République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1010-A
12. Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Mme Elisabeth Reusse-Decrey concernant le règlement d'application des dispositions sur le séjour et l'établissement des étrangers (F 2 3). ( -) M1010
Mémorial 1995 : Annoncée, 3015. Développée, 3182. Adoptée, 3184.

LE GRAND CONSEIL,

considérant:

- la récente modification, par le Conseil d'Etat, du règlement d'application des dispositions sur le séjour et l'établissement des étrangers et concer-nant l'application de la loi sur les mesures de contrainte;

- la décision de prolonger à 96 heures une détention strictement admi-nistrative, sans aucun contrôle judiciaire;

- le chapitre sur la liberté individuelle de la constitution genevoise, qui consacre le principe d'un contrôle de la détention par le juge au plus tard dans les 48 heures et auquel le Grand Conseil avait estimé en 1988 ne pas pouvoir déroger pour les détentions en vue du refoulement;

- le non-respect de la loi fédérale qui stipule clairement que les conditions et lieux de détention doivent être appropriés à des personnes n'ayant commis aucun délit,

invite le Conseil d'Etat

à modifier d'urgence le règlement du 3 mai 1995, respectivement du15 février 1995, en rétablissant le principe d'un contrôle judiciaire de la détention dans les 48 heures, le cas échéant en donnant cette compétence à un juge unique du Tribunal administratif plutôt qu'à une section formée de trois juges de ce tribunal et en définissant un régime de détention administrative dégagée des contraintes liées au secret et à la sécurité en matière de détention préventive.

1. Introduction

L'application de la loi fédérale sur les mesures de contrainte, acceptée par le peuple le 4 décembre 1994, est un domaine dans lequel un certain nombre de précautions devaient être prises: elle peut entraîner des restrictions importantes de la liberté personnelle et les débats à son sujet perdent vite toute rationalité.

Loin de l'acharnement de quelques collectivités, motivé en grande partie par la présence de nombreux étrangers dépourvus d'autorisation de séjour sur la scène de la drogue à Zurich, Genève devait adopter un texte transitoire, sans retard, afin d'éviter le vide juridique provoqué par l'absence de normes cantonales adaptées au droit fédéral modifié. Dans une phase intermédiaire, la nouvelle loi donne compétence en la matière aux gouvernements cantonaux.

L'entrée en vigueur d'un règlement d'application devait parer à l'attrait qu'aurait exercé un canton limitrophe, dénué de législation dissuasive, sur des personnes mal intentionnées et anonymes à dessein. Par sa tradition d'accueil, la tolérance de sa population et le pourcentage déjà important de ressor-tissants étrangers établis ou travaillant sur son territoire, notre canton était particulièrement exposé.

Afin de préserver ce qui pouvait l'être des dispositions cantonales déjà en vigueur dans le domaine de la contrainte et de conserver la possibilité de s'opposer au tourisme criminel, le Conseil d'Etat a adopté un règlement d'application, modifiant le règlement existant, qui confirmait les compétences confiées jusqu'alors aux juges d'instruction et à la Chambre d'accusation en matière de contrôle de la détention administrative.

Notre Conseil a toutefois pris soin de faire une déclaration devant le Grand Conseil le 16 février 1995 (Mémorial 1995 I 575-578), par laquelle il réitérait sa détermination en faveur d'un recours modéré aux nouvelles dispositions fédérales.

On constate aujourd'hui que les engagements d'hier ont été tenus. Les chiffres parlent d'eux-mêmes: alors que 455 personnes avaient fait l'objet d'une mesure de détention administrative en 1994, seuls 50 étrangers ont été détenus pendant les 6 premiers mois d'application du nouveau droit fédéral.

Au surplus, le Conseil d'Etat relève avec satisfaction que les directives limitatives données à l'administration ont été respectées et qu'elles n'ont souffert d'aucune exception. C'est ainsi qu'aucun mineur et qu'aucune famille n'ont, à ce jour, été l'objet des nouvelles mesures de contrainte du droit des étrangers entrées en vigueur le 1er février 1995.

2. Désignation de l'autorité judiciaire compétente

Pour garantir la continuité et l'efficacité des procédures, le contrôle de la légalité et de l'adéquation de la détention avait été confié au juge d'instruction, parce qu'il était membre de la seule juridiction cantonale en mesure d'assurer une permanence et de permettre l'audition des personnes mises en détention administrative dans les 48 heures qui suivaient. Le règlement transitoire prévoyait même la transmission du dossier au juge sans délai, de sorte qu'il pouvait s'en saisir en tout temps. Le texte actuel prévoit d'ailleurs toujours cette remise automatique du dossier par la police à l'autorité judiciaire compétente.

A ce sujet, le Conseil d'Etat remarque que le projet de loi déposé devant le Grand Conseil par des députés de presque tous les partis, dont la signataire de la motion, confiait la compétence de contrôler l'opportunité des détentions administratives aux mêmes instances.

La décision du Tribunal fédéral de disqualifier le juge pénal comme juge de la détention administrative a toutefois obligé le Conseil d'Etat à modifier son règlement transitoire et à revoir le délai de mise à disposition de l'autorité judiciaire compétente des personnes dont la mise en détention a été ordonnée.

Ainsi, le Tribunal administratif a remplacé les instances pénales alors en charge.

Il paraissait en effet d'autant moins opportun, pour des raisons d'économie et de compétence, de créer une instance ad hoc commise au seul contrôle de l'application des mesures de contrainte qu'une solution plus rationnelle était envisageable à moyenne échéance.

Au demeurant, cette formule correspond à la position exprimée à plusieurs reprises par le procureur général, en particulier dans une lettre au Conseil d'Etat du 29 mai 1995.

3. Modification du délai de mise à disposition

Pour pouvoir maintenir un délai de mise à disposition de l'autorité judiciaire de 48 heures, il aurait éventuellement fallu désigner un juge au Tribunal administratif comme juge de la détention administrative.

Toutefois, des problèmes pratiques importants se seraient posés à une juridiction ne comptant que cinq juges pour assurer une permanence. Par ailleurs, la loi sur le Tribunal administratif et le Tribunal des conflits, du29 mai 1970, ne prévoit pas de composition à un seul juge.

Au surplus, pour des raisons liées au respect du principe d'impartialité, il n'aurait pas été possible de désigner le Tribunal administratif comme autorité de recours contre les décisions d'un de ses propres juges, qui aurait alors dû statuer en instance unique.

Ainsi, en l'absence d'un double niveau de juridiction cantonal, le Conseil d'Etat a décidé qu'en matière de contrôle de la légalité et de l'adéquation de la détention administrative, le Tribunal administratif devait statuer en section de trois juges.

Cette solution offrait de meilleures garanties au justiciable, surtout dans une phase où la jurisprudence devait encore être établie.

Dans cette composition, le délai de 48 heures prévu initialement pour l'examen de la décision de l'officier de police ne pouvait plus être maintenu.

Le Tribunal administratif ayant décidé d'agender deux séances hebdomadaires fixes pour les auditions de détenus, soit le lundi matin et le jeudi après-midi, le délai prévu par la loi fédérale n'est cependant quasiment jamais utilisé dans les faits. De plus, si cette juridiction doit statuer dans les 96 heures, l'exigence de la transmission du dossier sans délai par la police a été conservée.

Contrairement à ce qu'affirme la signataire de la motion, le double délai de 24 heures prévu par l'article 15 de la constitution genevoise ne vise pas l'hypothèse de la détention administrative, mais exclusivement celle de la détention pénale préventive. Il paraît déplacé d'invoquer maintenant une norme cantonale de caractère pénal, alors que le Tribunal fédéral vient d'insister avec force sur l'importance de distinguer le domaine administratif du domaine pénal.

Les récents arrêts du Tribunal fédéral en la matière ont ainsi modifié les données du problème, au point que notre canton a dû adapter sa législation d'exécution.

4. Conséquences effectives de la modification réglementaire

Contrairement à ce que la motion laisse entendre, on constate que la modification du règlement cantonal transitoire intervenue le 31 mai 1995 a adouci l'application de la loi fédérale sur les mesures de contrainte à Genève. Alors que 48 personnes avaient fait l'objet d'une mise en détention administrative du 1er février 1995 (date de l'entrée en vigueur de la loi fédérale sur les mesures de contrainte) au 6 juin 1995 (date de l'entrée en vigueur de la dernière modification réglementaire), seuls 17 étrangers ont été mis en détention depuis lors.

De même, alors qu'il y avait encore 24 personnes détenues pour des raisons administratives au 31 mai 1995, il n'y en avait plus qu'une au30 septembre 1995.

Au surplus, si la procédure devant l'autorité judiciaire est restée orale, conformément à la loi, les débats sont devenu publics et l'administration y est représentée. Après l'audience, les décisions sont rendues sur le siège suite à délibération. Le Tribunal administratif rend des arrêts dont la motivation est particulièrement détaillée.

De plus, l'accès au Tribunal fédéral, dont le souci et la volonté de veiller à une interprétation restrictive des nouvelles dispositions de contrainte sont manifestes, est plus rapide lorsqu'il n'y a qu'une seule instance cantonale. Dans cette première phase d'application du nouveau droit fédéral, l'expérience a démontré que cet élément pouvait avoir de l'importance et qu'il était opportun que la Haute Cour puisse définir avec promptitude les principes à respecter.

Il en est résulté une jurisprudence fédérale et cantonale univoque. Tant la police que l'office cantonal de la population s'y réfèrent et suivent son évolution avec attention.

Le Conseil d'Etat entend encore souligner que, dans sa dernière version, le règlement cantonal attribue à l'office cantonal de la population la compétence de prononcer la mise en liberté d'un étranger faisant l'objet d'une mesure de détention administrative. Si les efforts déployés par l'admi-nistration pour obtenir des documents permettant le refoulement restent vains, la libération ne dépend ainsi pas nécessairement d'une décision judiciaire.

5. Conditions de détention

S'agissant des conditions de la détention administrative, le Conseil d'Etat signale que les personnes arrêtées en application de la loi fédérale sur les mesures de contrainte et du règlement cantonal transitoire sont détenues depuis le 22 juin 1995 à la Maison d'arrêt de Favra. Un étage leur est spécialement réservé.

Depuis le 8 août dernier, deux délégués des Eglises ont un accès illimité aux personnes faisant l'objet d'une détention administrative, avec lesquelles ils sont autorisés à s'entretenir sans témoin.

Dans un arrêt du 7 août 1995 rendu sur une demande de levée de détention, le Tribunal administratif a conclu que les conditions de détention étaient conformes à la loi fédérale.

6. Perspectives

Pour éviter la mobilisation systématique de trois juges du Tribunal administratif, par ailleurs occupés par d'autres attributions, le Conseil d'Etat est d'avis que la meilleure formule consisterait, à moyen terme, à rétablir en la matière un double niveau de juridiction, en confiant le premier contrôle de la légalité et de l'adéquation de la détention à une instance juridictionnelle en mesure de statuer dans les 48 heures, Le Tribunal administratif n'inter-viendrait alors plus que comme autorité cantonale de recours.

Si la rapidité d'accès au Tribunal fédéral pouvait être un avantage pour les personnes ayant fait l'objet d'une détention administrative alors que quelques notions demandaient encore clarification, elle n'aura plus, avec le temps et la jurisprudence dégagée, l'importance qu'elle a pu avoir dans les mois qui ont suivi l'entrée en vigueur de la loi fédérale sur les mesures de contrainte.

Pour ce qui est de la première instance de contrôle, qui serait de créer, plusieurs solutions paraissent envisageables. L'une d'elles, qui présenterait des avantages d'économie et de praticabilité, consisterait à augmenter les compétences de la future commission indépendante de recours en matière de séjour et d'établissement des étrangers, dont le droit fédéral impose la mise sur pied avant le 15 février 1997.

Le fait que cet organe serait principalement appelé à statuer sur recours n'empêcherait pas de lui confier des compétences de première instance dans le domaine voisin des mesures de contrainte.

Le désignation du président de cette commission, qui pourrait être suppléé par chacun des autres membres, comme autorité judiciaire chargée de contrôler la légalité et l'adéquation de la détention administrtive, pourrait aboutir au rétablissement à 48 heures du délai de mise à disposition. Au surplus, on éviterait par cette procédure la multiplication des juridictions.

7. Conclusion

Sept mois après l'entrée en vigueur de la loi fédérale sur les mesures de contrainte, le Conseil d'Etat estime que le canton est sur la bonne voie. La pratique actuelle et les chiffres relevés en sont la démonstration.

Conformément aux engagements pris devant le Grand Conseil le16 février 1995, les nouvelles dispositions sont appliquées avec mesure et circonspection. Le nombre de mises en détention a sensiblement diminué depuis la modification réglementaire du 31 mai dernier. Le Conseil d'Etat n'a d'ailleurs fait qu'adapter sa réglementation transitoire à la jurisprudence du Tribunal fédéral.

En l'état, il n'a donc pas l'intention de modifier ces dispositions.

Si les autorités d'exécution doivent faire preuve de souplesse et de tolérance envers les innocents, les mineurs et les familles, elles doivent en revanche traiter avec la rigueur nécessaire les personnes qui mettent en péril l'ordre et la sécurité publics.

Les procédures et directives existantes permettent de distinguer des autres cette infime catégorie d'individus qui, par leur comportement, font du tort à des communautés étrangères entières résidant dans notre pays pour des motifs honorables. Le Conseil d'Etat est toutefois d'avis que les aménagements législatifs futurs contribueront à augmenter la sérénité et le discernement dans le traitement de cette délicate problématique.

Annexes:

- Tableau récapitulatif (application de la loi fédérale sur les mesures de contrainte au 30 septembre 1995).

- Tableau comparatif de l'application de la loi fédérale sur les mesures de contrainte par les autres cantons.

ANNEXES

carteDébat

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Ce rapport tend à nous démontrer que tout semble aller au mieux dans le cadre de l'application de la loi sur les mesures de contrainte. L'étonnement de celles et ceux qui connaissent la réalité est, je dois l'avouer, assez grand. Je crains que le Conseil d'Etat ne soit un peu dur d'oreille et malvoyant face à la réalité. N'entend-il donc pas le tribunal administratif se plaindre systématiquement de la police et la police se plaindre systématiquement du tribunal administratif ? Ne perçoit-il donc pas les problèmes liés aux conditions de détention, problèmes qui, pourtant, lui ont été soumis par écrit ?

Je ne crois pas utile de porter mon intervention sur le plan juridique, celui-ci étant fort complexe; le Conseil d'Etat le reconnaît lui-même dans sa réponse.

Je voudrais, cependant, évoquer deux points : celui de la référence à notre constitution et celui de la détention.

Notre constitution, dans son chapitre sur la liberté individuelle, consacre le principe du contrôle de la détention par le juge dans les quarante-huit heures au plus tard. Le Conseil d'Etat, dans son rapport, estime que cela ne saurait concerner la détention administrative, le type de détention auquel nous avons affaire dans le cadre des mesures de contrainte. Je conteste cette interprétation pour deux raisons.

La première est que ce Grand Conseil avait estimé, en 1988, que ce qu'affirmait notre constitution dans le domaine pénal devait être appliqué, précisément, sur ce point-là et, par analogie, pour les détentions administratives. Cet aspect, en tant que tel, est absent de notre constitution, parce que l'article date de 1977 et que, à l'époque, on ne parlait pas de détention administrative en vue de refoulement.

La deuxième est que je vois mal comment l'on pourrait appliquer la loi plus sévèrement pour des détenus administratifs que pour des détenus pénaux.

Je maintiens donc que le délai de détention au-delà de quarante-huit heures n'est pas conforme à l'esprit de notre constitution.

Le deuxième volet de mon intervention porte sur les conditions de détention. Certes, il est tenu compte, maintenant, des exigences de la loi fédérale et les détenus administratifs ne cohabitent plus avec les détenus de droit commun. Il est vrai que la situation n'est pas simple ! Comment trouver un lieu qui réponde à de telles exigences ? Mais je ne crois pas que l'on puisse dire que les conditions actuelles de détention sont bonnes, la maison de Favraz n'est pas adaptée, et, pour le démontrer, je vous cite quelques exemples : la cabine téléphonique et la cafétéria sont inaccessibles; il est difficile de recevoir du courrier ou des visites; il n'y a pas d'activités sportives et d'ateliers d'occupation; les repas sont pris en cellule. Ces conditions de détention dépassent en dureté celles réservées aux cas pénaux... (Protestation de M. Gérard Ramseyer.) Si, Monsieur Ramseyer, cela vous a même été communiqué par écrit, en octobre dernier !

En l'état, il nous est donc difficile d'accepter ce rapport. De nombreux points font l'objet d'arrêts tant du Tribunal administratif que du Tribunal fédéral, et certaines de nos propositions antérieures doivent aussi, il est vrai, être corrigées sous l'angle de ce nouvel éclairage.

Par conséquent, je propose que ce rapport soit renvoyé à la commission judiciaire qui devrait incessamment commencer ses travaux sur la loi d'application des mesures de contrainte. Lesdits travaux n'en seront pas rallongés pour autant. Le rapport sera simplement intégré dans le cadre du travail de la commission judiciaire.

M. Bernard Clerc (AdG). Dans son rapport, le Conseil d'Etat se félicite d'un recours modéré aux mesures de contrainte. Faudrait-il encore s'entendre sur ce terme de «modéré» ! On nous assure qu'aucun mineur, qu'aucune famille n'ont fait l'objet des mesures de contrainte. Encore heureux !

Au 30 septembre, soixante-cinq personnes étaient détenues en fonction de ce droit qui, pour nous, est un droit d'exception. Soixante-cinq, c'est beaucoup trop, nous devrions être à zéro. Oui, à zéro, comme le canton de Fribourg et comme le canton de Vaud. Le canton du Jura ne compte qu'une détention de ce type. En résumé, si nous nous référons à la page 9 du rapport, l'on constate que Genève se place en tête des cantons romands.

Notre position, sur le fond, reste la même : appliquer le droit pénal, tout le droit pénal et rien que le droit pénal aux étrangers commettant des délits. En absence de tout délit, il n'y a aucune raison de procéder à des détentions administratives de ce type.

Le canton a la possibilité de geler l'application des mesures de contrainte, comme le fait, en réalité, le canton de Vaud, grâce au conseiller d'Etat Biéler. C'est une question de volonté politique qui met au premier rang le respect des principes fondamentaux de notre Etat de droit et non pas des mesures d'exception dictées, en fait, par la démagogie et la xénophobie.

M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Chaque fois que je contemple le paysage avec Mme Reusse-Decrey, elle voit le crépuscule et moi le point du jour !

Vous parlez, Madame, du problème de la détention. Je vous rappelle, une fois de plus, combien ce débat est surréaliste ! A l'époque où la campagne sur la loi des mesures de contrainte était en cours, vous-même, ceux qui vous sont proches et les milieux caritatifs me demandaient de ne rien changer à la pratique genevoise, et je me suis engagé dans ce sens. Auparavant déjà, les personnes dont on parle étaient incarcérées à Champ-Dollon. Je ne modifie en rien les promesses que j'ai moi-même faites. Et c'est vous qui, maintenant, demandez la réforme d'une pratique que vous ne vouliez pas changer !

Nous modifions cette pratique en plaçant les détenus à Favraz, un établissement plus souple que Champ-Dollon. Cela ne suffit pas : il faudrait encore que je vous invente un «Club Med» quelque part ! Je vous dis que nos recherches vont dans le sens d'une solution intercantonale, et que nous ne voulons pas construire une prison. Et, maintenant, c'est vous qui me le demandez ! Franchement, le débat est surréaliste !

Autre aspect surréaliste : vous vous plaignez du non-respect du délai de quarante-huit heures. Madame la députée, lors du débat sur l'intervention des juges d'instruction, ce délai de quarante-huit heures était en vigueur, mais vous avez brandi un arrêt du Tribunal fédéral qui nous a obligés à passer sous une autre juridiction, celle du Tribunal administratif. De ce fait la notion du délai de quarante-huit heures a été perdue. C'est de votre faute et non de la mienne !

Monsieur le député Clerc, vous exprimez des voeux, et moi je vous rappelle la volonté populaire sur laquelle vous vous appuyez, de façon réitérée. Le peuple a voté une loi et nous l'appliquons.

Vous dites que le droit pénal doit être appliqué. A ce propos, je vous signale, Monsieur le député, que l'une des causes des relations parfois difficiles de la police avec le Palais de justice est que ce dernier remet en liberté des délinquants pénaux que l'on ne peut pas refouler. En huit mois, on a relâché cent nonante-trois délinquants pénaux que l'on ne pouvait expulser. Ils n'ont pas été internés. Quarante et un ont récidivé en commettant soixante-quatre nouveaux délits. D'où de nouvelles arrestations par la police, d'où la mauvaise humeur de cette dernière qui ne cesse d'arrêter les mêmes individus. Alors, vous pouvez toujours prétendre que les lois de contrainte ont un rôle négatif, ce n'est pas mon avis !

Quant au renvoi de ce rapport en commission judiciaire, il me suggère de vous dire que l'on peut réinventer la roue éternellement. Aujourd'hui même, la presse signale un nouvel arrêt du Tribunal fédéral qui stigmatise l'attitude d'un juge zurichois. Dans deux ou trois semaines, en collaboration avec M. Biéler que vous citez fort à propos, nous aurons des nouveautés à vous proposer. De sorte que, tous les mois, il y aura quelque chose d'inédit. Je veux bien que l'on reprenne sans cesse les mêmes rapports et que l'on refasse l'histoire, néanmoins, je vous invite à plus de mesure. Nous travaillons tous, je présume, avec les mêmes ambitions sur les mêmes projets, mais il ne faut pas dépasser certaines limites. Actuellement, au niveau de la police, la situation est limite. Les conditions de détention seront peut-être améliorées si nous parvenons à trouver une solution intercantonale avec nos amis vaudois, voire avec le concordat romand. C'est tout ce que je peux vous dire.

Mais renvoyer ce rapport en commission pour reprendre la discussion ne servira à rien du tout, face à une situation éminemment évolutive.

Mise aux voix, la proposition de renvoyer ce rapport à la commission judiciaire est rejetée.

Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.