République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1059
9. Proposition de motion de Mmes et MM. Roger Beer, Thomas Büchi, Hervé Dessimoz, Daniel Ducommun, Michel Ducret, John Dupraz, Pierre Froidevaux, Elisabeth Häusermann, Pierre Kunz, Gérard Laederach, Bernard Lescaze, David Revaclier, Marie-Françoise de Tassigny, Jean-Philippe de Tolédo et Michèle Wavre concernant l'introduction du bilinguisme à l'école. ( )M1059

LE GRAND CONSEIL,

considérant:

- l'importance accrue de la connaissance des langues;

- le rôle de l'école dans l'apprentissage des langues;

- la possibilité d'améliorer l'efficacité de l'école publique genevoise dans ce domaine,

invite le Conseil d'Etat

à préparer l'introduction dans nos écoles de l'apprentissage d'une deuxième langue selon le principe de l'immersion partielle précoce.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Personne ne conteste la nécessité de connaître deux ou trois langues, désormais, dans un monde où les relations se multiplient et se resserrent, dans une Europe qui s'intègre économiquement et politiquement, dans une Suisse quadrilingue, et à Genève, ville internationale !

Genève entend bien rester cette ville ouverte au monde puisque sa tradition le lui ordonne et que sa prospérité tient à cette ouverture. Et Genève doit encore s'affirmer davantage dans les affaires de la Suisse, tant sur le plan politique qu'économique.

La connaissance des langues est un élément clé de cette capacité d'ouverture et d'intégration.

Pourtant, malgré la qualité de notre enseignement public, malgré le nombre de leçons dispensées aux écoliers et aux jeunes étudiants de notre canton, il faut bien reconnaître que les capacités linguistiques de nos jeunes sont encore faibles à la fin de la scolarité obligatoire et pourraient être bien meilleures à la fin des études secondaires supérieures.

«Pour illustrer le manque d'efficacité de l'enseignement des langues dans le système scolaire actuel» - avance un spécialiste de cette question -, «il suffit de considérer que l'on dispense en Suisse romande jusqu'à l'examen de maturité un total de quelque 1500 heures d'allemand pour parvenir, en gros, au niveau du Zertifikat Deutsch als Fremdsprache, alors que les écoles privées atteignent le même résultat en quatre fois moins de temps, c'est-à-dire après quelque 400-500 heures d'enseignement de type intensif».

Il ne s'agit donc pas d'augmenter la part dévolue à l'apprentissage des langues dans notre école publique, en nombre de leçons, mais d'envisager d'autres manières de faire acquérir au plus grand nombre de meilleures connaissances d'une autre langue en tout cas, et même de deux autres langues - langues que nous n'appellerons plus «étrangères» puisque plus rien, en effet, ne peut nous être étranger en Europe, mais «langues-partenaires» ou «langues secondes», sont la terminologie proposée.

Or, il est désormais avéré qu'une deuxième langue s'apprend le mieux lorsqu'elle est découverte et pratiquée dès l'enfance, naturellement.

L'apprentissage d'une deuxième langue à l'école,

- par immersion, c'est-à-dire grâce à l'enseignement de diverses matières scolaires donné dans la deuxième langue;

- par immersion partielle, c'est-à-dire dans un enseignement donné en partie dans la langue du lieu et en partie dans la deuxième langue;

- et par immersion partielle précoce, dès les premiers pas de l'enfant à l'école,

se révèle être l'apprentissage qui utilise au mieux les potentialités de l'être humain.

De nombreuses expériences en font foi, au Canada, où l'enseignement bilingue se pratique depuis un quart de siècle, dans différents pays européens, et déjà aussi en Suisse, notamment dans les cantons de Fribourg et du Valais. Ces expériences sont concluantes.

Notre canton n'est certes pas un canton bilingue, au sens où le sont les cantons précités, mais c'est un canton où une grande part de la population est d'une langue maternelle autre que le français. C'est aussi le canton qui abrite les organisations internationales que l'on sait, dont la vie économique est dominée par le secteur tertiaire, celui des services, des communications.

Développer l'apprentissage des langues dans nos écoles par des méthodes reconnues comme étant plus efficaces est donc une nécessité. C'est donner à nos jeunes qui arrivent sur le marché de l'emploi un atout important, immédiatement disponible; c'est offrir aux habitants de notre ville une plus grande convivialité. C'est aussi, probablement, donner une plus grande chance à un plus grand nombre d'élèves de progresser dans leurs études avec succès.

De nombreuses voix se sont déjà fait entendre, dans notre pays, qui encouragent l'engagement de projets d'enseignement bilingue: ainsi la commission du Conseil des Etats instituée au lendemain du vote sur l'EEE, dans son rapport du 22 octobre 1993; l'initiative parlementaire déposée le 18 décembre 1992 par 28 conseillers nationaux; la déclaration de la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l'instruction publique (CDIP) et des directeurs cantonaux de l'économie publique responsables de la formation professionnelle, du 2 mars 1995; sans compter la Commission romande pour l'enseignement de l'allemand (CREA), le Groupe romand pour l'enseignement bilingue (GREB), et l'Institut romand de recherches et documentation pédagogiques (IRDP), notamment.

L'introduction d'un enseignement bilingue doit être soigneusement préparée puisqu'elle implique un débat politique - en particulier pour déterminer quelle doit ou peut être la deuxième langue -, l'adhésion des parents et du corps enseignant, et parce qu'elle a des effets sur le recrutement des enseignants, l'aménagement du temps scolaire, etc.

Nous sommes d'avis que le moment est propice pour engager notre canton sur cette voie puisque, d'une part, il est procédé à une mise en place de nouvelles structures tant à l'école primaire qu'au secondaire supérieur et que, d'autre part, les corps enseignants vont bientôt devoir être largement renouvelés du fait de l'évolution des âges.

C'est donc maintenant, sans plus attendre, qu'il nous faut décider d'introduire l'enseignement bilingue, sachant que ses effets ne se feront pas sentir avant l'an 2010 au plus tôt.

Les longues expériences faites ailleurs et la présence, en Suisse romande, de spécialistes confirmés dans ce domaine doivent nous encourager à ne pas différer une décision qui contribuera à adapter, tout simplement, notre école à son temps.

Débat

Mme Elisabeth Häusermann (R). «Le chantier de l'école bilingue s'ouvre à Genève». «Swiss schools to go bilingual ?» Un constat, une question.

C'est avec le dépôt de la motion 1059 que le parti radical ouvre le débat sur une question fondamentale, celle de l'importance des langues dans un monde en constante évolution.

Nous ne proposons pas moins que l'introduction de l'apprentissage, à l'école, d'une deuxième, voire troisième langue pour certains, selon le principe de l'immersion partielle précoce. Je vous épargne un discours en suisse-allemand, j'essaierai de faire autrement ! (Brouhaha.)

Une voix. Oui, en suisse-allemand !

Mme Elisabeth Häusermann. Attendez, ça va venir ! Mesdames et Messieurs les députés, pour entrer dans le vif du sujet, nous allons nous livrer à un exercice d'immersion partielle, sans traduction. Vous pouvez vous imaginer de vivre une immersion totale au moment de déménager d'une région linguistique dans une autre. Le moteur accélérant le mouvement d'intégration et d'adaptation à une nouvelle situation sont votre motivation et votre volonté de réussir.

Todos hoy estamos de acuerdo que nuestros jovenes tienen que enfrentar muchos problemas al iniciar su carrera y que es preciso reforzar sus capacidades. El aprender idiomas también es muy importante en este respecto. (Brouhaha.)

Se è vero che non è necessario essere bilingue per affitare un appartamento o per fare compere a Ginevra, è ben vero che la conoscenza di lingue straniere è importantissima, direi quasi indispensabile per ottenere un posto di lavoro. A conferma delle mie parole basta aprire il giornale e guardare nell'apposita rubrica. Nel 70-80% dei casi la conoscenza di lingue straniere è come minimo di preferenza, spesso è indispensabile !

Denkt man zudem an den Fall der Berliner Mauer und die Oeffnung der osteuropäischen Länder, oder an die Globalisation der wirtschaftlichen Beziehungen, kann die Mehrsprachigkeit nur von allergrösstem Nutzen sein für ein besseres Verständnis zwischen den Bewohnern dieser Erde. (Brouhaha.)

M. Claude Blanc. Elle se prend pour le pape !

Le président. Poursuivez en français, Madame la députée, car on ne s'entend plus !

Mme Elisabeth Häusermann. Vous voyez à quel point la connaissance des langues est importante, Monsieur le président !

Une voix. Ah !

Le président. Le règlement stipule que vous devez vous exprimer en français, continuez !

Une voix. Où ça ?

Le président. Je ne sais pas, c'est une interprétation du règlement ! (Rires.) Poursuivez, s'il vous plaît !

Mme Elisabeth Häusermann. La Genève internationale, la Genève de la paix : cette Genève-là est capable de donner un signe !

Voici d'autres arguments en faveur de l'introduction du bilinguisme dans nos écoles :

- la Suisse est «quadrilingue» ou devrait l'être, surtout après le vote du «Sprachenartikel» du 10 mars 1996;

- l'ordonnance sur la nouvelle maturité (ORRM) demande aux cantons, entre autres, d'encourager l'acquisition de maturités bilingues (la mise en forme, par exemple, entre le collège français et le «deutsches Gymnasium» de Biel/Bienne entrera en vigueur à la rentrée scolaire 97/98);

- la nouvelle formation des enseignants, votée par ce Grand Conseil et le fait que le corps enseignant devra être renouvelé d'une manière assez conséquente d'ici dix à quinze ans permettront à eux seuls d'accélérer la mise en place d'un système de recrutement plus exigeant concernant les conditions d'entrée en formation.

La méthode est un enseignement selon les principes de l'immersion partielle, dans la «langue seconde» ou «langue partenaire» exclusivement, et ceci, sans aucun essai de traduction. On trouve des exemples, entre autres, à Monthey, Villars-sur-Glâne, Fribourg et au Tessin.

Nous proposons l'apprentissage d'une deuxième langue par nos élèves dès leurs premiers pas dans une institution publique, et de la même manière qu'ils apprennent leur langue maternelle (introduite au Canada en 1965 déjà, cette idée efficace et vérifiée est reprise par un grand nombre de pays). C'est cela l'immersion précoce.

Claude Hagège (vedette française en matière linguistique) rappelle que le bébé naît avec la faculté de distinguer tous les sons de toutes les langues et ce sont les aptitudes non stimulées qui se fossilisent peu à peu, et ce déclin devient, d'après lui, irréversible vers l'âge de 10 ou 11 ans.

L'immersion totale des Häusermann dans la langue de Molière n'était précoce que chez leurs enfants, d'où mon accent personnel... coloré de «schwiitzertüütsch»...

Mesdames et Messieurs les députés, les blocages sont dans les têtes et vous l'avez démontré tout à l'heure ! Les petits enfants ne les ont pas encore.

Nous avons délibérément laissé ouvertes un certain nombre de questions, dont la plus importante est de savoir quelle doit être, ou peut être, la deuxième langue, question qui peut se formuler au singulier ou au pluriel.

Cette question relève d'un débat politique, lequel doit être nourri de l'apport scientifique (en la matière - pédagogique et linguistique) et technique (organisation concrète d'un enseignement bilingue, recrutement et formation des enseignants, matériel d'enseignement, etc.).

Nous nous sommes bornés dans notre projet de motion à inviter le Conseil d'Etat à préparer l'introduction de l'apprentissage d'une deuxième langue par immersion partielle précoce, pour que cette idée rassemble tous ceux qui, dans ce Grand Conseil, où qu'ils soient assis, peuvent y souscrire d'emblée et pour que le département de l'instruction publique puisse de son côté se mettre au travail sans tarder.

En effet, il y a urgence à nous engager dans cette voie sans plus attendre :

- d'une part parce qu'un tel projet, même s'il était mis sur pied rapidement et de manière à satisfaire la majorité politique, ne pourra pas déployer ses effets avant de nombreuses années. Au mieux, les premiers élèves à quitter le cycle d'orientation avec une bonne maîtrise d'une deuxième langue le feront en 2010...

- d'autre part, je le répète, parce qu'il y a une opportunité particulière qui ne se représentera pas de sitôt : les corps enseignants actuels ont une moyenne d'âge élevée, et si les enseignants, du primaire à l'université, ont été peu nombreux jusqu'ici à partir à la retraite, c'est par centaines qu'ils quitteront d'ici peu l'instruction publique, chaque année, et c'est donc des centaines d'enseignants nouveaux, chaque année, qu'il faudra engager.

Nous sommes certainement tous convaincus de la nécessité de connaître deux langues au moins, trois si possible, pour des raisons tant politiques qu'économiques, culturelles, personnelles et conviviales.

L'apprentissage d'autres langues permettra un enrichissement personnel culturel éminent et c'est une autre raison encore pour vous proposer de soutenir notre motion. Jusqu'au jour où le département de l'instruction publique nous soumettra un projet, ce sont les associations de parents, de maîtres et d'élèves, les partis politiques, qui doivent approfondir leurs réflexions sur cette question et faire connaître leurs points de vue.

C'est un débat - je suis certaine que vous partagez cette opinion - de première importance pour notre société, pour notre cité, et pour que les jeunes de demain, à l'aube du XXle siècle, puissent être de leur temps.

Mme Liliane Charrière Urben (S). A parler d'immersion, il ne faudrait pas assister à une noyade !

Pour aller au fond, justement, je me demande quels sont les parents, le système éducatif, la communauté parlementaire ou la société qui refuseraient que ses membres, enfants, élèves, citoyens ne soient pas bilingues ? Ce voeu est cher à tous, et ceci, tous partis confondus. Nous souhaiterions que les enfants et nos citoyens soient bilingues.

Mais, il y a loin de la coupe aux lèvres ! J'en veux pour preuve une certaine confusion dans l'exposé des motifs de la motion. Je ne vous ferai pas un cours sur ce qu'est le bilinguisme, mais il est clair que le bilinguisme et l'enseignement d'une langue seconde recouvrent deux notions très différentes.

En effet, le bilinguisme est la capacité de comprendre et de s'exprimer dans une langue différente de celle parlée dans l'endroit où l'on se trouve. Tandis que l'enseignement d'une deuxième langue est une autre chose. C'est ce qui s'est fait jusqu'à maintenant avec l'allemand.

Si nous souhaitons vraiment oeuvrer auprès des élèves de Genève dès leur plus jeune âge dans le sens de l'enseignement des langues - il est vrai qu'un enfant a toutes les capacités pour apprendre une langue lorsqu'il naît; au fur et à mesure qu'il grandit, il sélectionne les sons nécessaires à l'apprentissage de cette langue et il évacue les autres; c'est une très bonne économie - il conviendrait de savoir qui choisira une langue seconde et laquelle pour Genève ?

Vous n'ignorez pas qu'environ 40% des enfants de Genève ne sont pas de langue maternelle française. Cela signifie qu'ils connaissent déjà une langue seconde. D'après ce que j'ai compris du texte qui nous a été lu, il pourrait s'agir d'une langue seconde nationale. Qui choisira ?

Le groupe socialiste n'a aucun a priori au sujet du choix de cette langue, peu importe que ce soit l'anglais, l'italien ou l'allemand, il ne retient que l'idée d'apprendre une langue seconde et se demande qui la choisira. Est-ce le département, qui en connaît un bout sur la question de l'enseignement des langues, ou les parents ?

Pour avoir travaillé pendant six ans dans le secteur des enfants non francophones, je sais que deux catégories de parents existent. D'un côté, ceux qui veulent s'intégrer à tout prix ! Ceux-là désirent que leurs enfants apprennent une autre langue, par exemple, l'allemand qui fait partie du cursus habituel des élèves chez nous. De l'autre côté, ceux qui, pour des questions d'appartenance à une culture et de liens avec leurs origines, tiennent à ce que leurs enfants reçoivent un enseignement dans leur langue, que ce soit l'italien, l'espagnol, le portugais ou l'arabe.

Les exemples cités au sujet de l'enseignement bilingue sont intéressants, même si je ne suis pas sûre qu'ils soient applicables à Genève.

Pour ma part, je vous citerai l'exemple de la vallée d'Aoste où la politique appliquée va dans le sens d'une population parfaitement bilingue. Cette expérience, que j'ai vécue avec des professeurs capables d'enseigner n'importe quelle matière en français et en italien, est passionnante et d'une richesse extraordinaire. Mais pour ce faire, il faut que les enseignants soient dûment préparés, sinon on va vers un flop monumental !

En ce qui concerne le Canada, la situation est légèrement différente. Vous la connaissez et je n'y reviendrai pas. Vous savez les difficultés que rencontre la partie francophone du Canada pour maintenir les acquis de sa culture d'origine française, et l'on comprend l'insistance que met ce pays, confronté à la forte pression de l'anglais, à défendre ses racines linguistiques.

Il s'agit de se poser quatre questions à propos de cette motion qui, sur le fond, nous intéresse tous. En effet, nous sommes d'accord que, plus on a de connaissances dans d'autres langues, plus on a de chance, d'abord de connaître ses contemporains européens et extra-européens - ce qui est important du point de vue de la compréhension mutuelle - et, ensuite, au plan professionnel.

1) Quelle serait la deuxième langue ?

2) Qui la choisirait ?

3) S'agirait-il d'un enseignement bilingue, donc que les professeurs soient capables d'enseigner alternativement dans une langue ou dans une autre ?

4) Et quelle formation donnerait-on aux enseignants qui soit assez solide et complète ?

Quant à l'immersion précoce et partielle, j'y vois une certaine contradiction. Précoce oui, mais que signifie «partielle» ? L'immersion partielle me paraît comme le fait d'apprendre à nager sur une chaise et je doute de cette méthode.

Le groupe socialiste soutiendra cette motion. Toutefois, chers collègues députés, soyons conséquents et logiques. Si nous souhaitons que l'enseignement d'une langue seconde ou que le bilinguisme devienne effectif et efficace à Genève, il faudra lui en donner les moyens. Cela signifie qu'il faudra donner les moyens de former des enseignants, et ce ne sera pas une petite affaire. Le DIP, tout seul, ne pourra pas décréter du jour au lendemain l'enseignement d'une langue seconde, précoce ou bilingue. Nous devrons trouver des moyens, et ce ne sera pas simple.

Amicalement, je dirai bravo à nos collègues du parti radical qui sont les géniteurs de ce projet. Cependant, les membres de la commission de l'enseignement, qui parlent entre eux en dehors des séances, se sont dit que nous aurions pu, tous ensemble au départ, signer cette motion.

Les uns et les autres, nous ne faisons pas partie des géniteurs, mais nous parrainerons l'enfant et tous ensemble nous essaierons de vous convaincre de lui donner les moyens d'exister et ceux de survivre. Ne suivons pas l'exemple des Français qui, après avoir lancé «l'informatique pour tous», ont lancé «la langue seconde pour tous», et ont vu le tout tourner en eau de boudin ! Espérons que nos résultats seront meilleurs !

Mme Janine Hagmann (L). A ce que l'on en dit, cette proposition de motion me semble bonne. C'est probablement pour cette raison qu'elle a été déposée par l'ensemble des députés radicaux qui montrent un intérêt tout particulier pour l'enseignement. Je les en félicite. Cela montre aussi que chacun d'entre eux a une connaissance spéciale de ce sujet. D'ailleurs, Mesdames et Messieurs les radicaux, vous nous habituez à cela. En effet, vous aviez déposé une motion pour introduire des heures d'éducation à la santé. L'éducation à la santé, la deuxième langue, je me demande quelle idée vous nous réservez encore !

Le groupe libéral est favorable au renvoi de cette motion à la commission de l'enseignement. Ma collègue Charrière Urben, qui a fait beaucoup d'enseignement, a donné des arguments tout à fait valables en matière de pédagogie.

Cette motion offre des pistes de réflexion très intéressantes. Elle s'intègre très bien dans la mission définie par l'école à l'article 4 de la loi sur l'instruction publique disant, entre autres, que l'enseignement a pour but, dans le respect de la personnalité de chacun, de donner à chaque élève les moyens d'acquérir les meilleures connaissances pour ses activités futures et de chercher à susciter chez lui le désir permanent d'apprendre et de se former. L'école primaire joue un rôle fondamental dans la construction des compétences de base.

Alors, qu'en est-il des langues ? Il y a une vingtaine d'années environ, la Conférence suisse des directeurs de l'instruction publique a recommandé que l'enseignement de la première langue étrangère soit introduite dès la quatrième ou la cinquième année primaire. La Suisse romande, le Tessin et les cantons bilingues ont très vite obtempéré, et la Suisse française a joué un rôle de pionnière et a permis de compléter l'expérience en ouvrant quelques classes bilingues.

J'en viens au bilinguisme, tel qu'il est prévu par la motion. Actuellement, des classes bilingues sont ouvertes à Fribourg, Bienne et Sierre dans le domaine public. A côté de cela, il y a les audaces du privé, comme l'Ecole bilingue de Genève, lancée par Henri Moser et Pia Efron, ouverte depuis six ans. Elle est unique en Suisse et propose un parcours complet de la cinquième à la maturité, mention bilingue français-allemand. D'autres écoles privées offrent des programmes semblables. L'Ecole internationale de Genève, l'Ecole nouvelle de Lausanne proposent des cursus bilingues anglais-français. L'avenir vu dans une perspective européenne appelle la maîtrise d'une ou deux langues au moins, en plus du français. Au plan individuel, cette connaissance représentera une ouverture culturelle et au plan de la société un potentiel économique indispensable.

La commission devra étudier comment profiter des idées lancées par les motionnaires. A mon avis, elle devrait envisager l'ouverture de quelques classes bilingues dans le canton. Dans ces classes, le choix de la deuxième langue ne devrait pas être restrictif.

La commission fédérale de maturité a proposé de supprimer l'allemand des branches obligatoires en proposant une deuxième langue nationale, sauf pour les cantons bilingues.

Il me semble que le libre choix d'une deuxième langue représente un grand avantage. Il implique que l'élève doit se responsabiliser et ne s'en prendre qu'à lui-même s'il en vient à détester cette discipline. A ce moment, l'ouverture de la classe bilingue répondrait à un besoin des élèves. De nombreux parents souhaitent qu'elles soient ouvertes, mais, la fréquentation de ces classes, tout comme celles de sport, devrait rester facultative. Il faudra déployer certains moyens pour mettre ce système en place, car il conviendra de tenir compte des compétences réelles des enseignants en place. Il est possible que l'immersion ne concernera pas forcément seulement les élèves, mais aussi les maîtres.

La création de postes supplémentaires me parait difficile en cette période de basse conjoncture. Toutefois, laissons la porte ouverte à des solutions originales permettant d'éviter que les unilingues ne deviennent les analphabètes de demain. C'est pourquoi le parti libéral vous recommande le renvoi de cette motion à la commission de l'enseignement.

M. Matthias Butikofer (AdG). Je peux dire d'emblée que nous adhérons pleinement à cette proposition de motion radicale. Pourtant, elle commence par un coup de tonnerre ! On apprend par la bouche d'un érudit en cette matière, qui semble-t-il, préfère rester anonyme, que les écoles privées sont, ni plus ni moins, quatre fois plus efficaces que les écoles publiques ! Mais, mis à part ce thème lyrique secondaire, les motifs qu'invoquent les motionnaires sont archi-intéressants. L'introduction du bilinguisme dans les écoles publiques mettra dans les mains des futures générations, tant sur le plan économique que sur le plan culturel, des atouts spectaculaires. (Le téléphone sonne sur les bancs démocrates-chrétiens. M. Ducommun va décrocher.) (Rires.)

Le président. Monsieur Ducommun, s'il vous plaît !

Une voix. Coupe la ligne ! (L'assemblée rit.)

Une voix. C'est qui ?

Le président. Monsieur Butikofer, vous pouvez poursuivre !

M. Matthias Butikofer. Quant à la méthode pédagogique proposée, da können wir auf die sehr interessanten und ermutigenden Schulversuche im In-und Ausland hinweisen. Die Resultate sind in der Regel spektakulär. Gewisse Schulversuche, unter anderem in Lausanne, oder in Achen in Deutschland, haben gezeigt, dass dank dem Unterricht gewisser Fächer ab dem ersten Schuljahr in einer Fremdsprache, eine nahezu perfekte Zweisprachigkeit erreicht werden kann.

Ceci étant, una capacita linguistica in più che farebbe evolvere il raggio d'azione delle future generazioni e potrebbe certamente contribuire a fare scomparire certi ostacoli culturali.

Afin d'accélérer le processus, nous proposons de renvoyer cette motion à la commission de l'enseignement et non au Conseil d'Etat.

Une voix. Je n'ai pas tout compris, mais c'était très bien !

Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission de l'enseignement et de l'éducation.