République et canton de Genève

Grand Conseil

M 857-A
18. Rapport de la commission des affaires sociales chargée d'étudier la proposition de motion de Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus concernant un centre de consultation LAVI. ( -) M857
Mémorial 1993 : Développée, 2487. Commission, 2492.
Rapport de Mme Anne Chevalley (L), commission des affaires sociales

En préambule, il est nécessaire de rappeler que la loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions (LAVI), entrée en vigueur le 1er janvier 1993, fait suite à l'approbation par notre pays de la Convention européenne relative au dédommagement des victimes d'infractions violentes.

Cette loi, dont le but fondamental est d'apporter une aide efficace aux victimes d'infractions et à renforcer leurs droits, comporte trois objectifs distincts:

1 les conseils et assistance aux victimes (section 2, art. 3);

2 la protection de la victime et la sauvegarde de ses droits dans la procédure pénale (section 3, art. 5);

3 l'indemnisation et la réparation morale (section 4, art. 11).

L'application de cette loi confie un certain nombre de tâches à notre canton. Le Conseil d'Etat a donc élaboré deux projets de loi distincts, l'un modifiant le code de procédure pénale qui a été renvoyé à la commission judiciaire et accepté par notre Grand Conseil le 18 novembre 1992. Le second proposait l'ouverture d'un crédit de subventionnement destiné à la mise en place et au fonctionnement 1993 du dispositif cantonal d'application de la LAVI, c'est-à-dire de donner au Conseil d'Etat les moyens de créer les structures de mise en application de la loi.

La commission judiciaire, avec préavis favorable néanmoins assorti d'une lettre de son président relatant un certain nombre de remarques et recommandations qui illustrent le souci des commissaires de ne pas engager le canton dans des dépenses trop importantes, soumit cette demande de subventionnement à la commission des finances qui fut désignée comme rapporteur du projet de loi.

Or, les travaux de la commission des finances ont abouti à une recommandation de rejet de ce subventionnement, rejet confirmé par notre Parlement ce même 18 novembre.

Tout en étant conscient de l'obligation faite à notre canton de concrétiser l'ordonnance fédérale d'une part et de son bien-fondé d'autre part, l'argumentation présentée à l'appui de cette demande de subventionnement a paru particulièrement lacunaire, notamment par rapport aux informations sur ce qu'ont entrepris les autres cantons, sur les structures existantes à Genève et sur les efforts de coordination entrepris pour limiter les coûts. De plus, l'ordonnance fédérale d'application n'avait pas encore été publiée.

La somme de 1'000'000 F demandée a paru excessive, nonobstant l'aide financière de la Confédération basée sur l'indice de capacité financière des cantons dont on sait ce qu'elle comporte pour Genève! D'une part, ce chiffre est basé sur des estimations très aléatoires et d'autre part ce crédit de subventionnement ne figurait pas au budget 1993.

Comme plusieurs commissaires l'ont pertinemment relevé en séance plénière, Genève n'a pas à figurer toujours dans le peloton de tête des cantons en matière de prestations sociales. Ses finances sont obérées et il est indispensable d'explorer, dans le cadre de nos obligations, tous les moyens de les réaliser à moindres frais.

A cet égard, il est intéressant de relever que l'article 3, section 2, de la loi fédérale précise que les cantons veillent à ce qu'il y ait des centres de consultation de caractère privé ou public, autonomes dans leur secteur d'activité, ce qui laisse une grande latitude d'organisation.

Il est indéniable que Genève a le devoir de respecter la législation fédérale; c'est la raison pour laquelle la proposition de motion 857, qui fait suite au refus du crédit de subventionnement, a été renvoyée à la commission des affaires sociales, qui seule est à même de revoir des estimations peu crédibles et d'apporter les compléments d'informations nécessaires pour une prise de décision de notre Parlement.

Travaux de la commission

La commission s'est réunie le 11 mai 1993 sous la présidence de M. Philippe Schaller.

Le chef du département de la prévoyance et de la santé publique, M. Guy-Olivier Segond, ainsi que M. Albert Rodrik, directeur de cabinet, assistèrent à la séance.

Postérieurement au 18 novembre 1992, date du refus du projet de loi 6908, un certain nombre de renseignements et de documents sont parvenus au département, ce qui prouve que le Conseil d'Etat a fait preuve d'une précipitation inutile dans l'élaboration du PL 6908. Les documents sont:

 l'ordonnance fédérale d'application du 18 novembre 1992;

 le commentaire concernant cette ordonnance, daté du 20 novembre;

 un questionnaire élaboré par le groupe intercantonal d'application LAVI.

M. M. G.-O. Segond commenta brièvement ces documents et informa la commission que le Conseil d'Etat a entrepris l'élaboration d'un nouveau projet de loi concernant la création du centre de consultation et l'indemnisation des victimes.

Ce projet prévoit l'installation du centre dans des locaux de l'Union chrétienne des jeunes gens à la Jonction; ce lieu est particulièrement judicieux puisqu'à proximité immédiate des quartiers généraux de la police. Il sera ouvert 24 h sur 24 h, tous les jours; un crédit de 300'000 F sera demandé, soit exactement la moitié de celui figurant dans le projet rejeté !

Les instances d'indemnisation seront traitées conformément à une procédure simplifiée, actuellement à l'étude. Un seul juge est prévu, femme de préférence, compte tenu de la nature des plaintes. Ce juge devrait être assisté de deux personnes, l'une issue du milieu social, l'autre du secteur des assurances et l'instance serait rattachée à l'Hospice général.

Quelques commissaires se demandent si la création de ce centre est vraiment indispensable, compte tenu du nombre d'organisations de soutien que compte Genève, telles, par exemple, SOS femmes battues, SOS enfants en détresse, La Main Tendue, etc.

M. M. G.-O. Segond insiste sur la nécessité de disposer d'un centre d'accueil pour les victimes de viols et d'agressions. Ces dernières se trouvent tellement choquées qu'elles ne savent à qui s'adresser, si ce n'est à la police qui saura les diriger sur le centre où elles trouveront tout le soutien et les conseils nécessaires.

Suite aux réponses et explications données aux nombreuses questions des commissaires, notamment quant au choix de l'Hospice général comme instance d'indemnisation, M. Segond explique que ces indemnisations ne seront pas toujours versées à la suite d'un procès et que, précisément, cette institution, de par ses activités, est la mieux à même de les fixer.

Le rapporteur ayant reçu au cours du mois d'août l'état au mois de mai 1993 des mesures prises dans les autres cantons, peut souligner ici que la plupart en sont encore à examiner la nécessité de créer un centre ad hoc, à attendre de connaître «les expériences des autres», mais disposent actuellement d'organisations diverses émanant des services sociaux, qui, provisoirement, remplissent les obligations découlant de la LAVI. Les petits cantons éprouvent des difficultés à s'aligner avec la loi fédérale, notamment en ce qui concerne une permanence 24 h sur 24 h; certains se sont groupés, notamment les deux Appenzell avec St-Gall, les deux Bâle, etc. Tous assument ou prévoient d'assumer le financement par le biais de leur budget respectif.

Au vu des explications qui précèdent et du sentiment d'avoir été entendue, notamment en ce qui concerne les efforts de coordination, la commission, à l'unanimité, vous invite à renvoyer la motion 857 au Conseil d'Etat.

Débat

M. Anne Chevalley (L) (L), rapporteuse. Vous allez être appelés à vous prononcer sur le projet de loi 7022 du Conseil d'Etat qui demande l'octroi d'une subvention annuelle de 300 000 F pour la création d'un centre de consultation LAVI. En clair, pour les non-initiés, il s'agit de la loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions dont notre parlement a déjà débattu au mois de novembre dernier. L'exposé des motifs de ce projet de loi ne le précisant pas, je rappelle que la motion qui nous occupe et le projet de loi font suite au refus opposé par notre parlement à la demande de subvention d'un million de francs sur préavis négatif de la commission des finances. Ce refus s'expliquait par le peu d'informations données à l'appui de cette demande et, notamment, parce qu'à l'époque l'ordonnance fédérale d'application de la LAVI n'avait pas encore été publiée.

La motion 857, déposée par notre collègue Mme Maulini-Dreyfus, renvoyée à la commission des affaires sociales, a permis l'étude approfondie de la demande sur la base des documents et informations reçus du chef du département de la prévoyance sociale. Je ne reviens pas sur les raisons pour lesquelles la commission a approuvé à l'unanimité le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat, elles sont exposées dans mon rapport. J'aimerais seulement souligner combien le rejet de la première demande aura été salutaire pour nos finances publiques.

En conclusion, je vous demande d'accepter le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat et d'accepter également - là, j'anticipe - le renvoi du projet de loi 7022 à la commission des affaires sociales.

Mme Monique Vali (PDC). Effectivement, le 12 novembre dernier, quelques-uns d'entre nous avaient eu une saine colère vis-à-vis de ce crédit d'un million de francs qui nous était demandé. Grâce à la motion de Mme Maulini-Dreyfus, on a effectivement un nouveau projet de loi qui a subi une forte cure d'amaigrissement. Toutefois, je connais la sagesse de la commission des finances et je lui laisserai le soin d'apprécier si l'effort est suffisant ou s'il est encore possible de faire mieux.

M. Anne Chevalley (L) (L), rapporteuse. C'est par erreur que j'ai demandé le renvoi du projet de loi à la commission des affaires sociales ; c'est, bien entendu, à la commission des finances, puisqu'il s'agit d'une subvention.

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue:

MOTION

concernant un centre de consultation LAVI

LE GRAND CONSEIL,

considérant

 que la loi fédérale d'aide aux victimes d'infractions (LAVI) prévoit à l'article 3 l'existence de centre de consultation pour une aide immédiate et à long terme;

 que la LAVI prévoit que les centres doivent être accessibles 24 h sur 24;

 que le canton de Genève remplit à lui seul le critère de population prévue pour un centre;

 qu'il existe nombre d'institutions et d'associations oeuvrant dans le sens de l'aide prévue par la LAVI;

 que toutes les victimes LAVI ne sont pas concernées par une procédure pénale;

 que le législateur cantonal prévoit de référer les victimes à un centre;

 que le Grand Conseil a refusé le projet de loi du Conseil d'Etat,

invite le Conseil d'Etat

à soumettre au Grand Conseil un nouveau projet de loi organisant les structures d'aide existantes, en les complétant dans le but de répondre à la législation fédérale LAVI.