République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 12685
Projet de loi du Conseil d'Etat sur l'aide financière extraordinaire de l'Etat destinée aux cadres avec fonction dirigeante dans le cadre de la crise sanitaire du coronavirus (COVID-19)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session I des 11 et 12 mai 2020.

Premier débat

Le président. C'est maintenant le tour du PL 12685, que nous traiterons en catégorie II, trente minutes, et la parole va à M. le député Jean Burgermeister. Monsieur le député, vous avez la parole.

M. Jean Burgermeister (EAG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, avec ce projet de loi, il faut encore une fois constater que l'Etat agit très rapidement pour venir en aide aux dirigeants, à ceux qui occupent des fonctions dirigeantes au sein des entreprises, alors que rien - ou très peu - n'est pour l'instant prévu pour les travailleuses et les travailleurs qui ont été privés complètement de leur revenu. On sait qu'il y a une détresse sociale très importante et grandissante à laquelle ni le gouvernement ni ce Grand Conseil n'ont pour l'heure apporté de réponses, fussent-elles parcellaires.

Je pense qu'il est important, au-delà des projets de lois déposés par tel ou tel conseiller d'Etat, que ce parlement puisse avoir une réflexion sur une sortie de crise prenant en compte les besoins de l'ensemble de la population et non de secteurs restreints comme c'est le cas avec ce texte. Raison pour laquelle Ensemble à Gauche vous propose le renvoi à la commission de l'économie afin que nous puissions vraiment déterminer les contours de cet objet, ma foi peu clairs. Il faut par ailleurs préciser que ce renvoi n'empêcherait pas le Conseil d'Etat de faire ces dépenses puisqu'il s'agit de crédits urgents; le gouvernement a donc l'autorisation de les faire.

Si ce Grand Conseil veut véritablement jouer son rôle de surveillant et de législateur, il doit se donner les moyens d'étudier un tout petit peu sérieusement ce genre de projet de loi, sachant que celui-ci a été abordé au pas de course à la commission des finances. Pour la commission de l'économie, ce serait aussi l'occasion de déterminer l'ensemble des besoins de la population et de pouvoir définir les priorités et les montants nécessaires. Le renvoi aiderait par ailleurs notre parlement dans ses travaux puisque nous avons ce soir une longue liste d'urgences que nous n'arriverons pas à traiter entièrement si nous ouvrons le débat. Je vous propose donc, Mesdames et Messieurs, de voter en faveur d'un renvoi à la commission de l'économie.

Le président. Merci, monsieur le député. Nous avons pris note de votre demande, sur laquelle nous voterons à l'issue du premier débat. Monsieur le député Stéphane Florey, vous avez la parole.

M. Stéphane Florey (UDC). Monsieur le président, à la lecture de ce projet de loi, j'ai principalement deux questions. La première s'adresse à M. le conseiller d'Etat et est la même que précédemment - à laquelle vous n'avez sauf erreur pas répondu, Monsieur: comment est assuré le financement ? Il me semble que vous n'avez pas répondu à cette question tout à l'heure.

Mais ce qui me surprend le plus dans ce texte, c'est que l'article 3, lettre a, mentionne «le conjoint ou le partenaire enregistré de l'employeur, occupé dans l'entreprise de celui-ci» et on peut lire plus bas qu'il pourrait bénéficier d'un complément de 3320 francs. J'ai franchement de la peine à comprendre: s'il est employé de l'entreprise, que ce soit ou non le conjoint de l'employeur, il ou elle peut le cas échéant bénéficier du chômage partiel, comme certains l'ont fait, ou de la RHT. Mais je ne vois pas pourquoi le conjoint devrait simplement bénéficier du chômage partiel par rapport à un couple qui ne serait pas propriétaire de l'entreprise. Il me semble qu'il y a vraiment là une inégalité de traitement vis-à-vis des conjoints, vis-à-vis de leur situation familiale.

Il y a encore une remarque que je tiens à faire, et elle vaut pour l'ensemble des projets de lois. Vous avez mentionné dans un débat précédent la simplicité des procédures administratives; je m'inscris en faux contre cette déclaration. Je connais au moins trois cas qui ont été baladés de service en service - il faut rappeler, il faut renvoyer tel ou tel document. Le pire, c'est qu'à chaque fois que vous demandez quelque chose et qu'on sollicite une information complémentaire, vous ne devez pas compléter la demande: vous devez fournir chaque fois l'entier du dossier ! Franchement, si ça c'est de la simplicité administrative, j'aimerais vraiment qu'on m'explique ! Je vous remercie.

M. Thomas Wenger (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, le groupe socialiste soutiendra ce projet de loi et le soutiendra ce soir, car il est important de prendre des mesures urgentes pour aider sur le plan social, comme ça a par exemple été fait pour les loyers, mais également pour soulager nos petites et moyennes entreprises. Nous ne voterons donc pas le renvoi en commission et nous sommes pour voter cet objet ce soir.

Que demande ce texte ? Il demande de soutenir les salariés qui sont cadres dirigeants de leur petite ou moyenne entreprise, de leur société, et qui, avec les mesures du Conseil fédéral, reçoivent aujourd'hui un montant forfaitaire de 3320 francs. L'idée de ce projet de loi est d'augmenter ce montant avec une indemnité complémentaire de 2560 francs maximum pour que ces personnes arrivent à un revenu de 5580 francs; on aurait ainsi une égalité de traitement avec les indépendants.

Les socialistes soutiendront bien entendu cette mesure, mais ils demandent au gouvernement de prendre également ses responsabilités et d'en adopter d'autres, destinées notamment à l'économie domestique. On sait que des négociations sont en cours et on se réjouit de voir rapidement prises des mesures pour l'économie domestique aussi efficaces que pour les PME. J'ajouterai peut-être que cette demande a été faite au travers d'une motion au Conseil national; si celui-ci l'a acceptée, le Conseil des Etats l'a malheureusement refusée et elle est donc enterrée. Berne n'a pas voté cette indemnité complémentaire et le canton doit par conséquent prendre ses responsabilités; c'est pour cela que le groupe socialiste soutiendra ce projet de loi.

M. Yvan Zweifel (PLR). J'aimerais rebondir d'abord sur les propos de M. Burgermeister, qui nous expliquait que l'on fait tout pour les patrons d'entreprise et moins pour les employés. Ce projet de loi démontre exactement le contraire ! Une entreprise en difficulté, par exemple à cause de la crise sanitaire actuelle, a aujourd'hui la possibilité de faire appel au chômage partiel - la fameuse RHT. Comment est-ce que ça fonctionne ? C'est dans le fond assez simple: en premier lieu, les employés acceptent ce système de chômage partiel. Ils ne travaillent pas mais reçoivent 80% de leur salaire en cotisant toutefois aux charges sociales sur 100% du salaire, comme d'ailleurs le patron pour la part patronale, en échange de quoi, l'entreprise reçoit le 80% en indemnités de la part des caisses de chômage.

Il se trouve que, en temps normal, le patron qui est propriétaire de son entreprise - on parle donc d'une personne morale, d'une SA ou d'une Sàrl - n'a pas droit à la RHT pour une raison extrêmement simple: le risque entrepreneurial. Cela part de l'idée que si son entreprise va mal, c'est peut-être parce qu'il n'a pas pris les bonnes options d'un point de vue économique. Tout le monde sera d'accord de dire que, dans la crise que nous connaissons, il ne s'agit pas d'un risque entrepreneurial; il était dès lors logique de donner également la possibilité au patron salarié de son entreprise, qu'il s'agisse d'une SA ou d'une Sàrl, de participer lui aussi au système de la RHT. Ce d'autant que, étant salarié de l'entreprise, il cotise à l'assurance-chômage - jusqu'à un plafond de 12 350 francs par mois ou 148 200 francs par année. S'il gagne plus que cela, il cotise même à l'assurance-chômage solidarité, à laquelle il n'aura par définition jamais droit puisqu'elle est précisément solidaire.

Le conjoint du patron, s'il est également salarié de l'entreprise, inscrit à l'AVS, n'a pas non plus droit à la RHT en temps normal. Ici, c'est un cas exceptionnel et c'est pourquoi il y aurait droit. Le problème, c'est qu'on a décidé de plafonner cela à 4150 francs, c'est-à-dire à 80% de 4150 francs - les fameux 3320 francs - pour le patron ou pour son conjoint. Un patron recevrait donc moins que ses employés, en l'occurrence. Dans un cas extrême, on pourrait même parler d'un cadre dirigeant, ni actionnaire ni propriétaire de l'entreprise, payé 12 350 francs: il toucherait 80% de ce montant, soit 9880 francs, tandis que son patron propriétaire ne recevrait, lui, que 3320 francs.

Le but avec cet objet, M. Wenger l'a très bien expliqué, est de mettre sur un pied d'égalité le patron d'une SA ou d'une Sàrl employé de son entreprise et le patron indépendant qui en raison individuelle a un plafond de 5880 francs. C'est une mise à niveau, à égalité, du patron, quelle que soit la forme juridique de son entreprise; il sera toujours moins payé que l'immense majorité de ses employés et en particulier des cadres dirigeants. Ce projet de loi est nécessaire et le groupe PLR vous invite à le voter. Je vous remercie.

Mme Françoise Sapin (MCG). Dans le cadre de la crise actuelle, le MCG trouve encore une fois que ce projet de loi est une bonne chose. Effectivement, les préopinants l'ont relevé, si les PME qui ont dû arrêter leur activité ont pu mettre leur personnel en RHT - ce qui leur a permis de couvrir une partie des salaires qu'ils devaient payer - il reste que les patrons ou les cadres avec fonction dirigeante n'avaient pas droit, au départ, à une indemnité.

La Confédération a tout d'abord étendu l'aide aux patrons pour 3320 francs, on l'a signalé, et l'Etat de Genève propose une aide supplémentaire à 2560 francs à travers ce projet de loi. Cette aide est bienvenue pour soutenir les petits patrons et les petites PME, et le MCG votera en faveur de ce texte. En ce qui concerne la demande d'Ensemble à Gauche, soit le renvoi à la commission de l'économie, je pense que ce n'est pas nécessaire: nous pouvons faire confiance au gouvernement. Dans la crise et l'état d'urgence actuels, il faut aller vite. Merci.

M. Jacques Blondin (PDC). Je remercie le Conseil d'Etat pour ce projet de loi: il ne fait que corriger une inégalité de traitement entre les différentes catégories de personnes qui travaillent dans les entreprises. Je veux bien admettre que c'est difficile pour beaucoup de catégoriser les collaborateurs et les dirigeants entre les APG et la RHT, de savoir qui a droit à quelque chose et à combien. Une chose est sûre: les personnes concernées, ce groupe avec 3320 francs par mois, étaient très clairement prétéritées par rapport à l'ensemble de l'économie. Il était par conséquent logique d'instaurer la parité avec ce que touchent les indépendants. Le parti démocrate-chrétien salue donc cet objet et le soutiendra bien évidemment sans réserve.

Vous avez remarqué que nous avons déposé un amendement. Pour que ce soit clair pour vous: il est explicitement indiqué, dans le descriptif du projet de loi, que la mesure peut éventuellement être reconductible. Nous partons quant à nous du principe qu'il serait bon de préciser dans le texte de loi que celle-ci devrait être appliquée durant au moins deux mois. Merci.

Une voix. Bravo !

M. Pierre Eckert (Ve). Autant j'étais convaincu par le projet de loi précédent, autant ça fait quelques jours que j'essaie de comprendre celui-ci: il est relativement complexe. Des soutiens fédéraux et cantonaux ont été mis en place et je ne vois pas très bien à quel emplacement du puzzle on doit insérer ce texte. On ne possède finalement que peu d'informations sur le bilan du soutien fédéral qui a été mis en place et va dans la même direction, tout comme sur les entreprises qui sont réellement bénéficiaires de cette opération. Nous aurions donc largement préféré pouvoir examiner ce projet de loi en commission. Si toutefois l'urgence absolue de voter cet objet aujourd'hui et non au début du mois de juin nous est démontrée, nous entrerons volontiers en matière.

Nous comprenons que ce texte concerne les patrons des très petites entreprises éventuellement constituées en SA ou en Sàrl, dont les conjoints ou associés ne sont pas considérés comme employés et n'ont donc pas droit aux indemnités liées à la réduction de l'horaire de travail. Le problème a déjà été traité au niveau fédéral, on l'a dit, et partiellement réglé par une ordonnance sur les mesures en lien avec le coronavirus dans le domaine de l'assurance-chômage, qui fixe un montant forfaitaire de 3320 francs pour les personnes concernées.

Le projet de loi qui nous occupe augmenterait donc cette somme à 5580 francs, ce qui correspond à ce que touchent les indépendants. Nous estimons que ce montant est nécessaire aux très petites entreprises, non seulement pour assurer un salaire décent à la personne concernée, mais aussi pour éviter des faillites en cascade. Pour les entreprises plus grosses qui pourraient bénéficier de ce type de mesure, nous demeurons un peu plus dubitatifs. Pour être sûrs de faire le nécessaire, nous soutiendrons ce projet de loi mais restons ouverts à des amendements qui pourraient l'améliorer. Si le danger n'est pas excessif, nous pourrions également soutenir le renvoi en commission. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Christo Ivanov pour trente secondes.

M. Christo Ivanov (UDC). Merci, Monsieur le président, j'essaierai d'être bref. Monsieur le magistrat, je souhaiterais que vous puissiez faire une analyse, car je pense que nous avons besoin de clarté dans ce dossier. En effet, on a parlé de plafond minimum à 3320 francs; celui-ci serait augmenté de 2560 francs, à 5800 francs, afin que ceux qui n'ont théoriquement pas droit à l'assurance-chômage bien qu'ils cotisent aient un plafond de 5580 francs, alors que le plafond du salaire de référence est de l'ordre de 12 350 francs. Je vous demande, Monsieur le magistrat, de bien vouloir éclairer notre lanterne. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député François Baertschi pour une minute cinquante.

M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président, je vais essayer d'être bref. Je voudrais juste indiquer que j'ai déposé des amendements concernant les compétences du Conseil d'Etat en la matière. Ces amendements ressemblent à ceux que j'ai déposés pour d'autres projets de lois et je vous remercie de les accepter.

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Thomas Bläsi, vous n'avez plus de temps de parole. La parole est à M. le conseiller d'Etat Pierre Maudet.

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Merci, Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le président, merci de me passer la parole. Pas mal de questions reviennent sur ce projet de loi, des questions de fond mais aussi des questions concernant plus la forme. La matière est complexe, je vous le concède volontiers. Cet acronyme de la RHT qui s'est rendu populaire ces dernières semaines a bien sûr trait au chômage partiel. Cette mesure permet à l'Etat - l'Etat au sens large: on parle évidemment avant tout de la Confédération, même si nous vous proposons ce soir un complément cantonal - de compenser une perte de revenu. Il s'agit en quelque sorte d'injecter des liquidités pour que celles et ceux qui assument des responsabilités dans le monde du travail, en particulier ici des entrepreneurs, puissent passer le trou d'air sans trop de difficultés. Les règles sont bien précises et fixent à 80% du revenu le montant auquel on a droit, pour autant que l'on ait cotisé.

Ce dont il est question ce soir avec cette proposition, ce n'est pas de combler le trou d'air pour les salariés: ça, c'est établi et j'aimerais dire, notamment aux bancs de gauche, que le système fonctionne et qu'il fonctionne bien - il permet même d'aller jusqu'au salaire de référence de quelque 12 000 francs indiqué à l'instant par M. Ivanov. Il s'agit ici de répondre à la problématique des entrepreneurs, qui se répartissent grosso modo en deux catégories.

Les entrepreneurs en nom propre sont indépendants: là, la Confédération a un peu ouvert sa bourse, desserré légèrement ses cordons dans un premier temps puis plus largement dans un deuxième temps, considérant que celles et ceux qui ont une activité indépendante mais ont subi de façon indirecte la crise du coronavirus devaient aussi être éligibles à cette aide. Et je réponds ici au député Ivanov: cette aide pour les indépendants, sous l'angle des allocations de perte de gain, constituée pour cette occasion sur le modèle coronavirus, se monte au maximum à 5880 francs. C'est précisément ce plafond-là que nous avons retenu comme référence pour des entrepreneurs qui font finalement un peu le même travail, mais qui le font dans le cadre d'une société, une Sàrl ou une SA. Ils ont de surcroît cotisé, mais sans avoir droit au plafond prévu par la RHT; par souci d'égalité de traitement, ils devraient bénéficier de la même somme - 5880 francs - que les indépendants qui, eux, ont des APG. Il y a donc deux systèmes différents - RHT et APG - mais un plafond unique, similaire, de 5880 francs.

Précisons également que ce complément cantonal n'est pas automatique, Mesdames et Messieurs les députés: il faudra le demander. Et je réponds ici à M. Florey: la demande est très simple puisqu'il y a un seul formulaire à remplir. Ce ne sont pas des piles de papiers mais un formulaire qui est basé, et c'est peut-être là votre préoccupation, sur une première décision de l'autorité cantonale en matière de RHT. Il est vrai que vous devez annoncer votre entreprise et votre demande de chômage partiel à l'office cantonal de l'emploi - je salue la performance de cet office, placé sous l'autorité de mon collègue Mauro Poggia, qui a réalisé le traitement de plus de 13 000 dossiers pour, tenez-vous bien, Mesdames et Messieurs, les quelque 150 000 personnes qui sont aujourd'hui au bénéfice de ces mesures de chômage partiel dans notre canton.

Presque la moitié des travailleuses et des travailleurs salariés de notre canton sont aujourd'hui au bénéfice de la RHT ! Au niveau suisse, c'est un peu plus d'un tiers - un très gros tiers; c'est énorme, c'est évidemment du jamais vu. Nous sommes conscients qu'il a pu y avoir, dans ce contexte-là, des retards, des difficultés de traitement, des choses assurément à améliorer le moment venu. Mais assurer dans des temps aussi courts le versement de ce substitut de revenu à hauteur de 80% est une véritable performance - il suffit de se comparer à quelques pays voisins. Voilà donc le pourquoi de ce montant, voilà le pourquoi de ce dispositif.

Je me dispense de revenir sur ce qu'a dit tout à l'heure le député Zweifel, qui répondait ainsi à votre question sur les conjoints. J'aimerais en revanche attirer votre attention, à travers ce projet de loi, sur la dimension très concrète et l'importance d'octroyer cette somme en urgence. De qui parle-t-on ? Eh bien par exemple du garagiste, qui a mis ses employés en RHT: ceux-ci touchent un revenu de l'ordre de 5000 francs et pourront recevoir 80% de ce montant, alors que le garagiste lui-même est aujourd'hui à 3320 francs. Cela pose évidemment un problème d'égalité de traitement, mais aussi de signal par rapport à l'entrepreneur, qui prend le risque. On répète qu'il ne peut rien à cette situation sanitaire, absolument rien ! M. Zweifel avait raison de souligner tout à l'heure le fait que sa non-éligibilité au chômage au motif du risque de l'entrepreneur disparaît ici puisqu'il ne peut véritablement rien à cette situation - et notre garagiste aurait par conséquent ce complément.

Pour répondre à une autre de vos questions, c'est l'Etat qui, par une ligne budgétaire, va couvrir cette dépense; il est donc possible qu'un constat de déficit à la fin de l'année entraîne un recours à l'emprunt. A l'inverse du mécanisme précédent, Monsieur le député - il est vrai que j'ai omis de vous répondre là-dessus et je le fais très rapidement - dans le cas d'un prêt, comme on l'évoquait pour la Fondation d'aide aux entreprises ou pour la Fondation genevoise pour l'innovation technologique, nous avons non pas une inscription au budget de l'Etat mais au bilan, avec un risque dont on sait qu'une partie se réalisera peut-être, et cette partie sera constatée à la fin de l'année sur le bilan. Ici, on parle donc véritablement d'une mesure budgétaire; c'est du reste ce qui explique le propos tout à l'heure de M. Burgermeister sur le fait qu'un crédit extraordinaire pour ces 14 millions est déjà passé devant la commission des finances, crédit couplé au projet de loi qui vous est proposé.

Mais c'est important de dire oui ce soir ! Pourquoi est-ce important, Mesdames et Messieurs ? Parce que, au-delà du signal à celles et ceux qui constituent le tissu de notre économie, à ces petits patrons - encore une fois, je n'aime pas cette expression parce qu'ils sont loin d'être petits: ils sont grands par leur générosité, leur investissement, le temps qu'ils investissent dans leur entreprise - c'est vers eux que nous allons nous tourner, notamment ces prochaines semaines. Ainsi, ma collègue chargée du DIP et moi leur demanderons de garder leurs apprentis et peut-être même d'ouvrir de nouvelles places d'apprentissage. Ce sont ces entreprises-là qui doivent recevoir ce signe; ce sont ces entrepreneurs, ces femmes et ces hommes qui concrétisent cet esprit d'entreprise, qu'il s'agit de soutenir. Et à travers ce complément - je rappelle que c'est bien un complément, et donc un élément qui vient se greffer sur une première décision prise par les autorités cantonales et est versé ensuite par la caisse de chômage - nous donnerons ce signal extrêmement important.

Je conclus en vous précisant que d'autres cantons, tel le Valais, ont pris des décisions similaires et qu'on se limite ici à l'expression d'un soutien sur un mois, que l'on a chiffré, je vous le concède volontiers, de façon relativement aléatoire. Nous avons environ 6000 Sàrl et un millier de SA sur le canton; toutes ne sont pas éligibles. Certaines traverseront la crise sans trop de difficultés et l'appréciation que j'ai pu détailler en commission porte donc sur une indemnité de 14 millions pour un mois. Si d'aventure vous deviez faire droit à des amendements - nous y reviendrons tout à l'heure - cela provoquerait une multiplication de l'aide en question. Je vous remercie de votre attention et je vous remercie surtout de faire bon accueil à cette proposition du Conseil d'Etat.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je vais clore le premier débat en faisant voter tout d'abord sur la demande de M. Burgermeister, à savoir le renvoi à la commission de l'économie.

Mis aux voix, le renvoi du projet de loi 12685 à la commission de l'économie est rejeté par 70 non contre 14 oui et 5 abstentions.

Mis aux voix, le projet de loi 12685 est adopté en premier débat par 82 oui contre 10 non.

Deuxième débat

Le président. La parole est demandée par M. Jean Burgermeister. Je vous donne la parole pour une minute, Monsieur le député.

M. Jean Burgermeister (EAG). Je vous remercie, Monsieur le président. Je voudrais juste répondre à quelques interventions et exprimer le regret que ma demande de renvoi en commission n'ait pas été suivie. Réellement, ce parlement a renoncé à faire un travail sérieux sur cette crise... (Protestations.) ...et on l'a vu avec plusieurs interventions: le sujet de ce projet de loi n'a visiblement pas été très bien compris. (Protestations.) Mais j'aimerais quand même signaler que nous parlons ici de personnes qui perçoivent déjà une indemnité fixée par les ordonnances fédérales.

On peut certes la juger insuffisante, mais certaines catégories de la population ne perçoivent tout simplement plus de revenu, plus aucun ! On peut parler de l'économie domestique, des faux indépendants, de certains milieux culturels, des sans-papiers aussi - des personnes non régularisées - qui ont perdu du jour au lendemain leur revenu et n'ont pas droit au chômage. Ces gens-là se retrouvent dans une situation de détresse absolument extraordinaire et, pour beaucoup, le problème n'est pas l'insuffisance des ordonnances de la Confédération mais leur absence totale. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Et je regrette pour le coup l'inégalité de traitement - pour reprendre une formule qui est revenue plusieurs fois lors de ce débat - entre certaines catégories de la population: le Conseil d'Etat n'a jusqu'alors simplement pas présenté de solution pour certaines, alors qu'il s'empresse ici de présenter des compléments aux ordonnances fédérales, c'est-à-dire des compléments pour des personnes qui perçoivent déjà...

Le président. C'est terminé, Monsieur le député.

M. Jean Burgermeister. ...une aide. C'est le sens du refus d'Ensemble à Gauche; il déplore qu'il y ait deux poids, deux mesures.

Le président. Nous continuons le deuxième débat.

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Le président. Nous sommes saisis d'un amendement à l'article 1. (Un instant s'écoule.) Monsieur le député Christian Bavarel, je vous donne la parole.

M. Christian Bavarel (Ve). Merci, Monsieur le président. Je suis surpris d'entendre qu'Ensemble à Gauche pense qu'une indemnité chômage de 5800 francs est le maximum qu'on doit demander dans ce canton. Je rejoins le fait qu'il est dommageable et déplorable que le personnel domestique et d'autres n'aient pas d'assurance sociale, mais dire que l'indemnité maximum devrait être de 5800 francs dans ce canton me choque. Il est assez surprenant d'entendre que c'est le niveau auquel vous pensez que les indemnités chômage doivent être versées ! Oui, vous avez droit, quel que soit votre statut, à une protection dans une situation particulière comme celle-ci. Et puis l'employé a droit à ses indemnités chômage quand il cotise; il est assez logique que l'employé responsable, propriétaire de l'entreprise, y ait droit aussi. Merci.

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Très brièvement, pour rassurer les députés qui se sont exprimés précédemment: nous n'oublierons personne ! S'agissant de l'économie domestique, s'agissant de certains travailleurs et travailleuses qui sont dans des configurations où l'on mélange du temps de travail de courte durée, du travail indépendant, du travail salarié, nous avons fait des propositions et discuté au sein du Conseil d'Etat de différentes mesures possibles. Nous reviendrons, je pense, à brève échéance pour ces catégories-là. Ici - M. Bavarel vient de le dire avec beaucoup de bon sens - il s'agit quand même d'une catégorie bien particulière qui subit très clairement une inégalité de traitement.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. La parole est demandée par M. Cyril Mizrahi; je la lui donne pour une minute.

M. Cyril Mizrahi (S). Merci beaucoup, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues, Monsieur le conseiller d'Etat, si je me réjouis de savoir que l'exécutif travaille sur de nouvelles mesures pour les catégories mentionnées par M. Burgermeister, le refus de ce projet de loi, dans le fond, n'arrangerait pas la situation de ces personnes.

J'invite simplement... Je l'ai déjà un petit peu dit hier lors du débat sur l'article 113: il est quand même un peu paradoxal qu'on ait pu avoir, pour le travail rétrospectif, une présentation et une étude complètes en commission, avec un travail conséquent fait notamment par M. Mangilli, directeur des affaires juridiques, qui a accompagné nos travaux et transmis nos questions à l'administration, etc. S'agissant des projets de lois qui sont présentés et votés sur le siège... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Je vais conclure, Monsieur le président. ...c'est quand même un peu paradoxal: le traitement est intégralement fait en plénière et de manière vraiment très rapide et peu approfondie. Dans ce sens-là, je pourrais comprendre l'idée d'un renvoi en commission, mais je trouverais par contre un peu curieux de ne renvoyer que ce texte-là. On a fait comme ça pour les objets qu'on a traités aujourd'hui, mais j'invite le Conseil d'Etat à venir nous présenter les suivants même si la commission n'est pas encore complètement saisie...

Le président. Merci, Monsieur le député.

M. Cyril Mizrahi. Je finis, Monsieur le président.

Le président. C'est terminé.

M. Cyril Mizrahi. ...à venir nous les présenter en commission pour qu'on ne soit pas...

Le président. C'est terminé !

M. Cyril Mizrahi. ...pour qu'on n'arrive pas au plénum sans aucune préparation. Merci.

Le président. Nous continuons le deuxième débat: nous en étions à l'article 1. Nous sommes saisis d'un amendement de M. Baertschi que je vous lis:

«Art. 1 Objet et but (nouvelle teneur)

La présente loi régit l'aide financière extraordinaire apportée par l'Etat de Genève aux cadres avec fonction dirigeante dans le contexte des mesures de soutien à l'économie en lien avec la crise sanitaire du coronavirus (COVID-19) ayant entraîné une paralysie du système économique.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 67 oui contre 12 non et 6 abstentions.

Mis aux voix, l'art. 1 ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, l'art. 2 est adopté, de même que les art. 3 et 4.

Le président. A l'article 5, alinéa 2, nous sommes saisis d'un autre amendement de M. François Baertschi. Je vous le lis:

«Art. 5, al. 2 (nouvelle teneur)

2 Sur la base de ces documents et du formulaire mis à disposition par l'Etat de Genève, celui-ci constate les conditions dans lesquelles l'indemnité forfaitaire de 3320 francs a été versée et procède à l'indemnisation complémentaire. Il informe par écrit le requérant.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 78 oui contre 1 non et 9 abstentions.

Le président. Au même article, nous sommes saisis d'un amendement de MM. Jacques Blondin et Jean-Luc Forni:

«Art. 5, al. 3 (nouveau)

3 La procédure peut être renouvelée le mois suivant sur demande du bénéficiaire et autorisation du département. Le renouvellement s'appuie sur les documents et le formulaire précédemment fournis, au sens de l'article 5, alinéa 1 de la présente loi.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 74 oui contre 8 non et 5 abstentions.

Mis aux voix, l'art. 5 ainsi amendé est adopté.

Le président. M. François Baertschi a déposé un amendement à l'article 6, que je vous lis:

«Art. 6 Voies de recours (nouvelle teneur)

Les démarches entreprises par l'Etat ne peuvent faire l'objet d'aucun recours.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 66 oui contre 15 non et 7 abstentions.

Mis aux voix, l'art. 6 ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, l'art. 7 est adopté.

Le président. Nous sommes saisis d'un dernier amendement de M. François Baertschi à l'article 8:

«Art. 8 Compétence (nouvelle teneur)

Le Conseil d'Etat est responsable de la mise en oeuvre de la présente loi.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 76 oui contre 6 non et 6 abstentions.

Mis aux voix, l'art. 8 ainsi amendé est adopté.

Le président. Nous nous prononçons à présent sur l'article 9 «Clause d'urgence». Je rappelle que selon l'article 142 de la LRGC, pour être adoptée, la clause d'urgence doit être votée par le Grand Conseil à la majorité des deux tiers des voix exprimées, les abstentions n'étant pas prises en considération, mais au moins à la majorité de ses membres.

Mis aux voix, l'art. 9 est adopté par 80 oui contre 8 non et 2 abstentions (majorité des deux tiers atteinte).

Troisième débat

Mise aux voix, la loi 12685 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 79 oui contre 7 non et 3 abstentions.

Loi 12685