République et canton de Genève

Grand Conseil

P 1085-A
9. Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition : «Plainte contre les médecins de l'hôpital cantonal». ( -)P1085
Rapport de M. Bernard Lescaze (R), commission des pétitions

Déposée par M. Edmond Moulin, la pétition susmentionnée a été traitée par la commission des pétitions les 20 novembre et 4 décembre 1995. Elle a successivement entendu le pétitionnaire, accompagné de son avocat, Me Luc Payot, M. François Chaix, substitut du procureur général, et M. François Longchamp, secrétaire général du département de l'action sociale et de la santé (DASS), avant de parvenir aux conclusions présentées, non sans avoir pu forger son opinion grâce au volumineux dossier présenté par le pétitionnaire, soit vingt pièces et plusieurs centaines de pages disponibles au secrétariat du Grand Conseil.

1. Audition du pétitionnaire

M. Edmond Moulin, accompagné de son avocat, qui épouse entièrement sa cause, expose les raisons de sa pétition. En février 1987, son épouse, enceinte de jumeaux, fut transférée de la Clinique des Grangettes, où elle devait accoucher par césarienne avec péridurale, sur les instructions de son gynécologue, à la maternité, en raison d'une naissance s'annonçant difficile.

Selon le pétitionnaire, le chef de clinique qui les reçut ne suivit pas les prescriptions de son confrère et opta pour un accouchement normal. Ensuite d'une cascade d'incidents médicaux, l'épouse de M. Moulin devait donner le jour à deux garçons, par une césarienne pratiquée d'urgence, puis, à la suite d'une infection, décéder dix jours plus tard, le 12 mars 1987, dans de grandes souffrances.

Six jours plus tard, soit le 18 mars 1987, le pétitionnaire déposait plainte pour homicide par négligence auprès du procureur général et se constituait partie civile.

Près de neuf ans plus tard, le pétitionnaire se plaint que justice ne lui a pas été rendue. De nombreuses expertises ont été effectuées. Toutefois, la Cour de justice a égaré le dossier médical pénal. Faute de constater l'existence d'une prévention suffisante de l'existence d'une infraction à l'article 117 CPS, le Ministère public avait classé la plainte du pétitionnaire le 7 décembre 1989. Sur recours, la Chambre d'accusation en fit de même le 7 mars 1990. Le pétitionnaire et son avocat adressèrent alors un recours de droit public au Tribunal fédéral, qui l'admit partiellement, le 13 juillet 1990. Ensuite de cet arrêt, une nouvelle décision de la Chambre d'accusation intervint le 10 avril 1991, concluant également au classement. Contre cette décision, le pétitionnaire recourut une nouvelle fois au Tribunal fédéral qui le débouta et infligea une amende à son avocat, le 23 août 1991.

Le pétitionnaire entreprit alors de poursuivre une action contre une compagnie d'assurances qui refusait de lui verser les prestations auxquelles il prétendait. C'est alors qu'il s'est avisé de la disparition du dossier médical naguère saisi par le juge d'instruction, communiqué à un expert, le professeur P. et rendu au greffe par celui-ci.

Pour le pétitionnaire, la justice genevoise n'a pas fait son travail et il soupçonne certains de vouloir enterrer l'affaire en ayant égaré le dossier médical. Depuis huit ans, il essaie d'obtenir justice pour ses enfants qu'il a dû mettre en pension dans le canton de Vaud, en raison de problèmes financiers. Du fait qu'il est domicilié en France voisine, l'AVS ne verse rien pour ses enfants. Il souhaite pouvoir prouver l'accident médical afin d'obtenir pour ses enfants la rente d'orphelin à laquelle ils ont droit.

Bien que certaines expertises aient été accomplies avec le dossier médical saisi, le pétitionnaire estime qu'il a été débouté en raison de l'absence de ce dossier dans la procédure civile.

2. Audition du substitut François Chaix

Tentant de mieux percer les méandres de cette douloureuse affaire, la commission des pétitions auditionne, le 4 décembre 1995, le substitut François Chaix.

Ce dernier rappelle que la procédure civile avait pour but de déterminer si le décès de Mme Moulin était dû à un accident médical ou à une cause naturelle. Sur la base des expertises produites, il n'est pas possible de dire qu'il y a eu des actes qui ont entraîné la mort, indique le substitut. Certes, la disparition du dossier médical est fâcheuse. Le dernier expert à l'avoir eu en main a communiqué au greffe qu'il le retournait sous pli séparé, mais ce pli n'est jamais parvenu au Palais de justice. Les conséquences juridiques de cette disparition ne sauraient cependant être surévaluées dans la mesure où les expertises sont concordantes, notamment celles des médecins ayant eu en main le dossier médical.

La commission des pétitions s'étonnant qu'il n'y ait pas de copies d'un tel dossier, le substitut précise qu'il n'existe qu'un seul exemplaire d'un dossier pénal et rappelle qu'il y a 1 000 procédures pénales par mois à Genève. M. Chaix ajoute qu'il y a eu plusieurs expertises et qu'on ne peut les multiplier. Dans ce cas, c'est précisément parce que le plaignant reprochait à la justice genevoise de vouloir étouffer l'affaire que le Parquet s'est adressé à des experts vaudois.

Par ailleurs, il faut distinguer entre le dossier pénal, dont l'accès demeure assez strict, dans la procédure, pour des raisons évidentes et le dossier médical qui relève du droit public.

Dans le cas présent, le substitut constate que la justice n'ayant pu établir de manière certaine les responsabilités, il ne lui est pas possible de poursuivre et il convient de classer. Il s'agit là de la contrepartie de la présomption d'innocence. Il est vrai qu'une telle décision, froidement juridique, ne peut satisfaire le pétitionnaire qui jugera toujours que sa vérité n'est pas prise en compte. Cela est douloureux, mais toute justice a ses limites.

Le substitut, en fin d'audition, confirme que des recherches ont été entreprises au sein du Palais pour retrouver le dossier médical disparu, mais qu'elles n'ont pas abouti. Il confirme d'autre part qu'une telle situation est rarissime.

3. Audition de M. François Longchamp, secrétaire général du DASS

Le secrétaire général du DASS n'entend pas se prononcer sur le fond du dossier, dont il méconnaît plusieurs éléments. En revanche, sur le plan formel, les choses sont claires, pour ce qui regarde la disparition du dossier médical. Celui-ci a été saisi à l'Hôpital cantonal le 25 mars 1987, ainsi qu'en fait foi un procès-verbal de perquisition et de saisie signé le jour même par le juge d'instruction en charge du dossier. Il n'a jamais été restitué. De ce jour, l'hôpital ne le détient plus. Il n'en existe pas de double. En matière d'archivage, il s'agit là d'une situation courante. Après un certain temps sans consultation, le dossier est classé dans le service. Au bout de quelques mois, voire quelques années, le dossier est transféré dans un autre lieu d'archivage où l'on microfilme les dossiers chirurgicaux. Après vingt ans, le dossier est transmis à l'Etat.

Le secrétaire général, après enquête à l'hôpital, peut confirmer qu'il n'existe pas de microfilm du dossier.

La commission des pétitions profite de la présence du secrétaire général du DASS pour lui demander comment se passe l'annonce d'un décès tel que celui de Mme Moulin à la famille. Ce dernier confirme qu'il n'y a pas de suivi psychologique de la famille, et qu'un tel suivi relèverait plutôt de services tels que ceux de l'Hospice général ou de la protection de la jeunesse. Il rappelle également qu'il existe deux commissions de surveillance, l'une pour les médecins privés, l'autre pour les médecins publics, qui sont chargées de sanctionner les médecins qui auraient commis des fautes. Tous les faits avérés sont présentés à ces commissions.

4. Discussion de la commission et conclusions

La commission, parfaitement consciente de la douleur éprouvée par le pétitionnaire et ses deux enfants, maintenant âgés de 8 ans, ne cache pas qu'elle a éprouvé un certain malaise face à une affaire où le plan juridique l'a emporté sur le côté humain. La disparition du dossier médical paraît avérée. La prescription absolue se rapproche. En raison du principe de la séparation des pouvoirs, la commission des pétitions ne peut toutefois que constater son impuissance, tout en réitérant sa compassion envers le pétitionnaire. Elle lui suggère de s'adresser, s'il ne l'a déjà fait, à l'ombudsman des assurances afin de tenter de trouver un compromis sur le plan matériel.

Pour le reste, ne pouvant diligenter d'autres investigations qui ne sont pas de sa compétence, la commission des pétitions vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, par 8 voix (2 R, 2 DC, 4 L) contre 6 abstentions (3 AdG, 2 S, 1 Ve), de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.

(P 1085)

PÉTITION

concernant une plainte contre les médecins de l'Hôpital cantonal

Afin que nul ne l'ignore, je me permets de porter à votre connaissance mon affaire.

Le 12 mars 1987 décédait mon épouse à l'Hôpital cantonal de Genève, après avoir donné naissance à des jumeaux. Le périple qu'elle vécut du 2 mars au 12 mars fut un vrai calvaire, les médecins de différents services accumulant les erreurs.

J'aurais voulu, à cette époque, que les médecins incriminés soient punis pour des fautes volontaires puisqu'il s'agissait de cela.

S'agissant au mieux d'un accident au sens de l'assurance-accidents, j'aurais pu et dû bénéficier pour mes enfants de la rente d'orphelin liée à la LAA. Cela m'aurait permis de mieux les élever, même si la disparition de leur mère est irréparable.

Je me suis battu pour cela durant huit années, mais sans succès.

Tout a été fait par la justice genevoise pour couvrir cette affaire, jusqu'à «perdre» les dossiers médicaux saisis et mis sous main de justice en 1987 suite à ma plainte.

C'est en 1993 que j'appris que les dossiers avaient été perdus en 1989 lors du classement du dossier pénal.

Le 12 janvier 1995, mon avocat saisissait M. Michel Halpérin, président de la commission judiciaire du Grand Conseil, qui lui répondit, le 23 janvier, qu'il était loisible d'agir par voie de pétition.

Seriez-vous d'accord que j'installe une tente sur la place du Molard, entre l'entrée du Grand Passage, du Bon Génie et de l'Uniprix, et qu'en compagnie de mes enfants, nous interpellions la foule, un samedi par exemple, afin d'obtenir un nombre suffisant de signatures pour avoir le droit d'être entendu ?

Pour ma part, je ne saurais tolérer que cette situation se poursuive, ni qu'elle sombre définitivement. Depuis quelque temps je mets tout en oeuvre pour empêcher cela, et je suis obligé d'utiliser les médias, n'en déplaise à Monsieur le procureur.

Souhaitant que votre attention soit sensible à ce qui précède, je vous prie de croire, Madame la présidente, à l'assurance de ma parfaite considération.

Edmond Moulin

4-6, rue de la Scie

1207 Genève

Débat

M. Bernard Lescaze (R), rapporteur. Je n'ai qu'une chose à ajouter à mon rapport, mais elle est relativement importante.

Après le dépôt du rapport, nous avons reçu du pétitionnaire une copie de l'arrêt du Tribunal fédéral des assurances cassant le jugement de la Cour de justice. Il l'a cassé parce que la Cour de justice n'avait pas fait la preuve de la disparition réelle du dossier médical. Le Tribunal fédéral constate qu'il n'était effectivement plus en main de la justice genevoise, mais imagine, dans son jugement, qu'il pourrait encore se trouver à l'hôpital cantonal.

Or nos travaux - qui nous ont conduits à auditionner les responsables du département de l'action sociale et de la santé - ont clairement démontré que l'hôpital n'a toujours qu'un seul dossier médical et jamais sa copie, et que ledit dossier avait été saisi, en son temps, par le juge d'instruction Trembley. L'hôpital cantonal détient une décharge, signée par le juge d'instruction; il n'a donc plus le dossier médical.

Ce dossier a bel et bien été perdu, soit au Palais de justice, soit entre Lausanne et Genève, puisqu'il avait été confié à un expert. C'est très regrettable en raison des conséquences humaines de cette affaire. Le jugement de la Cour de justice a donc été cassé. Un autre moyen était de demander à la Cour de justice de se prononcer sur le dossier médical. Mais, comme celui-ci a disparu, nous sommes malheureusement dans une impasse et, bien que certains ayant, d'une façon très humaine, suggéré un renvoi, je doute que notre commission parlementaire ou une autre commission parlementaire puissent parvenir à un résultat.

Dès lors, il appartient à la justice genevoise de revoir le cas à la lumière de l'arrêt du Tribunal fédéral et de se prononcer à nouveau. L'affaire, je crois, doit malheureusement revenir entre les mains de la justice.

M. Christian Ferrazino (AdG). En lisant le rapport de M. Lescaze, j'ai effectivement constaté l'impuissance de ce Grand Conseil à aller plus loin que ce qu'il a fait dans le cadre de ses travaux à la commission des pétitions.

Il faut s'interroger sur cet arrêt du Tribunal fédéral, intervenu postérieurement aux travaux de la commission et, comme l'a relevé M. Lescaze, au dépôt du rapport.

Tout de même, la perte d'un dossier médical lorsqu'il y a décès, en l'occurrence la mort d'une femme, doit susciter des questions ! Le Tribunal fédéral dit lui-même que, sur la base des pièces en sa possession, il a bien compris que le dossier n'était ni à l'Instruction ni au Parquet, c'est-à-dire pas au Palais de justice, mais il ne peut pas se contenter de déclarer, à l'instar de la Cour de justice, que le dossier médical n'étant plus en sa possession de nouvelles investigations ne peuvent être faites. Et le Tribunal fédéral de rappeler à la Cour de justice - et c'est l'expression du bon sens le plus élémentaire - que, si le dossier n'est pas chez elle, la moindre des choses est qu'elle cherche à savoir où il est. Une personne est morte; un citoyen demande réparation, ses héritiers sont là. Ce citoyen s'adresse à la justice et le Tribunal fédéral, qui est la plus haute instance de ce pays, le remet à l'ordre avec cet arrêt précité.

Le parlement que nous sommes ne peut se satisfaire de conclure : «Ce pauvre citoyen, avec ce dossier égaré, n'a pas eu de chance. Laissons la justice faire son travail !».

Ce cas, où un dossier médical se perd sans que l'on cherche à savoir où il se trouve, est typique de ceux à propos desquels le parlement doit véritablement s'interroger sur le fonctionnement de la justice.

Vu ce fait nouveau et compte tenu de cette situation particulière, je vous demande de renvoyer cette pétition - non pas à la commission des pétitions qui a fait son travail comme elle avait à le faire - mais à la commission judiciaire, formée de spécialistes et de juristes qui, travaillant régulièrement sur des dossiers de ce genre, pourront, je l'espère, être à même de cerner de plus près cette question particulièrement préoccupante. Ainsi pourrons-nous donner une réponse plus satisfaisante à ce citoyen.

Je demande donc formellement le renvoi de cette pétition à la commission judiciaire.

Mme Vesca Olsommer (Ve). Notre groupe ne s'opposera pas au renvoi de cette pétition à la commission judiciaire. Il ne s'y opposera pas pour la bonne et simple raison qu'il ne veut pas passer à côté d'une éventuelle solution que la commission pourrait trouver, afin d'apporter quelque apaisement dans cette affaire très pénible.

Néanmoins, je voudrais prendre la défense de la commission des pétitions parce qu'elle n'a pas mal fait son travail. Pour ce faire, je reviens à la pétition de M. Moulin. Nous l'avons examinée attentivement et avons revu les interventions de M. Moulin auprès de la commission. Il est clair qu'il attendait qu'elle exerce des pressions sur la justice pour qu'elle revoie les deux procédures engagées qui, en effet, nous laissent perplexes.

Cependant, le principe de la séparation des pouvoirs a fait que la commission des pétitions n'a pas cru devoir entrer en matière à propos des demandes du pétitionnaire. Mme Moulin est décédée dans des circonstances incroyables, suite à une série d'incidents impliquant l'examen de multiples spécialistes; aucun expert mandaté par les tribunaux n'a pu déterminer la cause de sa mort et en imputer la faute à quiconque. Nous pourrions donc avoir le sentiment que les médecins se soutiennent mutuellement et que la justice n'a pu savoir de quoi était réellement morte Mme Moulin. L'ignorant, il lui était difficile, en effet, d'incriminer l'un des nombreux praticiens concernés.

Cela dit, nous répétons que le principe de la séparation des pouvoirs nous interdisait de faire pression sur les autorités judiciaires, d'autant plus que nous avons reçu, par la suite, l'arrêt du Tribunal fédéral qui cassait le jugement de la Cour de justice statuant en tant que Tribunal cantonal des assurances. Cela donne raison à M. Moulin. La justice doit continuer à s'occuper de son cas, faire des enquêtes complémentaires et, si le dossier a été perdu, comme le précise l'arrêt du Tribunal fédéral des assurances, la Cour de justice doit tenter de le retrouver, sinon le recomposer. A ce stade, la demande de M. Moulin est satisfaite, du moins en ce qui concerne la procédure civile.

De plus, nous nous sommes penchés sur deux autres points :

1. La façon dont M. Moulin a quitté l'hôpital cantonal. Après le décès de sa femme, il s'en est allé, avec ses deux bébés dans les bras. Il n'a reçu le soutien de personne. L'hôpital cantonal l'a laissé partir sans qu'un médecin, une infirmière, une assistante sociale ne l'accompagnent ni sur le plan social ni sur le plan psychologique. Aussi pensions-nous rédiger un rapport de minorité pour que le Conseil d'Etat inflige un blâme à l'hôpital cantonal, mais M. Lescaze a relevé, dans son propre rapport, ce manque d'humanité qui nous a beaucoup étonnés.

2. Le dossier perdu. La commission s'est évidemment interrogée à son sujet. Qu'est devenu ce dossier ? On n'arrive pas à le localiser. Se trouve-t-il au Tribunal fédéral, au Palais de justice ou dans les mains du dernier expert qui l'a étudié ? Il affirme l'avoir envoyé, mais nous n'en savons rien. La première procédure pénale a été conduite sur sa base, les experts médicaux l'ont eu en main et la deuxième procédure civile doit le reconstituer. Sa perte constitue toujours un problème.

Je voulais simplement dire que le commission des pétitions avait fait le tour des questions. M. Lescaze a bien exprimé à quel point nous avons été émus par la mort de Mme Moulin...

La présidente. Madame Olsommer, vous avez épuisé votre temps de parole.

Mme Vesca Olsommer. Je conclus en disant que, par souci de justice, nous sommes d'accord avec le renvoi de la pétition.

La présidente. Avant que vous ne poursuiviez, sachez que nous avons l'ambition de terminer ce soir les points du département de l'action sociale et de la santé.

Mme Liliane Charrière Urben (S). Je serai brève, Mme Olsommer ayant exprimé une partie de ce que j'entendais dire.

Cependant, je voudrais préciser qu'avant même de recevoir l'arrêt du Tribunal fédéral nous avions l'intention, en tant que députés, de nous abstenir à la fin des débats. Notre abstention n'est pas liée à un désaccord ou au désaveu du rapport qui vous a été fourni, mais plutôt au malaise suscité par cette situation, décrite par M. Lescaze avec discrétion et sobriété. Vu la complexité du dossier, il fallait quand même être fort pour nous exposer, en quelques mots, ce qui s'est passé !

D'habitude, les naissances sont source de joie. Ici, elles ont été une source de malheurs qui n'ont cessé de frapper M. Moulin et sa famille.

Nous avons eu le sentiment d'un dysfonctionnement ou d'un vide. En commission, nous avons tous ressenti un lourd malaise et compris que nous étions démunis pour intervenir d'une manière ou d'une autre.

Le dossier a été perdu, lors de sa transition entre un expert et le Palais de justice. Faut-il incriminer ce dernier ? Faut-il incriminer la poste ou l'expéditeur ? Je me garderai bien de me prononcer. Il n'empêche que la Cour de justice n'a pas spécialement cherché à savoir ce qu'il en était; elle s'est simplement contentée de constater la disparition du dossier.

S'agissant d'un dossier constitué sur des bases matérielles, l'on pourrait peut-être se satisfaire de cette réponse. Quand il y a mort de personne, cette réponse est légère, ainsi que l'a relevé le Tribunal fédéral.

Le Tribunal fédéral a encore relevé autre chose. Il dit que des zones d'ombre subsistent dans la succession des complications qui ont entouré l'accouchement de Mme Moulin. Il y a donc des difficultés et des points qui n'ont pas été éclaircis.

Vous comprendrez qu'il n'appartenait pas aux membres de la commission de dire si la justice a mal fait son travail, si le dysfonctionnement provient de l'hôpital, de la justice, ou bien des deux, ou encore d'ailleurs. Nous avons simplement eu le sentiment que dans un tel cas, il aurait fallu que le citoyen, aux prises avec une situation extrêmement difficile, puisse recourir à une instance ad hoc.

Or force est de constater que nous n'avons pas su où l'envoyer pour déposer son recours, puisque nous avons voulu respecter le principe de la séparation des pouvoirs.

Le Tribunal fédéral ayant pris une décision assez ferme en l'occurrence, la sagesse voudrait que l'on renvoie ce dossier à la commission judiciaire... (Exclamations, chahut.)... pour que les gens compétents qui y siègent puissent apprécier s'il y a eu ou non application des principes de justice minimaux. Je vous rappelle qu'il ne s'agit pas d'une affaire financière au premier chef, mais, en priorité, d'un cas humain. C'est cet aspect-là qui nous a retenus, parce qu'étant le plus important. (Chahut.) Merci à ceux des bancs d'en face qui semblent dire que la vie n'a guère d'importance !

M. Bernard Lescaze (R), rapporteur. J'aurais mauvaise grâce à m'opposer au renvoi de la pétition à la commission judiciaire. Je tiens cependant à dire que cette commission ne pourra se renseigner que sur la manière dont le dossier médical a disparu au Palais de justice. Il est maintenant prouvé qu'il n'est plus à l'hôpital, qu'il a été en main de la justice et je ne voudrais pas qu'en renvoyant cette pétition à la commission judiciaire on suscite de faux espoirs.

De toute façon, l'arrêt du Tribunal fédéral des assurances est clair. D'autres expertises devront être analysées. La justice poursuivra son cours, et la commission judiciaire pourra, en effet, s'interroger sur la façon dont certaines pièces sont conservées ou non au Palais de justice. A ce moment-là, les remarques de M. Ferrazino devront être prises en compte.

Mise aux voix, la proposition de renvoyer ce rapport à la commission judiciaire est adoptée.