République et canton de Genève

Grand Conseil

GR 359-A
Rapport de la commission de grâce chargée d'étudier le dossier de Monsieur B. C. F.

M. Jacques Follonier (R), rapporteur. Cette histoire ne commence pas par «Il était une fois», mais elle commence le 7 février 2001 à 23h45. M. B., se baladant à la place des Volontaires, propose involontairement à deux quidams deux barres de haschich pour une valeur de cent francs. Les deux quidams, MM. Tanga et Rigolet, ont bien dû rigoler lorsqu'ils se sont présentés à M. B. ex-peintre, ex-travailleur au noir et présentement dealer de haschich, en lui montrant leurs cartes de policier. Pris la main dans le sac - cette dernière tenant encore une barre de haschich - M. B. n'eut alors d'autre solution que de prendre la fuite. Rattrapé, il dut vendre chèrement sa peau pour garder sa liberté, mais rien n'y fit; la police maîtrisa heureusement le dealer, non sans quelques bosses des deux côtés - entendez par là des inspecteurs et du dealer.

Emmené au violon, ce dernier, subitement calmé, est prêt à passer à table et explique son problème: ayant perdu son emploi et n'ayant jamais eu de papiers de séjour, M. B. remplaça son ancien travail par la vente du haschich. La vente de quinze barrettes de haschich par semaine pour un prix de cinquante francs l'unité lui rapporta un bénéfice de trois cent dix francs par semaine, soit un salaire mensuel de mille quatre cent quarante francs nets d'impôts. Comme il l'explique, il survit grâce à ses économies ainsi qu'au trafic du haschich et n'a aucune dette.

Le lendemain, il est déferré au juge, auquel il déclare d'emblée qu'il ne fait pas de trafic de haschich, qu'il était saoul et que c'est sous l'emprise de l'alcool qu'il aurait avoué des actes qu'il n'a bien sûr jamais commis. Il ajoute que c'est uniquement sous la contrainte et après avoir été brutalisé par la police qu'il a avoué n'importe quoi pour calmer les agents de la loi. Il serait venu en Suisse en demandant l'asile et, lorsque sa requête a été refusée, il a trouvé une femme suisse qu'il comptait épouser. Le juge condamne M. B. à une peine d'emprisonnement de huit jours avec sursis assorti d'un délai d'épreuve de deux ans et d'une expulsion du territoire suisse de trois ans. Aucune opposition n'ayant été faite, le jugement est exécutoire en date du 8 février 2001.

M. B. serait donc parti au Maroc, son pays natal, depuis. Mais voilà: sa femme accouche d'une première fille, Sarah, le 22 mai 2001, puis d'une seconde, Alexandra, le 4 août 2002; M. B. précise avoir eu ces filles à Genève. Il explique que le tribunal tutélaire a retiré la garde des deux enfants à sa femme lorsqu'il a été expulsé et que cette dernière a perdu son appartement par la même occasion. Dès lors, les deux filles se trouvent dans des familles d'accueil et sa femme vit avec lui au Maroc - où l'Etat n'est d'ailleurs pas gentil, car il ne les aide pas comme c'est le cas à Genève...

Nous n'avons retrouvé aucune trace des deux filles que M. B. aurait eues ni de sa femme en Suisse. Celui-ci écrit maintenant qu'il a le droit de s'installer à Genève puisqu'il a fondé une famille et qu'il a quotidiennement payé pour sa faute dans son pays natal. Pour ces motifs, il conclut à ce que le Grand Conseil lui accorde la grâce du solde de son expulsion. La commission ne partageant pas du tout ce sentiment, elle a donné à l'unanimité un préavis négatif.

Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.