République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 8161
21. Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur l'organisation judiciaire (E 2 05) (arbitrages). ( )PL8161

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article 1 Modification

La loi sur l'organisation judiciaire, du 22 novembre 1941, est modifiée comme suit :

Art. 63A (nouveau)

Les magistrats du pouvoir judiciaire au bénéfice de mandats d'arbitrage participent aux charges de fonctionnement du pouvoir judiciaire, à raison d'un montant s'élevant à 33 % des honoraires encaissés.

Article 2  Disposition transitoire

L'article 63A s'applique à tous les honoraires encaissés depuis son entrée en vigueur.

EXPOSÉ DES MOTIFS

a) membre d'une autorité ou d'une juridiction administrative, si la qualité de magistrat est requise par la loi ou le règlement ;

b) juge suppléant au Tribunal fédéral et au Tribunal fédéral des assurances ;

c) enseignement universitaire, à raison de deux heures par semaine au plus, et sans rémunération ;

d) arbitre.

 L'article 63, alinéa 2 LOJ précise que ces fonctions accessoires ne sont admises qu'avec l'accord, donné de cas en cas, du président de juridiction et dans la mesure où elles ne nuisent pas à l'exercice de la charge du magistrat concerné et au fonctionnement de la juridiction.

 A teneur de l'article 78 LOJ, chaque tribunal édicte un règlement particulier, soumis à l'approbation de la Commission de gestion du pouvoir judiciaire, portant notamment sur les conditions auxquelles ses membres peuvent accepter des arbitrages.

II. En l'absence de toute disposition contraire, les revenus que les juges retirent de ces activités accessoires leur sont acquis.

 Cela est normal lorsque ces activités consistent dans l'exercice de charges publiques (art. 63, al. 1, lettres a) et b), LOJ).

 Il paraît donc équitable de demander aux magistrats de se montrer solidaires des justiciables et de la collectivité, en affectant une partie de leurs honoraires d'arbitre au financement des charges de fonctionnement du pouvoir judiciaire. Une réglementation analogue existe déjà pour les médecins bénéficiaires de la pratique privée au sein des établissements publics médicaux (art. 11B de la loi sur les établissements publics médicaux, du 19 septembre 1980).

III. A cette fin, une loi formelle est indispensable, car le principe constitutionnel de la couverture des frais, qui permet dans certains cas d'agir par voie réglementaire (ATF 121 I 230), ne peut être invoqué, les arbitres ne mettant pas à contribution des infrastructures payées par la collectivité. Aux termes d'une récente décision de la Commission de gestion du pouvoir judiciaire, les magistrats ne sont en effet même plus autorisés à tenir des audiences au Palais de justice lorsqu'ils fonctionnent comme arbitres. A cet égard, la pratique privée des juges se différencie donc nettement de celle des médecins.

IV. Un prélèvement sur les honoraires d'arbitrage des juges avait déjà été proposé en 1995, dans le cadre du projet de loi 7247 (Mémorial 1995, pages 3104 et suivantes). L'idée avait toutefois été abandonnée au cours des travaux parlementaires, après que l'Association des magistrats du pouvoir judiciaire eut fait connaître son opposition à la commission judiciaire (séance du 15 janvier 1996), le projet de loi 7247 étant finalement transmis à la commission législative et le projet de loi 7247-A adopté sans cette proposition.

Le pourcentage du prélèvement est identique à celui proposé dans le projet de loi 7247. Il pourra bien évidement être discuté, voire modulé, en commission, notamment à la lumière des prélèvements opérés sur les honoraires encaissés par les bénéficiaires de la pratique privée au sein des établissements publics médicaux. Il conviendra toutefois de garder à l'esprit la différence fondamentale existant entre les arbitres et les médecins sous l'angle de l'utilisation de ressources (locaux, matériel, personnel) financées par les deniers publics.

 Signalons que les juges fédéraux sont tenus de rétrocéder à la caisse du Tribunal fédéral les revenus qu'ils retirent de l'exercice d'activités accessoires, lorsque ces derniers dépassent un certain montant. L'article 6, alinéa 3 du règlement sur les activités accessoires des membres du Tribunal fédéral (R.S. 173.113.1) dispose en effet que ces revenus sont calculés chaque année et que « Le membre du tribunal qui réalise au cours d'une année déterminée, grâce à ses gains provenant d'activités accessoires et à son traitement, un revenu supérieur à 125 % du montant de ce traitement, doit remettre l'excédent à la caisse du Tribunal fédéral ».

VI. Si l'article 63A est voté, il appartiendra à la Commission de gestion du pouvoir judiciaire de veiller à ce que les juridictions adoptent les dispositions d'application nécessaires, dans le cadre de l'article 78 LOJ.

 Bien qu'il ne dispose pas d'informations précises à ce sujet, le Conseil d'Etat est conscient du fait que les arbitrages confiés à des juges ne sont pas fréquents et que les honoraires qu'ils procurent restent, en règle générale, dans des limites raisonnables. Le présent projet de loi n'est donc pas tant dicté par des considérations d'ordre budgétaire - même si de nouvelles recettes sont toujours les bienvenues - que par un souci d'équité et d'égalité de traitement, comme exposé ci-dessus.

Au bénéfice de ces explications, nous espérons, Mesdames et Messieurs les députés, que le présent projet de loi recevra un bon accueil de votre part.

Ce projet est renvoyé à la commission judiciaire sans débat de préconsultation.

 

La séance est levée à 16 h 40.