Séance du
vendredi 22 mars 2019 à
16h
2e
législature -
1re
année -
10e
session -
61e
séance
PL 12148-A
Premier débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous examinons maintenant notre avant-dernière urgence, soit le PL 12148-A, en catégorie II, trente minutes. Le rapport est de M. Sandro Pistis, remplacé par M. Thierry Cerutti... qui a oublié sa carte, mais à qui je passe tout de même la parole. On va essayer comme ça ! Vous avez la parole, Monsieur Cerutti.
M. Thierry Cerutti (MCG), rapporteur ad interim. Merci beaucoup, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons opéré un petit changement de rapporteur pour une raison technique: ce projet de loi date de l'ancienne législature, et les titulaires de l'époque avaient été remplacés par des suppléants lors du vote à la commission d'aménagement. La position du MCG n'est donc pas celle qui figure dans le rapport, puisque nous soutenons ce déclassement, et ni mon groupe ni moi-même ne serons vraiment objectifs sur la question.
Nous avions communiqué notre changement de position à ladite commission et demandé que quelqu'un d'autre se charge du rapport, mais vu qu'aucun commissaire n'était prêt à le reprendre, on nous a imposé sa rédaction. C'est ce que nous avons fait, mais je vous dis simplement que le groupe MCG ne se trouve plus dans la majorité qui correspond à ce rapport; nous avons rejoint la minorité qui devient aujourd'hui majoritaire. (Commentaires. Un instant s'écoule.)
Le président. Eh bien si c'est tout, je vous remercie.
Une voix. Si on pouvait quand même avoir un éclairage sur l'affaire... (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît ! Y aurait-il un membre de la majorité de la commission pour remplacer le rapporteur, de façon qu'on nous présente aussi le contenu de ce projet de loi ? (Commentaires.) Bon, alors je passe la parole à M. le député Stéphane Florey.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Comme vous l'aurez compris, Mesdames et Messieurs, il n'y a pas de rapporteur de minorité. Ce qu'a dit M. le rapporteur est parfaitement juste: les majorités ont changé...
Une voix. Comme d'habitude !
M. Stéphane Florey. ...donc il va falloir faire avec les interventions de chacun pour s'y retrouver... (Exclamations.) ...et ne plus se fier à ce qui est mentionné dans le rapport. En ce qui concerne l'UDC, nous sommes divisés sur la question: une moitié votera pour, l'autre contre ce projet de loi. Pour ma part, je défendrai la position favorable.
En effet, il s'agit d'un excellent projet, mesuré et qui s'intègre parfaitement dans la commune. Cela ne devrait pas dénaturer le périmètre, comme les opposants le prétendent, d'autant que nous serons au maximum de la densité permise en zone villas par dérogation, à savoir 0,6. Ce ne sera donc pas de la surdensification, comme le disent également les opposants.
Au final, ce projet répond aux attentes de la commune: un plan de site a été élaboré et les accès routiers vont dans le sens de ce qui avait été demandé par les habitants et par l'OFROU. Nous sommes convaincus par ce projet et, de notre point de vue, il vaut toujours mieux un déclassement en zone 4A que l'horrible zone de développement 3 que la majorité vote d'habitude dans cet hémicycle. Je vous remercie.
M. Rolin Wavre (PLR). Chers collègues, je m'attendais à intervenir après un rapporteur représentant la majorité, donc je vais quelque peu modifier ma présentation. (Rires.) Je connais bien ce dossier, puisque je préside la commission d'aménagement du territoire de la commune qui a examiné le projet à plusieurs reprises et procédé à des auditions. J'y suis favorable pour toute une série de raisons.
D'abord, les bâtiments situés sur le périmètre, soit une maison de maître et des corps de ferme, sont en état de décrépitude et se dégradent de plus en plus, parce que le projet est bloqué depuis une quinzaine d'années suite à des péripéties communales. Je rappelle ensuite que le secteur concerné est très proche de la halte CEVA, qui aura son train au quart d'heure - enfin, il l'a déjà, mais ce sera encore plus intense à la fin de l'année. Le projet est donc tout à fait conforme au plan directeur cantonal et contribue à un développement rationnel et maîtrisé du territoire.
De plus, il est encadré par un plan de site prévoyant de sauvegarder la valeur de cet emplacement qui est en effet très beau. La vue sera maintenue - du lac sur la maison de maître et de la maison de maître sur le lac - tandis que les bâtiments seront construits le long de la ligne CFF et sur les côtés, de manière à ne pas prétériter le panorama. Quant aux cordons boisés qui existent actuellement, ils seront également préservés, ce qui est très important.
Mais surtout, il y a l'accès public qui est important pour beaucoup d'entre nous. A l'heure actuelle, il n'y en a pas, c'est une propriété privée qui n'est accessible à personne. Dans le plan de site, les promoteurs se sont engagés à l'ouvrir au public, et le parc devrait occuper environ les quatre cinquièmes de la propriété, puisque les constructions seront concentrées dans les zones que je vous ai décrites.
Je rappelle enfin que ce projet a fait l'objet de quatre années de discussions entre les services de l'Etat, la commune et les promoteurs, que même la CMNS n'y trouve rien à redire. Si on laisse le blocage perdurer, les promoteurs et propriétaires actuels, après quinze ans d'attente, risquent de s'en désintéresser, de revendre la propriété, voire de la parcelliser, et on pourra dire adieu à cette belle étendue qui peut être préservée par le projet, le parc ne sera plus accessible.
Mesdames et Messieurs, si vous voulez tout à la fois préserver le patrimoine historique de ces corps de ferme, assurer un accès public à cet emplacement, avoir un projet sous le contrôle de la municipalité et garantir la bonne utilisation d'une parcelle proche d'une station du Léman Express, alors vous ne pouvez qu'accepter ce projet de loi et déclasser la zone. Merci. (Applaudissements.)
M. François Lance (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, il faut reconnaître que le contexte autour de ce projet de modification de zone est complexe et rappeler que celui-ci a été sollicité par le propriétaire, non par le département. Voilà plus de quinze ans que la société immobilière a acquis cette propriété et durant toutes ces années, plusieurs projets ont été étudiés, mais aucun n'a été accepté lors des demandes de renseignements.
Le présent projet de loi concerne un périmètre situé entre la gare de Pregny-Chambésy et la route de Suisse, au niveau du Vengeron. Le bâti actuel est constitué d'une maison forte et de deux dépendances datant du XVIIIe siècle qui sont protégées et que le projet prévoit de restaurer. Cette parcelle bénéficie d'un large dégagement sur le lac, d'une arborisation de grande valeur ainsi que de jardins recensés de valeur patrimoniale. Le périmètre à déclasser appartient à un seul propriétaire, hormis une parcelle léguée à la commune qui ne fait pas partie du projet de construction, mais qui doit être conservée en l'état.
L'objectif est de créer une zone 4A destinée à un établissement hôtelier, à des activités administratives et à de l'habitat. Parallèlement au projet, un plan de site a été initié ainsi qu'une modification des rives du lac qui permettra de passer d'un indice d'utilisation du sol de 0,2 à 0,6. Je rappelle que le secteur est actuellement en zone villas. Selon les plans, la disposition des bâtiments reprendra les caractéristiques du site, ce qui préserve la vue latérale et la vue directe sur le lac. Un petit bâtiment administratif sera construit qui servira d'écran aux voies CFF.
Il faut tout de même souligner qu'une partie du Conseil municipal n'était pas favorable à ce projet de modification de zone et qu'une association de propriétaires voisins s'y oppose, craignant son ampleur, les problèmes de circulation qu'il engendrerait, mais aussi la personnalité du propriétaire qui, selon leurs dires, ne respecte pas les lois en vigueur. Le département a rappelé que ce projet n'est pas de son initiative, mais admet qu'il permet de densifier le périmètre tout en assurant la préservation d'un site proche d'une gare du Léman Express. Au vu de ce qui précède, le groupe PDC votera ce projet de loi. (Applaudissements.)
M. Christian Dandrès (S). Je remercie M. Lance d'avoir rappelé quelques aspects factuels. Vous me permettrez maintenant, Mesdames et Messieurs, de revenir sur la question plus politique, puisque le parti socialiste était dans la majorité... Bon, il ne l'est plus suite à la volte-face du MCG qu'on peine évidemment à comprendre. Pourquoi ?
Parce que, à mon avis, ce petit projet illustre un travers du Conseil d'Etat que nous avons déjà cinglé à plusieurs reprises: en gros, il laisse le Conseil administratif s'entendre avec le promoteur, aucun arbitrage n'est fait. En l'occurrence, il a été rappelé ici que le Conseil municipal était opposé au projet, et le Conseil d'Etat le reprend tel quel et le dépose devant le Grand Conseil alors qu'il s'agit d'un déclassement parfaitement incongru, dans un périmètre protégé, en zone ordinaire, sans aucune obligation de construire du logement. On foule aux pieds tous les principes d'aménagement du territoire initiés par feu le parti radical, qui se retrouvent aujourd'hui à devoir être défendus par le parti socialiste, hélas minoritaire sur ce projet de loi.
Le Conseil d'Etat, au lieu d'amener le Grand Conseil à prendre conscience d'un certain nombre de principes élémentaires qui ont été défendus ici - avec la zone de développement, on aurait eu un plan localisé de quartier, une protection quant aux loyers abusifs, des dispositions de la loi Longchamp contre la spéculation sur les propriétés par étage - que nenni, rien du tout, il laisse la commune faire ce qu'elle veut ! Cela nous rappelle la nécessité absolue de voter l'initiative 162 que le Tribunal fédéral a validée et qui prévoit que le Conseil d'Etat doit faire des propositions de déclassements en zone de développement pour éviter cette pantalonnade grotesque à laquelle nous sommes confrontés aujourd'hui.
Bien évidemment, le parti socialiste refusera ce projet. J'aimerais simplement revenir sur deux arguments qui ont été avancés en sa faveur - je crois que ce sont les seuls - à commencer par la question de l'accessibilité du site. Laissez-moi rire: on va construire un hôtel cinq étoiles et des bureaux, donc l'accessibilité se limitera aux personnes qui auront les moyens de se payer une chambre dans pareil établissement, et je peux vous garantir que ce ne sera pas la majorité de la population genevoise.
Quant au plan de site qui serait de nature à préserver l'intérêt patrimonial et paysager, eh bien la meilleure façon de protéger l'intérêt patrimonial et paysager de ce secteur, c'est de ne pas le déclasser, puisqu'il est aujourd'hui soumis à la protection des rives du lac. Certes, un petit effort a été fait par rapport au projet d'il y a quinze ans, mais on est quand même très loin de ce qu'il faudrait pour maintenir cette protection. On nous a expliqué que cette protection était mal fichue, car la loi prévoit un décrochement; or si elle prévoit un décrochement, c'est parce qu'on est sur une butte, et pour préserver le paysage depuis les deux rives, on ne peut pas construire, c'est l'un des aspects fondamentaux de la protection du paysage à Genève ! Honnêtement, il faut renvoyer ce projet en commission pour que raison revienne dans les rangs du MCG, et si le renvoi en commission est refusé, je demanderai le vote nominal. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs, nous sommes donc saisis d'une demande de renvoi en commission... (Commentaires.) A la page 3 du rapport, il est indiqué: «La procédure d'opposition en juillet-septembre 2017 a donné lieu à cinq oppositions.» Or nous n'avons pas le résultat de ces cinq oppositions, aucune annexe à ce projet de loi n'indique où en est le processus. (Remarque.) Ah ! Oui, Monsieur Pagani, je vous passe la parole.
M. Rémy Pagani (EAG). Monsieur le président, il faudrait rejeter les oppositions s'il y en a, mais puisque nous n'en avons pas connaissance, de fait, nous devons renvoyer le projet en commission. C'est une question de procédure légale ! Je vous demande d'appliquer la procédure légale.
Le président. Je crois que vous avez raison. Nous venons de découvrir cet élément et nous ne trouvons pas de document nous indiquant où en est le processus. Aussi, chers collègues... (Commentaires.) Nous allons voter ! Il y a maintenant une demande de renvoi en commission qui n'est pas seulement politique, mais aussi technique, puisqu'il nous manque apparemment des pièces. Je vais donc mettre aux voix... (Brouhaha.) S'il vous plaît ! Je vais mettre aux voix la demande de renvoi... (Remarque.) Oui, Monsieur Pagani ?
M. Rémy Pagani (EAG). J'ai oublié de préciser, pour celles et ceux qui s'apprêtaient à accepter ce projet de loi, que le vote risque d'être annulé si notre Conseil ne respecte pas la procédure usuelle; on va perdre du temps, des recours administratifs seront lancés... Je vois notre sautier opiner du chef. Ce serait une erreur de voter ce texte, il faut prendre acte de la situation et le renvoyer automatiquement en commission; c'est en tout cas ce que j'encourage à faire les députés conscients de leurs responsabilités.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, ce qui est dit est exact: puisque l'entrée en matière de ce projet de loi a été refusée en commission, c'est comme si les oppositions avaient été implicitement acceptées. Si les majorités changent aujourd'hui et que vous entrez en matière sur le projet, vous devrez inscrire dans la loi que les oppositions sont rejetées. Or vous ne pouvez pas faire cela en séance plénière, vous devez le faire en commission afin de respecter le droit d'être entendu qui ne peut pas être garanti lors du plénum. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. J'invite l'assemblée à voter sur ce renvoi en commission raisonnable et argumenté.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12148 à la commission d'aménagement du canton est adopté par 89 oui et 2 abstentions.
Le président. Merci, chers collègues, de vous être montrés raisonnables !