République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7396
5. Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur le notariat (E 5 1). ( )PL7396

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

La loi sur le notariat, du 25 novembre 1988, est modifiée comme suit:

Art. 2, al. 3 et 4 (nouveaux)

3 Dans l'exercice de leurs fonctions comme en dehors de leur ministère, les notaires font preuve de la dignité et de la délicatesse que leur impose leur profession, ainsi que des égards et de la courtoisie auxquels ils sont tenus dans leurs relations avec leurs clients, le public et les autorités.

4 Les notaires évitent tous actes pouvant les placer dans la sujétion matérielle de leurs clients ou de tiers et toute opération mettant en danger leur crédit ou leur indépendance.

Art. 49, al. 1, 2 et 4 (nouvelle teneur) et al. 5 (nouveau)

Contrôle

1 Le notaire a l'obligation de faire contrôler, au 30 juin et au 31 décembre de chaque année, la comptabilité de son étude par une fiduciaire ou un expert-comptable agréés par le département chargé de la justice (ci-après le département).

2 Les conclusions du rapport de la fiduciaire ou de l'expert-comptable sont communiquées au département dans les 3 mois suivant les échéances mentionnées à l'alinéa 1. Tout changement de contrôleur pour le même exercice annuel doit être dûment motivé.

4 Le notaire est tenu de fournir à l'organe de contrôleet, le cas échéant, à la commission de surveillance, les renseignements et documents requis par eux. De plus, il doit confirmer à l'organe de contrôle, qui en fait mention dans les conclusions de son rapport, que toutes les dettes exigibles dues par lui, à titre professionnel et privé, en capital et intérêts, ont été acquittées à la date de la rédaction desdites conclusions.

5 La commission de surveillance peut ordonner le contrôle d'une étude lorsqu'elle estime que les circonstances le justifient. Ce contrôle peut porter sur les actes, procédures, registres, répertoires et archives de l'étude.

Art. 52 (nouvelle teneur)

Saisine de la commission

1 La commission est convoquée par le Conseil d'Etat lorsque celui-ci a des raisons de craindre qu'un notaire a manqué à ses obligations, notamment suite à une dénon-ciation émanant d'un lésé, d'une autorité judiciaire ou administrative, d'un membre de la commission ou de la Chambre des notaires. Son instruction peut s'étendre à d'autres faits que ceux dont elle a été saisie.

2 La commission ne peut valablement délibérer que si 4 membres ou suppléants au moins sont présents. Le notaire mis en cause doit être entendu ou avoir été dûment appelé.

Art. 57, al. 1 (nouvelle teneur)

Mesures provisionnelles

1 En cas d'urgence, le Conseil d'Etat peut suspendre provisoirement un notaire de ses fonctions.

EXPOSÉ DES MOTIFS

I. Introduction

Deux affaires impliquant des notaires et qui ont défrayé la chronique judiciaire au cours de ces dernières années ont mis en évidence la nécessité de renforcer les mécanismes de protection des clients des notaires prévus par la loi sur le notariat adoptée en 1988 et son règlement d'exécution.

Sur la base de propositions de la Chambre des notaires, le Conseil d'Etat a pris les mesures qui relevaient de sa compétence en adoptant, le 26 juillet 1995, une modification dudit règlement aux fins d'améliorer la formation de ces officiers publics, d'augmenter le montant des sûretés qu'ils doivent déposer et de renforcer la garantie des fonds de clients transitant en leurs mains.

Les candidats aux fonctions de notaires seront désormais astreints, à l'instar des avocats stagiaires, à un examen de déontologie et tous les notaires tenus d'utiliser, pour les fonds de leurs clients, un compte distinct de leur compte d'exploitation et ne pouvant faire l'objet ni de nantissement, ni de compensation.

Le but du présent projet de loi, à l'élaboration duquel la Chambre des notaires a étroitement collaboré, est de compléter ces mesures en renforçant le contrôle des études (art. 49), ainsi qu'en facilitant la saisine de la commission de surveillance (art. 52) et l'exercice de son pouvoir disciplinaire par le Conseil d'Etat (art. 2).

II. Commentaire article par article

Art. 2, al. 3 et 4 (nouveaux)

Ces règles, inspirées des Us et Coutumes de la Chambre des notaires, complétant l'article 4 (incompatibilités), sont à mettre en parallèle avec les articles 10 et 27 de la loi sur la profession d'avocat, qui instaurent des obligations analogues.

Quand bien même, en droit disciplinaire, les normes corporatives peuvent en principe être appliquées lorsqu'elles répondent à la sauvegarde d'un intérêt public déterminé, il apparaît souhaitable d'ancrer dans la loi ces obligations générales dont la transgression doit pouvoir être sanctionnée(art. 50) sans que cela prête à discussion. Il est frappant de constater que, dans cette optique, la promesse du notaire (art. 46) n'offre pas de base légale comparable au serment professionnel de l'avocat (art. 27), d'où la nécessité d'augmenter l'article 2 de la loi sur le notariat, qui énonce de manière trop succincte les obligations générales des notaires.

Art. 49, al. 1, 2, 4 (nouvelle teneur) et al. 5 (nouveau)

La loi sur le notariat du 25 novembre 1988 (art. 49) et son règlement d'exécution (art. 16) ont officialisé l'obligation pour le notaire de faire contrôler annuellement sa comptabilité par une fiduciaire ou un expert-comptable, les conclusions du rapport de contrôle devant être communiquées au département de justice et police et des transports.

Depuis l'entrée en vigueur de ces dispositions, l'expérience a enseigné qu'un contrôle annuel était insuffisant et qu'il importait que les notaires remettent promptement au département les conclusions du rapport de leur contrôleur. En effet, actuellement, des erreurs ou malversations peuvent se produire plus d'une année avant que le contrôleur ne soit en mesure de les constater et que le département n'en ait connaissance. Or, ce type de contrôle a démontré toute son efficacité à l'occasion d'une des affaires rappelées plus haut, l'incapacité du notaire à produire au département une attestation conforme ayant servi de révélateur et permis de déclencher les poursuites disciplinaire et pénale qui ont conduit à la démission de ses fonctions et à son arrestation.

Il vous est donc proposé d'introduire l'obligation d'un contrôle semestriel (al. 1) et de prévoir un délai contraignant de 3 mois dans lequel les conclusions du contrôleur devront être communiquées au département. De plus, tout changement de contrôleur au cours d'un exercice annuel devra être dûment motivé (al. 2).

Il est bien clair que la fortune du notaire, qu'elle soit privée ou professionnelle, appartient à une seule et même personne. Il convient donc d'éviter que, pour être en mesure de présenter une situation professionnelle en ordre à son contrôleur, le notaire ne soit amené à contacter des emprunts sur sa fortune privée qu'il ne pourrait plus maîtriser et dont il ne parviendrait pas à acquitter les intérêts débiteurs.

Comme il n'est cependant pas pensable de soumettre régulièrement l'entier de la fortune privée de tous les notaires à un contrôle et à une estimation, ce qui n'est du reste le cas pour aucune autre profession à Genève, et que les notaires sont des officiers publics assermentés, il est prévu de compléter le rapport de contrôle professionnel par une déclaration du notaire certifiant qu'il n'est pas en retard dans l'acquittement de ses intérêts débiteurs personnels (al. 4).

Enfin, pour garantir le respect de l'obligation du notaire de renseigner l'organe de contrôle et la commission de surveillance sur ses comptes, la faculté doit être donnée à cette dernière d'ordonner le contrôle d'une étude lorsqu'elle estime que cela s'impose (al. 5).

Art. 52 (nouvelle teneur)

L'article 52 de la loi actuelle, relatif à la saisine de l'autorité de surveillance, a repris mot pour mot le texte de la loi de 1912 (art. 45), qui prévoyait que «la commission est convoquée sans délai par le Conseil d'Etat, sur plainte écrite et motivée».

De fait, l'application de cette disposition n'avait jamais posé de problème jusqu'à ce que le Tribunal administratif annule, par un arrêt du 30 avril 1993, une sanction de 6 mois de suspension infligée à un notaire par le Conseil d'Etat sur préavis de la commission de surveillance, au motif que cette dernière n'avait pas été saisie sur la base d'une plainte émanant d'un lésé, mais sur celle d'une dénonciation émanant d'un juge.

Tel qu'il est interprété par le Tribunal administratif, l'article 52 ne permet donc plus à l'autorité disciplinaire d'intervenir en l'absence d'une «plainte» au sens étroit du terme, soit de la dénonciation d'une infraction par la personne qui affirme en être la victime, quand bien même les manquements de l'officier public à ses devoirs seraient notoires.

Il importe de remédier à cette situation hautement insatisfaisante, l'application du droit disciplinaire, dont le but premier est de protéger le public en prenant des mesures pouvant aller jusqu'à la suspension, voire la destitution du fautif, ne devant pas dépendre du seul bon vouloir d'un éventuel «lésé», qui peut avoir intérêt à ne pas se plaindre, voire tout simplement ne pas être en mesure d'agir (faiblesse d'esprit, décès).

Tel est le but de la nouvelle formulation de l'alinéa 1 qui vous est proposée, étant rappelé que la saisine d'office ou sur dénonciation de l'autorité de surveillance existe déjà pour les autres professions juridiques, telles celles d'huissier judiciaire (art. 149 D et 149 F de la loi sur la profession d'avocat).

L'alinéa 2 reprend les deux dernières phrases de l'article actuel.

Art. 57, al. 1 (nouvelle teneur)

Par rapport au texte actuel, les termes «après le dépôt d'une plainte» sont supprimés, afin de ne plus faire dépendre la suspension provisoire d'un notaire en cas d'urgence par le Conseil d'Etat de cette condition.

Au bénéfice de ces explications, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à approuver le présent projet de loi.

Préconsultation

M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Les notaires ont joué un rôle dynamique dans la rédaction de ce projet de loi, et je voudrais les féliciter ici et les remercier publiquement.

Ce projet est renvoyé à la commission judiciaire.