République et canton de Genève

Grand Conseil

GR 517-A
Rapport de la commission de grâce chargée d'étudier le dossier de Madame F. B.

Le président. Nous traitons maintenant le point 10. Je prie M. Charles Selleger de s'installer à la table des rapporteurs, afin de nous présenter le dossier de grâce. Je vous rappelle, comme toujours, que la grâce est la première compétence de notre Grand Conseil et qu'il convient de respecter le débat dans la plus grande sérénité. Monsieur le rapporteur, je vous donne la parole.

M. Charles Selleger (R), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le Grand Conseil est saisi du recours en grâce de Mme B., actuellement âgée de 60 ans, condamnée en 2005 par la Cour d'assises de Wood Green, en Angleterre, à quinze ans de prison pour possession de stupéfiants. Il convient donc d'abord de parler de la recevabilité de cette demande. Etant de nationalités suisse et ghanéenne, Mme B. a obtenu son transfèrement en Suisse en 2007 pour y poursuivre sa peine. Selon la convention sur le transfèrement des personnes condamnées, article 12, les demandes en grâce sont de la compétence soit de l'Etat où la condamnation a été prononcée, soit de l'Etat où la peine est accomplie. En ce sens, le recours en grâce déposé par Mme B. est recevable à Genève.

Mme B. été condamnée pour possession de stupéfiants. Elle était en possession de plus 8 kilogrammes de cocaïne. Selon son avocat, ses antécédents judiciaires étaient vierges, et elle ne s'est pas livrée au trafic de stupéfiants mais elle a plutôt été victime d'un réseau de trafiquants. Elle n'aurait jamais eu le choix d'agir autrement. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Les considérants du jugement, les «sentencing remarks», relèvent qu'elle n'a pas pu bénéficier de circonstances atténuantes parce qu'elle n'a pas voulu plaider coupable, qu'elle n'a pas dénoncé ses commanditaires et qu'elle a cédé à l'argent facile. La peine qui lui a été infligée est donc en rapport avec le poids de stupéfiants, 5 kilos en Angleterre équivalant à quatorze ans. Les considérants précisent que deux tiers de la peine doivent être accomplis, à moins que - c'est important - après exécution de la moitié de la peine seulement, une instance, nommée «parole board» en Angleterre, ne la libère pour la seconde moitié. L'avocat réfute la volonté de s'enrichir. Il précise que sa cliente n'a pas voulu dénoncer les commanditaires, de crainte de représailles sur la famille restée au Ghana.

Sur le plan du comportement, tout au long de son séjour carcéral en Suisse, qui s'est principalement déroulé à la Tuilière, prison située à Lonay, dans le canton de Vaud, Mme B. s'est comportée d'une manière exemplaire. C'est attesté par le rapport de l'établissement. Il est relevé qu'elle a toujours été respectueuse, qu'elle était assidue dans son travail en atelier et qu'elle jouait un rôle de modératrice pour ses codétenues, qui la considéraient comme une «mère carcérale». Elle n'a jamais été en retard dans ses retours pour les congés qui lui ont été accordés. Elle est actuellement détenue à la prison genevoise de Riant-Parc.

Condamnée le 25 janvier 2005, elle aura accompli les deux tiers de sa peine le 10 septembre 2014, soit dans deux ans et quatre mois, alors que la moitié de sa peine est passée depuis le 10 mars de cette année. La demande de grâce conclut principalement à la remise totale de la peine, afin que Mme B. puisse être immédiatement et définitivement libérée, subsidiairement à une remise partielle de la peine dans une mesure telle que Mme B. puisse demander sa libération conditionnelle.

Plusieurs raisons plaident pour une remise partielle de la peine, ce qui permettrait à la détenue de demander sa libération conditionnelle. Premièrement, selon le droit qui l'a condamnée - le droit anglais - une demande de libération conditionnelle peut être obtenue dès l'accomplissement de la moitié de la peine. Mme B., deuxièmement, en était consciente et s'est toujours attendue à ce que sa situation puisse être examinée à mi-peine. Troisièmement, le comportement de Mme B., je l'ai dit, s'est révélé exemplaire dans l'accomplissement de sa détention. Quatrièmement, la lourdeur de la condamnation en Angleterre ne saurait être remise en question, mais cette lourdeur doit être relativisée par rapport à la possibilité de n'accomplir que la moitié de la peine, ce qui n'est pas le cas en Suisse, où il faut accomplir les deux tiers. Cette différence peut également expliquer la lourdeur des condamnations qui sont prononcées en Angleterre. Cinquièmement, Mme B. a toujours respecté les conditions de ses congés, ceux-ci se sont toujours bien passés. Ensuite, condition accessoire, Mme B. ne restera pas en Suisse, a-t-elle annoncé, mais elle rejoindra son mari, d'ores et déjà établi au Ghana et à la retraite. Septièmement, Mme B. atteindra l'âge de 61 ans le mois prochain; son âge relativement avancé rend sa peine d'autant plus lourde. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

En commission, plusieurs commissaires se sont opposés à l'octroi de la grâce pour les arguments principaux suivants. Il est du ressort du service de l'application des peines et mesures de se prononcer sur la libération conditionnelle, ce qui pourra se faire en droit suisse au deux tiers de la peine. Ensuite, la quantité de drogues dures concernée est très importante, et la peine ne saurait de ce fait être réduite. Troisièmement, toute affaire concernant la drogue est trop grave pour que la peine prononcée soit remise en question, a exprimé l'un des commissaires.

Au vote, la commission était unanime pour refuser la demande principale de grâce, à savoir la remise totale de la peine. En revanche, la remise partielle de la peine, ouvrant la possibilité d'une demande de libération conditionnelle a été acceptée par la moitié des commissaires, l'autre moitié s'y opposant. Dans un cas de vote moitié-moitié, le vote doit profiter au requérant. C'est ainsi que la commission vous recommande l'octroi de la grâce partielle.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le rapporteur. La parole n'étant pas demandée, je vais donc mettre aux voix le préavis de la commission. Ce préavis conclut à la remise partielle de la peine privative de liberté dans une mesure telle que Mme B. puisse demander sa libération conditionnelle.

Mis aux voix, le préavis de la commission de grâce (remise partielle de la peine privative de liberté) est rejeté par 45 non contre 19 oui et 11 abstentions.