République et canton de Genève

Grand Conseil

LE GRAND CONSEIL,

considérant:

- l'explosion des primes d'assurance-maladie affectant de manière profonde et durable le pouvoir d'achat de nos citoyens, allant jusqu'à contribuer à la paupérisation d'une partie d'entre eux;

- l'incapacité des caisses d'assurance-maladie à produire des appréciations chiffrées crédibles pour justifier les hausses de prime appliquées;

- l'importance des discordances observées par le Conseil d'Etat entre la base de calcul pour la détermination des primes 1997 établie par le Concordat des assureurs-maladie suisses et la réalité des chiffres observés à Genève,

invite le Conseil d'Etat

à ordonner un audit afin d'examiner si les hausses de prime des caisses-maladie sont légitimes en regard des dépenses qu'elles affirment avoir consenties;

à rendre les conclusions de cet audit publiques d'ici la fin du mois de juin 1997.

EXPOSÉ DES MOTIFS

L'adoption de la nouvelle loi sur l'assurance-maladie (LAMal) par le peuple suisse a eu des conséquences totalement opposées à celles que le peuple était en droit d'attendre. Les mécanismes de solidarité entre les personnes d'âge, de sexe, de régions différents de même que les mécanismes concurrentiels devant tendre à limiter les coûts se révèlent à ce jour inopérants.

De plus, si les coûts de la santé poursuivent une ascension indiscutable, leur augmentation est sans commune mesure avec la hausse des primes appliquée par les caisses d'assurance-maladie.

Les citoyens, le parlement et le gouvernement se sont à de nombreuses reprises inquiétés de cette situation. Leurs questions quant à la légitimité des hausses incompréhensibles se sont heurtées de manière constante à l'opacité tant des explications fournies que des comptes réels mis à leur disposition.

Récemment, le gouvernement genevois a écrit au Concordat des assureurs-maladie suisses pour relever les contradictions scandaleuses entre les chiffres fournis par ledit Concordat et ceux qui sont disponibles pour les établissements publics médicaux de Genève. Des différences allant de 10% à plus de 50% sont constatées entre l'évaluation du Concordat et les chiffres de l'Etat de Genève, qui sont, eux, vérifiés et contrôlés par des fiduciaires reconnues.

Si nous restons persuadés que les principes mêmes de cette nouvelle loi sont adéquats, force nous est de constater que sa mise en application révèle de manière criante les insuffisances tant des caisses que de l'OFAS en matière de gestion du juste calcul des primes.

Cette situation n'est simplement plus tolérable et nous vous proposons, Mesdames et Messieurs les députés, d'ordonner un audit qui ait pour but de faire la lumière sur la manière dont le Concordat établit ses prévisions et de procéder à une évaluation de sa volonté réelle de prendre en compte les préoccupations des assurés et d'agir au mieux de leurs intérêts.

Débat

Le montant des cotisations des primes d'assurance-maladie pose un problème majeur pour les citoyens de ce canton. Dans la presse et ailleurs, certains ont traité cette motion de «tarte à la crème». Même si, comme l'a dit M. Segond, le DASS s'occupe de régler les difficultés connues avec les caisses maladie.

Cependant, cela fait plus de trois mois que M. Longchamp a fait un certain nombre de déclarations concernant les comptes des assurances-maladie et, à ce jour, nous n'avons pas eu d'explications sur des montants qui nous paraissent exorbitants. En effet, selon les statistiques établies par les caisses maladie et selon celles de l'office cantonal de la statistique, ces montants diffèrent d'environ 100 millions. Certaines explications nous semblent peu crédibles. Il en va de même pour la médecine ambulatoire, sur les données que nous pouvons contrôler au niveau des statistiques genevoises, les soins à domicile.

Il est important que le pouvoir politique s'interroge et qu'il obtienne des réponses claires de la part des caisses maladie. Je ne dis pas que, dans ce canton, nous ne sommes pas dispendieux sur la question des soins. Il est vrai que certains mécanismes sont pervers et qu'il faut les corriger, mais nous avons le droit de demander des comptes et d'obtenir des réponses crédibles.

Les citoyens de ce canton ont l'impression que les caisses maladie ne fournissent pas les bons chiffres ou que les statistiques sont faussées. C'est pourquoi il est important que les chiffres obtenus par les statistiques du canton et ceux que nous recevons des caisses maladie soient identiques, afin que nous puissions expliquer aux citoyens quelles sont les raisons pour lesquelles les primes augmentent.

Il faut poser des questions aux caisses maladie, celles concernant les réserves, par exemple. Nous avons vu qu'un grand nombre de Genevois changent de caisse maladie. Où sont ces réserves ? Chaque caisse maladie reconstitue des réserves. De plus en plus - et c'est inquiétant - se forment des groupements de caisses maladie qui sont probablement favorables sur le plan des stratégies économiques dans le cadre de l'assurance privée, mais qui ne sont pas acceptables dans celui de l'assurance sociale.

Une assurance sociale doit pouvoir être contrôlée au niveau d'une région, car le tissu social diffère selon la contrée. En effet, les problèmes des Lucernois, des Schwytzois ne sont pas les mêmes que ceux des Genevois.

Il est important - je sais que M. Segond a défendu cette thèse avec vigueur auprès de l'OFAS, et je l'en remercie - que nous obtenions des chiffres. C'est la raison pour laquelle le PDC a demandé au Conseil d'Etat de nous fournir des indications par l'entremise d'un audit.

Le groupe socialiste a pris connaissance avec intérêt de cette motion signée par l'ensemble des députés du groupe PDC. Permettez-moi d'ouvrir ici une parenthèse ! Depuis quelque temps, je constate que le groupe PDC dépose de nombreuses motions qui ne sont d'ailleurs pas toutes d'une importance capitale, signées par l'ensemble du groupe. J'imagine que le nombre de signatures est plus lié à la période préélectorale que nous traversons qu'à l'importance des sujets. (Commentaires.) Cette parenthèse étant refermée, venons-en au contenu de cette motion.

Une voix. C'est le moment !

M. Pierre-Alain Champod. Comme assuré et comme député, je suis inquiet de l'évolution de la politique de la santé et de la hausse constante des cotisations d'assurance-maladie, augmentations qui mettent en péril le budget de nombreuses familles et personnes de condition modeste.

Le PDC nous propose de faire un audit pour analyser si les hausses des caisses sont justifiées ou non. Nous ne sommes pas opposés à cette proposition, mais il est bien évident qu'elle ne permettra pas de résoudre le problème des cotisations de l'assurance-maladie et du financement de la santé.

Pour nous, socialistes, la solution passe par une réforme plus profonde du financement de la santé. Le système de la prime par personne, indépendamment du revenu de l'assuré, est antisocial et doit être remplacé par un financement plus social.

Le parti socialiste suisse et l'union syndicale suisse vont, dans un très proche avenir, lancer au niveau fédéral une initiative populaire pour proposer à la fois un financement plus social de la santé et des mesures pour en maîtriser les coûts. Il ne faut pas se faire d'illusion, une maîtrise des coûts de la santé passera inévitablement par une limitation de l'offre.

Par leur attitude, les caisses maladie sont en train de scier la branche sur laquelle elles sont assises. En effet, nous constatons à la fois l'augmentation des primes, l'absence de transparence des comptes, le mélange, au sein des mêmes compagnies, d'activités relevant d'une assurance sociale et d'activités d'une assurance privée par les assurances complémentaires. Les assurances sociales sont sans but lucratif, alors que les activités privées en ont un.

Dans ces conditions, comment, lorsque l'on examine les comptes d'une assurance-maladie, répartir les frais généraux, tels que le paiement des salaires, les loyers, la facture du téléphone, la publicité, etc., entre ce qui relève de chacune de ces deux activités qui, encore une fois, n'ont pas les mêmes objectifs ?

Si l'audit que nous propose le PDC permet de mettre en lumière ces problèmes, ce sera une bonne chose. Mais - comme nous l'avons dit - nous ne pensons pas qu'il sera suffisant pour apporter de vraies réponses à la question fondamentale du financement de la santé dans les années à venir, ni qu'il permettra de faire toute la lumière sur les comptes des assurances-maladie. Malgré les limites de cette proposition, le PS votera son renvoi au Conseil d'Etat.

Les Verts ne voteront pas cette motion, car elle ne consiste qu'à jeter de l'huile sur le feu ! De quel droit ordonnez-vous un audit ? Sur quelle base légale ? J'aimerais bien qu'on nous l'explique ! En plus, vous voulez qu'on nous rende les conclusions de cet audit d'ici à la fin du mois. Mais pourquoi pas la semaine prochaine pendant qu'on y est ! C'est vraiment n'importe quoi ! Le débat sur les assurances sociales est extrêmement complexe et délicat et la formule que vous proposez n'est en aucun cas la bonne manière de régler les problèmes engendrés.

Une voix. Très bien !

C'est bien la première fois que je vois une motion dont les invites sont irréalisables. Bien sûr, on peut se tromper, mais je m'étonne tout de même que MM. Schaller et les signataires de cette motion ignorent ce que je vais leur expliquer.

Dans quelle situation nous trouvons-nous aujourd'hui ? Nous savons bien que le canton n'a plus les moyens d'exercer son contrôle sur les assurances-maladie. Les derniers contrôles effectués datent de 1994, et encore, car un certain nombre de caisses n'ont, à ce jour, toujours pas présenté de comptes convenables pour l'année 1994. Depuis ce temps, le canton n'a plus aucun moyen d'exercer de contrôle sur les comptes des assurances-maladie. C'est alors que le PDC nous propose benoîtement d'ordonner un audit ! Ce dernier ne repose sur aucune base légale. Quels moyens avez-vous d'imposer un tel audit; me le direz-vous ?

Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est pas sérieux ! Je m'excuse, mais c'est de la pure démagogie préélectorale ! Si, véritablement, vous aviez voulu exercer un contrôle sur les assurances-maladie, vous auriez dû lire plus attentivement le projet de loi que nous avions proposé avant de le bazarder, comme vous l'avez fait, il y a un peu plus de deux heures.

Dans ce dernier figuraient des dispositions prévoyant que le canton pouvait subventionner un certain nombre de mesures préventives au niveau cantonal. Ce type de subventionnement aurait donné le droit à l'Etat d'exercer un contrôle sur les caisses maladie. Mais ce projet de loi, vous l'avez tout simplement refusé !

Sur le fond, nous comprenons les préoccupations des motionnaires. Mais, en ce qui concerne la forme, mes préopinants ont raison, le manque de rigueur est évident. En effet, demander un audit qui a pour but de faire la lumière sur la manière dont le Concordat établit ses prévisions et ses procédures d'évaluation n'est pas de nos compétences. C'est pareil pour le Conseil d'Etat. L'autorité fédérale est la seule compétente en la matière.

Nous demeurons donc très perplexes par rapport à cette démarche et ne refusons pas d'en discuter en commission sociale, s'il le faut. Toutefois, l'action des démocrates-chrétiens serait beaucoup plus musclée s'ils demandaient à leurs parlementaires fédéraux à Berne d'intervenir, car c'est dans cette Chambre qu'il convient d'être actifs.

La semaine dernière, à la commission des finances, alors que nous examinions le compte rendu du département de l'action sociale et de la santé, M. Segond nous a fait part de son grand étonnement d'apprendre que, d'une part, les caisses maladie annonçaient qu'elles payaient, chaque année, la somme de 350 millions aux établissements publics médicaux et que, d'autre part, lorsqu'on analyse les comptes des établissements publics médicaux, on s'aperçoit qu'il n'y a que 250 millions. Il se posait des questions à ce sujet.

En effet, 100 millions, ce n'est pas rien ! Alors, comment savoir qui dit la vérité ? Je suppose que les comptes des établissements publics médicaux sont exacts, mais où faut-il chercher ces 100 millions ? Peut-on accepter le fait qu'on nous présente certains chiffres en nous disant que l'on nous paie 350 millions par année, alors qu'en réalité, on n'en encaisse que 250 millions. Je ne suis pas un spécialiste qui peut juger ce mode d'agir, mais ces 100 millions de différence nous troublent.

Monsieur Blanc, nous avons voté ici même - je ne sais pas où vous étiez - une initiative adressée à la Confédération lui demandant que le canton soit compétent pour examiner les comptes des assurances-maladie.

Il y a eu deux périodes juridiques différentes pendant lesquelles les compétences cantonales n'étaient pas les mêmes.

Dans la première période juridique, celle de l'ancienne législation fédérale, la LAMA, les cantons avaient la possibilité d'accorder des subventions cantonales et d'exiger les comptes des caisses maladie.

C'est sur cette base que nous avons demandé à l'inspection cantonale des finances d'examiner dans le détail les comptes 94 et les comptes 95 des caisses maladie. Cet examen n'est toujours pas terminé : quelques caisses n'ont toujours pas pu rendre, soit leurs comptes 94 soit leurs comptes 95 à la satisfaction de l'inspection cantonale des finances. De ce fait, les subventions cantonales n'ont toujours pas été versées.

A partir du 1er janvier 1996, les cantons n'ont plus la compétence de contrôle des caisses maladie. L'autorité compétente est l'autorité fédérale. C'est l'OFAS qui a le contrôle des primes, des comptabilités et du fonctionnement des caisses maladie sur l'ensemble du territoire national.

C'est d'ailleurs - vous vous en souvenez - ce qui a motivé le Grand Conseil à voter sur proposition du Conseil d'Etat une initiative cantonale en octobre 1996, demandant au Parlement fédéral que la législation fédérale soit modifiée et que les cantons qui le peuvent et qui le veulent puissent avoir la compétence, par délégation ou de façon propre, d'examiner les comptes des caisses maladie. Aujourd'hui, nous n'avons donc pas la possibilité juridique d'ordonner un audit des caisses maladie à partir du 1er janvier 1996.

Cependant, j'ai rappelé à la commission des finances - ce qui a d'ailleurs motivé une réaction du gouvernement genevois qui a écrit, d'une part, au Concordat des caisses maladie et, d'autre part, à l'OFAS - que nous relevons des contradictions entre les comptes des hôpitaux universitaires de Genève en ce qui concerne les recettes caisses maladies : les recettes «caisses maladie» des hôpitaux ne concordent pas avec les dépenses «hôpitaux» des caisses maladie !

Nous le constatons également dans le domaine de l'aide des soins à domicile : là aussi, nous voyons les recettes caisses maladie et nous constatons que les montants ne correspondent pas aux dépenses annoncées par le Concordat pour le canton de Genève.

Enfin, nous le voyons également pour les EMS où les caisses maladie ont perçu les cotisations sur la base de 126 F par jour, mais n'ont payé que 69 F par jour !

Nous avons demandé au Concordat comment il expliquait ces différences. Nous avons eu une réponse qui est un chef-d'oeuvre du genre, car, à part la date, il n'y a pas un seul chiffre dans la réponse du Concordat des caisses maladie !

Nous n'avons pas la possibilité d'organiser un audit : cela relève de la compétence fédérale. Mais nous pouvons dire, dans un rapport à ce Conseil, les différences étonnantes découvertes : il ne s'agit pas de quelques millions sur lesquels on pourrait discuter - des transitoires, des dates de clôture, la manière dont sont passées les écritures - mais de différences de dizaines de millions !

Le Concordat des caisses maladie n'est pas infaillible : vous vous souvenez certainement de la hausse spectaculaire survenue dans le canton de Neuchâtel. L'explication donnée par le Concordat des caisses maladie était la suivante : nous nous sommes trompés pendant des années concernant le canton de Neuchâtel qui, en réalité, a été subventionné par les autres cantons.

Il est donc possible que ces différences soient dues à des erreurs de la part du Concordat dans l'imputation des dépenses. Mais nous n'avons pas les moyens juridiques d'obtenir les renseignements de la part du Concordat des caisses maladie ou de la part des caisses maladie actives sur le canton de Genève.

C'est la raison pour laquelle, Monsieur Schaller, le Conseil d'Etat est prêt, non pas à ordonner un audit, mais à rendre un rapport au Grand Conseil sur les hausses des primes des caisses maladie, afin de vérifier si elles sont légitimes en regard des dépenses consenties.

Bien entendu le parti démocrate-chrétien accepte la proposition du Conseil d'Etat. Mais il me paraît inadéquat - intellectuellement parlant - de balayer simplement notre proposition comme l'ont fait les Verts, car nous avons vu - et les propos de M. Segond le confirment - il y a un problème, et 100 millions cela représente énormément d'argent. Ceci pèse sur les primes des citoyens de ce canton.

Nous n'avons pas voulu parler du financement, Monsieur Clerc. Nous sommes tout à fait d'accord que le financement pose un autre problème. Là il s'agit des comptes des caisses maladie. Nous sommes en droit, en tant que canton, d'avoir les comptes exacts des dépenses que produisent les citoyens et les citoyennes de ce canton.

Monsieur Segond, nous acceptons votre proposition et nous attendons les conclusions que l'OFAS vous transmettra. Nous retirons la motion, telle qu'elle est libellée.

La présidente. Vous avez demandé la parole, Monsieur Grobet ?

Une voix. C'est une plaisanterie !

Je n'ai pas le même sens de l'humour que Mme Torracinta-Pache !

Une voix. Vas-y, prends-la !

La présidente. Est-ce que quelqu'un reprend la motion ? (Vacarme.) Faites-vous un amendement à votre motion ?

Une voix. On la retire !

La présidente. Vous la retirez, bien !

Le Grand Conseil prend acte du retrait de cette proposition de motion.

EXPOSÉ DES MOTIFS

A Genève, le programme de dépistage systématique du cancer du sein chez les femmes de plus de 50 ans est aujourd'hui prêt à démarrer.

En effet, un document de travail de février 1997 sur le programme de dépistage émanant de la Direction générale de la santé publique, apporte tous les éléments pour une réalisation rapide d'un tel programme.

Comme le rappellent les auteurs de ce document, «un consensus international est aujourd'hui établi sur l'existence d'un bénéfice important à pratiquer régulièrement des mammographies à partir de l'âge de 50 ans. A Genève, seulement 20 à 30% des femmes entre 50 et 70 ans bénéficient actuellement de ce dépistage, la périodicité des examens restant d'ailleurs insuffisante pour la grande majorité d'entre elles».

Actuellement, un groupe de travail au niveau fédéral envisage l'éventualité du remboursement des mammographies de dépistage, mais sans programme systématique. Pour le moment, la nouvelle loi sur l'assurance-maladie ne prévoit pas de remboursement de mammographies de dépistage dans l'assurance de base.

Il est possible, avec un programme organisé, de rationaliser l'utilisation de la mammographie, d'en augmenter l'efficacité et par conséquent de mieux contrôler l'accroissement des coûts.

La participation spontanée actuelle est jugée insuffisante et peu équitable par les spécialistes dans ce domaine.

Aucun doute que le programme prévu par les services du DASS, en collaboration avec tous les acteurs concernés, répond aux critères de qualité et aux objectifs décrits ci-dessus.

Les travaux de la commission de la santé sur le projet de loi 7444, lequel prévoyait une telle campagne, ont permis d'éclaircir les différentes données du problème. Un nouveau projet de loi proposé en commission figure en annexe.

Nous pensons donc nécessaire de réaliser ce programme, en donnant au Conseil d'Etat un signal politique suffisamment net pour qu'il participe activement au financement du programme de dépistage.

Conscients de l'importance de cette proposition, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, d'accorder bon accueil à cette motion.

ANNEXE

Projet de loi

sur le dépistage du cancer

Le Grand Conseil

décrète ce qui suit:

Article 1

L'Etat encourage, dans le cadre de la politique de santé cantonale, le dépistage du cancer.

Art. 2

Afin de favoriser cette action de dépistage, il est créé une fondation de droit public dénommée «Le Centre cantonal de dépistage du cancer».

Art. 3

1 Le Centre cantonal de dépistage du cancer a pour but de promouvoir, organiser, gérer et mener à bien des actions de dépistage permanent du cancer lancées d'entente avec le Conseil d'Etat.

2 La tâche première du Centre cantonal de dépistage du cancer porte sur le dépistage permanent du cancer du sein. Le Conseil d'Etat détermine, d'entente avec le Conseil de fondation, la tranche d'âge des personnes visées par le dépistage et les modalités de ce dépistage ainsi que d'autres actions éventuelles de dépistage du cancer.

Art. 4

1 Le Centre cantonal de dépistage du cancer est administré par un Conseil de fondation formé:

1. du Conseiller d'Etat chargé du département de l'action sociale et de la santé ou son représentant, qui préside le Conseil de fondation;

 2. d'un médecin épidémiologiste, détenteur d'une formation en santé publique;

 3. d'un radiologue du secteur hospitalier mandaté par le département de radiologie et l'HCUG;

 4. d'un radiologue du secteur privé, mandaté par le GRG (Groupe des radiologues genevois), choisi parmi les «radiologues agréés» pour le dépistage;

 5. d'un gynécologue du secteur hospitalier mandaté par le département de gynécologie de l'HCUG;

 6. d'un gynécologue du secteur privé, mandaté par le GGOG (Groupe des gynécologues et obstétriciens genevois);

 7. d'un chirurgien du secteur hospitalier mandaté par le département de chirurgie de l'HCUG;

 8. d'un chirurgien du secteur privé, mandaté par le groupe des chirurgiens privés;

 9. d'un oncologue du secteur privé;

10. d'un interniste du secteur privé, mandaté par le GMIG (Groupement des médecins internistes genevois);

11. d'un généraliste du secteur privé, mandaté par le GMGG (Groupement des médecins généralistes genevois);

12. de deux représentants des associations de lutte contre le cancer;

13. d'un membre par parti représenté au Grand Conseil et désigné par lui.

Les membres du Conseil de fondation sont nommés pour la durée de la législature. Ceux énumérés sous les chiffres 2 à 12 ci-dessus sont désignés par le Conseil d'Etat.

2 Le Conseil de fondation adopte un règlement de fonctionnement interne qui doit être approuvé par le Conseil d'Etat. Il élit un bureau, chargé des affaires courantes, formé, outre le président, de deux vice-présidents, d'un secrétaire et d'un autre membre.

Art. 5

Le Conseil de fondation déterminera les modalités des actions qu'il est chargé de mener. Il dirige à cet effet un centre de dépistage et engage et supervise le personnel nécessaire à son fonctionnement, dont un directeur médical et un responsable administratif. Il peut créer des groupes de travail chargés d'étudier les tâches qu'il est chargé d'assumer et s'adjoindre des avis d'experts avec voix consultative.

Art. 6

Le Centre cantonal de dépistage du cancer déterminera d'entente avec le Conseil d'Etat les modalités de collaboration avec les établissements médicaux publics et les médecins privés dans le cadre des actions de dépistage dont il est chargé. Les conventions qu'il conclut pour mener ses actions sont soumises à l'approbation du Conseil d'Etat.

Art. 7

Le Centre cantonal de dépistage du cancer est mis au bénéfice d'une subvention annuelle de fonctionnement inscrite chaque année au budget de l'Etat.

Art. 8

Le budget et les comptes d'exploitation du Centre cantonal de dépistage du cancer sont soumis à l'approbation du Conseil d'Etat.

Débat

Notre groupe avait déposé en été 96 un projet de loi pour mettre en route le programme de dépistage du cancer du sein dans notre canton, car nous savions déjà à cette époque que tout était prêt.

Après l'audition de différents experts de haut niveau - dont le professeur Toubiana, spécialiste au niveau européen de la lutte contre le cancer, celui du sein en particulier, et engagé au niveau international - les travaux en commission ont permis de dégager une majorité acquise à la conviction de l'utilité d'un tel programme, voire de sa nécessité.

Les arguments principaux pour lancer un programme de dépistage systématique du cancer du sein destiné aux femmes de plus de 50 ans sont les suivants : toutes les études montrent une réduction de la mortalité des femmes de 50 ans et plus lorsque le suivi dépasse huit ans. La baisse de la mortalité est de l'ordre de 40% chez les femmes compliantes.

L'importance des bénéfices après l'âge de 50 ans justifie et compense les effets indésirables d'une telle campagne. Les décès causés par le cancer du sein ne sont pas négligeables, mais la mortalité peut être évitée. Le dépistage spontané est plus cher, moins efficace, socialement inéquitable. En revanche, lorsqu'il est bien conduit, son rapport coût/efficacité est comparable à celui d'autres actions médicales thérapeutiques et préventives, celui de l'hypertension artérielle, par exemple. Enfin, sur le plan éthique, le consentement éclairé peut être rigoureusement respecté.

Tous ces arguments nous ont amenés à proposer un deuxième projet de loi en commission pour la réalisation d'une fondation de droit public, élément moteur d'une telle campagne dans notre canton. Or, il s'est avéré que le problème du financement venait perturber nos travaux, raison pour laquelle une nouvelle proposition vous est présentée ce soir.

La présente motion souhaite que notre Grand Conseil donne un signal politique clair pour le démarrage d'une campagne de dépistage du cancer du sein souhaitée par tous les acteurs concernés; d'autant plus que l'argument financier devient caduc.

En effet, aujourd'hui même, la conseillère fédérale Mme Ruth Dreifuss a présenté les modifications du catalogue des prestations. Je vous les cite rapidement : l'ancienne réglementation est modifiée par une réglementation additionnelle, à savoir la prise en charge dès l'entrée dans la cinquantième année, tous les deux ans, à la suite d'un entretien circonstancié comprenant informations et conseils, inscrit dans le dossier médical, avec un délai limité au 31 décembre 2007 et un contrôle parallèle de qualité.

En ce qui concerne la garantie de la qualité : prise en charge de la mammographie uniquement pour les examens effectués par les institutions répondant aux exigences d'une convention nationale de garantie de la qualité; première et deuxième évaluation de la mammographie par des médecins disposant d'une formation spéciale; reconnaissance de la formation spéciale requise; directives de l'Union européenne de sécurité pour les appareils, centres agréés notamment. La convention sera conclue par les fournisseurs de prestations et les assureurs d'ici le 1er janvier 1999 au plus tard. Le projet de convention sera soumis aux autorités fédérales jusqu'à fin mars 1998.

Si ces conditions ne sont pas remplies, c'est le Conseil fédéral qui édictera les dispositions relatives à la garantie de qualité. L'entrée en vigueur est prévue pour le 1er janvier 1999, ou le 1er janvier 1998 pour les centres qui remplissent déjà les conditions énoncées et ayant conclu d'ici là une convention locale, cantonale et régionale.

Toutes ces conditions sont réunies dans notre canton, c'est la raison pour laquelle nous pensons que le démarrage immédiat est possible.

Pourquoi cette motion maintenant ? Il s'agit d'abord de tenter de débloquer le travail de la commission de la santé qui a consacré de nombreuses séances à ce projet.

Pourquoi le travail était-il dans l'impasse ? Après ces nombreuses auditions - toutes de haut niveau, comme l'a relevé M. Godinat - et avoir pris connaissance de nombreux documents très intéressants, notre commission s'est finalement divisée en trois groupes : le premier, formé par certains députés médecins de ce parlement, nie l'efficacité d'un tel programme de dépistage, notamment en raison du rapport résultat/coût. Le deuxième admet le bien-fondé de ce type de dépistage tout en l'estimant hors de portée de nos finances actuelles. Le troisième groupe, enfin, auquel nous appartenons, est formé par des députés convaincus qu'il faut aller de l'avant, tout de suite.

Le DASS ne nous a pas attendus pour se pencher sur cette problématique. Il avait dans ses tiroirs un projet tout prêt qui nous a été distribué. Ce projet s'inscrit dans ce que l'on appelle la «prévention secondaire», c'est-à-dire l'identification d'une maladie à un stade précoce permettant l'amélioration de son pronostic et s'adressant à toutes les femmes genevoises dans la tranche d'âge de 50 à 70 ans. En effet, au niveau de la reconnaissance scientifique internationale, il n'y a plus de contestation possible. C'est une réalité, le dépistage permet de réduire en moyenne de 30% la mortalité causée par le cancer du sein dans cette tranche d'âge.

Bien sûr, ce programme a un coût; il est évalué à environ 10 millions pour cinq ans. C'est normal. Il y a le coût des examens eux-mêmes, il y a les exigences de formation pour les prestataires de soins, ou l'adaptation de l'infrastructure technologique. Un gros effort doit également être fourni pour informer les femmes avant, pendant, après les examens, et prévoir, le cas échéant, un soutien psychologique notamment au moment de l'annonce de résultats positifs, ou faussement positifs, ou encore faussement négatifs.

Il s'agit pour nous d'un problème extrêmement important et d'un choix de société. Au-delà du problème du financement en voie de résolution, il nous semble que ce programme doit démarrer de suite. Comme nous voulons toucher toutes les femmes, nous devons assumer le coût des examens. Selon M. Godinat, nous pouvons espérer que la question se résolve au niveau de la prise en charge par la LAMal. En attendant, on pourrait imaginer un financement mixte : une prise en charge prélevée en partie sur le budget de l'Etat et assumée également par tous les sponsors éventuels répertoriés dans le rapport du Conseil d'Etat.

Enfin, étant consciente qu'il existe en chacun de nous une petite part de subjectif et d'irrationnel face à cette problématique, et pensant que notre position de députée se fonde certes sur des données scientifiques mais également sur une conviction personnelle, j'aimerais citer le professeur Tobiana venu exprès de Paris. Il est, entre autres, président du Groupe d'action européenne contre le cancer de l'Union européenne et possède une longue expérience en la matière au sein de la Communauté européenne. Il a terminé son audition en déclarant que sans vouloir s'immiscer dans la politique genevoise il tenait à nous dire que s'il était genevois, il n'hésiterait pas à demander l'application immédiate du programme prévu.

Pour moi, députée sans connaissance scientifique particulière, cet avis a plus de poids que l'avis contraire de certains de mes collègues députés médecins, pour lesquels j'ai néanmoins beaucoup d'amitié et d'estime.

La motion 1136 soumise à votre sagacité est le reflet d'une âpre bataille qui se déroule actuellement à la commission de la santé.

Un groupe souhaite que l'Etat impose un dépistage systématique du cancer du sein chez la femme de plus de 50 ans, alors que l'autre groupe désire que l'Etat propose un dépistage systématique de ce même cancer.

Cette différence de sémantique témoigne cependant du débat habituel gauche/droite. Pour les uns, la société se confondra toujours avec l'Etat, lui-même responsable de tout, pour les autres, la société est une collectivité de gens responsables qui forment un Etat.

Ce débat n'a donc rien de nouveau, et se répétera de toute façon en commission, puis dans cette salle, quels que soient les trésors d'arguments qui vous seraient servis ce soir.

Je vous encourage donc à renvoyer cette motion en commission, sans prolonger davantage les débats.

J'ai été surprise en voyant arriver cette motion, surtout avec M. Gilles Godinat comme premier auteur. Comme il l'a dit lui-même, c'est sur sa proposition que la commission de la santé a travaillé pendant de nombreuses séances. Il y eut des auditions, de la documentation et des discussions jusqu'au stade où l'ensemble de la commission a décidé qu'en l'absence de notions sur le financement il fallait attendre les informations nécessaires du Conseil d'Etat pour organiser la suite des travaux. Sans être une adepte du garde-à-vous, je trouvais judicieux d'attendre; l'information du Conseil fédéral l'a confirmé.

Néanmoins, à la demande de M. Godinat, le 18 avril, la commission de la santé décide de reprendre ses travaux. A la suite d'une séance où les arguments ont été soigneusement rediscutés, un vote formel a eu lieu sur l'opportunité de poursuivre les travaux à la commission de la santé dans l'attente d'informations sur le financement. Les avis étaient partagés, mais la majorité de la commission et M. Godinat en particulier se sont prononcés en faveur de la poursuite des travaux en commission. Or, le 13 mai, des députés et M. Godinat déposent une nouvelle motion, alors que ce dernier avait proposé formellement de poursuivre les travaux. Je n'arrive pas à comprendre cette contradiction, et je pense que les informations concernant le financement qui nous parviennent ce soir - comme l'a relevé M. Froidevaux - nous amènent à vous proposer de renvoyer cette motion en commission où de toute façon nous allons poursuivre ces travaux, puisqu'il s'agit d'un vote formel de la commission.

Par ailleurs, si vous voulez en discuter maintenant, le débat durera au moins deux heures et demie. Voici la liste des questions qu'il reste à régler en commission :

Quel rapport existe-t-il entre dépistage et prévention, surtout lorsque l'on ne connaît pas la cause d'une maladie ? On parle de prévention secondaire. Les causes de la maladie qui sont connues étant en partie génétiques, quel est le rôle de l'environnement par rapport aux prédispositions génétiques ? Quelles sont les mesures préventives prises lorsqu'on connaît la cause génétique et que l'on peut la détecter ? Quel dépistage fait-on et quelle utilité en attend-on ? Quel rapport établit-on, excusez-moi d'entrer dans les détails, entre la mammographie et la palpation des seins qui est presque aussi efficace et qui ne coûte rien ?

Pour vous prouver que je ne suis aucunement opposée à la mammographie, je rappellerai que j'ai apporté moi-même des documents scientifiques à la commission démontrant effectivement l'utilité de la mammographie chez les femmes de plus de 50 ans. Mais que fait-on comme campagne et quel est le rapport entre information et incitation ? Quelle est l'information sur les effets secondaires du dépistage ? Il en existe. Comment garantit-on la liberté de choix des sujets hors de toute pression ? Quelle place donne-t-on à la relation thérapeutique entre les femmes et les médecins par rapport à la place de l'Etat ? Et surtout, que fait-on de ce projet de loi extrêmement fantaisiste proposé par M. Godinat, où l'on crée un centre de dépistage dirigé par un conseil de fondation de dix-huit membres qui déterminent l'ensemble des actions sur le dépistage du cancer ?

Si vous voulez traiter de tout cela ce soir, je ne m'y opposerai pas. Mais, pour le bien-être de tous, je vous propose de renvoyer cette motion en commission.

Je ne suis absolument pas d'accord avec les propos de M. Froidevaux et de Mme Polla, car les travaux de la commission ont suivi un certain cours avec diverses auditions, comme l'ont souligné M. Godinat et Mme Torracinta. Ensuite, nous sommes arrivés à un point de rupture, car nous n'avons pas la même conception sur la manière d'exercer certaines actions sur la santé et de faire de la santé publique. Au niveau de la prévention et du dépistage du cancer du sein, certaines données scientifiques permettent aujourd'hui de mettre en évidence des cancers avant qu'ils ne causent les dégâts que nous connaissons tous.

Il ne s'agit pas d'exiger, mais de donner une information pour inciter. Le but de la motion est d'informer; personne n'a d'obligation. Mais nous savons qu'il existe aujourd'hui des inégalités face à la santé. On en connaît dans d'autres domaines de la médecine préventive, notamment en ce qui concerne la toxicomanie, la drogue et le tabac, et cela existe aussi dans le dépistage du cancer du sein. Environ trente mille femmes à Genève n'ont jamais fait de mammographie entre 50 et 70 ans, alors que d'autres en font chaque année. Mme Polla a évoqué le problème de la relation thérapeutique qui existe, certes, mais au moment où l'on veut mettre en route des actions de médecine préventive au niveau de la collectivité, le pouvoir politique est en droit de fixer certaines normes pour permettre aux gens d'être informés et d'en bénéficier.

Vous dites, Madame Polla, que la palpation des seins est aussi efficace que la mammographie, mais permettez-moi de vous rapporter les propos de M. Schaeffer, responsable de l'unité de sémiologie de l'hôpital cantonal. Il est favorable à la mammographie, car la palpation des seins ne permet pas aux femmes de détecter un cancer et n'a par conséquent aucun effet positif. Vous avancez donc des éléments qui sont totalement faux.

Nous en arrivons au problème du financement de la mammographie. Il est assuré au niveau fédéral et, pour mettre en place les statistiques, l'information, la collecte des éléments sur le plan statistique, par un versement de la Ligue contre le cancer qui accepte de financer tout ou en partie le fonctionnement de ce centre de santé. Le projet de loi déposé par M. Godinat est bien entendu caduc, puisqu'un programme se met en route selon les travaux de la commission.

J'ai rencontré aujourd'hui des femmes fortement concernées par ce problème qui veulent que les hommes politiques cessent de jouer avec les seins des femmes. En effet, depuis 1991 des groupes de travail discutent d'un projet privé et public; il existe un accord des radiologues; il y a discussion sur le prix des mammographies, sur une double lecture, sur un contrôle de qualité, sur une évaluation et sur un projet qui sera vérifié sur le plan statistique. Je ne vois donc pas pour quelle raison, ce soir, nous n'enverrions pas un signal au Conseil d'Etat qui est sûrement prêt à l'accepter pour mettre en route, dès le 1er janvier 1998, un programme correspondant aux voeux du Conseil fédéral.

Il est assez rare qu'un projet de loi soit à la fois social en défendant la santé de la population tout en prévoyant de sérieuses économies dans un domaine où l'escalade des dépenses nous préoccupe tous.

Les expériences faites tant en Suisse qu'à l'étranger montrent que le dépistage du cancer du sein par mammographie est le plus fiable et permet généralement de découvrir l'apparition d'un cancer trois ans avant un examen par palpation. A ce stade, les tumeurs n'ont en général que 5 mm de diamètre et peuvent être facilement extirpées par une opération bénigne qui ne nécessite que quelques points de suture, deux jours d'hospitalisation et pas de chimiothérapie longue et coûteuse.

Nous avons assez de recul aujourd'hui pour savoir que de nombreuses femmes opérées à ce stade précoce se portent généralement remarquablement bien après plusieurs années et ont pu reprendre une vie active.

Si le projet de loi ne détermine pas la tranche d'âge des personnes pour lesquelles une mammographie est souhaitable, les statistiques actuelles semblent indiquer que le dépistage du cancer du sein serait nécessaire pour les femmes de 50 à 70 ans. Tranche d'âge pendant laquelle le cancer du sein est l'une des plus importantes causes de mortalité. Ce dépistage pourrait commencer plus tôt et avoir lieu chaque année chez les femmes présentant un risque plus élevé pour des raisons héréditaires.

Mais, dans la majorité des cas, un dépistage tous les deux ans à partir de 50 ans semble raisonnable. Un dépistage annuel serait trop coûteux par rapport au nombre de cas nouveaux qui pourraient être décelés. L'expérience faite en Angleterre d'un dépistage tous les trois ans montre que trop de tumeurs apparaissent dans l'intervalle et sont déjà trop développées au moment de leur découverte.

Il appartient donc au centre cantonal de dépistage des cancers de décider avec compétence des tranches d'âge concernées et de la fréquence des mammographies. Mais puisque - pour une fois - nous avons une motion défendant simultanément un point de vue humain et notre économie, une large majorité de députés, tous partis confondus, défendra cette motion sans trop s'embarrasser du financement du projet de loi qui l'accompagne.

Si de nombreuses femmes qui pourraient être guéries aujourd'hui à peu de frais se trouvaient dans quelques années dans l'obligation de subir une opération importante suivie d'une hospitalisation et d'une chimiothérapie longue et coûteuse, avec peu de chance de guérison, nous serions alors bien obligés d'assumer des frais considérables qui auraient pu être évités par un dépistage plus précoce.

C'est pourquoi le groupe socialiste soutiendra cette motion et ose espérer que la majorité de ce parlement répondra à la fois à la voix du coeur et à celle de la raison en votant massivement la motion 1136.

J'aimerais faire quelques remarques concernant les interventions de Mme Polla et de M. Froidevaux.

Madame Polla, vous avez laissé entendre que nous aurions changé d'avis depuis la dernière séance de commission. Une minorité de cette commission, dont vous faisiez partie ainsi que M. Froidevaux, voulait suspendre les travaux. La majorité, dont les quatre motionnaires, était d'avis de les poursuivre. Nous nous sommes cependant aperçus que les travaux allaient avancer très lentement, et c'est effectivement à la sortie de cette commission que les trois députés médecins ont signé cette motion qu'ils estimaient nécessaire. Voilà comment les choses se sont passées.

Maintenant, revenons sur le fond ! Pourquoi étiez-vous opposés, Madame Polla et Monsieur Froidevaux ? Vous l'étiez, car, comme le soulignait M. Froidevaux, vous ne vouliez pas «imposer». Mais personne n'a jamais dit qu'il fallait «imposer» ! C'est une campagne d'incitation que nous demandons. Comme en commission, vous faites une confusion dans les termes, et vous le savez très bien. En effet, personne ne demande de mammographies obligatoires, mais simplement une campagne d'incitation.

Madame Polla, je trouve désagréable qu'en plénière vous refassiez la même erreur, et, de surcroît, un grand discours sur la prévention primaire, secondaire, dépistage génétique etc., dont personne ne comprend le sens. Vous abusez des connaissances techniques que vous estimez avoir... (Brouhaha.) ...pour dire que l'histoire est confuse. C'est très désagréable pour l'ensemble les députés de voir les médecins faire un abus de pouvoir. Vous savez très bien que vos propos ne tiennent pas debout, même si vous pensez qu'en tant que médecin vous détenez la vérité.

M. Godinat et Mme Torracinta-Pache l'ont dit, il y a unanimité au niveau scientifique au sujet de l'efficacité du dépistage du cancer du sein par mammographie effectuée systématiquement auprès des femmes de plus de 50 ans.

On peut se poser la question de savoir si cet argent ne pourrait pas être investi plus intelligemment dans un autre domaine. C'est certain, mais la même question se pose à propos de tout. Ainsi, ne serait-il pas plus utile de fermer l'hôpital cantonal pour investir l'argent dans la prévention ? En l'occurrence, une proposition précise et efficace nous est soumise, au sujet de laquelle le monde scientifique est unanime.

Il faut le dire clairement et cesser d'entretenir la confusion en disant que l'on n'est pas tout à fait sûr. Même au sujet du cancer pulmonaire en relation avec le tabac on peut lire des articles soi-disant scientifiques prétendant que le tabac est inoffensif. Donc, Madame Polla et Monsieur Froidevaux, vous trouverez toujours des articles qui entretiennent le doute. L'important est de savoir s'il existe un réel consensus scientifique, comme c'est le cas pour le sujet qui nous préoccupe.

Le deuxième problème a trait au financement. Nous avons la chance que Mme Dreifuss ait publié les nouvelles directives en matière de mammographie. A partir de l'année prochaine, les mammographies faites de manière systématique dans les centres agréés seront prises en charge par les caisses maladie.

En troisième lieu, j'attire votre attention sur le fait que l'organisation de ce dépistage a été prévue et mise en place dans un esprit de concertation remarquable. Je tiens à le préciser, car la concertation dans le monde de la santé, entre l'AMG et le DASS, n'est pas monnaie courante. Les secteurs privé et public se sont donc réunis pour organiser cela, et il existe un large accord entre les acteurs et l'écrasante majorité du corps médical, à part Mme Polla et M. Froidevaux.

Par ailleurs, vous parlez du projet de loi. Je vous rappelle que nous sommes en présence d'une motion et que nous ne votons pas l'exposé des motifs, mais seulement l'invite qui est extrêmement claire. Je vous encourage vivement, étant donné le consensus concernant l'indication, l'importance et la pertinence du dépistage, et compte tenu que le financement est assuré, à voter cette motion et à l'envoyer directement au Conseil d'Etat. Je demanderai, en outre, le vote nominal.

Nous allons donc avoir le plaisir de voter par appel nominal sur le renvoi de cette motion en commission de la santé ou au Conseil d'Etat.

Je pourrais évidemment répondre pendant une heure aux différents points soulevés par M. Saurer et citer M. Junod...

La présidente. Il y a encore quatre intervenants.

Mme Barbara Polla. Je préciserai seulement qu'en ce qui concerne l'organisation d'un programme de dépistage ou d'information, il reste d'importantes choses à faire en commission. Dans la brochure citée par Mme Torracinta-Pache qui, semble-t-il, ne correspond en rien aux intentions du Conseil d'Etat, il est indiqué que les dames recevront une lettre leur indiquant qu'ayant entre 50 et 70 ans et peut-être une mère, une parente, une amie, une voisine ou une collègue de cet âge, elles sont invitées à effectuer gratuitement une mammographie.

Une autre lettre informe que le corps médical et les associations féminines organisent une campagne de dépistage des maladies du sein en invitant individuellement toutes les femmes de Genève à effectuer une radiographie, etc.

Personnellement, j'estime qu'il ne s'agit pas d'information, mais d'incitation. De même que j'ai insisté lors du débat sur les dons d'organes, j'insiste à nouveau pour qu'une information adéquate soit faite en dehors de toute pression, afin que chaque femme puisse choisir librement de se soumettre à une mammographie avec les risques importants de résultats faussement positifs que cela comprend, mais aussi avec les bénéfices potentiels.

La discussion entre information, incitation ou obligation... (Exclamations.) Il est clair qu'il ne s'agit pas d'obligation... Laissez-moi finir ma phrase ! ...mais il y a une pression dans l'incitation par rapport à la liberté de choix que je défends pour chaque femme. L'essentiel, c'est l'information. Avec les nouvelles donnes sur le financement, je maintiens que cette proposition de motion doit être renvoyée en commission. Mais, en fait, cela m'est relativement indifférent, les travaux se poursuivront de toute façon, que cette motion aille au Conseil d'Etat ou en commission, comme M. Godinat et ses collègues l'ont formellement voté.

Au sujet de ces travaux de commission, c'est vrai, Madame Polla, qu'il était indiqué à la fin du procès-verbal de la séance du mois d'avril que les travaux se poursuivaient. Mais vous savez très bien que l'on est dans une impasse ! Lorsqu'on a voulu reprendre cette discussion, on tournait en rond. Absolument tout avait été dit, mais nous n'arrivions pas à trouver une véritable majorité. C'est pour cette raison que nous avons voulu ouvrir le débat publiquement devant le parlement qui tranchera démocratiquement. Mais il est inutile de retourner en commission, nous n'avons plus rien à nous dire !

Par ailleurs, Madame Polla, le programme du Conseil d'Etat mérite peut-être des modifications, des ajustements et des réadaptations, mais cette tâche n'appartient pas aux députés d'une commission du Grand Conseil.

Je ne suis pas médecin, mais je suis la seule personne à être visée - au vu de la tranche d'âge définie - à avoir pris la parole ce soir. Permettez-moi donc de vous dire, Madame Polla, que c'est faux de prétendre que la mammographie n'est pas plus importante que l'autopalpation des seins. Même le professeur Junod, considéré comme quelqu'un de plutôt nuancé, voire même réticent au sujet de ce dépistage, le dit. Selon ses propos, lorsqu'on veut qu'une campagne de ce type soit vraiment utile, l'affection dépistée doit représenter un problème de santé important et répondre à deux autres conditions. Elle doit pouvoir être reconnue à un stade latent, ce qui est impossible avec une palpation, et un examen doit être capable de diagnostiquer la maladie à ce stade. La mammographie répond à ces exigences de façon bien plus adéquate que l'autopalpation.

Je vous demande de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat et non en commission.

Je suis frappé de vous entendre répéter le même argument, Monsieur Froidevaux, alors que nous avons dit de nombreuses fois en commission qu'il ne s'agissait pas d'«imposer» quoi que ce soit par une campagne de dépistage. C'est irritant, vous donnez l'impression de ne pas écouter !

Quant à votre volonté de blocage, Madame Polla et Monsieur Froidevaux, vous avez dit à plusieurs reprises en commission que vous n'étiez pas favorables à un dépistage systématique du cancer du sein.

Je ne suis pas d'accord de me substituer aux experts internationaux ou au groupe de travail ad hoc genevois qui a planché sur ce projet depuis 91 et a reçu l'avis unanime des agents concernés. Mon rôle politique est de donner un signal clair, ce soir, dans ce parlement.

(Brouhaha.) Etant remis en cause assez régulièrement, je prends brièvement la parole pour dire que je ne me suis jamais opposé au dépistage systématique du cancer du sein chez la femme de plus de 50 ans.

En revanche, le programme proposé par nos collègues commissaires à la commission de la santé a un défaut majeur : on ne trouve pas de système de financement.

Actuellement, la politique générale consiste à charger les établissements publics médicaux de tous les devoirs de santé publique. Nous devons débattre de ce problème, puisque le coût ne cesse d'augmenter. Je souhaite examiner à l'occasion de ce programme de dépistage de quelle manière nous pouvons le financer. Je m'étais opposé à l'idée que les enfants paieraient un jour les mammographies des grands-mamans. (Brouhaha.) Il s'agit d'un problème majeur à régler, c'est notre responsabilité de députés. Je m'oppose donc au procès d'intention qui m'est fait, où l'on m'accuse d'opposition systématique au dépistage.

La motion proposée ce soir est faible : l'argumentaire auquel s'associe un projet de loi est réduit à une page et ne peut pas être présenté aussi directement au Conseil d'Etat. J'ai le sentiment profond que cette motion est faite pour éviter le débat parlementaire, car rien n'empêchait la majorité de la commission de la santé de présenter une motion avec un rapport de minorité. C'est ce que nous vous proposons dans la démarche actuelle de ce parlement.

Je vous recommande donc de renvoyer cette motion à la commission de la santé, afin que nous puissions faire un rapport de minorité pour expliquer très clairement nos débats, plutôt que de faire de mauvais procès d'intention à l'un ou l'autre des commissaires.

(Brouhaha.) Je regrette que cette motion soit présentée de cette façon et qu'elle soit renvoyée au Conseil d'Etat. C'est une façon cavalière et électoraliste destinée à court-circuiter les travaux de la commission. Je ne nie pas l'intérêt de cette motion, mais elle mérite d'être revue. Il existe encore des zones d'ombre et le financement n'est pas assuré.

Si l'on veut agir de façon intelligente, il faut la renvoyer à la commission de la santé.

Les propos de MM. Froidevaux et Gougler sont pour le moins étonnants.

Nous avons déposé depuis un certain temps déjà une motion toute simple concernant le dépistage du cancer qui a été renvoyée devant la commission de la santé. Mais, comme c'est souvent le cas dans ce parlement dès qu'une proposition ne vient pas de certains milieux, on passe beaucoup de temps à en discuter en commission.

D'après ce que j'ai appris, les services de M. Guy-Olivier Segond ont quand même envisagé à un moment donné de concrétiser ce que nous demandions dans notre motion. Je crois savoir, Monsieur Segond, que vos services ont même imaginé la création d'une association un peu identique à la pseudo-association Vaud/Genève, formée de dix-huit personnes. Il s'agit d'un cercle fermé... Vous souriez, mais je connais aussi bien que M. Segond, juriste comme moi, les dispositions du code civil en vertu desquelles, en principe, il faut être trois pour créer une association, mais elle n'est pas limitée à trois personnes en général. Comme dans les «Männerchor», on peut être davantage ! C'est tout de même curieux de rencontrer des associations limitées à dix-huit personnes...

Contrairement à tout à l'heure lorsqu'il s'agissait de centre de transfusion sanguine, nous remercions M. Segond - quoiqu'il ait encore le temps de changer d'avis - d'avoir étudié cette question. Mais, en fait, cela n'a pas abouti. Comme Mme Torracinta-Pache l'a dit, il faut donner un signe politique dans ce conseil, et c'est le but de cette motion. Comme toutes sortes d'arguties sont invoquées en face, notamment par M. Froidevaux qui déclare que le financement n'est pas prévu, les motionnaires ont imaginé une formule effectivement un peu différente des formules habituelles, qui consiste à annexer un projet de loi à la motion.

Je ne vois pas ce qui nous empêche de le faire. Vous n'avez pas cité d'articles du règlement qui s'opposerait à ce mode de faire. Cela vous étonne, car il est plus facile de rédiger une motion qu'un projet de loi, mais si vous vous étiez donné la peine de lire cette annexe, vous auriez constaté qu'une proposition de financement est faite.

Lorsque, avec M. Gougler, vous déclarez qu'il n'y a pas de financement, vous avez un certain culot... Oui, dépêchez-vous de lire le texte, Monsieur Froidevaux, vous tomberez peut-être sur l'article qui indique nos propositions de modalités de financement ! Pour répondre à vos arguments, il y a un projet de loi qui ne se prétend pas du tout parfait, mais qui a au moins le mérite de proposer une solution, et notamment au niveau du financement.

Le Conseil d'Etat pourra décider ainsi s'il s'inspire de cette solution plutôt que de celle concoctée chez M. Segond. On nous a dit de trouver 2 millions pour mener cette campagne de dépistage, nous proposons un transfert des subventions cantonales pour les caisses maladie. Finalement, ça entre dans le cadre d'une campagne de prévention.

La motion «tape» tellement juste qu'on s'aperçoit précisément aujourd'hui que le Conseil fédéral envisage de rembourser les mammographies par les caisses maladie. Par voie de conséquence, le mode de subvention que nous préconisions va droit dans le sens de la proposition du Conseil fédéral. La prochaine fois, Monsieur Froidevaux, même si cela vous donne de l'urticaire - ça se soigne - essayez de lire nos propositions jusqu'à la fin !

Le programme de dépistage systématique du cancer du sein à partir de 50 ans occupe les différents acteurs du système de santé et les membres de la commission de la santé depuis trois ou quatre ans.

Il y a une large majorité scientifique, médicale et politique pour lancer à Genève un tel programme, réalisé en collaboration par le secteur public et privé. C'est effectivement rare : M. Saurer l'a souligné.

Ce qui a fait problème, ce sont les discussions sur la structure d'organisation, et, surtout, le financement : 2 millions par année pendant une période de cinq ans; au total 10 millions. C'est à ce propos que l'on a tourné en rond de nombreux mois. Aujourd'hui, ce matin même, il y a eu un fait nouveau : le Conseil fédéral a annoncé, par la voix de Mme Dreifuss, qu'à partir du 1er janvier 1998 le remboursement des mammographies de dépistage serait à la charge de l'assurance-maladie obligatoire de base.

Cela signifie qu'à quelques dizaines de milliers de francs près, à partir du 1er janvier 1998 le programme devrait être réalisable : il devrait être financé par l'assurance-maladie de base.

Que la motion aille au Conseil d'Etat ou à la commission de la santé ne fait aucune différence : le problème principal qui restait à résoudre, le financement, a trouvé ce matin même une solution.

Mise aux voix, la proposition de renvoyer cette proposition de motion à la commission de la santé est rejetée.

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

motion

concernant le programme de dépistage du cancer du sein

LE GRAND CONSEIL,

considérant:

- le bénéfice important d'une campagne systématique de dépistage du cancer du sein à partir de l'âge de 50 ans, selon le consensus international aujourd'hui établi;

- le mandat confié en 1991 par le département de l'action sociale et de la santé au groupe de travail ad hoc;

- la mise sur pied du programme de dépistage aujourd'hui prêt à démarrer à Genève;

- la nécessité d'un engagement clair des pouvoirs publics dans une telle campagne,

invite le Conseil d'Etat

- à assurer la concrétisation rapide du programme de dépistage par un financement public adéquat, en faisant également appel à des financements privés.

En date du 28 mars 1996, la proposition de motion 1034 a été renvoyée à la commission de la santé qui a traité le sujet dans ses séances des 30 août, 20 et 27 septembre 1996, sous la présidence de M. Andreas Saurer et en présence de M. Albert Rodrik, directeur de cabinet du département de l'action sociale et de la santé.

Travaux de la commission

Dans sa séance du 28 mars 1996, suite à la controverse soulevée par le non-respect du secret médical en rapport avec le code diagnostic exigé par les caisses-maladie, le Grand Conseil a envoyé au Conseil fédéral la résolution 306 concernant l'ordonnance d'application de la LAMal dont les considérants et les invites étaient les mêmes que ceux du projet de motion traité dans le présent rapport. La réponse de Mme Ruth Dreifuss, datée du 9 juillet l996, est jointe en annexe.

Audition du professeur Alain Junod, directeur médical des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), et de M. Gérard Gobet, directeur général des HUG

M. M. G. Gobet explique ce qui se passe concrètement à l'hôpital suite aux exigences de la LAMal. Parallèlement aux factures, les médecins remplissent un code diagnostic (selon exemplaire annexé au présent rapport) qui est envoyé à la caisse-maladie du patient. Au cas où ce dernier serait opposé à ce mode de faire, il le fait savoir à son médecin afin que seul le médecin-conseil de son assurance ait accès à ce code. Il précise que, jusqu'à ce jour, il n'y a pas eu de facture refusée de la part des caisses-maladie pour cause de code diagnostic insatisfaisant.

M. M. A. Junod précise les conditions dans lesquelles ont été acceptées ces méthodes. La loi d'application de la LAMal a été élaborée par la task-force à partir du modèle vaudois. Le corps médical était fondamentalement contre ce qui avait été proposé au départ. Cependant, le mode de faire actuel ne porte pas vraiment atteinte au patient, étant donné le caractère très général du diagnostic transmis. De plus, le corps médical ne voulait pas être responsable du blocage et du manque de convention entre assureurs et fournisseurs de prestations. Il considère néanmoins grave que l'article 84 de la LAMal porte atteinte à la loi du 19 juin 1992 sur la protection des données en instaurant un système de traitement des données personnelles par des personnes privées.

Il ajoute que la facture hospitalière renseigne plus que le code diagnostic sur le traitement du patient. Il relève aussi la remise en question de la comptabilité analytique dans ce domaine.

M. M. G. Gobet confirme que ce n'est pas avec les codes diagnostics que la comptabilité s'effectue. Ils n'aident en rien pour avancer dans la connaissance des coûts par pathologie. Ce sont les dossiers médicaux qui sont codifiés ou, plus précisément, les prestations fournies et les actes médicaux constitutifs de ces dossiers. De plus, la LAMal impose un instrument de comptabilité analytique, mais aucun modèle n'est défini pour répondre à cette exigence. Les préoccupations n'étant pas les mêmes partout, il n'est pas possible, en l'état actuel des choses, de faire des comparaisons avec d'autres hôpitaux.

Se basant sur l'exemple de la psychiatrie où il existe des diagnostics beaucoup mieux détaillés, mais qui ne sont pas présentés à la caisse-maladie, un des commissaires demande s'il ne serait pas envisageable d'établir une grille de diagnostic interne et précise, et une autre externe et moins développée.

M. M. A. Junod explique qu'à l'hôpital il existe également un code diagnostic interne très précis, conforme à la norme ICD 9. Mais des problèmes se posent déjà lors de la transmission des données au niveau fédéral pour éviter la reconnaissance du patient. Trois systèmes de transmissions intermédiaires sont requis pour brouiller les pistes.

Il précise que, lors d'une pathologie «hospitalière», un diagnostic est possible. Mais en ambulatoire le médecin est face à une plainte en première visite, ce n'est qu'après des complications, des effets secondaires qu'un diagnostic réel peut s'établir.

Selon M. A. Junod, il est dangereux de vouloir rétribuer les hôpitaux en se basant sur les standards statistiques par maladie. Des chiffres, même très précis, ne reflètent toujours qu'environ 50% des phénomènes réels. Chacun est différent, et cela ne présente aucun intérêt de confier à un logiciel privé le pronostic d'un patient. Les statistiques sont à utiliser avec la plus grande prudence.

Le président souligne que la direction de l'hôpital a introduit cette manière de faire parce que ça figurait dans la loi et pour ne pas froisser les caisses-maladie ou les pousser à refuser de payer certaines factures. Mais sur le plan de la doctrine juridique, des versions différentes de l'interprétation de la LAMAL ont été formulées. De plus, il se demande si les caisses-maladie ont une quelconque utilité de ce code diagnostic, et dans l'hypothèse négative, pourquoi craindre leur réaction en cas de refus de l'envoyer?

M. M. G. Gobet tient à respecter la loi. Ce système a été introduit au CHUV, il ne devrait donc pas poser de problèmes à Genève. En fait, il s'agit d'appliquer une réglementation et rien d'autre. En ce qui concerne l'utilité du code diagnostic actuel, il convient de poser la question directement aux caisses-maladie. Par contre, il doute que ces codes puissent être d'une grande utilité pour le médecin-conseil.

M. M. A. Junod considère que ce code diagnostic ne sert absolument à rien, n'étant pas interprétable de façon utile. De plus, il convient de préciser qu'avec un diagnostic d'entrée identique les coûts peuvent évoluer après coup dans un rapport de 1 à 10 selon les patients, donc pour contester les factures cet outil est totalement inutile.

M. M. G. Gobet rappelle que sur les factures figurent la division de soins, le nombre de jours d'hospitalisation, ainsi que les facturations spéciales.

Certains commissaires estiment que l'on gaspille du temps et de l'énergie dans des «paperasses» apparemment inutiles et inutilisables et trouveraient plus utile qu'un groupe de travail se penche sur cette question M. G. Gobet précise qu'une réunion aurait lieu le 10 septembre 1997.

Un député rappelle que les éléments de la LAMal à l'origine de cette situation avaient pour but de contenir les coûts. Il serait utile de savoir s'il y a eu des réactions de patients et s'il y a réellement un problème quelconque face à l'envoi de leur affection complète à leur caisse-maladie. Le patient est-il si attaché que cela à son secret médical?

M. M. A. Junod répond que le patient arrivant à l'hôpital aujourd'hui doit déjà présenter une garantie bancaire. Lui demander son avis sur le code diagnostic, et lui proposer éventuellement une dérogation à la protection des données lors de certaines affections, rend l'accueil plutôt rébarbatif pour quelqu'un qui est souffrant. Les patients détestent ce climat de règlements et de demandes de permissions. Les négociations auraient dû se faire auparavant entre assurés et assureurs.

Par ailleurs, la recherche n'a pas besoin de données nominales.

Il souligne aussi qu'il a constaté un changement de ton entre la loi et l'ordonnance d'application. Il constate que la refonte de la LAMal était à l'ordre du jour depuis plusieurs années. Or, en décembre 1995, lorsqu'il a fallu créer un règlement d'application, c'était l'affolement, personne n'avait rien préparé. Le principal coupable est le Bureau fédéral des assurances.

M. M. A. Rodrik confirme le fait que la disposition d'application excède la base légale qu'elle est censée révéler. M. G.-O. Segond l'a fait remarquer plusieurs fois, mais cela n'a pas l'air d'émouvoir le reste de la Suisse.

Un commissaire rappelle que la démonstration de tout l'échec du système de financement des assurances-maladie en Suisse est clairement établie. Il existe une surchauffe que le public ne pourra pas contenir. Il faut mettre en rapport les budgets alloués et les demandes de la santé.

Une députée relève que seul le canton de Genève a réagi. A noter aussi que c'est le seul canton qui ait créé une loi sur le droit des malades. Il existe donc clairement une tradition particulière à Genève dans ce domaine.

Audition de M. Jean-Claude Eggimann, président de la Fédération genevoise des caisses-maladie (FGCM)

M. M. J.-C. Eggimann considère que la motion 1034 et la résolution 306 vont dans la bonne direction. La LAMal et l'OAMal ont été mal rédigées, ce qui induit diverses controverses inutiles, notamment en rapport avec l'article 42 de la LAMal et l'article 59 de l'OAMAL. Il précise que les problèmes liés au secret médical et à la communication du diagnostic ont tout de suite été soulevés par les auteurs de la législation, par les assureurs et par les fournisseurs de prestations. Par conséquent, il existe une concertation entre assureurs et fournisseurs de prestations, même si, sur la place publique, apparaît l'image d'une controverse. Il fait également allusion à la réunion prévue en septembre. Lui aussi relève que ce problème est particulièrement sensible à Genève, pour des raisons traditionnelles de protection des patients. Il pense qu'une solution est possible puisque la loi précise que les assureurs et les fournisseurs de prestations peuvent s'entendre sur la communication des diagnostics. Il ne s'agit pas de faire de «Sonderfall Genf», mais un exemple qui pourrait ensuite être repris par la Confédération.

Les assureurs ont besoin d'informations, mais ces besoins ne sont pas encore clairement établis et les moyens pas encore mis en place. De plus, les fournisseurs de prestations doivent dire ce qui doit être caché ou ce qui peut être divulgué.

Dans le cadre de l'OMS par exemple, il existe des modèles étrangers dont on pourrait s'inspirer. D'autre part, il faut encore attendre la prise de position du département fédéral de l'intérieur concernant la loi sur la protection des données.

Une députée remarque que finalement personne n'est vraiment satisfait. Les HUG considèrent que le système mis en place est inutile et les assurances que ce n'est pas ce dont elles ont besoin. De plus, certains patients sont inquiets et se demandent ce que les assureurs peuvent faire avec des données relevant de leur sphère privée, par exemple les personnes souffrant du sida.

M. M. J.-C. Eggimann précise qu'aujourd'hui les données les plus sensibles sont transmises au médecin-conseil et ajoute que les assurances sont prêtes à accepter des barrières encore plus grandes. Il estime que l'inquiétude du public au sujet des données privées tient du fantasme et se veut rassurant, les assureurs étant tenus au secret professionnel de la même manière que les médecins.

Un commissiaire admet tout à fait l'utilisation d'un diagnostic plus détaillé afin de cerner certains abus et surtout pour maîtriser les coûts. Il craint, par contre, un rationnement des soins. Comme M. A. Junod a expliqué que la démarche statistique dans ce domaine n'offrait pas une piste très fiable, il se demande ce qui intéresse les caisses-maladie là-dedans et s'interroge sur l'utilité pour un assureur de connaître les diagnostics de ses clients. Il cite encore les dépressifs et la difficulté d'estimer les besoins. Il considère très intéressantes les études statistiques qui visent à améliorer la qualités des soins.

M. M. J.-C. Eggimann explique que les assurance doivent respecter la loi et qu'elles ont des besoins d'ordre statistique. A ce niveau-là, il admet qu'il est possible d'y parvenir par des données anonymes. Mais ils ont aussi besoin de contrôler le coût économique d'un traitement et d'évaluer son efficacité et son adéquation au diagnostic. Ce contrôle, qui est effectué non par l'assureur, mais par le médecin-conseil, justifie le besoin de lever le secret médical.

Un député relève que les assurances peuvent refuser de payer par manque de diagnostic clair. Or, en ambulatoire, il est très rare qu'on établisse un diagnostic, il n'y a en général que des symptômes.

M. M. J.-C. Eggimann estime que les assureurs ont appris énormément de choses intéressantes à travers cette révision de la loi. Et si certains assureurs ont peut-être refusé de payer certains soins, généralement ils ne le font pas. A ce sujet, une circulaire est passée au sein de toutes les assurances confortant la profession dans une pratique peu légaliste. Mais les caisses-maladie ne peuvent pas se voir transmettre n'importe quoi.

A la demande de reconnaître s'il est d'accord avec le fait que le code diagnostic ne sert à rien, il répond par l'affirmative.

Le président s'étonne alors qu'un autre système n'ait pas été élaboré, sur les bases d'un accord avec toutes les parties concernées. Pourquoi les assurances ne suppriment-elles pas le code diagnostic? Cette solution serait la plus élégante et la plus apaisante.

M. M. J.-C. Eggimann explique que la prose de l'hôpital était très légaliste, les assureurs ont donc également appliqué la loi selon le texte. Il n'a pas la possibilité d'imposer le retrait du code diagnostic à ses confrères, ce serait maladroit et empêcherait toute avancée dans les négociations

Le président demande si cela poserait un problème aux assurances si la motion 1034 était acceptée telle quelle. M. Eggimann estime que d'ici là les assureurs et les fournisseurs de prestations auront trouvé un terrain d'entente.

Audition de MM. Roger Chabonney et Michel Max, de l'association Dialogai

M. M. R. Charbonney précise que Dialogai soutient entièrement la motion 1034. L'association tient à relever un certain nombre de problèmes existants. Ils n'ont jamais reçu de réponse satisfaisante de la part de Mme Ruth Dreifuss, suite à différentes requêtes écrites concernant le sujet délicat du respect du secret médical. Or, lors de la transmission du diagnostic associé aux factures de prestations de soins, ce problème est particulièrement sensible au niveau des caisses-maladie et au niveau de l'entourage, notamment familial, du patient. Le diagnostic appartient au patient seul. Cependant, il est évident que les factures peuvent être interceptées par la famille. Cela peut entraîner des conséquences extrêmement grave. La motion vise à maintenir le secret médical envers les caisses-maladie. Dialoguai est partisan non seulement de le maintenir, mais de le renforcer, notamment au niveau de la réception et de l'utilisation de cette information par les caisses-maladie.

En effet, il existe un manque d'étanchéité entre les assurances obligatoires et les assurances complémentaires. Il n'est pas acceptable que l'on refuse une couverture complémentaire à certains patients sous couvert de diagnostic à risques. Certains pays européens offrent des systèmes d'une étanchéité absolue, à l'image de la France, entre la Sécurité sociale et les assurances complémentaires.

Selon le texte de la motion, la mention de certains détails dans la facture se justifie par la volonté d'établir des études statistiques. Mais en Suisse, l'outil reste très aléatoire. Et la mention détaillée d'un diagnostic ne résout rien en la matière. Récemment, une caisse-maladie a constaté que certains médecins gagnaient régulièrement plus que d'autres. Elle a dès lors menacé ces derniers si cet à-priori injustifié se poursuivait. Or, il s'avérait que ces médecins étaient des spécialistes d'une clientèle séropositive qui nécessite des suivis beaucoup plus importants. Cette rigidité du système n'est pas satisfaisante.

Globalement, le soutien est donc total à la motion, mais M. R. Charbonney rappelle que Dialogai reste inquiet sur certaines normes permettant la transmission des données des patients. Il espère que Mme Ruth Dreifuss prendra une position claire à ce sujet.

M. Max explique que cette problématique du code diagnostic transmis au médecin-conseil n'est en fait que la pointe de l'iceberg. Il a une valeur symbolique, mais il y a beaucoup d'autres moyens de se faire une idée de ce qu'il y a derrière les prix standardisés d'une facture. Et cela constitue une rupture du secret médical.

Une députée demande si la transmission des données uniquement au médecin-conseil est une mesure satisfaisante pour Dialogai.

M. M. R. Charbonney pense que oui et estime que c'est une sécurité de plus. Mais il préconise un changement de texte de la LAMal, afin que le patient bénéficie d'un système de protection encore plus efficace, il est cependant conscient que le Grand Conseil ne peut pas modifier des normes fédérales. Il serait favorable d'imposer une obligation de la transmission des données au médecin-conseil.

Un des commissaires lui demande s'il est au courant de l'existence d'une lettre type interdisant au médecin traitant de transmettre des données à toute personne autre que le médecin-conseil.

M. M. R. Charbonney répond affirmativement et précise qu'elle est presque toujours utilisée.

Un commissaire fait remarquer que le code diagnostic de l'hôpital ne veut rien dire, de plus il est inutilisable dans le but d'un contrôle financier. Il demande si, selon Dialogai, il porte atteinte à la vie privée de quelqu'un. Ensuite, il aimerait savoir ce que pense l'association des factures en clair.

M. M. R. Charbonney estime que le code diagnostic peut poser des problèmes pour quelqu'un qui veut cacher à sa famille la raison de ses soins, c'est un indice supplémentaire par rapport à la facture.

M. M. R. Charbonney considère que les factures en clair sont semblables aux codes d'analyse. En fonction du prix, les caisses-maladie peuvent déduire le résultat du test, son coût variant selon qu'il est négatif ou positif.

Les problèmes sont parfois antérieurs à la LAMal. Et même s'ils sont très techniques, ils méritent d'être dénoncés et étudiés afin d'éviter des dérapages qui ont lieu aujourd'hui. Il cite l'exemple de certaines assurances d'entreprises en Suisse alémanique qui laissaient les factures circuler, ne respectant aucune confidentialité.

Beaucoup de méthodes permettent des dérapages. Certaines caisses-maladie connaissent le prix des médicaments. Il s'agit d'étudier des systèmes de brouillage. Et pour éviter que toute donnée brouillée soit considérée comme sensible, il faut s'assurer que l'ensemble des données soient brouillées.

M. M. R. Charbonney revient au problème des parents qui ouvrent les factures médicales. Si les gens n'osent plus aller chez le médecin pour cause de manque de confidentialité, il y a problème au niveau de la santé publique. Il faut imaginer des systèmes anonymes afin d'éviter les consultations trop tardives.

M. R Charbonney ajoute qu'il est commun que pour tout séropositif qui accepte un suivi médical, toute demande de contacter une assurance complémentaire est systématiquement refusée.

Une députée demande si les refus des caisse-maladie sont motivés, il lui est répondu par la négative. Les diagnostics ne sont jamais mentionnés.

M. Max explique que, lorsqu'il a dû être hospitalisé, la secrétaire de sa caisse-maladie lui a téléphoné. Sa question était la suivante: «La direction me prie de vous demander si vous comptez être malade encore longtemps.» En outre, il sait qu'il n'a aujourd'hui plus droit aux assurances dentaires. Même sans code diagnostic, la situation est limpide.

Un commissaire propose trois pistes: envoi d'une facture globale au patient, avec consultation du détail uniquement à sa demande; prévoir au niveau fédéral des représentants de patients dont le rôle serait de contrôler le respect du secret médical au sein des caisses-maladie, des contrôles d'éventuels abus des assurances complémentaires pourraient être demandés.

Pour commenter la première piste, M. R. Charbonney propose que le détail soit envoyé uniquement au médecin-conseil et pas au patient.

En ce qui concerne des éventuels représentants des patients au sein des caisse-maladie, il reste très sceptique. Il faudrait clairement définir qui ils sont pour éviter les abus. Il faudrait en trouver un très grand nombre, qui soient réellement bien formés, vigilants et permanents. D'ailleurs, les connaissances en informatique que nécessiterait un travail de cette envergure sont loin d'être à la portée de tout un chacun. De plus, le contrôle est extrêmement difficile.

Il relève aussi qu'il existe des cas de non-confidentialité entre le médecin-conseil et les cadres des caisses-maladie. Il cite un cas précis d'offre spéciale d'assurance pour laquelle il fallait d'abord répondre à des questions d'ordre sérologique. En appelant la caisse concernée pour avoir de plus amples informations sur le pourquoi de ces questions, la secrétaire lui répondit que les réponses étaient analysées chaque vendredi entre le médecin-conseil et l'assureur. Et en demandant si, dans l'éventualité d'une réponse négative à cette offre, il pourrait essayer de s'inscrire dans un autre établissement, elle lui rétorqua que ce ne serait pas utile, car s'il était fiché chez eux, il serait fiché partout.

A partir de là, élire des représentants de patients consisterait à entériner une pratique occultée et dangereuse.

A noter qu'en Suisse seul le patient est responsable de son secret médical. En France, par exemple, le patient peut être protégé par la loi des demandes de levées abusives du secret médical. Certains médecins français, connaissant la pratique suisse, refusent d'ailleurs de transmettre leurs données en Suisse.

Discussions de la commission

La compétence des personnes auditionnées pour Dialogai et la clarté de leurs explications sont soulignées par tous les commissaires.

Comme l'ont relevé et largement expliqué les différentes personnes auditionnées, le code diagnostic n'apporte rien. Son inutilité a été relevée tant par les médecins, les représentants des HUG et même le président de la FCGM a admis qu'il était inutilisable. Il n'offre pas la possibilité d'établir des statistiques nécessaires pour améliorer l'économicité du système. Par contre, il met en péril le respect du secret médical auquel tout patient a droit, comme le précise la lettre adressée à l'AMG par le préposé fédéral à la protection des données, cette lettre est également annexée au rapport. De ce fait, le risque de non-consultation médicale par crainte de diffusion des diagnostics est clair et il préoccupe les commissaires.

Pour répondre aux interrogations de ses collègues, Un des commissaires explique que le rôle de médecin-conseil est extrêmement difficile et délicat. Parfois, il est nécessaire de divulguer des informations afin que l'assureur comprenne que les soins se justifient et que leur coût n'est pas excessif.

Un commissaire relève aussi que les factures en clair sont quelquefois établies selon la volonté des patients qui désirent savoir ce qu'ils paient et parfois cela pose problème. Seules différentes formes de brouillage permettent d'éviter les risques d'identification des cas. C'est vraisemblablement par ce biais que l'on peut garantir la confidentialité. Car il ne s'agit pas de revenir en arrière avec des postes tarifaires incontrôlables. Cet avis est largement partagé par tous les commissaires qui sont bien conscients de la nécessité de mettre tout en oeuvre en vue de maîtriser les coûts de la santé.

Comme il en est fait mention plus haut, dans l'ordonnance d'application, l'article 59 de l'OAMal excède sa base légale. Les députés estiment donc que la suppression des codes diagnostics ne va pas à l'encontre du droit fédéral, puisque, selon ce dernier, il convient de respecter la législation sur la protection des données.

Conclusions

Au cours des différentes discussions de la commission des amendements ont été apportés à la proposition de motion 1034. Ces amendements étant consensuels, il ne m'a pas paru utile de les mentionner en détail au fur et à mesure de l'élaboration de la motion amendée telle qu'elle vous est proposée.

A l'unanimité, les membres de la commission de la santé vous proposent donc, Mesdames et Messieurs les députés, de soutenir la proposition de motion 1034 telle qu'amendée et de l'envoyer au Conseil d'Etat.

Annexes: - Réponse de Mme Ruth Dreifuss.

 - Exemplaire d'un code diagnostic.

 - Lettre du préposé fédéral à la protection des données.

 - Proposition en motion 1034.

ANNEXES

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ANNEXE

Secrétariat du Grand Conseil

Proposition de Mmes et MM. Pierre-François Unger, Olivier Lorenzini, Claude Howald, Henri Gougler, Gilles Godinat, Roger Beer, Nicole Castioni-Jaquet, Pierre Froidevaux, Michèle Wavre, Dominique Hausser, Fabienne Bugnon et Bernard Clerc

Dépôt: 1er décembre 1995

M 1034

(M 1034)

proposition de motion

concernant l'ordonnance d'application de la LAMal

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

- que le maintien du secret médical est un des meilleurs gages d'une relation patient-praticien basée sur la confiance et que sa préservation constitue un intérêt public prépondérant;

- que le diagnostic est une donnée sensible au sens de la loi fédérale sur la protection des données;

- que le secret médical a la même portée en médecine privée et publique;

- que des études statistiques sont essentielles tant pour des motifs scientifiques que médico-économiques mais qu'elles ne justifient pas pour autant la violation du secret médical;

- l'article 4a de la loi K 1 30,

invite le Conseil d'Etat

- à s'opposer au principe de la transmission systématique du diagnostic dans les factures des fournisseurs de prestations, telle que prévue par l'OAMal (art. 59);

- à intervenir auprès de la direction des HUG dans le même sens;

- à étudier avec les partenaires concernés la mise sur pied d'un outil statistique répondant aussi bien à des objectifs scientifiques que médico-économiques dans le respect de la législation.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames etMessieurs les députés,

La question du secret médical a toujours soulevé des problèmes importants et sensibles, tant il est vrai que le diagnostic d'un patient appartient à ce dernier et touche en particulier sa sphère privée. Il nous a donc semblé important de traiter de ce problème parallèlement à l'entrée en vigueur, au 1er janvier 1996, de la loi sur l'assurance-maladie (LAMal).

Les dispositions de la LAMal, relatives à ces objets, prévoient notamment:

- à l'article 42, alinéas 4 et 5

«L'assureur peut exiger un diagnostic précis ou des renseignements supplémentaires d'ordre médical.

Le fournisseur de prestations est fondé lorsque les circonstance l'exigent, ou astreint dans tous les cas, si l'assuré le demande, à ne fournir les indications d'ordre médical qu'au médecin-conseil de l'assureur, conformément à l'article 57.»

Il est complété par les dispositions suivantes de l'OAMal qui stipule (article 59):

«Les fournisseurs de prestations doivent indiquer dans leurs factures:

a) les dates de traitement;

b) les prestations fournies, détaillées comme le prévoit le tarif qui leur est applicable;

c) le diagnostic dans le cadre du 2e alinéa.

Les assureurs et les fournisseurs de prestations peuvent stipuler dans les conventions tarifaires quels informations et diagnostics ne doivent, en principe, être portés qu'à la connaissance du médecin-conseil de l'assureur au sens de l'article 57 de la loi. Au surplus, la communication du diagnostic est régie par l'article 42, 4e et 5e alinéas, de la loi. Le département peut fixer, sur proposition commune des assureurs et des fournisseurs de prestations, un code uniforme pour les diagnostics valable dans toute la Suisse.

Les prestations prises en charge par l'assurance obligatoire des soins doivent être clairement distinguées des autres prestations dans les factures.»

Les dispositions de la LAMal ne posent pas un problème trop grave bien qu'étant plus souples que la LAMA puisqu'elles laissent, malgré tout, la possibilité au patient de s'opposer à la transmission du diagnostic ou d'autres données sensibles au service administratif de sa caisse-maladie et de ne l'accepter que pour le médecin-conseil.

En revanche, les dispositions de l'OAMal sont choquantes à plusieurs points de vue:

- il est inexplicable qu'une dispositions d'application puisse aller plus loin dans ses exigences que les principes posés par la loi;

- le diagnostic concernant la sphère privée intime du patient ne saurait, tant au niveau du secret médical que de la loi sur la protection des données, circuler à l'intérieur des services administratifs d'une caisse-maladie, voire, comme le prévoit l'article 120 de l'ordonnance, entre caisses-maladie;

- si le but de ces dispositions est d'établir des statistiques concernant le coût de chaque affection, d'autres moyens permettent ces recherches, notamment avec la collaboration des caisses et des sociétés médicales, qui ne risquent pas de causer un préjudice grave au patient;

- au sens des dispositions de la loi sur la protection des données, le diagnostic est une donnée sensible et ne saurait, sans l'autorisation du patient, être transmis à sa caisse-maladie.

- l'inscription du diagnostic sur chaque facture, même de façon codée, pose non seulement des problèmes de confidentialité mais également des problèmes administratifs pour les médecins qui ne sont pas équipés en informatique, ce qui représente le 75% du corps médical.

D'autre part, nous apprenons que l'Hôpital entend également réintroduire l'inscription du code-diagnostic sur ses factures. Nous pensons que la situation est ainsi de la même nature et qu'il est nécessaire de s'opposer à cette pratique.

Il ne s'agit pas, par le biais de cette motion, d'instituer un rempart pour éviter toute fourniture d'information sous prétexte de conserver le secret médical. Nous affirmons que les statistiques en matière de dépenses de la santé sont nécessaires tant pour permettre d'améliorer les prestations qu'à des fins de recherche scientifique, mais qu'il n'est pas concevable que, sous ce prétexte, l'on aboutisse à un système ne respectant pas la sphère privée du patient.

Au bénéfice des explications qui précèdent, nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, d'accueillir favorablement cette proposition de motion et de l'adresser au Conseil d'Etat.

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

motion

concernant l'ordonnance d'application de la LAMal

LE GRAND CONSEIL,

considérant que:

- le maintien, voire le renforcement, du secret médical est une condition essentielle d'une relation patient-médecin basée sur la confiance;

- le secret médical est un élément essentiel du système de santé et constitue ainsi une notion qui est d'un intérêt public prépondérant;

- le diagnostic est une donnée sensible au sens de la loi fédérale sur la protection des données;

- le secret médical a la même importance en médecine privée et publique;

- si des études statistiques sont essentielles tant pour des motifs scientifiques que médico-économiques, elles ne justifient pas pour autant la violation du secret médical;

- l'article 4 a de la loi K 1 30 fait explicitement référence au respect du secret médical,

invite le Conseil d'Etat

- à veiller au respect de la confidentialité dans la transmission des données entre les fournisseurs de soins et les assureurs maladie;

- à étudier avec les partenaires concernés la mise sur pied d'un outil statistique répondant aussi bien à des objectifs scientifiques que médico-économiques tout en respectant le secret médical;

- à intervenir auprès de la Direction des établissements publics médicaux pour suspendre la transmission du code diagnostic sur les factures jusqu'à ce qu'une solution respectant la loi sur la protection des données soit trouvée;

- à intervenir auprès du Conseil fédéral pour obtenir une révision de l'article 59 de l'OAMal.

Préambule

Cette proposition de motion est, en quelque sorte, l'esprit et le prolongement pratique de la loi sur l'aide à domicile que ce Grand Conseil vient d'accepter (PL 7497) qui, rappelons-le, règle le financement de l'aide à domicile (financement du 2e programme quadriennal 1997-2000).

Elle a, en effet, pour objectif d'organiser, à moyen et à long terme, les centres sociaux et de santé mais veut aussi, d'une certaine façon, être une réponse au rapport Gruson. En effet, celui-ci formulait un certain nombre de propositions, visant à un fonctionnement plus dynamique des centres de soins et d'aide à domicile. Les auteurs de la motion conviennent qu'il faut éviter les «doublons», là où ils existeraient et reconnaissent la nécessité d'une certaine restructuration des centres, mais, ils tiennent à mettre en garde qu'une «telle restructuration ne peut se faire en quelques mois. Il s'agit d'un travail qui s'étendra sur plusieurs années et pour aboutir il doit s'appuyer sur une dynamique participative du personnel concerné». De plus, ajoutent-ils, «pour que les centres puissent jouer ce rôle, il faut définir un cahier des charges qui définit clairement la fonction des différents professionnels qui gardent évidemment leur spécificité ainsi que leurs missions» [des centres].

Nous aurions pu étudier cette motion en même temps que le projet de loi 7497, diriez-vous. Bien sûr..., cependant le projet de loi revêtait une urgence, certaine, puisqu'il dépendait du vote sur le budget 97, en décembre 1996, raison pour laquelle, la commission a dû traiter d'abord ce dernier et soumet, aujourd'hui, à votre sage décision, la présente proposition de motion qui vise pourtant un même domaine.

Cependant, malgré la volonté de différencier les deux aspects (financier et organisationnel) lors de la discussion sur le projet de loi, la commission (tant les problèmes sont finalement liés) ne put s'empêcher de faire référence, aussi, à la motion. Ce n'est pas un hasard qu'elle figurait dans nos ordres du jour à chacune de nos séances.

Ci-après, le texte de la proposition de motion telle que soumise à la commission sociale :

«Le GRAND-CONSEIL,

 considérant que:

- le rapport Gruson formule des propositions pour une nouvelle organisation de l'aide à domicile en accordant une place accrue aux centres sociaux et de santé;

- la qualité de la coordination entre les services sociaux et les services d'aide à domicile au niveau des centres sociaux et de santé est inégale;

- la reconnaissance de l'autonomie des centres sociaux et de santé est insuffisante;

- les différents services continuent à articuler leur politique prioritairement selon leurs intérêts de service et non dans un but d'une meilleure qualité des prestations moyennant une réelle autonomisation des centres sociaux et de santé,

invite le Conseil d'Etat

à prendre les mesures nécessaires, y compris en matière législative permettant:

1.  la mise en place d'un organisme unique de droit public regroupant tous les services sociaux et les différents service d'aide à domicile intervenant dans les centres sociaux et de santé;

2.  la mise en place, pour chaque centre social et de santé, d'une structure de coordination regroupant les usagers, les partenaires et les collaborateurs;

3.  un renforcement de l'autonomie des centres sociaux et de santé sur le plan organisationnel;

4.  le maintien des acquis en matière de conditions de travail et de nomination;

5.  la mise en place, dans l'année à venir, d'un cahier des charges définissant clairement la mission des centres sociaux et de santé (prestations, horaire, tarifs, etc.) et des différents professionnels;

6.  la mise à disposition, dans l'année à venir, de locaux adéquats et conformes à l'esprit de la loi sur l'aide à domicile».

Le rapport Gruson ou «l'Arlésienne», version G.E.

A ce stade de la discussion, il n'est pas inutile de parler du rapport Gruson («AIDE A DOMICILE - Bilan de la situation des secrétariats des centres sociaux et de santé : proposition pour une nouvelle organisation,30 janvier 1996») tant on a cultivé le mystère autour de lui ! En effet, comme cela se passe souvent dans cette République, ce rapport a d'abord été un rapport «top secret», qui s'est très rapidement révélé être un secret... de polichinelle : il circulait façon «underground».... depuis un certain temps déjà ! Bref, telle l'Arlésienne, on en parlait mais personne l'avait encore vue ! Copie fut finalement demandé par les commissaires et M. Gruson d'être auditionné une seconde fois pour le présenter.

Ce rapport porte, d'une part, sur le bilan du travail des secrétariats des centres (dont la majorité des collaborateurs proviennent de l'HG) et, d'autre part, fait un bilan de l'organisation du système de l'aide à domicile et de l'action sociale. Il n'aborde pas les aspects financiers, mais soumet des propositions d'organisation (voir pages 15-22 du rapport). Ce dernier a rencontré, pour l'essentiel, l'adhésion des acteurs sociaux.

Discussions en commission : employeur unique ?

D'emblée, il est demandé aux auteurs de la motion s'ils estiment que le projet de loi 7497 représente une réponse suffisante à leur motion ? Non ! La loi reprend seulement l'invite 2 de la présente motion (voir ci-dessus), mais ne touche pas au reste du problème, notamment, à la définition, à court terme, d'un cahier des charges et, à plus long terme, la question de «l'employeur unique». Le président du DASS, présent à nos séances, faisant sienne la position du Conseil d'Etat, répond de façon suivante aux 6 invites :

1.  Il répond poliment : non !

2.  Estime que cette invite est satisfaite par la loi récemment votée.

3.  Attendons de voir les résultat des structures mises en place suggérées par la loi et l'on fera, le point, en septembre prochain.

4.  Cette invite n'a pas fait l'objet de contestations auprès du Conseil d'Etat.

5.  M. Segond estime qu'il a été répondu à cette invite dans le cadre du rapport Gruson [en ce qui concerne le cahier des charges].

6.  Cette invite est en partie réalisée et, est en partie, réalisable mais pas dans l'année à venir, évidemment. Le Conseil d'Etat souhaitant faire un pointage détaillé. En effet, sur 22 centres, 18 sont équipés.

Pour conclure, M. Segond suggère à la commission d'envoyer cette motion au Conseil d'Etat mais...., on en est pas encore là !

Concernant la notion «d'employeur unique», les discussions ont bien démontré, la complexité de cette notion, qui ne semble pas rencontrer d'opposition. En effet, comme l'a fait remarquer le Président du DASS, dans ce cas il faudrait sortir, de cette question, l'Hospice général, mais le problème réside au Service d'aide et de soins communautaires (SASCOM), qui dépend de la Croix rouge genevoise, a des sentiments ambivalents à l'égard de l'Etat, même si ce dernier lui accorde des subventions... Bref, si l'on souhaitait un employeur unique, estime M. Segond, il faudrait détacher le SASCOM de la Croix Rouge, le Conseil d'Etat étant quant à lui, disposé à étudier les problèmes que cette démarche causerait.

Cet «employeur unique» devrait-il être public ou privé ? S'il était privé, le Conseil d'Etat entrerait en matière. Ce dernier, par la bouche deM. Segond, décidément en veine de métaphore, d'ajouter qu'il n'est pas possible de tout réunir, car ... qui trop embrasse, mal étreint !... Le regroupement pourrait être imaginable au sein de la FSAD (Fédération des services d'aide et de soins à domicile). S'agissant des CCT (Conventions collectives de travail) et des salaires, ils sont déjà alignés sur ceux de l'Etat, conclut M. Segond. La commission pèse, à l'instar du rapport Gruson, les inconvénients et les avantages d'un «employeur unique». Le rapport Gruson émet, en effet, à ce sujet trois solutions possibles, mais soulève également les inconvénients (voir l'annexe 1).

Pourtant, tant de discussions n'a, peut-être, pas convaincu un commissaire membre du Parti libéral, qui déclare tout de go qu'il ne peut se rallier à l'invite numéro 1 et que les autres (invites) ayant déjà été prises en compte lors des discussions sur le projet de loi 7497 : «la proposition de motion 1069 n'a donc plus d'objet !»... Ah, bon !

....et la «coordination»

La fonction de «coordination», lié au problème d'employeur unique, soulève également de longues discussions. Cette «coordination», dans l'esprit des commissaires, ne doit pas devenir la xème hiérarchie supérieure d'un centre, mais le ou la coordinateur /trice devrait pouvoir conserver sa fonction habituelle, à l'exemple d'un doyen dans un collège ou école, par exemple. Sa tâche consisterait à coordonner les différentes activités d'un centre. Ce ne sont là que des remarques et des idées, importantes pourtant. En effet, les centres ne sont pas très faciles à gérer.

Le bénévolat

Personne ne veut faire abstraction de l'importance du bénévolat, quelque que soit la structure que l'on donnera, à l'avenir aux centres de soins et d'aide à domicile. Pour les proches et voisins, le bénévolat est quelque fois bien lourd, mais, comme chacun le sait (ou ne le sait peut-être pas), il a également ses limites qu'il ne faut pas négliger. De toute façon, le bénévolat, avec toute la meilleure volonté du monde, ne pourra jamais répondre à tous les besoins.

Au terme de nos discussions, il ressort pour tous que l'existence, toute récente encore, voulue par le peuple, de l'aide à domicile, a déjà fait ses preuves et les statistiques sont là pour démontrer sa nécessité (voir annexes 2 et 3). La volonté politique, du moins pour une grande partie des commissaires, est le maintien de ces prestations. La balle est maintenant dans l'autre camp et notre souhait est que les différentes prestations liées à l'aide à domicile soient rendues le plus dynamique que possible, ceci avec la participation de tous. Le débat n'est pas clos ce soir. Aussi, nous vous proposons, Mesdames et Messieurs, les députés de bien vouloir faire bon accueil à cette proposition de motion telle qu'amendée en commission (voir ci-après) :

Les invites amendées

L'invite no 1 a été reformulée ainsi:

1.  A étudier l'opportunité du regroupement des différents services d'aide à domicile et des services sociaux dans un seul organisme, le cas échéant de droit public, sur la base de l'évaluation demandée par la loi sur l'aide à domicile.

 Vote: 9 oui (3 ADG, 2 S, 1 V, 2 R, 1 DC)

 Vote: 3 non (L)

 Vote: 0 abst.

L'invite no 2 a été abandonnée (le PL 7497 y répond)

L'invite no 3 devient la no 2 ci-dessous :

2. Dans l'organisation actuelle, à veiller au renforcement de l'autonomie des centres sociaux et de santé sur le plan organisationnel.

 Vote: 9 oui (3 ADG, 2 S, 1 V, 2 R, 1 DC)

 Vote: 3 non (L)

 Vote: 0 abst.

L'invite no 6 devient la No 3 ci-dessous:

3.  Dans l'organisation actuelle, à veiller à la mise à disposition de locaux adéquats et conformes à l'esprit de la loi sur l'aide à domicile.

 Vote: 9 oui (3 ADG, 2 S, 1 V, 2 R, 1 DC)

 Vote: 0 non

 Vote: 3 abst. (L)

Les invites nos 4 et 5 ont été rejetées par:

 6 oui (3 ADG, 2 S, 1 V)

 6 non (3 L, 2 R, 1 DC)

Vote final de la proposition de motion 1069 (voir annexe 4) telle qu'amendée par la commission sociale et vote telle qu'indiqué ci-dessous :

 9 oui (3 ADG, 2 S, 1 V, 2 R, 1 DC)

 3 non (L)

 0 abst.

Débat

Nous avons parlé de cette motion voilà déjà quelque temps, puisque le rapport a été déposé en début d'année. Mais pour rafraîchir les mémoires, je rappellerai...

Des voix. Nous l'avons lue !

Mme Claire Chalut, rapporteuse. Ah, vous l'avez lue ! Si vous l'avez lue très attentivement, vous aurez vu qu'il manquait les annexes dont je parlais dans ce rapport. Je souhaite qu'elles figurent au Mémorial, afin d'étayer mes propos, car elles ont leur importance. Je ne voulais pas faire refaire des photocopies, car cela aurait fait à peu près cinq cents copies, et je craignais pour les finances de l'Etat !

La présidente. Vous voulez remettre ces annexes au Bureau !

Mme Claire Chalut, rapporteuse. Oui, ainsi elles pourront être annexées au Mémorial. Cette motion faisait suite au projet de loi que nous avions traité en commission, qui se préoccupait du financement du deuxième programme quadriennal de l'aide à domicile. En fait cette motion représentait l'aspect pratique des choses, se rattachant plus à l'organisation de tout ce travail de l'aide à domicile et, précisément, l'audition de M. Gruzon et surtout le rapport de M. Gilliand qui démontraient très bien l'utilité de l'aide à domicile. Aussi nous vous invitons à accepter cette motion et à la renvoyer au Conseil d'Etat qui nous rendra un rapport.

Annexes

10

11

273

annexe 3

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

MOTION

sur l'organisation des centres sociaux et de santé

LE GRAND CONSEIL,

considérant que:

- le rapport Gruson formule des propositions pour une nouvelle organisation de l'aide à domicile en accordant une place accrue aux centres sociaux et de santé;

- la qualité de la coordination entre les services sociaux et les services d'aide à domicile au niveau des centres sociaux et de santé est inégale;

- la reconnaissance de l'autonomie des centres sociaux et de santé est insuffisante;

- les différents services continuent à articuler leur politique prioritairement selon leurs intérêts de service et non dans un but d'une meilleure qualité des prestations moyennant une réelle autonomisation des centres sociaux et de santé,

invite le Conseil d'Etat

à prendre les mesures nécessaires, y compris en matière législative permettant:

1.  A étudier l'opportunité du regroupement des différents services d'aide à domicile et des services sociaux dans un seul organisme, le cas échéant de droit public, sur la base de l'évaluation demandée par la loi sur l'aide à domicile.

2.  Dans l'organisation actuelle, à veiller au renforcement de l'autonomie des centres sociaux et de santé sur le plan organisationnel.

3.  Dans l'organisation actuelle, à veiller à la mise à disposition de locaux adéquats et conformes à l'esprit de la loi sur l'aide à domicile.

LE GRAND CONSEIL,

considérant:

- que les articles 34 et suivants de la Constitution fédérale place les assurances sociales dans la compétence de la Confédération;

- que les dépenses croissantes de l'assurance-invalidité sont liées à l'aggravation de la situation dans plusieurs secteurs de l'économie et à un accroissement linéaire des cas d'invalidité;

- que l'assurance-invalidité laisse apparaître un déficit de 343 millions de francs pour 1995;

- que la presse s'est récemment fait l'écho d'une prochaine augmentation des cotisations de l'assurance-invalidité, d'une suppression des rentes complémentaires pour conjoints et du quart de rente apparu en 1988;

- que, dans les branches économiques en crise, ni les entreprises, ni les travailleurs ne peuvent faire face à l'augmentation des charges sociales dans la situation de crise actuelle;

- qu'il existe d'autres moyens de financer les dépenses de l'assurance-invalidité, notamment en faisant appel à une partie des 4 milliards de francs de réserve accumulés par l'assurance-perte de gain;

- qu'il exerce son droit d'initiative en application de l'article 93, alinéa 2, de la Constitution fédérale et en vertu de la compétence à lui réservée par l'article 156 de la loi portant règlement du Grand Conseil,

demande au Conseil fédéral

d'étudier toutes les possibilités de réduire le déficit de l'assurance-invalidité sans augmenter les cotisations paritaires des entreprises et des travailleurs, notamment en faisant appel dans un premier temps à une partie des réserves accumulées par l'assurance-perte de gain;

de trouver les causes réelles d'augmentation des cas d'invalidité afin de maîtriser les dépenses de l'assurance-invalidité;

de revoir les critères d'attribution des rentes AI, le cas échéant en reconsidérant la composition des offices cantonaux.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Comme il est rappelé dans les considérants de la présente proposition, le nombre de rentiers, de même que le montant des rentes de l'assurance-invalidité augmentent linéairement d'année en année. Les finances de cette assurance sociale laissent apparaître un déficit de 343 millions de francs en 1995.

Au début du mois de septembre 1996, l'OFAS a proposé au Conseil fédéral une solution de facilité pour maîtriser ce déficit, soit:

- une augmentation des cotisations;

- une diminution des prestations (suppression de la rente complémentaire pour conjoint pour les nouveaux assurés et suppression du quart de rente entré en vigueur en 1988).

Vous n'ignorez pas que les métiers du bâtiment traversent la plus grave crise de l'après-guerre. A Genève, la moitié des emplois et le tiers des entreprises de la construction ont disparu en six ans. Dans le même temps, les charges sociales patronales et salariales ont augmenté, la solidarité entre employeurs et employés étant mise à rude épreuve depuis le début de la crise.

Il n'est pas admissible, tant du point de vue économique que social, de proposer:

- aux entreprises et aux travailleurs une nouvelles hausse des cotisations d'assurance-invalidité, étant rappelé que ces cotisations sont payées paritairement;

- aux rentiers futurs une diminution de leurs droits, les rentes AI sont modestes et ne suffisent dans certains cas pas à assurer un revenu suffisant aux bénéficiaires.

Cette solution risque d'engendrer des effets économiques et sociaux pervers et dangereux dans la situation économique actuelle (étouffement des entreprises sous le poids des charges, affaiblissement face à la concurrence étrangère, diminution du pouvoir d'achat des travailleurs, diminution des droits des rentiers, etc.).

Il y a d'autres moyens de maîtriser ce déficit. En effet, à quelques semaines d'intervalle, la presse relatait également l'idée de plusieurs parlementaires de faire appel aux réserves de l'assurance-perte de gain pour financer une nouvelle assurance-maternité, soit près de 4 milliards de francs.

L'assurance-maternité devra encore faire l'objet de longs débat aux Chambres fédérales, c'est une assurance dont le principe même est âprement discuté et, au train où vont les choses, nous nous acheminons au mieux vers une solution à moyen terme, au pire vers une solution à très long terme.

Il faut être réaliste, l'emploi a besoin d'être soutenu dans le court terme. Les entreprises sont acculées par des augmentations de charges, alors qu'une petite partie (moins de 10 %) des réserves accumulées par l'assurance-perte de gain suffirait à combler le déficit de l'assurance-invalidité et permettrait d'assainir les finances de l'AI.

Cette mesure devrait, en outre, s'accompagner d'une surveillance des dépenses et d'une recherche sérieuse des causes de l'augmentation des cas d'invalidité, car, à ce jour, aucune explication convaincante n'a été donnée. Dans ce domaine, la dernière invite de la présente résolution vise à unifier, sur le plan suisse, la composition des commissions cantonales compétentes pour statuer sur le bien-fondé des demandes. En effet, une marge de manoeuvre est, semble-t-il, laissée à ces commissions, ce qui explique peut-être pourquoi le canton de Genève est confronté à une augmentation importante des dépenses liées à l'invalidité.

Ce sont les raisons pour lesquelles nous vous demandons d'accepter, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs des députés, la présente proposition de résolution.

Débat

Madame la présidente, vous voudrez bien excuser l'erreur qui, dans l'adresse de mon exposé des motifs, vous a fait passer pour «Monsieur le président»... Je veillerai à ce que correction soit faite.

Compte tenu de l'heure avancée et des points restant à traiter, je m'abstiendrai de développer mes arguments si chacun est d'accord d'adopter cette résolution et de la renvoyer au Conseil fédéral.

Nous trouvons parfaitement louable le souci de M. Vaucher de s'inquiéter du déficit de l'assurance-invalidité. Néanmoins, sa résolution pose quelques problèmes.

M. Vaucher propose d'utiliser les réserves des APG pour remédier au déficit de l'AI. D'autres ont déjà eu cette idée.

Nous ne nous y opposerions pas si une grande partie des excédents des APG n'était réservée à l'assurance-maternité.

La population suisse, notamment les femmes, attend cette assurance depuis plus de 50 ans. Il convient donc de ne pas bloquer une possibilité de la financer.

Or, dans son exposé des motifs, M. Vaucher ne se soucie nullement de réserver une partie des APG au financement l'assurance-maternité.

Nous pourrions être d'accord avec sa deuxième invite qui demande que soient étudiées les causes réelles de l'augmentation des cas d'invalidité et la situation des personnes concernées. Encore faut-il savoir que ce sujet a déjà donné lieu à de nombreuses enquêtes et études. Certaines ont été récemment publiées dans une revue de l'OFAS consacrée aux assurances sociales.

Nous savons tous que le nombre croissant des rentiers AI est parallèle à l'augmentation du chômage en Suisse.

Certes, l'AI n'est pas une réponse au chômage de longue durée. Dans sa dernière invite, M. Vaucher laisse entendre que des abus seraient commis en la matière.

Actuellement, le monde du travail devient de plus en plus exigeant. L'annonce d'un poste de travail met en lice de nombreux candidats, et les employeurs engagent le plus performant.

M. Vaucher étant également un employeur, je lui demande s'il serait prêt à engager des gens de santé physique ou psychique fragile. Si sa réponse est affirmative, sa question est pertinente. Si sa réponse est négative, elle ne l'est pas.

Comme dit plus haut, l'AI ne constitue pas une réponse appropriée au chômage de longue durée. D'autres programmes d'insertion seraient plus adéquats pour les personnes de santé fragile. Néanmoins, l'AI est préférable à l'assistance publique.

C'est pourquoi le parti socialiste ne votera pas cette résolution.

La résolution de M. Vaucher nous propose une bien curieuse forme de solidarité : les invalides au secours des métiers du bâtiment !

Ce n'est pas sérieux, Monsieur Vaucher. Personne ne nie la crise, ni le fait qu'elle touche particulièrement le secteur du bâtiment. Ce n'est pas une raison pour chercher des boucs émissaires, surtout parmi les plus prétérités de notre société.

La résolution de M. Vaucher énumère plusieurs considérants. Nous pouvons en partager certains, notamment le cinquième qui met en avant la difficulté, pour les travailleurs, d'assumer l'augmentation des charges sociales. Par conséquent, je vous invite, Monsieur Vaucher, à prendre connaissance de l'initiative des Verts qui propose de taxer l'énergie plutôt que le travail. Elle va dans le sens de l'allégement des charges sociales.

S'il est toujours intéressant d'étudier des pistes susceptibles d'éviter les déficits, notamment ceux des assurances, il faut le faire avec une extrême prudence.

En l'occurrence, vos propositions, traduites par les deuxième et troisième invites, sont inadmissibles. Elles font preuve d'une méconnaissance totale de la réalité en matière de critères d'attribution de l'assurance-invalidité. Il n'est pas facile, Monsieur Vaucher, d'obtenir l'assurance-invalidité.

Tant vos invites que votre exposé des motifs laissent désagréablement supposer des abus manifestes.

Si une recherche sérieuse des causes de l'augmentation des cas doit être faite - pour autant que cette augmentation soit réelle - elle doit porter sur le manque de prévention, sur le manque d'assistance et sur des conditions de travail parfois à la limite de l'acceptable.

Il ne faut pas se tromper de cible ! Si la crise actuelle engendre plus de cas d'invalidité, c'est elle qu'il faut attaquer de front, avec des solutions imaginatives et solidaires, et non culpabiliser ceux déjà exclus de notre société.

Cette résolution nous a choqués, et le groupe des Verts la rejettera catégoriquement.

Je n'avais pas l'intention de développer mes arguments, mais je me vois obligé de le faire après avoir entendu mes préopinants.

Comme M. Champod, je reconnais que le chômage a considérablement augmenté les cas d'invalidité. Personnellement, j'ai vécu cette expérience : en juin 1995, j'ai engagé quinze chômeurs et, l'année suivante, ils se sont tous retrouvés à l'AI, parce qu'ils avaient perdu l'habitude du travail.

En tant que patron, j'ai mis un programme sur pied pour insérer des chômeurs, mais j'ai constaté que, lorsque quelqu'un a perdu l'habitude de son travail, il ne possède plus les réflexes qui lui sont liés.

Madame Bugnon, vous dites qu'avec ma résolution le bâtiment sera secouru par les invalides. Non, Madame ! C'est vraiment trop facile et gratuit de présenter ainsi les choses. Ce n'est de loin pas mon intention, Madame la députée.

Vous prétendez aussi qu'il n'est pas facile d'obtenir l'assurance-invalidité. A mon tour, je me permets de vous rappeler que les statistiques démontrent que le canton de Genève est celui qui, en Suisse, octroie le plus facilement des rentes AI. Je pense qu'il y a peut-être quelque chose à faire de ce côté et qu'il serait plus utile d'aider un chômeur à retrouver un autre travail, c'est-à-dire un métier différent, plutôt que le mettre systématiquement à l'AI.

Si M. Champod avait lu attentivement mon exposé des motifs, il se serait aperçu que je n'ai nullement écrit qu'il fallait repousser l'assurance-maternité. J'ai dit que si nous devions attendre la fin de son étude, il serait trop tard pour pouvoir remédier au problème des pertes de l'AI.

Compte tenu de l'immense déficit de l'assurance-invalidité - près de 400 millions à fin 1996 - j'estime que l'OFAS a délibérément choisi une solution de grande facilité en proposant au Conseil fédéral, en 1996, d'augmenter les cotisations et de diminuer les prestations. C'est par trop simpliste !

Mme Bugnon a parlé uniquement du bâtiment. Je lui réponds que les problèmes de l'AI sont aussi ceux de l'industrie et d'autres métiers qui lui sont assimilables.

Les rentes AI sont fort modestes et, dans certains cas, n'assurent pas un revenu suffisant. Aussi risquent-elles d'engendrer des effets sociaux pervers et dangereux dans la situation économique actuelle.

Indiscutablement, ce déficit peut être maîtrisé à l'aide d'autres moyens. Par exemple, la presse a relaté l'idée de plusieurs parlementaires de faire appel aux réserves de l'assurance-perte de gain, comme l'a relevé M. Champod, afin de financer une nouvelle assurance-maternité.

Monsieur Champod, je serais prêt à vous rejoindre sur ce point si la solution du problème de l'assurance-maternité était proche. Comme ce n'est pas le cas, nous ne pouvons plus attendre, car le déficit de l'AI ira s'amplifiant.

Nous devons être réalistes. L'emploi doit être soutenu à court terme, et non à moyen ou à long terme. Les entreprises ploient sous l'accumulation des charges et les réserves de l'assurance-perte de gain suffiraient à combler le déficit de l'AI.

Cette mesure devrait s'accompagner d'une surveillance des dépenses et de la recherche sérieuse des causes de l'augmentation des cas d'invalidité. Nous l'avons dit et je le répète : nous devons revoir ou la composition de la commission d'attribution de l'AI ou les considérants réels de ladite assurance. Les études menées jusqu'à présent ne sont pas assez poussées, parce que basées sur les résultats de 1990 à 1993. Depuis, l'évolution économique a totalement changé la donne et c'est pourquoi le déficit de l'AI ne cesse d'augmenter fortement.

Nous ne pouvons donc pas nous fier à des statistiques remontant aux années 1990/1993. Nous devons étudier les résultats des années suivantes, et c'est la raison pour laquelle je demande le renvoi de cette résolution au Conseil fédéral, afin qu'il se penche à nouveau sur le problème des pertes de l'assurance-invalidité.

Monsieur Vaucher, vous avez raison : les cas d'invalidité sont trop nombreux dans ce pays, et il faut s'interroger sur leur augmentation, inconnue durant les années de croissance économique et de plein emploi.

A l'époque, les personnes de santé fragile pouvaient trouver un emploi, même irrégulier. En changeant d'employeur, elles retrouvaient un travail et se débrouillaient ainsi.

Vos théories sur la concurrence accrue, sur la libéralisation à tous crins, ont entraîné une modification fondamentale du marché de l'emploi et les personnes que je citais en sont définitivement exclues. De fait, ce sont les entreprises de ce pays qui «externalisent» les coûts.

Ce faisant, on devra payer la facture à moyen ou à long terme, qu'on le veuille ou non.

M. Vaucher fait la même constatation. Il relève que les cas d'invalidité sont trop nombreux, mais déclare ne pas vouloir payer la facture. Non seulement les valeurs économiques que vous prônez, Monsieur Vaucher, contribuent à l'accroissement des cas d'invalidité, mais vous ne voulez pas payer pour leurs conséquences.

Vous demandez au Conseil fédéral de «trouver les causes réelles d'augmentation des cas d'invalidité afin de maîtriser les dépenses...». Vous auriez pu lui demander de déterminer les causes, afin qu'il y ait moins d'invalides dans ce pays. Mais ce ne sont pas les invalides qui vous intéressent, Monsieur Vaucher, c'est la caisse de l'AI à laquelle les entreprises de ce pays devront passer pour «l'externalisation» de leurs coûts !

Vous semblez oublier que l'invalidité ne se résume pas à une simple attribution de rente. Elle doit s'accompagner de mesures de réadaptation. Malheureusement, l'AI constate, aujourd'hui, que ces mesures ne peuvent déboucher sur des emplois, le marché du travail devenant de plus en plus compétitif, sélectif et exigeant. Par conséquent, ne vous étonnez pas de l'augmentation des rentes !

Laissez-moi doucement sourire à propos de vos 400 millions de déficit de l'AI. C'est une petite plaisanterie ! Laissez-moi les mettre en parallèle avec le coût, par exemple, d'un seul FA 18 de 100 millions. Ce déficit équivaut au coût de quatre FA 18, Monsieur Vaucher ! Quand il s'agissait de dépenser pour ce genre d'objets, vous appeliez à voter oui sans états d'âme. Eh bien, Monsieur Vaucher, c'est sans états d'âme que nous disons non à votre projet de résolution.

Nous refuserons évidemment cette résolution.

Comme l'a dit Bernard Clerc, la motivation de M. Vaucher est uniquement financière.

Le trou de l'AI n'est pas de 400 millions, mais de 1,188 milliard, et c'est pourquoi vous êtes parti en guerre, Monsieur Vaucher.

Nous refuserons votre résolution pour trois raisons :

1. Elle enfonce des portes ouvertes.

2. Elle témoigne d'une attitude scandaleuse à l'égard des femmes de ce pays.

3. Elle témoigne d'une attitude scandaleuse à l'égard des invalides.

Je confirme le chiffre de 1,188 milliard, et quand je dis que vous enfoncez des portes ouvertes, c'est parce qu'une vaste consultation de tous les milieux de ce pays a été lancée par le Conseil fédéral, afin de trouver des solutions pour boucher le trou de l'assurance-invalidité et définir ce que l'on fera à l'avenir.

Deux solutions sont d'ores et déjà prévues pour combler le déficit de l'AI :

1. Eliminer la dette sur une longue période s'étendant de 2002 à 2005 par le déplacement du capital comptabilisé dans les allocations pour perte de gain vers l'assurance-invalidité et l'assurance-maternité, moyennant une modique augmentation de 2% des cotisations; procéder à une sixième révision des allocations pour perte de gain.

2. L'utilisation quasi totale du capital des allocations APG pour un transfert vers l'assurance-invalidité, moyennant une augmentation de 1% des cotisations. Il n'y aura pas de révision des APG et aucun transfert vers l'assurance-maternité.

Et c'est là que je vous trouve scandaleux à l'égard des femmes, Monsieur Vaucher ! Cette assurance-maternité est attendue depuis des dizaines d'années. Elle n'est pas encore née que vous lui coupez déjà les vivres ! C'est la solution que vous préconisez. Vous demandez à notre parlement de se prononcer, alors que toutes les associations, tous les grands mouvements, tous les partis politiques de ce pays sont consultés à ce sujet.

Ce n'est donc pas le moment d'indiquer une piste au parlement genevois.

Pour éviter un endettement supplémentaire, il est proposé de supprimer, par extinction, les rentes complémentaires pour épouses et les rentes complémentaires pour enfants, en dirigeant les cas difficiles vers les prestations complémentaires. Cela signifie que l'on tend à adopter un principe de charité.

On veut également supprimer, par extinction, les rentes de 25%. Autrement dit, faute de moyens, on veut abolir les petites rentes AI, ainsi que les subventions aux organisations de transports pour handicapés. Voilà vers quoi l'on va !

Monsieur Vaucher, vous nous demandez de choisir. Nous n'opterons en tout cas pas pour la solution qui exclut les femmes du système.

Quelque chose m'étonne encore dans ce que vous préconisez. Vous soutenez que les commissions cantonales devraient revoir leur système pour statuer sur le bien-fondé des demandes d'assurance-invalidité, ce qui laisse supposer un certain laxisme dans l'attribution des rentes AI. Et que penser de votre invite au Conseil fédéral «de trouver les causes réelles d'augmentation des cas d'invalidité...» ? On dirait une chèvre qui trouve des ciseaux !

Vous devriez connaître ces causes, puisque nous nous tuons à vous les expliquer ! Quand les affaires vont moins bien pour vous, qui êtes un entrepreneur, vous mettez des gens à la rue, vous les licenciez. Vous vous en sortirez toujours, votre petite vie suivra son cours. Et vous dites des travailleurs, que vous jetez dehors, qu'ils perdent l'habitude de travailler ! Quand les grandes entreprises délocalisent, elles laissent des dizaines et des dizaines de gens sur le pavé qui, sans emploi pendant plusieurs années, finissent par être atteints dans leur santé. C'est pour cette raison que les maladies psychiques ont tant augmenté.

Il y a autre chose à faire que de délocaliser. Si vous voulez qu'il y ait moins d'invalides dans ce pays, il faut ramener l'horaire de travail hebdomadaire à trente-deux heures et ne plus exiger des cadences incroyablement élevées...

La présidente. Vous avez épuisé votre temps de parole, Monsieur le député.

M. René Ecuyer. Je conclus, Madame la présidente. Vous accusez ces commissions cantonales de laxisme. Je vous assure, Monsieur Vaucher, qu'il est très difficile de toucher une rente AI, puisque, même dans votre cas, elle ne vous serait pas versée ! (Rires.)

L'intervention de M. Vaucher m'inspire quelques remarques.

Vous dites, Monsieur Vaucher, que Genève est le canton qui compte le plus de cas d'AI. Je tiens à vous rappeler une statistique de l'OFAS, sortie au début de cette année, qui donne le pourcentage des bénéficiaires de prestations AI par rapport à la totalité de la population. On constate qu'il est de 4% à Genève, c'est-à-dire légèrement supérieur à la moyenne suisse qui est de 3,8%, mais de loin inférieur au pourcentage de tous les autres cantons romands, ainsi que le Tessin et Bâle-Ville; ce dernier caracole en tête avec 6,3%.

Il est vrai que les coûts de la santé sont très importants à Genève, mais, en ce qui concerne les bénéficiaires de l'AI, nous constatons que notre canton, pour une fois, se trouve dans la moyenne suisse.

Je ne veux pas m'étendre sur les diverses origines des cas d'invalidité, mais, de grâce, sortons de la causalité simpliste ! Le travail y est pour une partie, mais d'autres facteurs, culturels et psychiques, ont également des répercussions sur le plan physique. A ce stade, je pense que le type d'approche médicale, essentiellement basé sur la médecine technique, n'est peut-être pas le plus efficace. Cela soulève toute la question de la pratique et de la formation médicales.

Dans une de vos invites, Monsieur Vaucher, vous demandez grossièrement de revoir le financement et les prestations. Comme l'a dit M. Ecuyer, tout un travail, en la matière, se fait au niveau fédéral, un travail concernant l'ensemble du financement des assurances sociales. Je ne crois pas, Monsieur Vaucher, qu'il est possible d'aborder séparément une assurance sociale, à moins d'une motivation extrêmement sérieuse, et la vôtre ne l'est pas. Quelle soit renvoyée ou non, votre résolution ne contient strictement rien qui puisse changer quoi que ce soit au niveau fédéral.

Monsieur Vaucher, vous et vos associés avez certainement reçu, en début d'année, le rapport intermédiaire sur l'AI, l'AVS, etc. Vous vous êtes donc rendu compte du travail effectué. Dès lors, pensez-vous sincèrement que votre résolution y changera quoi que ce soit ? Non !

Je comprends votre désarroi, Monsieur Vaucher. C'est un cri du coeur, mais ce n'est pas un cri du coeur qui fera évoluer les choses, raison pour laquelle je vous demande de retirer votre résolution, parce qu'elle ne sert vraiment à rien.

Après avoir entendu ce qui vient d'être dit, je répondrai ceci :

M. Clerc, assez curieusement, compare les coûts de la santé, de l'AI et, si j'ose dire, des invalides, à celui des avions achetés pour l'armée. Permettez-moi de dire que ce sont des bassesses de très mauvais goût.

Quand M. Ecuyer a le culot d'affirmer que je mets des gens à la rue, je ne puis que lui conseiller d'aller frapper à une autre porte que la mienne ! Si quelqu'un se préoccupe du social avant toute autre personne, c'est bien moi, Monsieur Ecuyer ! Je n'ai mis personne à la rue. Lors de mes réductions de personnel, tous mes hommes ont été placés dans d'autres entreprises, aux mêmes conditions que chez moi. Alors, adressez vos reproches à d'autres, mais ne me jetez pas n'importe quoi à la figure, en toute méconnaissance de cause ! Je suis vraiment le premier à être particulièrement concerné par le social.

M. Ecuyer et le Dr Saurer - je dis «docteur», puisqu'il s'exprime en sa qualité de médecin et non de député - parlent du travail fait au niveau du Conseil fédéral. J'en suis parfaitement conscient, mais je réagis au vu de la lenteur de ces études et de la rapidité de l'évolution de l'AI.

Je vous rappelle ce que j'ai dit tout à l'heure, Messieurs Clerc et Ecuyer : le financement est une chose, certes, mais l'on ne pousse pas suffisamment l'étude relative au recyclage des invalides et à leur réadaptation au travail. On pourrait approfondir davantage la question.

Ma résolution pourra inciter le Conseil fédéral à activer les études en cours à ce jour. Je vous remercie de l'accepter et de la renvoyer au Conseil fédéral.

La proposition de résolution est mise aux voix.

Le résultat est douteux.

Il est procédé au vote par assis et levé.

Le sautier compte les suffrages.

Mise aux voix, cette proposition de résolution est rejetée par 39 non contre 35 oui.

En date du 27 mars 1995, la commission des pétitions, sous la présidence de Mme Liliane Johner, a pris connaissance d'une pétition adressée au Grand Conseil par Mme Christiane Charbonney à propos du non-respect des engagements pris par Transport-Handicap, signée par la pétitionnaire.

PÉTITION

concernant le non-respect par Transport-Handicap de ses engagements pris devant votre commission des pétitions

Pour l'historique de ma démarche, je me réfère à ma précédente pétition, ainsi qu'au rapport de la commission des pétitions, du 31 janvier 1995 (P 1047-A).

Le problème litigieux est le suivant :

Lors de leur audition devant la commission des pétitions, les représentants de Transport-Handicap, à savoir Mme Cécile Perréard, présidente, et M. Pierre Marti, vice-président, ont clairement mentionné qu'en ce qui me concerne, j'aurai encore droit aux transports de Transport-Handicap «à raison de quatre fois par semaine, soit une trentaine de fois par mois, y compris en 1995» (page 3 du rapport de la commission - au bas de la page).

Dans la conclusion de son rapport, votre commission des pétitions mentionne également que la «commission a été soulagée d'apprendre qu'il n'est pas question d'exclure Mme Charbonney et que cette association continuera à lui assurer une trentaine de transports par mois ( 4 déplacements aller et retour par semaine)» (page 4 du rapport - Discussion).

Vu que, le 27 février, une collaboratrice de Transport-Handicap m'a refusé un transport, j'ai écrit le 10 mars 1995 àMme Cécile Perréard, présidente de la fondation Transport-Handicap, en lui rappelant ses engagements pris devant votre commission des pétitions (voir annexe 1).

Or, dans sa réponse du 15 mars 1995, Mme Perréard affirme, à ma grande stupéfaction, que les «quatre déplacements par semaine sont deux allers et deux retours comme pour tous nos autres clients» (voir annexe 2), ce qui donne, si je sais bien compter,16 transports par mois. On est donc loin des 30 transports promis.

Le problème est donc le suivant: soit les représentants de la fondation Transport-Handicap ont déclaré devant votre commission des pétitions que ladite fondation m'assurait16 transports par mois et les députés de la commission des pétitions ont compris 30 transports, soit la présidente et le vice-président de Transport-Handicap ne se souviennent plus d'une déclaration qu'ils ont faite devant la commission des pétitions lorsqu'il s'agit de les mettre en pratique.

Ayant absolument besoin de ces transports, je vous remercie de bien vouloir examiner encore une fois mon problème et je vous prie d'agréer, Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, l'assurance de ma considération distinguée.

Christiane Charbonney

19, chemin Salomon-Penay

1217 Meyrin

Transport-Handicap confirme que les transports ont toujours été facturés et payés par course, comme le font les taxis et non par aller-retour.

Les deux aller et retour par semaine ne sont que pour les loisirs, les courses médicales sont illimitées. Mme Christiane Charbonney est tout à fait en possession de ces données. Le problème est donc résolu.

Il n'y a pas eu d'audition pour cette pétition, tout avait été dit dans le rapport de pétition 1047-A, par les personnes auditionnées.

Discussion

Lors de la discussion, les commissaires ont estimé que la pétition 1069 n'apporte aucun fait nouveau. Peut-être faut-il répéter pour expliciter davantage les choses que, lorsqu'on veut se déplacer puis revenir à domicile, qu'il s'agisse de Transport-Handicap ou d'un taxi, il y a bien deux courses pour le client et le transporteur.

Lorsque Transport-Handicap accepte pour des courses loisirs de prendre en charge Mme Charbonney, deux fois par semaine, elle bénéficie donc de deux aller et de deux retour, soit au total 4 courses.

Le décompte des transports tel que suggéré par Transport-Handicap répond aux conclusions du rapport du 31 janvier 1995 sur la pétition 1047.

Les commissaires soulignent que les transports médicaux ne sont pas limités, il ne s'agit donc ici que des transports loisirs.

Enfin, la commission vient d'apprendre que l'OFAS (office fédéral des assurances sociales) a édicté des nouvelles normes selon lesquelles les courses loisirs ne sont plus remboursées, ce qui correspond, pour Transport-Handicap, à une diminution de la subvention d'environ 760 000 F par an.

Transport-Handicap sera donc obligé de prendre un certain nombre de décisions restrictives et de faire un choix afin d'équilibrer les comptes.

Conclusion

Compte tenu de ce qui précède et à l'unanimité des commissaires présents, la commission vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, de déposer la pétition 1069 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement.

Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.

Le vendredi 18 octobre 1996, la commission de la santé, réunie sous la présidence d'Andréas Saurer, a interrompu ses travaux sur le projet de la loi 7444, pour étudier la pétition 1112 concernant la reconnaissance de l'étiopathie. L'Association suisse des étiopathes (ci-après ASE), qui est présente surtout à Genève, aimerait que le canton intervienne auprès des autorités fédérales dans le but d'apporter quelques modifications à la LAMal à l'OAMal. Elle désire que sa profession soit reconnue et autorisée à exercer sans passer par une prescription ou une ordonnance du corps médical. Concrètement, les étiopathes désirent le même statut que les chiropraticiens et les sages-femmes.

La pétition 1112 est signée par 7 528 personnes, dont 80% sont domiciliées à Genève. L'ASE s'associe pleinement à cette pétition.

Nous avons auditionné lors de cette séance les personnalités suivantes:

- Me Guy Fontanet, signataire de la pétition et avocat de l'ASE;

- M. Pierre Bédat, président de l'ASE;

- M. Philippe Louvrier, secrétaire de l'ASE;

- M. Gérard Lapertosa, directeur du centre d'étiopathie, établissement privé d'enseignement situé à Genève.

Ces auditions se sont déroulées de manière très courtoise et ont permis aux commissaires de se faire une idée de cette thérapie encore peu connue.

M. Bédat explique que l'étiopathie est une médecine manuelle et manipulatrice qui vise à réduire un état de structure du corps, qui s'exprime par une réduction de la motricité. L'école a été créée à Genève en 1967 et autorisée officiellement par le département de l'instruction publique (DIP) en 1983. Elle reçoit en permanence 100 étudiants, dont beaucoup sont étrangers et la grande majorité physiothérapeutes.

Me Fontanet nous apporte le témoignage de plusieurs guérisons attribuées à l'étiopathie.

M. Lapertosa explique que les étiopathes ne soignent pas une maladie, mais redonnent une autonomie et une résistance, ils corrigent des défauts palpables. Ils dont donc utiles, voire indispensables, mais quoi qu'il en soit complémentaires.

Au sujet de la formation des étiopathes, M. Lapertosa explique que la formation dure 5 ans, soit 1 400 heures de cours. Entre les stages, les étudiants ont l'occasion de se perfectionner et d'utiliser leur savoir.

Les étudiants doivent au préalable avoir une formation dans le domaine de la santé, c'est pourquoi la plupart sont physiothérapeutes, car la structure de l'école ne permet pas actuellement de recevoir des élèves sans formation paramédicale. Chaque commissaire reçoit une brochure de l'ASE qui lui permet de comprendre les bienfaits et les limites de l'étiopathie.

A la question de savoir ce que l'ASE attend de sa reconnaissance, M. Bédat répond qu'il désire que les services rendus par cette profession dans la santé publique soient reconnus et, par extension, que ses représentants puissent être consultés à Berne dans des cas tels que la révision de l'OAMal. Il rappelle que le remboursement des séances d'étiopathie n'est pas une priorité dans leur action. M. Lapertosa ajoute que ce remboursement n'est pas un voeu des étiopathes, mais de leurs patients. Le président avoue ne pas très bien comprendre. L'ASE veut-elle obtenir un statut identique aux physiothérapeutes ou alors aux chiropraticiens ou ni l'un ni l'autre? M. Bédat répond que les étiopathes désirent être indépendant de toute prescription médicale. La médecine traditionnelle connaît mal l'étiopathie. Il est donc difficile pour un médecin de raisonner en termes de sensations et de lésions étiopathiques et d'envoyer ses patients vers cette pratique. Me Fontanet ajoute qu'il n'y a jamais eu d'accidents en étiopathie. L'ASE veut une reconnaissance officielle afin d'accroître sa crédibilité.

Nous avons entendu ensuite le Dr Georges André Davoine, secrétaire du Groupe des rhumatologues. M. Davoine explique que le Groupe des rhumatologues a été informé de la pétition 1112 suite à un envoi d'informations et une demande de soutien de la part de l'ASE. Après discussion, le Groupe des rhumatologues a décidé de désapprouver globalement la pétition des étiopathes. Les rhumatologues connaissent les méthodes et la formation des étiopathes. Celles-ci ne leur permettent pas de poser et d'affiner un diagnostic. C'est une pratique complémentaire parmi d'autres. Mais eux n'ont pas la possibilité de choisir des alternatives à leurs traitements. Par contre, le Groupe des rhumatologues leur a également répondu qu'ils souhaitent poursuivre une collaboration avec eux. Ils possèdent un apport technique intéressant. Ils devraient aller vers la faculté et s'intégrer dans la mouvance actuelle. M. Davoine dit qu'il collabore avec des physiothérapeutes qui sont étiopathes et apprécie leur apport. Mais c'est un choix parmi d'autres techniques et l'étiopathie devrait se pratiquer après l'obtention d'un autre diplôme médical reconnu.

M. Davoine explique que le problème central est la garantie de la qualité des soins, et donc de la formation. Si n'importe qui peut faire n'importe quoi et n'importe où, il n'y a plus aucun critère de garantie. Les étiopathes doivent créer une structure acceptable par la faculté. Le médecin traitant est un chef d'orchestre qui doit connaître ses instruments. Les acupuncteurs, comme les homéopathes, ont réussi à se faire accepter dans de nombreuses régions par la médecine traditionnelle. La médecine n'est pas sectaire, elle demande seulement des gages de qualité et de sérieux avant de collaborer avec une pratique étrangère à sa formation.

C'est dans sa séance du vendredi 15 novembre que la commission reprend ses travaux sur la pétition 1112 sous la présidence de Mme Claude Howald en présence de M. François Longchamp, secrétaire général du département de l'action sociale et de la santé (DASS).

M. Longchamp ne voit aucun problème au fait que l'étiopathie soit une spécialisation pour les physiothérapeutes et les chiropraticiens. Par contre, l'exercice de l'étiopathie sans formation paramédicale préalable pose un problème de santé publique sérieux et évident. Il rappelle que ce problème n'est pas seulement soulevé par l'étiopathie, mais aussi par d'autres thérapies. Il signale aussi que la LAMal est exclusivement du ressort fédéral. Le catalogue des prestations reconnues est le même partout. Une résolution cantonale n'aura donc aucune incidence. Plusieurs commissaires pensent que les étiopathes demandent le même statut que les chiropraticiens, mais qu'ils n'ont pas la même formation et que leur requête va beaucoup trop loin.

Ils pensent aussi qu'ils devraient clarifier leur positionnement au sein des professions de la santé ainsi que reformuler leur pétition qui est confuse. Ils passent par le niveau cantonal pour résoudre une requête au niveau fédéral (participer au groupe de travail de la LAMal), tout en affirmant qu'ils ne sont intéressés à figurer ni parmi les prestataires remboursés par la LAMal ni au sein de la liste des professions de la santé à l'article 3 de la loi cantonale K 3 1. De plus, ils n'ont pas les moyens de leurs ambitions: offrir une formation complète et indépendante d'étiopathie. Ce manque de clarté dérange les commissaires.

Plusieurs commissaires pensent que dans l'état actuel des choses, l'étiopathie devrait être réservée aux physiothérapeutes et pourrait être une formation post-graduée enseignée à l'école de physiothérapie et que les étiopathes devraient être soumis aux mêmes conditions que les physiothérapeutes et travailler d'après une ordonnance médicale. Cela correspond d'ailleurs à la situation actuelle.

Nous entendons ensuite Mme Jacqueline Robert, présidente de l'association des chiropraticiens au niveau genevois et vice-présidente au niveau suisse. La chiropractie est une médecine physique qui n'utilise ni la chirurgie, ni la pharmacologie. Le chiropraticien est indépendant du médecin traditionnel. Il a le devoir de poser un diagnostic dont il est responsable. Mme Robert résume les huit ans de formation nécessaires pour obtenir le titre de chiropraticien. La formation nécessite un certificat de maturité, un premier propédeutique de médecine, un examen de sciences de base, dix semestres de formation dans un institut reconnu, deux ans d'assistanat, un examen final effectué à l'hôpital par des représentants de la médecine traditionnelle et de la chiropractie.

Nous entendons encore M. Robert, directeur de l'institut de chiropractie de Berne. M. Robert commente un passage de l'information écrite distribuée par l'ASE aux commissaires. Ce passage explique que l'étiopathie a une action sur tout le système du corps humain. Pour M. Robert, cette vision systémique est aujourd'hui anachronique. Elle correspond à l'esprit de la chiropractie du début du siècle, qui depuis a été corrigée pour gagner en efficacité. Pour M. Robert, la présentation de l'ASE se réfère à la chiropraxie et à l'ostéopathie. Il ne voit pas ce que l'étiopathie apporte de plus aujourd'hui. Il reconnaît que l'éthiopatie possède ses propres outils, mais il ne voit pas comment son approche réductionniste et extramédicale peut être responsable de diagnostics. En tant que chercheur et enseignant, il estime que les étiopathes ne possèdent ni une structure théorique suffisante pour aller de l'avant, ni une formation suffisante pour être des thérapeutes de premier contact.

A la suite de ces auditions, toutes très instructives, les commissaires ont été partagés entre deux impressions:

1. La nécessité de donner la possibilité à des thérapeutes qui obtiennent des résultats certains dans le traitement de nombreuses maladies, la possibilité d'exercer leur art et de faire bénéficier les malades de cette thérapie encore insuffisamment connue.

2. D'autre part, l'impression que les étiopathes n'ont, malgré le sérieux de leur formation, pas toutes les connaissances indispensables à l'établissement d'un diagnostic et qu'il serait parfois dangereux qu'ils puissent effectuer des traitements sans surveillance médicale.

Les commissaires désirent faire une analogie avec ce qui se passe en psychiatrie. Depuis longtemps, il existe une augmentation des techniques et des traitements (psychologie, psychothérapie, etc.). Mais le critère de détermination reste le cadre de formation. Mme Robert est tout à fait d'accord et rappelle que les psychologues passent tous par l'université et travaillent donc sur la base d'une formation sérieuse. Mais le bac n'est pas une nécessité pour les techniques de manipulation corporelle.

Les commissaires pensent qu'un système identique à celui appliqué à la psychologie permettrait de résoudre le problème de la médecine manipulatrice et insistent sur la nécessité d'une formation de base commune. Ainsi les critères scientifiques seraient établis.

Un commissaire propose, en sus du dépôt de la pétition, une motion allant dans ce sens.

La commission vote à l'unanimité le dépôt de la pétition 1112 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement.

Nous pensions avoir fait le tour du problème, mais les commissaires ont reçu une lettre de l'ASE datée du 19 novembre 1996. Cette lettre nous demandait de ne pas prendre de décision à la hâte et désirait nous apporter quelques précisions:

1. Il peut sembler que le fait que le remboursement de nos traitements ne soit pas notre priorité, puisse faire passer l'étiopathie pour une médecine de riches. Le fait que le remboursement ne soit pas notre premier but n'empêche pas que celui-ci constitue notre objectif final et avoué.

2. Il nous paraît également que nous ne serons jamais reconnus à Berne si le canton qui abrite à la fois notre centre de formation et la majorité de nos praticiens ne nous aide pas à définir le code légal qui nous permettrait d'exister et d'exercer officiellement sur son territoire.

3. Si une place dans la loi nous paraît indispensable, elle doit se signer dans le titre «Autres professions dans le domaine médical», aux côtés des chiropraticiens dont nous demandons les mêmes droits et les mêmes devoirs sans réclamer pour autant les mêmes prérogatives. Si nous demandons le droit de continuer à exercer, nous ne demandons ni de pouvoir signer des arrêts de travail ni de faire des radiographies ou de prescrire quelque autre thérapie que ce soit.

4. Nous demandons que les responsables politiques et médicaux élaborent le catalogue des exigences requises pour que notre formation, puis enfin notre profession, soient reconnues. L'ASE mettra ensuite tout en oeuvre pour effectuer les rapprochements nécessaires et souhaités envers la faculté de médecine, ainsi que les modifications inévitables de sa forme d'enseignement. Elle désire enfin, car elle le mérite, qu'un organisme extérieur évalue la validité et la spécificité tant conceptuelle que technique de sa pratique quotidienne.

Dans sa séance du 22 novembre, la majorité des commissaires a estimé que cette lettre ne comprenait pas d'éléments nouveaux qui pourraient modifier notre avis et qu'il ne fallait pas rouvrir le débat, qui était clos depuis notre vote du 15 novembre.

J'ajoute que sous l'excellente présidence de M. Saurer, puis de Mme Howald, les débats se sont déroulés de manière très sérieuse et courtoise. Quelles que soient leur appartenance politique et leur formation professionnelle, les commissaires n'ont eu d'autres préoccupations que celle de servir l'intérêt de nos concitoyens dont les difficultés de santé réclament les soins appropriés à leur état.

Débat

L'étiopathie du grec «aitia» - cause - et «pathos» - souffrance - est une méthode de médecine naturelle à base de manipulations; elle est fondée sur l'origine de la douleur.

Alors que beaucoup d'entre nous souffrent, présentent souvent des douleurs causées par un vide, par des bleus à l'âme, du stress ou de l'angoisse, pourquoi ne pas accepter cette approche de la médecine douce ? Pourquoi ne pas reconnaître les étiopathes qui, après un cursus de physiothérapeute, se sont spécialisés dans cette approche spécifique ? Pourquoi ne pas officialiser leur situation professionnelle en les enregistrant dans la loi sanitaire genevoise ? Pourquoi pas, puisque cent septante médecins, dont certains députés, ainsi que quarante grandes caisses maladie reconnaissent la spécificité et la valeur de l'étiopathie ?

La commission ayant décidé du classement de cette pétition, nous ne pouvons qu'espérer que le temps donnera raison à ces professionnels de la santé globale.

Quelles que soient les conclusions de la commission, je trouve intéressant de relever que les étiopathes démontrent, depuis trente ans, leur aptitude à s'occuper de certains problèmes de santé.

Ils ont soigné plus des 10% de la population genevoise. Hormis le nombre important de patients reçus, l'intérêt de la discipline réside dans le genre des affections soignées. Ce sont des troubles fonctionnels face auxquels la médecine traditionnelle est bien souvent démunie. Dans ces cas, l'étiopathie propose des solutions simples, efficaces, rapides, sans effets secondaires indésirables et peu onéreuses.

Souvent, il est même logique de commencer avec cette thérapie avant de se soumettre à des examens exploratoires, longs et coûteux. L'étiopathie est une technique préventive de choix.

Les étiopathes occupent une place spécifique et incontournable dans le paysage sanitaire genevois; ils ne remplacent personne et personne ne les remplace.

La commission de la santé a décidé de rejeter la demande des étiopathes. A mon avis, il ne faut pas ignorer, ni enterrer ce dossier. Les étiopathes prodiguant des soins d'une qualité d'ores et déjà reconnue, il faudra, tôt ou tard, leur octroyer un statut digne du service qu'ils rendent à la collectivité.

Le problème n'est pas la reconnaissance ou la non-reconnaissance de la pratique des étiopathes, mais bien la formation de ces derniers.

Au niveau médical, nous sommes tous d'accord que l'étiopathie, en tant que spécialité de la physiothérapie, ne pose aucun problème.

Mais que requiert la pétition ? Elle requiert que les gens puissent devenir des étiopathes sans passer par une formation de physiothérapeute ou d'infirmier. Et c'est cela qui ne va pas !

Par conséquent, je vous demande un minimum de cohérence par rapport à la formation des professionnels de la santé. Il faut bien différencier la formation de base de celle des sous-spécialités.

Les étiopathes ont dit, en commission, n'avoir pas de formation de base. Par conséquent, ils ne peuvent pas, étant sans formation, nous demander l'octroi du titre d'étiopathe. C'est aussi simple que cela !

S'ils suivaient une école, il n'y aurait aucun problème. Madame de Tassigny, vous qui travaillez dans les secteurs social et de la santé, vous devriez savoir qu'une formation de base est essentielle et qu'on ne peut pas la supprimer.

C'est pour cette raison que nous avons demandé le classement de la pétition et de ne pas la renvoyer au Conseil d'Etat.

Un autre argument a joué en la défaveur des étiopathes auditionnés en commission. Ils avaient non seulement une formation qui nous a semblé inadéquate mais, en plus, ils avaient une exigence inacceptable.

Ils demandaient, par exemple, de pouvoir recevoir des patients sans passer par un médecin, ce que les physiothérapeutes ne sont même pas libres de faire. Ils estimaient qu'un médecin n'était pas capable de déterminer si le patient avait besoin ou pas d'un étiopathe.

Cela nous a semblé inacceptable, un physiothérapeute ne pouvant recevoir ses patients que sur ordonnance médicale; en tout cas si l'on veut que la prestation soit remboursée par les caisses.

La commission s'est inquiétée du fait que des gens malades consultent non pas un médecin mais un étiopathe qui ne fait aucune radiographie, aucune analyse sérieuse, et applique à tout le monde les mêmes manipulations. Si cela réussit à certains, cela met aussi la santé d'autres patients en danger.

C'est pourquoi nous avons été très prudents. Nous reconnaissons la qualité évidente de certains traitements des étiopathes, mais ils doivent être appliqués sous le contrôle d'un médecin.

Mises aux voix, les conclusions de la commission de la santé (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.

 

La séance est levée à 23 h 10.