Séance du
vendredi 2 novembre 2018 à
15h
2e
législature -
1re
année -
5e
session -
31e
séance
La séance est ouverte à 15h, sous la présidence de M. Jean Romain, président.
Assistent à la séance: Mme et MM. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat, Mauro Poggia, Nathalie Fontanet et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Anne Emery-Torracinta, Pierre Maudet et Serge Dal Busco, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Antoine Barde, Claude Bocquet, Edouard Cuendet, Marc Falquet, Philippe Morel, Patrick Saudan, Stéphanie Valentino et Salika Wenger, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Olivier Baud, Pierre Bayenet, Natacha Buffet-Desfayes, Sylvie Jay, Christina Meissner et Vincent Subilia.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment du médiateur administratif. Je prie le sautier de le faire entrer et l'assistance de bien vouloir rester debout. (Le médiateur administratif entre dans la salle et se tient debout, face à l'estrade.)
Monsieur, vous êtes appelé à prêter serment de vos fonctions de médiateur administratif. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- d'exercer ma mission dans le respect des lois, avec honneur, compétence et humanité;
- de sauvegarder l'indépendance inhérente à ma mission;
- de n'exercer aucune pression sur les parties en litige afin d'obtenir leur adhésion à une entente qui ne serait pas librement négociée;
- de veiller à ce que les parties en litige concluent une entente libre et réfléchie;
- de ne plus intervenir d'aucune manière une fois ma mission achevée;
- de préserver le caractère secret de la médiation.»
A prêté serment: M. Edouard Sabot.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)
Annonces et dépôts
Le président. La pétition suivante, parvenue à la présidence, est renvoyée à la commission des pétitions:
Pétition : Ne laissez pas mourir Le Plaza (P-2053)
Le président. Je passe la parole à M. Thomas Wenger.
M. Thomas Wenger (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, le groupe socialiste demande la lecture de cette pétition.
Le président. Merci, Monsieur. Madame Moyard, je vous prie de bien vouloir lire le texte de la pétition. (Mme Salima Moyard procède à la lecture demandée.)
Questions écrites urgentes
Le président. Les questions écrites urgentes suivantes vous ont été transmises:
Question écrite urgente de M. Jean-Charles Rielle : Fête des écoles, niveau sonore et protection de l'enfant : quels contrôles par l'Etat ? (QUE-906)
Question écrite urgente de M. Christo Ivanov : Pourquoi exclure les deux-roues motorisés de l'équation mobilité ? (QUE-907)
Question écrite urgente de M. Stéphane Florey : Chômeurs en fin de droit : des statistiques rassurantes, des réalités préoccupantes (QUE-908)
Question écrite urgente de M. Rolin Wavre : Blocage du centre-ville à l'appel des syndicats Unia, SIT et Syna les 16 et 17 octobre 2018 : quels ont été les coûts directs et indirects de ce blocage pour l'Etat et pour les régies publiques, en particulier les TPG ? (QUE-909)
Question écrite urgente de Mme Salika Wenger : Voyages voyages des actuel-le-s magistrat-e-s (QUE-910)
Question écrite urgente de Mme Jocelyne Haller : Prime moyenne cantonale ? Prime moyenne cantonale ? Est-ce qu'elle a vraiment une g... de prime moyenne cantonale ? (QUE-911)
Question écrite urgente de M. Sylvain Thévoz : Académie de police de Savatan : focus sécurité ou lit de l'insécurité ? (QUE-912)
Question écrite urgente de M. Patrick Dimier : Des directions générales ont été surclassées en offices. Combien de promotions ? Combien de nouveaux cadres ? Quelles répercussions sur les finances de l'Etat ? (QUE-913)
Question écrite urgente de M. Pierre Vanek : Naufrage titanesque de certain-e-s élu-e-s : l'iceberg a-t-il une face encore cachée ? (QUE-914)
Question écrite urgente de M. Sylvain Thévoz : Salons de massage : le Conseil d'Etat durcit le ton. Quelles conséquences pour les travailleur-euse-s du sexe ? (QUE-915)
Question écrite urgente de M. Sylvain Thévoz : Transfert de dettes des parents à leurs enfants : le Conseil d'Etat dit stop ou encore ? (QUE-916)
Question écrite urgente de Mme Marjorie de Chastonay : Quelles mesures le canton a-t-il prises pour lutter contre les bruits excessifs provenant en particulier des véhicules à moteur, dérangeant de jour comme de nuit la population ? (QUE-917)
Question écrite urgente de Mme Marion Sobanek : Surveillance exagérée lors des manifestations des maçons ? (QUE-918)
Question écrite urgente de Mme Adrienne Sordet : Le Conseil d'Etat est-il prêt à renoncer à fixer les examens ou les évaluations pour permettre aux apprenties, collégiennes et étudiantes de participer à la grève des femmes* prévue le 14 juin 2019 ? (QUE-919)
Question écrite urgente de M. Mathias Buschbeck : Faut-il vraiment couper l'élan de la Voie verte ? (QUE-920)
QUE 906 QUE 907 QUE 908 QUE 909 QUE 910 QUE 911 QUE 912 QUE 913 QUE 914 QUE 915 QUE 916 QUE 917 QUE 918 QUE 919 QUE 920
Le président. Ces questions écrites urgentes sont renvoyées au Conseil d'Etat.
Questions écrites
Le président. La question écrite suivante vous a également été transmise:
Question écrite de Mme Salika Wenger : Voyages voyages des ancien-ne-s magistrat-e-s (Q-3817)
Le président. Cette question écrite est renvoyée au Conseil d'Etat.
Annonce: Séance du vendredi 21 septembre 2018 à 16h
Cette question écrite urgente est close.
Annonce: Séance du vendredi 12 octobre 2018 à 15h30
Cette question écrite urgente est close.
Annonce: Séance du vendredi 12 octobre 2018 à 15h30
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Annonce: Séance du vendredi 12 octobre 2018 à 15h30
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Annonce: Séance du vendredi 12 octobre 2018 à 15h30
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Annonce: Séance du vendredi 12 octobre 2018 à 15h30
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Débat
Le président. Mesdames et Messieurs, notre ordre du jour appelle le traitement de la M 2432-A en catégorie II, quarante minutes. Le rapport de majorité est de M. Jean-Marie Voumard, à qui je passe immédiatement la parole.
M. Jean-Marie Voumard (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, cette motion a été déposée suite à la parution dans la presse de plusieurs articles relatant l'intervention lente, voire l'absence d'intervention, de la police cantonale. Cela nous a permis de travailler sur ce problème.
Lors de son audition, le syndicat nous a rapporté que s'il manque des effectifs à police-secours, ce n'est pas en raison des ressources financières. Le personnel de police-secours a diminué de 29%, tandis que celui de la police de proximité a augmenté de 119%. En 2017 - nous avons entendu le syndicat vers la fin de l'année - les services de police n'ont pas pu répondre à plus de 1600 réquisitions. Il existe carrément un mot-clé pour décrire ce problème: PAMP, soit «pas assuré manque de patrouilles».
L'adjoint de Mme Bonfanti nous a indiqué que l'effectif de police-secours s'élève actuellement à 400 personnes. Si on soustrait les membres de l'état-major qui n'assurent pas les réquisitions, cela fait 273 agents au lieu de 552. Selon lui, le service idéal sera atteint lorsque les budgets le permettront. Là, on parle à nouveau d'argent, alors que le syndicat y était totalement opposé. Mme Bonfanti a même mentionné que la priorité numéro un est police-secours et que les nouveaux effectifs iraient là-bas.
«Protéger et servir», la devise de la police ? Si la protection ne peut pas être garantie lorsque vous téléphonez au 117, il y a un problème. Faut-il que la CECAL, la centrale d'engagement, de coordination et d'alarme, distribue les réquisitions selon l'ordre des travaux ? Ça peut aller à la police des transports, à la police municipale s'il s'agit d'un problème de bruit, de restaurant. Y a-t-il là aussi un problème d'effectifs ?
Ça reste à voir, et cette motion doit être renvoyée au Conseil d'Etat pour que nous obtenions des réponses. Je précise que ce texte n'a pas été déposé pour faire peur aux Genevois, mais au contraire pour les rassurer. La police fait bien son travail quand elle le peut, quand elle en a le temps. Je vous demande donc, Mesdames et Messieurs, de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. Merci.
M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, la minorité de la commission que je représente ici considère que cette motion est une instrumentalisation alarmiste de rumeurs relayées par la presse. Il suffit de se référer aux considérants tels qu'ils sont introduits: «les faits alarmants parus récemment dans la presse», «les alertes lancées par les syndicats de la police», «la baisse drastique des effectifs». Je ne vais pas tous les lire, mais on trouve encore: «les risques que représente pour la population genevoise», «le danger que cette situation fait [...] courir aux agents». Il s'agit vraiment d'une instrumentalisation alarmiste fondée sur des rumeurs. D'autres parmi nous, minoritaires dans la commission, estiment que les citoyens attendent du parlement qu'il agisse sur des bases plus solides et plus sérieuses que sur des rumeurs rapportées dans les médias.
Dans mon rapport de minorité, je me suis attaché à démonter un par un tous les considérants de cette motion. Je ne vais pas tout vous lire, mais je citerai néanmoins les conclusions des syndicats de police que nous avons auditionnés: «en termes d'effectifs, la police dans son ensemble n'a pas de problèmes».
Toujours sur la question des ressources humaines, nous avons obtenu du département et de la direction de la police l'évolution des effectifs ces quatre dernières années, notamment depuis l'introduction de la nouvelle loi sur la police, et leurs informations sont les suivantes: il y a quatre ans, police-secours comptait 310 collaborateurs et ils sont toujours autant dans les postes aujourd'hui. «Les policiers qui exécutaient des missions de police-secours avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur la police ont tous été affectés à police-secours dès l'entrée en vigueur de cette loi.»
Enfin, s'agissant du pseudo-gonflement des états-majors, voici les statistiques: «Les états-majors n'ont pas été grossis avec l'entrée en vigueur de la LPol et la séparation de la gendarmerie en plusieurs services. La variation est estimée à 0,2% au plus.»
Encore un mot sur les réquisitions d'urgence qui n'auraient pas été suivies de réactions des patrouilles. On nous a expliqué que la base de données de la centrale, qui permet de valider le fait qu'un appel a été sanctionné par une intervention, était incomplète: toutes les demandes figuraient comme ouvertes, le bouclement de celles qui avaient été terminées n'y était pas inscrit, ce qui donnait une fausse impression statistique d'un très grand nombre d'appels urgents non suivis d'effets. Ce biais de mesure a été corrigé, et chaque fois que la centrale d'appels transmet une réquisition à une patrouille et que l'action est terminée, elle est quittancée dans la base de données et figure comme bouclée.
A cet égard, la police s'est montrée très claire: il arrive effectivement qu'elle doive accorder des priorités, notamment quand il s'agit de demandes réitérées pour du tapage nocturne dans des circonstances qui sont connues. Lorsque la police est mobilisée pour d'autres interventions plus urgentes, il se peut que les patrouilles n'interviennent pas dans les cinq minutes, surtout lorsqu'il s'agit de tapage nocturne.
La minorité de la commission judiciaire et de la police arrive à la conclusion que cette proposition de motion est non seulement sans fondement, mais surtout dangereuse, parce qu'elle cherche à faire peur aux Genevois sans autre but que d'affaiblir des personnes responsables qui oeuvrent au quotidien pour garantir notre sécurité. Voilà pourquoi, Mesdames et Messieurs, nous vous invitons à la refuser. Je vous remercie de votre attention.
M. Olivier Baud (EAG), député suppléant. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, les Genevoises et les Genevois qui téléphonent au 117 ne sont-ils pas en droit d'obtenir une réponse adéquate à leur appel au secours ? La police devrait avoir les moyens de répondre aux appels de détresse qu'elle reçoit. C'est le thème dont il est question ici, et si cette motion a été déposée, c'est bien parce qu'il y a un problème: plus de 1600 sollicitations n'ont pas été suivies d'interventions, faute d'effectifs suffisants.
Il ne s'agit pas de susciter la peur au sein de la population, au contraire. Il faut simplement écouter les forces de police qui s'expriment par la voix de leurs syndicats et les soutenir quand elles sont contraintes d'avouer leur impuissance, quand elles ne peuvent pas remplir correctement leur mission et doivent faire des choix douloureux. Reléguer cette problématique bien réelle au rang de rumeur, comme le fait le rapporteur de minorité, est dangereux; la banaliser est tout aussi irresponsable.
Une femme se fait menacer par deux hommes armés d'un couteau à trois heures du matin, ils lui dérobent son téléphone portable et son porte-monnaie; la police répond qu'il n'y a pas de patrouille disponible, et ce serait normal ? Cela semble l'avis du député Conne, le rapporteur de minorité, qui parle de «soi-disant» agression. Selon lui, vu qu'il n'y a pas eu de coup porté, donc pas de blessure, il n'y aurait pas d'agression. Menacer une personne avec une arme blanche pour la contraindre à s'exécuter contre sa volonté serait somme toute un événement mineur, anodin, qui ne requerrait pas l'intervention de la police, la victime peut se débrouiller seule.
C'est tout simplement insensé, et c'est bien cela qui fait peur: le mépris quant aux besoins des habitantes et habitants du canton qui veulent juste pouvoir compter sur une police-secours sans faille. Or la droite fait passer les économies avant tout, au détriment des prestations dues, y compris celles ayant trait à la sécurité de la population. Ce n'est pas acceptable, tout comme il est inadmissible que la police soit obligée de renoncer à intervenir au prétexte qu'il n'y aurait pas convergence d'appels sur un même cas.
Je me souviens d'une anecdote: une bagarre violente avait été signalée au 117, et le policier avait dû répondre qu'il ne pouvait envoyer de patrouille, faute de forces disponibles. Cela avait suscité l'incompréhension de la personne au téléphone, et le gendarme avait ajouté qu'il faudrait mieux voter la prochaine fois ! L'interlocuteur - c'était le président des jeunes libéraux, si je ne me trompe - avait peu apprécié la réplique. Mais on comprend bien pourquoi le policier était excédé. Le PLR, lui, semble n'avoir toujours rien capté ou entendu.
Mesdames et Messieurs les députés, cette motion a été amendée fort à propos, la troisième invite étant effectivement hors sujet, j'en conviens. Pour Ensemble à Gauche, il faut la voter ainsi, afin que les effectifs de police sur le terrain soient renforcés. Je vous remercie de votre attention.
Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Et voilà, Monsieur le président, encore la dictature des émotions ! Le rapport de minorité montre que chaque rumeur sortie du contexte a eu droit à une réponse détaillée. M. Conne nous a épargné la liste complète, mais on pourrait la citer. Le constat, finalement, c'est que le rapport de majorité constitue l'avatar d'une non-acceptation de la loi sur la police dont des détracteurs sont dans cette salle, Monsieur le président !
Ce qui est grave, ce n'est pas simplement de donner suite à des rumeurs dont la presse a évidemment amplifié les détails - parce que c'est très vendeur, tout ça; non, ce qui est grave, c'est que ça fait passer les policiers pour d'éternels râleurs, des personnes uniquement préoccupées par leurs horaires ou leur brigade, alors qu'en fait, il s'agit de gens remarquables qui sont quotidiennement au service de la population, qui font très bien leur travail: quand il y a des réquisitions, ils y vont. Faire croire que c'est faux est extrêmement indigne et indécent par rapport aux policiers. Pour toutes ces raisons, le parti démocrate-chrétien rejettera cette motion. Je vous remercie.
M. Diego Esteban (S). Ce que demande cette motion est l'élément clé du texte. Or le rapporteur de minorité consacre l'intégralité de son rapport aux considérants, ce qui n'est pas dénué d'intérêt, mais peut être interprété comme une impossibilité de contester les invites de la motion elles-mêmes.
Celles-ci exigent le renforcement des effectifs de police-secours et la présentation d'un plan d'action y relatif. Cela revient à se demander s'il existe un problème directement lié au personnel. La réponse est affirmative pour le syndicat de la police judiciaire que je cite: «[...] la police, faute de moyens, doit faire le choix de dé-prioriser certaines missions. [...] la police avait quand même matière à traiter l'affaire, mais [...] elle a dû faire le choix de ne pas intervenir par faute de moyens suffisants.»
La réponse est également affirmative pour le PDC de Thônex qui, en 2017, a déposé devant le Conseil d'Etat une pétition faisant état de lacunes dans les effectifs de la police durant la nuit. Enfin, la réponse est encore affirmative pour toutes les personnes qui, au bout de la chaîne, subissent les conséquences de ce manque de ressources.
Certes, quelques anecdotes ne correspondent pas forcément à l'état des lieux présenté par l'auteur de la motion et le rapporteur de majorité, mais si on fouille un peu, on trouvera toujours l'histoire de quelqu'un qui a dû subir des manquements en raison d'une carence d'effectifs. Je pense par exemple à une personne qui a été appelée par la police: en raison de violences conjugales, elle a perdu ses deux parents à Chêne-Bougeries; elle se trouvait elle-même à Lausanne, a été avertie en même temps que la police et est arrivée en même temps aussi, alors qu'elle avait cinquante kilomètres à parcourir en transports publics !
Une véritable saturation a été relevée tout au long des travaux de la commission: manque d'effectifs, manque de moyens à cause de la nouvelle organisation de la police. Cette motion permettra de pallier la pénurie de personnel. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, le parti socialiste la soutiendra et vous invite à en faire de même. (Quelques applaudissements.)
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, comme il a déjà été dit, cette proposition de motion invite le Conseil d'Etat à prendre des mesures urgentes pour renforcer les effectifs de police-secours dans les plus brefs délais ainsi qu'à élaborer un plan d'action lié à une augmentation indispensable des postes d'agents de police de terrain. Cet objet s'inscrit dans un contexte particulier, suite à des événements précis datant de novembre 2017.
Les Verts partagent certaines inquiétudes des auteurs, notamment quant au manque d'effectifs et à une éventuelle mauvaise répartition des ressources. Mais nous nous posons aussi des questions quant aux risques pour la population et à la capacité de la police genevoise de répondre aux urgences si moyens insuffisants il y a.
Pour toutes ces raisons, parce que des événements tragiques peuvent survenir n'importe quand - je pense au tabassage d'une violence inouïe et gratuite de cinq femmes par de jeunes hommes en août dernier au centre-ville - et parce qu'il peut y avoir des dysfonctionnements, les Verts voteront cette motion afin que des éclairages soient apportés. Merci.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole va maintenant à M. Patrick Lussi. (Un instant s'écoule.)
M. Christo Ivanov. Patrick, c'est à toi. (Un instant s'écoule.) Patrick !
Le président. Monsieur Lussi, c'est à vous !
M. Patrick Lussi (UDC). Merci, Monsieur le président. Excusez-moi, l'Union démocratique du centre tenait juste un petit conciliabule, parce qu'ainsi que vous l'avez peut-être entendu, Mesdames et Messieurs, notre collègue député Marc Falquet s'est fait agresser cet après-midi - nous en saurons davantage sous peu.
Cette motion, qui a été longuement travaillée en commission, n'a pas pour but d'alarmer inutilement la population, en tout cas pas aux yeux de l'Union démocratique du centre. Elle a été déposée au bon moment, suite à la parution d'articles dans la presse, et relève un fait important - les syndicats l'ont évoqué: de manière globale, le problème, ce n'est pas l'effectif de la police, mais plutôt sa répartition. Bien sûr, on est à nouveau en train de parler de la LPol, de l'organisation en silos, des différentes catégories d'agents qui ont été mises en place. Il appert que lorsqu'il y a des urgences, lorsque des appels de nuit sont passés à police-secours, il n'est pas possible d'y répondre dans leur totalité. Rappelez-vous que la Cour des comptes était intervenue il y a quelque temps sur les heures supplémentaires des policiers, avait émis des critiques.
Cela signifie, et il s'agit peut-être là d'un élément de réponse pour la direction, qu'il n'est pas possible de prévoir un certain nombre d'agents en réserve qui seraient prêts à intervenir en cas de surcharge de la CECAL; cela signifie encore que l'organisation actuellement en place n'est pas optimale, qu'il faut la roder: des dysfonctionnements apparaissent, et le cas de police-secours est manifeste.
Voilà pourquoi, au-delà de toute intention alarmiste, il est nécessaire de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat pour qu'il en tire quelques conséquences et que des réponses correctives soient apportées à la situation actuelle. L'Union démocratique du centre vous recommande d'adopter cet objet. Merci, Monsieur le président.
M. Rolin Wavre (PLR). Chers collègues, cette motion a été rédigée sous le coup d'une émotion - sincère, dans le meilleur des cas - mais l'émotion n'est pas toujours la meilleure des conseillères. Le texte cherche à faire peur, le rapporteur de minorité a détaillé tous les termes alarmistes utilisés, et je pense que ça n'aide pas la police à travailler en toute sérénité et à évoluer dans le cadre de sa nouvelle organisation.
Nous manifestons une opposition de principe, car il faut laisser la police s'organiser suite aux récents votes. Les auditions n'ont absolument pas démontré, et le rapporteur de minorité l'a clairement indiqué dans son rapport, que la nouvelle organisation est à l'origine des problèmes dénoncés.
Monsieur le député Baud - vous transmettrez, Monsieur le président - lorsque des faits sont rapportés par la presse, ça ne veut pas dire que les problèmes sont réels, et les deux cas cités dans les médias en 2017 n'étaient pas de vraies urgences, comme l'a expliqué le rapporteur de minorité. Ce sont des exemples tirés de mains courantes, non pas de cas avérés, ce qui permet évidemment d'en gonfler l'aspect inquiétant. Au nom du groupe PLR, je vous encourage à rejeter cette motion, car elle est sans objet. Merci, Monsieur le président.
M. François Baertschi (MCG). Que dit cette motion ? Cette motion indique que la police est sinistrée, c'est un fait. On lit dans le texte des faits avérés, notamment que plus de 1500 réquisitions, c'est-à-dire appels d'urgence, n'ont pas pu être suivies d'effet par manque de personnel. Il m'a également été rapporté récemment que certaines nuits, les effectifs s'élèvent à 20 personnes alors qu'avant la nouvelle loi sur la police, entre 60 et 65 agents étaient présents. Ça reste à prouver, certes, mais il s'agit quand même de signaux inquiétants qu'on ne peut pas balayer d'un revers de main.
Il y a véritablement un malaise, une désorganisation due à la nouvelle LPol telle que proposée par le magistrat qui était alors à la tête de la police, malheureusement. Il faut reconnaître que c'est un échec patent, ce qui me fâche particulièrement en tant que député et opposant à cette loi. La situation est catastrophique, on a créé des services en silos avec un nombre considérable de nouvelles hiérarchies, on a désorganisé quelque chose qui marchait plutôt bien pour en faire quelque chose qui marche plutôt mal, et on veut maintenant cacher cette réalité. Cette motion nous invite à voir les choses de manière beaucoup plus claire.
Ce qui est choquant d'un point de vue purement démocratique, c'est que le Cercle Fazy-Favon, qui se revendique de deux grandes personnalités de notre république genevoise, a financé de manière trouble la loi sur la police, s'est opposé au référendum. Rappelons que cette loi a été votée par 54 voix de différence seulement, une majorité très faible de 54 voix. A posteriori, on peut s'interroger sur la régularité du vote, se demander s'il n'y a pas eu une grave dérive de notre démocratie.
Je vois un collègue PDC s'amuser de mes propos; apparemment, le fait que l'on détruise notre démocratie réjouit certaines personnes au sein de cet hémicycle. Pour ma part, je suis consterné, comment peut-on rire de telles affaires, de telles magouilles ? C'est une dérive grave de notre système démocratique, une dérive grave d'une institution importante de notre république qui a vu ses effectifs sur le terrain baisser de deux cents personnes environ, car on a multiplié la hiérarchie. Merci, Monsieur le président.
M. Jean-Marie Voumard (MCG), rapporteur de majorité. J'ai entendu un député parler de main courante. La main courante, au sein de la police, c'est le P2000; s'il ne sait pas ce que c'est, il faudra qu'il se renseigne, car les chiffres ne peuvent pas être modifiés, c'est établi par des policiers suite à une réquisition. Merci.
M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de minorité. Chers collègues, je vais brièvement répondre à deux interventions, à commencer par celle qui revenait sur l'histoire, rapportée par la presse, d'une femme qui aurait été agressée au couteau pour se faire voler son portefeuille et son téléphone portable; les faits ont été vérifiés, et la commandante de la police nous a confirmé que cette femme n'avait pas été blessée, c'est pourquoi la police s'est concentrée directement sur la poursuite des agresseurs. Arrêtons de monter en épingle des faits erronés ! Voilà la première chose que je voulais dire.
S'agissant ensuite des effectifs, comme l'a mentionné l'intervenant socialiste, la police judiciaire est en effet venue se plaindre d'un manque de personnel. Mais, Mesdames et Messieurs, la police judiciaire n'est pas concernée par ce dont nous parlons ! Police-secours, ce n'est pas la police judiciaire, donc on est une fois de plus en train de monter des faits en épingle, de faire peur à la population et de déformer des données factuelles.
Pour ma part, je conclurai en saluant le travail des policiers, en les remerciant et en rassurant les Genevois: les agents font bien leur travail, nous pouvons compter sur une police de qualité. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, cette motion parviendra de toute évidence au Conseil d'Etat, puisqu'une majorité comprenant l'ensemble de la gauche, l'UDC et le MCG semble se dessiner dans ce parlement. Le Conseil d'Etat insiste sur le fait qu'il ne faut pas, comme nous l'avons entendu, instrumentaliser des faits divers en les déformant, faire croire à notre population qu'elle est en péril, ce n'est pas le cas. Par contre, il est exact qu'à certains moments, la police doit prioriser ses interventions: un appel de plainte au sujet de nuisances sonores entre voisins passe après une demande d'intervention relative à l'intégrité corporelle de résidents ou de gens de passage dans notre canton, tout le monde le comprendra bien volontiers.
J'en appellerai à une certaine cohérence de la part de celles et ceux qui soutiennent ce texte. Durant des années, ils ont combattu l'augmentation des effectifs de police, considérant que nous n'avions pas à investir dans cette politique publique, que d'autres programmes étaient prioritaires. Lors de la dernière législature, le personnel de police a été augmenté de 150 équivalents temps plein, et 20 ETP supplémentaires sont prévus en 2019. Sans doute est-ce encore insuffisant, sans doute peut-on faire mieux, mais existe-t-il un seul Etat démocratique dans lequel tout appel à un centre d'urgence fait l'objet d'une réponse immédiate, quel que soit le type de demande ? Non, bien évidemment, il faut établir des priorités. Elles sont établies, et nous pouvons dire aujourd'hui à celles et ceux qui nous écoutent que l'on n'est pas en danger à Genève, en tout cas pas en raison de retards dans les interventions de la police.
Nous pouvons et nous devons néanmoins faire mieux, notamment en termes d'équipement - des lois ont été votées dans ce sens - d'effectifs, de répartition entre police uniformée et soutien administratif. Aujourd'hui, il est nécessaire que nos gendarmes en uniforme ne se retrouvent pas assis derrière un bureau à taper des rapports et que les tâches administratives soient effectuées par du personnel administratif, ce qui, soit dit en passant, permet aussi de réaliser des économies budgétaires. En effet, il s'agit d'éviter de remplacer systématiquement tout gendarme uniformé par un autre gendarme uniformé, lorsqu'on peut précisément apporter un soutien administratif et laisser les policiers faire le travail pour lequel ils prêtent serment, c'est-à-dire défendre la population. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, nous passons au vote.
Mise aux voix, la motion 2432 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 54 oui contre 37 non.
Débat
Le président. Notre objet suivant est classé en catégorie II, trente minutes. Le rapport est de Mme la députée Anne Marie von Arx-Vernon qui s'assoit et à qui je passe immédiatement la parole.
Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cette résolution a eu pour avantage de permettre d'approfondir des travaux sur ce thème qui en inquiétait beaucoup et qui peut effectivement être problématique si l'on imagine un seul instant qu'il y ait une détention administrative d'enfants à Genève. Les travaux de la commission ont permis d'évoquer des réalités qui font que, non, il n'y a pas d'enfants ou de mineurs détenus de manière administrative à Genève ! Lors des travaux et du partage d'informations, c'était très intéressant de voir qu'au sein de la commission, il y avait finalement très peu de divergences, si ce n'est sur la forme, parce que certains commissaires étaient persuadés que les résolutions genevoises envoyées à l'Assemblée fédérale sont au mieux accueillies avec condescendance puis oubliées, au pire considérées comme arrogantes puis rejetées. Nous, la majorité de cette commission, nous sommes persuadés qu'il y a un intérêt à renvoyer cette résolution au Conseil d'Etat, non pas pour l'accabler, mais au contraire pour qu'il nous explique encore mieux qu'il n'y a effectivement aucun risque à Genève que des enfants soient retenus de manière administrative; cela doit être entendu ensuite à Berne. Au nom de la commission, je vous remercie d'accepter de renvoyer au Conseil d'Etat cette résolution.
Mme Frédérique Perler (Ve). Quelques mots pour rebondir sur ce que vient de nous exposer la rapporteure de majorité. Effectivement, la commission a approuvé le renvoi de cette résolution au Conseil d'Etat. Il s'agissait de divergences plutôt sur la forme que sur le fond. J'en profite pour faire observer ici à ceux qui divergent sur la forme que la commission de gestion du Conseil national a justement publié en juin dernier un rapport qui relève à ce niveau une grande gabegie dans le traitement des données; le Conseil fédéral est prié d'y mettre de l'ordre. Ce rapport souligne de plus que la détention administrative est une grave atteinte aux droits fondamentaux et à la liberté des personnes concernées; dans le cas de mineurs, un problème de légalité peut être posé. Cette commission ajoute qu'il existe une trop grande divergence de pratiques entre les cantons et qu'il s'agit donc de trouver une harmonisation.
J'en profite aussi pour rappeler qu'un texte émanant de Mme la conseillère nationale Mazzone est actuellement en traitement sur le même sujet et que toute approbation des cantons est la bienvenue, avec le rapport qui vient d'être déposé par ce Grand Conseil, pour donner cette fois-ci un signal extrêmement positif à l'Assemblée fédérale - et non pas donner des leçons. Cette résolution a donc toute sa pertinence et montrera que si Genève arrive à le faire, d'autres cantons le pourraient aussi.
M. Pierre Conne (PLR). Chers collègues, le groupe PLR vous encourage vivement à refuser le renvoi de cette résolution à l'Assemblée fédérale pour deux raisons. Premièrement, on l'a déjà dit très clairement, les Chambres fédérales et le Conseil fédéral sont déjà saisis de cet objet et ne nous ont pas attendus pour considérer que des actions devaient être menées pour faire en sorte que les détentions administratives de mineurs cessent dans tous les cantons. Deuxièmement, Genève est un bon élève en la matière, puisqu'il n'y a aucun mineur détenu sur notre territoire; de quel droit est-ce que nous irions, nous, donner des leçons sur ce point à d'autres cantons ? Est-ce que nous apprécierions que d'autres viennent nous donner des leçons ? Je pense que les cantons doivent garder leur souveraineté.
Autre argument: si, effectivement, il s'agit de faire en sorte que chaque canton renonce à la détention administrative de mineurs, cela doit constituer un travail interne propre à chaque canton - qui s'assimilera ensuite à un travail de mémoire - et, pour qu'on atteigne ce but de manière sereine et équilibrée, cela suppose qu'il n'y ait aucune pression extérieure d'aucun donneur de leçon, rôle que certains ici voudraient avoir avec ce texte. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le président, je vous invite à le refuser.
Mme Xhevrie Osmani (S). Monsieur le président, je ne vais pas répéter tous les éléments soulevés dans ce rapport, notamment ceux qui ont trait aux dommages psychologiques et aux troubles de la santé importants que peuvent subir des mineurs qui se retrouvent en détention administrative. Je voudrais plutôt reprendre un argument cité par la députée des Verts, à savoir ce rapport de la commission de gestion du Conseil national: on sait qu'en vertu du principe de proportionnalité, la détention doit être appropriée, nécessaire et raisonnablement exigible. C'est dire donc qu'elle n'est pas interdite, mais qu'elle doit répondre à des principes de proportionnalité stricts. L'état des lieux nous a montré qu'à ce jour un nombre de deux cents mineurs a fait l'objet d'une détention administrative et que plus de la moitié d'entre eux n'avait pas l'âge légal requis, à savoir quinze ans. C'est plutôt dramatique et cela ne respecte pas la loi. Pour rappel, la détention de personnes mineures pose problème pour diverses raisons, à savoir que la Convention relative aux droits de l'enfant prévoit explicitement la privation de liberté pour un enfant uniquement en dernier ressort. Dans le cas contraire, cette privation doit être aussi brève que possible. Ces dispositions ont été reprises dans les directives de l'Union européenne, lesquelles valent pour la Suisse au titre du développement de l'acquis de Schengen.
Il a souvent été invoqué que la détention de mineurs accompagnés se justifie en raison du bien-être de l'enfant, mais là aussi, le rapport souligne que des conditions plus strictes doivent être appliquées au principe de proportionnalité de la détention. Pourquoi ? Parce que l'on constate tout simplement qu'avant l'étape du «dernier ressort», les cantons peuvent par exemple tout simplement déployer plus d'efforts pour mettre en place des espaces d'accueil provisoires plus réconfortants et certainement moins sévères plutôt que de privilégier les espaces de détention qui ne respectent pas le principe de légalité.
Il ressort de ces quelques déclarations qu'à ce jour, le dialogue engagé avec les cantons par le Secrétariat d'Etat aux migrations n'a pas permis d'harmoniser les pratiques cantonales. Je ne dirai pas juste qu'il s'agit de différentes pratiques cantonales, mais il y a une vraie différence dans la conception et l'interprétation de la détention administrative dans les cantons en Suisse alors que la pratique cantonale - de tous cantons - est subordonnée au droit fédéral en la matière. Je signale qu'il est certainement dramatique que des mineurs accompagnés de moins de quinze ans aient pu faire l'objet de détentions administratives pendant la période indiquée. La plupart des détentions de mineurs, tous cas confondus, ont été reconnues comme partiellement opportunes.
Alors que faire quand une norme n'est que peu scrupuleusement justifiée quand elle est utilisée - et qu'en plus elle est utilisée à mauvais escient ? Cette résolution tombe plutôt bien ! Par conséquent, le groupe socialiste vous invite à l'accepter. Merci !
M. François Baertschi (MCG). Ce problème ne concerne pas Genève, il concerne d'autres cantons. Est-ce que c'est au Grand Conseil du canton de Genève de donner des leçons aux autres cantons, mais aussi de donner des leçons au Conseil national ? Je vous rappelle que nous avons des représentants au Conseil national et au Conseil des Etats: ils peuvent eux aussi intervenir par voie directe. De toute manière, si nous soutenons cette résolution, elle va finir à la corbeille. Donc, nous vous proposons tout simplement de la refuser.
M. Patrick Lussi (UDC). Difficile de s'exprimer car, cette fois-ci, on a bien une résolution qui vise notre sensiblerie, nos âmes sensibles. Comment est-il possible qu'on puisse incarcérer des enfants ? Mesdames et Messieurs les députés, le message est trompeur parce que ce n'est pas ce qui se passe à Genève. Est-ce que ça se passe dans d'autres cantons ? Quand on voit actuellement les moyens des médias, on en a parlé tout à l'heure, pour dénoncer des situations scandaleuses, ça ne se fait pas ! Mesdames et Messieurs les députés, oui, il y a eu un problème, on en parle souvent. Des établissements ont d'ailleurs été mis en place et un effort particulier est fait avec ces enfants migrants qui viennent sans papiers - oui ! Est-ce que le fait de voter cette résolution va écarter le problème d'un revers de la main ? Non, le problème existe, il faut le régler et on peut dire qu'à ce jour, le Conseil d'Etat et les institutions ont pris ça à coeur et font le maximum possible pour rendre cette situation tolérable et supportable. C'est la raison pour laquelle l'Union démocratique du centre vous demande de rejeter cette résolution.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, la question de l'accueil et des leçons données aux uns et aux autres est manifestement à géométrie variable, dans cette enceinte. Je vous proposerai donc d'éviter de nous appesantir sur cet argument parce que finalement, il est vain. Le Conseil d'Etat n'est pas favorable à la détention administrative des mineurs et c'est une excellente chose dont nous ne pouvons que nous réjouir. Cela étant, le fait que nous ne soyons pas aujourd'hui en mesure d'être incriminés sur cet aspect-là ne nous positionne pas encore comme les champions du respect et de la défense des droits des migrants.
Quant à savoir si nous avons quelque chose à dire aux autres cantons ou à la Confédération, le groupe Ensemble à Gauche pense que oui ! Le fédéralisme n'est pas un exercice facile, mais la Confédération n'est pas qu'une addition de cantons; c'est aussi une entité, une entité dans laquelle il convient de défendre un certain nombre de principes importants et qui doivent guider l'action de la Confédération. En l'occurrence, nous voulons signifier un message très clair aux cantons qui, aujourd'hui, pratiquent encore la détention administrative des mineurs: nous les invitons à renoncer à cette pratique - parce qu'elle est indigne, parce qu'elle ne correspond pas aux valeurs que nous défendons et parce qu'elle ne correspond pas non plus au respect des droits humains ! A ce titre, nous estimons que nous sommes habilités à appeler les autres cantons - mais aussi la Confédération - à veiller à ce que de telles pratiques soient proscrites dans notre pays ! Je vous remercie de votre attention.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole n'étant plus demandée, nous passons au vote.
Mise aux voix, la résolution 835 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat et à l'Assemblée fédérale par 49 oui contre 43 non.
Débat
Le président. Nous traitons les objets liés RD 1198 et PL 11662-C en catégorie II, trente minutes. La parole va à M. le député Christian Dandrès.
M. Christian Dandrès (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, dans la mesure où le groupe socialiste va soutenir la demande du Conseil d'Etat de renvoyer ce rapport à la commission judiciaire et de la police, je ne vais pas revenir en détail sur les vertus du projet de loi que j'avais eu l'honneur de déposer en 2015, mais simplement peindre rapidement le contexte.
Le projet de loi du parti socialiste s'inscrivait dans une volonté de lutter contre l'externalisation d'un service entier de l'Etat de Genève au profit de l'entreprise Securitas - il s'agissait de l'une des plus grosses externalisations que la Suisse ait connues au sein d'une administration de police. Nous avons déposé plusieurs projets, plusieurs amendements, plusieurs modifications à des lois proposées par le Conseil d'Etat, celui-ci ayant jugé utile de faire migrer le service d'un office à l'autre, ce qui a imposé un travail assez conséquent et nous a amenés au dernier projet, lequel s'inspire d'une thématique en vogue, la prévoyance professionnelle. Le service de convoyage devait être assuré par des agents de police assermentés. L'agent suit la tâche, comme la fortune, dans le cas de la prévoyance professionnelle, doit suivre l'assuré.
Le Conseil d'Etat a relevé que le projet de loi posait un certain nombre de difficultés, ce que nous admettons. C'est la raison pour laquelle nous acceptons son renvoi en commission afin que la thématique y soit débattue d'un point de vue technique - et non d'un point de vue politique, évidemment. Je vous remercie.
Le président. Monsieur, vous sollicitez le renvoi du projet de loi ou des deux objets ?
M. Christian Dandrès. Des deux objets.
Le président. Bien, merci. La parole est à Mme Anne Marie von Arx-Vernon.
Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Merci, Monsieur le président. Pour le parti démocrate-chrétien, il s'agit d'effectuer un travail en profondeur, car il y a certainement des éléments nouveaux, et nous demandons également le renvoi en commission de ces deux objets. Merci beaucoup.
Le président. Je vous remercie. La parole n'étant plus demandée, Mesdames et Messieurs, je vous prie de voter sur le renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport du Conseil d'Etat RD 1198 et PL 11662-C à la commission judiciaire et de la police est adopté par 91 oui (unanimité des votants).
Premier débat
Le président. Nous sommes en catégorie II, quarante minutes, pour traiter du PL 11144-R-B. Je passe directement la parole à M. André Python.
M. André Python (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, avant toute chose, je vais faire un peu l'historique de ce projet de loi. Le PL 11144 a été déposé par le MCG le 14 mars 2013; son titre était: «Projet de loi modifiant la loi générale sur les zones de développement (LGZD) (L 1 35) (Pour une politique du logement équilibrée)». Il avait pour but de faire passer la durée de contrôle de l'Etat de dix à vingt ans. En agissant ainsi, on pouvait lutter contre la spéculation puisque des personnes achetaient plusieurs appartements, les mettaient en location pendant la période de contrôle et les revendaient après dix ans avec une plus-value substantielle.
Après douze séances et une dizaine d'auditions, l'entrée en matière a été refusée par la commission du logement, notamment pour des problèmes de compatibilité avec le droit supérieur. Puis le groupe socialiste a repris le projet de loi, qui est reparti en commission. Entre-temps, l'initiative «Halte aux magouilles immobilières» a abouti à l'acceptation de la loi Longchamp qui, dans les grandes lignes, oblige l'acquéreur à occuper personnellement l'appartement acquis et à l'habiter pendant la période de contrôle, et interdit aux sociétés de devenir propriétaires d'un appartement en PPE. Un propriétaire ne peut pas posséder plusieurs appartements en zone de développement ni laisser un logement vide car il a l'obligation de l'occuper personnellement. La majorité de la commission, estimant que cette loi règle le problème, a refusé l'entrée en matière sur le PL 11144 et je vous invite à faire de même. Je vous remercie, Monsieur le président.
Présidence de M. Jean-Marie Voumard, premier vice-président
Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, la zone de développement et les nombreux outils législatifs qui lui sont rattachés sont parmi les leviers les plus importants pour mener une véritable politique sociale du logement. Entre autres choses - entre beaucoup d'autres choses - la LGZD permet de réguler les prix de vente et de contrôler les loyers des logements qui sont construits sous son régime. Elle rend ainsi possible la lutte contre la pénurie de logements bon marché et contribue à concrétiser le droit constitutionnel au logement. C'est une mesure non seulement efficace, mais absolument indispensable; il est à ce titre regrettable que sa durée soit si limitée dans le temps - dix ans, je le rappelle - parce que cela pose un certain nombre de problèmes.
Je pense qu'il n'est pas inutile, dans le cadre de ce débat, de rappeler le récent scandale de la Tulette. Vous vous en souvenez, bien évidemment: nombre de personnes avaient acheté en zone de développement un nombre important d'appartements en PPE lorsque la période de contrôle était en vigueur. Les revendre à l'issue de la période de contrôle aurait permis à ces propriétaires de spéculer et d'empocher de très grosses marges. L'initiative «Halte aux magouilles immobilières» a fort heureusement permis de mettre un frein à ce genre de situation, mais la prolongation de la durée de contrôle renforcerait le dispositif contre ces mécanismes spéculatifs.
La période de contrôle - je l'ai dit - se limite aujourd'hui à dix ans, ce qui ne permet pas une régulation sur le long terme; ce projet de loi vise donc à prolonger cette durée. On le constate, les loyers moyens des logements à loyer libre ont augmenté d'environ 20% en dix ans, ce qui grève fondamentalement - et chaque année un peu plus - le budget des ménages genevois. Il semble opportun, dans ce contexte, de prolonger la période de contrôle en zone de développement de manière à accroître la portée de cette mesure.
La possibilité de déposer un amendement en cas d'entrée en matière sur ce projet de loi a été évoquée dans le cadre des travaux de commission: il est apparu qu'une durée de contrôle de vingt ans serait une entrave trop importante, en tout cas du point de vue des juristes du département, au droit de propriété. Raison pour laquelle la minorité souhaitait un amendement de compromis qui prolongerait la durée de contrôle non pas à vingt mais à quinze ans. Malgré cette proposition consensuelle, la majorité de droite de la commission du logement a refusé d'entrer en matière sur ce projet de loi. Cela prouve une nouvelle fois que les représentants de ces partis s'attachent à défendre plutôt les intérêts pécuniaires et particuliers des propriétaires immobiliers, au détriment de ceux des ménages de la classe moyenne. En ce sens, la minorité de la commission vous recommande d'entrer en matière sur ce projet de loi, d'accepter l'éventuel amendement qui serait déposé en deuxième débat et d'accepter l'augmentation de la durée de contrôle. Je vous remercie.
M. Christo Ivanov (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi cherchait à modifier la LGZD. Dans ce contexte, le rapporteur de majorité l'a dit, il y avait évidemment un lien avec la loi Longchamp. Or la loi Longchamp a depuis lors été votée et cet objet est par conséquent complètement obsolète. Le groupe UDC vous demande donc de bien vouloir refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi. Je vous remercie.
M. François Lance (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, on l'a dit à plusieurs reprises, le dépôt de ce projet de loi est antérieur au dépôt de la loi Longchamp concernant les abus constatés lors de l'acquisition de PPE en zone de développement. Ce texte vise à porter de dix à vingt ans la période de contrôle de l'Etat dans la zone de développement, ce qui est contraire au droit supérieur, selon un avis de droit de Me Manfrini. Ce projet de loi serait une nouvelle source de blocage en cas de modifications de zones et de développement de nouveaux quartiers; il pourrait aussi nuire à l'incitation à construire. Avec l'entrée en vigueur de la loi Longchamp, le groupe PDC estime que ce texte est obsolète. L'augmentation de la durée de contrôle de l'Etat en zone de développement n'est pas souhaitée, notre groupe s'opposera par conséquent à l'entrée en matière sur ce projet de loi.
M. André Pfeffer (UDC). Mon collègue a déjà indiqué notre position; je vais simplement intervenir au sujet des éloges sur les zones de développement de la part de la rapporteuse de minorité. L'utilité des zones de développement n'est pas discutée, mais on devrait y avoir recours avec mesure et sans en faire un usage exclusif. Il faut rappeler que la politique genevoise du logement est la plus complexe du pays. Elle en est également la plus subventionnée et celle où il y a le plus d'ingérence. Vu les scandales liés aux dépenses privées de certains élus, il faut aussi rappeler les gaspillages et les dépenses excessives de notre administration. A Genève, la construction est la plus chère du pays. Les subventions y sont les plus élevées et, surtout, notre administration est la plus pléthorique de notre pays dans ce secteur: Genève a deux fois plus de fonctionnaires que le canton de Zurich. Le département de tutelle contribue largement au fait que le canton de Genève est le plus dépensier et que les citoyennes et les citoyens genevois ont le pouvoir d'achat le plus faible de ce pays. Merci de votre attention.
M. David Martin (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, cela a été évoqué, ce projet de loi a été déposé suite au scandale bien connu de la Tulette: certains acteurs immobiliers se sont accaparé des appartements en PPE à des fins spéculatives alors même que ce quartier se trouve en zone de développement. Or, cela aussi a été dit, la zone de développement a justement pour but la réalisation de logements répondant à un besoin d'intérêt général, besoin motivé par la situation de pénurie permanente que connaît notre canton. Pour y parvenir, d'importants mécanismes de contrôle ont été mis en place: contrôle du prix des terrains, des coûts de production des logements et des prix de vente ou de location. Si le cas de la Tulette a autant choqué, c'est certainement parce que les appartements produits, malgré ces efforts de régulation, sont restés hors d'atteinte de la population visée, à savoir les personnes souhaitant accéder à la propriété. Il s'agit donc de s'assurer que les PPE construites en zone de développement soient bel et bien mises à disposition des personnes qui en ont besoin pour y habiter et non pas pour réaliser des placements financiers.
Si la loi Longchamp, finalement adoptée en 2016, a permis d'empêcher ces abus en introduisant la notion de primo-accédant et l'obligation d'habiter, la question de la durée de contrôle soulevée par ce projet de loi 11144 reste pertinente. On constate en effet que les appartements en PPE sont souvent mis en location ou alors revendus avec des plus-values atteignant parfois 30% à l'issue des dix ans de contrôle de l'Etat. Ces appartements disparaissent par conséquent du marché de la PPE accessible à la classe moyenne; l'objectif initial de la loi n'est finalement atteint que pour une durée relativement courte. En allongeant, comme le propose ce projet de loi, la durée de contrôle à vingt ans - ou aux quinze ans proposés par l'amendement évoqué - on maintiendrait plus longtemps ces appartements à des prix accessibles. Cela permettrait de favoriser l'acquéreur intéressé avant tout par le logement en tant que tel, sans pour autant l'empêcher de penser au patrimoine familial puisqu'il est communément admis qu'une génération dure vingt-cinq ans.
Vous l'aurez compris, Mesdames et Messieurs les députés, les Verts vous proposent de soutenir ce projet de loi car il permet de valoriser sur une plus longue durée les efforts consentis lors de la production de logements en zone de développement, augmentant ainsi le nombre de logements abordables pour la classe moyenne. Merci de votre attention.
Mme Diane Barbier-Mueller (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, pour moi, ce projet de loi remet un peu en question les catégories de logements subventionnés existant actuellement. En effet, les défenseurs de ce texte semblent oublier que nous disposons déjà de catégories qui répondent à la demande de contrôle de vingt ans. Les logements HM notamment sont contrôlés pendant vingt-cinq ans minimum, quand ils ne sont pas encore catégorisés comme LUP, et se répartissent selon un taux 40%-60%, dont 40% en libre selon les critères LGZD. Ces critères imposent un contrôle des prix pour ces 40% de logements «libres», sans les contraintes du subventionné.
Pour ce qui est de la propriété, nous avons des coopératives, que certains d'entre vous défendent ardemment. Il n'est pas permis de faire de plus-value dessus; elles doivent être revendues au prix d'acquisition. Par conséquent, elles correspondent également à cette exigence de surveillance. Les logements LGZD contrôlés pendant dix ans répondent, eux, à une autre demande de la population qui n'a pas forcément accès aux logements subventionnés, ou qui n'a pas forcément envie d'être propriétaire dans une coopérative mais a envie de l'être en pleine propriété - voire en droit de superficie puisque c'est en train d'être mis sur la table. Par conséquent, je ne comprends pas ce débat sur une durée de contrôle de vingt ans: comme l'ont dit mes préopinants, il n'est plus du tout d'actualité.
Je ne vais pas revenir sur le débat de la Tulette qui est maintenant obsolète avec la loi Longchamp. Par ailleurs, je peux vous confirmer d'expérience que les logements qui relèvent de la LGZD ne voient pas leur loyer augmenter lorsqu'ils sortent de la période de contrôle. C'est donc un débat également obsolète, ou hors de propos. Ces logements vont rester dans la même gamme de prix, prix qui seront éventuellement adaptés à terme; mais avec le temps, et pas pour chasser les locataires qui les occupent. Pour toutes ces raisons, le PLR vous demande d'abandonner ce projet de loi; il vous demande de le refuser et de rester à un délai de contrôle de dix ans. Merci.
M. Christian Dandrès (S). Mesdames et Messieurs les députés, tout d'abord un grand merci au MCG pour avoir rédigé ce projet de loi et en être à l'origine. S'il s'est certes ancré dans le contexte des débats sur la loi Longchamp, il ne se substitue pourtant pas à eux. Pourquoi ? Parce que ce projet de loi ne prévoit pas un nouveau mécanisme de contrôle ou un aspect de régulation supplémentaire. Il prolonge simplement la période de contrôle, qui est aujourd'hui de dix ans, pour la porter à vingt ans, ou à quinze suivant l'amendement que Mme Marti a évoqué tout à l'heure. Cette solution est à mon avis parfaitement admissible pour diverses raisons.
Tout d'abord, nous sommes en période de pénurie de logements - je ne reviendrai pas là-dessus; d'autres se sont exprimés mieux que moi à ce propos. Et surtout, il n'y aurait pas de contre-indication pour les bailleurs. Il faut rappeler ici - je crois qu'on ne le rappellera jamais assez - que le Conseil d'Etat, en zone de développement, sait faire preuve d'une grande générosité envers les bailleurs puisqu'il autorise, dans ses pratiques administratives, des rendements qui oscillent entre 4% et 6%, entre 6150 F et 6800 F par pièce et par année. Soit un loyer de 2500 F pour un appartement de cinq pièces, ce qu'on ne peut pas qualifier de modeste ! Allez voir sur les marchés obligataires ou auprès de la BNS et regardez si vous pouvez obtenir des rendements aussi élevés que ceux de 4% à 6% net qui sont offerts grâce aux pratiques administratives de l'office du logement. Les bailleurs ne sont donc pas lésés par les mécanismes de la zone de développement. Bien au contraire: ils en retirent la sécurité de leurs investissements, mais leurs appétits, qui peuvent aller nettement au-dessus de ces pourcentages et s'expriment au détriment des locataires, sont sans doute un peu rognés. Ils peuvent se permettre de les exprimer pour une raison très simple: nous sommes dans une situation de pénurie et ils tiennent le couteau par le manche - ils peuvent imposer leurs diktats aux locataires, ce qui n'est évidemment pas acceptable. Raison pour laquelle le projet du MCG est excellent.
Encore un mot peut-être sur la question du délai de contrôle de vingt ans ou de quinze ans. J'imagine que la Chambre genevoise immobilière ne manquera pas de faire recours, comme elle l'a fait systématiquement pour toute règle d'amélioration de la protection des habitants en matière de logement et de lutte contre la spéculation foncière ou immobilière. Et si le Tribunal fédéral était saisi par un recours, il devrait procéder à une pesée des intérêts. Si un certain nombre d'articles de presse indiquent que les loyers baissent, ce n'est vrai que sur certains segments de logements de haut standing. Mais ils ne baissent pas pour la majorité de la population à Genève: ils continuent à augmenter, année après année, et prennent en étau les locataires de notre canton. Avec un taux de vacance de 0,51% et des loyers qui continuent à augmenter, il n'y a donc à mon avis pas de problème en cas de pesée des intérêts, ce d'autant plus si on ramène la période de contrôle à quinze ans plutôt qu'à vingt. Je vous remercie.
M. Pablo Cruchon (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'il n'y a pas besoin de revenir sur l'importance de la question du logement à Genève - c'est une préoccupation pour tous les Genevois - ni sur la cherté des loyers. Mon préopinant, M. Dandrès, l'a bien dit: les loyers ne font qu'augmenter depuis des années et des années. Or nous avons la chance d'avoir là un projet de loi qui permet de renforcer un des seuls outils de politique sociale du logement dont nous disposons à Genève, c'est-à-dire la LGZD qui permet à l'Etat d'intervenir pour contrôler le prix des loyers et le prix de vente des appartements en PPE. J'y reviendrai, parce que tout le monde dit que ce texte est devenu caduc avec la loi Longchamp. Or la loi Longchamp n'interdit pas les logiques spéculatives, mais uniquement de multiplier les logiques spéculatives ! On peut acheter un bien, y vivre dix ans et, dans une logique spéculative, le revendre bien plus cher après; il y a par conséquent une prise de valeur. Il n'y a pas de mécanisme de défense contre ça et les loyers augmentent quand même ! La loi Longchamp ne dit rien sur ça ! On a donc besoin de mécanismes qui cadrent la hausse des loyers et les prix à la revente.
Mme la députée Barbier-Mueller - vous transmettrez, Monsieur le président - dit que les loyers restent de toute façon bas, qu'il n'y a de toute façon plus de spéculation. Il n'y a donc pas d'enjeu à refuser cette loi ! J'invite par conséquent le PLR à la voter puisque à ses yeux elle est de toute façon caduque et ne sert à rien; nous en serons, nous, très contents parce que nous pensons qu'elle est utile. Elle est utile parce qu'elle permet de renforcer et de développer une politique sociale du logement, qui fait cruellement défaut à Genève - avec quoi se retrouve-t-on en laissant les acteurs immobiliers faire leur travail en toute liberté ? Avec 50% des biens construits, des villas ou des appartements, que la majorité de la population ne peut pas se payer; avec des loyers qui continuent d'augmenter. Il est donc maintenant temps que nous renforcions la politique sociale du logement.
J'aurais espéré qu'on ne limite pas la période de contrôle sur la zone de développement à vingt ans, mais qu'on la pousse à trente, quarante ou cinquante ans, et qu'on l'étende non seulement à la LGZD mais à l'ensemble des zones pour que les gens qui sont dans l'immobilier arrêtent de faire de l'argent sur le dos des travailleurs. Parce que la vraie différence d'analyse ici, entre la droite et la gauche, c'est vers qui va l'argent et dans quel porte-monnaie il va finir. La droite dit que c'est dans celui des constructeurs, du milieu immobilier et des régies qu'il doit se trouver à la fin du mois; nous disons que ce sont les travailleurs, les locataires qui doivent en avoir plus dans le leur. Je m'arrêterai là. Merci, Monsieur le président. (Quelques applaudissements.)
Une voix. Très bien.
M. Sandro Pistis (MCG). Il est vrai que lorsque le MCG a déposé ce projet de loi, qui demande donc un contrôle de la revente après vingt ans, le but était - vous l'avez compris - de défendre les locataires et de maîtriser le problème de la spéculation. En agissant de la sorte, on permettait également qu'une certaine catégorie de PPE soit accessible à la classe... à notre population. Aujourd'hui, il reste toutefois une zone d'ombre: est-ce qu'on ne devrait pas se reposer la question d'une période de contrôle de quinze ans dans la zone de développement ? Pourquoi pas, après tout ? Cela donnerait effectivement la possibilité à de nouveaux acquéreurs d'accéder à la propriété par étage, tout en évitant que celles et ceux qui ont eu la chance de pouvoir acheter ne remettent après dix ans leur bien sur le marché en générant des bénéfices non négligeables. C'est pour ces raisons-là que le MCG veut revoir cette question du délai de contrôle de quinze, voire vingt ans. Je demande donc le renvoi de ce projet de loi à la commission d'aménagement. Merci. (Commentaires.) Ma demande concerne bien un renvoi à la commission d'aménagement et non à la commission du logement. Merci.
Le président. Merci, Monsieur. Les rapporteurs souhaitent-ils dire quelque chose sur cette demande de M. Pistis ? (Commentaires.) Ce n'est pas le cas, nous passons donc au vote sur le renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11144 à la commission d'aménagement du canton est adopté par 56 oui contre 36 non.
Premier débat
Le président. Nous passons au PL 11462-A, dont nous débattons en catégorie II, trente minutes. Monsieur Zweifel, je vous laisse la parole.
M. Yvan Zweifel (PLR), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Permettez-moi de rappeler le contexte et le cadre de cet objet. Il s'agit ici de rappeler la volonté d'encourager l'accession à la propriété du logement, garantie par la constitution de notre canton en son article 180 et dans la LAPI, la loi sur l'aide à la propriété individuelle, du 2 mai 1997. Mesdames et Messieurs, quel est le but du PL 11462 ? Eh bien, c'est de mettre à jour cette LAPI qui date de 1997, comme je le disais, pour insuffler une nouvelle dynamique et promouvoir enfin l'accès à la propriété du logement, en particulier pour la classe moyenne. Autrement dit, il s'agit de permettre la mise en application effective de la LAPI puisque, comme on nous l'a démontré, elle n'a pas vraiment eu lieu jusqu'à présent. Il s'agit notamment de modifier le seuil d'application de la loi: en 1997, comme vous le verrez à la page 5 de mon rapport, le coût plafond au-delà duquel il n'est plus possible de bénéficier de ces aides pour l'accession à la propriété de son logement était de 4000 F le mètre carré en zone de développement. Or, on sait aujourd'hui que ces valeurs sont largement supérieures. Elles ont été réévaluées, soit dit en passant, par des arrêtés du Conseil d'Etat en 2008 et en 2010 pour arriver aujourd'hui à 5452 F le mètre carré, mais on est encore loin de ces valeurs minimum en zone de développement, qui atteignent plutôt - comme on nous l'expliquait en commission - entre 5000 F et 7500 F le mètre carré. Pour être logique, il s'agit ici de modifier ces seuils d'application.
Mesdames et Messieurs, doit-on se poser la question si on en a besoin à Genève ? Rappelons la situation genevoise en comparaison internationale et intercantonale: vous le savez, dans les pays qui nous entourent, le taux de propriété est de 50% à 70%. Qu'en est-il en Suisse ? Il est beaucoup plus bas, il est de seulement 34%. Qu'en est-il à Genève ? Il est encore plus bas puisqu'il y a seulement 17% de propriétaires. A la question du besoin de ce soutien à Genève, la réponse est donc oui. A la question «est-ce nécessaire ?», là aussi la réponse est oui. Pourquoi ? Parce qu'il y a eu des changements législatifs, notamment dans les pratiques bancaires. Le 1er juillet 2013, la FINMA, l'autorité de surveillance des banques, a modifié un certain nombre de pratiques: avant, on pouvait utiliser 20% de ses fonds de prévoyance professionnelle pour l'acquisition de son logement; si vous aviez à acquérir un logement coûtant 1 million de francs, vous pouviez utiliser 200 000 F pour cela et il vous restait peut-être 5% à payer en émoluments et autres frais, c'est-à-dire 50 000 F. Avec ce changement, on ne peut plus utiliser que 10% de ses avoirs de prévoyance professionnelle. Ça veut dire qu'il faut mettre 15% de fonds propres à côté: pour le même exemple à 1 million de francs, il s'agit de 150 000 F.
Je précise à M. le président que je prends un peu de temps sur celui de mon groupe, à qui ça économisera un peu de salive.
Enfin, vous le savez, depuis quelque temps, il y a également une restriction du crédit hypothécaire; suite à la crise des «subprimes» de 2008, la BNS a mis en place le volant anticyclique obligatoire pour les banques. Celles-ci ont un besoin en fonds propres plus important - quasiment le double d'avant - pour octroyer des crédits hypothécaires. Il y a donc moins de possibilités de crédits hypothécaires.
Ce projet de loi est-il nécessaire ? La réponse est oui ! Et je conclurai en vous rappelant qu'il s'agit d'un toilettage de la LAPI que, vu les évolutions législatives et le respect dû à notre constitution, je vous invite évidemment à accepter.
Présidence de M. Jean Romain, président
Le président. Merci, Monsieur le député. Vous avez pris quelques secondes sur le temps de votre groupe. Je passe maintenant la parole à M. le député Christo Ivanov.
M. Christo Ivanov (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi veut favoriser l'accession à la propriété et propose un toilettage de la loi sur l'aide à la propriété individuelle. Cela a été dit par le rapporteur, cette proposition souhaite mettre à jour les limites à l'investissement consenti par les candidats à la propriété qui leur permettent de bénéficier des aides prévues par la loi. Il s'agit de mettre au goût du jour ces conditions, notamment les seuils de prix pour lesquels un acquéreur potentiel a droit aux aides de l'Etat. Cette loi sera donc utile pour permettre à une frange de notre population - spécialement la classe moyenne - d'accéder à la propriété par le biais de la PPE lorsque les fonds propres font défaut. C'est exactement ce que notre Grand Conseil a voté il y a environ un an avec le cautionnement des coopérateurs et des coopératives. Pour toutes ces raisons, le groupe UDC vous demande d'accepter ce projet de loi.
M. François Lance (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, ce texte va dans le sens du PDC qui souhaite favoriser l'accession à la propriété: il modifie la loi sur l'aide à la propriété individuelle, la LAPI, qui a pour but d'encourager l'acquisition de son logement par les personnes qui, faute de fortune personnelle, ne sont pas en mesure d'investir les fonds propres nécessaires. Il s'agit dès lors de revoir les conditions - les seuils et les prix notamment - auxquelles un acquéreur potentiel a droit aux aides de l'Etat. Dans un contexte de resserrement de l'accès au deuxième pilier et au crédit hypothécaire, il s'agit de remettre à jour cette loi. Il faut rappeler que, dans le cas de la LAPI, trois types d'aides sont prévues: les avances remboursables, les prêts fournis par l'Etat et le cautionnement. A ce sujet, une motion du PDC récemment traitée à la commission du logement demandait que le département améliore la communication à la population sur ces possibilités d'aides. Dans le cadre de sa politique de soutien à l'accession à la propriété, le PDC acceptera bien entendu ce projet de loi.
Mme Caroline Marti (S). Mesdames et Messieurs les députés, le principal but de ce projet de loi est d'étendre les possibilités d'accession à la propriété, en particulier par le relèvement du plafond des prix des logements pour lesquels il est possible de bénéficier d'une aide de l'Etat. Ce plafond est poussé jusqu'à 1 million de francs par le biais de ce projet de loi. Or, Mesdames et Messieurs les députés, est-ce que vous connaissez le prix moyen d'un appartement vendu en zone de développement en 2016 ? Ce prix moyen s'élevait à 5850 F le mètre carré. Avec un plafond fixé à 1 million de francs, vous pouvez couvrir des biens qui vont jusqu'à 170 mètres carrés. Donc, soit ce texte vise en particulier les familles très nombreuses qui ont besoin d'un très grand appartement, soit il permet l'achat d'appartements et de biens de luxe. Si l'on considère les décisions prises en matière de politique du logement ces dernières années, dans le projet de budget 2015, on a connu des baisses importantes dans les aides au logement, pour un montant de 3,6 millions de francs, mais également une diminution des charges de la politique publique G dans son programme 01 sur le logement.
Aux yeux du parti socialiste, l'action de l'Etat en matière de logement et d'aide à la personne dans ce domaine doit se concentrer sur les personnes les plus précarisées et la classe moyenne, pas sur les personnes qui ont des moyens suffisants pour accéder à la propriété. C'est une question de priorité ! Avec ce projet de loi du PLR et, surtout, avec les montants proposés, ce parti applique exactement la politique de l'arrosoir qui vise à aider une frange importante de la population, une politique que le PLR conteste par ailleurs dans d'autres domaines. Je le rappelle, les logements en question peuvent coûter jusqu'à 1 million de francs. Pour le parti socialiste, ça ne doit pas être une priorité de l'Etat. Raison pour laquelle nous vous invitons à rejeter ce projet de loi.
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, la commission du logement a étudié ce projet de loi visant à mettre à jour la LAPI. Le MCG l'a soutenu, mais il est vrai que la question se posait de savoir à quel niveau on allait mettre les nouveaux plafonds. La commission a voté en connaissance de cause, en fonction des chiffres fournis par le département, notamment par M. Francesco Perrella qui parlait justement d'une fourchette de 6300 F à 6500 F qui est à peu près une moyenne, même s'il y a des biens supérieurs. La question du niveau de la mise à jour de cette loi peut se poser puisque la dernière mise à jour a eu lieu en 2010, si je ne me trompe pas, et qu'il paraît raisonnable de placer la barre à ce niveau-là. C'est la raison pour laquelle nous avons soutenu la proposition et que nous vous invitons à voter ce projet de loi tel qu'il est ressorti de la commission.
Mme Katia Leonelli (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, les Verts s'opposeront formellement à ce projet de loi qui vise à revoir la LAPI, car il manque sa cible et il est trop incertain d'un point de vue budgétaire. Permettez-moi tout d'abord de saluer l'effort fait par son auteur pour tenter de rafraîchir cette loi qui n'a été d'aucune utilité depuis son entrée en vigueur en 1997 ! Nous rejoignons les signataires de ce projet de loi sur ce point: une loi qui ne sert à rien doit être revue d'une manière ou d'une autre, sinon, il faut l'oublier.
Les bénéficiaires de cette LAPI doivent être les personnes de la classe moyenne, et ce projet de loi semblait vouloir aller dans une direction qui aide ces gens en particulier à avoir accès à des PPE. En réalité, changer le seuil prévu par la loi pour une «limite de coûts équivalente au montant maximum admissible pour la réduction des droits d'enregistrement en application de l'article 8A de la loi sur les droits d'enregistrement» n'aiderait en rien les familles nombreuses de la classe moyenne. Au contraire, comme l'a dit ma préopinante du parti socialiste, elle permettrait à des personnes avec plus de moyens d'avoir accès à ces aides étatiques. Ainsi, cet objet manque sa cible.
Si l'Etat souhaite encourager l'accès à la propriété individuelle, il doit mettre en oeuvre des moyens pour que cette catégorie de logements soit accessible au plus grand nombre ! Seulement, nous sommes incapables aujourd'hui de dire quels seraient les coûts réels engendrés par la mise en application d'une telle loi. Cette simple raison devrait suffire à nous faire refuser ce projet. Aider la classe moyenne à se loger dans des PPE, d'accord ! Mais à quel prix et jusqu'où ? L'aide à l'accès à ce type d'habitation ne doit pas et ne peut pas être une priorité pour l'Etat, qui devrait se concentrer sur des projets plus en accord avec la situation actuelle de notre canton, pour faire face à la grave crise du logement en aidant avant tout les plus démunis qui peinent à se loger. Ou bien encore l'Etat devrait encourager des solutions innovantes et des alternatives à la propriété privée - un concept peut-être dépassé en 2018 - avec des propositions citoyennes de coopératives ou de propriétés collectives plutôt qu'individuelles. C'est pour toutes ces raisons que nous souhaitons nous opposer à ce projet de loi. (Applaudissements.)
Mme Diane Barbier-Mueller (PLR). Monsieur le président, pour rappel et pour compléter ce qu'a dit le rapporteur de majorité, 17% de personnes à Genève sont propriétaires de leur logement. Il faut savoir que ça ne reflète pas la volonté de la population, ce ne sont pas 83% de personnes qui ont choisi d'être locataires. C'est uniquement un problème d'offre et de demande; il y a malheureusement trop peu de biens en PPE sur le marché. Il y a une très grosse demande, on le constate à chaque fois qu'un projet est proposé en zone de développement, mais également en zone libre à des prix accessibles.
Ce projet demande un toilettage de la loi qui est devenue obsolète. Quand une loi n'est plus applicable ou qu'elle n'est plus d'actualité, il faut la modifier et la mettre à jour. Actuellement, la loi bloque le prix du mètre carré à un plafond de 4000 F. C'est beaucoup trop bas, mes préopinants l'ont prouvé: il n'y a plus de projets qui se vendent dans ces prix-là ! Je n'ai pas tout à fait compris la notion de biens de luxe pour Mme Caroline Marti, qui fixe ceux-ci à un prix allant de 1 à 2 millions de francs. A 1 ou 2 millions de francs, il n'y a pas de biens de luxe à Genève ! On ne se trouve pas dans le fin fond de la France ! Actuellement, la fourchette des prix en zone de développement oscille entre 6500 F et 7200 F le mètre carré. Ce projet de loi permettrait de faciliter la recherche de biens immobiliers.
Par ailleurs, quand ma collègue Katia Leonelli nous dit que cette loi n'atteindrait pas sa cible, j'aimerais bien l'entendre sur sa notion de classe moyenne à la recherche d'un bien. Les conditions pour obtenir un financement de nos jours sont très compliquées, le barème est très restrictif. Par conséquent, il faut véritablement encourager l'accession à la propriété et remettre cette loi à jour. C'est pourquoi le PLR vous invite à accepter ce projet de loi.
M. Rémy Pagani (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, j'entends ce discours depuis au moins trente ans, quarante ans même. Je me souviens de M. Pierre Wellhauser, que certains ici n'ont pas connu, qui disait qu'on allait chouchouter la classe moyenne, qu'on allait faire une loi pour ça. Cette loi trouve son origine avec M. Wellhauser qui faisait croire à la classe moyenne qu'elle allait enfin pouvoir se loger et accéder à la propriété. Sauf que ça fait soixante ans maintenant, même septante, et nous sommes toujours à 80% de locataires ! Les chiffres ont été donnés, il n'y a pas besoin de les répéter. Pourquoi ? Parce que les conditions-cadres n'ont pas changé: le prix du terrain en zone de développement était à 350 F le mètre carré il y a quarante ans; il a passé à 600 F puis à 1000 F le mètre carré. On m'a fait des procès d'intentions lors de la précédente législature, mais la marge des promoteurs est toujours de 14% à 18% ! Enfin, on parle de 6000 F le mètre carré, mais allez voir les propositions faites aujourd'hui pour l'accession à la PPE: en règle générale, c'est bien plus que 1 million de francs !
Je trouve un peu spécial qu'on fasse croire aujourd'hui encore, dans tous les débats politiques, que la classe moyenne va pouvoir accéder enfin à la propriété, parce qu'en fait, ce n'est qu'une illusion, les conditions-cadres ne le permettent pas ! Toute la population, la majorité de la population est subventionnée pour accéder à un logement en tant que locataire, que ça soit de manière individuelle ou par le subventionnement à la pierre qui va de soi pour Ensemble à Gauche. Par conséquent, une fois de plus, comme c'était le cas il y a de nombreuses années avec M. Wellhauser, cette loi est de la poussière que l'on fait pour essayer d'attirer des électeurs et de leur faire croire qu'on fait quelque chose pour eux; mais, en définitive, elle ne servira à rien. C'est pour cela que nous nous opposerons, comme nous le faisons depuis de nombreuses années, à ce type de subventionnement et de garanties.
Le président. Je vous remercie. La parole est à M. Yvan Zweifel pour dix-sept secondes.
M. Yvan Zweifel (PLR), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Dix-sept secondes pour demander à mon estimée collègue Caroline Marti si elle peut me préciser où on peut trouver un 170 mètres carrés pour 1 million de francs à Genève: à titre personnel, comme locataire, j'achète tout de suite ! Et aussi pour dire à mes collègues Verts qui prétendent que ce projet a un coût alors qu'il s'agit de prêter ou de cautionner de l'argent: je crois que vous vous trompez de débat budgétaire !
Le président. Voilà, je passe maintenant la parole à M. Antonio Hodgers.
M. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat. Merci, Monsieur Jean Romain. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat partage l'avis des auteurs de ce projet de loi sur plusieurs points. Tout d'abord, il est vrai de dire que les mesures prises successivement à Berne par le Conseil fédéral, par la FINMA, par la Banque nationale suisse et par l'Association suisse des banquiers ont toutes restreint la capacité de la classe moyenne d'accéder aux crédits hypothécaires en vue d'acquérir un bien immobilier. C'est une réalité objective que le Conseil d'Etat regrette. C'est une mesure anticyclique voulue par Berne, peut-être pertinente pour certaines régions de notre pays, mais en tout cas pas pour notre canton où le marché reste très tendu avec une forte demande et où aussi, il faut le dire, s'exerce un certain contrôle des prix grâce à la zone de développement. Voilà donc une mesure fédérale que l'on subit, mais qui n'est pas adaptée à notre canton et qui a pour effet pervers de réduire le nombre des ménages qui pourraient disposer des fonds propres et de la capacité à accéder à la propriété.
Deuxièmement, le Conseil d'Etat s'accorde sur le constat qu'il y a peu, trop peu de propriétaires à Genève et qu'une grande partie de la classe moyenne - classe moyenne supérieure - aimerait pouvoir acquérir son logement. Ceci est sain et normal et ce mouvement doit pouvoir être accompagné lorsque c'est matériellement possible.
Troisième constat, comme l'a dit la députée Barbier-Mueller, il ne sert à rien d'avoir une loi si elle n'a aucun effet concret. Il est vrai que la LAPI, dans sa forme actuelle, n'a aucune utilité parce que les seuils sont trop bas. Les seuils ont été indexés; quand même, on n'est plus à 4000 F le mètre carré ! On est exactement à 5670 F, mais ça reste un seuil bas. Le Conseil d'Etat est donc disposé à soutenir la modification légale proposée ici, mais il met en avant un effet pervers du dispositif prévu par le projet de loi issu de commission. Ce projet de loi supprime le plafond pour le prix au mètre carré pour ne garder qu'un seul prix, le prix total de vente du bien qui serait aujourd'hui de 1 183 849 F. C'est le fameux montant prévu par Casatax, indexé avec les années. Or, en supprimant le plafond au mètre carré, vous allez péjorer grandement les familles. En somme, vous pouvez être éligible selon la LAPI pour acheter un bien de 60 mètres carrés au prix de 20 000 F le mètre carré ! Et on peut dire que c'est un appartement de luxe, à 20 000 F le mètre carré: vous seriez donc éligible sans problème pour acheter un loft ! Par contre, la famille qui cherche un 5-6 pièces - ce qui correspond à 150-160 mètres carrés - sera défavorisée par ce plafond unique à 1,8 million de francs, y compris en zone villas, même si le prix au mètre carré reste modeste et qu'on parle vraiment d'une acquisition pour la classe moyenne. Vous comprenez bien qu'avec l'introduction dans le projet de loi de cette logique d'un prix unique et forfaitaire qui ne tient pas compte du nombre de mètres carrés, les petits biens - de faible volume - seront nettement avantagés par rapport aux biens plus importants qui sont souvent ceux que visent les familles avec des enfants, notamment. Dans ce sens, les arguments développés sont tout à fait pertinents.
Le Conseil d'Etat voulait soulever cette problématique: cette révision va dans le bon sens, mais le changement de méthodologie est nettement défavorable aux familles alors que ce sont souvent elles que l'on cherche à soutenir dans le cadre de l'accession à la propriété privée. Je laisse cela à votre appréciation, le Conseil d'Etat pouvant vivre avec le projet de loi tel qu'il est. De toute façon, aujourd'hui, on n'a aucun cas d'application. Si vous tenez à cette nouvelle méthodologie, essayons-la, et si des situations perverses surviennent, je reviendrai vers vous. Si on soutient des gens qui achètent des biens à 15 000 F ou 20 000 F le mètre carré, eh bien, le système aura clairement été dévoyé et le Conseil d'Etat réagira. C'est donc un soutien de principe, mais avec une petite réserve sur la méthodologie choisie par les auteurs, que le Conseil d'Etat accorde à ce projet de loi qu'il vous recommande de voter.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous passons au vote.
Mis aux voix, le projet de loi 11462 est adopté en premier débat par 51 oui contre 40 non.
Le projet de loi 11462 est adopté article par article en deuxième débat.
Mise aux voix, la loi 11462 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 51 oui contre 41 non.
Premier débat
Le président. A présent, nous abordons le PL 11546-A en catégorie II, trente minutes. Le rapport de majorité est de M. Christophe Aumeunier, remplacé par M. Yvan Zweifel, et celui de minorité de Mme Lydia Schneider Hausser, remplacée par Mme Caroline Marti. La parole revient à M. Zweifel.
M. Yvan Zweifel (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues, ce projet de loi demande quatre choses. Premièrement, d'augmenter la taxe sur la plus-value foncière, qui passerait de 20% à 50%. Il s'agit deuxièmement de modifier le ratio du bénéfice de cette taxe: actuellement partagé de façon égale entre le fonds de compensation agricole et les communes, il serait porté à 75% pour les équipements municipaux et à 25% pour le fonds. Troisièmement, ce projet vise à abaisser le montant de la plus-value à partir duquel la taxe est prélevée, qui passerait de 100 000 F à 50 000 F. Enfin, quatrièmement, le champ d'application de la loi serait modifié: à l'heure actuelle, la taxe s'applique lorsque l'on passe de zones inconstructibles à des zones constructibles, et les signataires veulent appliquer la taxe à toute modification du régime de zones, y compris quand on se trouve déjà en zone de construction.
Pour la majorité de la commission, cela pose un certain nombre de problèmes. D'abord, avec toutes ces modifications, on aura tout simplement moins de terrains à disposition. En effet, puisqu'on va simplement leur taper un peu plus dessus, les propriétaires qui pourraient être tentés de vendre y réfléchiront à deux fois. Il y aura moins de terrains à disposition, donc moins de logements à construire dans un canton qui, on l'a dit lors du précédent débat, a grandement besoin de logements supplémentaires. Ou alors, si les terrains sont vendus et utilisés, le prix supplémentaire payé se répercutera sur les loyers. Ainsi, des logements seront certes construits, mais coûteront plus cher, c'est le premier écueil.
Ensuite, il s'agit ici d'aider les communes à financer leurs équipements, ce qui est une bonne chose, mais la situation actuelle est différente de celle prévalant avant le dépôt du projet: aujourd'hui, les communes sont déjà soutenues, d'une part par la taxe sur la plus-value foncière - on en a parlé - d'autre part par la taxe d'équipement dont je rappelle qu'il s'agit d'un prix au mètre carré de surface brute de plancher à créer qui est dû par le propriétaire ou le superficiaire comme participation aux coûts de réalisation, de modification ou d'adaptation des voies de communication publiques. Or ce montant a déjà été revu, il s'élève désormais à 47 F le mètre carré de surface brute de plancher.
Et puis, entre-temps - en date du 18 mars 2016, pour être précis - on a créé le FIDU, le fonds intercommunal pour le développement urbain, qui offre justement un coup de pouce financier aux communes en vue de la réalisation d'infrastructures publiques rendues nécessaires pour accueillir de nouveaux logements. Ce fonds est financé chaque année à hauteur de 23 millions par les communes et de 2 millions par le canton.
Ces dispositifs qui n'existaient pas à l'époque constituent maintenant une grande aide pour les communes, lesquelles ne s'y trompent d'ailleurs pas, puisque l'ACG nous a dit en commission qu'elles s'opposaient à ce projet de loi - une ACG représentée alors par l'actuel excellent conseiller d'Etat Thierry Apothéloz. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, la majorité de la commission vous invite à rejeter ce projet de loi. Je vous remercie.
Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de minorité ad interim. Mesdames et Messieurs les députés, l'objectif de ce projet de loi est double. En premier lieu, il s'agit de mettre en place un instrument pour lever les blocages à la réalisation des PLQ, blocages essentiellement dus au manque de ressources financières de certaines communes qui doivent construire des infrastructures publiques. Avec le nouveau modèle de développement de notre agglomération par grands projets, des communes se retrouvent en effet à assumer l'élaboration de vastes quartiers, ce qui a des incidences budgétaires extrêmement importantes, comme le démontre notamment l'exemple des Cherpines: Confignon peine aujourd'hui à trouver les financements pour les équipements nécessaires à ce nouveau secteur.
Ainsi que le rapporteur de majorité l'a souligné, entre le dépôt du projet de loi et son examen en plénière aujourd'hui, le FIDU a été créé. Il s'agit d'un excellent outil qui produit des effets positifs, mais qui ne suffit malheureusement pas, entre autres pour remplir le deuxième objectif du projet de loi, à savoir réaliser des espaces publics de qualité. Les auteurs du projet et la minorité de la commission considèrent qu'il faut être ambitieux en la matière et ne pas se contenter du minimum; les nouveaux quartiers ne doivent pas être simplement fonctionnels, mais garantir une qualité de vie à toutes celles et ceux qui les fréquenteront, que ce soit pour y habiter, pour y travailler, pour s'y divertir. Il s'agit de promouvoir la convivialité et le vivre-ensemble.
Il est important de souligner qu'aujourd'hui, lorsqu'on déclasse des terrains, a fortiori des terrains agricoles, certains d'entre eux prennent énormément de valeur du jour au lendemain sur simple décision du Grand Conseil - leur valeur peut être multipliée jusqu'à cinquante fois ! Dans cette configuration, il convient d'arrêter de jouer à cette loterie qui consiste à acheter des terrains agricoles en espérant qu'ils soient un jour déclassés. A notre sens, il est normal de taxer fortement des gains qui, comme je viens de le dire, sont engendrés par la seule décision du Grand Conseil, c'est-à-dire par des tiers. La taxe permettrait de financer des infrastructures essentielles aux nouveaux logements dont nous avons impérativement besoin. Je vous remercie.
M. Jacques Blondin (PDC). Ce projet de loi, ainsi que l'indique son exposé des motifs, vise à pallier les problèmes de financement des infrastructures communales lors de l'aménagement de nouveaux quartiers suite à des déclassements. Le souhait est louable, l'objectif est clair, le moyen consiste à augmenter la taxe sur la plus-value foncière.
Or je rappelle qu'un accord avait été passé dans les années 2006 avec le monde agricole lorsqu'on s'était rendu compte que les ventes, qui se pratiquaient alors sur une base de 100 F le mètre carré, n'avaient plus lieu, générant un arrêt total de la mise à disposition de terrains. A l'époque, les agriculteurs avaient conditionné leur accord au fait que le taux de la taxe n'excède pas 15% - un compromis avait finalement été trouvé à 20% - et que 50% de celle-ci revienne à l'agriculture via un fonds pour les infrastructures. Dans ces conditions, la proposition des politiques de faire passer le prix du terrain en zone de développement de 100 F à 450 F le mètre carré pour un indice d'utilisation du sol de 1 a été acceptée.
Ces règles sont toujours valables; c'est de l'histoire ancienne, me direz-vous, et d'aucuns pensent en changer. Une chose est sûre, Mesdames et Messieurs les députés: le meilleur moyen de rendre illusoires de futures ventes de terrains, c'est d'augmenter la taxe sur la plus-value foncière à 50%. Il ne faut pas oublier que cette taxe s'ajoute aux impôts usuels sur le revenu ou la fortune, selon les cas. Depuis un arrêt du Tribunal fédéral de décembre 2011, l'impôt sur la plus-value lors de la cession d'une exploitation est passé à quasiment 50%, 50% sur ce qui était avant considéré comme le troisième pilier des agriculteurs, puisque les ventes étaient très peu taxées. Les conséquences - cumulatives ! - pour les représentants du monde agricole, en cas d'acceptation de ce projet de loi, ce serait 50% de taxe - donc moitié du prix retenu - et environ 50% d'impôts sur le montant restant - donc taxes diverses, puisqu'il s'agit de revenus AVS et autres. Oui, 70% à 75% de taxe, Mesdames et Messieurs, mettez-vous à leur place ! A mon avis, il y aura un arrêt brutal de la mise à disposition de terrains.
Comme le président l'a dit tout à l'heure, notre plan directeur cantonal vise la réalisation de logements en zone de développement, et les discussions étaient claires: il faut que nous puissions en disposer. On parle de manne dans le texte, le terme dit bien ce qu'il veut dire. Le secteur agricole a davantage de besoins que les communes - désolé pour elles - et il est important que le ratio de 50-50 soit maintenu pour l'agriculture.
Enfin, je corrige une erreur qui figure dans le rapport: le prix du terrain agricole n'oscille pas entre 5 F et 10 F, il est de 8 F le mètre carré pour produire des biens agricoles. Mesdames et Messieurs, je vous invite à rejeter ce projet de loi. Merci.
M. Yvan Rochat (Ve). Mesdames et Messieurs, chers collègues, le présent projet de loi consistant d'une part à faire passer la taxe sur la plus-value foncière de 20% à 50%, d'autre part à répartir celle-ci à raison de 75% en faveur des communes doit retenir toute notre attention et notre intérêt. En effet, réaliser les logements dont Genève a besoin, inscrire ce développement de manière qualitative dans son environnement afin d'améliorer la qualité de vie dans notre canton, cela a un coût, et ce coût est largement à la charge des communes qui sont le réceptacle premier des projets de construction.
L'accompagnement urbanistique «low cost» constitue une gifle pour les habitants et futurs habitants du canton. Nous devons nous en prémunir maintenant, car c'est maintenant que Genève connaît une étape cruciale de son développement; ce projet de loi y contribue clairement. Les mécanismes actuels - taxe d'équipement, FIDU - sont certes honorables, mais insuffisants, notamment lors de développements de grande ampleur.
Bien sûr, d'aucuns argueront que les communes sont tellement riches qu'elles n'ont pas besoin de soutien supplémentaire; certaines le sont, c'est vrai, mais d'autres pas, et comme par hasard, ce sont très souvent celles-ci qui se retrouvent à financer l'essentiel de l'écrin urbain dont les Genevois ont besoin.
Je citerai deux exemples. Avec le développement de Cressy au début des années 2000, la commune de Confignon a souffert - et souffre encore - des engagements massifs auxquels elle a dû consentir: déficit budgétaire, déficit aux comptes, accroissement de la dette communale ont été les conséquences de ce développement.
Vernier ensuite, commune que je connais quelque peu: avec la construction du quartier de l'Etang, les investissements sont passés en quelques années de 25 à 40 millions, puis à 70 millions par an ! Là encore, budget et comptes connaissent des chiffres rouges depuis un peu plus d'une année.
Que cela plaise ou non, voilà la réalité des communes qui répondent aux besoins de la population de notre canton en réalisant des logements; ce ne sont généralement pas les plus riches, et elles méritent d'être soutenues financièrement dans ces périodes. Les Verts vous encouragent à soutenir ce projet de loi par vos votes raisonnables et enthousiastes ! Merci.
Mme Véronique Kämpfen (PLR). Ce projet de loi, Mesdames et Messieurs, vise à construire davantage de logements et à financer des équipements publics. L'objectif est louable et sans doute partagé par l'ensemble des groupes en présence, mais le moyen proposé n'est pas le bon. En effet, augmenter le taux de la taxe sur la plus-value foncière de 20% à 50%, c'est le meilleur moyen de bloquer toute vente de parcelles aujourd'hui en zone agricole: les propriétaires seront inévitablement découragés de vendre leur bien, et cela signifiera moins de logements réalisés.
Le texte propose également de diminuer le montant de la plus-value considérée, qui passerait de 100 000 F à 50 000 F, et d'appliquer une taxe de 50% à toute modification de zone, et non plus uniquement aux terrains en zone inconstructible. La rédactrice du rapport de minorité estime que puisqu'il n'y a pas de plus-value en zone villas, le nouveau système n'engendrerait pas d'autre inconvénient que de limiter la prévisibilité des rentrées fiscales. Or cet aspect est au contraire très dommageable, et le minimiser revient à faire preuve d'inconscience. L'incertitude fiscale est extrêmement néfaste, comme nous le voyons avec la réforme de l'imposition des entreprises, par exemple.
Il faut encore ajouter, même si cela a déjà été rappelé, que depuis le dépôt de ce projet de loi en 2014, le fonds intercommunal pour le développement urbain a été mis en place. Son but étant de soutenir financièrement les communes en vue de la construction d'infrastructures publiques rendues nécessaires pour l'accueil de nouveaux logements, il remplit déjà l'une des missions du PL 11546. Le FIDU a été créé il y a deux ans seulement, il est sage de le laisser vivre et déployer tous ses effets avant d'instaurer d'autres mesures qui, telles que présentées dans ce projet, n'ont pas lieu d'être.
Pour toutes ces raisons, le PLR vous invite à rejeter ce projet de loi. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Stéphane Florey (UDC). Tout comme à l'époque - c'était en 2007 - l'UDC s'était battue contre l'instauration de la taxe sur la plus-value foncière, nous refuserons aujourd'hui son augmentation qui, bien évidemment, incitera les quelques agriculteurs qui restent encore dans notre canton à ne pas vendre. Voilà la première chose que je voulais dire.
Ensuite, si les agriculteurs réalisent un bénéfice sur la vente, il ne faut pas oublier qu'il s'agit de leur outil de travail. En vendant leur terrain, ces personnes se retrouvent bien souvent sans outil de travail, et il faut bien qu'elles puissent se réorienter avec des moyens qui leur permettent de vivre convenablement. C'est pour ces raisons que l'UDC refusera ce projet de loi et vous invite à faire de même, Mesdames et Messieurs.
M. Christian Dandrès (S). Mesdames et Messieurs les députés, un aspect historique de plus: ce projet de loi avait été rédigé à l'issue du scrutin populaire fédéral de 2013 concernant la loi sur l'aménagement du territoire, lequel inscrivait l'obligation de prélever une taxe de minimum 20% pour l'intégralité des cantons.
Genève disposait déjà d'un tel système en la matière, que nous souhaitions améliorer, pourquoi ? Parce qu'en parallèle était discutée la réalisation du plan directeur cantonal. Celui-ci prévoit des objectifs très exigeants qui font peser un certain poids sur les communes. C'était également l'époque des débats autour du projet Praille-Acacias-Vernets, et la question des infrastructures était justement déterminante.
Ce projet vise tous les secteurs, il est exact qu'il n'est pas réservé à la seule zone agricole, mais concerne également la zone villas, pour autant naturellement qu'il y ait plus-value; s'il n'y a pas plus-value, il n'y aura pas prélèvement d'une taxe sur la plus-value, évidemment. Il s'agit de pouvoir alimenter un fonds.
Entre-temps a été créé le FIDU qui, d'après les retours que nous en avons, remplit son rôle. Néanmoins, le projet de loi ne dit pas qu'il s'agirait de créer un fonds ad hoc, ainsi le bénéfice de la taxe pourrait alimenter le FIDU. Ce serait très utile, et je ne pense pas que les communes, si elles avaient à statuer sur ce projet ou à se prononcer à nouveau aujourd'hui, le refuseraient. J'en veux pour preuve que le PLR avait déposé en son temps un projet consistant à utiliser le fonds LUP pour financer les équipements; ce texte est toujours à l'ordre du jour de la commission du logement, et les communes qui ont été entendues encore récemment ont relevé qu'elles y étaient favorables. Avec le présent projet, on disposerait d'une alternative intéressante à celui de M. Aellen, puisqu'on ne toucherait pas au fonds LUP, mais qu'on augmenterait le FIDU grâce à la taxe plus-value.
Pourquoi est-il juste de toucher à la plus-value plutôt qu'à un autre patrimoine ? C'est assez simple, Mesdames et Messieurs. Aujourd'hui, comme on l'a indiqué tout à l'heure, les terrains en zone agricole valent 8 F le mètre carré; avec le déclassement, par une mesure administrative, ils prennent nettement plus de valeur, et cela justifie que la collectivité en bénéficie également. Comme on l'a rappelé, il est absolument indispensable de réaliser de nouveaux secteurs.
Il est important de rappeler aussi que tous les terrains en zone agricole ne seraient pas touchés, on parle uniquement de ceux situés dans des zones appelées à être densifiées et qui figurent au plan directeur cantonal. Dans le cadre de la politique d'aménagement du territoire, le Conseil d'Etat devrait réfléchir à des possibilités de reconversion, voire à l'apport de réformes à ce secteur économique très important que constitue l'agriculture genevoise; il aura bien entendu tout le soutien du parti socialiste si l'objectif est la qualité de l'alimentation ainsi que celle des conditions de travail des exploitants et de leurs employés.
Mesdames et Messieurs les députés, on ne peut pas refuser ce projet de loi au motif qu'il nuirait potentiellement, ce qui est d'ailleurs contesté, à la qualité de vie des exploitants; je pense qu'il s'agit là d'une mauvaise compréhension du système. Je vous remercie.
M. Jean Batou (EAG). Le groupe Ensemble à Gauche apportera son soutien à ce projet de loi: il nous paraît parfaitement légitime qu'une plus-value qui découle d'une décision administrative serve à financer une politique de développement territorial répondant aux besoins criants des communes en matière d'infrastructures, cela résulte du simple bon sens.
Plusieurs propositions sont à saluer dans ce projet, à commencer par l'abaissement du plancher à partir duquel on prélève la taxe, qui passerait de 100 000 F à 50 000 F. C'est une idée tout à fait pertinente, tout comme le fait d'étendre cette mesure à l'ensemble des modifications de zones pour que chaque fois qu'un déclassement engendre une plus-value - qui tombe du ciel pour le propriétaire - une partie significative de celle-ci soit utile à la collectivité. Les besoins du fonds de compensation agricole ne sont pas comparables à ceux des communes, et comme l'ont déjà indiqué certains de mes préopinants, les communes populaires qui ont d'énormes besoins en équipements, mais des ressources financières limitées, verraient d'un bon oeil cette nouvelle répartition de la plus-value.
Une dernière remarque, Mesdames et Messieurs: le rapporteur de majorité a dit que l'ACG s'opposait à ce projet de loi, mais il a oublié de préciser qu'elle était tout de même favorable à l'utilisation d'une part plus importante de la taxe sur la plus-value foncière en faveur des infrastructures communales, sa position est donc plus nuancée qu'il ne l'a annoncé. Pour toutes ces raisons, notre groupe vous appelle à soutenir ce projet de loi, soulignant que c'est avec une désinvolture détestable que son entrée en matière a été refusée en commission.
M. François Baertschi (MCG). Le groupe MCG s'opposera à ce projet de loi, parce que nous craignons qu'il engendre un renchérissement du prix des logements et constitue un frein à la construction. Certes, il y a un problème fondamental à Genève en ce qui concerne la réalisation de logements, certains types de logements tels que ceux que nécessite la classe moyenne sont rares, ce qui crée des déséquilibres à plusieurs niveaux, surtout pour les logements parmi les plus demandés dans notre canton.
Malheureusement, ce n'est pas avec des taxes qu'on résoudra ce problème ni la difficulté de trouver des terrains. Instaurer des taxes, c'est un emplâtre sur une jambe de bois, ici comme ailleurs, on ne peut pas résoudre tous les problèmes avec des taxes; si c'était le cas, ce serait trop beau et ça se saurait. Dans le cas précis, nous n'irons pas dans la bonne direction, Mesdames et Messieurs, donc nous vous demandons de rejeter ce projet de loi.
M. André Pfeffer (UDC). La position de l'UDC sur ce projet de loi a déjà été donnée par mon collègue. Pour ma part, j'aimerais relever que cette mesure créerait une double, voire une triple injustice. Pour rappel, la vente d'un terrain non constructible est plafonnée à 450 F, un prix bien inférieur à la réalité. De plus, il est question de doubler la taxe sur la plus-value foncière, alors qu'il y a encore les impôts sur le revenu et la fortune traditionnels. Ce projet de loi est à refuser pour des raisons d'équité fiscale. Merci.
Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de minorité ad interim. Mesdames et Messieurs les députés, quelques mots pour conclure, notamment pour répondre à celles et ceux qui ont évoqué le risque d'un blocage des réalisations de logements suite à l'augmentation de la taxe sur la plus-value foncière: sachez que la loi fédérale impose un minimum de 20% pour cette taxe; le canton de Genève a fait le choix assez peu audacieux de se coller au plancher...
Le président. C'est terminé, Madame.
Mme Caroline Marti. J'ai encore le temps du groupe, non ?
Le président. Non, il n'y a plus de temps pour les socialistes, je suis désolé. La parole est à M. Yvan Zweifel.
M. Yvan Zweifel (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Je crois qu'il me reste pour ma part un peu de temps du groupe, du moins je l'espère. Je vais le découvrir dans une seconde... (Un instant s'écoule.) Ah, il me reste une minute, quelle chance ! (Rires.) Voilà qui me permet de réfuter certains arguments.
On entend dans les rangs de la gauche que quand il y a déclassement, une plus-value est calculée, notamment en zone agricole; c'est vrai, mais si on s'en tient à ce propos, on a l'impression qu'il ne se passe rien avec cette plus-value, que le propriétaire qui en profite ne reverse pas un sou à la collectivité. C'est faux ! A Genève, M. Dandrès l'a rappelé, la taxe existait déjà bien avant que la loi fédérale change, donc nous avons fait le travail. Il ne faudrait pas faire croire aux gens qu'aucun prélèvement n'est effectué en faveur des communes qui, je le répète, sont aidées par trois fois: d'abord via cette taxe sur la plus-value foncière, ensuite via la taxe d'équipement qui a été augmentée, enfin via le FIDU.
Et pour répondre à M. Batou qui parle de désinvolture dans le cadre de l'étude en commission, je tiens à dire que le travail a été fait, toutes les auditions menées. On passe au deuxième débat quand il y a des amendements, or aucun amendement n'a été proposé. Le travail a été réalisé correctement, il n'y a eu aucune désinvolture en la matière, et je vous prie, Monsieur Batou - vous transmettrez, Monsieur le président - de garder vos réflexions - désinvoltes, celles-là - pour vous-même.
Une voix. Oh !
Le président. Je vous remercie, Monsieur Zweifel, et je lance la procédure de vote sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 11546 est rejeté en premier débat par 53 non contre 40 oui.
Premier débat
Le président. Nous abordons le PL 11621-A, classé en catégorie II, trente minutes. Je passe immédiatement la parole à Mme Magnin, dès lors qu'elle aura appuyé sur le bouton.
Mme Danièle Magnin (MCG), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le texte proposé demande que tous les commerces assujettis à la loi sur les heures d'ouverture des magasins mettent à disposition des clients des stations de tri des déchets signalées clairement et accessibles à tous. En commission, nous avons procédé à un certain nombre d'auditions, dont celle du chimiste cantonal, M. Patrick Edder, qui nous a expliqué qu'il y aurait prochainement une ordonnance fédérale sur l'étiquetage. Il nous a également dit que le suremballage restait problématique.
Nous avons ensuite entendu M. Claudio Marra, chef de vente pour la région chez Coop. Il a insisté sur le fait que, lorsque des demandes émanent de la clientèle, les choses se mettent peu à peu en place. Il nous a expliqué que l'emballage servait surtout à protéger les marchandises et qu'il n'était pas favorable au projet de loi car les magasins ont déjà installé des points de récupération un peu partout. (Commentaires.) Je voudrais signaler que la Coop a supprimé les sacs plastiques blancs dits à usage unique pour les remplacer par des sacs payants en plastique dits recyclés, à cinq centimes le sac. Sinon, il y a toujours les sacs en papier et les sacs en toile de bâche.
Ensuite, nous avons entendu M. Conrad Aeby, directeur du département commercial et logistique de Migros, qui a attiré notre attention sur la politique de développement durable très forte du groupe. Il a indiqué que Migros ne proposait plus de sacs plastiques à usage unique. Il a aussi mentionné les centres de récupération très complets où l'on peut aussi rapporter les matières chimiques achetées à la Migros. Il y a toute sorte de possibilités de rapporter, voire de ne pas emporter avec soi, les emballages de ce qui s'achète à la Migros, à M-Parc, dans les brico-loisirs ou dans les centres de jardinage.
Sur la base de ces auditions et des documents remis par la Migros à propos de leur manière de recycler les déchets, nous sommes arrivés à la conclusion que ce projet de loi n'était pas nécessaire, qu'il était superfétatoire par rapport à la situation existante et que des normes fédérales allaient encore un peu améliorer la situation. C'est pourquoi je vous invite - la majorité, pas moi - à ne pas entrer en matière.
M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, ce texte a obtenu l'appui initial d'une large palette de députés allant d'Ensemble à Gauche à l'UDC en passant par le PS. C'est un projet de loi qui empoigne un problème réel, de manière très raisonnable et modeste, puisqu'il s'agit d'assujettir un certain nombre d'entreprises, pas les petites entreprises familiales, mais les magasins soumis à la LHOM, à une simple disposition selon laquelle elles doivent fournir aux clients des stations de tri des déchets signalées clairement et accessibles à tous: quoi de plus raisonnable ?
Deux dispositions supplémentaires figurent dans le texte. La première, une proposition de simple bon sens, demande que ces stations de tri soient adaptées à la récolte des emballages des produits vendus dans ces commerces. Cela peut varier en fonction de la nature du commerce. La deuxième prévoit que le département règle la disposition, la signalisation, le volume des stations de tri en fonction de la surface de vente. Cela laisse donc une large marge de régulation et d'ajustement ainsi qu'une latitude au Conseil d'Etat pour faire au mieux en la matière.
Mesdames et Messieurs, ce projet de loi s'inscrit dans ce qui devrait être un objectif pour nous tous, dans une volonté de limiter une production excessive de déchets par suremballage. C'est un projet de loi écologique, économique aussi, qui évite que ce ne soient que les ménages et les consommateurs finaux qui doivent faire face, de leur propre volonté, au problème largement reconnu du suremballage. Cette proposition vise à faire remonter cette incitation à limiter l'emballage des biens vendus vers les distributeurs concernés et, in fine, vers les producteurs industriels, et, par là, à réduire la masse des déchets à traiter ou à incinérer. Ce dispositif peut contribuer subsidiairement à la mise en route de circuits de recyclage. Au bénéfice de ces explications, je crois qu'il est tout à fait utile, nécessaire et raisonnable de voter cette proposition.
M. Eric Leyvraz (UDC). Monsieur le président, je dois dire que nous avons bien accueilli ce projet de loi tout d'abord - nous avons même signé la demande - mais les diverses discussions avec les professionnels nous ont prouvé que, malheureusement, au fond, ce n'était pas une bonne idée. Ce texte demande une modification de la LGD, la loi sur la gestion des déchets. On a trop tendance à faire porter le fardeau des déchets sur le dernier maillon de la chaîne, c'est-à-dire le magasin ou le consommateur, alors que les responsables des emballages sont multiples.
Une taxe d'élimination des déchets est prévue par l'ordonnance fédérale: l'application de cette loi pourrait donc être contraire au droit fédéral. Notons aussi que les magasins vont certainement reporter les frais supplémentaires sur le client. Le chimiste cantonal fait, lui, une nette différence entre suremballage général et emballage nécessaire - d'hygiène - des denrées alimentaires. Il faut reconnaître aussi que les grandes surfaces genevoises favorisent déjà passablement le tri: elles ont supprimé les sacs plastiques à usage unique.
C'est plutôt un effort général qui nous semble nécessaire, du consommateur jusqu'au fabricant du produit. Nous devons aussi être très prudents de ne pas pousser plus les clients vers les grandes surfaces françaises en chargeant encore nos enseignes avec des dépenses supplémentaires. Bien sûr, les progrès sont lents concernant la gestion des déchets, mais il faut quand même reconnaître que nous sommes sur la bonne voie, avec une très large prise de conscience du public de ce problème lancinant. Enfin, la mise en route de cette loi et le contrôle de son application semblent des plus aléatoires. C'est pour cela que, quoique avec un peu de regret, l'UDC vous recommande de refuser l'entrer en matière sur ce projet de loi.
M. André Python (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, voici une contrainte de plus qui obligerait les commerçants à faire ce que la plupart font déjà. Les grandes enseignes sont préoccupées par le recyclage des déchets et ont déjà supprimé les sacs en plastique; elles font des efforts pour ne pas gaspiller, notamment en proposant des produits à l'association Partage - plusieurs tonnes par année. Imposer plus de contraintes augmenterait nécessairement le prix de certains produits et inciterait encore plus de consommateurs à s'approvisionner hors de nos frontières. Mesdames et Messieurs les députés, notre groupe refusera l'entrée en matière sur ce projet de loi. Je vous remercie de votre attention.
Mme Isabelle Pasquier (Ve). Mesdames et Messieurs, chers collègues, pour réduire la quantité de déchets, il y a globalement deux stratégies: la première, c'est taxer, la deuxième, c'est inciter. Si nos voisins - les autres cantons - ont tous déjà introduit la taxe au sac depuis de nombreuses années, Genève a fait le pari de l'incitation. L'incitation, c'est la voie que propose ce projet de loi: il s'agit de mettre en place des stations de tri adaptées aux emballages vendus. Un geste qui implique les consommateurs citoyens, on l'a dit, mais aussi les distributeurs et les vendeurs. Chers collègues, je dois dire que je ne comprends pas bien l'opposition que suscite cette proposition qui s'inscrit dans une nécessité. Le problème des microrésidus de plastique dans les océans ne touche pas seulement les pays riverains des océans. Le chimiste cantonal, qui a été cité de nombreuses fois, a déclaré en commission que le Léman est également contaminé par les résidus de microplastiques qui vont jusqu'à tuer certains poissons et se retrouvent dans l'eau potable.
Ensuite, ce projet de loi s'inscrit complètement dans la volonté du plan cantonal de gestion des déchets qui prévoit deux axes stratégiques prioritaires, à savoir diminuer à la source les déchets et augmenter le recyclage en incitant les ménages à trier. C'est exactement dans ce sens que va ce projet de loi. Vous dites que cette proposition semble irréalisable, mais elle est vraiment dans la ligne de ce qui se fait déjà. Au niveau fédéral, l'ordonnance sur le recyclage des déchets électriques et électroniques demande déjà aux magasins de reprendre ces déchets. Il s'agit de déchets bien plus compliqués à prendre en charge puisque les appareils électroniques, c'est un peu autre chose qu'un emballage superflu de biscuits ou ce qui est dénoncé ici ! Ensuite, on le voit, les magasins font aussi déjà des efforts de manière volontaire. C'est le cas avec les emballages de lait qui sont repris; alors que ce n'est pas une exigence au niveau fédéral ou cantonal, ces emballages sont repris. Les possibilités existent donc et les magasins peuvent le faire ! Seulement, jusqu'à maintenant, ils le font de manière volontaire et ce projet de loi demande de formaliser cette reprise, de rendre ces points plus accessibles.
Je dirai enfin qu'avec les nouvelles capacités prévues pour les Cheneviers, il sera nécessaire de réduire les déchets à incinérer. Ce projet de loi donne donc un signal clair aux consommateurs, mais aussi aux fabricants, qu'il faut aller dans ce sens. C'est pour cela que nous voterons en sa faveur. (Applaudissements.)
Mme Delphine Bachmann (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, je crois que le problème de la pollution plastique et l'urgence qu'il y a à le résoudre ne sont plus à démontrer. C'est un enjeu majeur pour les générations à venir. Le projet de loi consiste principalement à dire aux commerces qu'ils doivent disposer de stations de recyclage correspondant aux produits qu'ils vendent. Je rappelle qu'aujourd'hui, le tri dépend principalement des communes et que, selon leur taille, c'est compliqué d'avoir un système de récolte à domicile, notamment parce que le coût n'est pas toujours en rapport avec la taille de la commune. Ce texte permet d'augmenter le nombre de stations de recyclage ainsi que de faire réaliser aux grandes surfaces la quantité de suremballages présents dans leurs rayons - cette quantité est dramatique ! Dès lors, l'industrie prendra peut-être conscience que, pour avoir moins d'emballages plastiques dans ses poubelles, elle devrait éventuellement en mettre moins à disposition dans ses rayons ! Le parti démocrate-chrétien soutiendra donc dans sa majorité cet objet, et il rappelle qu'une marge de manoeuvre est laissée au Conseil d'Etat pour appliquer cette loi, notamment pour ne pas mettre en péril les petits commerces par rapport à la contrainte exigée.
Mme Marion Sobanek (S). Monsieur le président, parfois, je ne sais pas si je dois rire ou pleurer devant l'éternelle ritournelle des arguments de la droite sur chaque motion ou projet de loi en faveur de l'environnement, en faveur du logement social, en faveur des logements accessibles aux handicapés. C'est trop compliqué, c'est trop cher, c'est une contrainte supplémentaire, ce n'est pas à nous de le faire, c'est aux communes de le faire, pas au canton ! Ensuite, on dit que ça pénalise les petits commerces, puis on dit que ça pénalise les magasins genevois. Bref, il y a toujours une autre solution parfaite ou déjà une législation fédérale. Tout cela au lieu d'entreprendre une action simple, qui ne coûte pas trop cher, qui est compréhensible par tout le monde et qu'on peut tous réaliser !
Quand vous discutez avec les gens et que vous leur dites qu'ils pourront laisser les emballages superflus là où ils les ont achetés, au magasin, quasiment tous les citoyens comprennent cette mesure et son bienfait. Les déchets supplémentaires sont souvent des plastiques, beaucoup de papier aussi. Vous savez que les déchets plastiques forment un sixième continent dans les océans, comme l'a dit ma collègue. On aurait dû utiliser les magnifiques écrans que nous avons là pour projeter des images des déchets plastiques dans les mers et que nous nous rendions compte de ce que nous faisons !
On dit parfois ici qu'il ne faut pas faire peur aux Genevois; franchement, moi j'ai un peu peur quand je vois notre lenteur et notre pusillanimité. Nous ne réagissons pas, nous n'agissons pas ! Ce projet de loi est très modeste; il demande très peu de choses et il est adaptable, c'est écrit qu'il est adaptable aux produits vendus dans les commerces. C'est donc simple à faire, et je ne peux que vous enjoindre de voter oui à ce projet de loi.
Le président. Je vous remercie. Je passe la parole pour vingt-cinq secondes à la Mme la députée Klopfenstein Broggini.
Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve). Merci, Monsieur le président. Je demande un renvoi à la commission de l'environnement.
Des voix. Non ! (Commentaires.)
Le président. Merci. On va juste sonner, peut-être... (Commentaires.) Vous voulez venir à ma place un petit moment ? (Le président rit.)
Une voix. Non !
Le président. Merci ! Le renvoi en commission est demandé. (Commentaires.) Oui, mais on aimerait avancer, Monsieur le député ! (Rires. Le président rit.) Le vote est lancé.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11621 à la commission de l'environnement et de l'agriculture est adopté par 48 oui contre 34 non.
Premier débat
Le président. Nous passons au PL 11964-A, dont nous débattons en catégorie II, quarante minutes. Je passe la parole au rapporteur de majorité.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi implique une atteinte à la garantie de la propriété. Or, une telle atteinte doit répondre à l'intérêt public et au principe de la proportionnalité. Il existe aussi des sous-catégories concernant l'aptitude d'une mesure: celle-ci doit être apte à atteindre un but. Dans ce cas, la mesure n'est pas apte à atteindre son but car le requérant n'a aucune obligation de mettre en oeuvre l'autorisation de construire. Je cite le premier alinéa de l'article 14A prévu dans ce projet de loi: «Le département délivre une autorisation de démolir simultanément à la délivrance d'une autorisation de construire.» Le département ne peut pas encore contraindre à mettre en oeuvre et la disposition n'empêche pas le propriétaire de ne plus occuper, utiliser ou louer sa villa. Car ce sont les villas qui sont visées par ce projet de loi, puisque ce principe de lier l'autorisation de construire à une autorisation de démolition est déjà prévu dans la LDTR pour tous les logements qui répondent aux besoins prépondérants de la population. Ce projet de loi concerne donc les villas, les habitats groupés et les maisons contiguës, mais pas les logements visés par la LDTR, qui sont déjà soumis à ce principe. Cet objet a seulement pour but d'interdire aux propriétaires de démolir un bien sans reconstruire tout de suite. Par conséquent, cette proposition a un impact très faible sur le parc immobilier genevois. Enfin, la compatibilité du projet de loi avec l'article 26 de la Constitution fédérale - qui garantit la propriété - paraît sujette à caution. Pour toutes ces raisons, la majorité de la commission du logement vous recommande de refuser l'entrée en matière.
Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, l'objectif de ce projet de loi est somme toute assez simple: il s'agit de lutter contre le phénomène des maisons et des appartements laissés vides délibérément par leurs propriétaires. La minorité de la commission du logement considère que dans une situation de pénurie telle que nous la connaissons aujourd'hui, il n'est pas acceptable que certains propriétaires se permettent de maintenir des logements vides alors qu'ils pourraient loger une partie de la population - même temporairement dans la plupart des cas. Aujourd'hui, malheureusement, beaucoup de personnes sont mal logées ou ne trouvent pas de logement. Dans cette situation, chaque possibilité compte. Nous avons également pu faire le constat que certains propriétaires laissent leurs logements vides pour des raisons soit spéculatives soit administratives. Certains propriétaires vont même jusqu'à les rendre inhabitables par une démolition partielle de la toiture ou des sanitaires, de manière à s'assurer que personne ne vienne s'y installer, s'y abriter ou y habiter.
C'est vrai, nous le reconnaissons, certains logements sont promis à la démolition parce qu'ils se situent dans un périmètre destiné à être densifié, et ils ne peuvent pas dans tous les cas être reloués dans l'intervalle à travers un contrat de bail à durée indéterminée. Nous souhaitons toutefois souligner qu'il existe plusieurs solutions alternatives, notamment la conclusion de baux à durée déterminée avec des associations. C'est sur ce principe que travaille en grande partie la coopérative étudiante la Ciguë: elle récupère une partie des logements temporairement vides pour y loger des personnes en formation. Une autre solution qui pourrait être développée, ce sont les contrats de prêt à usage, une solution «win win» qui permet à des particuliers ou à des associations qui s'occupent de populations très précarisées de bénéficier de l'usage de ces appartements vides. Cela permet également aux propriétaires d'épargner des frais de surveillance ou de démolition de leurs biens.
Ce projet de loi propose de rendre la délivrance de l'autorisation de construire simultanée à celle de l'autorisation de démolir. C'est relativement simple et cela relève du bon sens. Malheureusement, la majorité de la commission du logement n'a même pas daigné l'étudier et, par des discours dignes du café du Commerce, en ne se basant sur aucun chiffre, sur aucun témoignage, elle a purement et simplement refusé de discuter et d'entrer en matière sur ce texte. Nous le regrettons et nous considérons que c'est particulièrement méprisant pour toutes celles et ceux qui sont à la recherche d'un logement à Genève. La minorité de la commission du logement vous recommande quant à elle d'accepter ce projet de loi.
M. François Lance (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, comme le rapporteur de majorité l'a dit, ce projet de loi implique une atteinte à la garantie de la propriété. D'autre part, il faut rappeler que le principe liant une autorisation de construire à une autorisation de démolir est déjà prévu dans la LDTR pour tous les logements qui répondent aux besoins prépondérants de la population. Par conséquent, ce projet de loi vise essentiellement des villas individuelles et contiguës, mais pas les logements concernés par la LDTR, qui sont déjà soumis à ce principe. La disposition proposée a donc seulement pour but d'interdire aux propriétaires de démolir un bien sans reconstruire tout de suite.
En réalité, une démolition est demandée par le propriétaire pour reconstruire à neuf, pour reconstruire plus grand ou pour réaliser plusieurs logements. Il est donc très rare qu'une villa ou un logement hors LDTR soient démolis sans être reconstruits. A Genève, la pénurie de logements ne touche pas les villas, les maisons individuelles ou les logements contigus. Avec ce projet de loi, il faudrait maintenir en état pour la mettre en location temporaire une maison hors LDTR destinée à être démolie après l'obtention de l'autorisation de construire. Il faut aussi rappeler que souvent, dans de tels cas, les propriétaires ou promoteurs trouvent des arrangements avec des associations pour mettre ces biens à disposition temporairement. Pour les raisons évoquées, le groupe PDC n'entrera pas en matière sur ce projet de loi.
Mme Katia Leonelli (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, ce projet de loi a été traité lors de la dernière législature et je n'ai pris connaissance des travaux de commission que récemment. Permettez-moi de vous faire part de ma profonde déception à la découverte du refus d'entrer en matière et d'auditionner de la part des représentants des partis de droite à la commission du logement. (Exclamations.) J'ai été déçue - mais pas surprise - de constater le renforcement des clichés dans une partie précise de notre société qui décide de fermer les yeux face à la pénurie du logement, qui touche avant tout les couches les plus précaires de notre population. Le projet de loi proposait d'empêcher qu'on puisse procéder à des travaux visant à rendre inhabitables tous types d'habitations restées vides, afin qu'il soit possible d'y loger temporairement des personnes dans le besoin par le biais de contrats de confiance ou associatifs avec des entités comme la Ciguë ou l'Hospice général.
Le projet est simple et louable; lorsque je tenterai d'expliquer à mes condisciples de l'université les arguments qui ont poussé la majorité à prendre cette décision, je ne saurai vraiment le faire, en raison de la méprisante futilité de ces arguments. Surtout, j'aurai honte que ce soit le résultat de notre démocratie tant convoitée !
La Ciguë est aujourd'hui la seule et unique solution pour les étudiantes et les étudiants qui souhaitent se loger décemment sans avoir à débourser des montants exorbitants. Or, cette coopérative à but non lucratif qui a toujours respecté ses contrats de confiance ne possède que quelques centaines de logements alors que des milliers de personnes en formation sont à la recherche d'un toit bon marché. Cette situation pousse la plupart des étudiantes et des étudiants à vivre dans des conditions infernales, à travailler pour financer leur logement. Cela retarde souvent leurs études de plusieurs années, les oblige parfois à s'endetter, à se vendre à de grandes enseignes - dans des conditions qui s'apparentent à une forme ouverte d'exploitation - ou encore, dans certains cas, à se prostituer. Voulons-nous de telles conditions d'étude dans notre canton ?
Quelles sont nos priorités ? Quel est l'intérêt public dans notre république ? Aux yeux de la majorité, il semblerait que le droit à la propriété prévale sur un des droits les plus fondamentaux de nos concitoyens: avoir accès à un toit ! J'espère vous avoir convaincus de l'importance de ce projet de loi et vous encourage vivement à voter en sa faveur. (Applaudissements.)
M. Pablo Cruchon (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, je suis très heureux de parler de cet objet ce soir, parce qu'il va me permettre de m'attaquer au problème fondamental de notre société qu'est la propriété privée. (Exclamations.) Ce n'est pas moi, mais notre cher Rousseau qui disait que la propriété privée était l'origine du mal. La propriété privée est une des sources des inégalités les plus crasses dans ce monde et à l'origine de beaucoup des problèmes sociaux que nous rencontrons ! Je ne vais pas proposer son abolition, rassurez-vous ! Ce serait malheureusement anticonstitutionnel dans ce pays par trop libéral. Par contre, lorsque les intérêts des propriétaires privés vont à l'encontre des intérêts prépondérants de la population et, notamment, de la dignité humaine, je crois qu'il est du devoir du législateur et de n'importe quel être humain d'agir ! Comment peut-on accepter que des dizaines de personnes dorment dans la rue, que des centaines de réfugiés soient logés dans des bunkers, que 8500 personnes attendent un logement social dans notre canton pendant que des propriétaires laissent leurs bâtiments vides ? Et, en plus, ils les dégradent exprès pour que personne ne les occupe ! C'est tout simplement criminel, nous devons agir, et ce projet de loi va dans le bon sens.
J'en suis désolé pour les auteurs de ce texte, mais je regrette à nouveau sa timidité: il s'apparente plus à une incitation à ne pas laisser dégrader son bâtiment. Je pense qu'un propriétaire qui n'est pas capable de mettre en location son bien ou n'y habite pas ne mérite pas d'être propriétaire et devrait être exproprié pour que son bâtiment soit mis à disposition des gens qui en ont besoin ! (Huées. Applaudissements.) C'est ça qu'il faudrait faire, parce que c'est une honte que, dans une des villes les plus riches du monde, il y ait des personnes dans la rue tandis que des villas vides sont détruites volontairement pour que personne n'y loge, comme au Petit-Saconnex ! Il est hors de question pour le groupe Ensemble à Gauche que l'enrichissement de quelques-uns s'oppose à la nécessité d'un toit pour toutes et tous, et nous vous invitons à soutenir ce projet de loi: aussi timide soit-il, il va dans le bon sens. (Applaudissements.)
M. Cyril Aellen (PLR). Monsieur le président, il faut juste rappeler, comme l'a fait de façon pertinente mon préopinant PDC, que la LDTR prévoit déjà des dispositions qui vont dans le sens souhaité en ce qui concerne les logements collectifs. On ne s'occupe dans le cas particulier que des villas, et la question est assez simple. Le droit du bail est ainsi fait qu'il existe des délais, qu'il existe des possibilités de prolonger les baux. Par voie de conséquence, le droit du bail protège le locataire et ne permet pas à un propriétaire de savoir de façon certaine si le congé donné prendra fin au moment où il envisage de faire des travaux.
Pour la procédure d'autorisation de construire, c'est la même chose: l'issue et la durée de ces procédures sont tout à fait aléatoires. Il se trouve que, dans certains cas, les deux échéances ne coïncident pas. C'est le premier problème qui fait qu'il y a un certain nombre de villas qui se trouvent vidées de leurs locataires après des années de procédure, mais pas encore au bénéfice d'une autorisation de démolition-reconstruction. Ce n'est pas du tout de la destruction spéculative comme l'a soutenu Mme Marti - j'ai trouvé ce concept assez sympa ! Ce n'est pas du tout ça, il y a deux problématiques. Dans ce contexte-là, il s'agit aussi de biens qui, objectivement, posent parfois des problèmes de sécurité. Il se trouve que notre république prévoit un principe de responsabilité. Il s'agit en particulier du principe de responsabilité du propriétaire à l'égard des habitants. Dans certains cas, dans l'attente de travaux qui permettront de produire souvent plus de logements, il est obligatoire de laisser inoccupés des locaux dangereux. Ce projet de loi veut contrevenir à ce principe. D'un côté, on veut des logements pour lesquels un propriétaire est responsable et, de l'autre, on veut empêcher ce propriétaire de réaliser les travaux qui lui permettent d'exercer cette responsabilité. Ce texte loupe sa cible et, objectivement, ne permettra pas d'arriver au but visé par ses auteurs !
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi partait peut-être d'un bon sentiment, mais la réalité est souvent cruelle. On l'a dit, une des problématiques concernant les bâtiments à Genève est réglée puisque ce principe existe déjà dans la LDTR, mais avec cette proposition, on va aboutir à quoi ? Tout simplement à un blocage complet une fois qu'on va soumettre à autorisation d'éventuels travaux, pas pour massacrer, mais pour protéger des villas, pour les fermer et empêcher qu'elles soient squattées. Une fois que vous avez des squatteurs, je vous souhaite bonne chance pour parvenir à réaliser votre projet ! Effectivement, à Genève, les projets prennent du temps, entre dix et douze ans. C'est malheureux, mais c'est comme ça pour l'instant. Si l'on met en oeuvre ce projet de loi, on aura tout bloqué; je crois que ce n'est pas la bonne solution, on n'avancera en rien avec ça. On va simplement encore donner une bouffée d'air à ces squatteurs qui ont envie de relancer ce mouvement. On fait tout faux en allant dans cette direction, c'est pour ça que nous avons refusé l'entrée en matière, ce n'est pas pour autre chose. On ne résoudra rien en plaçant dans ces villas, grâce à ce projet de loi, des demandeurs de logement à la rue; c'est simplement une manière comme une autre de s'attaquer à la propriété privée.
Si au moins ça amenait quelque chose et permettait de construire des logements plus vite, on pourrait encore en discuter, mais ce n'est pas le cas: on va bloquer et définitivement retarder une quelconque évolution dans les zones de développement. On met des années à vider les habitants de ces villas de façon à pouvoir réaliser les plans localisés de quartier approuvés par l'Etat, et au moment où on pourrait démarrer le projet, tac, ces maisons seront squattées ! Non, ce n'est pas la bonne manière d'aborder le problème; il y a peut-être d'autres manières de faire, mais en tout cas pas celle-ci ! C'est pourquoi le MCG refusera ce projet de loi et vous invite à faire de même.
M. André Pfeffer (UDC). Ce projet de loi part peut-être d'une bonne intention, mais la solution proposée est une bêtise. Je relève deux éléments figurant dans le rapport. Premièrement, la Fondation pour la promotion du logement bon marché et de l'habitat coopératif précise que, dans certains cas, la remise en état de locations est trop chère et qu'une location pourrait être dangereuse. Deuxièmement, la rapporteuse de minorité relève elle-même qu'entre la demande de démolition et la construction, il pourrait y avoir une période de dix ans. De ce fait, le problème résulte manifestement de la lenteur, des blocages et des délais excessifs liés aux autorisations de construire. Aucun autre canton suisse ne connaît des délais aussi longs que ceux que nous avons à Genève. Le groupe UDC est satisfait que nos collègues de gauche relèvent certains problèmes, mais notre groupe les invite aussi à proposer des solutions utiles, réalistes et applicables.
Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de minorité. Monsieur le président, juste quelques mots pour répondre au député Aellen. Il y a régulièrement un problème de temporalité entre le moment du départ du locataire, la délivrance de l'autorisation de construire et donc le début des travaux. C'est précisément l'objet de ce projet de loi: ce temps peut s'avérer relativement long, sachant les retards qui peuvent être pris dans la délivrance de certaines autorisations de construire. Durant ce laps de temps, absolument rien n'empêche un propriétaire qui ne souhaiterait pas remettre son bien pleinement en location de permettre qu'il bénéficie à une personne qui en aurait besoin. Je cite quelques exemples: il peut s'agir de baux à durée déterminée avec des particuliers, avec des associations ou des coopératives, ou même de contrats de prêt à usage pour une mise à disposition gratuite du bien. Il n'y a dans ce cas pas de perte pour le propriétaire, dans la mesure où l'autre solution aurait été de laisser son bien vide. Cela permet d'offrir un toit à des populations précarisées. Des personnes sans abri, des personnes migrantes peuvent ainsi bénéficier d'un toit alors que, dans la situation actuelle, on a d'énormes problèmes pour trouver des structures qui permettent de les accueillir. C'est l'objet de ce projet de loi. Une nouvelle fois, je vous recommande de l'accepter.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, lorsque j'entends le député Cruchon - vous transmettrez, Monsieur le président - encourager l'expropriation et parler de l'enrichissement de quelques-uns, permettez-moi de sourire, je me dis que c'est vraiment un retour à la lutte des classes !
Des voix. Oui ! Exactement !
M. Pierre Vanek. C'est là qu'on voit qu'il s'exprime clairement ! Même toi, tu as compris ! (Rires.)
M. Christo Ivanov. Il y a des problèmes de vétusté et de sécurité, cela a été dit. Il existe un droit du bail qui protège les locataires et des délais de procédure qui, parfois, durent des années, voire des dizaines d'années, ce qui bloque les opérations. Je rappelle aussi ce que j'ai dit tout à l'heure, ce texte entraîne un problème juridique, il n'est pas compatible avec la Constitution. Par conséquent, il convient de refuser l'entrée en matière.
Le président. Je vous remercie. Je fais maintenant voter l'assemblée sur ce PL 11964. (Le résultat du vote s'affiche.)
Une voix. Là, on voit bien les classes sociales !
Le président. Je vous remercie de me laisser donner le résultat avant de parler de classes sociales !
Mis aux voix, le projet de loi 11964 est rejeté en premier débat par 56 non contre 39 oui.
Le président. Je lève la séance jusqu'à 18h15. (Exclamations.)
La séance est levée à 17h50.