous remercie de votre attention.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, le parti socialiste va très clairement voter ces modifications de zones. Pourquoi ? Tout d'abord, elles répondent au plan directeur cantonal. Je rappelle que si les auteurs des rapports de minorité viennent de partis qui n'ont pas soutenu ce plan, les autres partis l'ont voté à l'unanimité et nous devons aujourd'hui le réaliser. Cela veut dire utiliser la zone à bâtir existante, et je crois qu'il n'y a pas trente-six mille possibilités; si l'on veut répondre aux injonctions de la Confédération et préserver la zone agricole, eh bien on doit mieux utiliser la zone à bâtir existante - c'est-à-dire densifier là où c'est possible et là où le demande le plan directeur cantonal. (Brouhaha.)
Pour répondre à la question de l'environnement telle qu'elle a été soulevée, il faut dire que ce projet peut très clairement se développer là où il se développe, parce qu'il y a une desserte suffisante... (Brouhaha.) Je m'excuse, Monsieur le président, mais il y a tellement de bruit que ce n'est pas possible de parler.
Le président. Bien, arrêtez une seconde; je vais faire cesser le bruit illico !
Mme Nicole Valiquer Grecuccio. Merci. (Un instant s'écoule. Brouhaha.) Si vous pouviez faire moins de bruit pour que je puisse terminer, s'il vous plaît ! Merci.
Le président. Je m'occupe du bruit, une seconde.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio. Oui, oui, mais je crois qu'ils ne vous ont pas entendu.
Le président. S'il vous plaît ! On va laisser parler notre collègue Nicole, à qui je repasse la parole. (Le silence revient.)
Mme Nicole Valiquer Grecuccio. Merci, Monsieur le président. Le projet peut également se développer parce qu'il y a une desserte en transports publics. Pour répondre, donc, aux questions d'environnement telles que les ont soulevées les rapporteurs de minorité, on doit dire que les projets de développement urbain sont implantés là où il y a une desserte en transports publics suffisante, et c'est le cas dans le secteur dont on parle.
Je rappelle ensuite qu'une modification de zone est une autorisation à développer, mais qu'elle ne dit encore rien du projet, et c'est bien là l'enjeu. Nous devons accompagner ce projet de développement, notamment en garantissant la mixité. C'est pour cette raison que la majorité de la commission a soulevé l'importance de répondre aux différents besoins, en proposant des catégories de logement qui répondent à l'article 4A de la loi générale sur les zones de développement. Cela assure une stabilité et permet aux propriétaires de savoir quels types de logements seront développés. Cette mixité garantit qu'il y aura aussi des logements pour la classe moyenne et de la PPE; les propriétaires concernés pourront ainsi trouver à se reloger.
Quant à la question du bruit, l'étude du SABRA a été évoquée. Mais il est beaucoup plus important de rappeler qu'avec des dispositifs architecturaux, à travers des plans localisés de quartier de qualité, il est aujourd'hui tout à fait possible de répondre à la problématique du bruit, comme l'a démontré l'office de l'urbanisme. Au lieu donc d'utiliser la peur des propriétaires, on doit au contraire leur dire qu'il est possible de développer, avec eux, des projets de qualité. Qu'il est possible qu'ils soient partenaires de ce développement: ils peuvent accompagner ces projets et en être acteurs.
Le département a d'ailleurs rappelé que les conditions financières ne leur sont pas défavorables et a insisté sur le fait qu'il travaille actuellement sur d'autres méthodes, qui permettront à ces propriétaires de s'y retrouver. Il est absolument faux de dire que ces propriétaires vont être chassés. Je pense que c'est instrumentaliser la situation et faire peur aux gens alors qu'il faudrait plutôt leur dire qu'ils peuvent être acteurs du développement. Il en va de notre responsabilité de le rappeler pour garantir le droit au logement pour tous et toutes.
Enfin, la motion telle qu'elle est sortie de commission - après l'adoption de l'amendement des Verts - et que la majorité de la commission a acceptée vise à garantir deux tiers de logements sur les deux périmètres qui seront développés. C'est aussi une manière de rassurer la commune et de lui montrer qu'on a entendu sa demande.
J'en appelle encore une fois à la responsabilité de chacun. Avec un accompagnement adéquat, ces projets peuvent être réalisés dans la qualité. Mais aussi, on devrait arrêter de tenir un discours outrancier et accompagner au contraire le département dans ses efforts pour expliquer comment on répond aux besoins en logements des plus défavorisés, de la classe moyenne, de ceux qui peuvent habiter en PPE. C'est pour cet enjeu-là que nous nous battons, enjeu auquel le groupe socialiste adhère pleinement. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. André Pfeffer (UDC). Ces deux périmètres sont très importants: il est question de 1300 logements et de plus de 500 emplois à Cointrin-Ouest, de 1000 logements et de plus de 300 emplois à Cointrin-Est. Il est prévu d'y ériger une multitude de barres d'immeubles, un édifice appelé «vitrine économique» le long de l'autoroute, des équipements publics, etc.
Il faut aussi rappeler que ces deux projets seront non seulement à proximité immédiate de l'aéroport, de l'autoroute et des voies de chemin de fer, mais qu'ils seront également entourés de dix autres grands ensembles. Dans ce secteur existent - ou existeront - les quartiers du Lignon, des Libellules, le projet «Voies CFF», les Avanchets, les Corbillettes, le quartier de l'Etang, etc. En regroupant le quartier de l'Etang avec les projets de Cointrin-Est et Ouest, nous aurons un secteur de la taille du Lignon. Les quartiers Cointrin-Est et Cointrin-Ouest seront plus denses que Meyrin.
L'urgence de ce déclassement est incompréhensible. Les incertitudes au sujet des nuisances et du bruit sont gigantesques. Il y a 137 propriétaires et 78 oppositions - 28 oppositions à Cointrin-Ouest et 50 à Cointrin-Est. Il existe aussi un recours pendant devant les tribunaux pour une construction à Cointrin-Est. En plus, il y a également une menace de référendum, ce qui bloquerait tout développement pour des années, voire des décennies.
Nous sommes aussi confrontés à d'autres incertitudes. Exemple: l'article 4A de la loi générale sur les zones de développement arrive à échéance le 31 juillet de cette année. A cause de cette échéance, les types et les catégories de logements qui seront un jour construits à Cointrin ne sont pas clairement définis à ce jour. De plus, il est absurde de vouloir déclasser ce périmètre à la va-vite, parce qu'une partie du périmètre de Cointrin-Est et Ouest est située à l'intérieur de la nouvelle courbe PSIA. De ce fait, la partie concernée est et restera inconstructible.
Avec tous ces problèmes et manquements, il serait souhaitable de suspendre ou de geler ces deux déclassements. Pour ces raisons, je recommande un nouveau retour en commission. Merci pour votre attention.
Le président. Vous demandez donc un renvoi en commission ? (Remarque.) Bien. Je vais sonner et, après le vote sur le renvoi en commission demandé par M. Pfeffer, nous nous arrêterons pour aujourd'hui. Le débat continuera demain à 17h avec ceux qui ont demandé la parole - Monsieur Blondin, vous serez le premier orateur. Je donne maintenant la parole, s'il la veut, à M. Lance sur le renvoi en commission.
M. François Lance (PDC), rapporteur de majorité. Oui, merci, Monsieur le président. La majorité de la commission n'est pas favorable à un retour en commission de ces objets puisque nous y étudions le déclassement des deux périmètres en question depuis plusieurs années - depuis 2017. L'étude du déclassement a en effet repris avec la nouvelle législature, et une majorité a été trouvée qui nous permet de nous prononcer ce soir sur ces modifications de zones. Donc, pas de renvoi en commission.
Le président. Je vous remercie. La parole, s'il la veut, est à M. Florey. (Remarque.) Non. Monsieur Valentin ?
M. Francisco Valentin (MCG), député suppléant et rapporteur de deuxième minorité ad interim. Merci, Monsieur le président. On nous demande de choisir entre la peste et le choléra. De prime abord, le MCG refusera le retour en commission et refusera ces objets; mais nous pourrions nous contenter d'un retour.
Le président. Merci. Nous passons au vote sur la demande de renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12136, le projet de loi 12137 et la proposition de motion 2518 à la commission d'aménagement du canton est rejeté par 48 non contre 42 oui.
Le président. J'interromps là le débat sur ces objets. Nous reprendrons demain à 17h, exactement où nous en sommes restés. Nous avons pris note des députés qui se sont déjà annoncés ainsi que du temps écoulé, et nous continuerons comme si de rien n'était.
Fin du débat: Séance du mercredi 10 avril 2019 à 17h
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons traiter à huis clos le RD 1274. Le Conseil d'Etat s'est déjà retiré, et je demande aux personnes qui sont dans les espaces réservés au public et à la presse de bien vouloir quitter le bâtiment. Lorsque ce sera fait, je prie les huissiers de fermer les portes et Mme la mémorialiste de couper les micros et la retransmission sur Léman Bleu ainsi que sur notre site internet.
La séance publique est levée à 22h30.
Le Grand Conseil continue de siéger à huis clos.
Cet objet est clos.
La séance est levée à 22h55.