République et canton de Genève

Grand Conseil

M 999
5. Proposition de motion de MM. Jean Spielmann et Bernard Clerc sur la CTA. ( )M999

EXPOSÉ DES MOTIFS

A la suite de la déconfiture de la compagnie SATA, qui déployait ses activités dans le domaine des vols charters, le Conseil d'Etat a voulu maintenir cette activité importante pour Genève sur le plan économique et a pris l'initiative, il y a une quinzaine d'années, de créer une nouvelle compagnie aérienne, la CTA, libérée de toute dette, reprenant le personnel et les activités de la SATA.

L'Etat de Genève s'est porté actionnaire de la nouvelle société CTA et a convaincu d'autres cantons romands d'en faire de même. La CTA s'est développée de manière réjouissante. La flotte d'avions a pu être renouvelée et le Conseil d'Etat s'est félicité de l'activité bénéficiaire de la nouvelle CTA.

Il semble que Swissair soit devenue actionnaire principale de la société. Swissair a imposé la fusion de la CTA, société bénéficiaire, avec Balair, qui était déficitaire, avant d'imposer la suppression de cette nouvelle société qui avait regroupé ces deux compagnies de vols charters.

Le Conseil d'Etat peut-il faire connaître sa posiiton à l'égard de la disparition de la société CTA créée par l'Etat de Genève ? Quelle action a-t-il menée contre ce sabordage ? Que deviendra le personnel ? Qu'est-il advenu des actifs de la société ?

Toutes ces questions méritent une réponse circonstanciée vue l'importance de cette affaire et les enjeux économiques qui sont en cause.

Débat

M. Bernard Clerc (AdG). Je me souviens, il y a de cela environ une année, que le président Vodoz était arrivé à une séance, en commission des finances, en nous annonçant avec beaucoup de satisfaction que Balair CTA était rapatrié à Genève et qu'un certain nombre d'emplois était sauvé.

Aujourd'hui, malheureusement, il faut bien constater, selon les syndicats, que ce sont environ cent vingt postes de travail qui risquent de disparaître !

Il convient de rappeler ici qu'à sa création la CTA disposait d'un capital de 6 millions, que ce capital a été augmenté en 1979 à 10,5 millions, notamment avec la participation des pouvoirs publics et d'un certain nombre de collectivités publiques, qui disposaient de 43% du capital. Le canton de Genève, à l'époque, avait souscrit à ce capital à hauteur d'un million. Aujourd'hui, on nous parle, semble-t-il, du rachat des actions par Swissair, ce qui évidemment liquide cette compagnie.

Le but de cette motion est donc d'obtenir un rapport détaillé sur les démarches qui ont été entreprises pour sauver cette compagnie, d'une part, et sur le sort réservé aux employés de la CTA, d'autre part, compte tenu du fait que l'Etat de Genève disposait d'un pouvoir à travers le capital de cette compagnie.

Nous demandons le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Il y a effectivement quelque temps - M. Clerc l'a rappelé - la fusion entre la compagnie Balair et la compagnie CTA a été décidée par l'actionnaire principal de l'une et de l'autre de ces deux compagnies, c'est-à-dire Swissair.

Qu'il me soit permis de vous dire qu'à l'époque nous nous sommes opposés à cette fusion, que nous l'avons regrettée et que notre collègue Vodoz, en particulier, siégeant au conseil de la CTA, avait donné les motifs pour lesquels cette fusion ne recueillait pas notre approbation.

Nous étions, en effet, persuadés que CTA, qui était une compagnie saine, dont les coûts d'exploitation étaient maîtrisés et dont le marché était en développement, serait en réalité tirée vers le bas par la compagnie Balair. En effet, cette dernière avait des coûts d'exploitation beaucoup trop élevés en comparaison du marché et du chiffre d'affaires auxquels elle pouvait prétendre.

Ce que nous avions dit à l'époque - et je l'ai dit moi-même au conseil de Swissair - s'est malheureusement révélé exact. L'une et l'autre, ainsi fusionnées, ont plongé. La compagnie Balair CTA n'a pas été en mesure de répondre aux attentes que l'actionnaire principal - Swissair - avait placées en elle.

Décision a été prise, par conséquent, par la compagnie Swissair de prononcer la liquidation de cette compagnie, en y intégrant divers éléments. Les long-courriers affrétés par Balair CTA seront assurés, désormais, par Swissair et les court et moyen-courriers le seront par Crossair. Je peux vous indiquer, puisque cette donnée est publique, que je me suis opposé à cette décision, lourde de conséquences, au conseil d'administration de Swissair.

En effet, ces conséquences sont de deux ordres. Elles concernent, tout d'abord, le sort réservé aux cent trente-cinq employés de Balair CTA. Nous travaillons pour faire en sorte que la plupart de ces employés retrouvent du travail, soit auprès du groupe Swissair - à Genève, à Zurich ou à Bâle - soit auprès de la compagnie Crossair à Genève.

Pourquoi dois-je parler du développement de la compagnie Crossair à Genève ? La décision d'intégrer Balair CTA dans Swissair pour les long-courriers et Crossair pour les court et moyen-courriers va engendrer un développement important de Crossair à Genève. En effet, les vols d'avions d'une capacité maximale de cent places seront désormais traités exclusivement par Crossair. Nous travaillons donc, avec la direction de Crossair, pour que ce développement, en termes d'emploi, soit le plus important possible.

Sur la base des premières indications à notre disposition, en termes d'emploi, on pourrait retrouver des chiffres au moins équivalents à ceux dont nous disposions au préalable avec Balair CTA. Evidemment, le problème vient du fait que certains emplois sont différents et qu'effectivement un certain nombre de personnes vont se trouver en difficulté. Je puis vous dire à cet égard, Monsieur le député, que notre Conseil travaille dur pour que la situation de ces personnes soit, si possible, sauvegardée et qu'elles retrouvent un travail à la mesure de leurs compétences dans le groupe Swissair ou auprès d'autres compagnies.

La deuxième conséquence très importante de cette décision - à mes yeux, dommageable pour Genève - est la suivante : Swissair ayant décidé de faire opérer tous les vols d'avions d'une capacité maximale de cent places par Crossair, cela entraîne la disparition des Fokker 100, avions jusqu'ici gérés par Swissair. En outre, vous savez que Crossair possède d'autres types d'appareils, en particulier le Jumbolino, dont la capacité est à peu près équivalente. Il est clair que Crossair ne va pas opérer avec des Fokker 100, qu'elle n'a pas l'habitude de gérer. Elle va donc augmenter sa flotte de Jumbolino.

La conséquence grave pour Genève est que le centre technique Swissair, à Genève, qui avait la spécialité de la maintenance des Fokker 100, va être mis à mal. Le centre technique de Swissair représente actuellement deux cent huit emplois, dont cent sont concernés par la disparition à terme - ce sera pour août 1996 - des Fokker 100.

Des contacts ont été pris, car nous entendons défendre chèrement la place de ces collaborateurs, qui sont des gens spécialisés, compétents, motivés, et qui sont difficiles à replacer eu égard à leur spécialisation. J'ai eu des discussions, tant avec la direction générale de Swissair qu'avec la direction générale de Crossair, pour créer à nouveau à Genève une base d'entretien «Crossair» pour les Jumbolino et «Swissair» pour les avions nécessitant une maintenance, en raison de rotations. Une telle base nous permettra de sauvegarder un maximum d'emplois.

Pour ma part, je crois au potentiel technique du groupe Swissair à Genève. Je souhaite vivement que ce potentiel ne soit pas démantelé, parce que le personnel technique du groupe Swissair à Genève est compétent et motivé. Je me suis rendu sur place pendant leur service de nuit de façon à voir concrètement ce qu'il en était sur le terrain. Les coûts de production dans le groupe Swissair, ramenés au prix horaire, sont moins chers qu'à Zurich et nous entendons nous battre pour conserver le maximum d'emplois possible à Genève.

J'ai l'intention de maintenir le plus d'emplois possible, non seulement en raison des qualifications techniques qui sont regroupées - ce sont des emplois industriels auxquels nous tenons - mais également parce que la disparition d'une base d'entretien, à terme, aura nécessairement des conséquences néfastes sur la desserte, ce que nous voulons éviter.

Vous voyez donc, Monsieur le député, que nous sommes prêts à accepter cette motion et à vous rendre compte, par l'établissement d'un rapport, des travaux entrepris. D'ailleurs, tout au long de ce mois de mai, nous aurons plusieurs contacts avec le groupe Swissair. Genève entend très clairement défendre la carte d'un service technique «Swissair» digne de ce nom. Genève entend défendre la carte du développement de Crossair à Genève, en remplacement de la compagnie Balair CTA.

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

 la décision de Swissair de mettre fin aux activités de la compagnie CTA,

invite le Conseil d'Etat

 à faire rapport sur la disparition de la société CTA et sur les démarches qu'il a entreprises pour sauver cette compagnie;

 à faire rapport sur le sort des employés de la CTA.