République et canton de Genève

Grand Conseil

R 283
15. Proposition de résolution de Mmes et MM. Elisabeth Reusse-Decrey, Geneviève Mottet-Durand, Roger Beer, Bernard Clerc, Pierre Marti et Gabrielle Maulini-Dreyfus concernant l'exonération du paiement de la TVA pour les oeuvres d'entraide. ( )R283

EXPOSÉ DES MOTIFS

La Suisse a introduit la TVA le 1er janvier de cette année. Les services sociaux privés qui s'autofinancent partiellement par le ramassage et la vente d'objets usagés ont longtemps pensé qu'ils seraient exemptés de ce nouvel impôt. Ce n'est qu'à la fin de l'année dernière qu'ils ont appris que leurs activités «commerciales» seraient soumises à la TVA.

Des démarches ont été entreprises par ces associations sociales auprès des services de la Confédération, des parlementaires fédéraux sont également intervenus. Mais, à ce jour, ces requêtes n'ont pas abouti.

A Genève ce sont principalement Caritas, le Centre social protestant, Emmaüs et l'Armée du salut, qui devront payer la TVA sur leurs activités de brocante.

Le travail social réalisé par ces associations ne poursuivant pas de but lucratif sont connus et appréciés de la population et constituent un maillon important de la politique sociale de notre canton. Toutes ces associations sont reconnues d'utilité publique et sont exemptées d'impôts cantonaux, communaux et de l'impôt fédéral direct.

Il faut relever que les activités de récupération pratiquées par ces associations leur permettent de récolter des fonds et d'autofinancer ainsi une partie de leurs activités sociales, ce qui diminue d'autant les subventions versées par le canton. De plus, en prolongeant la durée de vie des objets ramassés et remis dans le circuit, elles contribuent à la protection de l'environnement et luttent contre le gaspillage tout en permettant à des personnes de condition modeste de s'habiller et de se meubler à des prix particulièrement modiques. Cette activité «commerciale» n'est donc que la poursuite, sous une autre forme, de leur action sociale.

La volonté de garder des prix extrêmement bas rend difficile le report total de la TVA sur le prix de vente des objets. Ces augmentations seraient contraires aux objectifs sociaux poursuivis par ces associations.

Le montant de la TVA représenterait pour ces associations des dizaines de milliers de francs qui manqueraient à leur budget et entraînerait probablement une demande d'augmentation des subventions cantonales ou une diminution des prestations sociales offertes à population. Ces dernières devraient être assumées par les services officiels et financées par le budget de l'Etat.

Conclusion

Compte tenu de ce qui précède et notamment du fait que ces associations utilisent la totalité des «bénéfices» réalisés par la vente d'objets usagés pour financer leurs activités sociales, nous estimons nécessaires que notre Grand Conseil demande aux autorités fédérales de renoncer à soumettre à la TVA les associations sociales ne poursuivant pas un but lucratif.

Nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à accueillir favorablement cette résolution et à l'adresser directement aux autorités fédérales.

Débat

M. Pierre Marti (PDC). Certes, l'introduction de la TVA pose de nombreux problèmes à tout un chacun, tant sur le plan technique que financier. Nous nous apercevons que de nombreuses aberrations apparaissent dans son application, par exemple, la taxation des transports publics. Mais il est plus grave, et encore plus ridicule, de taxer les ventes d'objets et de vêtements usagers des associations caritatives déjà fiscalement touchées une première fois par l'Icha. L'exposé des motifs vous donne de façon exhaustive toutes les raisons de cette proposition de résolution, mais permettez-moi de souligner quelques détails.

Tout d'abord, en plus de Caritas, du CSP, d'Emmaüs et de l'Armée du Salut est également touchée la Croix-Rouge. Il faut savoir que les revenus provenant de la vente de ces objets sont d'une grande importance dans le budget de ces oeuvres caritatives pour leurs activités sociales. Devoir hausser les prix par l'application de la TVA, c'est augmenter d'autant le prix de vente de ces objets, ce qui est totalement contraire aux objectifs sociaux poursuivis par ces associations. Ainsi, en gardant des prix extrêmement bas, le report de la TVA est très difficile, voire impossible. Cela conduit à une diminution des recettes, au moment même où les subventions diminuent, ainsi que les dons et les legs. De plus, cela intervient au pire moment. Les demandes d'aide et de prestations sont de plus en plus importantes dans la période difficile que nous traversons et qui touche en priorité les plus démunis qui ont un urgent besoin du soutien de ces oeuvres caritatives.

Cette ponction fiscale devra-t-elle être compensée par de nouvelles subventions de l'Etat ? J'en doute fort, cela est aberrant, absurde et ridicule. L'introduction de la TVA dans ce domaine de la vente d'objets usagers vient à l'encontre de la pratique de l'exonération fiscale de toutes ces associations reconnues d'utilité publique. Je voudrais dire que, s'il est vrai que l'on peut fustiger la recherche tous azimuts de quelques deniers par M. Stich pour la Confédération, permettez-moi de profiter de cette occasion pour m'adresser également au Conseil d'Etat en lui disant qu'il n'y a pas lieu de suivre l'exemple de M. Stich et de faire les fonds de tiroir.

En effet, l'office des poursuites a décidé que les renseignements fournis gratuitement au CSP et à Caritas dans le cadre de leur programme d'aide au désendettement seraient désormais taxés de 21 F par cas. Pour le CSP, la facture s'élèvera entre 2 500 et 3 000 F, alors que pour Caritas c'est une somme de plus de 5 000 F qu'elle devra trouver encore dans des legs ou des dons. Ainsi, je vous demande expressément de voter unanimement cette résolution, en espérant que notre initiative servira d'exemple et sera reprise par les Grands Conseils des autres cantons.

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat, bien que cela soit un peu inhabituel s'agissant d'une démarche du Grand Conseil auprès de l'autorité fédérale, soutient cette résolution. Il le fait pour plusieurs raisons. D'une part, nous avons le sentiment que les oeuvres d'entraide, à certains égards, peuvent se sentir flouées par l'ordonnance qui, mise en application, les assujettit à la TVA alors que toute la procédure de consultation précédant la votation populaire portait sur un avant-projet d'ordonnance qui les en exonérait. Dans la votation populaire, un certain nombre d'oeuvres d'entraide ont estimé pouvoir apporter leur contribution au débat constatant que, selon la pratique usuelle, elles seraient effectivement exonérées.

Une question ordinaire a été posée au Conseil national, à M. Stich, conseiller fédéral, et celui-ci a répondu par la négative avec des arguments qui, relevant pour l'essentiel de la conception de l'égalité de traitement, ne nous semblent pas pertinents au cas en question. Les Chambres fédérales, par ailleurs, ont saisi le Conseil fédéral d'une motion. Le Conseil fédéral ne s'est pas encore déterminé sur ce projet de motion, nous aurons probablement un débat lors de la prochaine session sur ce sujet. C'est dire que tout appui cantonal est à cet égard le bienvenu dès lors qu'il est lui-même l'émanation des soucis des organisations, des oeuvres d'entraide qui vivent concrètement les problèmes sur le terrain.

Le Conseil d'Etat est donc parfaitement d'accord avec cette résolution et il s'engage à la porter à la connaissance du Conseil fédéral.

Mise aux voix, cette résolution est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

rÉsolution

concernant l'exonération du paiement de la TVA pour les oeuvres d'entraide

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

 que les activités sociales réalisées par des associations sans but lucratif constituent un élément indispensable à la politique sociale de notre canton;

 que plusieurs de ces associations s'autofinancent partiellement par le ramassage et la vente d'objets usagés;

 que cette activité diminue de manière notable les subventions versées à ces associations et contribue à la protection de l'environnement en prolongeant la durée de vie des objets ramassés tout en permettant à des personnes de condition modeste de se meubler et de s'habiller à des prix particulièrement intéressants;

 que, depuis le 1er janvier l995, cette activité est soumise à la TVA, ce qui pose des problèmes financiers importants à ces associations,

invite les autorités fédérales

à exonérer du paiement de la TVA les activités de revente d'objets usagés effectuées pas les associations sociales ne poursuivant pas un but lucratif.

 

La séance est levée à 19 h 5.