République et canton de Genève

Grand Conseil

Allocution du doyen d'âge

Allocution du doyen d'âge, M. Francis Walpen

Le président. Monsieur le président du Conseil d'Etat, Messieurs les conseillers d'Etat, Mesdames et Messieurs les députés, mes chers collègues, Mesdames et Messieurs, il est dans toute existence des moments que l'on ne choisit pas, mais qui nous sont imposés par les circonstances; pour moi, ce soir en est un.

Permettez-moi tout d'abord de remercier ici toutes les personnes qui, une nouvelle fois, m'ont fait confiance par leur vote et d'avoir une pensée toute particulière pour ma commune de Chêne-Bougeries, ses collaboratrices et collaborateurs, qui supportent leur maire, dans tous les sens du terme.

Quant à celles et ceux qui me rêvaient dans le fauteuil d'un EMS, regardant cette cérémonie à la télévision, et qui doivent, hélas, encore me tolérer ce soir, je les prie de bien vouloir m'en excuser: je ferai en sorte que leur agacement ne dure pas trop longtemps... ce soir.

Cela dit, en ouvrant cette 57e législature, oserais-je vous imposer un instant de nostalgie ? Il s'agit dans mon esprit d'un instant de mémoire, d'une pensée pour toutes celles et tous ceux qui, pendant mes vingt-cinq années au service du public, m'ont permis de servir, sans jamais me servir ni être le serviteur de personne.

Au-delà de toutes et tous mes anciens collègues de travail, mes anciennes collaboratrices et collaborateurs, je pense particulièrement d'abord à mes années à la chancellerie d'Etat, avec Dominique Haenni et René Kronstein, où, durant plus de trois ans, j'ai servi et sévi comme responsable des services administratifs et financiers de l'Economat cantonal, en gardien de l'orthodoxie du nouveau modèle de comptes et des plages réservées à l'économat...

Je pense ensuite aux ressources humaines et au conseil d'administration de l'Aéroport, avec Alain Borner, notre regretté Jean-Philippe Maitre et Carlo Lamprecht, pendant quinze années au total, avec la création de l'établissement public autonome AIG, ainsi que la rédaction et la mise en place du nouveau statut du personnel.

Je pense enfin au département des finances, à la tête de l'administration fiscale cantonale pendant sept ans avec Micheline Calmy-Rey qui est venue me chercher à l'Aéroport et Martine Brunschwig Graf. Qui se souvient encore des péripéties du passage de l'administration fiscale à l'an 2000, ou de celui au postnumerando avec son année blanche ?

Bref, une carrière de haut-fonctionnaire avec deux chanceliers et cinq conseillers d'Etat, sans parler de ces quatre dernières années où, comme député, membre et vice-président de la commission de contrôle de gestion et président de la commission de l'énergie, vous avez dû plus d'une fois, Messieurs les conseillers d'Etat en fonction, et devrez ce soir encore supporter mes impertinences.

Mais trêve de souvenirs... Mes chers collègues, vous accorderez au doyen de cette législature l'audace de vouloir formuler trois voeux pour nos futurs travaux; ces souhaits s'adressent aussi bien aux anciennes et anciens qu'aux nouvelles et nouveaux venus dans le bac à sable.

Si je me permets de formuler ici et maintenant ces trois voeux, c'est parce que la semaine dernière, en prévision de notre prochaine séance plénière, j'ai trouvé dans mon enveloppe un rapport du Conseil d'Etat daté du 2 octobre 2009, rapport répondant à une motion qui lui avait été renvoyée le 21 avril 1989 et dont l'essentiel de la réponse, vingt ans après - comme chez Alexandre Dumas - tient en ces termes: «[...] la situation a considérablement évolué...» Cette motion, au numéro d'ordre 576 - puisque c'est d'elle qu'il s'agit - est-elle au moins la dernière au cimetière des éléphants ?

Pour la législature qui s'ouvre, je veux et je rêve d'autres choses, et ces autres choses je les exprime ainsi:

Que la sagesse guide nos travaux...

Que le courage les achève...

Que le respect les couronne...

Et je m'en explique.

Que la sagesse guide nos travaux: la sagesse, c'est d'abord reconnaître que les chiffres sont têtus et que si l'on ne peut pas se contenter d'approximations idéologiques quand on prétend jongler avec eux, être rationnel ne suffit plus dans ce domaine...

La sagesse, c'est aussi savoir accepter que le projet d'un adversaire politique puisse me convenir et que je ne le rejetterai pas au simple motif qu'il n'est pas fils légitime de mon génie personnel...

La sagesse, c'est enfin de ne pas distribuer et dépenser avec générosité de l'argent qui n'existe pas, une réserve de sable, richesse conjoncturelle virtuelle qui ressort de son tombeau, tel Hibernatus, pour des lendemains... non, pour un budget qui chante...

Si la sagesse doit guider nos travaux, que le courage les achève: il est vrai qu'il faut déjà un certain courage pour préparer sa séance plénière avec 155 points à l'ordre du jour. Mais le courage, ce que nos amis anglais appellent «fortitude», c'est aussi, après plus de trente heures de recherche de consensus en commission de l'énergie, le courage d'accepter une nouvelle loi: le courage de faire passer le bien commun avant les lobbies partisans. Si les verres se vident, la campagne pour le renouvellement de notre Grand Conseil nous a appris que les Verts respirent: eh bien, les libéraux respirent aussi, et ils ont eu le courage d'accepter cette nouvelle loi sur l'énergie. Eh oui, l'écologie peut aussi être libérale.

Durant la dernière législature, à la commission des droits politiques, nous avons cherché à baliser notre terrain de jeu par des règles destinées à accélérer nos travaux, afin de pouvoir les achever dans des délais acceptables. Je suis intimement convaincu qu'il dépend maintenant de chacune et chacun de nous que cela se réalise facilement. Il nous faut juste la force de nos convictions, comme l'affirment les candidats socialistes au Conseil d'Etat, et une once de courage.

Si le courage doit achever nos travaux, trop exigeants peut-être, je souhaite en plus que le respect les couronne. Le respect, dans l'acception où je souhaite l'entendre ici, c'est valider le fait que les êtres humains s'enrichissent mutuellement, en acceptant les différences de chacune et chacun. C'est reconnaître que la synergie avec les autres permet de progresser ensemble. C'est enfin donner toute sa valeur à la vie politique, en la pratiquant avec respect, à savoir reconnaître la sincérité de ses adversaires, chercher à les comprendre, mais, par-dessus tout, respecter les engagements pris et la parole donnée.

Ces trois valeurs, sagesse, courage et respect, je vous invite à les cautionner durant toute cette législature.

Avant de terminer, il me reste enfin à remercier toutes celles et ceux qui ont accompagné le Bureau provisoire, et particulièrement Mme le sautier. Maria Anna, merci pour tout !

Aux représentantes et représentants des médias, que je tiens à saluer, je dis simplement: faites votre métier. Nous savons bien depuis Beaumarchais que «sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur».

Mesdames et Messieurs les députés, mes chers collègues, osons faire Genève ensemble, et que vive, s'épanouisse et prospère l'agglomération franco-genevoise. (Applaudissements.) (Les deux huissiers quittent la salle.)

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