République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 8182
34. Projet de loi du Conseil d'Etat sur les archives publiques (B 2 15). ( )PL8182

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Art. 1 Champ d'application

1 La présente loi s'applique à l'ensemble des archives publiques genevoises, qui sont formées :

2 La protection des archives privées est assurée conformément à la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites, du 4 juin 1976.

3 La présente loi s'applique aux archives privées déposées aux archives d'Etat dans la mesure où une convention de dépôt n'y déroge pas.

Art. 2 Principes

1 Tous les documents des institutions publiques qui ont une valeur juridique, politique, économique, historique, sociale ou culturelle sont archivés.

2 L'archivage contribue à assurer la sécurité juridique, ainsi que la continuité, la rationalité et le contrôle de la gestion des institutions publiques. Il crée également les conditions nécessaires à la connaissance du passé.

3 Les archives publiques sont des biens du domaine public. Elles ne peuvent être acquises par prescription.

4 Le Conseil d'Etat, soit pour lui le département qu'il désigne à cette fin (ci-après : le département), veille à la conservation des archives publiques et exerce les droits de revendication de l'Etat à l'égard des documents distraits indûment de leurs fonds d'origine. Le versement d'une indemnité au tiers possesseur de bonne foi est réservé.

Art. 3 Définitions

1 On entend par fonds d'archives l'ensemble des documents d'archives reçus et produits par une personne physique ou une personne morale de droit public ou de droit privé, ordonnés et conservés conformément aux principes et dispositions de la présente loi.

2 On entend par collection la réunion de documents de toute provenance, groupés en fonction de leurs sujets ou de toute autre caractéristique commune.

3 On entend par document tous les supports de l'information, quelle que soit leur date, qu'ils se présentent sous forme écrite ou numérisée, visuelle ou sonore.

4 On entend par dossier un ensemble de documents assemblés pour le traitement d'une affaire.

5 Les archives administratives sont l'ensemble des documents utiles à l'expédition courante des affaires.

6 Les archives historiques sont l'ensemble des documents devenus inutiles à l'expédition courante des affaires, conservés en raison de leur valeur archivistique définie par les principes et dispositions de la présente loi.

Art. 4 Compétence en matière d'archivage

1 Les archives d'Etat veillent à la constitution, à la gestion et à la conservation des archives publiques dans leur ensemble et plus particulièrement à celles des archives historiques.

2 Les institutions publiques visées à l'article 1, alinéa 1, lettre b, chiffre 2 ont la garde de leurs archives aussi longtemps qu'elles en ont besoin pour la gestion des affaires courantes, sous réserve des mesures de conservation, de précaution et de surveillance qu'édicte le Conseil d'Etat.

3 Les institutions publiques visées à l'article 1, alinéa 1, lettre b, chiffres 3 et 4 conservent la propriété et la garde de leurs archives, sous réserve des mesures de conservation, de précaution et de surveillance qu'édicte le Conseil d'Etat.

4 Les institutions qui détiennent des archives privées visées à l'article 1, alinéa 2 archivent elles-mêmes leurs documents conformément aux principes de la présente loi ou en proposent le versement aux archives d'Etat. La consultation et l'accès à ces archives sont fixés par convention.

Art. 5 Gestion des archives par les institutions publiques

1 Les institutions publiques constituent et gèrent leurs archives conformément aux principes et dispositions de la présente loi, de ses règlements d'application et des directives des archives d'Etat.

2 Elles ne peuvent détruire des archives administratives susceptibles d'avoir une valeur archivistique au sens de l'article 2, alinéa 1 sans l'autorisation des archives d'Etat.

3 Dans les limites fixées par le Conseil d'Etat, les archives d'Etat édictent à l'intention des institutions publiques des directives sur :

4 Les archives d'Etat veillent au respect de ces dispositions. Elles peuvent se rendre dans les institutions publiques et y contrôler l'état de conservation et le classement des archives.

Art. 6 Obligation de proposer le versement des archives

Les institutions publiques doivent proposer le versement aux archives d'Etat de tous les documents dont elles n'ont plus besoin en permanence, pour autant qu'elles ne soient pas chargées de les archiver elles-mêmes.

Art. 7 Appréciation de la valeur archivistique et versement des documents

1 Les archives d'Etat apprécient la valeur archivistique des documents en collaboration avec les institutions publiques.

2 Les documents ainsi sélectionnés sont versés aux archives d'Etat.

Art. 8 Destruction des archives historiques

1 Le Conseil d'Etat autorise la destruction des archives historiques dont la conservation est jugée inutile.

2 L'institution publique considérée et les archives d'Etat sont préalablement consultées.

Art. 9 Intégrité des archives historiques

1 Les archives ne peuvent être modifiées.

2 Seules des adjonctions explicitement désignées comme telles peuvent être portées à des dossiers d'archives.

Art. 10 Principe de la libre consultation

1 La libre consultation des archives publiques est garantie dans les limites fixées par la présente loi.

2 La consultation des archives est limitée ou exclue si :

3 La consultation des archives administratives est soumise à la législation sur la protection des données personnelles, sans préjudice de l'application des dispositions spéciales d'autres lois.

4 La consultation est gratuite. Un émolument peut être perçu pour des prestations particulières selon le tarif fixé par le Conseil d'Etat pour les archives d'Etat, respectivement par l'autorité communale pour les archives communales.

5 Un exemplaire justificatif est remis gratuitement aux archives d'Etat pour tous travaux publiés ou diffusés qui se fondent entièrement ou partiellement sur les fonds et collections d'institutions publiques.

Art. 11 Délais de protection

1 Les archives historiques ne peuvent en principe être consultées qu'après un délai de protection de 25 ans à compter de la clôture du dossier. La consultation des documents qui, lors de leur production ou au cours de leur utilisation étaient destinés à être publiés ou étaient accessibles au public n'est pas soumise à un délai de protection.

2 Les documents classés selon des noms de personnes et qui contiennent des données personnelles sensibles ou des profils de la personnalité ne peuvent être consultés que 10 ans après le décès de la personne concernée, à moins que celle-ci n'en ait autorisé la consultation. Si la date de la mort est inconnue ou n'est déterminable que moyennant un travail disproportionné, le délai de protection expire 100 ans après la naissance. Si ni la date du décès, ni celle de la naissance ne peuvent être déterminées, le délai de protection expire 80 ans à compter de la clôture du dossier.

3 Le dernier apport organique est déterminant pour définir l'année au cours de laquelle les dossiers ont été clos.

4 Le Conseil d'Etat, soit pour lui le département, peut autoriser la consultation des archives avant l'expiration des délais prévus aux alinéas 1 et 2 si aucun intérêt public ou privé prépondérant digne de protection ne s'y oppose. Il peut rendre accessibles, en vue de leur consultation, des archives soumises aux délais de protection des alinéas 1 et 2 avant leur expiration :

5 La compétence prévue à l'alinéa 4 appartient au procureur général pour les archives judiciaires et au magistrat communal responsable pour les archives communales.

Art. 12 Consultation par les institutions publiques

1 Les institutions publiques qui ont versé des documents peuvent aussi les consulter pendant le délai de protection, dans la mesure où l'exécution de leurs tâches le nécessite.

2 Les restrictions imposées par d'autres lois sont réservées.

Art. 13 Accès des personnes à leurs données personnelles

1 Toute personne a le droit d'accéder aux données personnelles archivées qui la concernent dans la mesure où les archives sont classées par noms de personnes ou que des indications sont fournies permettant de rechercher ces données sans travail disproportionné.

2 L'accès aux données personnelles s'effectue par l'obtention de renseignements ou par la consultation des documents.

3 Les renseignements et la consultation peuvent être limités ou refusés si un intérêt public ou privé prépondérant digne de protection l'exige.

4 Si une personne concernée conteste l'exactitude de données personnelles, elle peut exiger que soit versée aux dossiers une rectification ou sa version des faits.

Art. 14 Tâches des archives d'Etat 

En plus des compétences qui leur sont attribuées par les autres dispositions de la présente loi, les archives d'Etat ont pour tâche de faciliter l'accès aux fonds d'archives, aussi bien pour les besoins administratifs que pour la recherche historique, et de participer à la mise en valeur des fonds d'archives.

Art. 15 Interdiction d'accès

1 En cas de violation de la présente loi, de ses règlements d'application et des décisions prises en application de cette législation, le Conseil d'Etat, soit pour lui le chef du département, peut interdire au contrevenant l'accès aux archives d'Etat pour une durée maximale d'un an.

2 La compétence prévue à l'alinéa 1 appartient au magistrat communal responsable ou à l'organe directeur des institutions publiques visées à l'article 1, alinéa 1, lettre b, chiffre 4 en ce qui concerne l'accès à leurs locaux d'archives.

3 Cette mesure peut être assortie de la menace de la peine prévue à l'article 292 du code pénal suisse.

4 L'interdiction d'accès ne dégage en rien la responsabilité des contrevenants pour les dommages causés à des tiers, ni ne libère des conséquences civiles, pénales et administratives des infractions commises.

Art. 16 Dispositions d'application

1 Le Conseil d'Etat édicte les dispositions relatives à l'application de la présente loi.

2 Il arrête le tarif de l'émolument prévu à l'article 10, alinéa 4 de la présente loi.

Art. 17 Clause abrogatoire

La loi sur les archives publiques, du 2 décembre 1925, est abrogée.

Art. 18 Entrée en vigeur

Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

Art. 19 Modifications à une autre loi (B 6 05)

La loi sur l'administration des communes, du 13 avril 1984, est modifiée comme suit :

Art. 65  Registres (nouvelle teneur)

Le Conseil d'Etat statue par voie de règlement sur la tenue des registres communaux.

Art. 65A Archives (nouveau)

La constitution, la gestion et la conservation des archives communales sont régies par la loi sur les archives publiques, du .... (à préciser) et ses dispositions d'application.

EXPOSÉ DES MOTIFS

I. Partie générale

Introduction

La loi cantonale sur les archives publiques date de 1925 et n'a jamais été modifiée fondamentalement. Le Grand Conseil de l'époque l'a votée sans discussion. Succédant aux règlements des archives d'Etat de 1851 et 1869, conçue comme eux par des historiens, elle concerne cependant l'ensemble des archives publiques genevoises - dont les archives d'Etat ne forment qu'une partie - et énonce les principes qui commandent leur formation et leur conservation, laissant au Conseil d'Etat le soin de régler par voie d'arrêté les détails techniques de gestion par le service des archives d'Etat.

C'est ainsi que de 1928 à 1987, les détails techniques de la conservation et de la consultation des archives ont été réglés non par un règlement d'application à proprement parler, mais par un « règlement des archives d'Etat » qui confiait l'entière responsabilité de la gestion des archives historiques au service des archives d'Etat, laissant aux organes de l'administration et aux greffes des juridictions la responsabilité de gérer leurs archives encore utiles à l'expédition des affaires courantes. C'est seulement depuis 1987 que la loi est pourvue d'un véritable règlement d'application, qui confère aux archives d'Etat la compétence de veiller à la constitution d'archives dans les bureaux de l'administration et dans les greffes (c'est ce que l'on appelle dans le jargon technique le « préarchivage ») et de formuler des directives pour leur gestion. Dans ce règlement, le Conseil d'Etat a également placé des dispositions relatives à la consultation des archives, mais uniquement dans le cadre des archives d'Etat.

Le 11 juin 1998, le Grand Conseil a, après une discussion nourrie, modifié l'article 5 et intégré un nouvel article 8A à la loi actuelle, relativement à la consultation des archives (projet de loi 7600). Ces deux articles et le débat qui a précédé leur adoption ont eu le mérite notamment d'attirer l'attention sur la question du patrimoine archivistique et de l'accès public à ce patrimoine. Ce débat constitue une partie de la réflexion sur une refonte générale de la loi sur les archives publiques.

En effet, si la loi de 1925 formule des principes parfaitement justes, en trois quarts de siècle, l'évolution des mentalités, de la technologie, des méthodes administratives, de la législation et de l'organisation de l'Etat ont fait apparaître des lacunes, et par endroits une certaine inadéquation des dispositions légales au reste de la législation cantonale et fédérale. Il est donc apparu nécessaire, d'abord à la commission consultative des archives d'Etat, au printemps 1997, puis au conseiller d'Etat chargé du département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie, de refondre entièrement la loi. Il y avait en outre lieu de donner une base légale à des pratiques réglementaires.

Un groupe de travail, présidé par le Département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie, a donc été constitué en mars 1998, comprenant l'archiviste d'Etat, un représentant du Département de justice et police et des transports, le président de la Commission de contrôle de l'informatique de l'Etat, l'administrateur du Palais de justice, trois représentants de la recherche historique, dont les deux députés à l'origine du projet de loi 7600, un professeur d'archivistique responsable de formation à l'école d'information documentaire et le directeur adjoint des archives du Comité international de la Croix-Rouge (ci-après : CICR).

Le présent projet de loi s'est inspiré de la loi fédérale sur l'archivage, du 26 juin 1998, ainsi que de la loi sur les archives du canton de Bâle-Ville, du 11 septembre 1996.

Conception générale du projet

Il tend à concilier la fonction des archives publiques avec le respect des droits de la personnalité et des droits fondamentaux. En effet, une loi sur les archives doit régler la relation triangulaire qui existe entre l'autorité de l'Etat et de l'administration, d'une part, la recherche et le droit à l'information, d'autre part, et troisièmement la protection de la personnalité dans la mesure où elle est touchée par la fonction des archives publiques.

Les grandes lignes du projet de loi peuvent être formulées de la manière suivante :

Le champ d'application a été étendu et précisé par rapport à la loi de 1925 (art. 1).

Le but de la conservation des archives, qui précédemment paraissait aller de soi, a été formulé de manière précise et nuancée : d'abord dans les institutions publiques, à des fins de sécurité juridique et de gestion conséquente et rationnelle des affaires publiques ; ensuite afin de procurer à chacun, autorités et administrés, les moyens de connaître le passé de la cité (art. 2).

Les archives sont définies par leur contenu quel que soit leur support. La définition englobe par exemple aussi les archives audiovisuelles et informatiques (art. 3).

L'organisation de l'archivage précise les relations entre l'administration productrice des archives et le service des archives d'Etat qui surveillent la constitution et la conservation des archives. La loi définit les devoirs et les responsabilités de chacune des institutions publiques considérées dans les différentes opérations d'archivage. Est reprise en particulier l'interdiction de détruire les archives historiques sans un arrêté formel du Conseil d'Etat (art. 4 à 8).

Les institutions publiques soumises à la loi devront proposer le versement aux archives d'Etat - et non plus verser - des documents dont elles n'ont plus besoin en permanence (art. 7).

Le principe de l'intégrité des archives est inscrit dans la loi (art. 9).

La consultation libre et gratuite, sous réserve des émoluments pour des prestations complémentaires, est garantie.

Au sujet de la liberté de la consultation, une première question de principe s'est posée au groupe d'experts : fallait-il déclarer que toutes les archives étaient ouvertes au public, avec des exceptions pour le secret, inversant ainsi le principe régnant presque partout du secret général avec des exceptions pour les informations librement accessibles ?

Il a été renoncé à cette solution, en faisant la réflexion que ce débat ne ressortit pas à la loi sur les archives, mais à une loi sur l'information du public et l'accès aux documents, loi actuellement en préparation ; qu'en outre, ce principe pouvait être interprété comme mettant en danger la protection de la sphère privée, et que la conservation d'archives confidentielles et néanmoins utiles à terme aux recherches historiques pouvait être menacée, faute de préparation des esprits. Il a donc paru préférable, dans l'esprit des modifications apportées le 11 juin 1998 à la loi de 1925, d'élargir les conditions d'accès, mais d'en fixer strictement et expressément les limites, dans le respect de l'ordre public et des intérêts prépondérants des personnes concernées. Ce faisant, on ne ferme pas la porte à des demandes de dérogations nécessitées par des recherches d'intérêt public, historiques ou sociologiques, pour autant que les chercheurs respectent la protection des données personnelles.

Les conditions d'accès aux archives tiennent compte du droit légitime à l'information historique et en même temps des nécessités d'ordre public, de la bonne marche de l'administration et surtout de la protection des données personnelles. Le principe de base est que les archives qui ont perdu tout intérêt pour la gestion des affaires courantes (soit les archives historiques) puissent être consultées, quel que soit le lieu de leur conservation, et qu'en même temps les personnes concernées bénéficient d'une protection conforme à la législation sur la protection des données personnelles. D'où la formulation de délais liés à la fois à la vie de la personne (date de décès, éventuellement de naissance) et aux faits dont il s'agit (art. 10 et 11).

A cette fin également, la loi distingue les archives administratives, dites aussi « actives » ou « vivantes » des archives historiques (art. 3, al. 5 et 6; art. 5). La consultation des premières est régie par la législation sur la protection des données personnelles et la consultation des secondes par la présente loi (art. 10, al. 3).

La loi prévoit la possibilité d'autoriser la consultation pendant les délais de protection, à certaines conditions (art. 11, al. 4 et 5).

Les droits d'accès des institutions publiques qui ont versé leurs archives aux archives d'Etat, ainsi que ceux des personnes concernées ont été déterminés (art. 12 et 13).

En cas de violation de la loi, de ses dispositions d'application ou des décisions prises en application de ces dernières, il est prévu que le chef du département désigné par le Conseil d'Etat puisse interdire aux contrevenants l'accès aux archives d'Etat pour une durée maximale d'un an ; la même compétence est donnée au magistrat communal responsable et à l'organe directeur des institutions publiques pour l'accès à leur locaux d'archives (art. 15).

Εn vertu de la loi modifiant la loi sur l'organisation judiciaire (7704), adoptée le 11 juin 1999 - et qui entrera en vigueur le 1er janvier 2000 - instituant le Tribunal administratif comme autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative, les décisions prises en application de la loi sur les archives et de ses dispositions d'exécution seront susceptibles d'un recours auprès de cette juridiction.

Enfin, s'agissant d'une loi sur les archives publiques et non pas seulement sur les archives d'Etat, il n'était pas opportun de reprendre l'article 9 de la loi actuelle permettant au Conseil d'Etat de demander des préavis sur toutes les questions relatives à l'administration, à la conservation et à la consultation des archives à une commission d'experts. En tout état, la base de l'existence d'une commission consultative peut être envisagée par voie réglementaire.

II. Commentaire article par article

Chapitre I - Dispositions générales

Article 1 - Champ d'application

Pour que l'archivage puisse assurer la sécurité du droit et les recherches documentaires, il faut que tous ceux qui remplissent une tâche d'intérêt public soient soumis aux mêmes principes archivistiques. C'est à cette fin qu'à été rédigé l'article 1 relatif au champ d'application de la loi.

alinéa 1

L'alinéa 1 reprend en partie l'article 1 de la loi actuelle sur les archives publiques :

- lettre a : le rappel que les fonds d'archives réunis aux archives d'Etat peuvent être de provenance publique ou privée. Les collections, telles que définies à l'article 3, alinéa 2 ont été intégrées au champ d'application.

A ce stade, il y a lieu de relever que le texte de loi proposé utilise le terme « archives » pour désigner l'ensemble des documents, quels que soient leur date, leur forme et leur support, produits ou reçus par une personne physique ou morale de droit public ou privé. Le terme « archives d'Etat » vise l'institution publique chargée de la conservation des archives, soit le service des archives d'Etat.

- lettre b :

chiffre 1 : reprend l'article 1, lettre b de la loi actuelle.

chiffre 2 : reprend l'article 2, lettre c de la loi actuelle, en prenant soin de sortir les archives communales qui font l'objet d'un chiffre à part, vu leur importance (cf. chiffre 3). En outre, les termes de « départements », « greffes » et « bureaux » sont contenus dans la notion générale d'« administrations ».

chiffre 3 : les archives communales sont soumises à la loi.

chiffre 4 : l'article 1, lettre d de la loi actuelle, ne vise que les archives des fondations de droit public cantonal. Il est proposé d'étendre le champ d'application à l'ensemble des établissements publics cantonaux et communaux, soit par exemple les Services industriels de Genève, les Transports publics genevois, l'Hôpital et l'Université. En effet, les documents archivés au sens de la présente loi servent l'intérêt public, notamment en permettant de comprendre les actions de l'Etat et en fournissant au particulier et à la collectivité de la matière permettant d'appréhender le passé, comme il est rappelé à l'article 2, alinéa 2 infra. Or - et eu égard à leur création toujours plus nombreuse - les établissements publics remplissent par définition des tâches publiques et il apparaît nécessaire de les soumettre aux principes de la présente loi. Les fondations de droit public cantonales, communales et intercommunales, qui font partie des établissements de droit public, restent soumises à la loi. Sont également visées les archives des corporations de droit public, telles que les fonds de prévoyance comme la CIA, la CAP, etc.

alinéa 2

Cet alinéa s'inspire de l'article 4 de la loi actuelle.

Les archives privées présentant un intérêt esthétique, artistique, historique, ou scientifique, au sens de l'article 26 de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites, du 4 juin 1976 (en abrégé : LPMNS) peuvent faire l'objet d'un classement par voie d'arrêté du Conseil d'Etat. Seul le classement est possible, à l'exclusion de l'inventaire. Ce dernier, de même que l'expropriation et le droit de préemption n'avaient pas été retenus par la commission chargée d'examiner le projet de la LPMNS (cf. MGC 1976/II, p. 1905).

alinéa 3

L'alinéa 3 vise le dépôt spontané d'archives privées. Comme c'est le cas actuellement (cf. art. 11 du règlement d'application de la loi sur les archives publiques, du 1er juillet 1987, ci-après : le règlement sur les archives), le dépôt d'archives privées peut faire l'objet d'une convention fixant les modalités de gestion, de consultation et éventuellement de retrait.

Dans le cas où une telle convention fait défaut ou n'est pas exhaustive, il est proposé que la présente loi s'applique à ces archives.

Article 2 - Principes

alinéa 1

L'alinéa 1 reprend les termes utilisés dans la loi fédérale sur l'archivage et énumère les critères de l'archivage des documents et définit par là même la valeur archivistique de ces derniers.

alinéa 2

Cet alinéa détermine le but et le rôle de l'archivage qui consiste, d'une part, à assurer la sécurité juridique, la continuité, la rationalité et le contrôle de la gestion de l'administration et, d'autre part, à créer les conditions nécessaires à la connaissance du passé.

alinéas 3 et 4

Ces alinéas reprennent les principes énoncés aux articles 2 et 3 de la loi actuelle et rappellent que les archives sont des biens du domaine public qui ne peuvent être acquis par prescription.

Article 3 - Définitions

alinéa 1- Fonds d'archives

Cet alinéa est repris en partie du règlement sur les archives (cf. art. 2, alinéa 2).

alinéa 2 - Collections

Le terme de collections s'oppose à celui de fonds. On entend par « toute autre caractéristique commune » notamment le mode d'acquisition, le thème, le support, le type de document, le collectionneur. Des objets peuvent être assimilés à des documents.

alinéa 3 - Documents

La définition des documents est basée sur l'article 2, alinéa 3 du règlement sur les archives, mais la rédaction proposée est plus générale afin de tenir compte du développement de la technique et de permettre d'englober les nouveaux supports actuels.

alinéa 4 - Dossiers

L'alinéa 4 reprend l'article 2, alinéa 4 du règlement sur les archives, le terme « cas déterminé », ayant été remplacé par celui « d'affaire ».

alinéas 5 et 6 - Archives administratives et historiques

Ces alinéas reprennent l'article 2, alinéas 6 et 7 du règlement sur les archives.

Ils rappellent que les archives sont d'abord administratives, soit des documents « vivants », lorsqu'elles sont utiles à l'expédition courante des affaires. Leur consultation est réglée par la législation sur la protection des données personnelles. C'est ce que rappelle l'article 10, alinéa 3 infra.

Une fois qu'elles ne sont plus utiles à l'expédition courante des affaires et qu'elles sont conservées en raison de leur valeur archivistique, les archives deviennent historiques. Ces archives sont soumises à la présente loi, indépendamment de leur lieu de conservation.

Chapitre II - Organisation de l'archivage

Article 4 - Compétence en matière d'archivage

alinéa 1

Cette disposition fixe la tâche principale des archives d'Etat. Elle est complétée par l'article 14 infra. La conservation des archives historiques est une des tâches principales des archives d'Etat. Outre leur garde en des lieux appropriés, elle comprend également la restauration des documents.

alinéas 2 et 3

Ces alinéas reprennent les principes énoncés aux articles 6 et 7 de la loi actuelle.

alinéa 4

A l'instar des communes et des établissements et corporations de droit public (cf. alinéa 3 supra), il est proposé que les institutions détenant des archives visées à l'article 1, alinéa 2 archivent elles-mêmes leurs documents conformément aux principes de la présente loi. Il est toutefois prévu que ces institutions puissent en proposer le versement aux archives d'Etat. Ce sera le cas par exemple par manque de place pour le stockage des documents.

Article 5 - Gestion des archives par les institutions publiques

Cette disposition règle ce qui précède l'archivage proprement dit. Elle a pour but d'assurer la constitution d'archives, tâche capitale des archives d'Etat.

alinéa 1

L'alinéa 1 établit le principe selon lequel les institutions publiques soumises à la loi constituent et gèrent leurs archives conformément à la loi et à ses dispositions d'exécution.

alinéa 2

L'alinéa 2 fixe le principe nouveau selon lequel les institutions publiques soumises à la loi ne peuvent détruire leurs archives administratives susceptibles d'avoir une valeur archivistique sans l'autorisation des archives d'Etat. La destruction des archives historiques reste soumise à l'autorisation du Conseil d'Etat (cf. art. 8 infra).

alinéas 3 et 4

Les archives d'Etat ne peuvent s'assurer de la constitution d'archives par les institutions publiques qu'en agissant avant que les documents à proposer ne parviennent sous sa garde, c'est-à-dire lorsqu'ils se trouvent encore là où ils sont produits.

Le règlement sur les archives prévoit déjà que les archives d'Etat ont pour tâche de veiller à la constitution d'archives par les autorités et administrations (cf. art. 3, lettre b) et la possibilité de procéder à des inspections des services (cf. art. 5, alinéa 3).

Comme c'est le cas actuellement, les archives d'Etat édictent des directives à l'intention des institutions publiques soumises à la loi. Les conseils et les directives permettent une gestion rationnelle et adéquate des informations et visent à homogénéiser les procédures relatives à ces informations durant les trois phases de vie d'un document, à savoir, les affaires courantes, les dossiers semi-actifs préarchivés et les documents archivés.

Article 6 - Obligation de proposer le versement des archives

A l'instar de la loi fédérale sur l'archivage et de la loi bâloise sur les archives, il est prévu que les institutions publiques soumises à la présente loi doivent proposer le versement aux archives d'Etat de tous les documents dont elles n'ont plus besoin pour l'expédition courante de leurs affaires. Ne sont pas soumises à cette obligation les institutions publiques chargées d'archiver elles-mêmes leurs documents, tels les communes, les administrations et commissions qui en dépendent et les établissements et corporations de droit public.

Cette obligation constitue la condition de base pour que les archives puissent remplir leur fonction publique, à savoir transmettre les témoins de l'activité étatique.

Actuellement, la loi sur les archives prescrit en son article 5, alinéa 1 que les fonds d'archives des institutions et administrations dépendant de l'Etat doivent être versés aux archives d'Etat dès qu'ils n'ont plus d'intérêt pour l'expédition courante des affaires.

Or, il apparaît que pour des motifs d'ordre économique et de rationalité, il est préférable que les institutions publiques proposent le versement de - et non versent - leurs archives aux archives d'Etat qui décident de les accepter ou non après évaluation.

Article 7 - Appréciation de la valeur archivistique et reprise des documents

Une fois que l'institution publique a proposé le versement des documents aux archives d'Etat, ces dernières déterminent, en collaboration avec l'institution versant les documents, la valeur archivistique de ceux-ci. Ce n'est que lorsque l'on aura déterminé s'ils ont une valeur archivistique que les documents, désignés comme tels, seront versés aux archives d'Etat.

Article 8 - Destruction des archives historiques

Cette disposition reprend l'article 8 de la loi actuelle en précisant qu'elle s'applique à la destruction des archives historiques au sens de l'article 3, al. 6, que celles-ci soient versées ou non aux archives d'Etat. Il a été ajouté le principe, appliqué en pratique, selon lequel l'institution ayant versé les documents et les archives d'Etat sont préalablement consultées avant toute destruction des documents.

Demeure réservé l'article 1B de la loi sur les renseignements et les dossiers de police et la délivrance des certificats de bonne vie et moeurs, du 29 septembre 1977, qui s'applique à titre de lex specialis et qui prévoit la destruction des données personnelles dès qu'elles ne sont plus nécessaires à l'accomplissement par la police de ses tâches.

Article 9 - Intégrité des archives historiques

Cette disposition arrête le principe général selon lequel les archives ne peuvent être modifiées. Il faut en effet que leur intégrité soit préservée. Seules des adjonctions peuvent être apportées aux dossiers.

Chapitre III - Accès aux archives

Article 10 - Principe de la libre consultation

L'information du public sur les activités de l'Etat constitue un point essentiel pour accroître la crédibilité des institutions, créer un climat de confiance et renforcer les relations entre l'Etat et le citoyen.

C'est dans ce sens que l'article 10, alinéa 1, reprend le principe de la libre consultation figurant dans la loi actuelle en son article 8A.

Comme c'est le cas sur le plan fédéral et européen, ainsi que dans d'autres cantons, ce droit n'existe toutefois que dans certaines limites, indispensables à la préservation des différents biens juridiques en présence.

Tous les documents archivés ne peuvent pas être consultés sans restrictions, même après l'échéance des délais de protection fixés à l'article 11. Ainsi, l'article 10, alinéa 2, prévoit que la consultation des archives est limitée ou exclue si l'une des conditions suivantes est remplie :

- lettre a : un intérêt public ou privé prépondérant, digne de protection, est menacé. Cette disposition permet de garantir que même des documents qui sont hautement sensibles, selon notre conception des valeurs, soient conservés, sans que les personnes concernées ne se trouvent touchées dans leurs droits ou que des intérêts supérieurs de l'Etat ne soient atteints. Dans l'hypothèse où l'accès aux archives est refusé pour ces motifs, une décision motivée sujette à recours doit être rendue.

- lettre b : des conventions de dépôts (cf. art. 1, alinéa 3 infra) conclues avec les actuels ou les précédents propriétaires d'archives d'origine privée le prévoient. Ces conventions sont déjà réservées par l'article 8A de la loi actuelle. Celui qui confie des documents privés aux archives d'Etat, à titre de donation ou de dépôt, peut exiger que des dispositions plus sévères (par exemple, autorisation à accorder par les déposants) ou des délais de protection plus longs (par exemple un délai de protection absolu jusqu'à une année déterminée) soient respectés.

- lettre c : l'état de conservation des archives l'exige.

L'article 10, alinéa 3, fixe le principe selon lequel la consultation des archives administratives est régie par la législation sur la protection des données personnelles, soit actuellement - en l'absence d'une loi cantonale sur la protection des données personnelles - par l'article 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, par la liberté personnelle, par les articles 28 et ss du Code civil suisse, par la loi fédérale sur la protection des données personnelles dans les limites de son article 37 et par la loi sur les informations traitées automatiquement par ordinateur, du 17 décembre 1981. En outre, les dispositions spéciales d'autres lois, telles que l'ordonnance sur l'état civil du 1er juin 1953, la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985, la loi sur les renseignements et les dossiers de police et la délivrance des certificats de bonne vie et moeurs, du 29 septembre 1977, le Code pénal suisse (art. 321bis relatif au secret professionnel en matière de recherche médicale), la loi concernant les rapports entre membres des professions de la santé et patients, du 6 décembre 1987, et la loi sur le régime des personnes atteintes d'affections mentales et sur la surveillance des établissements psychiatriques, du 7 décembre 1979, sont réservées.

La consultation des archives, non pas seulement pour la recherche scientifique, mais également pour les profanes, revêt un intérêt public. Il en résulte que les prestations de base des Archives sont gratuites. C'est ce que prescrit l'alinéa 4, de même que l'article 8A, alinéa 4, de la loi actuelle. Par prestations de base, l'on entend les conseils donnés par les archives d'Etat quant à l'utilisation des archives, comparables aux conseils donnés aux utilisatrices et utilisateurs d'une bibliothèque publique. En revanche, un émolument doit pouvoir être perçu, comme c'est le cas actuellement, notamment pour les recherches dans les dossiers, les transcriptions ou la reproduction des documents. Le détail de ces émoluments devra être fixé dans le règlement d'application.

L'alinéa 5 prévoit, à l'instar de la loi fédérale sur l'archivage et de la loi sur les archives du canton de Bâle-Ville, qu'un exemplaire justificatif des ouvrages publiés ou diffusés qui reposent en tout ou partie sur l'utilisation d'archives publiques soit remis aux archives d'Etat. L'exemplaire justificatif peut être considéré comme une sorte de contre-prestation remise par les utilisateurs aux pouvoirs publics pour avoir mis à disposition des documents archivés présentant un intérêt scientifique et culturel. Il est précisé que doivent être remis un exemplaire des travaux publiés (imprimés), mais aussi des travaux qui se présentent sous une autre forme.

Article 11 - Délais de protection

Le principe de libre communication des documents doit tenir compte du respect de la vie privée des personnes. Comme c'est le cas dans la loi actuelle, de même que sur le plan fédéral et européen, il est prévu de fixer un délai général de protection.

alinéa 1

Partout la tendance est à l'ouverture des archives à tous dans des délais qui se situent dans une quasi norme de 30 ans. Ainsi, la loi fédérale sur l'archivage, la loi sur les archives du canton de Bâle-Ville et le règlement (CEE, Euratom) N°354/83, du Conseil du 1er février 1983, concernant l'ouverture au public des archives historiques de la Communauté économique européenne et de la Communauté européenne de l'énergie atomique, fixent ce délai général de protection à 30 ans. Ce délai résulte de l'expérience qui veut établir un équilibre convenable entre le droit d'accès aux archives, d'une part, et la protection de la personnalité, les intérêts de l'Etat et une gestion efficace, d'autre part.

A Genève, ce délai a été fixé à 25 ans (il était de 35 ans auparavant et ne figurait que dans le règlement sur les archives) par la loi du 11 juin 1998 modifiant la loi sur les archives publiques. Le groupe de travail à la base de l'élaboration du présent projet de loi s'est posé la question de savoir s'il fallait calquer ce délai sur les délais fédéral et européen. Il est apparu que l'importance du problème se situait moins dans la durée du délai qu'au niveau des critères dont on l'entoure et de la gestion des exceptions. Par conséquent, le délai est maintenu à 25 ans, respectant par-là la décision récente du Grand Conseil, tout en relevant, d'une part, que cela pourrait engendrer quelque inadéquation du fait que les archives d'Etat abritent également des archives fédérales, soumises à la loi fédérale sur l'archivage et que, d'autre part, plus ce délai est court, plus le risque que les institutions soumises à la loi retardent le moment du versement de leurs archives aux archives d'Etat est grand. Il est en outre apparu nécessaire de déterminer le dies a quo du délai général de 25 ans, soit en l'occurrence, la clôture du dossier.

En revanche, les documents qui ont été publiés ou étaient accessibles au public avant leur versement aux archives d'Etat ne sont pas soumis aux délais de protection.

alinéa 2

Cet alinéa règle la consultation des documents contenant des données personnelles sensibles ou des profils de la personnalité qui doivent bénéficier d'une protection spéciale.

Il reprend la terminologie employée par la loi fédérale sur l'archivage en visant les documents qui contiennent des données personnelles sensibles ou des profils de la personnalité, lorsque ces données ou profils figurent dans des documents classés selon les noms de personnes.

L'on entend par données personnelles sensibles celles qui font partie de la sphère privée d'une personne (en particulier, les opinions religieuses et politiques, la santé, les mesures d'aide sociale, les procédures à caractère judiciaire, etc.).

L'on entend par profils de la personnalité un assemblage de données qui permet d'apprécier les caractéristiques essentielles de la personnalité d'une personne physique.

Il y a lieu de relever que l'on distingue les délais de protection relatifs, qui se réfèrent aux données biographiques des personnes (par exemple, la date du décès), des délais absolus qui s'attachent à l'âge des documents (par exemple, la date du dépôt ou de clôture du dossier).

Comme indiqué au début du présent exposé, le projet de loi donne la préférence à la méthode relative, considérant qu'elle offre une meilleure protection de la personnalité. La durée des délais proposés s'inspire de la loi bâloise sur les archives, soit :

- 10 ans après le décès de la personne concernée ;

- 100 ans après la naissance si la date du décès est inconnue ou déterminable au prix d'un effort disproportionné ;

- 80 ans dès la clôture du dossier si ni la date de décès, ni celle de la naissance ne peuvent être déterminées. Pour assurer une meilleure protection de la personnalité, notamment si l'on pense aux dossiers relatifs aux mineurs, la date de clôture du dossier a été préférée à celle d'ouverture du dossier ou de la date du jugement, contrairement à la situation actuelle. Cette solution prévaut également pour les archives du canton de Bâle-Ville. La date de clôture du dossier est également en vigueur pour les archives du CICR.

Les délais de protection prévus à l'alinéa 2 ne sont valables que pour les personnes physiques (c'est le cas également sur le plan fédéral et bâlois). Cela résulte du fait que les délais se réfèrent aux données biographiques d'une personne et, en premier lieu, à la date du décès. Ce serait inopportun, s'agissant de personnes morales. En effet, les documents qui concernent des personnes morales qui continuent à exister seraient en permanence soumis aux délais de protection. En tout état, les droits des personnes morales sont protégés grâce à la possibilité de limiter ou d'exclure la consultation au-delà du délai général de 25 ans, aux conditions de l'article 10, alinéa 2. En revanche, les autres dispositions de la loi visent tant les personnes physiques que les personnes morales.

alinéa 3

Pour calculer les délais prévus aux alinéas 1 et 2, est déterminante l'année au cours de laquelle les dossiers ont été clos par le dernier apport organique. Un apport est « organique » s'il est en rapport direct avec le but pour lequel les documents ont été archivés. Ceci exclut des prolongations plus ou moins artificielles du délai de protection. Par exemple, un article, l'avis de décès de la personne concernée ou une demande de certificat ne constitue pas un apport organique.

alinéas 4 et 5

Afin de permettre en particulier les recherches d'histoire dite « sérielle » ou les recherches en histoire sociale et en sociologie, les délais de protection fixés aux alinéas 1 et 2 doivent pouvoir être abrégés, comme le prévoit actuellement le règlement sur les archives, à certaines conditions, le cas échéant celle de rendre anonymes les données personnelles.

L'autorisation ou le refus d'une demande d'abréger les délais de protection revêt la forme d'une décision sujette à recours auprès du Tribunal administratif.

Article 12 - Consultation par les institutions publiques

Cette disposition prévoit que les institutions publiques, qui ont remis aux archives d'Etat des documents provenant de leurs services, puissent les consulter pendant le délai de protection, dans la mesure où l'exécution de leurs tâches le nécessite. En outre, la consultation pendant le délai de protection est une condition pour que l'on puisse exiger des institutions qu'elles versent leurs documents aux archives d'Etat dès qu'elles n'en ont plus besoin en permanence.

L'article 9 de la loi s'applique au surplus.

Article 13 - Accès des personnes à leurs données personnelles

Aux termes de la loi fédérale sur la protection des données personnelles, les personnes concernées peuvent demander des renseignements sur les données collectées à leur sujet. Ce droit fondamental, consacré par la jurisprudence du Tribunal fédéral (cf. notamment ATF 122 I 153), doit s'appliquer aussi aux données personnelles contenues dans des archives. Il ne pourra être exercé que dans la mesure où les archives sont classées par noms de personnes ou que des indications sont fournies permettant de rechercher ces données sans travail disproportionné. La communication de ces données doit en effet être compatible avec une gestion administrative rationnelle. Cette restriction est également prévue par la loi bâloise sur les archives et figure aussi à l'article 15, alinéa 1 de l'ordonnance relative à la loi fédérale sur la protection des données.

alinéa 3

La consultation n'est autorisée que si la remise des données ne porte pas atteinte à un intérêt public ou privé prépondérant digne de protection. Ainsi, par exemple, la consultation pourra être limitée ou exclue en ce qui concerne les faits divulgués par des tiers et couverts par le secret médical au sens de l'article 2, alinéa 2 de la loi concernant les rapports entre membres des professions de la santé et patients, du 6 décembre 1987.

alinéa 4

Enfin, à l'instar de la loi fédérale sur l'archivage et de la loi bâloise, il y a lieu de prévoir que la personne qui conteste l'exactitude des données ait la possibilité d'adjoindre aux documents - et non de corriger, par exemple sous la forme d'une modification ou d'un biffage - sa version des faits. En revanche, nous avons renoncé à ce que ce droit passe aux proches, après le décès de la personne concernée.

Chapitre IV - Archives d'Etat

Article 14 - Tâches des archives d'Etat

Cette disposition complète la liste des tâches qui sont attribuées aux archives d'Etat en vertu des autres dispositions de la loi. En vue de faciliter l'accès aux fonds d'archives, les archives d'Etat confectionnent notamment des inventaires et établissent la procédure à suivre pour utiliser les données.

La participation à la mise en valeur des fonds d'archives consiste notamment en la publication des inventaires, des répertoires, des catalogues d'archives, à la constitution de bases de données informatiques, en l'édition de sources, de guides d'archives, ainsi qu'à l'organisation d'expositions.

Chapitre V - Interdiction d'accès

Article 15 - Interdiction d'accès

alinéas 1 et 2

Actuellement, le règlement sur les archives prévoit que les usagers qui ne se conforment pas au règlement et aux injonctions du personnel des archives d'Etat peuvent se voir interdire l'accès à ces dernières par l'archiviste d'Etat .

Il est proposé d'intégrer dans la loi la possibilité donnée au chef du département désigné par le Conseil d'Etat de pouvoir interdire l'accès aux archives d'Etat, pour une durée maximale d'un an, à tout contrevenant à la présente loi, à ses règlements d'application, ainsi qu'aux décisions prises en application de ces dispositions. Cette décision pourra faire l'objet d'un recours auprès du Tribunal administratif. La même compétence doit être donnée aux communes et aux organes directeurs des institutions publiques qui ont la garde de leur archives.

alinéa 4

A l'instar d'autres lois, cette disposition rappelle que l'exécution d'une mesure administrative, en l'espèce de l'interdiction d'accéder aux archives d'Etat ou aux autres locaux d'archives, ne dégage en rien les contrevenants de leur responsabilité pour les dommages causés à des tiers, ni ne les libère des conséquences civiles, pénales et administratives des infractions commises. Sont visés en particulier les dommages causés par une atteinte illicite à la personnalité, de même que les infractions contre l'honneur et contre le domaine secret ou le domaine privé contenues dans le titre troisième du code pénal suisse.

Chapitre VI - Dispositions finales

Article 16 - Dispositions d'application

Le Conseil d'Etat est chargé d'édicter le règlement d'application de la loi, de même que le tarif des émoluments.

Article 17 - Clause abrogatoire

La loi sur les archives publiques, du 2 décembre 1925, est abrogée.

Article 18 - Entrée en vigueur

Il appartient au Conseil d'Etat de fixer la date d'entrée en vigueur de la loi.

Article 19 - Modifications à une autre loi

A partir du moment où les communes sont soumises à la présente loi pour la constitution, la gestion et la conservation de leurs archives, il y a lieu de modifier la loi sur l'administration des communes par un renvoi à la loi sur les archives.

Au bénéfice des explications qui précèdent, nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, d'adopter le présent projet de loi.

Ce projet est renvoyé à la commission des affaires communales, régionales et internationales sans débat de préconsultation.