République et canton de Genève

Grand Conseil

R 350
32. Proposition de résolution de Mmes et MM. Roger Beer, Thomas Büchi, Hervé Dessimoz, Daniel Ducommun, Michel Ducret, John Dupraz, Pierre Froidevaux, Elisabeth Häusermann, Pierre Kunz, Gérard Laederach, Bernard Lescaze, David Revaclier, Marie-Françoise de Tassigny, Jean-Philippe de Tolédo et Michèle Wavre demandant une comptabilité analytique aux assureurs-maladie avant toute nouvelle hausse de primes. ( )R350

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

- le rôle de santé publique reconnu aux assureurs-maladie;

- la part croissante du budget individuel et familial prise par les cotisations aux assureurs-maladie;

- la poursuite annoncée de l'augmentations de ces cotisations;

- des provisions déjà vraisemblablement surévaluées et

- la nécessité de prendre des décisions politiques visant à un meilleur équilibre des coûts de la santé,

invite le Conseil d'Etat

à intervenir auprès des autorités fédérales

- afin d'imposer aux assureurs maladie une comptabilité analytique rendant explicite chaque poste de charge;

- et de refuser toute hausse des primes aux assureurs qui ne pourraient ainsi les exprimer.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Introduction

L'entrée en vigueur de la LAMal le 1er janvier 1996 faisait craindre des hausses de cotisations en raison des nouvelles prestations servies par cette dernière réforme de notre système d'assurance-maladie. Les événements ont donné raison même aux plus pessimistes. A Genève, nous avons assisté à une augmentation de près de 40% des cotisations en deux ans. La spirale des hausses se poursuit puisque les assureurs en ont annoncé une nouvelle de près de 8% pour 1998. Ces augmentations successives signifient une captation de plus de 300 millions de francs supplémentaires vis-à-vis du système précédent (LAMA) pour les cotisants genevois. Le pouvoir politique se doit de gérer la crise qui résulte d'un tel prélèvement devenu obligatoire pour l'ensemble de la population. Il doit donc lui être répondu de manière explicite: qui détient à Genève ces quelque 300 millions de francs ?

Aujourd'hui la suspicion règne. Les uns accusent les assureurs, d'autres les prestataires de soins et d'autres les malades. Comme il n'a pas été encore possible de désigner l'un plutôt que l'autre, tout le monde est, ou se sent, accusé. Ce climat de défiance n'est pas propice à une réflexion en profondeur. Il peut conduire à des mesures abruptes. Il fait redouter l'injustice. Il devient ainsi chaque jour plus urgent de voir clair pour des décisions politiques formelles. La transparence des comptes des assureurs est un préalable indispensable aux réflexions politiques. Elle est d'autant plus indispensable que ce prélèvement est devenu obligatoire pour tous les citoyens. Les comptes sont contrôlés par l'OFAS, mais sur la base d'indications générales. Il s'agit d'un ratio entre les factures reçues par les assurances durant les6 premiers mois de l'année et l'exercice précédant. Une courbe de croissance est établie qui est ensuite extrapolée sur l'exercice économique suivant. Si cette manière de faire donne le coût global, elle ne permet pas d'individualiser les différents postes de charge. Or, pour que le pouvoir politique agisse, il est essentiel qu'il dispose de statistiques plus précises. Le développement de ces indicateurs permettra alors de donner les axes sûrs pour un contrôle plus serein des coûts de la santé.

Certes, les assureurs-maladie ont des statuts privés. Cependant, leurs cotisations sont soumises à approbation par la Confédération. La législation devrait être complétée afin d'imposer une comptabilité analytique aux assureurs-maladie, comme c'est maintenant le cas pour les hôpitaux publics. Cette forme de comptabilité revêt un caractère d'intérêt général en terme de santé publique. Elle se justifie d'autant plus que les cotisations aux assureurs-maladie sont devenues obligatoires et garanties par l'Etat.

Etat de la situation jusqu'à hier

Le budget des assureurs-maladie

Figure 1: selon OCSAT n° 19, juin 1995

Figure 2: extrapolation de la courbe de la figure 1.

Les assureurs-maladie, tous au bénéfice de droit privé, ne sont pas tenus de publier officiellement des informations ou des statistiques. Ils s'en tiennent à leur statut privé. Leurs comptes sont ainsi hermétiques. Cela, depuis toujours. Ils arguent de la nécessité du secret des affaires dans un système concurrentiel. Les renseignements ne peuvent donc être obtenus que par les documents officiels de l'OFAS, de l'OCSAT, du DASS et exceptionnellement aujourd'hui, par un rapport demandé par le Conseil d'Etat, le rapport Gilliand. Le concordat des assureurs-maladie publie certes des informations, des tendances mais qui s'appuient sur des chiffres trop anciens pour une analyse de la LAMal.

Il en ressort tout de même qu'en 1991, sous l'ancien régime, celui de la LAMA, les assureurs prélevaient 1 milliard de francs sur la population genevoise pour assumer un montant des prestations de 880 millions de francs.

En poursuivant l'extrapolation jusqu'en 1995 de cette courbe on obtient : 1,25 milliard de francs dont 88% sont utilisés pour verser des prestations.

La structure des flux financiers des assurances

La détermination des flux financiers de l'ensemble des assurances est possible à Genève en considérant l'année 1991. Pas au delà. Le tableau N°1 permet d'établir des pourcentages afin de les extrapoler sur l'année 1995 et d'avoir ainsi une idée probable de la situation économique globale du financement de la santé au soir de la LAMA.

Etat de la probable situation d'aujourd'hui

Le montant des augmentations

Les cotisations d'assurances-maladie ont fait un bon global de 40% en deux ans. Une nouvelle augmentation de 8% est à l'étude pour l'année 1998.

Pour justifier les nouvelles hausses, les assureurs ont annoncé une augmentation globale sur le plan suisse de 12,5 milliards de francs à14,1 milliards en détaillant ainsi la part d'augmentation des postes à charges :

- + 4 % pour les traitements avec séjour hospitalier;

- + 14% pour les traitements ambulatoires;

- + 4% pour les soins médicaux;

- + 35% pour les EMS;

- + 48% pour les soins à domicile;

- + 5% pour les physiothérapeutes;

- + 6% pour les laboratoires;

- + 8% pour les autres soins.

Malheureusement, nous ne disposons pas d'indications sur le plan genevois. Cependant, notre politique sociale a permis de mettre en place un réseau de soins des plus complets entre les EPM, les EMS et les soins à domicile. Une rapide revue des différents postes à charge des assurances montre que, selon toute vraisemblance, les assurances-maladie prennent de plus en plus le relais des engagements de l'Etat dont nous devrions avoir le reflet dans les comptes de la Confédération comme dans les cantons, alors que l'activité privée reste, dans son ensemble, dans des limites habituelles.

Figure 3: Une telle progression est supposée. Il n'y a pas d'indicateurs rendus publics qui soient disponibles pour confirmer cette tendance à Genève.

L'activité médicale privée

En 1995, l'activité médicale privée a régressé, comme en témoignent les derniers indicateurs disponibles (1994-1995). Cependant, en appliquant le taux annoncé de 4% d'augmentations, linaire sur 3 ans on obtient un surcoût de 30 millions de francs pour les assurances.

Les autres activités ambulatoires

La hausse de 14% des traitements ambulatoires s'explique par leur développement rendu nécessaires afin de compenser la perte de recettes liée à la baisse régulière depuis plus de 10 ans des journées d'hospitalisation dans les EPM. Sous cette rubrique les autres postes ambulatoires progresseraient d'avantage que la médecine privée: entre 5 et 8%.

Les soins à domicile

L'augmentation de 48% pour les soins à domicile sur le plan suisse pourrait être plus élevée sur le plan genevois. En effet, l'Etat de Genève déploie là une activité pilote qui rend compte du développement de sa politique sociale.

Dans le rapport du Conseil d'Etat sur les soins à domicile, notre exécutif s'attend à des effets positifs de la LAMal de par un remboursement élargi des prestations des infirmières et des soins de base effectués par les aides, mais que ceux-ci sont toutefois difficiles à quantifier. «L'entrée en vigueur de la nouvelle législation fédérale sur l'assurance-maladie - qui améliore la prise en charge de l'aide à domicile par les caisses-maladie - devrait permettre d'augmenter la participation de l'assurance-maladie ces prochaines années. Cette amélioration est cependant impossible à chiffrer actuellement en raison du recours formé par les caisses-maladie contre le tarif-cadre édicté par le Conseil d'Etat en décembre 1995, en l'absence de convention tarifaire entre les services d'aide à domicile et les caisses-maladie»

Le Conseil fédéral n'a toujours pas statué vis-à-vis de ce recours. Cependant, les caisses paient les prestations au temps, mais plus à l'acte à raison de 15 F/quart d'heure entamé. Les assureurs se plaignent d'une véritable explosion dans ce domaine.

Le SASCOM a fait 251 991 visites en 1995. En admettant un temps moyen de 20 minutes pour chacune de ces visites, le coût pour les assurances est maintenant de 7,5 millions de francs, 8 si on tient compte d'une augmentation éventuelle de volume d'activité. L'AGAD a aussi certaines prestations remboursées, notamment les toilettes aux malades. Cela représentait 22 500 heures en 1995, soit 1 350 000 F à charge des assurances, qu'on arrondit à 1,5 million de francs pour tenir compte d'une éventuelle progression du volume.

Les soins à domicile représentent donc une augmentation de charge de 9,5 millions de francs pour les caisses.

De plus, le tarif-cadre du Conseil d'Etat de décembre 1995 entraînait des augmentations substantielles qui ont pu être provisionnée par les assureurs.. S'agit-il du double, soit environ 20 millions de francs ?

Les établissements médico-sociaux

Ce printemps, le Conseil fédéral a statué sur le nouveau tarif des EMS à charge des assurances. Les assureurs doivent verser 70 millions de francs contre 18 millions en 1995. Ce nouveau tarif correspond à un coût journalier de 69 F Ainsi, 52 nouveaux millions de francs grèvent le budget des assurances.

Mais le Conseil d'Etat genevois avait proposé, en décembre 1995, un nouveau forfait journalier de 106 F/jour. Les assureurs ont peut-être provisionné 100 millions de francs.

Les hôpitaux publics

L'augmentation de 20 millions de francs à charge des caisses vient d'être acceptée par le Conseil fédéral. Cette adaptation tarifaire n'est que provisoire puisque le financement des hôpitaux subventionnés à charge de l'assurance de base devra à l'avenir être assuré à raison de 50% par le canton et 50% par les assureurs. Aujourd'hui, nous attendons la comptabilité analytique des EPM pour permettre d'adapter le forfait hospitalier à la LAMal, les assureurs contestant les coûts universitaires de l'HCU. Mais l'augmentation peut se révéler encore sérieuse puisque l'Etat de Genève subventionne pour près de 600 millions de francs des hôpitaux qui coûtent plus d'un milliard.

Comment rendre certaine la probable situation d'aujourd'hui ?

Nous devons disposer des moyens nécessaires. Il faut soutenir cette résolution.

Sans transparence des assureurs-maladie, tout le système de soins en Suisse est en péril. Le but essentiel de la LAMal a été de constituer un système plus juste, plus transparent, plus concurrentiel. Nous attendons tous que cette volonté politique confirmée par un scrutin populaire se vérifie dans les faits. Or, il n'y a pas de possibilités de connaître les effets de la nouvelle loi en raison de l'absence de statistiques. Même le simple montant total des primes versées par les Genevois aux caisses est inconnu de tous, que ce soit avant ou après l'introduction de la LAMal !

Il devient extrêmement urgent que ce défaut élémentaire de clarté dans l'analyse soit comblé dans les plus brefs délais. Aussi, nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, de réserver un bon accueil à ce projet de résolution.

Débat

M. Pierre Froidevaux (R). Quel est le montant total des primes versées par les Genevois aux assureurs-maladie ? On l'ignore ! On l'ignore pour 1997, mais on l'ignore aussi pour 1996, pour 1995, 1994, 1993 et ainsi de suite...

Comment parler des coûts de notre système de santé si nous ne disposons même pas de ce renseignement élémentaire. Qui veut jeter un tel discrédit sur notre travail parlementaire ? Pourtant notre législation fédérale avait prévu un article LAMal consacré à la récolte des statistiques : «Le Conseil fédéral règle l'établissement, l'analyse et la publication des statistiques que requiert l'application de la présente loi, ainsi que l'accès aux données récoltées. Ce faisant, il veille au respect de la protection de la personnalité. Les assureurs, les autorités fédérales et les autorités cantonales participent à l'établissement des statistiques.»

L'application de cet article est pour le moins insatisfaisante, puisque nous n'avons pas les instruments d'analyse nécessaires de notre système de santé au niveau des parlements cantonaux. C'est sans doute la volonté du Conseil fédéral. Alors, comment interpréter le rapport du Conseil d'Etat quant à une planification sanitaire cantonale sans ces chiffres ?

Nous devons commencer par obtenir au moins ceux de 1996, mais nous devons connaître aussi les perspectives 1997 et 1998. La politique est paraît-il l'art de prévoir... Prévoir dans le brouillard ne peut permettre une politique crédible ! Il devient ainsi urgent de clarifier notre rôle, notamment vis-à-vis du Parlement fédéral.

Aussi je vous demande de renvoyer cette résolution, pour étude, à la commission mixte santé et affaires sociales, afin de l'associer aux travaux de la planification sanitaire cantonale.

M. Pierre-Alain Champod (S). Le groupe socialiste accueille favorablement cette résolution. En effet, le système de financement de la santé montre ses limites. Les assurances-maladie n'ont actuellement de «mutuelles» plus que le nom. Pour l'avenir, il faut réfléchir à une assurance gérée par les pouvoirs publics avec des cotisations fixées en fonction de la capacité financière des assurés.

Pour l'instant, nous constatons que de par leur attitude les assurances-maladie scient la branche sur laquelle elles sont assises : conflits à Genève, il y a quelques semaines, autour du tiers payant pour les factures d'hôpital; non-transparence des comptes, etc.

Le groupe socialiste ne peut donc qu'approuver une résolution demandant la transparence des comptes et qui en fait une condition à la toute nouvelle hausse de cotisations. Nous nous proposions de vous soumettre un amendement à cette résolution, qui consisterait à rajouter à la première invite le texte suivant...

Le président. Monsieur le député, je vous interromps, parce qu'il est proposé de renvoyer cette résolution en commission...

M. Pierre-Alain Champod. J'y viens, j'y viens ! J'ai dit que nous nous proposions de faire un amendement. Je vais l'exposer, et si cette résolution est renvoyée en commission il sera examiné pendant les travaux.

Cet amendement consisterait à ajouter aux invites :

«- faire apparaître clairement dans les comptes les frais administratifs liés à l'assurance de base et ceux liés aux assurances complémentaires.»

En effet, il faut savoir comment se répartissent les frais de loyers, de téléphones, de salaires entre ces deux branches d'assurances, dont l'une est une mutuelle sans but lucratif et l'autre une assurance privée à but lucratif.

De plus, vous avez sans doute constaté, ces derniers mois, de nombreux spots publicitaires à la télévision en faveur des assurances-maladie. Or, une assurance sociale sans but lucratif n'a aucune raison de dépenser des sommes importantes pour faire de la publicité, et nous voudrions être sûrs que la totalité de ces frais de publicité soient comptabilisés dans les comptes des assurances complémentaires.

Nous ferons cette proposition d'amendement en commission, dans la mesure où cette résolution y est renvoyée. Dans le cas d'une discussion immédiate, je reformulerai formellement mon amendement.

M. Gilles Godinat (AdG). Notre groupe accueille également favorablement cette proposition.

Nous sommes évidemment conscients que les caisses maladie ont un réservoir de données extrêmement important pour une politique sanitaire. Nous souhaitons pouvoir en débattre avec l'ensemble des caisses. Nous estimons que la comptabilité analytique est l'un de ces éléments. Mais il y en a d'autres. Il faudrait une plus grande transparence; il faudrait pouvoir entrer en discussion sur l'analyse par pathologie pour voir si elle est crédible ou pas et pour déterminer sur quelles bases ces analyses pourraient être effectuées. Puisque l'on va dans cette direction, réunissons au moins l'ensemble des données. Il y a matière à débattre, des études à faire. Avec un tableau de bord un peu plus complet, je pense que nous pourrons mener une meilleure politique dans le domaine.

Le président. La parole n'est plus demandée; le renvoi en commission a été demandé. Je vais donc tout d'abord faire voter le principe du renvoi en commission.

Mis aux voix, le principe du renvoi en commission de cette proposition de résolution est adopté.

Le président. Je mets maintenant aux voix, la proposition de M. le député Froidevaux qui consiste à demander la réunion des deux commissions des affaires sociales et de la santé. Voulez-vous préciser votre proposition, Monsieur le député ?

M. Pierre Froidevaux (R). En fait, je souhaite que cette résolution soit étudiée en même temps que les travaux qui sont actuellement effectués par la commission mixte sur la planification sanitaire cantonale. En effet, il est difficile de faire ce travail de planification sans disposer des chiffres nécessaires.

Le président. Cette commission mixte est donc une réunion des deux commissions des affaires sociales et de la santé.

Mise aux voix, la proposition de constituer une commission mixte des affaires sociales et de la santé est adoptée.

Cette proposition de résolution est renvoyée à la commission mixte des affaires sociales et de la santé.

33. Ordre du jour.

Le président. Nous passons au département de l'instruction publique avec le point 19 de notre ordre du jour, à savoir le projet de loi du Conseil d'Etat 7787 modifiant la loi sur l'instruction publique et le rapport du Conseil d'Etat sur la motion 1041-B concernant la mixité des filières professionnelle et gymnasiale à l'école supérieure de commerce de Genève.

Mme Erica Deuber-Pauli (AdG). Monsieur le président, je souhaite que ce projet de loi et la motion soient traités en même temps que le point 48 qui porte sur la proposition de motion 1170 relative à un moratoire dans la mise en place de la nouvelle maturité genevoise.

Le président. Je vous demanderai de faire dorénavant ce genre de proposition au moment où nous discutons de l'ordre du jour. Je prends néanmoins acte de votre demande et je la mets aux voix, à savoir débattre du projet de loi 7787 et de la motion 1041-B en même temps que du point 48, motion 1170.

Mise aux voix, la proposition de traiter le point 48 (motion 1170) en même temps que le point 19 (projet de loi 7787 et rapport du Conseil d'Etat sur la motion 1041-B) est adoptée.