République et canton de Genève

Grand Conseil

Allocution du président du Grand Conseil, M. Guy Mettan

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers nouveaux élus, chers amis, permettez-moi d'abord de vous remercier toutes et tous chaleureusement d'avoir accepté ma candidature à la présidence de notre assemblée. Comme vous le savez, le chemin a été long et je suis particulièrement heureux d'en voir l'issue ce soir. A cet égard, j'aimerais remercier en particulier les membres de ma famille politique, l'Entente en l'occurrence, qui ont choisi de mettre l'accent sur ce qui nous rassemble plutôt que sur ce qui pouvait occasionnellement nous diviser.

Je ne veux pas faire de vaines promesses, mais sachez tous que je m'efforcerai d'être à la hauteur des responsabilités que vous m'avez confiées. Car, en faisant ce choix, vous avez fait preuve d'une certaine audace et peut-être même pris des risques. D'abord, vous avez choisi un Valaisan, ce qui n'est pas un choix neutre. Certes, il y a déjà eu des personnalités d'origine valaisanne qui ont présidé notre Grand Conseil, mais ces valeureuses personnalités étaient des Valaisannes, Micheline Calmy-Rey et Elisabeth Decrey Warner en l'occurrence. En choisissant un Valaisan ce soir pour succéder à notre estimé doyen Francis Walpen, originaire de Reckingen, vous avez donc courageusement fait le choix de rétablir une stricte parité, ce dont je ne peux que me réjouir.

Vous avez ensuite choisi un catholique, et cela alors que nous célébrons le 500e anniversaire de la naissance de la plus grande figure du protestantisme genevois, Jean Calvin. C'est un geste d'audace mais surtout, je crois, un souci de réaffirmer que l'esprit de Genève, ce n'est pas une coalition d'intérêts, mais d'abord une communauté de valeurs spirituelles, un idéal du «vivre ensemble» malgré nos différences, et cela que l'on soit protestant, catholique, juif, musulman, bouddhiste ou athée. Affirmer les valeurs qui nous unissent, trouver les solutions qui respectent l'intérêt général font partie des missions d'un parlement.

Vous avez enfin choisi un président qui est à moitié russe par sa seconde nationalité. Et cela aussi, c'est peu courant, pour ne pas dire franchement inédit. Depuis dix ans en effet, grâce à ma fille adoptive Oxana qui se trouve à la tribune, je suis devenu double national en recevant très officiellement le passeport russe en 1999. Ce n'est pas une nationalité toujours facile à assumer, tant les préjugés hérités de la guerre froide sont encore vivaces. Mais vingt ans après la chute du Mur de Berlin, et pour faire suite à la présidence de notre collègue Loly Bolay issue de l'immigration galicienne, j'y vois le signe que tous les peuples européens se rapprochent malgré les vicissitudes politiques. C'est surtout la marque de la grande vitalité de la Genève internationale et de l'ouverture que la Genève helvétique entend constamment exprimer vis-à-vis de nos hôtes étrangers. Au moment où des craintes surgissent, notamment à l'égard de nos voisins français, il est essentiel de rappeler que la grande vertu de Genève, c'est d'être une petite Amérique, c'est-à-dire un melting-pot capable d'intégrer et de faire vivre en harmonie des dizaines de nationalités différentes. Il est essentiel que nous poursuivions cet effort.

J'aimerais maintenant vous faire partager ce qui pourrait être des objectifs de législature, ou du moins un climat de travail que nous pourrions adopter durant les quatre années qui viennent. Je pense en effet que, en raison des difficultés économiques qu'éprouvent la majorité de nos concitoyens et par souci de ménager notre environnement et les ressources qui s'épuisent - souci auquel notre ancienne présidente Anne Mahrer nous a rendus attentifs - nous devrions placer cette législature sous le signe de la sobriété, de la frugalité et de la tempérance. Comme dit Lao Tseu: «Pour gouverner un grand royaume, il faut imiter celui qui fait cuire un petit poisson». C'est-à-dire qu'il ne faut rien jeter et procéder dans les grandes choses comme si l'on n'avait que très peu de moyens. Nous pouvons le faire d'abord dans notre travail législatif, en nous concentrant sur la qualité des lois et des motions plutôt que sur leur quantité. Grâce à l'action de mes prédécesseurs et notamment de Michel Halpérin, notre ordre du jour a déjà pu être réduit de moitié, passant de 1000 objets en suspens à 500. Mais ce nombre est encore trop élevé. Nous pouvons le réduire, en diminuant par exemple le nombre de commissions et en rationalisant nos séances du vendredi après-midi. Si les membres du nouveau Bureau partagent ce point de vue, nous vous ferons des propositions à ce sujet. Enfin, il va de soi que nous appliquerons avec la plus grande fermeté les principes acquis lors des législatures précédentes sur les temps de parole et les comportements durant les sessions. Il y va de la crédibilité et de la légitimité de notre institution.

De la modération, il en faudra également en matière de dépenses publiques. Car les années qui viennent s'annoncent forcément difficiles à ce propos. Notre Grand Conseil a sagement montré l'exemple en bloquant ses dépenses et les indemnités des élus. Il faudra probablement appliquer la même rigueur aux autres dépenses publiques.

Mais la frugalité ne doit pas empêcher la générosité. Autant nous devons être économes de lois et de règlements qui entravent la vie quotidienne des citoyennes et des citoyens, autant nous devons être généreux et interventionnistes dans certains domaines qui exigent une attention accrue de notre part. Je pense notamment à la sécurité, au chômage et à la formation des jeunes, à la nécessité de créer des passerelles entre les générations afin de prévenir le vieillissement démographique, à l'édification de l'agglomération franco-valdo-genevoise et aux infrastructures de transports et de logements qui vont avec, ainsi qu'à la promotion d'une culture qui soit, sur le plan architectural ou artistique, l'expression de notre cité. Dans tous ces domaines, nous devons nous montrer généreux de nos talents, de notre créativité, de notre esprit d'innovation pour trouver des solutions à la fois durables et en harmonie avec la culture de notre temps.

Mesdames et Messieurs les députés, la grande force de notre petite république, c'est de pratiquer avec talent à la fois une culture du conflit et une culture de paix et de dialogue. Nos querelles surprennent parfois nos voisins par leur vivacité, mais elles ont le mérite de faire sortir les malaises et les problèmes. Cette culture de l'affrontement est en effet une qualité quand elle est tempérée par le souci permanent du dialogue et de la concertation, qui est aussi l'une des marques de Genève et qui a d'ailleurs fait sa réputation dans le monde. Puissent ces deux qualités animer de façon égale nos débats et nous faire trouver les meilleures solutions possibles pour notre république pendant les quatre années à venir. C'est tout ce que je nous souhaite.

Pour conclure, permettez-moi encore de remercier toutes celles et tous ceux qui ont contribué à mettre en place cette nouvelle législature, à commencer par notre doyen, Francis Walpen, qui a magistralement conduit la manoeuvre, son assistant, notre junior Guillaume Sauty, qui l'a aidé, et le Bureau provisoire qui l'a secondé. J'aimerais encore dire ma gratitude à notre sautier, Mme Maria Anna Hutter, et à toute l'équipe du secrétariat général, qui n'ont pas ménagé leur peine pendant ces dernières semaines pour accueillir les soixante députés sortants et surtout les quarante nouveaux élus de notre parlement. J'aimerais encore une fois exprimer mon amitié pour notre dernier président Eric Leyvraz, avec qui j'ai eu le plaisir de travailler pendant une année. Et enfin, j'aimerais souhaiter un plein succès aux candidats qui se présentent maintenant à vos suffrages pour le nouveau Bureau. Ils méritent votre soutien et je me réjouis vraiment de travailler avec eux. Merci de votre attention. Vive Genève, vive la République ! (Applaudissements.) (Les deux huissiers quittent la salle.)

Mesdames et Messieurs les députés, nous poursuivons notre ordre du jour.

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