République et canton de Genève

Grand Conseil

Discours de M. Pascal Pétroz, président sortant

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, il est d'usage que le président du Grand Conseil sortant s'adresse à vous pour un bref message et il est également d'usage que ce message soit une forme de bilan de l'activité déployée durant l'année écoulée.

En ce qui me concerne, ce bilan est particulièrement contrasté. Il a été préoccupant du point de vue du fonctionnement de nos institutions et merveilleux sur un plan personnel.

Sur un plan personnel, j'ai vécu une aventure extraordinaire et particulièrement enrichissante. Dans la mesure où, comme président du Grand Conseil, j'ai eu la chance d'être invité partout dans la République à l'occasion de manifestations diverses et variées, j'ai pu me rendre compte de la vigueur du tissu associatif, économique et social de notre canton.

Certains s'engagent dans le domaine sportif, d'autres dans le domaine patriotique et militaire, d'autres encore pour la musique ou l'aide envers les plus défavorisés.

Tous ont cependant en commun une volonté de tenir une place dans notre société et d'y jouer un rôle dépassant de loin l'individualisme forcené. Qu'ils en soient remerciés ici. En ces temps troublés, ils constituent le ciment de notre République et ses forces vives.

J'ai aussi été particulièrement touché par les manifestations de soutien de toutes les personnes que j'ai côtoyées, dont celles de nombreux députés de tous partis confondus. Honnêtement, cela faisait plaisir de me sentir accompagné ainsi par de nombreux députés. Vous avez toujours répondu «présent» lorsque le besoin s'en faisait sentir. Et même quand le besoin ne s'en faisait pas sentir ! Vous veniez me donner une petite tape dans le dos en me disant: continue, tout va bien, tiens le coup ! Il y a eu des moments difficiles, rappelez-vous le budget: trente-quatre heures... Il fallait tenir bon !

Je parlerai maintenant au nom du Bureau du Grand Conseil qui a eu d'excellentes relations - je tiens à le souligner - tant avec le Conseil d'Etat - je crois qu'ils ont vraiment réussi à travailler main dans la main - qu'avec la Ville de Genève. Je remercie M. Robert Cramer, président du Conseil d'Etat, de même que M. Pierre Muller, maire de la Ville de Genève, et, bien entendu, les six autres conseillers d'Etat et les quatre autres conseillers administratifs de la Ville de Genève.

Cela étant, j'ai commencé par évoquer l'aspect positif, mais je me dois de vous parler de la situation politique du moment, qui me préoccupe beaucoup. Ne nous voilons pas la face, il y a un brin de dysfonctionnement dans cette République ! J'en vois qui hochent la tête, et il y a de quoi !

Rappelez-vous, il y a un mois, notre collègue, M. le député Claude Aubert - vous m'avez donné l'autorisation de vous citer, Monsieur Aubert - nous a dit: «Dans ce parlement, on ne débat plus, on s'affronte.» Le problème est qu'il a malheureusement raison. Nous avons apparemment tous oublié, dans cette enceinte, que la prospérité de la Suisse s'est construite par une volonté d'intégrer dans la prise de décision tous les acteurs de la vie économique, sociale et politique. C'est la volonté d'oeuvrer tous ensemble dans la recherche du bien commun qui a fait notre richesse. Pourtant, aujourd'hui, la vertu du dialogue n'en est plus une: on dénigre le consensus en le qualifiant de mou - et je sais de quoi je parle ! La droite critique la gauche en alléguant qu'elle use de tous les moyens possibles pour bloquer les travaux du parlement; la gauche, quant à elle, affirme que la droite est arrogante.

On peut être d'accord ou pas, mais, franchement dit, ce n'est pas constructif, Mesdames et Messieurs les députés ! Et il m'a semblé, vu de ce point d'observation privilégié qu'est le perchoir, que nous avons oublié que nous n'avons ni la culture politique ni les institutions se prêtant à ce type de combat. Et des instruments tels que le droit d'initiative et de référendum devraient nous inviter à un peu plus de dialogue et de modération.

Je considère qu'il n'est pas acceptable qu'il nous ait fallu trente-quatre heures pour voter le budget 2004, et en cours d'année.

De même, on peut se demander s'il était bien utile que la discussion pour voter le déclassement de la parcelle devant prochainement accueillir Ikea dure six heures... Cela paraît beaucoup, même si le sujet était d'importance. Et de tels exemples sont nombreux !

J'ai bien peur que ce que je vous dis ce soir ne servira vraisemblablement pas à rien... Pardon: à rien ! (Rires.)Lapsus révélateur ! J'en appelle à une prise de conscience de chacun et chacune d'entre nous, afin que ces joutes peu constructives cessent.

Peut-être, vraisemblablement même, faut-il à notre République une véritable occasion pour se poser les questions qu'elle doit. A cet égard, une réforme de la constitution genevoise - cette norme moribonde, comme l'a qualifiée M. le professeur Andreas Auer - me paraîtrait particulièrement opportune. En créant une constituante chargée de repenser le fonctionnement de nos institutions ainsi que les droits et devoirs de chacun, nous pourrions conclure un nouveau pacte social. Cette démarche, qui a été effectuée récemment par nos voisins et amis vaudois, m'apparaît essentielle. Je me réjouis, Mesdames et Messieurs les députés, que nous discutions prochainement de cette problématique. Je pense que ce seront des discussions engagées, mais j'espère qu'elles seront constructives et qu'elles nous permettront d'avancer.

Enfin, je ne saurais conclure cette brève allocution - voyez que je parlerai moins de sept minutes - sans de très chaleureux remerciements. Tout d'abord à Mme Maria Anna Hutter, sautier de la République et canton de Genève, ainsi qu'à l'ensemble du service du Grand Conseil, que je vous remercie d'applaudir. (Vifs applaudissements.)Vous savez déjà ce que je vais dire ... (Le président s'adresse à Mme Maria Anna Hutter.) ... car vous avez lu mon discours, tout à l'heure ! Vous avez fait de ma présidence un véritable bonheur. Vraiment ! Avec vous, les solutions étaient trouvées presque même avant que les problèmes ne se posent. Incroyable, tout de même ! Et quand la réponse à la question n'était pas immédiate, vous me téléphoniez pour m'exposer le problème et trois solutions possibles, de sorte que je n'avais plus qu'à trancher et je savais que le suivi était assuré. Un grand merci, Maria Anna ! Sans toi, je n'aurais rien pu faire cette année. (Vifs applaudissements.)

J'adresse un remerciement particulièrement chaleureux à mes collègues du Bureau du Grand Conseil: Mme Marie-Françoise de Tassigny - j'avais écrit dans mon discours: «première vice-présidente du Grand Conseil», mais maintenant: «Mme la présidente du Grand Conseil» - Mme Janine Hagmann, deuxième vice-présidente, et Mme Caroline Bartl, première secrétaire du Bureau du Grand Conseil.

Nous avons vécu ensemble une année assez incroyable. Nous avons formé une véritable équipe, capable d'affronter toutes les tempêtes, et il y en a eu ! Mais nous avons su garder le cap, être forts, même à des heures indues, quand Mme Marie-Françoise de Tassigny et Mme Janine Hagmann me soutenaient alors que je n'arrivais plus à présider à 1h30 du matin, lors du débat sur le budget. Mais nous avons tenu bon, tout au long de cette année. En plus, ce qui ne gâche rien, nous avons tissé de très forts liens d'amitié. Nous avons commencé à nous voir en dehors - à nos frais, je précise... (Rires.)... de manière relativement régulière, et il y a fort à parier...

Des voix. Ah ! (Rires.)

Le président. S'il vous plaît ! Celle que je voyais le plus souvent était Janine Hagmann ! Donc, nous avons vraiment tissé des liens d'amitié assez fantastiques. Je tiens à leur exprimer ici ma gratitude, et je vous remercie de les applaudir. (Applaudissements.)

Je remercie également mes parents pour leur soutien. Ils sont à la tribune... Ils sont là, au deuxième rang sur la droite, avec leurs conjoints. Les conjoints sont à côté de mes parents... c'est un peu compliqué, je vous expliquerais tout à l'heure ! (Rires.)Je remercie aussi mon frère, qui n'est malheureusement pas présent parce qu'il habite au Canada, ainsi que mes amis qui m'ont soutenu tout au long de cette année.

J'adresse un message de gratitude particulier à mon amie Yuliya, avec qui je partage ma vie depuis presque huit mois... (Commentaires et applaudissements.)Je ne vais pas la désigner, mais certains d'entre vous la connaissent. Bien... Yuliya, sans toi, je n'y serai jamais arrivé ! Il y a eu des moments, lorsque je rentrais terriblement fatigué du Grand Conseil, tu t'es toujours occupée de moi, tu as toujours été merveilleuse. Merci ! (Exclamations et applaudissements.)Ça vous plaît, hein ?

Mesdames et Messieurs les députés, après une année passée dans la lumière, je rentre à nouveau dans le rang. C'est bien ainsi. Vive la République, vive Genève ! Merci. (Applaudissements.)

M. Patrick Schmied (PDC). Monsieur le président, juste après que vous avez cédé votre place et votre sceptre à votre vaillante, charmante et compétente vice-présidente, permettez que l'on vous dise deux mots !

Au nom du groupe démocrate-chrétien, j'aimerais en effet vous dire merci. Merci, d'abord, d'avoir accepté ce défi après seulement deux années de parlement, même si chacun sait qu'«aux âmes bien nées la valeur n'attend pas le nombre des années»... Merci d'avoir mené les débats du parlement avec compétence. Incollable sur le règlement, vous avez en effet gagné ou résolu tous les duels ou les pièges que vous ont tendus les maniaques du petit classeur bleu.

Merci d'avoir travaillé avec sérieux. Votre préparation était toujours impeccable, et le respect des institutions était votre référence à chaque instant. Merci d'avoir recherché l'efficacité - même si vous n'avez vraiment pas été aidé sur ce point - à maîtriser notre ordre du jour et ses retards.

Merci d'avoir conservé votre sérénité: jamais, vous ne vous êtes laissé entraîner dans des disputes inutiles, malgré certaines provocations. Et si vous ne souriiez pas autant et si vous ne fumiez pas autant, on vous aurait volontiers appelé «Iceman». Merci, enfin, et j'allais dire «surtout», d'avoir barré ce parlement avec humour - pour vous et moi c'est une valeur à part entière.

Pour conclure, je dirai que vous avez ainsi montré à tous à quoi ressemble la «centriste attitude» quand elle réussit. Monsieur le président, merci pour tout ! Cher Pascal, bienvenue sur nos bancs ! (Applaudissements.)