République et canton de Genève

Grand Conseil

I 1910
18. Interpellation de Mme Elisabeth Reusse-Decrey : Une nouvelle prison à Genève. ( )I1910

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Mon interpellation s'adresse à M. Ramseyer.

La presse alémanique a signalé, dernièrement et très discrètement, un projet d'aménagement de quarante-cinq places de détention dans le centre d'enregistrement de requérants d'asile à Bâle; cela, bien évidemment, en cas d'acceptation de la loi sur les mesures de contrainte que nous espérons voir rejetée par le peuple le 4 décembre.

Il n'y a pas de raison de penser qu'il n'en sera pas de même au centre d'enregistrement de Genève si la loi est acceptée. D'ailleurs, déjà aujourd'hui, on peut observer que les personnes qui y séjournent ne jouissent pas de leur liberté de mouvement, dans la mesure où elles ne peuvent sortir sans autorisation. Celle-ci peut être acceptée ou refusée, même sans motif, et elle doit être sollicitée au moins une demi-journée à l'avance. D'une façon générale, au surplus, les requérants ne peuvent quitter le CERA entre 17 h 45 et 9 h le matin. Cette situation s'apparente donc tout à fait à une forme de semi-détention.

Dès lors, mes questions sont les suivantes :

1) Est-il conforme au droit que des personnes soient privées de leur liberté par une instance fédérale sur le territoire du canton de Genève, mais en dehors de tout contrôle d'une juridiction genevoise ?

2) Si c'est le cas, quelle en est la base légale ?

3) Si ça n'est pas le cas, quel contrôle le Conseil d'Etat entend-il exercer sur le fonctionnement du CERA ?

4) Si des discussions sont en cours en vue d'installer au CERA de véritables cellules destinées à la détention de personnes qui seront renvoyées sous la contrainte, quelle est position du Conseil d'Etat ?

M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. J'aurais souhaité recevoir ces questions à l'avance pour pouvoir me préparer. Imaginant que vous alliez évoquer les problèmes du CERA, je peux néanmoins vous apporter quelques éléments de réponse.

S'agissant de l'installation au CERA de cellules destinées à la détention de personnes renvoyées sous la contrainte, je vous informe qu'aucune discussion n'est en cours à ce sujet et que le Conseil d'Etat n'a pas l'intention d'adresser une requête dans ce sens à l'autorité fédérale.

Vous demandez quelle en est la base légale. Une éventuelle transformation d'une partie du CERA en un lieu de détention ne pourrait procéder que d'une demande cantonale, voire intercantonale. Les nouvelles dispositions de contrainte dans le droit des étrangers donnent, en effet, à la seule autorité cantonale la compétence d'ordonner la détention d'un étranger pendant la préparation de la décision sur son droit de séjour ou lorsqu'une décision de renvoi en première instance a été notifiée. Une détention préventive ordonnée par l'autorité fédérale au CERA ne reposerait donc sur aucune base légale.

La question de la relation entre la Confédération et le territoire cantonal s'est également posée, et mes services ont d'ores et déjà rédigé la réponse suivante : actuellement, l'autorité fédérale, l'ODE, décide de l'internement sur territoire cantonal d'un étranger qui ne peut être refoulé. Lorsqu'il menace sérieusement l'ordre et la sécurité publics, les nouvelles mesures de contrainte ne prévoient plus cette faculté. En remplacement, le nouveau droit donne à l'autorité cantonale la compétence d'assigner un étranger dans un lieu de séjour déterminé et d'ordonner sa mise en détention s'il ne se conforme pas à la décision prise.

Vous parlez de semi-détention au CERA; c'est une appellation que je ne partage pas. L'administration d'une structure d'accueil et d'hébergement collective, les repas à heures fixes et le fait que les requérants doivent être à la disposition de l'autorité fédérale pour être contrôlés et pour qu'il puisse être procédé à leur audition d'enregistrement, rendent indispensable de subordonner la sortie du bâtiment à une autorisation. Le centre est fermé la nuit, car seul un personnel réduit assure la surveillance des locaux. Au surplus, le séjour au CERA pourrait certainement être moins long s'il n'y avait pas autant de demandes abusives, car la procédure en serait accélérée d'autant. A toutes fins utiles, je rappelle encore que le dépôt d'une demande d'asile se fait sur une base volontaire.

Pour terminer, permettez-moi de relever que certains milieux s'offusquent du fait que des requérants d'asile sans papiers sont laissés à la rue par le CERA. Il faudrait alors savoir si l'on veut des requérants d'asile à l'intérieur ou à l'extérieur du bâtiment ! C'est la réponse que je pouvais apporter à votre question.

J'ajoute, Madame la députée, que si je n'ai pas répondu complètement à votre question, puisque j'en prends note à l'instant, je vous serai reconnaissant de bien vouloir me la transmettre pour que je puisse vous répondre plus complètement lors de la prochaine séance.

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Visiblement, on continue à se moquer du travail des députés !

Un député a le droit de poser une question sous forme d'interpellation. En général, il est assez correct pour transmettre son texte à l'avance au Conseil d'Etat, pour ne pas le surprendre. Monsieur Ramseyer, je vous ai donné mon texte écrit intégralement à la dernière séance du Grand Conseil et, au surplus, votre collaborateur, M. Riat, craignant que vous n'ayez égaré ce texte, me l'a redemandé. Je le lui ai fourni la semaine dernière. C'est donc en double exemplaire que vous avez eu le texte de mes questions ! Je ne sais pas ce qui se passe dans vos tiroirs, car beaucoup de motions sont traitées avec retard, mais, apparemment, les interpellations se perdent aussi !

Vous prétendez qu'il n'y a pas de détention au CERA. Il est vrai qu'un certain nombre de règles doivent être pratiquées dans un logement collectif destiné à des personnes qui ne connaissent pour la plupart pas notre ville ni notre langue. Il n'en reste pas moins que je pourrais vous citer pas mal d'exemples intéressants, dont celui d'une femme enceinte qui, à deux semaines de son accouchement, souhaitait dormir ailleurs que dans un lieu bruyant et enfumé comme le CERA. Elle avait trouvé un lieu d'accueil, mais on lui a interdit d'aller dormir ailleurs. J'appelle ça de la détention, et rien d'autre, Monsieur Ramseyer !

Cette interpellation est close.