République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1054
8. Proposition de motion de Mmes et M. Elisabeth Reusse-Decrey, Pierre-François Unger et Gabrielle Maulini-Dreyfus concernant l'application des mesures de contrainte. ( )M1054

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

- la loi fédérale sur les mesures de contrainte faisant obligation aux autorités de mettre en place des conditions de détention plus «larges» pour les détenus administratifs que pour les autres détenus;

- les diverses jurisprudences du Tribunal fédéral et du Tribunal administratif concernant la détention des personnes soumises aux mesures de contrainte et donnant raison aux recourants quant à leurs conditions de détention jugées illégales;

- la récente décision du Conseil d'Etat limitant les visites des aumôniers de l'AGORA à une stricte assistance spirituelle et instaurant, avec la collaboration de la Croix-Rouge, la «loi du silence»,

invite le Conseil d'Etat

- à lever sans délai les mesures restrictives et de silence qui entourent les conditions de détention des personnes soumises à la loi sur les mesures de contrainte et retenues à la maison d'arrêt de Favra;

- à faire rapport au Grand Conseil sur les actuelles conditions de détention à Favra ainsi que sur les diverses remarques et critiques d'ores et déjà faites par la Croix-Rouge.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Dans notre parlement, la loi sur les mesures de contrainte a été quasi unanimement critiquée et refusée en tant que loi indigne d'un Etat de droit.

Lors de la campagne référendaire, nombreuses ont alors été données les garanties, tant aux députés qu'à la population, affirmant que les mesures d'application seraient les plus douces et les plus légères possibles.

Or, que peut-on observer aujourd'hui ? Les détenus administratifs, retenus à la maison d'arrêt de Favra, sont sujets à des mesures d'exception totalement contraires à l'esprit de la loi. Preuve en est les arrêts du Tribunal administratif donnant tort au Conseil d'Etat quant aux conditions de détention.

Mais cela n'est pas tout: il y a quelques semaines, les aumôniers se sont vu supprimer leur accès d'office à Favra, la Croix-Rouge disposant elle seule et depuis ce moment d'un droit de visite discrétionnaire. Suite à diverses interventions et discussions, le Conseil d'Etat est revenu partiellement sur sa décision, en autorisant les aumôniers de l'AGORA à se rendre à Favra, sous deux conditions:

- limiter leur visite à une «assistance spirituelle au sens strict»;

- faire état d'éventuelles observations sur les conditions de détention uniquement à la Croix-Rouge, cette dernière s'étant engagée par contrat à ne rendre rapport de ces remarques qu'aux seules autorités cantonales.

Mesdames et Messieurs, il y a là quelque chose d'effarant. Des personnes n'ayant fait l'objet d'aucune condamnation ni jugement, mais retenues uniquement dans le cadre d'une procédure administrative, sont soumises à une sorte de «loi du silence» qui n'existe nulle part ailleurs dans notre canton et vivent dans des conditions que l'on veut tenir secrètes (en date du 1er mars, trois notes, portant sur les aspects négatifs, les recommandations ainsi que les améliorations observées depuis le 22 janvier 1996, avaient déjà été remises aux autorités par la Croix-Rouge, mais personne n'a pu en avoir connaissance).

Ce genre de pratique existe dans un certain nombre de pays en guerre ou au régime totalitaire. Cela est regrettable, quoique parfois nécessaire dans l'intérêt des détenus. Mais en aucun cas nous ne pouvons accepter que de tels procédés voient le jour à Genève.

C'est pourquoi nous espérons que la récente décision du Conseil d'Etat instaurant cette procédure n'aura été qu'un faux pas et nous lui demandons par la présente motion de rendre toute sa transparence à l'application de la loi sur les mesures de contrainte, loi qui, nous le répétons une fois de plus, n'aurait jamais dû exister.

Débat

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Ce qui se passe à Favra me plonge dans la perplexité la plus totale. La loi sur les mesures de contrainte, vous vous en souvenez, avait fait à Genève, à l'exception d'un seul parti, l'unanimité contre elle. Et c'est dans ce climat que le département s'était engagé, à de nombreuses reprises, à appliquer cette loi de la manière la plus douce et la plus souple possible.

Dès la parution du premier règlement, j'étais intervenue au cours d'une interpellation. Mes inquiétudes, restées sans effet, se sont pourtant avérées justifiées, puisque divers arrêts du Tribunal fédéral ont obligé le département à changer son règlement. Le nouveau étant toujours insatisfaisant, il aura alors fallu un arrêt du Tribunal administratif, plutôt sévère, pour que le Conseil d'Etat soit obligé de modifier à nouveau son règlement.

Au début de l'année 1996, on innove encore. On interdit aux aumôniers de l'AGORA de se rendre à la maison de Favra où sont retenues les personnes soumises aux mesures de contrainte. A la place, on y délègue la Croix-Rouge. Il s'ensuit de vives réactions, sur quoi le Conseil d'Etat modifie quelque peu la situation en autorisant AGORA à se rendre à Favra sous des conditions sévères et restrictives.

Cette fois, c'est un recours au Tribunal fédéral qui a été déposé. Dès lors, ne vaudrait-il pas mieux en changer avant de se faire remettre à l'ordre une nouvelle fois par une instance juridique ?

Monsieur Ramseyer, j'aimerais que vous m'expliquiez, car je ne comprends pas, pourquoi le Conseil d'Etat cherche à écarter AGORA et à réduire les aumôniers au silence. Pourquoi avoir fait appel à la Croix-Rouge qui ne joue en aucun autre lieu dans notre canton ce jeu-là ? Pourquoi, en quelque sorte, opposer Croix-Rouge et AGORA ? Si le Conseil d'Etat trouvait utile - et je peux le concevoir - de pouvoir disposer des services de la Croix-Rouge, pourquoi exclure AGORA ?

Je l'avais dit dans une de mes dernières interpellations. Leur double présence n'est pas contradictoire et aurait pu être, au contraire, complémentaire. Et enfin, pourquoi exiger de la Croix-Rouge que les informations restent confidentielles. Aurait-on quelque chose à cacher ?

Toute cette affaire a quelque chose de désolant. Nous nous trouvons dans une situation où des personnes retenues seulement dans l'attente d'une expulsion de notre territoire, qui n'ont fait l'objet d'aucune condamnation pour ce fait, devraient être mises au bénéfice de conditions de détention plus larges que pour tous les autres types de détenus - ce n'est pas moi qui l'invente, mais c'est le message du Conseil fédéral, ainsi que les diverses jurisprudences du Tribunal fédéral. A Genève, ces personnes sont entourées d'un grand mystère. C'est pourquoi nous vous demandons, Monsieur Ramseyer, de revenir à une pratique normale, proportionnée à la situation, qui ne justifie, en aucun cas, des mesures de secret.

Cette motion vous demande aussi de nous faire un rapport sur les diverses remarques et interventions déjà faites par la Croix-Rouge, et elles sont peut-être fort judicieuses. Cette motion demande la transparence telle que promise à plusieurs reprises par le Conseil d'Etat. Et, vu l'actualité et l'urgence de la situation, je demande le renvoi de cette motion directement au Conseil d'Etat.

Mme Michèle Mascherpa (L). Je suis d'accord avec les motionnaires lorsqu'ils écrivent que la loi sur les mesures de contrainte n'aurait jamais dû exister. Mais elle existe, et nous devons savoir gré à notre gouvernement d'avoir pris des dispositions pour gérer au mieux les effets délétères qu'elle peut entraîner sur le plan humain.

On constate que, depuis quelques années, le domaine humanitaire est devenu un créneau porteur, un marché. La compétition qui se développe à ce niveau en est la preuve. On ne sait plus très bien ce qui prévaut, l'intérêt de la victime ou le désir d'accroître ou de garder ses parts de marché. C'est la réflexion que je me suis faite à la lecture en filigrane de cette motion qui, bien évidemment, est irrecevable pour moi dans sa forme actuelle.

Les termes utilisés sont à la limite de la diffamation envers les membres de la Croix-Rouge et, en l'occurrence, envers ceux de la section genevoise qui oeuvrent dans le domaine des mesures de contrainte, comme dans bien d'autres, selon une ligne éthique, en toute indépendance et sans compromission.

Or, on nous la présente comme complice des autorités, oeuvrant dans une grande conspiration du silence et dans des conditions dignes d'un régime totalitaire. C'est tout simplement inacceptable, et je laisse bien volontiers aux auteurs de cette motion la pleine responsabilité de leurs allégations à l'encontre de l'engagement de la Croix-Rouge genevoise en faveur des personnes soumises aux mesures de contrainte. Cela étant, et contrairement à ce que les auteurs de la motion voudraient bien nous faire croire, nous sommes dans un état démocratique. En tant qu'élus, nous avons le devoir d'interroger le gouvernement et de demander des explications.

La deuxième invite de la motion, dans laquelle il est demandé au Conseil d'Etat un rapport sur les conditions de détention à Favra et sur les mesures prises suite aux visites et aux constatations de la Croix-Rouge, va dans le bon sens, et nous pouvons y adhérer sur le fond. Il est souhaitable d'établir toute la vérité sur l'application de la loi et sur les mesures de contrainte. C'est pourquoi nous demandons le renvoi de cette motion à la commission judiciaire.

Entre autres, nous pourrons y apprendre selon quels principes et sous quelles conditions la Croix-Rouge a accepté ce mandat - car il s'agit d'un mandat et non d'un contrat comme dans la mafia - quelles ressources financières propres et en personnel elle a engagé dans cette action; quelles sont les constatations qu'elle a déjà faites et les améliorations qu'elle a déjà obtenues.

En conclusion, j'ajoute que, dans le domaine humanitaire comme ailleurs, il faut savoir utiliser les compétences là où elles se trouvent, et oeuvrer dans un esprit de complémentarité plutôt que de compétition. Cela dans l'intérêt direct des personnes que l'on veut aider, car c'est bien ce qui nous intéresse, n'est-ce pas ?

M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. C'est parce que la députée Reusse-Decrey me pose continuellement les mêmes questions que je lui fais continuellement les mêmes réponses. (Rires.) Dès l'entrée en vigueur de la loi fédérale sur les mesures de contrainte, nous avons eu le souci de respecter les principes du non-regroupement des détenus administratifs avec des détenus pénaux, comme le voulait le législateur. Ne disposant pas de locaux indépendants et ne souhaitant pas, selon nos voeux, construire une nouvelle prison, nous avons d'abord placé ces personnes détenues dans la prison de Champ-Dollon, plus précisément dans les cellules réservées aux détenus administratifs. Telle était la situation avant la loi de contrainte.

Cédant à votre pression, Madame, nous avons décidé d'en déroger. Mais vous venez de dire, à l'instant, qu'il fallait revenir au statu quo ante. Alors, dites-moi ce que je dois faire !

Suite à la première jurisprudence du Tribunal fédéral, nous avons décidé que, pour isoler les détenus administratifs des autres, ils occuperaient une section entière de Champ-Dollon. Puis nous sommes passés à la maison de Favra, dévolue à la détention administrative depuis juin 1995. Le choix de Favra a été motivé par la nécessité de mettre une séparation géographique entre les deux catégories de détenus.

Je vous rends attentive au fait que la commission des visiteurs officiels de ce Grand Conseil a, en tout temps - et elle ne s'en prive pas, Dieu merci ! - la faculté de visiter cette prison et de se rendre compte de visu si, oui ou non, il s'agit d'une prison administrative ou d'un bagne.

Ensuite, nous avons chargé la Croix-Rouge de s'occuper de ce problème. Ce choix a été motivé par la grande expérience que la Croix-Rouge a de ces milieux-là, et par le fait que, contrairement à d'autres instances, elle est neutre à tout point de vue. En cela, elle nous rend d'éminents services. En neuf visites, les membres de la Croix-Rouge ont fourni quatre rapports nous demandant d'apporter des correctifs, ce qui a été fait dans la semaine qui a suivi l'intervention de la Croix-Rouge. Je remercie les services du département qui ont réagi très rapidement.

En abordant une nouvelle fois ce problème, vous paraissez, Madame la députée, cultiver la nostalgie de l'époque où les choses n'allaient pas bien. Mais, sans doute, votre texte est-il déjà ancien, car le 22 avril, nous avons rencontré les représentants des Eglises auxquels vous vous référez, ceci au sein, non pas de mon département, puisque dans votre esprit il est forcément suspect de toutes les vilenies, mais dans ce milieu dit «caritatif», au sein de la délégation du Conseil d'Etat aux réfugiés, formée de Mme Brunschwig Graf, de M. Segond et de moi-même. C'est avec beaucoup de joie que nous avons pris connaissance de la grande satisfaction des milieux du Centre social protestant, de Caritas et des Eglises.

Depuis le dépôt de votre motion, Madame, vous n'avez vraiment pas de chance. Un arrêt du Tribunal fédéral est venu confirmer que la prison de Favra correspond aux normes fédérales. Vous avez encore moins de chance avec ces détenus administratifs que vous présentez chaque fois comme de pauvres gens sans défense. L'un d'entre eux, le dernier arrivé et le plus dangereux, s'est évadé. Dieu merci, il a été repris ! Ils ne sont pas si innocents que cela.

Sous-jacent à votre nouvelle intervention, Madame, qui est au moins la cinquième sur ce thème, persiste le problème des huit cents Bosniaques, qui doivent retourner en Bosnie d'ici le mois de juin de l'an prochain, et le problème des requérants d'asile gambiens. Et vous n'avez toujours pas de chance, car, dans la rafle de l'Usine qui a été conduite hier matin, sept requérants d'asile de cette partie de l'Afrique étaient des trafiquants de drogue.

Madame, je veux bien que l'on discute à nouveau en commission, que l'on reprenne pour la énième fois le même dossier, même si je vous explique pour la quarantième fois que bientôt nous quitterons Favra, que nous aurons un établissement concordataire à la Clairière, et que Genève sera premier au hit-parade pour la qualité de ses prisons administratives.

Mais, de grâce, arrêtez de croire que si la Croix-Rouge suisse, qui est un organe de référence mondial, est employée par l'Etat, c'est pour réduire au silence des aumôniers. Ces aumôniers sont venus me voir. Ils ont rencontré la délégation du Conseil d'Etat et ils ont fait part de leur satisfaction au vu de la situation.

Madame, j'ai le sentiment qu'il existe «quelque part» des gens frustrés de ne pas avoir de problèmes. J'ai le plaisir de vous dire qu'il n'y a pas de problèmes particuliers avec l'asile actuellement. C'est la raison pour laquelle je ne m'oppose pas au renvoi de cette motion en commission. Nous referons le même travail pour la troisième ou la quatrième fois. Mais je vous assure que vous vous alarmez inutilement, et j'oserai même ajouter que, parfois, cela me lasse ! (Rires.)

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Je ne peux laisser passer ce qu'a dit Mme Mascherpa. J'en viendrai aux propos de M. Ramseyer tout à l'heure. Certes, la Croix-Rouge a souvent un rôle très difficile à jouer, une pesée d'intérêts selon les conditions : entourer des personnes détenues, vous avez même utilisé le mot «victimes», ou observer une certaine loi du silence, comme dans des pays en guerre ou au régime totalitaire. Cela ne doit pas être facile de prendre ce genre de décision, et probablement que la Croix-Rouge le fait très bien.

A Genève, c'est différent. Nous sommes dans un pays démocratique. Une fois encore, nous parlons d'une loi qui a été rejetée par la population genevoise qui a été, en tout cas dans ce parlement, vivement critiquée et dont on a toujours dit qu'elle ferait l'objet de mesures très souples. Dans ces conditions, je ne vois pas pourquoi la Croix-Rouge accepte de jouer cette pratique-là. Monsieur Ramseyer, elle ne la joue nulle part ailleurs à Genève. La loi a été votée. Je suis même auteur d'un projet de loi qui a été déposé le mois suivant le vote et qui est une loi d'application. Mais j'aimerais que l'application se fasse correctement.

Et puis, Madame Mascherpa, vous avez eu raison de dire qu'il ne doit pas y avoir de compétition. C'est vrai. Alors pourquoi, le jour où l'on a voulu introduire la Croix-Rouge - encore une fois, je n'ai pas d'a priori - pourquoi a-t-on exclu l'AGORA ce jour-là ? Et pourquoi, lorsque la délégation de l'AGORA veut rencontrer les visiteurs de la Croix-Rouge, ceux-ci refusent ? C'est cela que je dénonce et non pas la présence de la Croix-Rouge. Tant mieux si elle fait du bon travail là-bas, mais je ne veux pas cette compétition et ces mesures où on demande une confidentialité totale. Cette motion demande la transparence.

Monsieur Ramseyer, je ne demande pas le retour à une pratique antérieure, j'ai parlé d'une pratique proportionnée, ce n'est pas tout à fait la même chose. J'aurais souhaité, je vous l'ai dit, que cette motion soit renvoyée directement au Conseil d'Etat. Mais je me réjouis d'entendre et d'auditionner la Croix-Rouge en commission. A ce moment-là, on pourra, en effet, la renvoyer en commission judiciaire.

Mme Vesca Olsommer (Ve). Je profite d'interpeller M. Ramseyer, suite à certaines de vos paroles concernant le renvoi des Bosniaques, Monsieur le président. Il s'agit d'un souci majeur.

Le gouvernement genevois ne peut-il pas intervenir auprès du Conseil fédéral, afin que ce dernier marque plus de souplesse dans le renvoi des Bosniaques, et que seuls ceux qui veulent vraiment y retourner partent, mais qu'ils puissent laisser leur famille en Suisse ?

Il est inconcevable que des gens qui ont subi une telle guerre soient obligés de retourner dans un pays en ruine et d'y vivre dans des circonstances dramatiques, alors que beaucoup d'entre eux sont traumatisés. Je vous serais très reconnaissante de réfléchir à cette proposition et, éventuellement, d'y donner suite.

Mme Michèle Mascherpa (L). Je vois, Madame Reusse-Decrey, que vous persistez dans l'utilisation de termes qui, je le répète, sont diffamatoires à l'égard de la Croix-Rouge. Afin de lever toute ambiguïté sur la façon de travailler de la section genevoise de la Croix-Rouge, je propose de l'inviter à être entendue à une séance de commission.

M. Bénédict Fontanet (PDC). Au nom de mon groupe, nous nous rallions à la proposition de renvoi en commission. Ce débat montre que nous n'avons pas suffisamment d'éléments pour renvoyer cette affaire au Conseil d'Etat. Malgré toute l'affection que nous avons pour Pierre-François Unger qui a contresigné cette motion, celle-ci comprend un certain nombre de termes que nous ne partageons pas, notamment vis-à-vis de la Croix-Rouge. Renvoyons cette motion à la commission, entendons la Croix-Rouge et nous verrons ce qu'il y aura lieu d'en faire ensuite.

M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. A vous, Madame la députée qui m'interpellez directement, je réponds volontiers. Après tout, cela nourrit le débat.

A Genève, il y a huit cents Bosniaques, dont deux cents sont des célibataires ou des couples sans enfant. Sur ces deux cents Bosniaques, trente ont manifesté le désir de retourner en Bosnie, puisque, Dieu merci, la guerre est finie. Nous devons donc renvoyer environ six cents Bosniaques, familles avec enfants et autres, pour le mois de juillet 1997. A ce sujet, nous avons reçu des directives très précises de la part de la Confédération. Nous ne pouvons pas déroger aux indications qui viennent de Berne.

Mais, Madame, nous faisons preuve de compréhension à l'égard de ces réfugiés. Les conditions dans lesquelles ils doivent retourner chez eux vous sont connues. Ils peuvent s'y rendre pour vérifier l'état des lieux dans leur village et revenir ensuite pour décider s'ils veulent repartir ou non. Ils peuvent déposer des demandes d'asile - et quasiment tous en déposent. Alors, voyez-vous, Madame, nous ne connaissons que trop bien cette partie de la problématique et nous savons la part de douleur qu'elle renferme. Mais vous devez savoir que nous n'avons jamais expulsé manu militari des personnes à destination de la Yougoslavie. J'en veux pour preuve les gens du Kosovo, réfugiés à Genève, qui restent là tant que la situation n'est pas réglée chez eux.

A côté de cela, nous nous trouvons face à un problème plus épineux encore et que nous combattons avec la dernière énergie. Nous sommes devenus quasiment incapables de renvoyer dans leur pays des gens issus des pays du Maghreb, car nous ne sommes plus capables de savoir s'il s'agit d'Algériens, de Marocains, de Tunisiens ou de Libyens. Nous passons de consulat en consulat pour tenter d'obtenir des papiers ou de faire reconnaître la personne.

Et la situation se complique encore avec les réfugiés requérants d'asile d'Afrique de l'Ouest, dont nous ignorons de quel pays ils viennent et qui, eux, nous posent de véritables problèmes, du style de ceux qui ont été révélés à propos de l'Usine, avant-hier. Alors, nous arrêtons des gens puis nous les relâchons, car nous sommes incapables de savoir d'où ils viennent, et nous ne savons pas comment les renvoyer. Ils causent un tort immense à l'énorme partie de ceux qui méritent notre attention, et toute la difficulté de notre travail réside dans le fait de trier ceux qui méritent notre aide et ceux qui ne la méritent pas.

Je tiens à vous assurer que nous avons des tripes et un coeur, tout comme vous, Madame, mais, franchement, venez passer un moment à l'office cantonal de la population, et vous verrez que ce problème est loin de trouver une issue. Que dois-je faire ? Dois-je baisser les bras ? Ou laisser aller, et voir ensuite les problèmes s'aggraver ? Nous tentons de faire face et la Croix-Rouge nous y aide énormément. Un texte a été déposé au sujet du problème des Bosniaques. J'y répondrai encore plus complètement, peut-être même en commission. Mais soyez assurée de l'attention que nous portons à ce problème.

Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission judiciaire.