République et canton de Genève

Grand Conseil

IUE 17
5. Réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation urgente écrite de Mme Alexandra Gobet : Aéroport de Genève : la déontologie aurait-elle du plomb dans l'aile ? ( )IUE17

Question de Mme Alexandra Gobet

Des membres du conseil d'administration sont intervenus dans des procédures juridiques et des consultances en qualité de mandataires de l'Aéroport de Genève.

Or, selon l'article 9 de la loi H 3 25, ces personnes ne peuvent, ni directement ni indirectement, assumer des travaux pour l'établissement. Par ailleurs, la cité ne manque pas d'experts économiques et financiers, ni de plaideurs.

1) Le Conseil d'Etat admet-il les situations de représentation et de consultance précitées ?

2) Dans l'affirmative, préciser si ces prestations sont consenties à titre gracieux ?

3) Si non, indiquer le nombre des mandats et la valeur des honoraires depuis le 1er janvier 1999 ?

4) Le Conseil d'administration et son président a-t-il eu connaissance d'une lettre signée le 30 avril 1999 par toute la direction de l'Aéroport de Genève (14 personnes) sauf le destinataire (le directeur général), demandant la mise en place, retardée pendant quatre ans, d'une réelle grille salariale conforme aux lois du marché ?

5) Si oui, qu'a-t-il fait, hormis la désignation de deux observateurs ?

6) Pour quelle raison la direction de l'Aéroport de Genève a-t-elle choisi de s'attribuer d'autres règles pour déterminer les salaires des cadres supérieurs que l'évaluation des fonctions selon les critères pour le reste du personnel ?

7) Pourquoi a-t-elle mandaté pour ce faire ATAG plutôt que la mandataire dont l'action avait donné satisfaction pour le reste du personnel ?

8) Tous les services devraient préparer des budgets sauf le directeur général. Pourquoi ?

9) Comment fait conséquemment le Conseil d'administration pour vérifier ces comptes ?

10) Y a-t-il transparence des salaires attribués aux trois directeurs de l'Aéroport de Genève par rapport aux autres membres de la Direction ?

11) Si oui, sous quelle forme ?

12) Le directeur général a-t-il fait part de ses intentions de faire valoir ses droits à la retraite ?

13) Une rotation insolite parmi les membres de la direction de l'Aéroport de Genève résulterait de l'attractivité que les banques auraient exercée sur les anciens collaborateurs. Si donc les salaires des membres de l'Aéroport de Genève sont bel et bien au niveau du marché, comment les gratifications spartiates de la banque pourraient-elles être plus attractives ?

14) Une des règles de base du management est la résolution des conflits. Quel dispositif d'aplanissement des différends le directeur général a-t-il déployé pour éviter l'hémorragie des cadres ?

15) Sur quelles bases légales ou statutaires, un service de l'Aéroport de Genève est-il habilité à commander un audit ? Différence avec une enquête administrative ?

Le directeur général de l'Aéroport de Genève, obligé de convenir de son intervention directe dans l'opération de sauvetage, ne s'est pas expliqué sur les motifs de ce comportement.

16) Le Conseil d'Etat fournissant les cahiers des charges du directeur général de l'Aéroport de Genève et du chef du S.S.A., peut-il justifier cette tentative de prise des commandes ?

17) Si, comme il semble, l'immixtion dans un processus de sauvetage par le directeur général constitue un abus de pouvoir, l'organisation de l'Aéroport de Genève et d'autres dispositions éventuelles, le président du Conseil d'Administration prendra-t-il ou a-t-il pris une/des sanctions à l'égard de l'abuseur ?

18) Les expériences faites dans d'autres entités publiques ou para-publiques ont montré que des comportements trop autoritaires étaient propres à entraîner des problèmes au niveau du personnel (mobbing, maladies, départs) ou du fonctionnement. Les deux situations précitées (salaires des membres de la direction / intervention abusive du directeur général) sont-elles les seuls problèmes connus du Conseil d'Administration ou d'autres dysfonctionnements graves existent-ils encore au sein de la Direction générale de l'Aéroport de Genève et des services ?

Merci de vos réponses.

Réponse du Conseil d'Etat

M. Carlo Lamprecht. Votre interpellation urgente écrite, Madame la députée, comprend dix-huit questions. Comme je ne voulais en éluder aucune, ma réponse sera assez longue et risque de dépasser le temps imparti.

Le premier chapitre que vous évoquez, Madame la députée, concerne le conseil d'administration. Vous vous interrogez sur le fait que des membres du conseil d'administration soient intervenus dans des procédures juridiques et de consultance, en qualité de mandataires de l'aéroport.

Ensuite, vous me demandez si le Conseil d'Etat admet les situations de représentation et de consultance dans ces conditions. Il va de soi, Madame la députée, que le Conseil d'Etat ne saurait cautionner une situation qui s'avérerait contraire à la loi sur l'aéroport international de Genève. A ce sujet, le 4 septembre 2000, KPMG Fides, organe de révision de l'aéroport international de Genève, m'adressait un courrier m'informant que le contrôle des comptes 1999 touchait à sa fin et qu'il avait identifié plusieurs factures de fournisseurs de prestations qui pourraient être en contradiction avec l'article 9 de la loi sur l'aéroport international de Genève. J'ai immédiatement réagi en adressant un courrier, le 18 septembre, au directeur de l'aéroport, afin de lui faire part de mes plus vives inquiétudes et en lui demandant, si de tels mandats étaient en cours, d'y mettre un terme dans les meilleurs délais.

Début octobre, M. Jobin, directeur général de l'AIG, me faisait parvenir un bref rapport qui me démontrait que la situation n'était pas aussi tranchée que cela. Je décidais, par conséquent, d'organiser une séance avec les représentants de KPMG. Suite à cette séance, j'adressais une deuxième lettre, le 29 novembre, à M. Jobin, en lui réitérant ma demande de résilier sans délai les mandats en cours. J'ai d'ailleurs informé le conseil de direction de ces faits, le 11 décembre 2000.

Le conseil de direction a estimé qu'il fallait distinguer avec KPMG les mandats qui tomberaient sous le coup de l'article 9 des prestations supplémentaires demandées à un administrateur dans le but d'assister la direction générale. Cela fut initié par mes soins.

La réponse à ma demande, adressée à KPMG le 19 décembre, ne m'a été restituée que le 4 mai après un rappel intermédiaire de ma part. Cette réponse distingue clairement les prestations supplémentaires demandées à un administrateur et qui sont, par conséquent, compatibles avec des mandats qui pourraient lui être octroyés et qui, eux, pourraient être incompatibles avec la loi. Dix jours plus tard, lors de la séance du conseil de direction, les membres de ce dernier ont demandé à M. Jobin de dresser l'inventaire des prestations supplémentaires fournies par l'administrateur concerné.

Le 7 juin, M. Jobin a répondu au conseil de direction qui a pris acte le 11 juin. Il faut également rappeler que, compte tenu de l'engagement du nouveau chef de la division Environnement et affaires juridiques, poste qui est resté vacant durant plus de neuf mois, les prestations en cours devaient être reprises d'ici à l'automne 2001 par le nouveau juriste de l'AIG, afin que l'ensemble des prestations soient effectuées au sein de la direction.

Dans votre deuxième question, vous demandez si ces prestations sont consenties à titre gracieux. Ces prestations ont été rémunérées et d'autres ont été fournies dans le cadre de la fonction d'administrateur, certaines d'entre elles l'ont été à titre gracieux.

Je réponds à votre troisième question et vous indique le nombre de mandats et les honoraires versés depuis le 1er janvier 1999. La direction m'a indiqué qu'un membre du conseil d'administration a notamment assisté la direction générale dans trois litiges devant la commission de recours interne de l'aéroport et a reçu des honoraires complémentaires d'administrateur, de l'ordre de 6000 F par année en 1999, 2000 et 2001.

Par ailleurs, le traitement des dossiers opposant l'Etat de Genève et l'AIG aux riverains a été confié à plusieurs avocats, un fonctionnaire et des techniciens de l'AIG avec la participation de l'associé dudit administrateur représentant l'AIG. Cette formule a paru être la plus efficace. Elle a d'autre part été rendue nécessaire en 2001, comme je le disais tout à l'heure, par la vacance du poste de responsable juridique à l'AIG et cela a été nécessaire de pouvoir remplacer le travail de ce juriste qui faisait défaut.

Ce poste a été repourvu à partir du 1er août 2001. Les dossiers sont en cours de transmission audit service, de sorte que l'avocat en question ne s'en occupera plus. Les honoraires versés dans ces dossiers relatifs à des riverains, qui ont entraîné un travail considérable, se sont élevés à 40 000 F en 1999, à 40 000 F en 2000 et une provision de 50 000 F a été constituée par l'AIG en 2000.

Dans les questions 4 et 5, vous demandez si le conseil d'administration et son président ont eu connaissance d'une lettre du 30 avril 1999 qui demandait la mise en place, retardée pendant quatre ans, d'une réelle grille de salaires conforme aux lois du marché et si nous avions fait plus que de désigner deux observateurs.

La lettre signée par les membres de la direction et adressée le 30 avril 1999 au conseil de direction a fait l'objet de ma part, en qualité de président du conseil d'administration, tout d'abord, d'un accusé de réception daté du 7 mai 1999. Cette lettre a été discutée au conseil de direction le 7 juin 1999. Entre juin et décembre, les membres de la direction ont eu plusieurs séances de travail avec deux délégués du conseil de direction. Le 9 février 2000, j'ai adressé une réponse circonstanciée aux membres de la direction de l'AIG, signataires de cette lettre du 30 avril 1999 que vous évoquez.

Depuis, une délégation du conseil de direction a été constituée et elle est chargée de rencontrer périodiquement les membres de la direction. Je tiens à préciser que, par lettre du 5 septembre 2001, les membres de la direction ont relevé l'évolution favorable de leur situation et ont souhaité la poursuite de ces séances régulières.

Au chapitre direction et à la question numéro 6, vous demandez pour quelle raison la direction de l'AIG a choisi de s'attribuer d'autres règles pour déterminer les salaires des cadres supérieurs que l'évaluation des fonctions selon les critères du reste du personnel. Je tiens à vous rappeler que le nouveau statut du personnel de l'AIG a été élaboré en concertation avec le personnel, conformément à l'article 13, alinéa 2, lettre j) de la loi H 3 25, et approuvé à l'unanimité par le conseil d'administration le 1er décembre 1995. Il est entré en vigueur le 1er janvier 1996.

Dans ce cadre, j'aimerais rappeler l'article 24 de ce statut qui prévoit un mode de fixation et des rémunérations distinctes entre les cadres supérieurs et l'ensemble des autres fonctions. Je vous donne la teneur de l'article 24, alinéa 1 et 2 :

«1. La classification des fonctions des cadres supérieurs est fixée sur la base des rémunérations usuelles du marché par le conseil de direction.

»2. L'ensemble des autres fonctions fait l'objet d'une classification établie sur la base d'une méthode d'évaluation adoptée par le conseil d'administration sur proposition d'une commission comprenant des membres de la direction et du personnel, ainsi que d'experts.»

A la question numéro 7, vous demandez pourquoi la direction a mandaté pour ce faire ATAG plutôt que le mandataire dont l'action avait donné satisfaction pour le reste du personnel.

En 1996, le nouveau statut est entré en vigueur. Le conseil de direction de l'époque a eu pour tâche de définir la nouvelle politique salariale. Comme je le rappelais ci-dessus, l'article 24, alinéa 1 et 2 du nouveau statut distingue les fonctions des cadres supérieurs de l'ensemble des autres fonctions. Par conséquent, c'est tout naturellement que le conseil de direction a recherché des sociétés de conseil présentant les meilleures garanties pour effectuer au mieux le mandat.

Pour l'ensemble des 120 fonctions que regroupe l'aéroport, c'est la méthode dite CRG qui a été retenue. Un consultant ayant la meilleure expérience du domaine a été choisi. Quant aux cadres, le conseil de direction de l'époque a estimé judicieux de mandater ATAG, société qui était spécialisée dans ce secteur puisqu'elle publiait chaque année une étude sur la rémunération des cadres supérieurs.

Il faut rappeler que l'article 24, alinéa 1 spécifie très clairement que la rémunération des cadres supérieurs est fixée sur la base des rémunérations usuelles du marché.

Dans votre question numéro 8, vous demandez pourquoi tous les services devaient préparer des budgets, sauf le directeur général. Le directeur général prépare également son budget, comme tous les cadres, mais bien évidemment, le directeur général n'a pas de budget particulier. Son budget fait partie intégrante du budget global de l'AIG.

Dans votre question numéro 9, vous demandez comment fait le conseil d'administration pour vérifier ses comptes. Les comptes de l'AIG sont soumis tout d'abord au conseil de direction, puis au conseil d'administration. Ils font l'objet d'un triple contrôle, à savoir celui d'une société de révision externe, qui d'ailleurs m'a signalé ces faits, celui de l'inspection cantonale des finances, et celui du Conseil d'Etat en dernière instance.

Dans vos questions 10 et 11, vous demandez s'il y a transparence des salaires attribués aux trois directeurs de l'aéroport de Genève par rapport aux autres membres de la direction et si oui, sous quelle forme. En dehors de la liberté que chacun a de communiquer son salaire, il n'y a aucun système de communication des salaires au sein de l'aéroport.

Dans votre question numéro 12 - j'arrive bientôt à la fin - vous demandez si le directeur général a fait part de ses intentions de faire valoir ses droits à la retraite. A ce jour, le directeur général de l'aéroport international de Genève, âgé de 60 ans, n'a pas fait part de ses intentions de faire valoir ses droits à la retraite.

J'en viens au dernier chapitre, direction et directeur. Dans vos questions 13 et 14 que je rassemble, vous me faites part d'une rotation insolite des membres de la direction de l'aéroport. Les rotations intervenues ces dernières années au sein de la direction sont dues soit à des départs volontaires à la retraite, soit au fait que certains membres de la direction ont préféré rejoindre le secteur privé, en raison principalement de l'attractivité des rémunérations. Il n'y a pas eu d'hémorragie de cadres à l'AIG, mais des rotations normales dues à une reprise économique évidente, ce qui permet notamment aussi un sain rajeunissement des cadres.

Dans votre question numéro 15, Directeur et services, vous demandez sur quelle base légale ou statutaire un service de l'aéroport de Genève est habilité à commander un audit, puis vous demandez la différence entre l'audit et une enquête administrative.

A la demande du personnel de la division de sécurité de l'AIG, le conseil d'administration a ordonné un audit de fonctionnement de ladite division, qui a été confié à un expert extérieur. Il est bien dans les attributions du conseil d'administration d'ordonner un tel audit, en application notamment de l'article 13 de la loi sur l'aéroport. A la différence d'une enquête administrative, un tel audit ne vise pas particulièrement une personne, mais doit être une photographie d'une division ou d'un service, afin d'identifier des dysfonctionnements éventuels et, le cas échéant, de recommander des mesures correctives.

J'arrive bientôt à la fin. Les questions 16 à 18 ont trait à l'intervention opérationnelle du directeur général. Il est de la responsabilité du directeur général, tant en vertu de la loi H 3 25, article 19, que de la concession fédérale d'exploitation de l'AIG, de veiller à la bonne marche de l'établissement. Le directeur général m'a rapporté que, le 8 mai 2001, un quart d'heure environ avant l'atterrissage d'urgence, vers midi, d'un avion de la compagnie British Airways, il a rappelé au commandant du SSA, son subordonné, d'éviter dans la mesure du possible l'immobilisation de l'avion sur la piste, afin de ne pas occasionner une fermeture de l'aéroport.

Ce rappel opportun n'a pas eu lieu pendant l'intervention du SSA, mais bien avant l'atterrissage de l'avion. Si, finalement, le commandant de bord a immobilisé son avion sur la piste, sur recommandation du commandant du SSA, le directeur général a reconnu le bien-fondé de cette décision. Le rapport de cet incident, établi par British Airways et porté tardivement à la connaissance de la direction par le commandant du SSA, ne fait aucun grief à ce dernier. Selon les informations en ma possession, il ne s'est pas agi d'une intervention directe dans l'opération de sauvetage. Il n'y a pas eu de tentative de prise de commandes ni abus de pouvoir ou intervention abusive.

En conclusion, je tiens à rappeler ici et en dépit de tout ce qui a été évoqué par l'interpellante, l'excellent fonctionnement de l'aéroport international de Genève, ce que de nombreuses enquêtes internationales relèvent. Il me plaît de mettre en exergue, à cet effet, l'engagement des administrateurs et de l'ensemble du personnel. Je tiens également à relever les excellents résultats financiers qui, en dépit du départ des long-courriers de Swissair en 1996, ont vu le bénéfice net passer de 8 millions en 1997 à 44 millions en l'an 2000. Je vous remercie et je tiens cette réponse à disposition.

Cette interpellation urgente écrite est close.